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Chapitre V
Introduction
La pragmatique linguistique pour Ducrot, ne tient plus à «ce que l’on fait en parlant,
mais de ce que la parole, d’après l’énoncé lui-même, est censée faire » (Ducrot, O. 1984 :
174).
Ducrot caractérise l’acte de parole comme étant un besoin et comme ayant un but, cela
veut dire qu’on ne parle jamais sans être motivé par quelque chose ni sans vouloir obtenir
quelque chose.
« L’acte de prendre la parole n’est en effet ni un acte libre, ni un acte gratuit, il n’est pas libre, en
ce sens que certaines conditions doivent être remplies pour qu’on ait le droit de parler, et de parler de telle
ou telle façon, il n’est pas gratuit, en ce sens que toute parole doit se présenter comme motivée, comme
répondant à certains besoins ou visant à certaines fins. » (Ducrot, O., Op.cit. : 08)
parler implicitement c'est amener quelqu'un à penser quelque chose, ce quelque chose est
présent dans l'énoncé dit d'une manière ou d'une autre. »
Selon Ducrot, parler explicitement revient à trouver les mots adéquats pour dire tout
ce qu'on a envie de dire sans dévier le sens de l’énoncé, contrairement à l’implicite qui
révèle une partie du message mais laisse une autre sous-jacente aux soins de l'interlocuteur
afin qu'il la décode.
I.1. Présupposé
D’un point de vue morphologique, le terme "présupposé" est comparable à d’autres
termes comme prédéterminé, précuire, prédisposition, etc. où le préfixe "pré" est associé à un
mot, permettant de lui assigner l’idée d’un état, d’une action antérieure ou simplement de ce
qui est "avant".
Pour expliciter ce que nous venons de dire, prenons les exemples ci-dessous :
= Posé : Jean n’utilise plus de fauteuil roulant /Présupposé : Jean utilisait un fauteuil
roulant avant
Le sens immédiat de l’énoncé (1) est «Jean n’utilise plus de fauteuil roulant» ; c’est
l’information principale du message délivré par le locuteur. Elle correspond donc à ce qu’on
appelle le posé du contenu de l’énoncé. C’est ce confirme Ducrot (1984 : 20) dans ces propos
« le posé est ce que j’affirme en tant que locuteur » et « […] se présente comme simultané à
l’acte de communication, comme apparaissant pour la première fois, dans l’acte de
communication, au moment de cet acte ».
Mais énoncer « Jean n’utilise plus de fauteuil roulant » c’est assurer de l’utilisation
d’un fauteuil roulant par Jean à une date récente, ou "antérieure" qui correspond au sens
donné par cet énoncé «Jean utilisait un fauteuil roulant auparavant ». Or ce sens n’est pas
directement formulé par l’énoncé mais vient d’une opération de déduction qui est l’inférence.
En effet, «Jean utilisait un fauteuil roulant auparavant » est inféré de «Jean s’est
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passé de son fauteuil roulant » à partir de la connaissance que l’interlocuteur a du code (le
français). Grâce à cette connaissance, il sait que « ne plus faire une chose » est non
seulement l’annonce de la cessation de cette chose mais aussi un aveu que cette chose se
faisait par le passé. Ce deuxième sens "caché" ou non offert sous forme de signes à lire
(ou à entendre) qu’on appelle le présupposé. A ce propos Ducrot (1972 : 05) dit qu’« à
côté de ce que pose un énoncé, il faut noter tout ce qu’il présuppose, les représentations
auxquelles il se réfère sans les affirmer, tout le contexte intellectuel dans lequel il place de
force l’interlocuteur ». Il (1984 : 29-21) rajoute que « le présupposé est […] commun aux
deux personnages du dialogue, comme l’objet d’une complicité fondamentale qui lie entre
eux les participants à l’acte de communication » et qui « essaie toujours de se situer dans
un passé de la connaissance, éventuellement fictif, auquel le locuteur fait semblant de se
référer ». Ainsi dans « Jean s’est passé de son fauteuil roulant », on ne peut inférer le sens
«Jean n’utilise plus de fauteuil roulant » sans passer par la reconnaissance préalable de
l’énoncé : Jean se servait de fauteuil roulant auparavant. Il en va de même pour l’énoncé (2)
« Philipe a cessé de boire ». Philipe ne boit plus signifie ce qui est une reconnaissance de ce
que Philipe buvait auparavant.
Les exemples ci-dessus montrent bien l’une des caractéristiques fondamentales
du contenu présupposé : son affiliation indissociable à l’énoncé lui-même et aux
différentes procédures d’inférence. Ducrot (1984 : 25) affirme que « la détection des
présupposés n’est pas liée à une réflexion individuelle des sujets parlants, mais […] elle est
inscrite dans la langue ». En effet, le présupposé étant « attaché à l’énoncé lui-même »
ainsi qu’ « aux phénomènes syntaxiques les plus généraux », il relève intrinsèquement de
la langue. La présupposition est donc « partie intégrante du sens des énoncés » (1984 :
44).
Entrent donc, dans cette catégorie (les présuppositions), toutes les informations que le
message peut convertir sans être ouvertement énoncées, mais elles sont entraînées par la
formulation linguistique de l'énoncé dans lequel elles se trouvent intrinsèquement inscrites,
quelle que soit la spécificité du cadre énonciatif. Le présupposé est inscrit dans le code, c'est
à partir de l'organisation linguistique de l'énoncé que nous pouvons arriver au sens sous-
jacent, quelque soit le contexte d'apparition du message. Donc le sens implicite dans le cas
des présupposés est indépendant du contexte, il est lié au Code.
La deuxième caractéristique des présupposés est qu’ils peuvent subir avec succès le
test de négation et d’interrogation par la préservation ou conservation de leur contenu
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Les présupposés sont vraies, irréfutables, indiscutables (elles ne peuvent pas être
discutées sans que le locuteur ne soit entraîné dans une polémique):
Exemple:
Notre ville, qui a été conduite six ans par des incapables, a besoin d'un nouveau maire.
Commentaire:
L'interlocuteur est en proie à un dilemme : ou bien il « laisse passer » et il accepte la
présupposition: Notre ville a été conduite par des incapables (qui n'a pas été explicite, mais
introduite à l'aide d'une subordonné relative, elle n'étant pas l'objet du discours), ou bien il
s'y oppose. Dans ce dernier cas, il a la chance d’entrer dans une polémique infinie, et on
pourrait l'accuser d'avoir changé de sujet.
Présupposition /énoncé
Dire qu'un énoncé implique un autre signifie que la vérité du premier entraîne la vérité
du second et la vérité de ce dernier est une précondition de la vérité du premier.
La présupposition doit être vraie, pour que l’énoncé soit vrai lui aussi.
- Tous les chats de Jean font la sieste
Présuppose J. a des chats;
- Yves regrette d'avoir cassé la patte de son chat
Présuppose Y a cassé la patte de son chat;
- Même Albert a apprécié la pièce
Présuppose Tout le monde a apprécié la pièce.
Présupposition /énonciateur
Aussi si l'on examine l'implication de l'énonciateur dans son discours, on dira que le
sujet énonciateur est entièrement responsable de son énoncé et ne peut pas nier le
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présupposé.
Usages de la présupposition
Deux usages de la présupposition : un usage économique…
1. J’ai assisté hier au mariage du fils d’une amie. Figure-toi que la mariée a changé d’avis
à la dernière minute et n’a pas voulu dire oui. (Économie)
J’ai une amie, elle a un fils, et ce fils s’est marié hier. J’ai assisté au mariage. Figure-toi que
la mariée a changé d’avis à la dernière minute et n’a pas voulu dire oui.
Et un usage rhétorique.
1. Je regrette de ne pas pouvoir vous aider.
2. Je ne peux pas vous aider et je le regrette.
- Les conditionnels contrefactuels. Ex. : Si Jean avait épousé Marie, sa vie aurait été tout
autre.
- Les subordonnées temporelles. Ex. : Avant que Jean arrive, la fête était terminée.
- Des items lexicaux comme étudiante.
- Les pseudo-clivées. Ex. : Celui qui est venu, c'est Jean.
- Les quantifieurs. Ex. : Tous les hommes sont grands.
- Des items lexicaux ou des constructions syntaxiques
- Des contenus très variables : présupposition d'existence, présupposition d'unicité,
présupposition d’un événement…
Pour résumer, il faut noter que le posé d’un énoncé est le contenu du message délivré
en principale intention de communication ; c’est l’information donnée prioritairement à
l’interlocuteur. Le présupposé, lui, est le contenu second ou dérivé de l’information
principale suivant un processus inférentiel à partir des mots et leur syntaxe.
I.2. Sous-entendu
1
Les exemples tirés du cours de Beyssade : http://beyssade.free.fr/TLchargeables/Prag-HO4-5.pdf
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Exemple1 :
Exemple 3 :
A : Est-ce que Paul a passé l’examen ?
B : Le professeur a été de mauvaise humeur
Commentaire:
- le sens de la réplique de B se fait voir à travers les connaissances communes sur les
circonstances de l’examen, la conduite de Paul, la disposition du professeur (qui lui a
fait, éventuellement, recaler l’examen).
- le statut du dire est celui qui indique comment faut-il comprendre la réponse sous-
entendue de B.
- B laisse entendre, par son énonciation, que le professeur n’a pas été de bonne
humeur : - une implication pragmatique.
- l’énonciation débouche non pas sur ce qui est dit mais sur le fait de le dire, sur
l’événement concret de la production d’un énoncé - événement porteur d’implicite.
- Le sous-entendu - le résultat du composant rhétorique qui a pour rôle de combler les
vides de la signification grâce aux données de la situation (contexte extra-
linguistique).
Exemple 4 :
Il fait beau aujourd'hui, mais j'ai mal aux pieds
Pour le locuteur, le fait qu'il fasse beau devrait entraîner une certaine conclusion, qui est
opposée avec son mal aux pieds:
- Il fait beau ® conséquence
- J'ai mal aux pieds ® conséquence opposée
Si la situation n'est pas prise en compte, ces deux conséquences restent indéterminées.
Quand elle est prise en compte, on obtient, par exemple:
- Il fait beau ® je vais sortir; tout va bien; ça va durer mais
- j'ai mal aux pieds ® je reste là; l'orage arrive
« Une […] origine possible au besoin implicite tient au fait que toute affirmation explicitée devient,
par cela même, un thème de discussion possible. Tout ce qui est dit peut être contredit, de sorte qu'on ne
saurait annoncer une opinion ou un désir sans les désigner du même coup aux objections éventuelles des
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interlocuteurs comme il a été souvent remarqué, la formulation d'une idée est la première étape et décisive
vers sa mise en question. Il est donc nécessaire à toutes croyances fondamentales, qu'il s'agisse d'une idéologie
sociale ou d'un parti pris personnel, de trouver si elle s'exprime un moyen d'expression qui ne l'étale pas, qui
n'on fasse pas un objet assignable et donc contestable. » (Ibid. : 06)
Il est également question ici de garder une image positive de soi et éviter tous
reproches. « Le problème général de l'implicite est de savoir comment on peut dire quelque
chose sans accepter pour autant la responsabilité de l'avoir dit, ce qui revient à bénéficier à
la fois de l’efficacité de la parole et de l'innocence du silence ». (Ibid. : 12)
Outre les censures et les raisons de convenance, l’implicite est employé pour
démasquer les tabous : le sexe, la mort, se vanter soi-même, injurier l'interlocuteur, accuser,
menacer, etc.
Sur le plan esthétique, l'implicite est une condition indispensable dans le
fonctionnement des tropes: « il est dans la définition même de l'homme de lier les objets
entre eux, il est donc dans la définition de l'homme de faire des tropes » (Todorov).
Le langage est parfois impuissant d'exprimer en termes explicites l'ineffable de
l'expérience humaine ;
« De la musique avant toute chose; pas la couleur, rien que la nuance » (Verlaine);
« Obscurité, tu seras dorénavant, pour moi, la vraie lumière » (Gide);
« Parler n'a trait à la réalité des choses que commercialement: en littérature, cela se
contente d'y faire une allusion (...) Nommer un objet, c'est supprimer les trois quarts de la
jouissance du poème qui est faite pour deviner peu à peu: le suggérer, voilà le rêve »
(Mallarmé)
Ouvrages
Ducrot, O, Logique, structure, énonciation : lecture sur le langage, Minuit, Paris, 1989.
Article
Cours
Diaporama :
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