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TD3 PRAGMATIQUE MASTERII SL DEPARTEMENT DE FRANÇAIS

Chapitre V

Théorie de l’implicite selon Oswald Ducrot

Introduction

 Sens littéral ≠ sens enrichi • sens littéral + les sous-entendus

Cette robe te va très bien. C’est fou ce qu’elle t’amincit !

 Sens littéral + règle d’usage :

a. Jean et Marie ont deux enfants. (Deux exactement)

b. Jean a insulté la maîtresse et il a été renvoyé. (Relation de cause à effet)

 Sens littéral + sens expressif

Jean a fini par éteindre cette foutue radio.

Sens explicite ≠ sens implicite

Un énoncé a un sens littéral résultant des choix lexicaux et de l’organisation syntaxique


à l’écrit et de l’intonation à l’oral, indépendant de toute situation d’énonciation (sémantique).

I. L’implicite selon Ducrot

La pragmatique linguistique pour Ducrot, ne tient plus à «ce que l’on fait en parlant,
mais de ce que la parole, d’après l’énoncé lui-même, est censée faire » (Ducrot, O. 1984 :
174).
Ducrot caractérise l’acte de parole comme étant un besoin et comme ayant un but, cela
veut dire qu’on ne parle jamais sans être motivé par quelque chose ni sans vouloir obtenir
quelque chose.

« L’acte de prendre la parole n’est en effet ni un acte libre, ni un acte gratuit, il n’est pas libre, en
ce sens que certaines conditions doivent être remplies pour qu’on ait le droit de parler, et de parler de telle
ou telle façon, il n’est pas gratuit, en ce sens que toute parole doit se présenter comme motivée, comme
répondant à certains besoins ou visant à certaines fins. » (Ducrot, O., Op.cit. : 08)

Pour ce faire, deux procédés se présentent au locuteur : l’explicite et l’implicite.


Ducrot (Ibid. : 173) les définit ainsi : « Parler explicitement, c'est "to tell something",
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parler implicitement c'est amener quelqu'un à penser quelque chose, ce quelque chose est
présent dans l'énoncé dit d'une manière ou d'une autre. »
Selon Ducrot, parler explicitement revient à trouver les mots adéquats pour dire tout
ce qu'on a envie de dire sans dévier le sens de l’énoncé, contrairement à l’implicite qui
révèle une partie du message mais laisse une autre sous-jacente aux soins de l'interlocuteur
afin qu'il la décode.

L’implicite se présente dans l'énoncé sous forme de présuppositions ou de sous-


entendus.

I.1. Présupposé
D’un point de vue morphologique, le terme "présupposé" est comparable à d’autres
termes comme prédéterminé, précuire, prédisposition, etc. où le préfixe "pré" est associé à un
mot, permettant de lui assigner l’idée d’un état, d’une action antérieure ou simplement de ce
qui est "avant".

Pour expliciter ce que nous venons de dire, prenons les exemples ci-dessous :

1- Jean s’est passé de son fauteuil roulant

= Posé : Jean n’utilise plus de fauteuil roulant /Présupposé : Jean utilisait un fauteuil
roulant avant

2. Philipe a cessé de boire

= Philipe ne boit plus / Philipe buvait avant

Le sens immédiat de l’énoncé (1) est «Jean n’utilise plus de fauteuil roulant» ; c’est
l’information principale du message délivré par le locuteur. Elle correspond donc à ce qu’on
appelle le posé du contenu de l’énoncé. C’est ce confirme Ducrot (1984 : 20) dans ces propos
« le posé est ce que j’affirme en tant que locuteur » et « […] se présente comme simultané à
l’acte de communication, comme apparaissant pour la première fois, dans l’acte de
communication, au moment de cet acte ».

Mais énoncer « Jean n’utilise plus de fauteuil roulant » c’est assurer de l’utilisation
d’un fauteuil roulant par Jean à une date récente, ou "antérieure" qui correspond au sens
donné par cet énoncé «Jean utilisait un fauteuil roulant auparavant ». Or ce sens n’est pas
directement formulé par l’énoncé mais vient d’une opération de déduction qui est l’inférence.

En effet, «Jean utilisait un fauteuil roulant auparavant » est inféré de «Jean s’est
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passé de son fauteuil roulant » à partir de la connaissance que l’interlocuteur a du code (le
français). Grâce à cette connaissance, il sait que « ne plus faire une chose » est non
seulement l’annonce de la cessation de cette chose mais aussi un aveu que cette chose se
faisait par le passé. Ce deuxième sens "caché" ou non offert sous forme de signes à lire
(ou à entendre) qu’on appelle le présupposé. A ce propos Ducrot (1972 : 05) dit qu’« à
côté de ce que pose un énoncé, il faut noter tout ce qu’il présuppose, les représentations
auxquelles il se réfère sans les affirmer, tout le contexte intellectuel dans lequel il place de
force l’interlocuteur ». Il (1984 : 29-21) rajoute que « le présupposé est […] commun aux
deux personnages du dialogue, comme l’objet d’une complicité fondamentale qui lie entre
eux les participants à l’acte de communication » et qui « essaie toujours de se situer dans
un passé de la connaissance, éventuellement fictif, auquel le locuteur fait semblant de se
référer ». Ainsi dans « Jean s’est passé de son fauteuil roulant », on ne peut inférer le sens
«Jean n’utilise plus de fauteuil roulant » sans passer par la reconnaissance préalable de
l’énoncé : Jean se servait de fauteuil roulant auparavant. Il en va de même pour l’énoncé (2)
« Philipe a cessé de boire ». Philipe ne boit plus signifie ce qui est une reconnaissance de ce
que Philipe buvait auparavant.
Les exemples ci-dessus montrent bien l’une des caractéristiques fondamentales
du contenu présupposé : son affiliation indissociable à l’énoncé lui-même et aux
différentes procédures d’inférence. Ducrot (1984 : 25) affirme que « la détection des
présupposés n’est pas liée à une réflexion individuelle des sujets parlants, mais […] elle est
inscrite dans la langue ». En effet, le présupposé étant « attaché à l’énoncé lui-même »
ainsi qu’ « aux phénomènes syntaxiques les plus généraux », il relève intrinsèquement de
la langue. La présupposition est donc « partie intégrante du sens des énoncés » (1984 :
44).
Entrent donc, dans cette catégorie (les présuppositions), toutes les informations que le
message peut convertir sans être ouvertement énoncées, mais elles sont entraînées par la
formulation linguistique de l'énoncé dans lequel elles se trouvent intrinsèquement inscrites,
quelle que soit la spécificité du cadre énonciatif. Le présupposé est inscrit dans le code, c'est
à partir de l'organisation linguistique de l'énoncé que nous pouvons arriver au sens sous-
jacent, quelque soit le contexte d'apparition du message. Donc le sens implicite dans le cas
des présupposés est indépendant du contexte, il est lié au Code.

La deuxième caractéristique des présupposés est qu’ils peuvent subir avec succès le
test de négation et d’interrogation par la préservation ou conservation de leur contenu
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asserté (Le posé).


Pour l’énoncé (1) ce contenu est le fait que Jean utilisait un fauteuil roulant avant.
Selon Ducrot, « les présupposés d’une assertion sont conservés lorsque cette assertion est
transformée en négation ou en interrogation ». Ainsi, que ce soit « Jean utilise-t-elle toujours
/ encore le fauteuil roulant ? » ou Jean n’utilise plus le fauteuil roulant », l’invariant sémique
est que Jean utilisait un fauteuil roulant dans un passé récent.

D’autres caractéristiques de la présupposition

Les présupposés sont vraies, irréfutables, indiscutables (elles ne peuvent pas être
discutées sans que le locuteur ne soit entraîné dans une polémique):
Exemple:
Notre ville, qui a été conduite six ans par des incapables, a besoin d'un nouveau maire.
Commentaire:
L'interlocuteur est en proie à un dilemme : ou bien il « laisse passer » et il accepte la
présupposition: Notre ville a été conduite par des incapables (qui n'a pas été explicite, mais
introduite à l'aide d'une subordonné relative, elle n'étant pas l'objet du discours), ou bien il
s'y oppose. Dans ce dernier cas, il a la chance d’entrer dans une polémique infinie, et on
pourrait l'accuser d'avoir changé de sujet.

Présupposition /énoncé
Dire qu'un énoncé implique un autre signifie que la vérité du premier entraîne la vérité
du second et la vérité de ce dernier est une précondition de la vérité du premier.
La présupposition doit être vraie, pour que l’énoncé soit vrai lui aussi.
- Tous les chats de Jean font la sieste
Présuppose J. a des chats;
- Yves regrette d'avoir cassé la patte de son chat
Présuppose Y a cassé la patte de son chat;
- Même Albert a apprécié la pièce
Présuppose Tout le monde a apprécié la pièce.

Présupposition /énonciateur
Aussi si l'on examine l'implication de l'énonciateur dans son discours, on dira que le
sujet énonciateur est entièrement responsable de son énoncé et ne peut pas nier le
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présupposé.

Usages de la présupposition
Deux usages de la présupposition : un usage économique…

1. J’ai assisté hier au mariage du fils d’une amie. Figure-toi que la mariée a changé d’avis
à la dernière minute et n’a pas voulu dire oui. (Économie)
J’ai une amie, elle a un fils, et ce fils s’est marié hier. J’ai assisté au mariage. Figure-toi que
la mariée a changé d’avis à la dernière minute et n’a pas voulu dire oui.

Et un usage rhétorique.
1. Je regrette de ne pas pouvoir vous aider.
2. Je ne peux pas vous aider et je le regrette.

Supports linguistiques des présuppositions


1. Les groupes nominaux définis:
- Marie a épousé le riche homme d'affaire avec lequel elle est allée au bal
pp. : Marie existe, l'homme d'affaire existe ;
- Ana a embrassé son mari
pp : Ana est mariée ;
- Elle a perdu sa bague
pp : La bague existe ;
2. Les relatives et les adjectifs non restrictifs:
- Marie, qui a été très contente de son discours, a tiré les conclusions
pp : Marie est très contente de son discours ;
- La jolie fille s'est mariée
pp : La fille est jolie 
3. Les verbes transformatifs:
- Jean a cessé de fumer
pp : Jean fumait (auparavant) ;
- Aurélie s'est réveillée
pp : Aurélie dormait (auparavant) ;
4. Les verbes factifs:
Un verbe factif est un verbe qui présuppose la réalité de son complément.
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- Le petit Paul sait que les poissons vivent dans l’eau


pp : Les poissons vivent dans l’eau ;
- Je regrette d'avoir frappé Corinne
pp : J'ai frappé Corinne.
5. L’expression d’une action irréelle, hypothétique, du présent où du passé:
- Si tu étais venu à l'heure, nous aurions pu nous baigner
pp. Tu n'es pas venu à l'heure, nous ne nous sommes pas baignés.
6. Le comparatif:
- Pierre est aussi petit que Paul
pp : Paul est petit ;
- Pierre est encore plus grand que Paul
pp : Paul est grand ;
- Pierre aussi s'est baigné
pp : Pierre s'est baigné ;
7. De nouveau:
- Anne m'a de nouveau trompé
pp : Anne m'a déjà (au moins une fois) trompé ;
8. Des questions
- Ina a-t-elle commencé à travailler dans une banque?
pp : Ina cherchait à travailler dans une banque ;
- Quand Ina est-elle venue?
pp. : Ina est venue.
9. Des procédés de focalisation:
- C'est Anne qui m'a trompé
pp. : Quelqu'un m'a trompé ;
D’autres items présuppositionnels

- Les verbes implicatifs2, tel réussir


- Les verbes aspectuels, tels cesser de ou commencer à
- Certains adverbes additifs, tels aussi, ou à nouveau
- Les descriptions définies (Le roi de France)
- Les clivées (C'est Jean qui …)
- Les noms propres
- Les questions partielles (Qui est venu ?)
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- Les conditionnels contrefactuels. Ex. : Si Jean avait épousé Marie, sa vie aurait été tout
autre.
- Les subordonnées temporelles. Ex. : Avant que Jean arrive, la fête était terminée.
- Des items lexicaux comme étudiante.
- Les pseudo-clivées. Ex. : Celui qui est venu, c'est Jean.
- Les quantifieurs. Ex. : Tous les hommes sont grands.
- Des items lexicaux ou des constructions syntaxiques
- Des contenus très variables : présupposition d'existence, présupposition d'unicité,
présupposition d’un événement…

Pour résumer, il faut noter que le posé d’un énoncé est le contenu du message délivré
en principale intention de communication ; c’est l’information donnée prioritairement à
l’interlocuteur. Le présupposé, lui, est le contenu second ou dérivé de l’information
principale suivant un processus inférentiel à partir des mots et leur syntaxe.

La loi d’enchaînement (Ducrot, 1972, p. 81)1 (très simplifiée)


[...] lorsque A est enchaîné par une conjonction de coordination ou de subordination (en
exceptant et et si), ou par un lien logique implicite, à un autre énoncé B, le lien ainsi établi
entre A et B ne concerne jamais ce qui est présupposé, mais seulement ce qui est posé par
A et par B.
Jean ne prend plus de café au petit déjeuner,
Posé :Jean ne prend pas de café au petit déjeuner
Présupposé : Jean prenait du café au petit déjeuner
Si l’on fait suivre cet énoncé par parce que, ce dernier doit être lié au posé, il ne doit
expliquer que le posé :
a. Jean ne prend plus de café au petit déjeuner, parce que c’est mauvais pour son cœur.
A *Jean ne prend pas de café au petit déjeuner, parce que c’est mauvais pour son cœur.

I.2. Sous-entendu

Le Sous-entendu, n. m. Ce que l'on fait comprendre de façon implicite, ce que l'on


peut deviner dans un énoncé, mais qui n'est pas explicitement dit. Selon Ducrot (1989 :58),
c’est le fait « d'avancer quelque chose « sans le dire, tout en le disant». De ce fait, chaque

1
Les exemples tirés du cours de Beyssade : http://beyssade.free.fr/TLchargeables/Prag-HO4-5.pdf
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acte de parole sous-entend une interprétation.

Exemple1 :

1. Si Pierre vient, Jacques partira.


Cet énoncé sou- entend que : Si Pierre ne vient pas, Jacques ne partira pas.
Exemple 2 :
2. Si tu travailles bien, tu auras un cadeau (= Si tu ne travailles pas bien tu n’auras pas de
cadeau)
La signification assignée à cet énoncé est l’engagement, la promesse du locuteur à
récompenser un "bon travail". L’énoncé de cette promesse a le sens "parallèle" de « Si tu ne
travailles pas bien tu n’auras pas de cadeau ». S’il arrive que malgré le travail insuffisant de
celui à qui la promesse s’adresse, le locuteur lui offre quand même un cadeau en se justifiant
sur le caractère relatif de "travailler bien" ou d’un "bon travail".
Supposons qu’il s’agisse d’un élève ou d’un étudiant dont les notes antérieures
oscillaient entre 8 et 10. On sait que, dans la nomenclature des appréciations, les mentions
Passable, Assez Bien et Très Bien supposent par convention les notes respectives de 11 /20,
12- 13 /20 ; 14-15/20 et 16-17/20. L’auteur de la promesse de récompense sous réserve d’un
"bon travail" offre un cadeau à l’étudiant pour avoir réussi à porter des notes entre 10 et 12,
alors que pour son objecteur cette note peut paraître insuffisante pour mériter un cadeau, une
"bonne note" étant censée se situer entre 14 et 15. Autrement dit, l’auteur de la promesse
peut justifier de tenir sa promesse par le fait qu’un effort a été réalisé par l’étudiant, effort se
traduisant précisément par la majoration des notes qui oscillent désormais entre 10 et 12, ce
qui correspond à sa représentation de "bien travailler" ou d’un "bon travail." On voit bien à
travers cet exemple qu’il est dans la nature même du sous-entendu d’être susceptible de
discussion ou de polémique en toute bonne ou mauvaise foi.

Exemple 3 :
A : Est-ce que Paul a passé l’examen ?
B : Le professeur a été de mauvaise humeur

Commentaire:

Apparemment, la réponse B a un caractère non-informatif, non-pertinent par rapport à la


question de A.
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- le sens de la réplique de B se fait voir à travers les connaissances communes sur les
circonstances de l’examen, la conduite de Paul, la disposition du professeur (qui lui a
fait, éventuellement, recaler l’examen).
- le statut du dire est celui qui indique comment faut-il comprendre la réponse sous-
entendue de B.
- B laisse entendre, par son énonciation, que le professeur n’a pas été de bonne
humeur : - une implication pragmatique.
- l’énonciation débouche non pas sur ce qui est dit mais sur le fait de le dire, sur
l’événement concret de la production d’un énoncé - événement porteur d’implicite.
- Le sous-entendu - le résultat du composant rhétorique qui a pour rôle de combler les
vides de la signification grâce aux données de la situation (contexte extra-
linguistique).

Exemple 4 :
Il fait beau aujourd'hui, mais j'ai mal aux pieds

Le composant rhétorique permet d'identifier :

- les déictiques - je, aujourd'hui


- les stratégies interprétatives.

Pour le locuteur, le fait qu'il fasse beau devrait entraîner une certaine conclusion, qui est
opposée avec son mal aux pieds:
- Il fait beau ® conséquence
- J'ai mal aux pieds ® conséquence opposée

Si la situation n'est pas prise en compte, ces deux conséquences restent indéterminées.
Quand elle est prise en compte, on obtient, par exemple:
- Il fait beau ® je vais sortir; tout va bien; ça va durer mais
- j'ai mal aux pieds ® je reste là; l'orage arrive

Le décryptage du sous-entendu implique un calcul interprétatif, toujours plus ou


moins sujet à caution et qui ne s'actualise vraiment que dans des circonstances déterminées,
il exige pour son décodage l'intervention de compétences encyclopédiques et rhétorico-
pragmatiques. « La classe des sous-entendus englobe toutes les informations qui sont
susceptibles d'être véhiculées par un énoncé donné mais dont l'actualisation reste
tributaire de certaines particularités du contexte énonciatif » (Ibid. :39).
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Les exemples ci-dessus montrent que le processus de la construction du sens et surtout de


son décodage est différent de celui du présupposé car il n’y a là essentiellement qu’une
opération d’assignation de sens par l’interlocuteur qui reste souvent fragile parce
susceptible de discussion. Ducrot (1984 :20) affirme ainsi que « le sous-entendu est ce que
je laisse conclure à mon auditeur », ce qui « se donne comme postérieur à [l’acte de
communication], comme surajouté par l’interprétation de l’auditeur ». Dans cette
perspective, Ducrot (1984 : 21) affirme que « le sous-entendu revendique d’être absent de
l’énoncé lui-même, et de n’apparaître que lorsqu’un auditeur réfléchit après coup sur cet
énoncé ». Autrement dit, tout en dépendant du sens de l’énoncé, « Le sous-entendu […]
résulte d’une réflexion du destinataire sur les circonstances d’énonciation du message ».
Ducrot (1984 : 19) observe encore « qu’il existe toujours, pour l’énoncé à sous-entendus,
un "sens littéral", dont ces sous-entendus sont exclus. Ceux-ci apparaissent comme
surajoutés ». Cette faculté à être discuté fait dire du sous-entendu qu’il « permet d’avancer
quelque chose "sans le dire, tout en le disant" ».

Les sous-entendus jouent un rôle crucial dans le processus de compréhension des


énoncés. Si on compare les deux notions, on dira que l'inférence dans le cas du présupposé
dépend des éléments linguistiques qui se trouvent dans le texte, l'implicite ici a un support
linguistique, alors que dans le cas du sous-entendu, il faudra avoir recours au contexte.

Conclusion : Typologie des implicites (Ducrot, 1984)

Deux moments dans la construction de la signification

- un moment strictement linguistique, où l'on attribue une valeur à la phrase, et

- un moment rhétorique, où cette première valeur interagit avec la situation.

→ Deux types d’implicites : l’implicite linguistique (présuppositions) et


l’implicite discursif (sous-entendus).

I.3. Pourquoi l’implicite ?


L'implicite pour Ducrot permet d'échapper à la censure tout en disant ce qu'on a
envie de dire, car dans le mode explicite, toute idée est sujette à la controverse donc cette
idée, si elle veut se concrétiser, doit se trouver un moyen qui lui fera échapper la
polémique. Ce moyen sera sans doute de l'entasser sur un mode implicite.

« Une […] origine possible au besoin implicite tient au fait que toute affirmation explicitée devient,
par cela même, un thème de discussion possible. Tout ce qui est dit peut être contredit, de sorte qu'on ne
saurait annoncer une opinion ou un désir sans les désigner du même coup aux objections éventuelles des
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interlocuteurs comme il a été souvent remarqué, la formulation d'une idée est la première étape et décisive
vers sa mise en question. Il est donc nécessaire à toutes croyances fondamentales, qu'il s'agisse d'une idéologie
sociale ou d'un parti pris personnel, de trouver si elle s'exprime un moyen d'expression qui ne l'étale pas, qui
n'on fasse pas un objet assignable et donc contestable. » (Ibid. : 06)

Il est également question ici de garder une image positive de soi et éviter tous
reproches. « Le problème général de l'implicite est de savoir comment on peut dire quelque
chose sans accepter pour autant la responsabilité de l'avoir dit, ce qui revient à bénéficier à
la fois de l’efficacité de la parole et de l'innocence du silence ». (Ibid. : 12)
Outre les censures et les raisons de convenance, l’implicite est employé pour
démasquer les tabous : le sexe, la mort, se vanter soi-même, injurier l'interlocuteur, accuser,
menacer, etc.
Sur le plan esthétique, l'implicite est une condition indispensable dans le
fonctionnement des tropes: « il est dans la définition même de l'homme de lier les objets
entre eux, il est donc dans la définition de l'homme de faire des tropes  » (Todorov).
Le langage est parfois impuissant d'exprimer en termes explicites l'ineffable de
l'expérience humaine ;
« De la musique avant toute chose; pas la couleur, rien que la nuance » (Verlaine);
« Obscurité, tu seras dorénavant, pour moi, la vraie lumière » (Gide);
« Parler n'a trait à la réalité des choses que commercialement: en littérature, cela se
contente d'y faire une allusion (...) Nommer un objet, c'est supprimer les trois quarts de la
jouissance du poème qui est faite pour deviner peu à peu: le suggérer, voilà le rêve  »
(Mallarmé)

L’interprétation de l'implicite peut être parfois abusive:


Exemple:
A: Comme vous êtes jolie aujourd'hui!
B: Merci pour les autres jours.
L’interprétation de B s’est arrêtée, d’une façon malveillante, seulement au contenu explicite
de l’énoncé de A (c’est aujourd’hui que vous êtes jolie, alors que les autres jours c’était le
contraire).
Références bibliographiques

Ouvrages

Ducrot, O, Dire et ne pas dire, Paris, Hermann1972.

Ducrot, O. Esquisse d’une théorie polyphonique de l’énonciation in le dire et le dit, 1984.

Ducrot, O, Logique, structure, énonciation : lecture sur le langage, Minuit, Paris, 1989.

Article 

Hilaire Bohui Djédjé, « Analyse de l’implicite à travers quelques faits de langue


« Mélanges » », Université Félix Houphouët Boigny-Abidjan
http://www.nodusciendi.net/telecharger.php?file=Analysedelimplicite.pdf

Cours

A consulter le cours de Beyssade sur le site : http://beyssade.free.fr/TLchargeables/Prag-HO4-


5.pdf

Diaporama :

https://ead-all.univ-st-etienne.fr/claroline/backends/download.php?
url=L0ySSW1wbGljaXRlX2xpbmd1aXN0aXF1ZV
%2BWX2xhX3ByZXN1cHBvc2l0aW9uLnBwdA%3D
%3D&cidReset=true&cidReq=SIM_MASTACAN

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