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FOLIO ESSAIS
Ioana Vultur
Comprendre
L’herméneutique
et les sciences humaines
Gallimard
Docteur ès lettres, Ioana Vultur a fait une thèse sur le temps et la remémoration chez Marcel
Proust et Hermann Broch à l’Université Paris IV-Sorbonne, sous la direction d’Antoine Compagnon. Elle
a enseigné la littérature moderne et l’herméneutique à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales,
avant de travailler dans un projet de recherche à l’Université Libre de Berlin. Elle est l’auteur de Proust
et Broch : les frontières du temps, les frontières de la mémoire (2003) et a dirigé récemment un numéro
spécial de la revue Critique sur l’herméneutique (2015).
Prologue
LE QUESTIONNEMENT
HERMÉNEUTIQUE ET SON RAPPORT
AUX SCIENCES
Ah, de qui pouvons-nous donc / avoir besoin ? Ni d’anges, ni d’humains, /
et les bêtes ingénieuses voient déjà bien, / que nous ne sommes pas si
confiants que cela sous nos toits / dans l’univers interprété.
RAINER MARIA RILKE,
La Première Élégie
QU’Y-A-T-IL À COMPRENDRE ?
Nous avons vu que selon Heidegger, avant d’être comme un sujet face à un
objet, le Dasein est tout d’abord un être-au-monde (In-der-Welt-sein). La
relation homme-monde n’est pas une relation d’extériorité puisque le Dasein
ne peut pas être en dehors du monde et adopter un regard extérieur sur celui-
ci, comme s’il était Dieu. Le monde n’est pas une image, un tableau (Bild), ni
un spectacle que l’homme contemplerait. À l’idée d’une telle vue détachée
(Sicht), Heidegger oppose une attitude qu’il caractérise de vue ambiantale
(Umsicht). En d’autres termes, l’être-là est engagé dans le monde dans lequel il
vit. Du même coup, le monde ne désigne pas ce qui n’est pas le Dasein : il doit
être conçu comme un aspect du Dasein lui-même. L’homme est toujours déjà
« jeté dans le monde » et il ne peut se comprendre lui-même qu’à travers ce
monde qu’il habite, de même que le monde ne peut être compris que comme
monde de ce Dasein.
Or au Dasein appartient essentiellement l’être dans un monde. La compréhension d’être
inhérente au Dasein concerne donc cooriginairement la compréhension de quelque chose
comme « le monde » et la compréhension de l’être de l’étant qui devient accessible à
l’intérieur du monde 67.
Bien sûr, soutenir que le Dasein n’est pas un sujet qui serait face au
monde ne signifie pas qu’il est dans (in) le monde à la façon dont l’eau est
dans le verre, le banc dans la salle, la salle dans l’université. Pour le dire
autrement, l’être-au-monde n’est pas une catégorie spatiale (qui désignerait
une relation du type contenant / contenu) mais ce que Heidegger appelle un
existential 68, c’est-à-dire un trait qui définit l’être même de l’homme en tant
que cet être s’expérimente dans et à travers l’existence. Compris comme
existential, « être-au-monde » veut dire « habiter auprès de », « être familier
de ». Cela explique pourquoi pour Heidegger comprendre est donc d’abord un
sich auf etwas verstehen, un « s’y connaître », un « savoir s’y prendre, s’y
comprendre, s’y entendre », donc aussi un « être à la hauteur d’une
situation », un « pouvoir faire face ». Le premier rôle du « comprendre » est
de nous permettre « de nous orienter dans une situation 69 » : il est d’abord
une « compétence », un « pouvoir faire » ou un « savoir faire 70 ». La
psychologie actuelle dirait que le comprendre est d’abord une capacité
procédurale, immergée dans l’expérience, et non pas une explicitation
réflexive. C’est en ce sens qu’on peut dire que l’homme vit toujours dans un
monde déjà précompris.
Cette précompréhension opère déjà en amont du langage : elle guide
l’homme dans son commerce (Umgang) avec le monde dans lequel il est pris 71.
La structure préalable de la compréhension qu’est la précompréhension
accède à la conscience réflexive à travers l’interprétation (ou explicitation) :
« L’explicitation de quelque chose comme quelque chose est essentiellement
fondée par la pré-acquisition, la pré-vision et l’anti-cipation 72 », écrit
Heidegger. Par exemple, dans le cas d’un texte, « l’idée préalable prise en
dehors de toute discussion » est ce qui est là noir sur blanc. Cette structure
d’anticipation ou cette structure préalable de la compréhension (Vorstruktur
des Verstehens) est ce sur quoi s’appuie la structure du « comme » de
l’explicitation (Als-Struktur der Auslegung). Selon Heidegger, ce qui est
explicité c’est le « en tant que » ou le « comme ». Ce « comme » signifie que
nous comprenons toujours le monde comme étant ceci ou cela : nous voyons
ceci comme une table, comme une porte, comme une voiture, comme un
pont. Wittgenstein lui aussi s’était penché sur cette question. Il l’illustre par le
célèbre exemple du lapin-canard 73.
Si je vois cette figure, je peux la voir soit comme une image de lapin, soit
comme une image de canard. Wittgenstein se demande s’il pourrait exister des
humains dépourvus de la capacité de voir quelque chose comme quelque
chose 74. Jean Greisch note que les activités que nous effectuons dans la vie
quotidienne « ne pourraient pas être exécutées, si chaque chose n’était pas
appréhendée en tant que (als) quelque chose » : « la chaussure en tant que
chaussure de marche ; la casquette en tant que couvre-chef ; la fourchette en
tant qu’élément du service de table, le tableau de classe en tant que surface
destinée à recevoir des inscriptions, le policier en tant qu’agent réglant la
circulation 75 ». Pourtant, comme il le rappelle aussi, le fait de voir quelque
chose comme quelque chose, qui nous semble banal, ne va pas toujours de
soi : la capacité de voir quelque chose comme quelque chose, par exemple de
« voir le pont comme pont et non comme simple amas de pierres », ou bien de
« voir mon corps comme un corps unifié et non comme un simple amas
hétéroclite de chairs », est perturbée dans certains états psychotiques 76.
Il est important de noter que ce qui est interprété comme ceci ou comme
cela n’a pas besoin d’être énoncé comme ceci ou comme cela. Ainsi,
l’intentionnalité de la perception n’a pas besoin d’être traduite sous forme
d’assertion pour avoir une Als-Struktur. Prenons l’exemple d’une porte à
travers laquelle nous pénétrons dans une pièce : comme le souligne Grondin,
nous avons toujours déjà une compréhension de ce qu’est une porte, c’est-à-
dire un moyen d’entrer et de sortir, sans devoir perdre des mots pour désigner
cette trivialité 77. De même, pour prendre un exemple de Heidegger, lorsque le
marteau est compris « comme » trop lourd par l’artisan qui l’utilise, ce
« comme » est déjà herméneutique, sans qu’il fasse l’objet d’une explicitation
langagière. Si l’artisan perçoit le marteau comme trop lourd, il le met de côté.
Dans le geste de mettre de côté le marteau se manifeste déjà le rapport
interprétatif au monde, parce que « l’accomplissement originaire de
l’explicitation ne réside pas dans une proposition énonciative théorique, mais
dans la mise à l’écart ou le remplacement circon-spect et préoccupé de l’outil
de travail inapproprié, sans qu’il y ait pour cela à “perdre un mot” 78 ». Si on
exprime cela à travers un énoncé, si l’on dit par exemple que le marteau est
lourd, le comme herméneutique ou le en tant que explicitant se transforme
selon Heidegger en un énoncé prédicatif qui attribue une propriété à un objet.
De cette façon, ce qui pour l’artisan est un outil qu’il manie et qui est donc à-
portée-de-la-main, se transforme en un objet qui est devant vous
(vorhanden) 79. Ces exemples mettent en évidence le fait que pour
l’herméneutique philosophique la perception est déjà un processus
herméneutique et qu’elle n’est pas une contemplation distante des choses,
mais est ancrée dans le monde de l’action. Ce point a été souligné par Ricœur,
selon qui l’interprétation procède « de la possibilité d’expliciter dans des sens
multiples la compréhension que nous prenons du rapport entre notre
situation et nos possibilités 80 ». Le rapport quotidien du Dasein au monde
n’est pas un rapport distant, contemplatif à des objets « neutres », mais un
rapport engagé dans le monde. La précompréhension engagée dans le monde
de l’action est donc plus fondamentale que la relation cognitive aux choses.
C’est dans ce cadre d’une relation herméneutique originaire enchâssée dans la
vie active qu’il faut situer la critique de l’objectivisme, un point sur lequel
l’herméneutique philosophique prolonge la phénoménologie de Husserl 81.
VÉRITÉ ET MÉTHODE :
LA QUESTION DE LA SCIENCE
HERMÉNEUTIQUE
ET PSYCHOLOGIE
Lorsqu’on se pose la question de l’apport de l’herméneutique à la
psychologie, on pense généralement tout de suite à la psychanalyse dans
laquelle l’interprétation joue un rôle central et cela en dépit du fait que par
ailleurs Freud concevait sa science comme une science naturelle. Et il est vrai
que du moins un philosophe herméneute, à savoir Ricœur, s’est beaucoup
intéressé à la psychanalyse, comme en témoignent De l’interprétation. Essai
sur Freud 1 ainsi que les articles sur la psychanalyse parus de façon posthume
dans Autour de la psychanalyse 2. Dans De l’interprétation, Ricœur s’interroge
principalement sur l’interprétation des rêves. Selon lui, le mode
d’interprétation pratiqué par Freud dans le cas des rêves relève de
l’interprétation des symboles, donc d’une interprétation qui traite le sens
littéral comme vecteur d’un sens figural caché. Ainsi, dans la cure analytique,
le thérapeute interprète l’expérience du patient (par exemple ses rêves), en
essayant de reconstruire leur signification cachée. Ricœur distingue deux
types d’interprétation des symboles : une interprétation conçue comme
récollection ou restauration du sens sur le modèle de la phénoménologie de la
religion et une interprétation comme exercice de soupçon dont un des
modèles est précisément la psychanalyse 3. Dans le premier cas, il s’agit d’une
révélation du sens puisqu’il faut comprendre la dimension du sacré qui est
visée dans les mythes, les rites, les croyances 4. Dans le deuxième cas,
l’interprétation est vue comme démystification, « comme réduction des
illusions et des mensonges de la conscience 5 ». Si Descartes exerce le doute à
l’égard de la perception, Freud en revanche l’exerce à l’égard de la conscience,
qu’il voit comme une conscience fausse : l’interprétation psychanalytique est
un déchiffrage de la conscience comme représentation travestie des pulsions
inconscientes 6. Selon Ricœur, « l’analyse veut substituer à une conscience
immédiate et dissimulante une conscience médiate et instruite par le principe
de réalité 7 ».
Mais la psychologie contemporaine ne saurait être identifiée à la
psychanalyse qui de nos jours y occupe une position plutôt marginale. Qu’en
est-il des rapports de l’herméneutique avec les formes de psychologie les plus
dynamiques actuellement, telle la psychologie expérimentale et cognitive ? Les
psychologies qui s’intéressent à la structure neurologique du cerveau et qui,
contrairement aux autres sciences humaines, procèdent par des
expérimentations, semblent à première vue très loin du questionnement
herméneutique. D’ailleurs, si l’on met à part le dialogue de Ricœur avec Jean-
Pierre Changeux dans La Nature et la Règle, il n’existe guère de traces d’un
intérêt de l’herméneutique pour la psychologie expérimentale ou cognitive. De
manière plus générale, comme l’a noté Changeux, on ne trouve pratiquement
pas de références aux neurosciences dans le champ des sciences humaines,
alors que les références à la psychanalyse y sont nombreuses 8.
Cette absence de dialogue est pourtant paradoxale. En effet,
l’herméneutique a posé dès les années 1920 les mêmes questions que celles
que se poseront par la suite les psychologues. Des questions herméneutiques
classiques comme la compréhension du soi ou la compréhension d’autrui sont
ainsi centrales pour la psychologie cognitive, qui s’intéresse au niveau pré-
réflexif du soi et de l’altérité, au rôle du récit et de la mémoire dans la
construction de l’identité humaine ou au rôle du langage dans la
compréhension d’autrui. Certes si elle reprend ces thèmes centraux de
l’herméneutique philosophique, elle le fait dans un cadre différent. On insiste
souvent sur cette différence de cadre. Ainsi on rappelle que selon
l’herméneutique la question de l’identité humaine ne saurait être réduite à ce
que retient une vision purement objectiviste, tout comme la compréhension
d’autrui ne saurait être réduite à une relation sujet-objet. Selon
l’herméneutique, la compréhension de soi et d’autrui est en effet fondée dans
l’appartenance à un monde commun. Dans sa discussion avec Changeux,
Ricœur critique ainsi la notion de « psychique » dont partent la psychologie et
les neurosciences. Il lui reproche d’être « un construit par rapport à
l’expérience d’être dirigé vers le monde et donc d’être hors de soi dans
l’intentionnalité 9 ». Il souligne que « la conscience n’est pas une boîte dans
laquelle il y aurait des objets 10 », qu’elle « n’est pas un lieu fermé, dont je me
demanderais comment quelque chose y entre du dehors, parce qu’elle est, dès
toujours, hors d’elle-même 11 ». Bref, selon Ricœur, on peut parler de deux
façons de l’homme : « […] ou bien je parle de neurones, etc., et je suis dans un
certain langage, ou bien je parle de pensées, d’actions, de sentiments et je les
relie à mon corps avec lequel je suis dans un rapport de possession,
d’appartenance 12. » Autrement dit, selon lui, à la différence de la science qui
voit le corps comme un objet, l’herméneutique part du corps vécu, du corps
propre qui est le mien 13. Bref, face à l’objectivisme des psychologues,
l’herméneutique rappelle que l’homme est toujours engagé dans le monde,
qu’il est un être agissant et interprétant qui est en même temps aussi en
relation avec les autres.
Certes, cette opposition pointe des différences réelles notamment avec les
neurosciences au sens strict. Mais nous verrons que, dans le champ de la
psychologie des dernières décennies, une des évolutions les plus notables a
concerné précisément la prise en compte du caractère toujours engagé de
notre rapport au monde ainsi que de notre immersion dans la vie vécue. Des
théories psychologiques comme l’écologie de la perception de Gibson qui part
d’une critique du behaviorisme, la théorie des émotions de Damasio ou la
théorie de l’action de la Gestaltpsychologie (Lewin) montrent que la
psychologie elle-même a dépassé la scission entre le dedans et le dehors, se
rapprochant de la vision herméneutique de l’être-au-monde. Il est donc plus
juste de dire que l’herméneutique nous livre un cadre plus large,
philosophique dans lequel on peut comprendre des questions auxquelles
s’intéresse la psychologie, comme par exemple la perception, l’émotion ou
l’action.
L’herméneutique permet aussi de comprendre les limites des modèles
computationnels et plus généralement des conceptions mécanicistes de
l’esprit humain. Dans cette critique elle a devancé les travaux de la
psychologie actuelle, par exemple les modèles connexionnistes qui ont
contesté la théorie computationnelle de l’esprit. Plus fondamentalement, elle
propose un modèle global et dynamique de la compréhension de soi ou
d’autrui. En conjuguant l’ontologie de Heidegger et la conception de l’identité
narrative de Ricœur, on peut en effet construire un modèle de l’identité qui
tienne compte des différents niveaux de celle-ci, du soubassement neuronal
jusqu’au niveau de l’identité narrative, une identité qui se construit à travers la
culture. Vue sous cet angle, la différence entre le discours phénoménologique
et le discours neuronal pourrait être interprétée comme correspondant à la
différence entre une enquête descendante (top down) qui part des niveaux les
plus complexes de la pensée humaine et une enquête ascendante (bottom up)
qui part de ses niveaux les plus élémentaires. L’herméneutique philosophique
quant à elle adopte un positionnement qui tente de partir de la source
commune à la fois du traitement ascendant et du traitement descendant, à
savoir l’être-dans-le-monde. Elle dépasse ainsi les limites à la fois de
l’approche naturaliste et celles de l’approche philosophique
(phénoménologique) classique.
PERCEPTION, ÉMOTION, ACTION
Comme nous l’avons déjà vu, l’herméneutique remet en question la
conception selon laquelle la relation entre l’être humain et le monde non-
humain serait celle d’une extériorité de l’un par rapport à l’autre. Elle conçoit
le rapport au monde comme un rapport d’appartenance : les hommes sont
toujours déjà engagés dans un monde signifiant. Pendant longtemps, la
psychologie a au contraire mis entre parenthèses la question de la
significativité toujours déjà donnée du monde. Certes, comme nous le verrons,
la psychologie de la Gestalt avait mis en avant la nature toujours déjà
signifiante du monde perçu, mais le courant dominant de la psychologie
expérimentale pendant plusieurs décennies, le behaviorisme, réduisait les
données pertinentes aux données d’entrée (le stimulus) et aux données de
sortie (la réaction). Ce n’est qu’à partir des années 1970 que le paradigme
behavioriste a été mis en question. Ainsi, dans le domaine des études de la
perception ou de l’émotion, les travaux plus récents conçoivent notre rapport
au monde et à nous-mêmes comme un rapport dans lequel l’engagement
pragmatique (Gibson) et émotif (Damasio) est fondateur pour les rapports
objectivants et détachés. La plupart des psychologues n’ont sans doute pas lu
Heidegger, mais il existe des homologies importantes entre les conceptions
psychologiques actuelles de l’identité et la vision du Dasein comme être-au-
monde. L’herméneutique constitue le cadre philosophique général le plus à
même de les unifier dans une théorie générale de la relation de l’homme au
monde médiatisée par la perception, l’émotion et l’action.
La perception
Gibson distingue donc le monde écologique du monde tel qu’il est perçu
par la science et montre qu’à la différence de l’espace abstrait, formel de la
physique, l’environnement humain est disposé de telle manière qu’il a
toujours déjà une signification intrinsèque pour l’action ou le comportement
(behaviour) 19. La perception nous met donc en contact direct avec un monde
de significations pragmatiques : le monde que nous percevons est d’entrée de
jeu un monde de territoires, de refuges, d’eau, de feu, d’outils, d’autres
hommes. Parmi les affordances qu’offre l’environnement, Gibson met l’accent
sur les affordances pour la nutrition et pour la manufacture, les affordances
des objets pour la manipulation. L’homme voit par exemple le terrain comme
quelque chose qui lui permet de se déplacer, les abris comme ce qui sert à
s’abriter, l’eau comme ce qui est à boire ou qui peut servir pour se laver, les
outils comme quelque chose qu’on peut saisir, qui est manipulable. Cela
rappelle bien évidemment la manière dont Heidegger, comme nous l’avons vu,
soulignait qu’on voit chaque chose en tant que quelque chose et comment le
mode de manifestation premier du monde est de l’ordre de ce que Heidegger a
appelé la Zuhandenheit, de l’être sous la main 20. Un des exemples les plus
concluants que donne Gibson est d’ailleurs celui des outils. Sa conception très
large du concept d’outil rejoint l’idée heideggérienne selon laquelle les choses
sont d’abord des outils qui servent à quelque chose (um zu) 21. Heidegger
souligne ainsi qu’une chambre n’est pas un espace géométrique entre quatre
murs, mais un « outil d’habitation 22 ». C’est exactement ce que veut dire
Gibson lorsqu’il note que l’espace perçu n’est pas un espace physique mais un
espace d’affordances.
De même que selon l’herméneutique philosophique l’homme ne peut pas
se concevoir en dehors de son monde, Gibson souligne la complémentarité
entre l’être vivant et l’environnement : d’un côté l’être vivant ne pourrait pas
vivre sans un environnement, d’un autre côté, l’environnement implique un
être vivant 23. De même que l’être-au-monde est considéré par Heidegger
comme antérieur à la dichotomie sujet-objet, l’affordance transcende aussi
cette dichotomie. En effet, Gibson conçoit les affordances comme des
interrelations stables entre l’environnement et les humains, en sorte qu’elles
réfèrent à la fois à l’homme et à son environnement ou plutôt à ce qui les unit.
Elles sont « transversales » et du même coup, la dichotomie sujet-objet est
transcendée :
Mais en fait une affordance n’est ni une propriété objective, ni une propriété subjective ;
ou si vous préférez, c’est les deux à la fois. Une affordance est transversale à la dichotomie
subjectif-objectif et nous aide à comprendre son inadéquation. Il s’agit à la fois d’un fait de
l’environnement et d’un fait de comportement. C’est à la fois physique et psychique, et en
même temps ni l’un ni l’autre. Une affordance pointe dans les deux directions, vers
l’environnement et vers l’observateur 24.
Dans les affordances, le perçu et celui qui perçoit sont donc co-donnés
dans une perception qui est une perception pour agir. Par exemple, le fruit et
le sujet percevant le fruit sont noués d’entrée de jeu dans la potentialité de la
mangeabilité du fruit qui fait que celui-ci n’est pas un simple objet brut mais a
une place dans l’être-au-monde du sujet percevant. Ce qui est plus important
que l’un ou l’autre est la relation entre les deux.
Un autre point sur lequel l’ontologie développée par Heidegger précède
l’écologie de la perception est la critique de la notion de représentation.
Heidegger avait critiqué cette notion en disant que le monde n’est pas un
tableau que l’homme regarde. Gibson exprime la même critique à travers sa
distinction entre le champ visuel (visual field) — qui est quelque chose comme
une peinture — et le monde visuel (visual world). Selon lui, l’homme perçoit la
réalité non pas comme un champ visuel mais comme un monde visuel. La
raison en est que la réalité qu’il voit ne se limite pas à ce qu’il a devant les
yeux mais contient aussi ce qui se trouve derrière lui et qu’il a vu avant ou
pourrait voir après. Autrement dit, les processus visuels prennent en compte
la persistance de ce que le sujet ne voit pas à un moment donné. L’expérience
du monde visuel est « le résultat du captage par un système visuel explorateur
d’une information invariante dans un agencement optique ambiant, et de la
conscience du corps de l’observateur lui-même comme faisant partie de
l’expérience 25 ». Malgré l’usage problématique de la notion d’information,
cette théorie du captage d’information (theory of pick-up information) a
renouvelé la façon que nous avons de concevoir la perception : elle est vue
comme « un état qui consiste à rester en contact avec le monde et à faire
l’expérience des choses plutôt que d’avoir des expériences 26 ». Autrement dit,
l’écologie de la perception se libère des conceptions phénoménalistes mais
également « pragmatistes » de la perception qui l’abordent sous l’angle d’une
expérience subjective (« avoir des expériences ») plutôt que d’une expérience
directe du monde dans lequel le sujet est plongé.
L’émotion
Ce qu’il veut dire est que même lorsque nous ne sommes pas dans un état
émotif au sens fort du terme, nous avons toujours la perception d’un état
d’arrière-plan du corps qui se caractérise par « un niveau minimal de tonalité
et de rythme 33 ». Damasio définit cet état d’arrière-plan comme « la
perception de la vie elle-même, la sensation d’être 34 ». Cette façon de
concevoir la vie comme étant intrinsèquement prise dans une tonalité
(Gestimmtheit) implique une critique du cartésianisme. Damasio note ainsi
que l’erreur de Descartes est d’avoir instauré une séparation entre corps et
esprit et donc entre raison et émotion. Alors que, selon Descartes, une passion
trop forte peut dans bien des cas nous amener à prendre les mauvaises
décisions, Damasio montre qu’au contraire « la faculté de raisonnement
semble vraiment dépendre de systèmes neuraux spécifiques, dont certains se
trouvent desservir la perception des émotions 35 » :
C’est comme s’il existait une passion fondant la raison, une pulsion prenant naissance
dans la profondeur du cerveau, s’insinuant dans les autres niveaux du système nerveux, et se
traduisant finalement par la perception d’une émotion ou par une influence non consciente
orientant un processus de prise de décision 36.
Pour le dire autrement : l’être de l’homme n’est pas donné, il n’est pas un
« observable ». Il ne précède pas la compréhension mais se constitue à travers
elle. C’est pourquoi l’herméneutique soutient que comprendre (donc
comprendre l’être, car ce qu’on comprend est toujours ce qui est) veut dire
toujours aussi « projeter son être vers des possibilités ». Jean Greisch décrit
cela en soulignant que le possible a une priorité ontologique par rapport à
l’actuel : « comprendre, c’est […] découvrir que toute facticité comporte un
minimum de “marge de jeu” », qu’on dispose toujours d’une « marge de
manœuvre » pour réaliser ses projets, même si celle-ci peut s’avérer
extrêmement étroite 41. Le temps est donc investi de sens pour autant qu’il
tient en réserve des potentialités, et notamment des potentialités d’action, que
l’homme peut développer, cultiver 42. Pour emprunter la terminologie
heideggérienne : le Dasein est toujours mien comme ensemble de possibilités
d’être qui s’ouvrent à moi. L’homme ne coïncide donc jamais avec lui-même
comme un objet coïncide avec ses propriétés. Il est toujours à la fois en retard
et en avance sur lui-même : en tant qu’il est celui qui est questionné il est en
retard sur son être, en tant qu’il est celui qui questionne il est en avance sur
son être. Nous verrons que cette non-coïncidence de soi avec soi joue un rôle
central dans la manière dont l’herméneutique pense l’identité 43. Pour le
moment ce qui doit nous retenir c’est le fait que le champ de l’action relève du
pouvoir-être de l’homme. Cette sphère du pouvoir-être est plus vaste que la
sphère de l’action. On doit donc envisager aussi d’autres modes de se façonner
soi-même, par exemple à travers la méditation ou la contemplation, la vita
activa ayant comme pendant une vita contemplativa.
Développant l’idée heideggérienne de la compréhension comme pouvoir-
être, comme possibilité, Ricœur conçoit lui aussi l’homme comme un être de
possibilités qui peut configurer son monde et se configurer soi-même. D’où
l’importance de la notion de capacité ou de capabilité. Pour échapper à
l’opposition entre le Cogito de Descartes (le cogito « exalté […] au rang de
première vérité 44 »), donc au sujet vu comme fondement ultime, et l’anti-
Cogito, le « Cogito brisé » de Nietzsche chez qui le sujet est « rabaissé au rang
d’une illusion majeure 45 », Ricœur pose la notion d’attestation de soi qu’il
définit comme « l’assurance d’être soi-même agissant et souffrant 46 ». À la
certitude du Cogito, Ricœur oppose donc une croyance, « une créance sans
garantie » ; au Cogito humilié de Nietzsche, il oppose une confiance dans les
capacités de l’homme. Le terme d’« attestation » caractérise ainsi « le mode
épistémique des assertions ressortissant au registre des capacités 47 ».
L’homme se reconnaît soi-même « dans la variété des capacités qui modulent
sa puissance d’agir, son agency 48 ». Avec la notion de capacité c’est aussi une
dimension éthique qui entre en jeu car, selon Ricœur, si le soi est déclaré
digne d’estime « ce n’est pas principalement au titre de ses accomplissements,
mais fondamentalement à celui de ses capacités 49 ».
Cette façon d’envisager la question de l’action dans le cadre plus vaste des
capacités met en évidence le pouvoir de l’homme de se configurer lui-même,
la « reconnaissance par l’homme agissant et souffrant qu’il est un homme
capable de certains accomplissements 50 ». Ricœur met cet agir en rapport
avec la notion d’Aristote de l’être comme puissance (dunamis) et acte
(energeia) 51. Il conçoit ainsi une ontologie de l’ipséité en termes d’acte et de
puissance :
Centralité de l’agir et décentrement en direction d’un fond d’acte et de puissance, ces
deux traits sont également et conjointement constitutifs d’une ontologie de l’ipséité en termes
d’acte et de puissance. Ce paradoxe atteste que, s’il est un être du soi, autrement dit si une
ontologie de l’ipséité est possible, c’est en conjonction avec un fond à partir duquel le soi peut
être dit agissant 52.
D’où la nécessité d’un détour par le soupçon pour arriver à la vérité du soi.
Le soi n’étant pas transparent, la conscience de soi peut s’avérer être une
conscience fausse (un peu comme le « man » de Heidegger). Le passage par le
soupçon est donc nécessaire pour la compréhension de soi, et en ce sens
l’herméneutique ricœurienne de la compréhension consciente de soi implique
toujours un moment critique. Nous verrons cependant que malgré ce moment
critique, Ricœur accorde une place centrale au niveau de la conscience de soi
(notamment sous la forme de la narrativité), ce en quoi il s’éloigne sans
conteste de Heidegger.
Une question qui reste en suspens est celle des relations entre les
différents niveaux de l’identité du soi. Repartons pour cela du modèle
hiérarchique de Damasio : quels sont les liens de dépendance entre les
niveaux du proto-soi, du soi immergé dans ses mondes et du soi réflexif (du
soi autobiographique) ? Damasio note que les troubles de la conscience-noyau
font s’effondrer le soi autobiographique : c’est le cas dans les crises d’absence,
dans l’automatisme épileptique, dans le mutisme akinétique, ou dans l’état
végétatif. Cela semble montrer que la conscience-noyau, le soi central, fonde
la possibilité d’un soi autobiographique. L’inverse n’est pas le cas : les troubles
au niveau du soi autobiographique n’affectent pas nécessairement la
conscience-noyau. Dans certaines pathologies il y a même une atteinte à la
fois du moi autobiographique et du proto-soi, sans que pour autant le soi-
noyau ne s’écroule. C’est le cas de l’anasognosie, un trouble de la conscience
étendue dû à des lésions du cerveau et qui se traduit par le fait que l’on ne se
rend pas compte des handicaps physiques affectant son corps. Ainsi, un
patient paralysé, qui souffre de ce trouble, ne se rend pas compte qu’il est
paralysé. Son proto-soi est donc affecté puisqu’il est incapable de se
représenter l’état actuel réel de son corps. Même lorsqu’on lui dit qu’il est
paralysé, ou même après avoir vu qu’il est incapable de bouger son bras par
exemple, il oublie aussitôt ces informations d’ordre visuel. Ce dernier fait
montre qu’il y a donc aussi un déficit au niveau de la mémoire, donc du moi
autobiographique. Et pourtant, si le protosoi et le soi autobiographique sont
endommagés, la conscience-noyau n’est pas atteinte. Cela semble être un
indice de son rôle fondateur dans l’identité de soi. Et en effet, une personne
anasognosique ne doute jamais que c’est bien elle l’agent de l’action qu’elle
croit accomplir. On peut donc se demander si la dénomination même du
niveau du proto-soi ne risque pas d’induire en erreur : peut-on réellement
parler de soi à propos d’un niveau qui s’avère non indispensable pour le
processus du moi noyau ?
Une deuxième question concerne l’importance relative du soi-noyau et du
soi réflexif. À en juger d’après les pathologies analysées par Damasio, le
niveau constituant de la compréhension de soi serait bien celui du soi-noyau,
qui correspond à celui qui est conceptualisé par Heidegger sous la forme de
l’être-dans-le-monde. Cela pose une question importante par rapport au rôle
de la narrativité pour la compréhension de soi et plus largement pour
l’identité de soi. Nous verrons que selon les thèses narrativistes radicales,
compréhension (et identité) de soi et narrativité autobiographique coïncident.
Dans la perspective heideggérienne et dans celle de Damasio, tel ne semble
pas pouvoir être le cas : le niveau constituant de l’identité de soi est chez eux
celui de la vie vécue immergée. Il ne faudrait pas en conclure que le moi
autobiographique n’est pas important. Le trouble de l’amnésie globale
transitoire, dans laquelle la conscience-noyau est préservée, alors que la
conscience étendue et son corrélat le soi autobiographique sont suspendus, le
montre bien. Ce trouble se caractérise par le fait qu’un individu ne se rappelle
plus son passé récent (il ne se rappelle plus ce qui s’est passé pendant les
dernières minutes ou heures) et qu’il n’a pas non plus accès à son futur et cela
en raison du fait que le passé récent comprend également ce que Damasio
appelle les souvenirs du futur, c’est-à-dire « le souvenir d’événements que nous
sommes constamment en train d’anticiper 83 ». En absence du soi
autobiographique notre connaissance se réduit donc à la connaissance du
présent. Or, en absence de la dimension du passé et de celle du futur, le
présent lui-même devient incompréhensible 84. Nous vivrions alors certes
« dans » le temps, mais cette expérience du temps serait celle d’un « moi
humien », série discontinue d’impressions se succédant, mais qu’il serait
impossible de réunir en une chaîne temporelle plongeant dans le passé et se
projetant vers l’avenir. On voit que la question de l’identité narrative
correspond à un enjeu complexe pour l’analyse de la compréhension de soi.
C’est vers cette question qu’il faut donc nous tourner maintenant.
L’identité narrative
Nous avons vu que Damasio qualifie le troisième niveau, selon les cas, de
conscience étendue ou de soi autobiographique. Il veut souligner par là que
l’idée que chacun se fait de soi « repose sur la mémoire autobiographique qui
se déploie sur des années d’expérience et se trouve constamment
renouvelée 85 ». Les hommes interprètent sans cesse les événements de leur vie
et ils le font par la voie narrative, en retenant les événements qui les ont
marqués et en oubliant les autres. Cette auto-narrativisation du soi est en
permanente construction ou révision : l’histoire que je me raconte sur mon
passé ne reste pas toujours la même mais est sans cesse refigurée, réécrite,
réélaborée 86. Ce remodelage permanent de la mémoire autobiographique met
en évidence le fait que la compréhension de soi est toujours une interprétation
de soi.
Cette dimension de la narrativité a été au cœur même de la théorie de
l’identité développée par Paul Ricœur, pour qui le lien entre action, identité et
compréhension de soi d’un côté, narrativité de l’autre, est central :
Dire l’identité d’un individu ou d’une communauté, c’est répondre à la question : qui a
fait telle action ? qui en est l’agent, l’auteur ? Il est d’abord répondu à cette question en
nommant quelqu’un, c’est-à-dire en le désignant par un nom propre. Mais quel est le support
de la permanence du nom propre ? Qu’est-ce qui justifie qu’on tienne le sujet de l’action, ainsi
désigné par son nom, pour le même tout au long d’une vie qui s’étire de la naissance à la
mort ? La réponse ne peut être que narrative. Répondre à la question « qui ? », comme l’avait
fortement dit Hannah Arendt, c’est raconter l’histoire d’une vie. L’histoire racontée dit le qui
de l’action. L’identité du qui n’est donc elle-même qu’une identité narrative 87.
Mais parler d’une simulation implicite est aussi une manière de mettre les
neurones miroirs en relation avec les formulations plus classiques de la
problématique de la simulation dans le cadre des théories de l’imagination.
Les théories de l’imagination sont évidemment des théories qui s’intéressent à
la simulation explicite 147, consciente. Mais, comme dans la simulation
implicite, il y a dans la simulation explicite une similarité, une correspondance
qui se crée entre moi et autrui, cette fois-ci bien évidemment de façon
volontaire et consciente. Cela explique pourquoi les défenseurs de la théorie
de la simulation explicite comme Goldman par exemple ont vu dans la
découverte des neurones miroirs dans les années 1990 une confirmation de
leur théorie, puisque les neurones miroirs s’activent aussi dans le cas d’actes
imaginés ou simulés. Dans « Mirror Neurons and the Simulation Theory of
Mind », Vittorio Gallese et Alvin Goldman affirment ainsi que les neurones
miroirs sont à la base du processus de mentalisation (mind-reading), au sens
où, au fondement de la simulation explicite qui relève de la théorie de
l’imagination, il y a une simulation automatique, non inférentielle, incarnée,
qu’ils appellent embodied simulation 148. C’est la même correspondance entre
processus implicites et processus conscients que Jean Decety avance à propos
des faits d’empathie. Il souligne que l’empathie repose sur une simulation
mentale de la subjectivité d’autrui dans laquelle interagissent deux
composantes 149 : « une composante de résonance motrice dont le
déclenchement est le plus souvent automatique, non contrôlable et non
intentionnel 150 » et « la prise de perspective subjective de l’autre qui est plus
contrôlée et intentionnelle 151 ». Cette hypothèse d’une coexistence de deux
types de simulation complique singulièrement les débats, mais elle est
intéressante pour quiconque s’intéresse à une vision intégrée de la
compréhension d’autrui, puisqu’elle montre que même pour ceux qui
défendent une théorie explicite de la simulation, il est difficile de mettre en
doute l’existence d’un processus de résonance explicite (l’activation des
neurones miroirs).
La théorie des neurones miroirs a fait couler beaucoup d’encre et a donné
lieu à de multiples interprétations et sans doute aussi à certaines
extrapolations abusives 152. Mais l’existence même des neurones miroirs, tout
comme les principes de leur mode de fonctionnement dans les rapports entre
soi et autrui et les événements qui les déclenchent, sont établis au-delà de tout
doute raisonnable. Seul est débattu le lien qui lie leur activité à la
compréhension consciente, langagière et réflexive. On peut distinguer deux
positions : selon la première les neurones miroirs bouleversent
fondamentalement la question des états mentaux liés à l’identité
personnelle 153 ; selon la seconde, qui propose une interprétation plus
déflationniste, ils sont liés à notre capacité de rétrodiction ou de prédiction
des actions intentionnelles et à des réactions émotives « élémentaires 154 ».
Mais même si l’interprétation déflationniste devait être retenue, la découverte
des neurones miroirs constituerait une contribution centrale à la question de
la compréhension d’autrui, car la capacité de prédire les actions d’autrui tout
comme la résonance émotive sont des éléments extrêmement importants dans
notre compréhension des autres. Donc, quelle que soit l’issue de ces débats, il
existe une modalité de compréhension d’autrui 155 qui est implicite et non
inférentielle, et qui n’implique donc pas des actes de connaissance consciente,
ni même des compé-tences langagières. Cela a été souligné notamment par
Rizzolatti et Sinigaglia, qui ont joué un rôle important dans la découverte des
neurones miroirs : « […] le mécanisme des neurones miroirs incarne, sur le
plan neural, cette modalité de la compréhension qui, avant toute médiation
conceptuelle et linguistique, donne forme à notre expérience des autres 156. »
La théorie des neurones miroirs interprétée en termes de simulation
implicite permet donc de plaider en faveur d’une compréhension élémentaire,
mais peut-être aussi fondatrice, d’autrui à un niveau non conscient, suggérant
du même coup qu’effectivement nous vivons toujours déjà dans un monde
commun. Mais nous avons vu aussi que même la théorie de la simulation
explicite reconnaît qu’il existe un niveau de résonance implicite. Si l’existence
de deux théories de la simulation a beaucoup compliqué la discussion à la fois
du rôle des neurones miroirs et de celle du rôle exact de la simulation dans la
compréhension d’autrui, il n’en reste pas moins que tout le monde s’accorde à
reconnaître l’existence d’un niveau subpersonnel de la compréhension d’autrui
correspondant à l’activation des neurones miroirs.
La théorie de la simulation explicite est cependant en concurrence avec
une théorie plus classique selon laquelle nous comprenons autrui parce que
nous disposons d’une théorie de l’esprit, c’est-à-dire d’un ensemble de méta-
représentations qui nous permettent de formuler des inférences sur la vie
mentale d’autrui. Cette conception est classiquement appelée « theory theory »,
parce qu’elle affirme que nous comprenons les autres grâce à une théorie (de
l’esprit). La théorie de la simulation explicite et la conception de la « theory
theory » expliquent toutes les deux nos comportements, nos actions et celles
des autres en termes d’états mentaux (intentions, croyances, désirs). Par
ailleurs, les simulationnistes ne nient pas que les humains se comprennent les
uns les autres aussi grâce à des inférences. Ce qui est en débat c’est la
question de savoir si la compréhension d’autrui passe ou ne passe pas
nécessairement par une telle inférence à partir d’une théorie de l’esprit, ou
comme on dit encore, d’une « psychologie populaire » (folk psychology).
Autrement dit, la thèse selon laquelle la compréhension d’autrui implique la
possession d’une théorie de l’esprit débat essentiellement avec la théorie de la
simulation explicite, laissant cependant dans l’ombre la question du rôle de la
résonance et des neurones miroirs.
Dans leurs débats, les deux théories (« theory theory » et simulation
explicite) se fondent sur les mêmes situations expérimentales. Toutes les deux
se servent en effet de tests de fausse croyance (false-belief tests). Les tests de
fausse croyance ont pour but d’étudier à partir de quel âge les enfants sont
capables d’attribuer des états mentaux à autrui et ont donc une théorie de
l’esprit. Les expériences consistent soit en des narrations qu’on raconte aux
enfants, soit en de petites pièces de théâtre jouées à l’aide de poupées. Par
exemple, Heinz Wimmer et Josef Perner 157, dans une expérience menée sur
deux groupes d’enfants d’âges différents, ont trouvé que les enfants de cinq
ans ont une théorie de l’esprit alors que ceux de trois ans et demi n’en
possèdent pas encore une. L’expérience prend la forme suivante : on montre
aux enfants une marionnette, nommée Maxi, qui range une tablette de
chocolat dans une boîte située à droite, puis s’en va ; sa mère entre pendant
son absence et met la tablette de chocolat dans un placard à gauche ; Maxi
entre de nouveau et veut reprendre du chocolat. On demande alors aux
enfants où Maxi va chercher sa tablette. Les enfants qui sont plus âgés
donnent la bonne réponse : ils disent que Maxi va chercher la tablette dans la
boîte où il l’avait rangé. Les enfants plus petits en revanche répondent de
manière fausse que Maxi va chercher sa tablette dans le placard où sa mère
l’avait mise. Des expériences similaires ont été entreprises par Baron-Cohen et
ses collaborateurs, qui ont fait la même constatation, sauf qu’ils ont pris en
compte aussi un groupe d’enfants autistes âgés de plus de quatre ans et ont
constaté que ces enfants n’ont pas encore de théorie de l’esprit 158. Des
expériences plus récentes menées à l’aide de tests non-verbaux semblent
indiquer que, contrairement à ce que pensaient Wimmer et Perner, cette
capacité précède l’acquisition du langage et existe déjà dès l’âge de
quinze mois 159. Chacune des deux théories interprète de façon différente les
résultats de ces tests. Selon les défenseurs de la théorie de la théorie (Leslie,
Baron-Cohen, Gopnik, Meltzoff), les tests de fausse croyance montrent que les
plus petits ne possèdent pas encore le concept de croyance et que nous
comprenons les autres grâce à une théorie psychologique populaire (folk
psychology), qui est semblable à une théorie scientifique 160. Selon certains,
cette théorie est innée (Carruthers, Baron-Cohen), selon d’autres elle est
acquise par l’intermédiaire de la culture (Gopnik, Wellman). Selon la théorie
de la simulation, en revanche, ils ne sont pas encore capables de se mettre à la
place de quelqu’un qui a une perspective trop différente de la leur, ils ne
peuvent pas imaginer que l’autre peut avoir une croyance fausse.
Mais faut-il nécessairement opposer ces deux conceptions ? Ne peut-on
pas penser qu’elles se réfèrent à des faits de niveau différent ? En fait, chacune
d’entre elles nous dit quelque chose sur la compréhension d’autrui, mais
aucune n’est complète : dans certains cas nous avons recours à des
simulations, alors que dans d’autres nous avons recours à des inférences
logiques. Cela pose évidemment la question de la relation de ces deux
modalités de la compréhension d’autrui avec la compréhension immergée
correspondant aux processus de simulation implicite. Cette question pose le
problème plus général d’une théorie intégrée de la compréhension d’autrui.
Mais avant de pouvoir aborder ce problème il nous reste à présenter un autre
véhicule de la compréhension d’autrui, à bien des égards le plus central, ou du
moins celui qui permet la compréhension la plus complexe d’autrui : le
langage.
Langage et compréhension
Gallagher et Zahavi de leur côté notent que les théories de l’esprit, qu’il
s’agisse de celles postulant l’existence d’une théorie psychologique ou de celles
de la simulation explicite, instaurent une séparation entre l’esprit et le corps
parce qu’elles partent de l’idée que l’esprit des autres nous est nécessairement
caché 197. Or, dans nos rapports quotidiens avec les autres, ce qu’ils pensent ne
nous est pas caché ou dérobé, mais s’exprime de façon directe dans leurs
expressions, leurs gestes et leurs actions :
Dans la plupart des situations intersubjectives nous comprenons directement les
intentions des autres parce que celles-ci sont explicitement exprimées dans leurs actions
incarnées et leurs comportements expressifs. Pour comprendre, nous n’avons pas besoin de
postuler ou d’inférer une croyance ou un désir caché dans l’esprit d’une autre personne. Ce
que certains théoriciens auraient tendance à appeler de manière abstraite la croyance ou le
désir d’une personne est exprimé directement par ses actions et ses comportements 198.
HERMÉNEUTIQUE
ET SCIENCES SOCIALES
Les sciences sociales, en particulier la théorie du droit, la science
politique, la sociologie, l’anthropologie et l’histoire, ont entretenu tout au long
du XXe siècle et jusqu’à nos jours des liens importants (bien que parfois
conflictuels) avec le questionnement herméneutique. L’économie semble à
première vue faire exception, mais nous verrons que même dans son cas la
situation est plus complexe. Le but principal de ce chapitre sera de montrer
que ces liens ne sont pas contingents mais tiennent au fait que les sciences
sociales, du fait de leur « objet », ne sauraient échapper à une prise en compte
du questionnement herméneutique, sauf à risquer de méconnaître les
caractéristiques essentielles de leur champ d’études. Je précise d’entrée de jeu
que le cas de l’histoire sera traité dans un chapitre à part. Ce n’est pas parce
que son statut de science sociale serait moins assuré que celui des autres
disciplines énumérées, mais parce que — pour des raisons qui tiennent à la
fois à l’objet de la discipline historique et à l’importance de la question de
l’histoire dans la philosophie herméneutique — les liens entre la théorie de
l’histoire et l’herméneutique sont, au moins depuis Dilthey, tellement étroits
qu’il faut les traiter à part.
Si le lien entre le questionnement herméneutique et les enjeux des
sciences sociales semble aller de soi, la situation est cependant rendue
complexe par le fait que ces dernières comprennent des disciplines dont
l’ancienneté est des plus diverses. L’histoire remonte à l’Antiquité grecque ;
l’économie au sens actuel naît avec les temps modernes ; la science du droit
telle que nous l’entendons remonte à l’époque de l’Antiquité romaine ; la
science politique moderne naît quelque part entre le début du XVIe (Machiavel)
et le XVIIe siècle (Hobbes) ; l’anthropologie naît à l’âge des découvertes (bien
qu’on en trouve déjà des éléments dans Hérodote) et la sociologie au
e
XIX siècle. Poser la question des relations du questionnement herméneutique
avec les sciences sociales semblerait donc devoir prendre des formes très
différentes selon la science sociale considérée, puisque certaines d’entre elles
précèdent la naissance de l’herméneutique au sens contemporain du terme,
c’est-à-dire en tant que questionnement philosophique général concernant la
nature de la compréhension. Nous verrons cependant qu’en réalité, au
e
XX siècle, toutes les sciences sociales, quelle que soit leur ancienneté, ont été
influencées à des titres divers et à des moments divers de leur développement
par le questionnement herméneutique contemporain, c’est-à-dire par
l’herméneutique philosophique. On peut même dire que toutes ont, sous des
formes diverses et à des moments différents, connu un tournant
herméneutique.
LE TOURNANT HERMÉNEUTIQUE
DANS LES SCIENCES SOCIALES
Le simple fait qu’au XXe siècle pratiquement toutes les sciences sociales
ont connu un « tournant herméneutique » est en lui-même remarquable. Cela
vaut donc la peine de s’y attarder un peu. Je me bornerai dans ce qui suit à
rappeler quelques cas particulièrement révélateurs.
Je partirai de la théorie du droit, puisque ses liens avec l’herméneutique
sont très anciens. Il est d’autant plus significatif qu’elle ait connu son propre
tournant herméneutique au XXe siècle. On admet en général que
l’herméneutique juridique au sens technique du terme naît dans et à travers la
réception médiévale, dès le XIIe siècle 1, du code de l’empereur Justinien (529-
565). Cette herméneutique juridique perdure aujourd’hui sous la forme d’une
« herméneutique spéciale » ayant sa tradition propre, souvent à l’écart de
l’herméneutique générale qui est au centre de cet ouvrage 2. Mais au XXe siècle
s’est développée, à côté de cette herméneutique conçue comme technique
juridique, une réflexion sur la nature même de l’interprétation juridique. Le
« tournant herméneutique en théorie du droit », dont on situe en général la
naissance autour de 1960, coïncide avec une crise profonde de la légitimation
de l’interprétation juridique telle qu’elle était avancée par les théories
formalistes qui furent dominantes durant une grande partie du XXe siècle. Ces
théories défendaient une conception purement procédurale de l’interprétation
juridique, selon laquelle l’interprétation de la norme par le juge relève d’une
procédure cognitive strictement formelle (déductive ou inférentielle)
contraignant de façon quasi déterministe l’interprétation.
Or il est remarquable que la réflexion critique dirigée contre cette
tradition formaliste de l’herméneutique juridique se soit faite en écho à, ou en
prenant appui sur, la conception générale de l’activité interprétative
développée par l’herméneutique philosophique. Le décisionnisme d’un Carl
Schmitt ou le normativisme d’un Hans Kelsen, deux orientations qui ont joué
un rôle important dans la prise de conscience de la crise de la théorie
classique de l’interprétation juridique, s’accordent, malgré ce qui les oppose
par ailleurs, sur le constat que l’interprétation juridique ne saurait être réduite
à une procédure déterministe descendant des normes juridiques vers le cas
particulier. Ils considèrent au contraire que le statut de l’interprétation
juridique est éminemment problématique, dans la mesure où la norme ne
détermine jamais totalement son application : toute décision juridique fait
intervenir, qu’elle en soit consciente ou non, d’autres facteurs, externes à la
norme proprement dite (par exemple le contexte historique, ou la subjectivité
du juge).
La parenté du décisionnisme de Schmitt — qualifié parfois
d’« herméneutique négative » à cause de la manière dont il souligne l’aspect
purement décisionnel du jugement — avec l’ontologie herméneutique du
Heidegger d’Être et Temps est particulièrement nette 3 : la thèse décisionnelle
selon laquelle la décision juridique déborde toujours le fondement
argumentatif invoqué et qu’elle est donc de nature créatrice, entre en
résonance avec la conception heideggérienne de la décision existentiale
comme « saut » vers l’avenir. De même que chez Heidegger la décision ne
saurait jamais être expliquée à partir du passé dont elle émerge, mais est une
projection dans l’avenir, de même la décision du juge ne saurait pouvoir être
la simple résultante de la loi et de la jurisprudence, mais comporte une
dimension de pur événement. Chez Kelsen, la notion d’auto-interprétation du
droit introduit un thème central de l’herméneutique philosophique dans la
théorie du droit. La notion se réfère au fait que « tout acte de conduite
humaine apporte une assertion relative à ce qu’il signifie juridiquement » ce
qui implique que, lorsque le théoricien du droit cherche à interpréter ses
« matériaux », il se trouve en fait devant des faits « déjà interprétés 4 ». Il s’agit
d’une transposition, dans le domaine du droit, du principe herméneutique
fondamental selon lequel ce que nous appelons un « fait humain » est
toujours une auto-interprétation de l’homme par lui-même opérée à travers
ses actions, croyances et valeurs.
Il existe aussi des parentés indéniables entre la conception non
déterministe du jugement juridique avancée dans le cadre du « tournant
herméneutique de la théorie du droit » et la manière dont Gadamer a défini la
notion d’application. Il faut rappeler qu’il a emprunté cette notion à
l’herméneutique technique du droit, mais qu’il l’a réinterprétée profondément,
puisqu’il ne considère pas que l’application est simplement la projection d’un
sens figé sur un cas individuel, mais qu’elle pense ce qui est à comprendre (à
juger) à partir de la situation présente. Cela correspond précisément à la
manière dont les pensées du droit liées au tournant herméneutique ont
interprété le rapport bidirectionnel entre la loi et son application. Autrement
dit, ils ont pensé la notion d’application contre la théorie technique de
l’application juridique, en s’inspirant de sa redéfinition philosophique par
Gadamer qui lui-même était parti de la conception juridique classique de
l’application 5.
À bien des égards l’économie semblerait devoir se trouver dans une
situation opposée à celle de la théorie du droit. On pourrait en effet penser
que ses relations avec le questionnement herméneutique sont inexistantes. Et
il en est sans doute ainsi dans le cas du paradigme de la théorie néoclassique.
En effet, s’il y a une science sociale qui se pense et se veut de part en part
« objectiviste », c’est bien l’économie néoclassique. Ce qui est en cause ce n’est
pas tant l’importance qu’elle accorde aux statistiques et à la modélisation
mathématique. En effet, contrairement à ce qui est souvent avancé, rien
n’interdit a priori qu’une enquête herméneutique se serve de ces outils,
puisque précisément elle ne se définit pas comme une méthode spécifique
mais comme un questionnement spécifique. Ce qui est en cause ce sont plutôt
deux aspects de l’ontologie implicite de la théorie néoclassique. D’une part,
elle conçoit l’entité de base sur laquelle elle mène ses opérations cognitives, à
savoir l’homo œconomicus, comme un décideur rationnel dont les choix sont
causés par un pur calcul d’utilité marginale appliqué à une série ordonnée de
préférences. D’autre part, elle réduit le fait social à l’agrégation des
préférences et décisions individuelles dans le contexte d’une rareté des
ressources qui met les choix des individus en concurrence sur le marché. Une
telle conception n’a effectivement que faire du questionnement
herméneutique, puisqu’elle n’accorde aucune pertinence au caractère
historiquement et socialement situé des agents. Elle réduit la dimension
sociale au fait que chaque individu, soit attribue aux autres qu’il rencontre sur
le marché la même stratégie rationnelle de maximisation de l’utilité
personnelle que celle qu’il poursuit (ce qui est la thèse défendue par la théorie
économique néoclassique), soit possède parmi les croyances qu’il entretient
des croyances concernant les croyances d’autrui (ce qui correspond à la thèse
de la théorie économique cognitiviste) 6. Dans les deux cas les agents sont
pensés comme des individus isolés enfermés dans leur esprit et prenant leurs
décisions de manière purement computationnelle, comme des esprits
cartésiens « naturalisés ».
La situation est cependant fort différente dès lors qu’on accepte de faire
un pas de côté et de s’intéresser aux travaux de ce qui fut le paradigme
dominant en économie avant le triomphe de la théorie néoclassique, à savoir
l’économie de l’école autrichienne (Menger, von Mises et Hayek), qui continue
à être développée sous le nom d’« école néo-autrichienne 7 ». Longtemps
considérée comme hétérodoxe, l’école néo-autrichienne a acquis une nouvelle
actualité avec la crise de 1998 et l’incapacité des modèles de l’économie
néoclassique de la prévoir 8. Or l’objection principale de l’école néo-
autrichienne au modèle néoclassique concerne précisément son ontologie,
c’est-à-dire la notion d’acteur rationnel maximisant ses propres avantages à
partir d’un calcul des préférences et des coûts. Les néo-autrichiens
considèrent que cette base ontologique est non réaliste et donc interdit une
compréhension adéquate de la dynamique économique 9. Elle est non réaliste,
d’abord parce qu’elle isole l’action économique des autres activités de
l’individu et méconnaît le caractère holiste de l’esprit humain, ensuite parce
qu’elle ne s’intéresse qu’aux états d’équilibre alors que selon l’école
autrichienne la vie économique est un processus créateur fondé sur la
production permanente de déséquilibres (comme en témoigne la « théorie du
marché comme processus » qui est au centre de son modèle théorique), et
enfin et surtout parce que la notion de sujet économique rationnel méconnaît
le fait que les êtres humains sont toujours socialement et historiquement
situés et que donc leurs actions proprement économiques ne sont pas des
décisions de calcul rationnel « pur », prises par des esprits cartésiens
désincarnés, mais traduisent des choix incertains (et souvent problématiques)
d’individus « immergés » socialement et historiquement 10. C’est dans le cadre
de cette critique que Lachmann et Lavoie en particulier se sont tournés vers
l’herméneutique philosophique, et plus particulièrement vers Gadamer, pour
poser les bases d’un « tournant herméneutique » (Don Lavoie) 11 de
l’économie. Le point central de ce tournant réside dans la reconnaissance du
fait que lorsque les humains agissent économiquement, ils le font en tant
qu’individus sociaux « soumis aux effets de l’histoire » (Gadamer) et que leurs
décisions économiques ne peuvent pas être réduites au résultat d’un calcul
d’utilité mais reposent sur une précompréhension « vécue », beaucoup plus
large, des enjeux y compris autres qu’économiques, de leurs choix. Du point
de vue d’un modèle purement rationnel, cette précompréhension ne peut être
vue que comme un biais. Du point de vue de l’approche herméneutique, elle
est constituante de l’action économique. Ou pour le dire en termes de
modélisation : tout modèle des faits économiques doit prendre en compte leur
composante autoréférentielle. C’est en cela que pour l’école néo-autrichienne,
l’économie est de manière intrinsèque une science sociale et une science
historique. Sa dimension historique en particulier ne saurait être réduite à un
élément externe (dont s’occuperait l’histoire de l’économie conçue comme une
discipline différente de l’économie), mais doit être intégrée dans la logique
même du modèle économique.
En sociologie, l’intrication entre le questionnement herméneutique et
l’évolution de la discipline est très forte. La distinction diltheyenne entre
compréhension et explication est ainsi apparentée à l’épistémologie
webérienne de la sociologie comme explication compréhensive (verstehendes
Erklären) 12, qui lui est pratiquement contemporaine. La différence avec
Dilthey ne saurait évidemment être sous-estimée, puisque si pour Weber la
sociologie est fondée sur une analyse des actions qui relève de la
compréhension, sa finalité n’en est pas moins explicative : il s’agit d’une
explication par des raisons, donc par des faits d’intentionnalité que le
sociologue doit comprendre, mais qui sont en même temps conçues comme
des causes des actions et sont donc explicatives. Par exemple, selon Weber,
nous comprenons le geste de quelqu’un qui épaule un fusil si nous savons qu’il
veut fusiller quelqu’un, ou combattre des ennemis ou se venger ; nous
comprenons dans sa motivation une colère, si nous savons qu’elle est causée
par une jalousie, une vanité ou un honneur blessé. Comme il le souligne :
Dans tous ces cas nous avons affaire à des ensembles significatifs [Sinnzusammenhänge]
compréhensibles, et nous considérons leur compréhension comme une explication [Erklären]
du déroulement effectif de l’activité. Pour une science qui s’occupe du sens de l’activité,
« expliquer » signifie par conséquent la même chose qu’appréhender l’ensemble significatif
auquel appartient selon son sens visé subjectivement, une activité actuellement
compréhensible […] 13.
Nous avons vu que le monde social se montre toujours à nous sous deux
faces qui semblent s’exclure : selon l’aspect sous lequel on le « regarde », il
apparaît comme subjectif ou au contraire comme objectif. Ainsi, comme l’ont
souligné Berger et Luckmann, d’un côté le monde de la vie sociale est
« considéré comme donné en tant que réalité par les membres d’une
société 73 » et, d’un autre côté, « c’est aussi un monde qui trouve son origine
dans leurs pensées et leurs actions, et est maintenu en tant que réalité par
ceux-ci 74 ». Searle met en évidence la même dualité lorsque, dans une
perspective philosophique, il souligne que les faits sociaux sont à la fois
« ontologiquement subjectifs et épistémiquement objectifs 75 ». D’une part, le
monde social nous apparaît comme une réalité objectivée, extérieure aux
individus et indépendante d’eux. Ainsi, les formes socioculturelles, devenues
indépendantes de l’intentionnalité individuelle, agissent sur les individus, sous
la forme par exemple de coutumes qu’ils ont intériorisées ou de lois qui les
contraignent. D’autre part pourtant, ce monde social et culturel existe
uniquement parce que — comme nous allons le voir — il y a des individus qui
ont certaines croyances et attitudes à son propos.
Comment penser cette dualité du « monde social » ? La question fait
l’objet d’un débat intense et récurrent dans lequel trois positions classiques
s’affrontent : holisme, individualisme et interactionnisme. La position
herméneutique, nous le verrons, est différente de toutes les trois et permet de
dépasser leur opposition. Mais il nous faut d’abord voir comment elles se
distinguent et s’opposent.
C’est la position holiste qui a été dominante dans les sciences sociales
au XIXe et en partie aussi au XXe siècle. Selon l’holisme social (défendu
notamment par Durkheim), la société est une réalité collective
ontologiquement transcendante par rapport aux individus et qui peut agir
causalement sur ceux-ci, voire les déterminer. Durkheim soutient ainsi que la
société est une réalité objective, irréductible aux individus qui la composent :
[…] la société n’est pas une simple somme d’individus, mais le système formé par leur
association représente une réalité spécifique qui a ses caractères propres. Sans doute, il ne
peut rien se produire de collectif si des consciences particulières ne sont pas données ; mais
cette condition nécessaire n’est pas suffisante. Il faut encore que ces consciences soient
associées, combinées, et combinées d’une certaine manière ; c’est de cette combinaison que
résulte la vie sociale et, par suite, c’est cette combinaison qui l’explique. En s’agrégeant, en se
pénétrant, en se fusionnant, les âmes individuelles donnent naissance à un être psychique si
l’on veut, mais qui constitue une individualité psychique d’un genre nouveau 76.
La notion d’« individu collectif » est en fait, selon Descombes, une notion
contradictoire : si l’adjectif « collectif » renvoie à une pluralité, à un
groupement de personnes, le nom « individu », en revanche, renvoie à quelque
chose d’« indivis » et d’« indivisible », donc qui ne semble pas admettre la
diversité à l’intérieur de l’unité 91. Quelque chose ne peut donc pas être à la fois
un groupe, un ensemble d’individus et un individu unique, et cela quelle que
soit l’acception dans laquelle on prend l’adjectif « collectif 92 ».
Pourquoi Durkheim refuse-t-il de fonder le fait social dans le fait
individuel ? Pourquoi son souci de marquer l’extériorité absolue du fait social
par rapport aux individus ? L’explication de Searle est que la psychologie
ayant été dominante à son époque, Durkheim, qui voulait fonder
méthodologiquement la sociologie, était soucieux de délimiter son domaine
par rapport à celui de la psychologie :
Durkheim poursuit plusieurs buts. Il veut que la sociologie devienne une science
véritable, comme la physique, avec un domaine ontologique propre qui serait son objet
d’études, mais il ne veut pas qu’elle soit réductible à la psychologie dont elle serait alors une
branche. Ainsi, de même que l’association de neurones produit un niveau distinct, celui de la
conscience, qui ne réside pas dans les neurones individuels, l’association de consciences
individuelles produit un niveau de faits sociaux qui ne résident pas dans les consciences
individuelles. La psychologie étudie la conscience individuelle et la sociologie étudie la
conscience collective et sa manifestation dans les faits sociaux 93.
Les trois positions que nous venons de passer en revue proposent toutes
de résoudre le problème des faits sociaux et notamment des représentations
communes en neutralisant un de ses termes : l’holisme neutralise l’ontologie
des individus, l’individualisme neutralise l’ontologie des faits collectifs et
l’interactionnisme neutralise les deux et les remplace par une ontologie
purement relationnelle. Le problème de l’individualisme et du holisme
consiste dans le fait qu’ils opposent l’individuel et le social, l’accent tombant
ou bien sur l’individuel, ou bien sur le social. Or, entre les deux, on ne peut
pas choisir, parce que, comme nous l’avons vu, l’individuel et le social sont
indissociables. Si l’on oppose individualisme et holisme, on tourne donc dans
un cercle vicieux : d’une part, les représentations n’existent que dans la
mesure où elles sont incarnées dans des esprits individuels, d’autre part, la
société et l’histoire ne sont possibles qu’à travers des représentations
partagées socialement. L’interactionnisme ne nous permet pas non plus de
sortir du débat entre individualisme et holisme, parce que dans cette
conception les sujets apparaissent comme de simples effets de relations.
Aucun des niveaux dont nous avons discuté auparavant, c’est-à-dire ni la
psychologie ou la biologie des individus, ni les objectivations sociales et les
représentations communes, ni les dynamiques d’interaction entre les
individus, ne saurait être la cause unique des faits sociaux, car sinon aucune
société ne saurait évoluer. Penser une entité qui existe dans le temps (ce qui
est le cas des sociétés) comme étant le résultat d’une cause unique implique
l’idée d’une cause récursive, et donc d’une reproduction à l’identique. Or nous
savons que, de fait, les sociétés évoluent. Aucune des trois explications
monocausales n’est donc satisfaisante.
Pour saisir la portée réelle de la conception herméneutique de la relation
entre faits individuels et faits collectifs, il peut être utile de reprendre plus en
détail la distinction proposée par John Searle entre le niveau ontologique et le
niveau épistémique des faits sociaux. Nous avons vu que Searle considère que
les faits collectifs sont ontologiquement subjectifs (ils sont ancrés dans des
représentations, donc dans des faits qui n’existent comme tels qu’en tant qu’ils
sont incarnés mentalement dans des « esprits », qui sont par définition
individuels) et épistémiquement objectifs (ils sont irréductibles à des désirs,
préférences, choix, etc., individuels). Comme nous allons le voir, cette position
a été défendue au même moment par Charles Taylor et par Paul Ricœur, donc
dans le cadre de l’herméneutique philosophique. En fait, on peut remonter
plus haut : l’origine de cette thèse d’une incarnation individuelle du social se
trouve dans la notion heideggérienne de Mitsein (être-avec). En effet, dans
Être et Temps, l’« être-avec », le Mitsein, est une détermination interne de
« l’être-dans-le-monde » du Dasein 131. Cependant, il est avantageux de partir
de la conception de Searle, ne serait-ce que pour montrer que le
questionnement herméneutique n’est pas une spécificité de la philosophie
continentale mais qu’il existe aussi dans la tradition analytique (même si
Searle n’emploie pas le terme d’herméneutique).
Searle s’oppose clairement à l’individualisme 132 : il pense, en effet, qu’à
côté de l’intentionnalité individuelle il y a une intentionnalité collective qui est
tout aussi primitive que l’intentionnalité individuelle. L’intentionnalité
collective qui prend la forme d’un « nous », est une réalité propre, irréductible
à une simple accumulation d’intentionnalités individuelles, c’est-à-dire
d’intentionnalités en « je ». Searle pense que les hommes ont ce qu’il appelle
« une capacité pour l’intentionnalité collective 133 », ce par quoi il entend d’une
part le fait qu’ils ont des comportements de coopération, d’autre part qu’ils
ont en commun des états intentionnels comme des croyances, des désirs et
des intentions 134. Lorsque nous sommes dans une situation d’intentionnalité
collective réelle, celle-ci a la préséance sur l’intentionnalité individuelle :
L’élément décisif dans l’intentionnalité collective est le sentiment que l’on a de faire
(vouloir, croire, etc.) quelque chose ensemble, et l’intentionnalité individuelle que chacun
peut avoir est dérivée de l’intentionnalité collective que l’on partage 135.
Il s’agit des « cas où je ne fais quelque chose que dans le contexte plus
général où nous faisons quelque chose 139 », où j’agis en tant que partie d’un
collectif. Searle prend l’exemple d’un footballeur dans une équipe ou celui
d’un violoniste qui joue dans un orchestre : par exemple, si je suis un
footballeur, je bloque la défense « dans le contexte plus général où nous
sommes en train d’exécuter une passe 140 » ; de la même façon, « si je suis
violoniste dans un orchestre, je joue mon morceau dans notre exécution de la
symphonie 141 ». Dans ces cas, je fais quelque chose en tant que partie de notre
action commune. Un autre cas d’intentionnalité collective est décrit par
Habermas sous la dénomination d’« agir communicationnel », qu’il oppose au
modèle de l’agir utilitariste du type moyen-fin dont parle Weber. Si, dans le
modèle webérien, les actions sont orientées vers le succès, l’« agir
communicationnel » implique, selon Habermas, un type d’action qui n’est
plus orienté vers un but propre, mais vers une intercompréhension : chaque
acteur individuel accorde son plan d’action avec celui des autres, en vue
d’obtenir une entente ou un accord rationnel 142. Ces interactions sont
médiatisées par le langage, puisque, pour qu’il y ait une coordination, il faut
pouvoir s’entendre sur quelque chose.
Mais si Searle affirme qu’il existe une intentionnalité collective qui est
aussi primitive que l’intentionnalité individuelle, il n’en rejoint pas pour
autant la position de Durkheim. Dans « Searle versus Durkheim and the
Waves of Thought », il affirme clairement que sa position est
fondamentalement différente de celle du sociologue, dont il critique point par
point la position 143. Ainsi, selon Searle, contrairement à ce qu’affirme
l’holisme ontologique à la Durkheim, l’intentionnalité collective se trouve,
comme le pensait Weber, dans les têtes des individus. Elle n’est pas un super-
esprit qui flotterait au-dessus d’eux 144. Il n’existe donc pas de conscience
collective au sens de quelque chose d’extérieur aux individus, c’est-à-dire qui
ne serait pas incarné dans des consciences individuelles mais dans un être
supra-individuel. La « conscience collective » de Durkheim n’est donc pas la
même chose que l’« intentionnalité collective » de Searle. Contrairement à
Searle, Durkheim ne pense pas que l’intentionnalité qui existe dans la tête des
individus puisse prendre la forme d’un « nous 145 » et donc que la « conscience
collective » puisse se réduire à la distribution entre un certain nombre de
consciences individuelles de représentations incarnant des intentionnalités
collectives.
Charles Taylor, de son côté, critique l’ontologie des sciences sociales
dominantes parce que, selon lui, elle part toujours du sujet individuel et
jamais « d’un sujet qui peut être un “nous” 146 ». Il souligne ainsi que « nous
sommes conscients du monde à travers un “nous” avant de l’être à travers un
“je” 147 ». Il distingue entre deux formes de représentations partagées 148. Selon
lui, toutes les représentations partagées ne relèvent pas d’une véritable
intentionnalité collective : il existe deux modalités de partage dont seulement
la deuxième relève de l’intentionnalité collective au sens strict. La première
modalité est le consensus : il s’agit d’une convergence de croyances, de
préférences, de décisions, etc., qui amène plusieurs personnes à partager la
même opinion, la même décision, indépendamment les unes des autres. Par
exemple deux ou plusieurs personnes peuvent décider de voter pour le même
parti. On peut dire dans ce cas que les deux partagent la même opinion
politique. Mais ce partage est en fait un simple consensus qui résulte d’une
accumulation d’intentionnalités individuelles équivalentes, à savoir les
croyances et intentions de X, Y, Z.
Le deuxième type de « partage » est celui qui caractérise les significations
intersubjectives et les significations communes 149. À la différence des
phénomènes de consensus, les significations intersubjectives et communes
sont des significations qui sont non seulement publiques mais aussi
sociales 150. Taylor donne comme exemple de signification intersubjective la
négociation. Si, dans une négociation, chaque partie poursuit son propre
intérêt et agit selon ses propres croyances individuelles qui, certes, peuvent
être partagées par d’autres, pour que deux parties puissent négocier, il faut
qu’elles sachent ce qu’est une négociation 151. Ces significations instituées
socialement, généralement implicites, sont, selon Taylor, constitutives de la
réalité sociale 152. Les gens ont ainsi une compréhension commune de la
pratique de la négociation, déjà en amont de toute négociation. Un accord
préalable (souvent implicite) précède tout consensus ou toute absence de
consensus. Ces significations intersubjectives forment, selon Taylor, un
« ensemble de termes de référence commun » ou un « langage commun 153 » :
En d’autres termes la convergence de croyances ou d’attitudes, ou son absence,
présupposent un langage commun, dans lequel formuler ces croyances et leur conflit. Dans
toute société, l’essentiel de ce langage est inscrit dans ses institutions et pratiques, il fait partie
des significations intersubjectives 154.
HERMÉNEUTIQUE ET HISTOIRE
Les rapports de l’herméneutique avec la problématique historique lui sont
consubstantiels. Dès sa naissance à l’Antiquité la question de l’histoire était
présente en creux puisque le problème que l’herméneutique était appelée à
résoudre était celui des difficultés de compréhension des textes du passé,
notamment les épopées homériques. Or ces difficultés posent implicitement la
question de la distance historique (et plus généralement celle de la nature non
présentifiable du passé) mais aussi celle, plus fondamentale dans la
perspective de l’herméneutique du XXe siècle, de l’historicité de la
compréhension elle-même. Certes cette dernière question y était rencontrée
surtout sous la forme relativement élémentaire de l’évolution de la langue et
de la disparition du contexte originaire des œuvres, la réponse étant soit celle,
philologique, d’une reconstitution de l’état passé de la langue et du contexte
d’origine, soit celle, sémiotique, d’une lecture allégorique suppléant au sens
littéral défaillant. Mais la lecture allégorique était déjà dans une certaine
mesure la reconnaissance en acte d’une historicité plus fondamentale de la
compréhension, puisque le remplacement du sens littéral défaillant par un
sens allégorique se faisait sous la pression d’une demande de sens qui
s’originait dans le contexte contemporain du lecteur et devait être validé par et
dans ce contexte, ce qui fait du sens allégorique, comme Gadamer le notera,
un cas typique de la logique de l’application.
Le XIXe siècle, celui de la naissance de l’herméneutique générale chez
Schleiermacher, fut aussi le siècle de l’histoire, que ce soit sous la forme du
règne des philosophies idéalistes de l’histoire (Schelling et surtout Hegel) ou
sous la forme du triomphe de l’histoire positiviste. Dilthey, le fondateur de la
conception contemporaine de l’histoire comme entreprise foncièrement
herméneutique, a dégagé les points centraux de sa démarche à travers une
critique à la fois de l’histoire positiviste et de la philosophie hégélienne de
l’histoire. Contre l’histoire positiviste il a défendu l’hypothèse de la nature
interprétative de l’histoire, et contre les conceptions idéalistes de l’histoire il a
défendu sa théorie de l’histoire comme « vie », c’est-à-dire comme ancrée dans
l’expérience des individus et dans les « objectivations » expressives de cette
expérience. Dilthey est surtout célèbre pour avoir été l’initiateur de la
distinction entre l’explication et la compréhension, conçue comme distinction
générale entre les sciences de la nature et les sciences de l’esprit, et c’est à ce
titre qu’il a été question de lui à plusieurs reprises déjà dans ce livre 1. Mais
c’est bien le terrain de l’histoire qui a été au centre de la réflexion qu’il a
consacrée à ce couple de notions. S’il s’est tourné vers l’histoire de
l’herméneutique et tout particulièrement vers la figure de Schleiermacher ce
fut précisément parce qu’il pensait y trouver un fondement alternatif au
factualisme positiviste. Son « psychologisme », qui lui sera reproché entre
autres par Heidegger et Gadamer, trouve sa source dans sa conviction que,
pour mériter son nom, la discipline historique ne pouvait se contenter d’être
factualiste (bien qu’il fût convaincu que si elle n’était pas aussi cela, elle n’était
plus de l’histoire), mais qu’elle devait requalifier les faits en les rapportant aux
individus (et groupes d’individus) qui étaient leurs agents (ou « patients »),
donc les comprendre comme des faits expressifs et donc des faits de sens.
Contre la philosophie idéaliste de l’histoire il défendait l’idée que les formes
objectives de l’histoire n’étaient pas des réalités ontologiques transcendantes
que les actions des humains se bornaient à réaliser dans l’empirie historique,
mais qu’il s’agissait d’objectivations spirituelles, c’est-à-dire qu’elles étaient
produites par les humains, en sorte qu’on pouvait les comprendre comme des
cristallisations expressives. S’il empruntait à Hegel l’idée de l’importance
centrale des formations objectives dans la dynamique historique, il s’en
séparait lorsqu’il s’agissait de déterminer leur statut ontologique : loin d’être
les expressions d’un esprit absolu, elles étaient les produits contingents de
l’expérience historique et de la capacité expressive des individus.
La conception de Dilthey est souvent lue à travers les yeux de ses critiques
qui ont fait ressortir certains des aspects problématiques de sa démarche.
Mais le « psychologisme » qu’on lui a reproché 2 doit être vu d’abord comme
ce qui lui a permis de modéliser l’histoire comme expérience en la pensant, en
analogie avec la vie psychique individuelle, comme une dynamique à trois
pôles : la saisie configurationnelle du passé à partir d’une expérience du
présent toujours orientée par des valences positives ou négatives et son
ouverture vers l’avenir conçue comme projection de fins guidée par notre
évaluation du présent 3.
Le Heidegger d’Être et Temps a critiqué l’« herméneutique philosophique »
de Dilthey au nom de la « philosophie herméneutique » du Dasein. Le
désaccord entre les deux penseurs se situe essentiellement au niveau de la
conception de la temporalité historique. Pour Dilthey l’histoire est
principalement indexée sur le passé, alors que chez Heidegger elle est au
contraire pensée à partir de l’avenir, c’est-à-dire à partir de l’être-vers-la-mort
qui définit le Dasein 4. C’est l’être-vers-la-mort comme expression de la finitude
des humains qui fonde l’historicité intrinsèque de la vie. Et pourtant, les textes
du jeune Heidegger avant Être et Temps montrent clairement que Dilthey a
joué un rôle central non seulement dans le développement progressif de cette
vision radicale de l’historicité comme « existential », mais plus
fondamentalement encore dans le développement de la conception de l’être-là
comme être auto-interprétant. Cette conception trouve en effet son origine
dans la conception dilthéyenne de la vie comme auto-interprétation 5.
Heidegger, ou du moins le Heidegger d’Être et Temps, pensait l’histoire
primordialement sous l’angle de l’historicité intrinsèque de l’être-là, l’histoire
au sens collectif du terme n’étant qu’une conséquence de cette historicité
intrinsèque de la finitude de l’existence humaine. La leçon que Gadamer
retiendra de la conception de son maître se situera sur un autre plan : celui
d’un déplacement de la notion d’histoire comme répertoire d’événements vers
la notion (venant de Dilthey) de l’histoire comme expérience. En développant
toutes les implications de cette notion — l’être-exposé à l’histoire, la tradition,
l’histoire comme Wirkungsgeschichte ou encore l’historicité intrinsèque de la
compréhension — et en les interprétant à partir de l’histoire culturelle, il
développera une critique de l’objectivisme de la discipline historique qui
jouera un rôle important non seulement dans son débat avec Habermas, mais
aussi à travers la reprise de sa conception par Paul Ricœur, dans le contexte
de la crise de l’histoire sociale (représentée en France par les Annales) durant
le dernier tiers du XXe siècle.
Des quatre grandes figures de l’herméneutique (philosophique) au
e
XX siècle, Ricœur est sans conteste celui dont la pensée a le plus
profondément marqué la réflexion historique récente. Cela est dû à au moins
trois raisons. En premier lieu il récapitule l’ensemble de la réflexion
herméneutique moderne et contemporaine, de Schleiermacher à Gadamer en
passant par Dilthey et Heidegger. Ensuite, il met en relation de façon
systématique les positions de l’herméneutique avec les sciences sociales et
humaines de son époque. Enfin il introduit et développe une notion qui
jusque-là n’avait pas été prise en compte par l’herméneutique, alors même
qu’elle correspond à une pratique qui est sans le moindre doute une des
ressources les plus importantes, non seulement pour l’autocompréhension et
pour la compréhension d’autrui, mais aussi pour l’autostructuration de
l’historicité de la vie humaine (ou de l’être-là), tout en constituant un élément
central du discours historique : le récit.
Le présent chapitre ne se propose pas de retracer l’histoire complexe des
relations entre herméneutique et histoire au XXe siècle, dont je viens
d’indiquer quelques jalons. Comme dans le chapitre précédent, je me
concentrerai sur des problèmes généraux pour lesquels l’apport de
l’herméneutique a été et continue à être important : la centralité de
l’expérience de l’historicité et de la continuité de la tradition ainsi que la
critique de l’objectivisme et de l’historicisme qui en découlent, la question des
temporalités historiques, la relation de l’histoire avec la mémoire et l’oubli et
enfin l’importance de la narrativité comme mode de structuration à la fois de
l’expérience temporelle individuelle, de l’expérience historique collective, et de
la discursivité de la discipline historique.
LA PRIMAUTÉ DE L’EXPÉRIENCE
DE L’HISTOIRE ET SES CONSÉQUENCES
POUR LA COMPRÉHENSION HISTORIQUE
La raison n’est donc pas située en dehors de la tradition, elle opère dans et
à travers la tradition elle-même. En effet la continuité de la tradition est le
résultat d’actes d’adhésion active engageant des décisions fondées en raison.
Gadamer réhabilite la tradition parce qu’il pense qu’il n’y a d’innovation
qu’à l’intérieur de la tradition, c’est-à-dire que l’innovation et la conservation
vont de pair et déterminent ensemble la tradition. L’innovation n’est jamais
une rupture totale avec le passé 21 car s’il y avait une telle rupture radicale, il
n’y aurait ni transmission, ni communication possible entre les différentes
générations qui se succèdent et du même coup l’idée d’innovation elle-même
deviendrait impensable. Une partie du passé se conserve donc à travers les
changements et c’est cette conservation dans l’innovation qui assure la
continuité de l’histoire. Gadamer ne nie pas le fait qu’il y a des discontinuités
entre le passé et le présent mais selon lui ces discontinuités ne sont jamais que
locales : globalement il y a une continuité qui assure la transmission
transgénérationnelle des représentations partagées.
De même, Gadamer ne nie pas qu’il existe une distance entre le présent et
le passé. Mais cette distance qui est de l’ordre de l’expérience temporelle ne
doit pas être confondue avec la mise à distance du passé qui est spécifique de
l’objectivisme méthodologique et de l’historicisme. Ce point a été souligné par
Ricœur, lorsqu’il note : « La distance est un fait ; la mise à distance un
comportement méthodologique 22. » La différence entre les deux types de
distance ressort du fait qu’au lieu de voir, à la façon de l’historicisme, la
distance historique qui sépare le présent du passé comme un espace vide ou
comme un abîme, Gadamer la voit comme un échange productif : selon lui, la
distance n’est pas ce qui sépare le passé du présent mais ce qui les lie.
Désormais le temps n’est plus d’abord l’abîme qu’il faut franchir parce qu’il sépare et
éloigne ; il est, en réalité, le fondement qui porte l’advenir (Geschehen) dans lequel le présent
plonge ses racines. La distinction des périodes n’est donc pas un obstacle à surmonter. […] Il
importe en réalité de reconnaître dans la distance temporelle une possibilité positive et
productive de la compréhension. Cette distance n’est donc pas un abîme béant, elle est au
contraire comblée grâce à la continuité de provenance et de transmission, à la lumière de
laquelle toute tradition s’offre à nos regards. Il n’est pas excessif de parler ici d’une
authentique productivité de l’advenir 23.
L’ouverture, qui caractérise tous les horizons, implique qu’ils ne sont pas
impénétrables les uns aux autres. Cela ouvre la possibilité d’une « fusion
d’horizons », notion qui permet à Gadamer de dépasser l’historicisme. Alors
que la conscience historique séparait radicalement l’horizon du passé de celui
du présent, selon Gadamer la compréhension consiste au contraire dans une
fusion entre « l’horizon du passé » et « l’horizon du présent ». La notion de
« fusion des horizons » met en évidence le fait que la conscience d’être exposé
aux effets de l’histoire est aussi la conscience du fait que l’histoire est
agissante dans tout acte de compréhension 36 : elle est la manière dont notre
« être pris dans l’histoire » nous permet de comprendre le passé à la fois
comme passé (différent de nous) et comme action dans le présent (agissant
sur nous). Comme l’a souligné Ricœur, le concept de fusion des horizons
résulte d’un double refus : celui de l’objectivisme, qui en objectivant l’autre
s’oublie soi-même, et celui d’une philosophie absolue de l’histoire comme celle
de Hegel selon laquelle celle-ci possède un horizon unique : si pour
l’herméneutique il n’y a pas d’horizon fermé, il n’y a pas davantage d’horizon
unique 37.
La relation avec le passé apparaît ici non pas comme une relation
distancée avec un objet qui ne nous concerne plus, mais comme une relation
avec une altérité qui est incluse dans une continuité plus fondamentale 38 et
avec laquelle peut donc s’engager un dialogue. La fusion des horizons est
précisément cela : un dialogue entre passé et présent. Ce qui est propre au
dialogue, c’est l’ouverture à l’autre, donc, dans le cas de l’histoire, l’ouverture à
la tradition pour entendre ce qu’elle a à me dire, pour entendre sa prétention à
la vérité. C’est pour cette raison que Gadamer souligne que la tradition
m’interpelle, me dit quelque chose :
Mais la tradition n’est pas simplement quelque chose qui arrive, et que l’expérience
apprend à connaître et à maîtriser, elle est langage, c’est-à-dire qu’elle parle d’elle-même
comme un toi. Le toi n’est pas un objet, il a au contraire rapport à quelqu’un. Là-dessus il ne
faut pas se méprendre : ce qui, de la tradition, vient à l’expérience n’est pas compris comme
expression de la vie d’un autre, qui serait un toi. Nous maintenons au contraire que
comprendre la tradition, c’est comprendre le texte transmis non pas comme expression de la
vie qui serait celle d’un toi, mais comme contenu de sens détaché de tout lien à ceux qui le
pensent, au moi et au toi 39.
Ce que dit un historien peut donc être jugé en termes de vrai et de faux,
alors que la fiction n’est quant à elle ni vraie ni fausse. Ricœur souligne ainsi
que « seule l’historiographie peut revendiquer une référence qui s’inscrit dans
l’empirie, dans la mesure où l’intentionnalité historique vise des événements
qui ont effectivement eu lieu 177 ». C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre
sa critique des limites de la conception de Hayden White qui interprétait le
discours historique comme une rhétorique : en voulant mettre en évidence le
fait que l’histoire est un artefact littéraire, Hayden White a fini par oublier
qu’elle est en premier lieu représentation d’un réel qui a été, autrement dit,
que le fait d’« avoir été » prédomine sur le « n’est plus ».
Cependant Ricœur veut aussi mettre en évidence « une certaine
convergence entre […] la fonction de représentance exercée par la connaissance
historique à l’égard du passé “réel” et, d’autre part, la fonction de signifiance
que revêt le récit de fiction, lorsque la lecture met en rapport le monde du
texte et le monde du lecteur 178 ». Après avoir reconnu la différence
fondamentale qui sépare histoire et fiction, il veut ainsi souligner ce qui leur
est commun. D’où la volonté de créer une notion de vérité assez large pour
englober à la fois l’histoire et la fiction, afin de montrer que les deux types de
récit contribuent à la redescription de notre condition historique 179. Selon
Ricœur, entre la référence par traces du récit historique et la référence
métaphorique du récit de fiction, il y a un entrecroisement. En quoi consiste
cet entrecroisement qui fait que chaque intentionnalité emprunte quelque
chose de l’intentionnalité de l’autre ? D’une part, la fiction n’est pas sans
référence : elle a aussi une prétention référentielle, même si cette référence est
seulement indirecte ou métaphorique 180. D’autre part, la référence en histoire
a quelque chose en commun avec la référence métaphorique de la fiction,
puisque l’histoire réfère à un passé qui n’est pas observable : c’est un passé qui
« n’est plus ». Or, « en tant qu’il n’est plus, il n’est visé qu’indirectement par le
discours de l’histoire 181 ». La référence de l’histoire au passé est donc selon
Ricœur elle aussi une référence indirecte 182 :
La trace, en effet, en tant qu’elle est laissée par le passé, vaut pour lui : elle exerce à son
égard une fonction de lieutenance, de représentance (Vertretung). Cette fonction caractérise la
référence indirecte, propre à une connaissance par trace, et distingue de tout autre le mode
référentiel de l’histoire par rapport au passé 183.
HERMÉNEUTIQUE ET ESTHÉTIQUE
Parmi les pratiques humaines auxquelles l’herméneutique générale
inaugurée par Schleiermacher s’est intéressée, l’art et l’esthétique ont toujours
occupé une place privilégiée. Cela vaut pour Schleiermacher lui-même,
comme le montre le rôle important qu’il a joué dans le développement de la
poétique romantique à l’époque de l’Athenäum. Chez Heidegger, cet intérêt
pour l’art est particulièrement fort après la Kehre et notamment dans L’Origine
de l’œuvre d’art. Chez Gadamer, l’art n’a pas seulement été le thème central de
son œuvre mais a constitué l’idéal-type à partir duquel il a élaboré son
herméneutique. Enfin, on connaît l’importance dans le travail de Ricœur de la
théorie du récit et de la métaphoricité de la poésie, et il n’est sans doute pas
exagéré de dire qu’un des champs où l’influence du philosophe a été et est
encore la plus importante est le champ des études littéraires. Il existe des
raisons historiques qui expliquent en partie cette situation, à savoir l’ancrage
de l’esthétique et de la théorie de l’art herméneutiques dans la conception
romantique de l’art, c’est-à-dire une conception dotant ce dernier d’un statut
proprement philosophique.
Mais pour une large part, le privilège accordé par l’herméneutique à l’art
résulte de la prise en compte d’une réalité anthropologique indéniable : l’art
est une pratique anthropologiquement universelle, et dans pratiquement
toutes les sociétés l’expérience artistique est investie d’une importance
spéciale. La raison de cette importance est double : d’abord, les œuvres d’art
dispensent des significations complexes qui engagent fortement nos capacités
herméneutiques conscientes et réflexives ; ensuite, elles ont une force de
présence qui engage les récepteurs avec une immédiateté que ne connaissent
pas les autres pratiques symboliques. Leur utilisation dans des contextes
rituels, magiques, religieux ou politiques s’explique précisément par cette
capacité qu’elles ont de prendre possession de leurs récepteurs. Cette
puissance opère aussi dans des contextes plus « esthétisés » : il suffit de
penser à l’importance des attitudes immersives dans le cas des récits, dans
l’écoute musicale ou à l’exacerbation de la perception visuelle par la peinture.
Cette caractéristique de « présence » a parfois été interprétée comme ce
qui situerait l’art au-delà ou en deçà des pratiques herméneutiques 1. Je
voudrais montrer au contraire qu’il faut la penser comme témoignant du fait
que les ressources herméneutiques ont une extension plus vaste que celle
qu’on leur accorde traditionnellement dans les théories de l’art : les effets de
présence ne sont pas dus à une disparition de la dimension signifiante, mais
au fait que les œuvres d’art activent de manière plus puissante que les autres
activités symboliques notre implication émotive ainsi que des ressources
implicites, pré-attentionnelles. Plutôt que de nous mener hors du monde du
sens, la force de présence des œuvres nous ancre plus fermement en lui. Les
arts exploitent en particulier très souvent les processus de compréhension
opérant sur le mode du « comme si », du « faire semblant » ou de la
simulation. Bien que ces termes ne soient pas équivalents, ils pointent tous
vers l’importance des processus imaginatifs dans l’émergence des mondes
artistiques. Nous nous trouvons « pris » dans la fiction ou dans l’image : le
dispositif de simulation prend possession de nous.
En fait c’est sans doute la création artistique qui constitue le lieu où se
montre de la manière la plus tangible la puissance transformatrice de l’activité
autocompréhensive et auto-interprétative qui selon l’herméneutique définit
l’être des hommes.
ART ET SIGNIFICATION
Quoi qu’on pense par ailleurs quant au statut des œuvres d’art, personne
ne voudra nier qu’elles sont des formes symboliques : les œuvres artistiques
signifient, font sens. Lorsque nous lisons un roman, lorsque nous regardons
un tableau, lorsque nous écoutons de la musique c’est parce que les œuvres en
question nous disent, nous montrent, nous transmettent quelque chose, bref,
nous communiquent des significations en relation avec le mot, dans le cas de
la littérature, le son dans le cas de la musique, la couleur et le tracé dans le cas
de la peinture, la construction spatiale dans le cas de l’architecture, etc. Mais
s’il y a une essence commune aux arts, à savoir leur caractère symbolique, qui
fait qu’on peut les subsumer sous le terme général d’art, ils se différencient
néanmoins par leur médium spécifique.
On peut opposer ainsi la littérature aux arts plastiques, en soulignant que
l’œuvre littéraire nous dit quelque chose, alors que la peinture ou
l’architecture nous montrent quelque chose, bien que dans les deux cas, une
signification nous soit transmise. Les œuvres littéraires construisent des
mondes, dans lesquels évoluent des personnages qui s’engagent dans des
actions, comme dans le cas de la fiction ; elles peuvent être aussi l’expression
d’un monde intérieur, comme dans le cas de la poésie lyrique. Mais toujours,
ce monde de l’œuvre nous dit quelque chose sur notre monde. La peinture
figurative a, quant à elle, une relation au monde par le simple fait qu’elle
représente de manière analogique des objets du monde. Cela ne veut
cependant pas dire qu’elle est une simple copie ou une reproduction : elle
transfigure ce qu’elle représente. Nous verrons dans le chapitre consacré aux
images que, pour l’herméneutique, toute représentation est en même temps
une présentation, au sens où l’œuvre rend présent ce qu’elle montre. Cet
aspect de présence ressort particulièrement bien dans le cas de l’art abstrait
qui ne représente rien au sens classique du terme mais qui néanmoins
présente ce qu’il montre. Cependant, même un tableau abstrait garde un lien
avec le monde : il nous donne accès à un monde de sentiments, d’émotions,
d’affects. Cela montre donc bien que présence et signification s’impliquent
mutuellement.
Si pour la littérature et même pour les arts plastiques la question de la
signification va de soi, on peut se demander si elle est également pertinente
dans le cas des autres arts, par exemple dans le cas de l’architecture. Dans
L’Origine de l’œuvre d’art, Heidegger prend l’exemple d’un temple grec pour
montrer que l’œuvre d’art ouvre un monde. Nous verrons que, pour Gadamer
aussi, l’architecture met en évidence le lien de l’œuvre d’art avec son monde
parce que, à la différence des tableaux qui se trouvent pour la plupart dans
des musées et qui sont ainsi séparés de leur monde d’origine, l’architecture
reste toujours intégrée dans son espace propre qui lui donne sens. Par
exemple, les villas médicéennes de Toscane ont été conçues comme des
espaces ouverts sur les jardins qui les entourent. Gadamer souligne plus
généralement qu’une œuvre architecturale s’intègre toujours à la vie, au sens
où la plupart des édifices ont des fonctions : ils sont par exemple faits pour
être habités ou pour servir un autre but précis. Cette fonction est évidemment
porteuse de sens. Certains édifices ont par ailleurs une signification
symbolique. Qu’on pense par exemple aux cathédrales du Moyen Âge dont la
construction reflète un rapport particulier entre l’humain et le divin 2. On
retrouve cette fonction symbolique aussi dans le cas d’œuvres modernes
comme la Casa Milà de Gaudí qui, par sa construction, devient la métaphore
d’un monde marin : la façade ondulée suggère les vagues de la mer, les
balcons en fer forgés nous font penser à des algues et les plafonds imitent des
conques ou la flore marine. De cette façon, celui qui y pénètre a l’impression
de pénétrer dans un univers marin, donc dans un univers fantastique où tout
se métamorphose.
Mais est-ce que l’hypothèse vaut aussi dans le cas de la musique ? Celle-ci
n’est-elle pas une pure forme, comme le soulignent les adeptes d’une
esthétique purement formaliste ? Ou est-ce qu’elle aussi a malgré tout un
rapport au monde, à un monde de sentiments, d’émotions et d’affects, par
exemple ? Si l’on opte pour la première solution, cela voudrait dire que la
question de la signification n’est pas pertinente pour la musique. Cependant,
comme l’a montré Enrico Fubini, l’esthétique de la forme et l’esthétique du
sentiment ne sont pas incompatibles 3. Même les adeptes du formalisme le
plus radical ne peuvent pas éluder complètement la question de la
signification de la musique, soit que, comme Stravinsky, ils mettent l’accent
sur l’imagination (du créateur ou du récepteur), soit qu’ils affirment que la
musique est expression et symbole d’un ordre supérieur, qu’elle relève d’une
surabondance ou d’un débordement de sens 4, soit qu’ils affirment que, dans la
musique, se révèlent les grands mouvements de l’univers ou même l’univers
entier 5. Ainsi, selon Pierre Bouretz, si la musique ne réfère pas au monde
sensible comme le fait la peinture (ou du moins la peinture représentative),
elle réfère à un autre monde, un monde supra-sensible :
Célébrant l’énigme de la visibilité, la peinture appartient à l’ordre de la description du
monde et veut nous montrer comment celui-ci nous touche. Ancrée dans la permanence des
choses, elle cherche à assurer la durabilité et promeut avant tout les dimensions de l’être-là,
de l’appartenance au présent et de l’enracinement : elle rend le monde habitable en donnant
un visage aux choses. La musique quant à elle procède surtout de notre insatisfaction face à
l’être et de notre désir de dépasser l’univers de la réalité. Nourrie de la vision du devoir-être,
c’est l’invisible, le non-encore réalisé, le futur qu’elle accueille comme ouverture sur le monde
supra-sensible 6 […].
Selon Bouretz, la musique a donc un lien avec nos affects d’attente. Elle a
ses racines dans notre désir de dépasser le monde réel, dans notre aspiration
vers l’infini ou la transcendance. Schopenhauer évoquait déjà une affinité
entre la musique et la métaphysique. La musique peut produire une émotion
particulièrement forte, plus forte même que celle de tous les autres arts.
La musique a aussi parfois une dimension directement
représentationnelle. C’est le cas de la musique vocale et des genres hybrides
comme l’opéra. Mais même la musique instrumentale possède parfois des
programmes représentationnels explicites indiqués dans le titre des pièces ou
dans un péritexte : il suffit de penser à La Mer de Debussy, à la Symphonie
pastorale de Beethoven, à la Symphonie no 2, dite Résurrection, de Mahler, au
Concerto à la mémoire d’un ange d’Alban Berg, aux Scènes d’enfants de
Schumann, etc. Nous avons donc souvent l’impression que la musique nous
raconte une histoire. Avec Márta Grabócz, on peut distinguer de manière plus
précise entre les œuvres musicales à programme narratif extérieur — où la
musique suit la logique d’un récit externe, qui remplace les règles des formes
musicales, comme dans les mélodrames baroques, les suites instrumentales à
programme religieux, les poèmes symphoniques (Berlioz, Richard Strauss) ou
certaines œuvres pour piano de Liszt, etc. — et les œuvres musicales à
programme narratif intérieur où c’est le récit extérieur qui est intégré aux
formes musicales, par exemple dans le cas des préludes à référence
extramusicale de Debussy, des symphonies de Mahler, des ballades de
Chopin, etc 7. Ces programmes narratifs et plus généralement sémantiques
restent, comme l’a montré Joachim Küpper, en général relativement
indéterminés et globaux. Mais, comme il l’indique aussi, même lorsqu’il n’y a
pas de programme explicite l’auditeur construit toujours un sens 8.
Chaque œuvre musicale nous révèle donc un monde. Ce monde diffère
d’œuvre à œuvre. Lorsqu’on compare le monde des Sonates de Beethoven avec
le monde du Clavier bien tempéré de Bach, on s’aperçoit que, si le monde de
Beethoven exprime la lutte contre le destin, le monde du Clavier bien tempéré
est un monde dans lequel règne l’harmonie divine. Lorsque nous écoutons
Beethoven et lorsque nous écoutons Bach, nous nous rendons compte
immédiatement que nous sommes dans deux mondes différents.
Plus encore que les images fixes, le théâtre ou la musique, le cinéma, qui
combine la narrration, le son et l’image, se caractérise par une saturation des
modes de présentation et de signification : l’expérience du cinéma est pluri-
sensorielle, plurimodale et pluri-sémiotique 9. Martin Seel décrit le cinéma
comme un art plurimédial, une sorte d’œuvre d’art totale qui contient en lui
tous les autres arts, dont il reprend les procédés, les transformant d’une
manière fondamentale 10. À la différence du Gesamtkunstwerk tel que le
concevait Wagner, le cinéma n’est donc pas simplement une addition de tous
les arts : il est aussi leur transformation. Par la combinaison de tous ces effets,
le film a un pouvoir d’attraction extrême sur le spectateur :
[…] de manière plus radicale que toute autre représentation […] — qu’il s’agisse de
textes, de conversations, de discours, de formes de musique, de théâtre, de danse ou d’autres
performances —, le cinéma peut imposer au public son mouvement ; de façon plus radicale
que toutes les formes uniquement musicales, il lui impose son temps ; de façon plus radicale
que toute autre forme uniquement imagée, il l’entraîne dans son espace, à la fois déterminé et
indéterminé ; plus radicalement que toutes les autres formes d’images, il mène le spectateur
dans un espace de l’imagination y compris et précisément lorsque ses vues sont créées à partir
d’enregistrements du monde réel 11.
On peut donc dire qu’en dépit des différences qu’il y a entre les arts et qui
sont dues au médium spécifique dans lequel ils s’incarnent, ce qui leur est
commun est plus décisif : tous les arts, représentationnels ou non, créent du
sens et, donc, ouvrent des mondes. Et ces mondes sont toujours en relation
avec notre monde. Nous verrons plus précisément que tous ont une dimension
de « présence » qui est celle d’un sens incarné dans la facture même de
l’œuvre.
Dans La Transfiguration du banal, Arthur Danto a développé un argument
en faveur de la thèse selon laquelle, non seulement les arts sont des
phénomènes signifiants, mais l’identité même de l’œuvre d’art réside dans sa
signification 12. À travers une expérience de pensée — celle des indiscernables
perceptuels — il a tenté de montrer que le support matériel ne fait pas partie
de l’identité de l’œuvre et que, à la différence d’un objet réel, celle-ci est
ontologiquement un fait de sens. L’expérience de pensée est la suivante :
imaginons plusieurs carrés rouges qui ne se distinguent pas par leur support
matériel (donc qui sont pratiquement indissociables), mais uniquement par
leur signification. La signification peut marquer soit la différence entre deux
œuvres d’art, soit la différence entre une œuvre et une non-œuvre. Selon le
contexte historique et son identité intentionnelle, un même carré rouge peut
ainsi être un tableau représentant la traversée de la mer Rouge par les
Hébreux, la « Poussière rouge » du bouddhisme, c’est-à-dire une métaphore
de la vanité des choses terrestres, un monochrome rouge ou un échantillon de
couleur. Dans tous ces cas, le support matériel est le même. Ce qui change en
revanche est le statut ontologique et l’identité de l’objet intentionnel qui est
incarné dans ce support : une œuvre figurative, une métaphore philosophique,
une œuvre abstraite ou une non-œuvre. D’une part donc, les œuvres se
distinguent les unes des autres parce qu’elles ont des sens différents. D’autre
part, une œuvre d’art se distingue d’un objet non artistique parce que son
identité ontologique (son mode d’être) réside dans sa signification. Danto ne
voulait évidemment pas dire que l’aspect perceptuel d’une œuvre est
artistiquement non pertinent. Dans l’immense majorité des œuvres il est
décisif. Ce qu’il voulait montrer est qu’elle n’est pas un élément nécessaire
pour qu’on puisse appliquer le terme « art » à un objet, puisqu’il existe des
œuvres purement conceptuelles, dont la signification est indépendante de son
aspect perceptuel.
Comme déjà indiqué, dans la plupart, et peut-être même dans toutes les
sociétés, l’art est considéré non seulement comme un fait de sens parmi
d’autres : comparé aux autres activités signifiantes, il est investi d’un surcroît
de sens. Autrement dit, l’art est une activité socialement « marquée » : sa mise
en œuvre est liée à des événements et des contextes qui importent
spécialement à la communauté. Historiquement parlant, la religion a été un
de ces contextes : il suffit de penser aux masques utilisés dans les rituels
africains ou aux représentations picturales de thèmes bibliques dans la
chrétienté. Mais même lorsque l’art n’est pas (ou plus) lié à la religion, la
société continue en général à considérer qu’il possède une dignité et une
puissance de sens spéciales.
La thèse du surcroît de sens de l’art en implique une autre : celle qui
soutient que l’art signifie autrement que le reste des activités de construction
de sens (par exemple les sciences, la philosophie, etc.). En revanche, cette
dernière thèse n’implique pas la première. Autrement dit : pour que la thèse
du surcroît de sens de l’art soit défendable, il faut montrer en un premier
moment que l’art signifie autrement que les activités « banales » de
construction de sens. Mais on pourrait s’arrêter là, c’est-à-dire se borner à
soutenir que l’art est une activité de production de sens spécifique. La thèse
du surcroît de sens soutient quelque chose de plus : l’art nous donne accès à
une réalité plus profonde ou plus essentielle que les autres activités de sens.
Le surcroît de sens de l’art est un surcroît de vérité.
L’herméneutique philosophique soutient la première thèse puisque selon
elle la manière dont les œuvres d’art mettent en œuvre le sens diffère de sa
mise en œuvre dans le discours abstrait de la philosophie ou en sciences. Mais
elle soutient aussi une variante de la thèse du surcroît de sens : la vérité à
laquelle l’art nous donne accès est une vérité plus originaire (plus proche de
notre être) que les vérités auxquelles nous donnent accès les autres enquêtes
cognitives. Ce faisant, la tradition herméneutique s’inscrit dans une tradition
déjà longue. On peut dire, en simplifiant quelque peu, que l’Occident a connu
trois grandes théories de l’art : la théorie mimétique, la théorie expressiviste et
la théorie herméneutique. Or toutes les trois défendent la thèse du surcroît de
sens. Bien qu’elles aient été formulées à des époques différentes, chacune des
trois contient des éléments des deux autres, tout en rejetant certains autres
aspects. La thèse de l’art développée par l’herméneutique au XXe siècle intègre
ainsi certains aspects de la théorie mimétique et même certains aspects de la
théorie expressiviste. Pour que nous puissions nous faire une idée plus précise
de la spécificité de la théorie herméneutique de l’art et de la forme qu’y prend
la thèse du surcroît de sens, il faut donc la mettre en relation avec les deux
autres paradigmes.
LA THÉORIE MIMÉTIQUE
ET LA THÉORIE EXPRESSIVISTE DE L’ART
Pour Gadamer « la pure vision, la pure audition sont des abstractions sans
fondement qui infligent aux phénomènes une réduction 56 ». Selon lui, « le
mode d’être de ce qui est perçu “esthétiquement” n’est pas la présence pure
(Vorhandenheit) 57 ». Pour le dire autrement : « La perception saisit toujours
du sens 58. » Ainsi, pour « lire une image », il faut comprendre ce qu’elle
représente, pour voir une œuvre littéraire dans un texte, il faut d’abord le
comprendre, donc comprendre la langue et même quand nous écoutons de la
musique pure, nous devons la comprendre 59.
Dans le passage cité, Gadamer souligne aussi que chaque œuvre
appartient à un monde qui est le sien. Séparer l’œuvre d’art de son monde,
revient à oublier que les œuvres d’art ont à l’origine souvent d’autres fonctions
que celles que nous leur accordons aujourd’hui. Les masques africains par
exemple sont des objets de culte et non pas des objets esthétiques. Si Gadamer
critique la conscience esthétique en soulignant l’appartenance de l’œuvre à
son monde, cela ne veut pas dire pour autant qu’il prend parti pour la
conscience historique, puisqu’il critique aussi l’historicisme : conscience
esthétique et conscience historique sont renvoyées dos à dos 60, même si dans
le cas de l’œuvre d’art il critique surtout la conscience esthétique, et
notamment ce qu’il appelle sa simultanéité. Cette critique est en fait une
critique de la conception moderne du musée. Selon lui, les œuvres qui sont
dans les musées sont détachées de leur contexte spatio-temporel et
transposées dans l’intemporalité du musée. Il est important de les libérer de
cette fausse simultanéité et de les re-situer dans leur monde 61. Gadamer tient
cette conception de Heidegger qui soulignait à propos des œuvres d’art que
« placées dans la collection, elles sont retirées de leur monde 62 ». C’est parce
que l’art est une pratique qui se trouve en continuité avec les autres pratiques
humaines 63, que l’œuvre ne saurait être coupée de son monde. D’où
l’importance que Gadamer (comme Heidegger déjà) accorde à l’architecture.
Elle met en évidence le fait que l’œuvre d’art n’est pas séparable de son
monde 64 : elle remplit une fonction et s’inscrit dans un lieu précis.
À l’art comme Erlebnis, comme expérience subjective, Gadamer oppose,
tout comme Heidegger, l’art comme mise en œuvre de la vérité. La tâche de
l’esthétique selon Gadamer consiste à « fonder le fait que l’expérience de l’art
est un mode de connaissance sui generis 65 », différent à la fois de la
connaissance sensible (qui est à la base de la connaissance scientifique) et de
la connaissance conceptuelle 66. Cependant, par l’importance qu’il accorde à
l’expérience de l’œuvre, Gadamer adopte une approche différente de celle de
Heidegger. Ce point a été souligné par Jean Grondin. Selon lui, si chez
Heidegger comme chez Gadamer l’œuvre d’art est le modèle privilégié de
l’événement de « mise en œuvre de la vérité », ils interprètent la thèse de
manière un peu différente : Heidegger s’intéresse surtout à la co-appartenance
et au jeu réciproque du monde et de la terre, donc au problème du
dévoilement et du voilement, alors que Gadamer cherche plutôt à mettre en
évidence la co-appartenance de l’œuvre et de l’expérience de l’art 67.
Selon Gadamer, l’expérience de l’art est une expérience foncièrement
cognitive qui nous ouvre à une meilleure compréhension du monde et de
nous-mêmes :
Si c’est dans le monde que nous rencontrons l’œuvre d’art et dans l’œuvre singulière que
nous rencontrons un monde, celle-là ne reste pas un univers étranger dans lequel pour un
temps et pour l’instant un charme nous ferait entrer. Nous apprenons au contraire à nous y
retrouver : nous « sursumons » le caractère discontinu et ponctuel de l’Erlebnis dans la
continuité de notre existence. Il faut donc, sur la beauté et sur l’art, parvenir à une perspective
qui n’exige pas l’immédiateté mais corresponde au contraire à la réalité historique de l’être
humain. L’invocation de l’immédiat, de la génialité dans l’instant, de l’importance de
l’Erlebnis, ne peut pas tenir devant l’exigence de continuité et d’unité qui est celle de la
compréhension de soi 68.
Certes, avant d’être devant l’œuvre comme un sujet devant un objet, nous
sommes saisis par elle. Mais cela ne veut pas dire que l’expérience esthétique
se réduirait à une Erlebnis ponctuelle : « Ce qui fait l’être véritable de l’œuvre
d’art, c’est qu’elle devient l’expérience qui métamorphose celui qui la fait 69. »
L’expérience de l’œuvre se rapproche ainsi de l’expérience religieuse ou
métaphysique dans la mesure où, pour citer George Steiner, elle devient
« l’injonction la plus pénétrante à la transformation dont dispose l’expérience
humaine 70 ». L’expérience artistique au sens où l’entend Gadamer est donc
une expérience transformatrice, qui est capable de changer de manière
fondamentale notre façon de nous comprendre et de comprendre le monde.
Le concept d’expérience comme événement transformateur vient de Hegel,
pour qui la véritable expérience est toujours une expérience négative,
dialectique, au sens où elle implique un retournement de la conscience.
Gadamer note ainsi :
[…] c’est en deux sens différents que nous parlons d’« expérience » : nous parlons, d’une
part, des expériences qui correspondent à notre attente et la confirment, de l’autre, de
l’expérience que l’on « fait ». Or, celle-ci, l’expérience véritable, est toujours une expérience
négative. Faire l’expérience d’un objet signifie n’avoir pas, jusqu’à présent, vu les choses
correctement et savoir mieux désormais ce qu’il en est 71.
HERMÉNEUTIQUE
ET ÉTUDES LITTÉRAIRES
À son origine, l’herméneutique s’est constituée comme un art de
l’interprétation des textes religieux et littéraires. Les œuvres littéraires ont en
particulier été un des objets de prédilection de l’herméneutique
philosophique. Heidegger s’est surtout intéressé à la poésie, alors que
Gadamer propose une théorie générale de l’œuvre littéraire comme texte
éminent. Ricœur, quant à lui, a développé une importante théorie de la
métaphore et surtout une théorie du récit dont la répercussion a été très
grande non seulement dans les études littéraires mais dans tout le champ des
sciences humaines et sociales.
Pour montrer en quoi consiste l’apport de l’herméneutique aux études
littéraires, le plus éclairant est de partir du modèle de l’œuvre littéraire de
Ricœur. Il s’agit d’un modèle communicationnel complexe qui prend en
compte à la fois l’auteur, le texte et le lecteur. De cette façon, il dépasse
l’unilatéralité d’une grande partie des études littéraires qui mettent l’accent
soit sur l’auteur (la philologie intentionnaliste), soit sur le texte (le
structuralisme), soit sur le lecteur (phénoménologie de la lecture et esthétique
de la réception). Ricœur intègre ces trois instances dans une conception
globale de l’œuvre littéraire. La spécificité de l’approche herméneutique du
texte littéraire sera dégagée à travers sa comparaison avec les autres
approches du texte littéraire.
C’est notamment par contraste avec l’approche structurale que Ricœur
définit sa propre démarche, qui consiste en un déplacement de l’intérêt pour
le texte vu comme structure vers l’œuvre littéraire conçue comme discours, de
la forme vers ce que nous dit le texte, du texte fermé sur lui-même vers le
monde du texte, qui est ouvert au monde du lecteur. L’herméneutique a donc
insisté sur le lien entre la littérature et la vie, sur la capacité de la littérature
de la transformer. En même temps, Ricœur intègre l’analyse structurale parce
qu’il pense que, pour arriver à la compréhension de l’œuvre, il faut passer par
l’explication fournie par celle-ci. Dans un deuxième moment, je montrerai, en
partant de Gadamer et de Ricœur, que l’approche herméneutique peut
apporter une réponse au débat entre intentionnalisme et anti-
intentionnalisme.
AUTEUR, TEXTE, LECTEUR
Au XIXe siècle et notamment à l’époque romantique, le sens du texte était
en général ramené à l’intention de l’auteur. À cette époque la philologie
moderne naissante et l’herméneutique partagent un même terrain. On peut le
montrer à travers la conception de Schleiermacher. La démarche de
Schleiermacher, qui rappelons-le est le « père » de l’herméneutique moderne,
relève d’une démarche philologique, puisque le sens qu’il s’agit de reconstruire
est le sens que l’œuvre avait à l’origine. Schleiermacher distingue entre
interprétation grammaticale et interprétation technique. Selon le premier
canon de l’interprétation grammaticale, « tout ce qui, dans un discours donné,
demande à être déterminé de façon plus précise ne peut l’être qu’à partir de
l’aire linguistique commune à l’auteur et à son public originel 1 ».
L’interprétation grammaticale est donc objective : elle consiste dans la
compréhension à partir de la langue. L’interprétation technique quant à elle se
fait par la reconstruction du discours originel 2. Elle implique une Einfühlung,
un acte de cogénialité avec l’auteur. Elle est donc subjective : elle vise à
comprendre le discours « à travers l’homme », donc « comme exposition de
pensées », « comme une réalité produite dans le sujet pensant 3 ». L’enjeu de
cette reconstruction est de rendre conscient ce qui restait inconscient chez
l’auteur : si « nous [comprenons] le créateur mieux qu’il ne le fait lui-même,
[c’est] parce que bien des choses de cette espèce sont inconscientes en lui, qui
doivent devenir conscientes en nous 4 ». Schleiermacher reprend ici une idée
de Schlegel qui voyait la critique comme une reconstruction idéale du
discours de l’auteur. Cette maxime correspond à l’idée romantique, selon
laquelle l’esprit est le créateur inconscient à l’œuvre dans les individualités
géniales 5. Mais le romantisme de Schleiermacher est visible surtout lorsqu’il
parle à propos de l’interprétation technique de la méthode divinatoire
d’interprétation 6, qui consiste dans le fait de se transformer soi-même en un
autre, pour saisir l’individuel. Le but ici n’est pas de déterminer ce que dit le
texte, mais ce que l’auteur a voulu dire. Cette idée vient de la philosophie de
Kant et a ses racines dans sa théorie du génie. À l’inspiration de l’artiste,
correspond du côté du récepteur une capacité cogéniale de reproduire le
processus créateur.
Le moment où Schleiermacher élabore son herméneutique correspond à
la naissance de la philologie littéraire liée aux noms de F. A. Wolf, F. Ast ou
A. Böckh. La genèse de la philologie moderne remonte en fait à l’exégèse de la
Bible proposée par Spinoza. Nous avons vu que Spinoza avait interprété la
Bible comme un document historique, par rapport à l’intention de ses auteurs
et par rapport à son contexte de rédaction 7. De Spinoza à la philologie
romantique, le centre d’attention s’est déplacé de plus en plus du texte vers
l’analyse du contexte (dont l’auteur fait partie). Comme le souligne Todorov,
au XIXe siècle, l’objectif principal de la philologie appliquée aux textes
littéraires n’est plus l’analyse du texte mais la connaissance de son auteur et
de son époque 8 :
La lecture philologique d’une page ne vise plus l’établissement de son sens ; cette page
n’est qu’un moyen d’accès à un individu, un temps, un lieu. L’interprétation des textes est
simplement l’un des outils mis au service de l’histoire des mentalités 9.
Gadamer ne veut donc nullement affirmer qu’une œuvre classique est une
œuvre dont le sens objectif est « une fois pour toutes arrêté » : l’œuvre
classique est celle qui continue à parler, en dépit de la distance temporelle, à
des générations différentes qui l’actualisent chaque fois de façon différente.
Antoine Compagnon relève un autre point. Selon lui l’alternative développée
par Jauss n’en est pas vraiment une :
Pourtant, si Jauss se démarque de Hegel et de Gadamer sur la définition du classique, et
semble donc mettre celui-ci en danger, le critère de valeur alternatif qu’il propose rachète lui
aussi le canon. La négativité elle-même, revendiquée par le chef-d’œuvre moderne, peut,
rétrospectivement, être lue dans les œuvres devenues classiques comme le motif authentique
de leur valeur 46.
L’œuvre littéraire est toujours la projection d’un univers. Cela est évident
dans le cas du récit : il y a un espace, un temps, des personnages qui évoluent,
qui entrent en relation les uns avec les autres. Mais la même chose vaut pour
la poésie : tout poème configure un univers sensible et symbolique, un
paysage mental. Chaque œuvre crée par ailleurs une certaine atmosphère : par
exemple l’univers projeté peut être un univers féérique (dans le cas d’un
conte), un univers fantastique, etc. Enfin, l’œuvre véhicule toujours des
valeurs philosophiques, morales, elle crée une certaine disposition chez le
lecteur. L’univers configuré par l’œuvre est en fait un univers possible, ce qui
rapproche la théorie de Ricœur de la conception de Thomas Pavel dans
Univers de la fiction 73. Selon Ricœur, « par la fiction, par la poésie, de
nouvelles possibilités d’être-au-monde sont ouvertes dans la réalité
quotidienne » car « fiction et poésie visent l’être, non plus sous la modalité de
l’être-donné, mais sous la modalité du pouvoir-être 74 ». En prenant comme
point de départ des cadres différents, l’herméneutique heideggérienne pour
Ricœur, la sémantique logique pour Pavel, les deux auteurs critiquent le
modèle structuraliste qui enferme le texte sur lui-même et ne tient pas compte
de sa référence 75.
Pour autant, Ricœur ne rejette pas l’analyse structurale. Si, selon lui,
l’herméneutique est « l’art de discerner le discours dans l’œuvre », il ajoute
aussitôt que « ce discours n’est pas donné ailleurs que dans et par les
structures de l’œuvre 76 ». Il rejoint ici Gadamer dans la mise en avant du texte
comme lieu du sens. L’œuvre possède une composition, un style, il appartient
à un genre, etc., autant de choses dont il faut tenir compte lorsque nous
interprétons les textes littéraires. L’interprétation doit certes porter sur ce
dont parle l’œuvre, mais elle ne peut atteindre ce « quoi » qu’en passant par le
comment, donc par la façon dont elle en parle. D’où l’importance pour
l’interprétation du passage par une phase explicative, et notamment d’analyse
structurale qui devient ainsi pour Ricœur un instrument, un outil, qui permet
d’accéder au sens. Cet appel à l’explication répond aussi à la nécessité de
dépsychologiser la compréhension. Grâce à l’analyse structurale, nous
comprenons que ce qui est à interpréter n’est pas l’intention de l’auteur mais
la signification textuellement incarnée. Le passage par l’explication, qui met le
sens à distance, permet de passer d’une interprétation en surface à une
interprétation en profondeur, d’une interprétation subjective, vue comme un
« acte sur le texte », à une interprétation objective, vue comme un « acte du
texte 77 ».
Dans la conception de Ricœur, explication et compréhension,
épistémologie et ontologie sont compatibles. Elles ne s’excluent pas mais sont
situées « sur un unique arc herméneutique 78 » car « expliquer, c’est dégager la
structure, c’est-à-dire les relations internes de dépendance qui constituent la
statique du texte ; interpréter, c’est prendre le chemin de pensée ouvert par le
texte, se mettre en route vers l’orient du texte 79 ». Dans cette vision, « une
œuvre peut être à la fois close sur elle-même quant à sa structure et ouverte
sur un monde, à la façon d’une “fenêtre” qui découpe la perspective fuyante
d’un paysage offert 80 ». D’un côté il y a le texte comme structure, de l’autre
l’interprétation du lecteur. L’explication tient donc de ce que Ricœur appelle
la statique du texte, l’interprétation de sa dynamique. Pour comprendre
comment Ricœur intègre la dimension explicative dans l’« arc
herméneutique », on peut prendre l’exemple de son usage du modèle
narratologique. Dans Temps et récit II, il ajoute aux catégories narratologiques
de Genette qui sont immanentes au texte (à savoir l’énonciation à laquelle
correspond le temps du raconter et l’énoncé auquel correspond le temps
raconté), une troisième catégorie, celle de « monde du texte » à laquelle
correspond une expérience fictive du temps 81. Il veut ainsi souligner que ce
qui est configuré dans l’œuvre est toujours refiguré grâce à l’acte de lecture
qui fait le lien entre le monde de l’œuvre et le monde du lecteur.
Le point d’aboutissement de la communication littéraire se trouve donc
dans l’acte de lecture. Celui-ci occupe une place stratégique dans la théorie de
Ricœur. Il distingue trois moments, auxquels correspondent trois disciplines
différentes : la stratégie de l’auteur dirigée vers le lecteur à qui il veut
communiquer une vision du monde (objet de la rhétorique de la
fiction développée par Wayne Booth), la réalisation de cette stratégie dans le
texte (objet de la poétique) et la réponse du lecteur individuel (la
phénoménologie de la lecture d’Iser) ou du lecteur vu comme collectivité
(l’esthétique de la réception de Jauss) 82. Nous retrouvons ainsi les trois
approches analysées au début de ce chapitre mais intégrées dans un modèle
dans lequel elles interagissent : le sens naît d’une relation entre l’auteur,
l’œuvre dans sa matérialité formelle et sa réception. Le modèle de Ricœur est
une synthèse de ces trois démarches orientées vers un aspect ou l’autre du
texte littéraire : de la rhétorique qui est orientée vers l’auteur impliqué, de la
poétique qui est orientée vers le texte, de la phénoménologie de la lecture et de
l’esthétique de la réception qui sont orientées vers le lecteur. Ces trois modèles
sont intégrés par lui dans l’élaboration de son propre concept de refiguration.
Son modèle se veut ainsi un dépassement des autres modèles, qu’il interprète
dans une perspective herméneutique, mobilisant notamment les notions de
fusion d’horizons et d’application de Gadamer.
Ricœur s’intéresse donc d’abord à la stratégie de l’auteur qui crée une
œuvre à travers laquelle il veut communiquer au lecteur une certaine vision
des choses. S’il pense qu’il faut tenir compte de l’auteur, c’est parce que le
lecteur qui lit le texte perçoit toujours une intentionnalité à l’œuvre dans le
texte, un projet de l’auteur. Ricœur se sert ici surtout de la rhétorique de la
fiction de Wayne Booth, parce qu’« elle met l’accent, non sur le processus
présumé de création de l’œuvre, mais sur les techniques par lesquelles une
œuvre se rend communicable 83 ». Ces techniques, on peut les trouver dans
l’œuvre elle-même 84 : d’abord l’auteur impliqué, qui correspond à l’image de
l’auteur créé par le texte et qu’il ne faut pas confondre avec l’auteur réel ;
ensuite, la voix narrative ou le narrateur, qui est « la projection fictive de
l’auteur réel dans le texte lui-même 85 » ; enfin, le style. La notion d’auteur
impliqué relève de la problématique de la communication dans la mesure où
elle est liée à une rhétorique de la persuasion 86 : selon Wayne Booth l’auteur
impliqué « s’efforce, consciemment ou inconsciemment, d’imposer son monde
fictif à son lecteur 87 ». Cet auteur impliqué a tendance à s’effacer en devenant
narrateur, voix narrative. Contrairement au point de vue qui relève de la
problématique intratextuelle de la composition, la voix narrative appartient à
la dimension communicationnelle de l’œuvre parce que c’est elle qui
communique le monde du texte au lecteur, se situant ainsi « au point de
transition entre configuration et refiguration 88 ».
La figure de l’auteur impliqué projette ainsi toujours aussi une figure du
lecteur, qui lui-même est un lecteur impliqué. D’où la necessité d’une
rhétorique de la lecture que Ricœur trouve surtout chez Michel Charles, qui
s’intéresse non pas au lecteur réel mais au lecteur tel qu’il est construit « dans
et par le texte 89 ». La question centrale qui intéresse ici Ricœur est de savoir si
le lecteur impliqué tel qu’il se matérialise dans le texte est la contrepartie
exacte de la notion d’auteur impliqué. Tout en envisageant l’idée d’une
symétrie entre les deux, il finit par la refuser. La raison qu’il invoque fait
ressortir clairement ce qui différencie sa conception communicationnelle de
la littérature d’une conception textuelle « pure » :
À première vue, une symétrie semble s’établir entre auteur impliqué et lecteur impliqué,
chacun ayant ses marques dans le texte. Par lecteur impliqué, il faut alors entendre le rôle
assigné au lecteur réel par les instructions du texte. Auteur impliqué et lecteur impliqué
deviennent ainsi des catégories littéraires compatibles avec l’autonomie sémantique du texte.
En tant que construits dans le texte, ils sont l’un et l’autre les corrélats fictionnalisés d’êtres
réels : l’auteur impliqué s’identifie au style singulier de l’œuvre, le lecteur impliqué au
destinataire auquel s’adresse le destinateur de l’œuvre. Mais la symétrie s’avère finalement
trompeuse. D’une part, l’auteur impliqué est un déguisement de l’auteur réel, lequel disparaît
en se faisant narrateur immanent à l’œuvre — voix narrative. En revanche, le lecteur réel est
une concrétisation du lecteur impliqué, visé par la stratégie de persuasion du narrateur ; par
rapport à lui, le lecteur impliqué reste virtuel tant qu’il n’est pas actualisé. Ainsi, tandis que
l’auteur réel s’efface dans l’auteur impliqué, le lecteur impliqué prend corps dans le lecteur
réel 90.
De la même façon, les œuvres littéraires elles aussi portent au langage une
expérience : elles nous disent quelque chose sur notre monde. La littérature
parle de la vie, de la mort, de l’amour, elle met en scène la relation du moi
avec l’autre, avec lui-même, la relation de l’homme au sacré, au temps, au
rêve… Elle véhicule des valeurs sociales, morales, philosophiques, religieuses,
que nous ne pouvons comprendre qu’en les confrontant avec l’arrière-plan de
notre expérience, donc par rapport à notre monde et nos propres valeurs.
C’est la raison pour laquelle l’herméneutique de Ricœur met l’accent sur
l’expérience fictive du lecteur : lorsque nous interprétons un texte, nous ne
simulons pas le processus créateur de l’auteur, mais l’expérience des
personnages fictionnels ou le point de vue du narrateur en nous immergeant
dans l’univers fictionnel. Mais si le lecteur accepte la règle de la willing
suspension of disbelief et se laisse entraîner dans le jeu de make-believe de la
fiction, ce n’est pas pour s’y perdre : il est toujours de nouveau ramené à son
monde. En introduisant le lecteur, Ricœur ne veut donc pas substituer à la
subjectivité de l’auteur une autre subjectivité, celle du lecteur : au contraire, à
travers son entrée dans l’univers fictionnel, le lecteur se distancie de lui-
même. Le texte littéraire fonctionne donc comme une médiation qui, en nous
mettant à distance de nous-mêmes, peut nous amener à une meilleure
compréhension de nous-mêmes, et du même coup à nous transformer.
Bien qu’il considère la littérature comme une forme de discours, Ricœur
n’en insiste pas moins sur sa spécificité par rapport aux autres formes de
communication verbale. Afin de montrer la façon dont il conçoit cette
spécificité de la communication littéraire, on peut partir du modèle de la
communication verbale proposé par Jakobson dans « Linguistique et
poétique 101 ». Jakobson décrit la communication verbale comme une
transmission d’information : un destinateur envoie un message à un
destinataire. La communication requiert, outre ces trois éléments, un contexte
(référent) auquel le message renvoie, un code commun au destinateur et au
destinataire, et un contact (canal physique et connexion psychologique). À ces
six facteurs correspondent six fonctions : au destinateur correspond la
fonction émotive qui exprime de façon directe l’attitude du sujet à l’égard de
ce dont il parle 102 ; au destinataire correspond la fonction conative ; au
contact, la fonction phatique ; au code, la fonction métalinguistique ; au
contexte, la fonction référentielle et au message comme forme ou incarnation,
la fonction poétique, qui met en évidence l’autoréférentialité de l’art du
langage 103. Ce modèle informationnel de la communication vient à l’origine de
la cybernétique de Norbert Wiener et de ses élèves Shannon et Weaver qui,
pour reprendre les termes d’Yves Winkin, ont élaboré « une vision
télégraphique de la communication 104 ». Or, pour Ricœur, un tel modèle ne
peut pas être appliqué à l’œuvre littéraire, car la communication littéraire
n’est pas une simple transmission d’information. Tout d’abord, la
communication littéraire est une communication indirecte. Le créateur d’une
œuvre littéraire ne transmet pas quelque chose à un destinataire de façon
directe. Une œuvre littéraire est le résultat d’une création qui consiste en un
processus complexe d’élaboration et de réélaboration. Ainsi, la création
littéraire produit souvent un dédoublement énonciatif : l’auteur se dédouble
en se transformant en un narrateur ou en un je lyrique, ce qui opacifie la
relation entre l’émetteur et le message. Cet aspect a été souligné par Thomas
Pavel à propos de la fiction :
[…] pour montrer que l’image cartésienne d’un locuteur bien individué et qui contrôle
parfaitement l’émission de sa voix ne s’accorde guère avec la production de la fiction
littéraire, il suffit de se rappeler combien sont compliqués et fuyants les jeux de la voix dans le
discours littéraire. Qu’il s’agisse de l’écrivain comme individu, de la voix de l’auteur, du
narrateur digne ou non de confiance, des voix des personnages, distinctes l’une de l’autre ou,
au contraire, plus ou moins amalgamées, la variété de ces possibilités rend vaine toute
tentative d’attribuer au discours de fiction un point d’origine bien marqué 105.
Certes, même Wimsatt et Beardsley acceptent le fait que c’est bien l’auteur
qui a écrit le texte. Mais ils voient la relation auteur-texte comme une relation
purement causale : l’auteur est la cause matérielle du texte. Notons que si l’on
pense que l’auteur est uniquement la cause matérielle du texte (et non pas la
cause intentionnelle), on ne peut pas faire la différence entre auteur, éditeur,
correcteur, imprimeur, libraire, donc les différents éléments de la chaîne
d’acteurs qui interviennent dans la fabrication du texte. Le lien privilégié entre
le texte et la personne qui l’a écrite est donc en fait nié par cette explication
purement causale. Cette conception causale s’oppose à la conception
intentionnaliste défendue par Hirsch pour qui l’intention de l’auteur est « la
seule norme pratique pour une discipline cognitive de l’interprétation 119 ».
Hirsch a explicitement critiqué la position de Wimsatt et Beardsley, mais
aussi celle de Gadamer, parce que, selon lui, au lieu de s’intéresser au contexte
d’origine de l’œuvre, tous ces auteurs s’intéressent à l’actualisation du texte
par les lecteurs 120. Selon Hirsch, le but de l’interprétation est de reconstituer
l’intention de l’auteur, donc de déterminer ce que l’auteur a voulu dire. Dans
cette vision, le texte a un seul sens, et ce sens coïncide avec l’intention de
l’auteur.
Il faut préciser que le débat ne se limite pas au cadre de la littérature mais
se pose pour l’art en général. Dans le cadre de l’esthétique analytique, on peut
ainsi opposer les intentionnalistes comme Danto ou Wollheim aux anti-
intentionnalistes comme Nelson Goodman. Selon Danto, par exemple, « la
plupart des œuvres sont des objets qui sont introduits dans le monde avec
l’intention qu’ils soient des œuvres d’art 121 ». À la différence de simples objets,
les œuvres d’art ont une structure intentionnelle, ils sont « à propos de
quelque chose », justement parce qu’ils ont été créés par l’artiste avec cette
intention. Un des exemples que donne Danto est celui de la pelle à neige ou du
porte-bouteilles de Duchamp. Si une pelle à neige ordinaire peut fonctionner
comme une œuvre d’art, c’est parce qu’elle se conforme à l’intention de
Duchamp qui a eu l’idée de la conceptualiser comme œuvre. L’interprétation
du spectateur doit se conformer à l’interprétation de l’artiste, sinon elle
identifie faussement l’objet. Comme l’a souligné Danto, « l’interprétation
correcte de l’objet-comme-œuvre d’art est celle qui coïncide au plus près avec
l’interprétation de l’artiste lui-même 122 ». Le recours à l’intention de l’artiste
lue ici comme interprétation (plutôt que comme vouloir faire) est dans ce cas
le garant qu’on « voit » l’œuvre en accord avec ce qu’elle est, puisque ce qu’elle
est réside non pas dans l’objet mais dans l’intention de l’artiste.
Un des défenseurs les plus célèbres de la position anti-intentionnaliste
dans le domaine de la théorie de l’art a été Nelson Goodman qui soutenait
que, pour comprendre une œuvre d’art, il faut la lire comme « symbole »
appartenant à un système symbolique. Il note ainsi à propos de sa théorie du
style : « Contrairement aux autres définitions stylistiques, la nôtre n’est pas
fondée sur les intentions de l’artiste 123. » Il défend la même conception à
propos de ce qui fait d’un objet une œuvre d’art : ce qui compte ce n’est pas
l’existence d’une intention spécifique, mais le fait que l’objet « fonctionne
comme symbole d’une certaine manière 124 ». Ainsi, à la fois l’interprétation
des caractéristiques individuelles de telle ou telle œuvre (par exemple ses
caractéristiques stylistiques) et la compréhension d’un objet comme œuvre
d’art dépendent uniquement de leur inscription dans le système symbolique
adéquat.
Dans le cadre post-structuraliste et post-herméneutique, le débat entre
intentionnalistes et anti-intentionnalistes s’est radicalisé, puisque c’est le
langage lui-même qui a été au centre des discussions. Le débat entre John
Searle et Jacques Derrida en est l’expression la plus connue. La discussion fut
déclenchée par « Signature. Événement. Contexte », un article dans lequel
Derrida critiquait le parti pris intentionnaliste d’Austin dans sa définition des
performatifs 125. Selon Derrida, Austin s’est intéressé uniquement aux cas où la
source d’énonciation est évidente et a exclu les cas plus complexes, comme la
citationnalité : toute énonciation performative peut être citée (par exemple sur
une scène, dans un poème) et du même coup perd son lien avec l’intention
d’origine. Derrida estime que si Austin avait pris en compte les « usages
parasitaires », parmi lesquels l’usage des performatifs dans les fictions, il
aurait vu que l’intention n’est plus pertinente : « L’intention qui anime
l’énonciation ne sera jamais de part en part présente à elle-même et à son
contenu 126. » Contre Austin, Derrida défend un anti-intentionnalisme radical :
ce qui vaut pour l’écriture, à savoir le fait qu’elle est coupée de la conscience
énonciatrice, vaut aussi pour le langage oral. Ce qu’il appelle l’itérabilité, c’est-
à-dire la possibilité pour tout énoncé d’être cité ou répété en dehors de son
contexte d’origine, rend tout énoncé irréductible à l’intention de son
énonciateur 127. Les différences entre écriture et oralité sont donc gommées : la
langue en tant que telle est écriture, c’est-à-dire inscription irréductible à
toute intention énonciatrice.
Searle, qui avait étudié auprès d’Austin, répondit à Derrida dans Pour
réitérer les différences. Réponse à Derrida. Selon lui, l’interprétation de Derrida
repose sur un certain nombre de confusions. Ainsi, si Austin n’a pas pris en
compte les cas de citationnalité, c’est tout simplement parce que « si l’on veut
savoir ce que c’est que faire une promesse ou une affirmation, il vaut mieux
ne pas commencer par examiner les promesses faites par des acteurs sur scène
ou au cours d’une pièce de théâtre ou les affirmations faites dans un roman
par le romancier sur les personnages du roman 128 ». Par ailleurs, selon
l’auteur américain, l’itérabilité ou la citationnalité ne sont pas responsables de
l’autonomisation d’un texte par rapport à son auteur. Si le texte écrit se coupe
de son producteur, ce n’est pas en raison de sa citationnalité, mais en raison
de sa permanence. L’itérabilité, quant à elle, est un trait de tout langage et ne
démontre nullement que l’intention n’est pas pertinente. Au contraire,
l’itérabilité est un facilitateur de l’ancrage intentionnaliste des actes de
langage :
Un des leitmotive de tout le commentaire de Derrida est l’idée que, […] l’itérabilité des
formes linguistiques […] milite contre l’idée que l’intention soit au cœur du sens et de la
communication, jusqu’à soutenir que comprendre l’itération montrera « l’absence essentielle
de l’intention à l’actualité de l’énoncé ». Mais même si tout ce qu’il dit de l’itérabilité était vrai,
cela ne suffirait pas à le prouver. Je conclurai d’ailleurs cette analyse en défendant la thèse
converse : l’itérabilité des formes linguistiques facilite et constitue une condition nécessaire
des formes particulières d’intentionnalité qui sont caractéristiques des actes de langage 129.
Quel parti l’herméneutique prend-elle dans ce débat ? Nous avons vu que,
de l’herméneutique romantique de Schleiermacher à Heidegger, Gadamer et
Ricœur, en passant par Dilthey, l’accent s’est déplacé d’une position
intentionnaliste et psychologique vers une position antipsychologiste (le sens
du texte ne se réduit pas à l’intention de l’auteur comprise au sens
psychologique), selon laquelle l’interprétation doit partir des choses elles-
mêmes, c’est-à-dire, dans le cas de la littérature, du texte lui-même. Nous
avons vu aussi que l’herméneutique philosophique critique l’idée selon
laquelle la compréhension ou l’interprétation du texte consisterait en un acte
de cogénialité par lequel le lecteur ne ferait que revivre le processus de
création de l’auteur. Cela a été rappelé notamment par Paul Ricœur, contre
Schleiermacher et Dilthey :
On se rappelle que l’herméneutique romantique mettait l’accent sur l’expression de la
génialité ; s’égaler à cette génialité, s’en rendre contemporain, telle était la tâche de
l’herméneutique ; Dilthey, proche encore en ce sens de l’herméneutique romantique, fondait
son concept d’interprétation sur celui de « compréhension », c’est-à-dire sur la saisie d’une vie
étrangère s’exprimant à travers les objectivations de l’écriture. De là le caractère
psychologisant et historicisant de l’herméneutique romantique et dilthéyenne. Cette voie ne
nous est plus accessible, dès lors que nous prenons au sérieux la distanciation par l’écriture et
l’objectivation par la structure de l’œuvre 130.
La critique de Ricœur est double. D’une part, elle porte sur le caractère
psychologisant de l’herméneutique de Schleiermacher et Dilthey, donc sur le
fait que la compréhension est vue comme transfert psychique dans quelqu’un
d’autre. D’autre part, elle porte sur son caractère historicisant, c’est-à-dire la
thèse selon laquelle la compréhension est censée impliquer une transposition
dans le passé afin de reconstituer le contexte d’origine de l’œuvre.
Dans la vision de l’herméneutique philosophique, l’interprétation doit
donc partir des choses mêmes, c’est-à-dire des œuvres qui se donnent à
interpréter — textes, images, représentations. Cette conception trouve son
origine dans la philosophie de Heidegger qui, dans le chapitre d’Être et Temps
consacré au cercle herméneutique, avait établi que la tâche de l’interprétation
est « non pas de se laisser pré-donner la pré-acquisition, la prévision et l’anti-
cipation par des “intuitions” ou des concepts populaires, mais, en les
élaborant, d’assurer toujours son thème scientifique à partir des choses
mêmes 131 ». Comme le montre ce passage, l’insistance sur les « choses
mêmes » polémique non seulement avec les lectures intentionnalistes mais au
moins tout autant avec les interprétations « sauvages » dépendant de
l’arbitraire du lecteur. L’anti-intentionnalisme de l’herméneutique
philosophique ne rejoint donc pas les théories qui font dépendre la
signification des options des lecteurs. Ce sont bien les choses mêmes — les
œuvres — dont nous devons partir et auxquelles nous devons nous exposer.
Mais cela ne signifie pas que le sens du texte se réduit au contexte d’origine,
comme le pense la philologie intentionnaliste (par exemple Hirsch) : le sens
du texte est ouvert et il englobe toutes les interprétations ultérieures, à
condition que celles-ci soient des interprétations du texte.
Quels sont les arguments que l’herméneutique avance en faveur de cette
conception ? Le premier argument visant à montrer que la compréhension ne
peut pas être vue comme quelque chose de psychologique, ni comme une
transposition dans le passé, part du constat que l’écriture produit une
distanciation. Nous avons déjà croisé cette notion, qui est due à Ricœur. Voilà
ce qu’il en dit :
Dans le discours oral, ce renvoi du discours au sujet parlant présente un caractère
d’immédiateté qu’on peut expliquer de la façon suivante. L’intention subjective du sujet
parlant et la signification de son discours se recouvrent mutuellement, de telle façon que c’est
la même chose de comprendre ce que le locuteur veut dire et ce que son discours veut dire.
L’ambiguïté de l’expression française de vouloir dire correspondant à l’allemand « meinen » et
à l’anglais « to mean », témoigne de cet empiétement. C’est presque la même chose de
demander : « Que voulez-vous dire ? », et : « Qu’est-ce que cela veut dire ? » Avec le discours
écrit, l’intention de l’auteur et l’intention du texte cessent de coïncider. Cette dissociation de la
signification verbale du texte et de l’intention mentale constitue l’enjeu véritable de
l’inscription du discours 132.
Cette idée est reprise en des termes apparentés par Ricœur, qui note
qu’« interpréter, c’est prendre le chemin de pensée ouvert par le texte, se
mettre en route vers l’orient du texte 146 ». La direction que nous indique le
texte est celle qui nous mène de son sens à sa référence, donc sa visée
référentielle.
Pour déterminer plus précisément la nature du texte littéraire, Gadamer
introduit la notion de « texte éminent » qu’il distingue de l’usage ordinaire de
l’écriture. À la place de la distinction entre oral et écrit (importante chez
Ricœur), il y a chez lui une distinction de deux types d’écrits. Dans le cas d’un
usage standard de l’écriture comme moyen mnémotechnique pour garder la
trace d’un discours ou d’un acte communicationnel, comme par exemple une
note, une lettre, ce qui compte c’est l’intention de l’auteur, parce que ce type
d’écriture nous renvoie à un dire originaire : lorsque je le lis, le texte ne parle
pas de lui-même ; j’ai l’impression que c’est le locuteur qui recommence à
parler. Et si nous rencontrons un problème de compréhension dans le cas de
ce type de textes, nous sommes toujours renvoyés vers l’intention de celui qui
a écrit le texte (par exemple dans le cas d’un témoignage ou d’un testament).
On peut bien évidemment envisager qu’une lettre peut aussi être un texte
littéraire (par exemple les Lettres de Madame de Sévigné). Mais dans ce cas,
elle dépasse son contexte d’origine et elle est lue par d’autres lecteurs que ses
destinateurs explicites, c’est-à-dire comme de la littérature.
Contrairement aux textes « banaux », les textes éminents, tels les textes
littéraires, les textes juridiques et les textes bibliques, sont des textes pour
lesquels l’intention de l’auteur n’est pas pertinente : c’est « le texte, l’énoncé, le
message 147 » qui parle de lui-même sans qu’on ait besoin d’avoir recours à une
parole originaire. À l’intérieur de ce groupe, Gadamer introduit une
distinction supplémentaire, qui singularise les textes littéraires par rapport
aux autres types de textes éminents : seul le texte littéraire est capable de créer
un monde qui tient par lui-même. Il est le seul texte véritablement autonome.
En effet, si le texte juridique ou le texte de la Bible n’est pas interprété en
étant référé à une intention auctoriale, il a néanmoins toujours besoin d’un
soutien contextuel (la pratique juridique ou ecclésiastique). En revanche, le
texte littéraire se soutient lui-même :
Comme l’indique déjà le mot, un véritable texte est […] tissé de fils, de manière à se tenir.
S’il est un véritable texte, un tel discours doit se tenir de manière à « se soutenir » lui-même
sans renvoyer ni à un dire plus authentique, ni à une réalité vécue plus authentiquement 148.
Pour Gadamer l’interprétation d’un texte (ou d’une image) est exactement
dans la même situation : toute interprétation d’une œuvre doit « se tenir à la
partition », au texte et aucune interprétation n’est définitive. Cela ne signifie
pas non plus que le rapport entre différentes interprétations est arbitraire. En
fait, elles se nourrissent toutes à la même source et elles se nourrissent les
unes des autres. Du même coup, leurs accords et différences prennent une
forme cohérente qui évolue dans le temps et qui n’est autre que la tradition
interprétative donc la transmission de la mémoire du sens qui assure le souci
de vérité inhérent à la compréhension 161. Nous sommes toujours confrontés à
l’œuvre à partir d’une précompréhension dont font déjà partie les
interprétations passées. L’œuvre nous parvient toujours à travers une histoire
continue d’interprétations, qui fait le lien entre nous et l’époque de sa
naissance. La tradition assure la transmission d’une vérité de l’œuvre, tout en
créant les conditions de possibilité d’une expérience chaque fois nouvelle de
celle-ci :
Il ne s’agirait absolument plus d’un changement où ce qui, par exemple, paraissait hier
primordial dans l’expérience qu’on faisait de l’œuvre, ne paraîtrait plus l’être aujourd’hui. Car
ce « ne plus » acquiert au contraire ici une détermination positive. Si l’on ne fait plus
l’expérience de cette œuvre de la même manière, c’est précisément parce qu’on en a fait
l’expérience ainsi hier et qu’on a ainsi provoqué une nouvelle possibilité d’en faire
l’expérience 162.
HERMÉNEUTIQUE
ET HISTOIRE DE L’ART
Dans la manière dont nous comprenons le monde contemporain dans
lequel nous vivons, les images occupent une place centrale 1. D’une part,
depuis le XIXe siècle, les images n’ont cessé de se multiplier grâce à l’invention
de nouveaux dispositifs techniques de captage et d’enregistrement. En
particulier, notre vie est informée non seulement par des images fixes mais
aussi par des images mouvantes de toutes sortes. D’autre part, les images ont
envahi tous les espaces de vie, en particulier grâce au développement des
nouvelles technologies et des mass media. L’image est devenue un médium de
compréhension central du monde et de nous-mêmes. Notre vision de nous-
mêmes et du monde est non seulement informée, mais aussi « conformée »
par les images.
La compréhension et l’interprétation des images semblent pourtant être
un défi pour l’herméneutique, du fait de l’importance centrale qu’elle accorde
au langage. Ne risque-t-elle pas de méconnaître la spécificité des images ?
Ainsi, Gottfried Boehm, lui-même historien de l’art d’orientation
herméneutique (il a collaboré avec Gadamer), note que l’herméneutique
classique part de l’idée que, s’il peut y avoir une herméneutique des images,
c’est en postulant une traductibilité entre mots et images 2. Cette traductibilité
se manifesterait non seulement dans les analogies que nous établissons entre
mots et images, dans le fait que nous pensons pouvoir « lire » les images, mais
aussi dans le fait que souvent nous ne nous bornons pas à regarder les images
mais les explicitons à travers des mots. Pour le dire autrement :
l’herméneutique classique transposerait une approche textualiste à l’image.
Les approches textualistes des images ont été critiquées parce qu’elles
tendent à négliger ce qui fait la spécificité des images. Si l’herméneutique fait
partie de ces approches, comment pourrait-elle échapper au reproche de ne
pas tenir compte de la présence propre aux images, qui se traduit par le fait
que toute réception d’une image comporte un voir qui est irréductible à un
lire ? L’expérience des images semble ainsi dire une expérience irréductible
aux expériences textuelles : les textes nous disent quelque chose, alors que les
images montrent quelque chose 3. Le défi des images pour l’herméneutique
serait donc le suivant : pour être capable d’éclaircir le mode de
fonctionnement herméneutique des images, elle doit d’une certaine manière
réinterroger le rapport entre sens et langage.
Mais ne pourrait-on pas rétorquer que cette conception purement
présentifiante du mode de signification des images est elle aussi unilatérale ?
Sans connaissances latérales d’ordre langagier, une grande partie de la
signification des images ne nous échappe-t-elle pas ? Cela vaut de manière
particulièrement forte pour les images mouvantes. Rainer Rochlitz a ainsi
noté que, depuis l’avènement de la modernité, il existe des types d’images qui
combinent les médias visuels et sonores, dépassant de ce fait l’opposition
entre un « montrer » et un « dire » purs 4. Du même coup, on ne peut plus
distinguer les arts visuels et les textes à l’aide de la distinction de Lessing entre
la simultanéité et la succession. Une herméneutique de l’image doit donc se
poser à la fois la question de la parenté entre mot et image, ainsi que la
question de leur différence 5.
LIRE / VOIR LES IMAGES
Autrement dit, même dans les cas apparemment les plus directs, c’est bien
à travers une interprétation que nous identifions les éléments dans les
tableaux. Même dans les tableaux abstraits une expérience en termes de pure
visibilité sans dimension interprétative semble impossible. D’une part, dans
bien des cas, par exemple chez Kandinsky, Mondrian, Barnett Newman et
d’autres, les tableaux abstraits ont une dimension symbolique. D’autre part,
même lorsqu’il n’y a pas de dimension symbolique, par exemple dans le cas
des œuvres de l’expressionnisme abstrait, il est impossible d’échapper à une
identification des formes en termes d’équilibre, de dynamisme, d’atmosphère,
d’« expression ». Or ces propriétés ont toujours une dimension relationnelle.
Par exemple l’expression n’est jamais une dimension purement visuelle au
sens où elle serait inhérente aux formes. C’est une propriété aspectuelle, c’est-
à-dire qu’elle est relative à un point de vue (et notamment relative à des
contextes). Donc, faire l’expérience des propriétés expressives d’un tableau
abstrait revient à voir le tableau à la lumière d’une interprétation.
L’analyse iconographique correspond au deuxième niveau de
signification, celui de la signification secondaire ou conventionnelle, qui
consiste dans l’interprétation de ce qui est vu en termes d’« images »,
d’« histoires » et d’« allégories ». Les « images » sont des motifs qui ont une
signification secondaire, d’ordre symbolique. Les « histoires » et « allégories »
sont des combinaisons de motifs ou de compositions ayant une signification
symbolique. Pour interpréter les motifs comme des images, des histoires et
des allégories, il faut être familier « avec des thèmes ou concepts spécifiques,
tels qu’ils sont transmis par des sources littéraires 16 ». En d’autres termes,
pour comprendre cette signification symbolique des images, nous devons
nous servir d’un savoir culturel et plus précisément, selon Panofsky, d’une
connaissance de textes.
Pour prendre un exemple que donne Panofsky, lorsque, dans La Dernière
Cène de Léonard, nous voyons un groupe de treize figures autour d’une table
et que notre compréhension de ce que nous voyons se réduit à cela, nous
sommes loin d’avoir compris la signification du tableau. Pour la comprendre
nous devons y voir une représentation de la Dernière Cène. Pour cela nous
devons « reconnaître » que ce que nous voyons est un épisode biblique qui fait
référence à un événement précis de la vie du Christ, que le personnage du
milieu est le Christ, qu’il est entouré des douze apôtres, etc. Si dans une autre
image où l’on voit des soldats en train de tuer des bébés nous ne voyons que
cela, nous comprenons la signification primaire du tableau mais nous n’avons
pas compris sa signification secondaire, c’est-à-dire le fait qu’il s’agit d’une
représentation du Massacre des Innocents, donc de l’assassinat de tous les
enfants mâles de Jérusalem ordonné par Hérode dans l’espoir de tuer le
Christ. Cela signifie que quelqu’un qui n’est pas familier avec notre tradition
culturelle, n’est pas capable de comprendre la signification iconographique de
ces tableaux. Mais en quoi consiste cette connaissance culturelle ?
Pour comprendre cette signification symbolique il est nécessaire d’avoir
une connaissance directe (par lecture) ou indirecte (par ouï-dire) de la Bible.
Nous devons d’une part réussir à identifier l’histoire à laquelle le tableau fait
référence, d’autre part nous devons savoir que certains éléments du tableau
ont une signification symbolique (par exemple que le lys représenté à côté de
la Vierge est un symbole de la pureté, qu’un agneau peut être une
représentation symbolique du Christ, etc.) ou que certains personnages sont
en réalité des allégories de concepts abstraits : un personnage masculin muni
d’un couteau représente saint Barthélemy, un personnage féminin qui a une
pêche dans la main est une personnification de la Véracité, deux personnages
en lutte symbolisent le combat du Vice et de la Vertu 17. Si Panofsky formule
sa théorie surtout par rapport à l’art de la Renaissance et par rapport à la
tradition occidentale, sa portée est anthropologique, car la signification
symbolique existe aussi dans l’art visuel d’autres cultures. Il suffit de penser
aux mandalas créées par les moines bouddhistes, qui sont des représentations
religieuses du Cosmos. Pour comprendre le sens de chaque détail d’un
mandala, il faut apprendre la signification conventionnelle de ces éléments,
puisque chacun a une signification symbolique.
Panofsky insiste sur le fait qu’il ne suffit pas d’appliquer au hasard des
connaissances littéraires aux motifs. Elles doivent être contrôlées par une
histoire des types, c’est-à-dire « la manière dont, en diverses conditions
historiques, des thèmes ou concepts spécifiques ont été exprimés par des objets
et événements 18 ». Lorsqu’une image est compatible avec deux textes
différents, ce n’est que cette histoire des types qui nous permet de déterminer
quel texte l’informe réellement. Il arrive aussi que la source d’un tableau se
trouve dans plusieurs textes. Dans la Résurrection du Christ de Grünewald, par
exemple, la consultation des Évangiles ne suffit pas. Panofsky souligne que ce
n’est que grâce à d’autres textes et surtout grâce à l’histoire des types que nous
comprenons que le tableau de Grünewald est « un amalgame hautement
compliqué d’authentique sortie du tombeau, d’ascension et de
transfiguration 19 ». Cela met bien en évidence que si pour Panofsky la
compréhension de la dimension symbolique d’une image nécessite qu’on
connaisse les sources textuelles qui l’informent, il reste conscient du fait que
l’image n’est pas la simple mise en images d’un texte mais qu’il s’agit d’une
configuration irréductible.
J’insiste sur ce point parce qu’on a reproché à Panofsky d’avoir assimilé
les images aux textes. Ainsi, selon Bätschmann, l’iconographie ne fonctionne
comme méthode interprétative que si l’intention nous est transmise comme
texte et si nous pouvons suivre le mouvement qui va du texte à l’image 20. Cela
semble impliquer que, pour comprendre les images, il faut les lire. C’est
pourquoi une des critiques qu’on a adressées à Panofsky était qu’il assimilait
le visible au lisible. Ainsi, selon Georges Didi-Huberman, Panofsky retournait
à la tradition de l’Iconologia de Cesare Ripa, donc à l’idée d’une sorte de
dictionnaire des symbolisations 21. De même, selon Gottfried Boehm, chez
Panofsky l’image n’a pas un sens et une vérité propres : son sens est dérivé du
sens langagier, c’est-à-dire véritable 22. Selon lui, l’analyse de Panofsky
convient surtout à des tableaux qui ont une structure narrative ou allégorique.
Or même dans l’art de la Renaissance italienne il y a de nombreux ensembles
d’images ou de cycles d’images qui ne peuvent pas être expliqués comme des
illustrations d’un texte préexistant dans la culture de l’époque. Ainsi les
patrons inventaient parfois les sujets que le peintre devait représenter ou bien
faisaient appel à un érudit qui devait fournir à l’artiste un programme ad
hoc 23. Mais ces situations ne contredisent pas réellement Panofsky, puisque
dans ce cas il faut connaître le programme ad hoc pour comprendre l’image.
Par ailleurs lui-même rappelle que l’histoire des types nous permet de nous
rendre compte que, pour de nombreux tableaux, il ne faut pas chercher de
source littéraire :
Ainsi, nous ne nous mettrons pas devant les « pêches » de Renoir, que nous savons
appartenir au « type » de la nature morte dépourvue de sens signifiant, en quête d’un texte
susceptible de nous dévoiler une signification allégorique des fruits. En revanche, si un
personnage féminin du « type » des personnifications de la vertu nous présente une pêche de
façon ostentatoire, alors bien sûr il nous faudra partir à la recherche d’un tel texte 24.
L’immédiateté des effets évocateurs dans le cas des arts plastiques doit sa
puissance, selon Rochlitz, au fait que les images ou les objets sculpturaux
existent dans l’espace, pouvant ainsi devenir, par exemple, « source de
séduction, de menace, d’inquiétude, de malaise physique 68 ». En raison de
leur présence physique dans l’espace, de leur immédiateté, les œuvres visuelles
ont un pouvoir, une efficacité directe sur le corps et l’esprit des récepteurs.
Elles débordent ainsi toujours toute lecture codée.
Nous avons déjà souligné que l’art de la Renaissance, nourri de la Bible,
de mythes et d’allégories, se prêtait bien à un type d’analyse, telle celle de
Panofsky, qui est à la recherche de sources littéraires. Il est tout aussi facile de
trouver des types d’art qui imposent leur présence et efficacité à un niveau
fondamentalement perceptif. C’est le cas par exemple de l’art cinétique, qui
joue surtout sur la perception visuelle (jeux d’optique) et sonore 69. Ce type
d’art opère tout à fait autrement que ne le fait un tableau, déjà parce que
l’œuvre n’est pas statique, mais dynamique. Grâce à des faisceaux de lumière
activés en permanence par un mécanisme, l’œuvre se métamorphose en un
spectacle de lumière. Il ne représente pas mais entraîne le spectateur dans des
expériences perceptives diverses qui vont « du calme à l’agité, du statique au
dynamique, du clair au sombre, de l’ordonné au chaotique 70 ». Ainsi, dans
Grav, œuvre collective de Horacio Garcia Rossi, Julio Le Parc, François
Morellet, Francisco Sobrino, Joël Stein et Jean-Pierre Yraval réalisée en 1963,
le spectateur pénètre dans un labyrinthe où il expérimente des lumières, où il
peut manipuler des objets et produire des bruits, etc. Une telle œuvre agit
essentiellement sur notre perception incarnée et nous invite à interagir
corporellement avec elle. Les œuvres de Julio Le Parc sont particulièrement
représentatives de ce type d’efficacité : le récepteur pénètre dans l’espace
même de l’œuvre et interagit avec elle de l’intérieur. Ainsi, dans Cellule à
pénétrer, le spectateur se déplace à travers un espace dans lequel des miroirs
pendent comme des lambeaux. Dans une autre œuvre, il est invité à pénétrer
dans un espace sombre dans lequel des sortes de poissons-oiseaux créés par
des projections lumineuses donnent l’impression de nager dans l’eau ou de
voler dans le ciel, créant un espace de lumière et de mouvement.
Les approches textualistes ont été critiquées justement parce qu’elles sous-
estiment cette puissance proprement visuelle de l’image comme présence et
notamment la manière selon laquelle à travers les Pathosformeln et d’autres
opérateurs de résonance ou d’empathie, elle opère grâce à des processus
agissant de manière implicite. Cette efficacité des images a été mise en
évidence par Alfred Gell dans L’Art et ses agents 71 et par David Freedberg dans
The Power of Images 72, qui, tous les deux, se sont intéressés aux effets que les
images produisent sur les spectateurs, insistant sur le fait que cette efficacité
est due à leur caractère vivant, animé. Du coup, l’attitude que les spectateurs
adoptent n’est plus une attitude distancée : ils sont pris, happés par les
images. Il faut préciser d’entrée de jeu que, lorsque ces deux auteurs parlent
d’images, ils ne s’intéressent pas particulièrement aux œuvres d’art, bien que
beaucoup de leurs exemples soient des œuvres d’art. Gell souligne ainsi que
l’art est « un système d’action qui vise à changer le monde plutôt qu’à
transcrire en symboles ce qu’on peut en dire 73 ». Il précise que par rapport à
l’analyse sémiotique qui traite les objets comme si c’étaient des textes, sa
propre analyse est plus anthropologique parce qu’elle se préoccupe du rôle des
objets comme médiateurs concrets dans les processus sociaux 74. Selon lui, les
œuvres d’art ne sont pas des objets d’interprétation mais des vecteurs
d’expérience, ce qui veut dire qu’elles agissent sur nous comme des personnes
ou comme des agents sociaux. On retrouve la même conception animiste chez
Freedberg, selon qui l’efficacité des images est fondée sur la croyance que les
corps représentés ont le statut de corps animés, vivants 75. Dans les rituels
africains par exemple, les masques s’animent, agissent comme des êtres
vivants parce qu’ils sont investis par des esprits 76.
Ce principe ne vaut pas seulement pour l’art dit « primitif » mais aussi
pour la peinture et la sculpture occidentales. Freedberg s’intéresse ainsi aux
images qui donnent l’impression d’être réelles, comme par exemple les sacri
monti, les statues en cire, les images du Christ qui tendent à la plus grande
vraisemblance possible, ainsi qu’aux pratiques dans lesquelles les images
apparaissent comme vivantes (tels les crucifix utilisés dans les drames
liturgiques où le Christ a des bras mouvants) ou encore aux visions et rêves
liés aux images qui s’animent et qui jouent un rôle dans la conversion des
saints. Ce caractère vivant des images tient, selon Freedberg, à la croyance
que ce qui est représenté par l’image est effectivement présent en elle 77. Notre
attitude vis-à-vis des œuvres est donc loin d’être distancée : c’est nous qui les
animons, en les traitant comme si elles étaient réelles. Nous ressentons des
émotions, des sensations, comme si nous nous trouvions devant quelque
chose de réel. L’art n’est donc pas séparé de la réalité. La puissance de
présence de l’image est telle que le signe s’efface devant une réalité qui
s’impose à nous :
Mais tout ce qui a trait à la peinture et à la sculpture requiert que nous voyions à la fois
celles-ci et ce qu’elles représentent comme une réalité : c’est sur cette base que nous
réagissons. Répondre à une peinture ou une sculpture « comme si elles étaient réelles » n’est
pas très différent de répondre à la réalité comme réelle 78.
Selon Freedberg, les théories de l’art du XXe siècle (par exemple celle de
Gombrich ou Collingwood) ont négligé cet aspect des images : elles ont sous-
estimé le rôle des émotions et ont privilégié une conception désincarnée et
purement cognitive de l’art 79. Il pense que ce faisant ils ont méconnu le niveau
fondamental de nos réponses face aux images, à savoir la simulation
d’actions, de sensations corporelles, d’émotions. D’où son intérêt pour la
théorie de l’empathie, formulée au XIXe siècle par Vischer et Lipps, mais aussi
pour la théorie des neurones miroirs, donc le mécanisme de la simulation
incarnée telle qu’elle a été analysée par Gallese 80, théorie dont nous avons déjà
souligné l’importance dans le domaine de l’analyse de la compréhension
d’autrui 81. Nous y avons vu que Gallese avait formulé la théorie de la
simulation incarnée pour montrer que nous avons une expérience directe
d’autrui : lorsque nous observons les actions ou les émotions d’autrui, cette
observation active dans notre cerveau les mêmes zones que celles qui sont
activées lorsque nous sommes en train de les expérimenter nous-mêmes. En
collaboration avec Gallese, Freedberg a essayé d’appliquer cette théorie à l’art.
Cette façon de considérer le mode de fonctionnement des œuvres efface en
partie la différence entre nos réactions face à l’art et nos réactions face à la
réalité : nos réponses vis-à-vis de l’art ne diffèrent guère de nos réponses vis-à-
vis de la vie, puisque nous traitons les images comme si elles étaient réelles.
Dans « Motion, Emotion and Empathy », écrit en collaboration avec
Gallese, Freedberg distingue plus précisément quatre types de réponses
principales vis-à-vis des images visuelles 82. Les trois premières concernent
l’engagement empathique du spectateur avec le contenu représentationnel de
l’œuvre. Un premier type de réponse aux œuvres d’art consiste dans
l’engagement avec les gestes, les mouvements et les intentions des autres car,
comme nous l’avons vu, lorsque nous observons un mouvement de quelqu’un
d’autre, les neurones miroirs s’activent dans notre cortex pré-moteur comme
si nous étions nous-mêmes en train d’accomplir ce mouvement ou ce geste 83.
Freedberg souligne que ce qui est en cause ici ce n’est pas la mimèsis du
monde ou d’autres œuvres mais la simulation intérieure du mouvement
corporel perçu 84. Le deuxième type de réponse consiste, selon Freedberg, dans
la reconnaissance des émotions d’autrui qui, selon Gallese, serait aussi fondée
sur l’action des neurones miroirs. Le troisième type de réponse consiste en un
sentiment d’empathie pour les sensations corporelles, telles que la douleur,
comme c’est le cas lorsque nous observons par exemple les corps mutilés
représentés dans les Desastres de la Guerra de Goya ou, de façon générale, des
scènes de martyre. La vue de telles scènes déclenche des émotions, par
exemple de la peur et de l’horreur. Nous avons donc une expérience directe
des émotions des personnages représentés :
À la vue des scènes des Désastres de la guerre de Goya, l’empathie corporelle naît non
seulement comme réaction aux nombreuses figures déséquilibrées, les spectateurs semblant
ressentir eux-mêmes des sentiments similaires de déséquilibre, mais aussi dans le cas des
représentations souvent horribles de chair lacérée ou blessée. Dans ces cas, les réponses
physiques semblent être localisées précisément dans ces parties du corps qui sont menacées,
qui subissent des pressions, qui sont forcées ou déstabilisées. De plus, l’empathie physique se
mue facilement en un sentiment d’empathie pour les conséquences émotionnelles des
manières dont le corps est abîmé ou mutilé 85.
Dans cet exemple la dé-figuration reste limitée, puisqu’on « sait » que les
détails en question représentent bien, malgré tout, les plumes, même si l’on
pourrait aussi les voir comme représentant de l’écume. Les éléments du
tableau restent définitivement ambigus : on ne peut pas se décider pour l’une
ou l’autre signification, on peut les voir alternativement comme ceci et comme
cela sans qu’aucune signification ne se stabilise.
Mais, en fait, Didi-Huberman ne s’intéresse pas uniquement au caractère
plurivoque de certains détails figuratifs conçu comme ambiguïsation
sémantique mais au fait que cette indétermination sémantique aboutit à un
processus qui subvertit la fonction mimétique, représentationnelle. Il appelle
« pans », « ces éléments non-mimétiques » qui surgissent dans le tableau et
qui sont pour lui de l’ordre de l’indice, ou du symptôme au sens freudien :
Le pan serait donc à définir comme cette partie de la peinture qui interrompt
ostensiblement, de lieu en lieu, ainsi qu’une crise ou un symptôme, la continuité du système
représentatif du tableau. C’est l’affleurement accidentel et souverain d’un gisement, d’une
veine colorés : il fait sens, avec violence et équivoque, comme la blessure sur une peau
blanche donne sens — donne surgissement — au sang qui bat dessous 97.
Heidegger et Gadamer se sont tournés tous les deux vers les œuvres d’art
visuelles ainsi que vers les relations entre textes et images dans le cadre de ce
qui se veut une théorie herméneutique générale de l’art. Du même coup, ce
qui les intéresse primordialement, ce n’est pas tant la différence entre texte et
image que ce qui leur est commun. Car contrairement à ce qui est le cas par
exemple chez Freedberg, c’est bien l’image en tant qu’art qui intéresse
l’herméneutique. Ou pour le dire autrement : l’herméneutique s’interroge sur
l’ontologie de l’image dans le cadre d’une ontologie de l’art, et du même coup
elle ne propose pas une théorie générale de l’image mais uniquement de
l’œuvre d’art visuelle.
Dans L’Origine de l’œuvre d’art, où il expose sa théorie de l’art comme
vérité, Heidegger prend à plusieurs reprises des exemples d’œuvres d’art
plastiques. Nous avons déjà rencontré l’exemple du temple grec qui met en
évidence, selon lui, le fait que l’œuvre d’art ouvre un monde, tout en révélant
la terre 109. Mais le passage le plus célèbre concernant la question de l’image
est son interprétation d’un tableau de Van Gogh représentant une paire de
chaussures. Je n’en retiendrai qu’un aspect, à savoir la manière dont
Heidegger, dans son interprétation, prend en compte le fait que ce qu’il
entreprend d’interpréter est une œuvre d’art visuelle. On a souvent reproché à
sa démarche de n’accorder guère d’importance à la dimension purement
visuelle de l’œuvre et d’opérer un court-circuit entre la représentation (des
chaussures) et ce qui est représenté (des chaussures de paysanne, d’après
lui) 110. Pourtant sa démarche n’est pas représentationnaliste au sens strict du
terme. D’une part, pour lui, ce n’est pas l’image en tant qu’image qui est le
support d’interprétation mais bien l’image en tant qu’œuvre d’art : sa capacité
de révélation ontologique tient au fait que c’est une œuvre d’art et non pas au
fait que c’est une image : toute image d’une paire de chaussures n’a pas la
capacité de révélation ontologique du tableau de Van Gogh. En deuxième lieu
Heidegger intègre bien dans son analyse que c’est à travers l’image que l’œuvre
d’art opère dans ce cas. Il insiste notamment sur le fait que son interprétation
est ancrée dans l’expérience directe de ce qui se donne à voir : « Nous n’avons
rien fait que nous mettre en présence du tableau de Van Gogh. C’est lui qui a
parlé. La proximité de l’œuvre nous a soudain transporté ailleurs que là où
nous avons coutume d’être 111. » Heidegger reconnaît donc la dimension
visuelle de l’expérience (on se met en présence de l’œuvre) mais il précise que
cette dimension est celle d’une œuvre d’art qui opère visuellement : c’est parce
qu’il s’agit d’une œuvre d’art que cette expérience nous transporte ailleurs,
dans le domaine d’une révélation ontologique.
Cependant, en même temps, Heidegger dit que le tableau de Van Gogh
« parle », donc, c’est du moins ce qu’on peut supposer, qu’il ne se borne pas à
être présent. Pourquoi le tableau parle-t-il ? Pourquoi Heidegger n’écrit-il pas
que le tableau « montre » ? On peut supposer qu’il veut dire en réalité que le
tableau parle en montrant. Et il est vrai que sa description présuppose une
expérience de qualia, par exemple lorsqu’il fait référence à l’« obscure intimité
du creux de la chaussure 112 », au cuir « marqué par la terre grasse et
humide 113 ». Mais on se rend compte aussi que ces qualia sont d’entrée de jeu
transcendés dans une interprétation sémantique posée de manière
apodictique, comme c’est le cas pour le cuir à propos duquel Heidegger décide
d’entrée de jeu qu’il est « marqué par la terre grasse et humide », ce qui à son
tour découle de la certitude elle aussi apodictique que les souliers en question
sont des souliers de paysan et non de citadin. C’est peut-être à cette jointure
entre l’expérience visuelle — qui est en elle-même déjà une expérience de
sens — et l’interprétation sémantique — qui fonctionne comme une variante
spécifique d’interprétation iconologique, le « texte » posé en amont étant ici la
philosophie de Heidegger lui-même — que finalement cette interprétation
échoue à rendre justice au tableau de Van Gogh.
Dans Vérité et méthode, Gadamer s’intéresse au statut ontologique des
images dans le cadre de sa théorie générale de l’art. Sur ce point il met donc
ses pas dans ceux de son maître. C’est la théorie générale de l’art qui
l’intéresse et il souligne dans de nombreux textes que ce qui importe c’est ce
que l’art poétique et l’art plastique (mais aussi la musique) ont en commun
ainsi que leur rôle dans la constitution de notre culture 114. Cependant cela ne
l’empêche pas de développer une réflexion spécifiquement consacrée à
l’image.
À première vue Gadamer semble encore plus « textualiste » que
Heidegger. En effet, il établit une analogie forte entre texte et image, allant
jusqu’à parler de « lecture » des images. Mais il n’entend pas par là la même
chose que l’iconologie ou la sémiotique. Il s’intéresse en fait, au-delà de la
lisibilité des images, à leur visibilité ou plutôt à leur aspect visuel comme le
font les approches présentifiantes des images. Tout comme celles-ci, il met en
avant d’abord l’efficacité des images, la façon dont elles agissent sur nous. Il
ne voit pas les tableaux comme des objets à interpréter mais comme des
vecteurs d’expérience. Cependant, à la différence des approches
présentifiantes, pour Gadamer, tout comme pour Heidegger, présence et sens
coïncident, ce qui veut dire que, selon lui, il n’y a pas de perception pure qui
déborde le processus signifiant. Au contraire, c’est le processus signifiant qui
transfigure les données de la perception. Mais quelles sont les modalités de ce
processus signifiant ? Est-ce que le tableau parle, comme chez Heidegger ?
Dans Über das Lesen von Bauten und Bildern, Gadamer distingue deux
questions différentes qui se posent par rapport à une œuvre d’art visuelle :
celle de son interprétation iconographique, c’est-à-dire la description de ce qui
est représenté, et la question de savoir ce que nous dit l’image 115. Cette
deuxième question reste pour lui pertinente, même lorsque nous sommes
incapables d’identifier son contenu iconographique 116. Par exemple personne
ne sait exactement ce que représente La Tempête de Giorgione : est-ce une
scène de genre ou est-ce une composition allégorique ? Et pourtant l’œuvre
fait sens, elle est porteuse de significations très riches. De même, nous avons
vu que, dans beaucoup de peintures, certains éléments visuels restent
ambigus : nous pouvons penser que cela peut être ceci ou cela sans avoir des
raisons décisives pour nous décider pour l’une ou l’autre interprétation,
comme l’ont montré Gombrich, ou encore Didi-Huberman (dans sa
discussion sur les « pans »). Et pourtant cela n’empêche pas le tableau en
question de demeurer signifiant, d’avoir du sens. Selon Gadamer, la
compréhension d’une œuvre d’art ne se réduit donc pas à ce que nous
enseigne l’iconographie.
Une deuxième différence consiste dans le fait que si l’iconographie essaie
de reconstituer le contexte d’origine de l’œuvre, l’herméneutique
gadamérienne s’intéresse plutôt à ce que l’œuvre nous dit au moment où nous
la regardons. Gadamer part en effet de l’idée que la signification de l’œuvre ne
se réduit pas à la reconstruction historique du contexte d’origine : l’œuvre
nous interpelle à chaque fois de façon nouvelle 117. L’herméneutique est l’art de
laisser parler à nouveau une œuvre. Elle apparaît ainsi comme une alternative
à la fois à l’analyse historique contextuelle à la Panofsky mais aussi à l’étude
formaliste des images. On pourrait dire que l’iconologie et l’analyse formelle
veulent faire parler l’œuvre, l’herméneutique la laisse parler. Or, pour la laisser
parler, nous devons la « lire » comme nous lisons un texte. C’est pour cette
raison que Gadamer établit une analogie entre lire et voir :
De cette manière, la lecture me semble effectivement un prototype pour la tâche qui est
assignée à toute contemplation d’œuvres d’art et particulièrement aux œuvres d’art plastique.
Il s’agit de lire, avec toutes les anticipations et les retours en arrière, avec cette articulation
croissante, avec ces sédimentations qui s’accumulent, si bien que, à la fin d’une telle
performance de lecture, la figure dans toute sa diversité articulée se réduit néanmoins à
l’unité d’un dire (Aussage) 118.
Pourtant l’image ne coïncide pas non plus totalement avec le symbole, car
son rôle n’est pas de suppléer ou de tenir lieu, mais d’apporter un surcroît de
signification incarnée. Ce qui est représenté par l’image, c’est-à-dire le modèle,
« est davantage présent, de manière plus authentique, tel qu’il est en
vérité 151 ». La représentation est une présentation de quelque chose qui prend
chair dans l’image, qui se révèle en elle et à travers elle.
Au vu de cette conception présentifiante de la vérité imagée, il n’est pas
étonnant que lorsque Gadamer thématise la parenté entre texte et image, il
s’éloigne radicalement de l’iconologie. Pour lui la parenté réside dans le fait
que texte et image, dès lors qu’ils sont des modalités de manifestation d’une
œuvre d’art, partagent une même capacité de faire advenir la vérité (donc la
« signification ») comme présence. Si le texte se voit accorder une place
importante, ce n’est pas parce que l’œuvre d’art visuelle serait l’application
d’un programme d’ordre discursif (comme c’est le cas pour l’iconologie), mais
parce que le texte nous rappelle que l’œuvre d’art signifie toujours, ce que nos
conceptions de l’image nous font parfois oublier. Mais on pourrait sans doute
ajouter que pour comprendre en quoi consiste la spécificité d’un texte qui est
une œuvre d’art, nous aurions intérêt à le penser par rapport à l’œuvre d’art
visuelle, car celle-ci nous rappelle plus aisément que l’œuvre d’art est aussi
toujours présence, même lorsqu’elle se manifeste comme texte.
Les réflexions de Gadamer montrent qu’il est possible de développer une
véritable herméneutique des images qui tient compte de ce qui est commun
aux arts et qui permet d’établir une analogie entre lire, voir et entendre, mais
qui reconnaît aussi ce qui fait la spécificité des images, à savoir le fait qu’elles
« montrent ». L’approche herméneutique permet ainsi de rendre compte à la
fois de la question de la perception de l’image, de l’incarnation matérielle de
l’œuvre, donc du matériau (ou de ce que Heidegger appelle la « terre »), mais
aussi de son monde et de la façon dont les images agissent sur nous, donc de
la façon dont ce monde entre en interaction avec le nôtre et le transforme. Si
par ailleurs on accepte l’idée défendue dans cet ouvrage, à savoir que
l’émotion et la perception sont elles aussi de l’ordre de la connaissance, alors
ces dimensions doivent aussi être intégrées dans une telle herméneutique des
images, qui cesserait ainsi d’opposer l’émotion et la « cognition », comme le
fait encore Freedberg. L’herméneutique des images comme œuvres d’art
devrait ainsi viser à rendre compte de la « vision-connaissance » au sens
d’Imdahl, c’est-à-dire d’une vision qui réunit à la fois la « vision-
reconnaissance » et la « vision voyante ».
APPENDICES
Remerciements
L’École des Hautes Études en Sciences Sociales a été le cadre d’un séminaire que j’ai donné
pendant plusieurs années sur l’herméneutique. C’est le point de départ de cette réflexion sur
l’herméneutique et les sciences humaines et sociales. Je remercie tout particulièrement Jean-Marie
Schaeffer qui m’a soutenu tout au long de ce projet et dont les conseils et les suggestions m’ont été très
précieux.
J’ai pu écrire ce livre grâce à un contrat postdoctoral à la Dahlem Research School de l’Université
Libre de Berlin et mon invitation comme Research-fellow par l’Exzellenzinitiative « Principles of
Cultural Dynamics ». Je tiens à remercier le professeur Joachim Küpper et le Dahlem Humanities
Center.
Mes remerciements vont aussi à Nathalie Heinich qui m’a invitée au colloque « Par-delà le beau et
le laid : les valeurs artistiques », organisé par le CRAL, EHESS, 24-25 octobre 2012, colloque qui m’a
permis de publier une vue synthétique de ma conception de la signification artistique sous le titre « La
significativité » (Par-delà le beau et le laid : Enquêtes sur les valeurs de l’art, Presses Universitaires de
Rennes, collection « Aesthetica », 2014, p. 139-150) et à Philippe Roger qui m’a donné l’occasion de
diriger un numéro spécial de la revue Critique « Où va l’herméneutique ? », no 817-818, juin-juillet 2015.
Last but not least, je remercie Éric Vigne qui a accepté de publier cet ouvrage.
Bibliographie
ABEL, Olivier, PORÉE, Jérôme, Le Vocabulaire de Paul Ricœur, Paris, Ellipses, 2009.
AGAR, Michael, « Hermeneutics in Anthropology », Ethos, vol. 8, no 3, 1980, p. 253-272.
ARISTOTE, La Poétique, traduit du grec par Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot, Paris, Seuil,
coll. Poétique, 1980.
AUSTIN, John Langshaw, Quand dire c’est faire [1962], traduit de l’anglais par Gilles Lane, Paris, Seuil,
coll. L’Ordre philosophique, 1970.
AUERBACH, Erich, Mimésis. La représentation de la réalité dans la littérature occidentale [1946], traduit de
l’allemand par Cornélius Heim, Paris, Gallimard, coll. Tel, 1968.
BAILLY, Francis, « Physique et interprétation », Cahiers Confrontation, Paris, Aubier, no 17, printemps
1987, p. 151-174.
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Notes
PROLOGUE
LE QUESTIONNEMENT HERMÉNEUTIQUE
ET SON RAPPORT AUX SCIENCES
1. Paul Ricœur, Temps et récit I. L’intrigue et le récit historique, Seuil, coll. Points essais, 1983,
p. 114. J’emprunte cet exemple à Paul Ricœur.
2. Voir Martin Heidegger, Être et Temps, traduit de l’allemand par Emmanuel Martineau,
Authentica, 1985, p. 73-74 ; Sein und Zeit [1927], Max Niemeyer, 1993, p. 68-69.
3. Friedrich D. E. Schleiermacher, « Les Discours de 1829 », Herméneutique. Pour une logique du
discours individuel, traduit de l’allemand par Christian Berner, Cerf / PUL, 1987.
4. Hans-Georg Gadamer, « Herméneutique classique et philosophique » [1968], La Philosophie
herméneutique, traduit de l’allemand par Jean Grondin, PUF, coll. Épiméthée, 1996, p. 85.
5. Ibid.
6. Ibid.
7. Le mot grec a été traduit en latin par interpres, dont le préfixe souligne l’idée de médiation.
D’ailleurs le mot latin désigne aussi très souvent le traducteur. (Voir Jean Pépin, « L’herméneutique
ancienne. Les mots et les idées », Poétique, « Rhétorique et herméneutique », no 23, 1975, p. 294-295.)
8. Voir Hans-Georg Gadamer, « Herméneutique classique et philosophique », La Philosophie
herméneutique, op. cit., p. 86.
9. Ibid.
10. Ibid.
11. Ibid.
12. À propos de l’herméneutique juridique, voir infra.
13. Hans-Georg Gadamer, « Herméneutique classique et philosophique », La Philosophie
herméneutique, op. cit., p. 86.
14. Voir Jean Pépin, « L’herméneutique ancienne. Les mots et les idées », art. cit., p. 291.
15. Ibid., p. 292.
16. Ibid.
17. Ibid., p. 295.
18. Ibid., p. 294.
19. Friedrich D. E. Schleiermacher, « L’Abrégé de 1819 », Herméneutique, op. cit., p. 114-115.
20. Peter Szondi, Introduction à l’herméneutique littéraire. De Chladenius à Schleiermacher, traduit
de l’allemand par M. Bollack, Cerf, 1989, p. 141-142.
21. Voir Alain Le Boulluec, « L’allégorie chez les Stoïciens », Poétique, « Rhétorique et
herméneutique », no 23, 1975, p. 310-311.
22. Par exemple Zeus est identifié avec la nature, qui est le principe actif de la physique stoïcienne,
Agamemnon est l’éther, Pâris l’air, Hector la lune, Déméter le foie, Dionysos la rate, Apollon la bile,
Saturne le temps. La pratique stoïcienne de l’allégorie repose sur l’étymologie.
23. Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie. Littérature et sens commun, Seuil, coll. La Couleur
des idées, 1998, p. 59.
24. Voir Tzvetan Todorov, Symbolisme et interprétation, Seuil, coll. Poétique, 1978, p. 91-124.
25. Ibid., p. 92. Voir aussi p. 106. Si saint Augustin part du principe d’un double sens de la Bible,
Origène (185-254), dans le Traité des principes, y décèle un triple sens, qui correspond à l’âme, au corps
et à l’esprit. Si le premier sens est accessible à tout lecteur, le deuxième et le troisième sens ne sont
accessibles qu’aux initiés. Au Moyen Âge, Cassien parle du quadruple sens de la Bible : le sens littéral et
le sens spirituel qui se compose d’un sens allégorique (ou typologique), d’un sens moral (ou
tropologique) qui consiste à appliquer les choses concernant le Christ à notre propre vie et d’un sens
anagogique (qui concerne l’eschatologie).
26. Ibid.
27. Ibid., p. 99 : « Les deux sens, direct (celui des mots de la Bible) et indirect (celui de la doctrine
chrétienne), étant donnés d’avance, l’interprétation consiste à montrer qu’ils sont équivalents. »
28. Ibid., p. 104.
29. Ibid., p. 135-136.
30. Ibid., p. 132.
31. Il s’agit de l’herméneutique théologique (interprétation de la Bible), de la philologie
(interprétations des œuvres d’auteurs anciens comme Homère) et de l’herméneutique juridique
(l’interprétation des lois), qui existent depuis l’Antiquité et qui sont des techniques (Kunstlehren), des
systèmes de règles pour l’interprétation des passages obscurs, ambigus ou contradictoires et non pas
pour l’interprétation des textes dans leur ensemble. Si on les appelle des herméneutiques spécialisées
c’est parce qu’elles établissent les règles nécessaires à l’interprétation (conçue comme éclaircissement de
passages qui ne sont pas clairs) de telle ou telle catégorie de textes sacrés ou profanes.
32. Voir Hans-Georg Gadamer, « Herméneutique classique, herméneutique philosophique », La
Philosophie herméneutique, op. cit., p. 85-118.
33. Friedrich D. E. Schleiermacher, « L’Abrégé de l’herméneutique de 1819 avec les notes de
1828 », Herméneutique, op. cit., p. 113.
34. Peter Szondi, Introduction à l’herméneutique littéraire, op. cit., p. 2. Voir aussi les contributions
réunies dans Jörg Schönert et Friedrich Vollhardt, Geschichte der Hermeneutik und der Methodik der
textinterpretierenden Disziplinen, Walter de Gruyter, 2005.
35. Friedrich D. E. Schleiermacher, « Les discours de 1829 », Herméneutique, op. cit., p. 162.
36. Ibid., p. 156.
37. Friedrich D. E. Schleiermacher, « L’Herméneutique générale de 1809-1810 », ibid., p. 74.
38. Wilhelm Dilthey, « Origines et développement de l’herméneutique » [1900], Le Monde de l’esprit,
tome I, traduit de l’allemand par M. Rémy, Aubier, coll. Bibliothèque philosophique, 1947, p. 322.
39. Wilhelm Dilthey, L’Édification du monde historique dans les sciences de l’esprit [1910], traduit de
l’allemand par Sylvie Mesure, Cerf, coll. Passages, 1988, p. 31.
40. Ibid.
41. Il faut préciser cependant que, pour Dilthey, l’esprit n’est pourtant pas extérieur à la nature :
dans les sciences de l’esprit, le physique et le psychique apparaissent comme indissociables.
42. Paul Ricœur, Du texte à l’action. Essais d’herméneutique II, Seuil, coll. Points essais, 1986, p. 91.
43. Ibid.
44. Wilhelm Dilthey, L’Édification du monde historique dans les sciences de l’esprit, op. cit., p. 90.
45. Wilhelm Dilthey, « Origines et développement de l’herméneutique », Le Monde de l’esprit I, op.
cit., p. 320.
46. Ibid.
47. Ibid., p. 319. La question dont dépend la certitude de l’histoire est celle de savoir « si
l’intelligence du singulier peut acquérir une validité universelle ».
48. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 218.
49. Wilhelm Dilthey, « Origines et développement de l’herméneutique », Le Monde de l’esprit I, op.
cit., p. 321.
50. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 84. Ricœur distingue ici entre la compréhension
comme manière de connaître (chez Schleiermacher et Dilthey) et la compréhension comme manière
d’être (chez Heidegger et Gadamer).
51. Voir Hans-Georg Gadamer, « Texte et interprétation », L’Art de comprendre. Écrits II.
Herméneutique et champs de l’expérience humaine, traduit de l’allemand par Isabelle Deygout et alii,
Aubier, coll. Bibliothèque philosophique, 1991, p. 194.
52. Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique. Dialogue avec Hans-Georg
Gadamer, [1995], traduit de l’allemand par Donald Ipperciel, Fides, 1998, p. 104.
53. Paul Ricœur, « Existence et herméneutique », Le Conflit des interprétations. Essais
d’herméneutique, Seuil, 1969, p. 26.
54. Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 127 ; Sein und Zeit, op. cit., p. 143.
55. Paul Ricœur, « Ontologie », Encyclopædia Universalis, p. 789.
56. Voir Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 32 : « Mais il lui appartient cooriginairement
— en tant que constituant de la compréhension de l’existence — une compréhension de l’être de tout
étant qui n’est pas à la mesure du Dasein » ; Sein und Zeit, op. cit., p. 13.
57. Certes, ce Mitsein peut prendre la forme du Verfallen, de l’inauthenticité, du On (Man). Cette
inauthenticité prend de multiples formes : le On dit que…, des opinions reçues qui ne procèdent pas de
notre propre expérience de la réalité, la langue de bois, la propagande, la voix des préjugés, la voix des
stéréotypes, la voix de la haine raciale ou sociale… Mais ces situations ne font que confirmer à leur
manière que l’être-avec est constitutif de l’identité humaine.
58. Claude Romano, Au cœur de la raison, la phénoménologie, Gallimard, coll. Folio essais, 2010,
p. 488. En italique chez l’auteur.
59. Ibid. Voir aussi chapitre II, p. 72-103. Husserl est arrivé à ce paradigme sémantique par
l’intermédiaire de Frege qui avait distingué entre le sens et la référence d’une chose. Romano note,
p. 87 : « La solution de Husserl consiste donc à réélaborer la notion de contenu (Inhalt), à en écarter
toute idée de représentation par ressemblance et à adopter pour le penser un modèle sémantique. Le
contenu n’est pas une image de l’objet, c’est le sens selon lequel un objet est visé […]. Toute conscience
se rapporte à son objet intentionnel transcendant à travers un mode de visée qui est son “sens” ou sa
“matière intentionnelle”, et ce sens est déjà quelque chose d’idéal, qui n’appartient pas à l’étoffe du
psychisme, qui n’est “rien d’individuel, rien de réel, jamais en aucune façon un datum psychique”. »
60. Jean-François Lyotard, La Phénoménologie [1954], PUF, coll. Que sais-je ?, 2007, p. 29.
61. Voir Jean Grondin, Le Tournant herméneutique de la phénoménologie, PUF, coll. Philosophies,
2003, p. 35. Selon l’hypothèse de Grondin, le concept d’intersubjectivité ainsi que celui de Lebenswelt
sont apparus beaucoup plus tôt dans la pensée de Husserl, comme le démontre la publication posthume
des Husserliana et le fait que le jeune Heidegger parle de la Lebenswelt déjà dans son cours de 1919
(Grundprobleme der Phänomenologie, Cours de 1919-1920).
62. Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance. Trois études, Gallimard, coll. Folio essais, 2004,
p. 102.
63. Edmund Husserl, La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale [1954],
traduit de l’allemand par Gérard Granel, Gallimard, coll. Tel, 1976, p. 123.
64. Claude Romano, Au cœur de la raison, la phénoménologie, op. cit., p. 943.
65. Voir Jean Grondin, Le Tournant herméneutique de la phénoménologie, op. cit., p. 33-34. Voir
aussi p. 61.
66. Ibid., p. 33.
67. Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 32 ; Sein und Zeit, op. cit., p. 13.
68. Ibid., p. 63 ; p. 54.
69. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 101.
70. Jean Greisch, Ontologie et temporalité. Esquisse d’une interprétation intégrale de Sein und Zeit,
PUF, coll. Épiméthée, 1994, p. 188.
71. Les considérations développées dans l’Introduction d’Être et Temps à propos du logos (§ 7 B),
selon lequel le logos n’est pas le lieu primaire (der primäre Ort) de la vérité mais que celui-ci est à trouver
dans l’aisthesis, la perception sensible (das schlichte sinnliche Vernehmen von etwas), pointent dans cette
direction. On peut mettre cette idée en relation avec ce que dit Searle de la perception. Selon Searle, qui
retrouve ainsi certaines positions de la phénoménologie, l’intentionnalité de la perception est plus
fondamentale que celle du langage qui n’est que dérivée. Les formes premières de l’intentionnalité sont
selon lui la perception et l’action. Voir John Searle, L’Intentionalité, op. cit., p. 9 : « La capacité qu’ont les
actes de langage de représenter des objets et des états de choses du monde est une extension des
capacités biologiquement plus fondamentales qu’a l’esprit (ou le cerveau) de mettre l’organisme en
rapport avec le monde au moyen d’états mentaux tels que la croyance ou le désir, et en particulier au
travers de l’action et de la perception. »
72. Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 132 ; Sein und Zeit, op. cit., p. 150.
73. Voir Ludwig Wittgenstein, « Investigations philosophiques » [1945], Tractatus logico-
philosophicus suivi de Investigations philosophiques, traduit de l’allemand par Pierre Klossowski,
Gallimard, coll. Tel, 1961, p. 326.
74. Ibid., p. 346 : « Dès lors se pose la question : pourrait-il exister des êtres humains dépourvus de
la capacité de voir quelque chose comme quelque chose — et à quoi cela ressemblerait-il ? Quels genres
de conséquences en découlerait-il ? Est-ce que ce défaut serait comparable au fait de ne pas discerner les
couleurs ou à celui de ne pas avoir une ouïe absolue ? Nous nommerons cela “cécité de l’aspect” — et
considérerons ce que l’on pourrait entendre par ceci. »
75. Jean Greisch, Ontologie et temporalité, op. cit., p. 195.
76. Ibid., p. 196.
77. Jean Grondin, Einführung in die philosophische Hermeneutik [1991], Darmstadt,
Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2001, p. 136.
78. Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 136 ; Sein und Zeit, op. cit., p. 157.
79. Cela ne signifie pas que pour les herméneutiques qui mettent l’accent sur l’universalité de la
relation de compréhension (y compris au niveau de la perception et y compris dans nos relations au
monde non humain) le langage soit considéré comme secondaire. Voir infra.
80. Paul Ricœur, « Ontologie », art. cit., p. 789.
81. Voir Edmund Husserl, La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale,
op. cit., p. 59. On retrouve cette critique de l’objectivisme déjà chez Husserl. Selon lui, l’objectivisme
propre à la science est dérivé d’une relation plus fondamentale au monde, celle du « monde de la vie »
(Husserl) qui englobe à la fois le sujet et l’objet. La science objective est enracinée dans ce monde
commun de la vie, « ce monde réellement donné dans l’intuition, réellement éprouvé et éprouvable, dans
lequel toute notre vie se déroule pratiquement ». C’est ce monde de la vie qui est le soubassement de
toute méthode : le monde théorique est enraciné dans le monde de la praxis, de l’expérience.
82. Voir Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 30 ; Sein und Zeit, op. cit., p. 11.
83. Ibid.
84. Martin Heidegger, « Science et méditation », Essais et conférences [1954], traduit de l’allemand
par André Préau, Gallimard, coll. Tel, 1958, p. 73.
85. Ibid., p. 78.
86. Martin Heidegger, « L’époque des “conceptions du monde” », Chemins qui ne mènent nulle part
[1949], traduit de l’allemand par Wolfgang Brockmeier, Gallimard, coll. Tel, 1962, p. 142.
87. Ibid., p. 115 : « Si à présent l’homme devient le premier et seul véritable subjectum, cela signifie
alors que l’étant sur lequel désormais tout étant comme tel se fonde quant à sa manière d’être et quant à
sa vérité, ce sera l’homme. L’homme devient le centre de référence de l’étant en tant que tel. »
88. Ibid., p. 141 : « L’étant n’est plus simplement ce qui est présent, mais ce qui, dans la
représentation, est posé en face, est opposé, est ob-stant comme objet. La représentation est
objectivation investigante et maîtrisante. La représentation rabat tout à l’unité de ce qui est ainsi
objectif. La représentation est coagitatio. »
89. Ibid., p. 117 : « Là où le Monde devient image conçue (Bild), la totalité de l’étant est comprise et
fixée comme ce sur quoi l’homme peut s’orienter, comme ce qu’il veut par conséquent amener et avoir
devant soi, aspirant ainsi à l’arrêter, dans un sens décisif, en une représentation. […] L’étant dans sa
totalité est donc pris maintenant de telle manière qu’il n’est vraiment et seulement étant que dans la
mesure où il est arrêté et fixé par l’homme dans la représentation et la production. Avec l’avènement du
“Weltbild” s’accomplit une assignation décisive quant à l’étant dans sa totalité. L’être de l’étant est
désormais cherché et trouvé dans l’être-représenté de l’étant. »
90. Voir Hans-Georg Gadamer, « Langage et compréhension », Langage et vérité, traduit de
l’allemand par Jean-Claude Gens, Gallimard, coll. Bibliothèque de philosophie, 1995, p. 149 : « La
mécanique que Galilée construisit ainsi est, en fait, la mère de notre civilisation technique. Ici est
apparu un mode de connaissance méthodique bien précis qui a engendré une tension entre notre
connaissance non méthodique du monde, englobant toute l’étendue de notre expérience de la vie, et la
connaissance qui est l’œuvre de la science. »
91. Martin Heidegger, « La question de la technique », Essais et conférences, op. cit., p. 21.
92. Ibid., p. 21.
93. Ibid.
94. Ibid.
95. Martin Heidegger, p. 32 : « L’Arraisonnement est ce qui rassemble cette interpellation qui met
l’homme en demeure de dévoiler le réel comme fonds dans le mode du “commettre”. En tant qu’il est
ainsi pro-voqué, l’homme se tient dans le domaine essentiel de l’Arraisonnement. »
96. Ibid., p. 27.
97. Heidegger a souvent été accusé de technophobie. En réalité, il pense que l’essence de la
technique est ambiguë. D’un côté, elle constitue un vrai danger pour l’homme. D’un autre côté, la
technique peut être aussi le domaine de la vérité. En partant du mot grec techné, qui désigne aussi l’art,
Heidegger montre que l’essence de la technique doit être pensée à partir d’un autre domaine, celui de
l’art qui, comme on le verra, sera le lieu de dévoilement de la vérité.
98. Hans-Georg Gadamer, « Langage et compréhension », Langage et vérité, op. cit., p. 149.
99. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 476.
100. Ibid., p. 13.
101. Ibid., p. 12.
102. Ibid., p. 120 : « Or, l’expérience de l’art, qu’il nous faut défendre contre le nivellement de la
conscience esthétique, consiste précisément en ce que l’œuvre d’art n’est pas un objet placé en face du
sujet existant pour lui-même. Ce qui fait l’être véritable de l’œuvre d’art, c’est qu’elle devient l’expérience
qui métamorphose celui qui la fait. »
103. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 370.
104. Ibid., p. 106.
105. Ibid., p. 105.
106. Voir Jean-Pierre Changeux, Paul Ricœur, La Nature et la Règle. Ce qui nous fait penser [1998],
Odile Jacob, 2008.
107. Voir par exemple René Thom, « L’herméneutique dans les sciences exactes », Cahiers
Confrontation, no 17, printemps 1987, p. 29-40 ; Hervé Le Guyader, « Quel langage pour la biologie ?
Essai d’interprétation dans les sciences biologiques », p. 103-118 ; Francis Bailly, « Physique et
interprétation », ibid., p. 151-174.
108. Francis Bailly, « Physique et interprétation », art. cit., p. 163.
109. Ibid., p. 164.
110. Ibid., p. 152-162.
111. Voir ibid., p. 162 : « Les interprétations qui opèrent à ce stade ne sont plus de nature
strictement physique ; elles se transmuent en hypothèses de travail nourries par des positions ou des
raisons d’un autre ordre. Elles viennent renforcer ou combattre des idéologies, des philosophies, des
métaphysiques ; celles-là mêmes qui, en retour, les suscitent et en même temps d’ailleurs incitent à de
nouvelles recherches sur le terrain de la physique, cette fois. Nous évoluons là dans la zone frontière qui
fonde et explique cette science comme activité sociale (cognitive ou épistémologique) tout en cherchant
à s’en emparer pour fonder rétroactivement la légitimité d’un tel questionnement. »
112. Voir Anthony Giddens, New Rules of Sociological Method. A Positive Critique of Interpretative
Sociologies [1976], Polity Press, 1993, p. 166.
113. Ibid., p. 166-167. À propos de la double herméneutique des sciences sociales, voir aussi p. 86
et p. 170.
114. Ibid.
115. Voir Shaun Gallagher, « Hermeneutics and Cognitive Sciences », Journal of Consciousness
Studies, 11, no 10-11, 2004, p. 6-7.
I
HERMÉNEUTIQUE ET PSYCHOLOGIE
1. Paul Ricœur, De l’interprétation. Essai sur Freud, Seuil, coll. Points essais, 1965.
2. Paul Ricœur, Écrits et conférences 1. Autour de la psychanalyse, textes rassemblés et préparés par
Catherine Goldenstein et Jean-Louis Schlegel, Seuil, coll. La couleur des idées, 2008.
3. Paul Ricœur, De l’interprétation, op. cit., p. 55.
4. Voir par exemple Mircea Eliade, La Nostalgie des origines. Méthodologie et histoire des religions,
Gallimard, coll. Les Essais, 1969.
5. Paul Ricœur, De l’interprétation, op. cit., p. 42.
6. Ibid., p. 44.
7. Ibid., p. 45.
8. Jean-Pierre Changeux, Paul Ricœur, La Nature et la Règle. Ce qui nous fait penser [1998], Odile
Jacob, 2008, p. 147.
9. Ibid., p. 147.
10. Ibid., p. 128.
11. Ibid., p. 129.
12. Ibid., p. 24.
13. Ibid., p. 23.
14. Voir James J. Gibson, The Ecological Approach to Visual Perception [1979], Lawrence Erlbaum
Associates, 1986, p. 134.
15. Kurt Koffka, Principles of Gestalt Psychology [1935], p. 7, cité in ibid., p. 138.
16. L’affordance peut être définie comme un appel lancé par les choses.
17. Voir Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., § 16.
18. James J. Gibson , The Ecological Approach to Visual Perception, op. cit., p. 140. (je traduis).
19. Ibid., p. 44.
20. Pour Heidegger les choses ne sont pas d’abord des objets neutres (vorhanden) que nous
interpréterions ensuite comme des outils ; ce sont d’entrée de jeu des outils qui sont à-portée-de-la-main
(zuhanden), maniables.
21. Par exemple les chaussures servent pour marcher, la chaise pour s’asseoir, le stylo pour
écrire, etc.
22. Voir Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 74 ; Sein und Zeit, op. cit., p. 68.
23. James J. Gibson, The Ecological Approach to Visual Perception, op. cit., p. 8.
24. Ibid., p. 129.
25. Ibid., p. 207.
26. Ibid., p. 239.
27. Voir Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., § 29.
28. Voir ibid., p. 122 : « C’est ce qui suffit déjà à montrer combien l’affection est éloignée de
quelque chose comme la trouvaille d’un état psychique. Elle présente si peu le caractère d’une saisie se
retournant rétrospectivement [sur soi] que toute réflexion immanente ne peut au contraire “trouver” des
“vécus” que parce que le Dasein est déjà ouvert en son affection. […] L’être-intoné ne se rapporte pas de
prime abord à du psychique, il n’est pas lui-même un état intérieur qui s’extérioriserait ensuite
mystérieusement pour colorer les choses et les personnes » ; Sein und Zeit, op. cit., p. 136-137.
29. Ibid. ; Sein und Zeit, op. cit., p. 136.
30. Ibid. ; Sein und Zeit, op. cit., p. 136-137. Voir aussi ibid., p. 124 : « L’affection n’ouvre pas
seulement le Dasein en son être-jeté et son assignation au monde à chaque fois déjà ouvert avec son être,
elle est elle-même le mode d’être existential où il se livre constamment au “monde” et se laisse aborder par
lui de telle manière qu’il s’écarte d’une certaine façon de lui-même. »
31. Voir Antonio R. Damasio, L’Erreur de Descartes. La raison des émotions [1994], traduit de
l’anglais par Marcel Blanc, Odile Jacob, coll. Sciences, 1995.
32. Ibid., p. 206.
33. Ibid., p. 195.
34. Ibid.
35. Ibid., p. 307.
36. Ibid., p. 307-308.
37. Les marqueurs somatiques sont des réactions physiologiques liées à des réactions émotives
passées. Stockés dans la mémoire, ils fonctionnent comme des signaux d’alerte lors de rencontres
futures avec des objets ou des événements apparentés à ceux qui avaient provoqué cette réaction
physiologique.
38. Voir Amos Tversky et Daniel Kahneman, « Rational Choice and the Framing of Decisions »,
The Journal of Business, vol. 59, no 4, Part 2 : The Behavioral Foundations of Economic Theory, 1986,
p. S251-S278.
39. Voir Patrick Haggard , « The Psychology of Action », British Journal of Psychology, 2001, no 92,
p. 114.
40. Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 127 ; Sein und Zeit, op. cit., p. 143.
41. Voir Jean Greisch, Ontologie et temporalité, op. cit., p. 191.
42. Se projeter vers ses possibilités les plus propres signifie aussi se projeter vers la possibilité de la
mort, puisque le Dasein est un être fini, puisqu’il est inscrit dans le temps. En mettant l’accent sur la
finitude de l’homme et sur l’être pour la mort, la vision heideggérienne de la compréhension de soi et de
l’identité s’éloigne radicalement de la vision cartésienne du sujet vu comme fondation dernière et
substance a-temporelle (elle est plongée dans le temps uniquement à travers son union avec le corps). Se
projeter vers la mort comme sa possibilité la plus propre ne veut pas dire que l’homme doit penser à la
mort, mais qu’il doit vivre sa vie de façon authentique.
43. Voir infra.
44. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 15.
45. Ibid.
46. Ibid., p. 35.
47. Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance, op. cit., p. 152.
48. Ibid., p. 381.
49. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 212.
50. Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance, op. cit., p. 122.
51. Ibid., p. 156-157.
52. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 357.
53. Voir Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance, op. cit., chap. II, p. 149-177.
54. Ibid., p. 162.
55. Ibid., p. 159.
56. Patrick Haggard, art. cit., p. 126 (je traduis).
57. Pour un exposé des bases de la psychologie sociale, voir l’ouvrage classique d’Albert Bandura,
Social Foundations of Thought and Action. A Social Cognitive Theory, Prentice Hall, 1985. La question de
l’action sociale ne relève pas directement du champ d’investigation du présent chapitre qui s’intéresse à
la logique de la compréhension et de l’autocompréhension individuelle.
58. Voir Jean-Marc Besse, « Quatre notes conjointes sur l’introduction de l’hodologie dans la
pensée contemporaine », Les Carnets du paysage, Actes Sud / ENSP, 2004, p. 26-33, cit. p. 27.
59. « Kraftfeld », « force feld ». Pour un exposé, voir Kurt Lewin, « Defining the “Field at a Given
Time” », Psychological Review, 1943, no 50, p. 292-310.
60. Voir supra.
61. Voir Ludwig Wittgenstein, Investigations philosophiques, op. cit., § 417, p. 254.
62. Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 128 ; Sein und Zeit, op. cit., p. 146.
63. Voir Antonio Damasio, L’Autre Moi-même. Les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et
des émotions, traduit de l’anglais par Jean-Luc Fidel, Odile Jacob, coll. Sciences, 2010, p. 232-246.
64. Antonio Damasio, Le Sentiment même de soi. Corps, émotions, conscience [1999], traduit de
l’anglais par Claire Larsonneur et Claudine Tiercelin, Odile Jacob, coll. Poches, 2002, p. 227.
65. Ibid., p. 249.
66. Voir Antonio Damasio, L’Autre Moi-même, op. cit., p. 389, note 17. Dans cet ouvrage plus
récent, Damasio a corrigé sa conception concernant la relation entre le proto-soi et le soi-noyau sur un
point important. Rejoignant les positions d’un autre grand neurologue, Jaak Panksepp, il défend
désormais l’idée de l’existence d’« un sentiment primitif d’existence » déjà au niveau du proto-soi.
67. Shaun Gallagher, Dan Zahavi, The Phenomenological Mind. An Introduction to Philosophy of
Mind and Cognitive science, Routledge, 2008, p. 49. (je traduis).
68. Ibid., p. 204.
69. Antonio Damasio, Le Sentiment même de soi, op. cit., p. 251.
70. Voir James J. Gibson, The Ecological Approach to Visual Perception, op. cit., p. 126 : « Une
information à propos du soi accompagne l’information à propos de l’environnement, et les deux sont
inséparables. L’égoception accompagne l’extéroception, comme l’autre face de la même pièce de
monnaie. La perception a deux pôles, le subjectif et l’objectif, et l’information dont elle dispose permet
de spécifier les deux. On perçoit l’environnement et on se co-perçoit soi-même. » (je traduis).
71. Shaun Gallagher, Dan Zahavi, The Phenomenological Mind, op. cit., p. 203. Gallagher et Zahavi
ne distinguent pas entre phenoménologie et herméneutique puisqu’ils qualifient Heidegger de
phénoménologue.
72. Voir par exemple Antonio Damasio, Le Sentiment même de soi. Corps, émotions, conscience, op.
cit., p. 255-256 : « Voilà quel est le secret de la conscience-étendue : les souvenirs autobiographiques
sont des objets, et le cerveau les traite comme tels. Il leur permet d’entrer en relation avec l’organisme
sur le même mode que pour la conscience-noyau ; chacun de ces souvenirs peut donc susciter une
pulsation de la conscience-noyau, le sens que l’on a de se connaître soi-même. »
73. Ibid., p. 255.
74. Ibid., p. 279-280 : « Le Soi fluctuant dont parle James est le sens que nous avons du Soi-central.
Il ne change pas vraiment mais il a une présence transitoire, éphémère, continuellement modifiée et
suscitée de nouveau à chaque instant. Le Soi qui semble permanent est le Soi-autobiographique, dans la
mesure où il se base sur une accumulation de souvenirs de faits cruciaux pour la biographie d’un
individu ; ces archives peuvent donc être partiellement réactivées, donnant ainsi un sens de continuité et
de permanence à nos vies. »
75. Shaun Gallagher, Dan Zahavi, The Phenomenological Mind, op. cit., p. 206 (je traduis).
76. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Seuil, coll. Points essais, 1990, p. 11.
77. Paul Ricœur, Du texte à l’action. Essais d’herméneutique II, Seuil, coll. Points essais, 1986,
p. 130.
78. Voir Paul Ricœur, Le Conflit des interprétations. Essais d’herméneutique, Seuil, 1969, p. 10 : « Il
y a deux manières de fonder l’herméneutique dans la phénoménologie. Il y a la voie courte dont je
parlerai d’abord, et la voie longue, celle que je proposerai de parcourir. La voie courte, c’est celle d’une
ontologie de la compréhension, à la manière de Heidegger. J’appelle “voie courte” une telle ontologie de la
compréhension, parce que, rompant avec les débats de méthode, elle se porte d’emblée au plan d’une
ontologie de l’être fini, pour y retrouver le comprendre, non plus comme un mode de connaissance, mais
comme un mode d’être. »
79. Pour arriver à la compréhension de soi-même dans son être, donc à l’ontologie, Ricœur passe
par l’épistémologie. C’est dans ses derniers livres (Soi-même comme un autre, Parcours de la
reconnaissance et La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli) que Ricœur développe cette herméneutique du soi
après un long détour par l’épistémologie.
80. Voir Paul Ricœur, Le Conflit des interprétations, op. cit., p. 10 : « La voie longue que je propose a
aussi pour ambition de porter la réflexion au niveau d’une ontologie ; mais elle le fera par degrés, en
suivant les requêtes successives de la sémantique […], puis de la réflexion. Le doute que j’exprime au
terme de ce paragraphe porte seulement sur la possibilité de faire une ontologie directe, soustraite
d’emblée à toute exigence méthodologique, soustraite par conséquent au cercle de l’interprétation dont
elle fait elle-même la théorie. »
81. Paul Ricœur, Temps et récit III. Le temps raconté, Seuil, coll. Points essais, 1985, p. 444.
82. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 55.
83. Antonio Damasio, Le Sentiment même de soi, op. cit., p. 262.
84. Voir ibid., p. 263 : « Cet état pathologique met donc en évidence les importantes limites de la
conscience-noyau : le présent demeure une énigme si on ne peut connaître ni l’origine de la
configuration actuelle des objets, ni le motif des actions entreprises. »
85. Ibid., p. 288.
86. Le but de la cure psychanalytique est ainsi de réécrire l’histoire d’une vie de façon à réintégrer
les événements traumatiques qui étaient refoulés. Ces souvenirs doivent pouvoir être assumés par le
patient qui devra les rendre « significatifs » dans l’histoire de sa vie.
87. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 442-443.
88. Paul Ricœur, « L’identité narrative », Esprit, juillet-août 1988, no 7-8, p. 300.
89. Ibid., p. 300-301.
90. Voir Kay Young et Jeffrey L. Saver, « The Neurology of Narrative », SubStance, vol. 30, no 1 / 2,
Issue 94 / 95, 2001, p. 79 ; je traduis : « Les textes qui racontent nos “histoires de vie”, telles les
autobiographies, fonctionnent comme des versions écrites de ce que nous avons commencé à pratiquer
en organisant oralement l’expérience grâce au langage narratif afin d’essayer de construire cette identité
cohérente que nous appelons le soi. »
91. Ibid., p. 80.
92. Paul Ricœur, « L’identité narrative », art. cit., p. 295.
93. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 442 : « Le rejeton fragile issu de l’union de l’histoire et
de la fiction, c’est l’assignation à un individu ou à une communauté d’une identité spécifique qu’on peut
appeler leur identité narrative. »
94. Paul Ricœur, « L’identité narrative », art. cit., p. 295.
95. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 446.
96. Voir, infra, le chapitre « Herméneutique et sciences sociales ».
97. Peter Bieri, « Time Experience and Personhood », Time. From Concept to Narrative Construct :
A Reader, éd. Jan Christoph Meister, Wilhelm Schernus, Walter de Gruyter, coll. Narratologia, 2011,
p. 18-19.
98. Ibid. (je traduis).
99. Sur cette position, Ricœur est rejoint par Damasio qui lui aussi prend ses distances par rapport
à Hume. Voir Antonio Damasio, L’Autre Moi-même, op. cit., p. 19.
100. Voir Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 140-143. Ricœur y distingue en fait
quatre traits : l’identité numérique ou l’identité au sens d’unicité vs. la pluralité, l’identité qualitative ou
la ressemblance extrême vs. la différence, la continuité ininterrompue dans le temps (un homme est le
même au cours d’une vie) vs. la discontinuité, et la permanence dans le temps vs. la diversité. Voir aussi
Paul Ricœur, « L’identité narrative », art. cit., p. 296-297.
101. Paul Ricœur, « L’identité narrative », art. cit., p. 297.
102. Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance. Trois études, Gallimard, coll. Folio essais, 2004,
p. 167.
103. Voir Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 146 : « Le caractère, dirais-je
aujourd’hui, désigne l’ensemble des dispositions durables à quoi on reconnaît une personne. »
104. Ibid., p. 147.
105. Ibid., p. 146.
106. Sur les liens que Ricœur établit lui-même entre sa notion de maintien de soi et la notion de
Selbstständigkeit de Heidegger voir ibid., p. 149.
107. Ibid. : « À cet égard, la tenue de la promesse […] paraît bien constituer un défi au temps, un
déni du changement : quand même mon désir changerait, quand même je changerais d’opinion,
d’inclination, “je maintiendrai”. »
108. Paul Ricœur, Parcours de la reconnaissance, op. cit., p. 207.
109. Voir Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 195.
110. Ibid., p. 14.
111. Voir Michael Cole, Cultural Psychology. A Once and Future discipline, Cambridge, Harvard
University Press, 1998, notamment p. 58.
112. À propos de cette notion, voir Harald Welzer, Das kommunikative Gedächtnis, C. H. Beck,
2008.
113. La notion de « collected memory » a été développée par Jeffrey Olick, « Collective Memory :
The Two Cultures », Sociological Theory, vol. 17, no 3, 1999, p. 333-348.
114. Mary Susan Weldon , Krystal D. Bellinger, « Collective Memory : Collaborative and Individual
Processes in Remembering », Journal of Experimental Psychology, no 23, 1997, p. 1160-1175.
115. Voir Galen Strawson, « Against Narrativity », Ratio, vol. XVII, no 4, décembre 2004, p. 428-
452. Strawson critique Oliver Sacks, Charles Taylor, Paul Ricœur, Jerry Bruner, Daniel Dennett,
Alasdair MacIntyre, Marya Schechtman.
116. Ibid., p. 430.
117. Ibid., p. 439. Voir aussi p. 441.
118. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 443.
119. Voir Kay Young et Jeffrey L. Saver, « The Neurology of Narrative », art. cit., p. 72-84. Pour une
présentation synthétique du problème de la dysnarrativité, voir Jean-Marie Schaeffer, « Le traitement
cognitif de la narration », in John Pier et Francis Berthelot (éd.), Narratologies contemporaines.
Approches nouvelles pour la théorie et l’analyse du récit, Archives contemporaines, 2010, p. 219-224.
120. Ibid., p. 78 : par exemple ces patients ne parlent que si l’on s’adresse à eux, ils ne bougent que
lorsqu’ils ont très faim.
121. Ibid., p. 78-79 (je traduis).
122. Galen Strawson, « Against Narrativity », art. cit., p. 432 (je traduis).
123. Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 75 ; Sein und Zeit, op. cit., p. 71.
124. Voir Alfred Schütz et Thomas Luckmann, Strukturen der Lebenswelt, UVK, 2003, p. 117. Il est
vrai que Schütz et Luckmann parlent ici de vie de la conscience, ce qui semble impliquer qu’ils situent
cette compréhension d’autrui impliquée dans le maniement de l’outil à un niveau moins élémentaire que
ne le fait Heidegger.
125. Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 109 : « Si les autres me font encontre, ce n’est
point à la faveur d’une saisie qui distinguerait d’emblée entre le sujet propre de prime abord sous-la-
main et les autres sujets tels qu’ils surviennent “eux aussi” — d’un avisement primaire de soi-même où
serait pour la première fois constaté le corrélat d’une différence. Les autres font encontre depuis le
monde où le Dasein préoccupé et circon-spect se tient essentiellement » ; Sein und Zeit, op. cit., p. 119.
126. Martin Heidegger, Einleitung in die Philosophie, Freiburger Vorlesung Wintersemester
1928 / 29, Gesamtausgabe, II. Abteilung : Vorlesungen, Vittorio Klostermann, Band 27, 2001, p. 145-146
(je traduis).
127. Ibid., p. 114.
128. Voir infra.
129. Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 113 : « L’ouverture de l’être-Là-avec d’autrui qui
appartient à l’être-avec signifie ceci : la compréhension d’être un Dasein inclut d’emblée, puisque l’être
du Dasein est être-avec, la compréhension d’autrui » ; Sein und Zeit, op. cit., p. 123-124.
130. Ibid., p. 109 ; p. 118.
131. Voir Alfred Schütz et Thomas Luckmann, Strukturen der Lebenswelt, op. cit., p. 98.
132. Le cortex prémoteur a pour fonction de préparer l’exécution motrice des actions.
133. Dans le cas du singe, il s’agit surtout d’actes effectués avec la main ou avec la bouche.
134. Voir Vittorio Gallese, « Mirror Neurons, Embodied Simulation, and the Neural Basis of Social
Identification », Psychoanalytic Dialogues, Routledge, no 19, 2009, p. 521. Gallese se fonde par exemple
sur des travaux (ainsi, Umiltà et al.) qui ont montré que les neurones s’activent aussi lors de
l’observation d’actions partiellement cachées, et qu’ils codent la finalisation de l’action même en
l’absence de l’information visuelle complète, ce qui veut dire qu’ils s’activent sur la base de l’anticipation
du but final.
135. Ibid.
136. Par exemple Fadiga et al., « Motor Facilitation during Action Observation : A Magnetic
Stimulation Study », Journal of Neurophysiology, vol. 73, no 6, 1995, p. 2608-2611, ont entrepris des
études de stimulation magnétique transcrânienne (STM) qui ont montré que l’observation d’une action
effectuée avec la main entraînait une activation des potentiels évoqués moteurs des muscles de la main
de celui qui observe.
137. Voir Giacomo Rizzolatti, Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs, op. cit., p. 137.
138. Leur fonction est donc aussi celle de préparer une action, en la simulant mentalement avant
de l’entreprendre : par exemple, avant d’enfoncer un clou dans le mur, je simule cette action afin d’être
sûr d’enfoncer le clou au bon endroit.
139. Voir Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs, op. cit., p. 137.
140. Ibid., p. 138 : « Tout comme chez le singe, la vue d’actions accomplies par autrui détermine
chez l’observateur humain une implication immédiate des aires motrices dévolues à l’organisation et à
l’exécution de mêmes actions. En outre, chez le singe, comme chez l’homme, cette implication permet
de déchiffrer la signification des “événements moteurs” observés, autrement dit, de les comprendre en
termes d’action — lorsque cette compréhension apparaît privée de toute médiation réflexive,
conceptuelle ou linguistique, étant fondée uniquement sur ce vocabulaire d’actes et sur cette
connaissance motrice dont dépend notre capacité d’agir elle-même. »
141. Jean-Luc Petit, « Empathie et intersubjectivité », in Alain Berthoz et Gérard Jorland (dir.),
L’Empathie, Odile Jacob, 2004, p. 127.
142. Voir Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs, op. cit., chap. VII : « Le
partage des émotions », p. 183-203.
143. Ibid., p. 196.
144. Gallagher utilise le terme de « simulation implicite » qu’il oppose à la « simulation explicite ».
Cette dernière correspond aux théories de la simulation développées par les sciences cognitives
(notamment Goldman et Gordon). Gallese utilise plutôt le terme d’« embodied simulation ».
145. Voir par exemple Vittorio Gallese , « The “Shared Manifold” Hypothesis. From Mirror
Neurons to Empathy », Journal of Consciousness Studies, vol. 8, no 5-7, 2001, p. 37 (je traduis) : « Bien
que nous ne reproduisions pas ouvertement l’action observée, notre système moteur deviant néanmoins
actif comme si nous étions en train d’exécuter exactement l’action que nous observons. Pour le dire
autrement, l’observation d’une action implique une simulation d’action. »
146. Vittorio Gallese, Alvin Goldman, « Mirror Neurons and the Simulation Theory of Mind-
Reading », Trends in Cognitive Sciences, vol. 2, no 12, décembre 1998, p. 497-498 (je traduis).
147. Selon la théorie de la simulation explicite (Goldman, Gordon, Harris), la compréhension
d’autrui se réalise à travers un processus par lequel, pour inférer les états mentaux d’une autre personne,
nous nous mettons à sa place, nous imaginons ce que nous aurions pensé ou ressenti et nous concluons
que c’est quelque chose d’analogue que l’autre doit ressentir. Par exemple, si untel agit d’une certaine
façon, je peux m’engager dans des simulations et me demander ce que moi j’aurais fait à sa place.
J’adopte le point de vue de l’autre et j’imagine ce qu’il ressent en me mettant à sa place et en me
demandant ce que moi je ressentirais dans cette situation. Cette simulation a été décrite soit comme une
projection de soi-même dans quelqu’un d’autre, soit comme une assimilation de l’autre à soi-même.
Dans sa version classique, cette théorie de la simulation explicite est en fait une reformulation moderne
de la théorie de l’empathie.
148. Ibid., p. 493. Voir aussi Vittorio Gallese, « Mirror Neurons, Embodied Simulation and the
Neural Basis of Social Identification », art. cit., p. 524 ; je traduis : « J’avance que la simulation incarnée
est un mécanisme fonctionnel crucial pour l’empathie. »
149. Voir Jean Decety, « L’empathie est-elle une simulation mentale de la subjectivité d’autrui ? »,
L’Empathie, op. cit., p. 54.
150. Ibid., p. 55.
151. Ibid.
152. Pour une discussion de l’état actuel de la théorie, voir Paolo B. Pascolo (éd.), « Mirror
Neurons : Still an Open Question ? », Progress in Neuroscience, vol. I, no 1-4, p. 25-62, ainsi que Pier
Francesco Ferrari et Giacomo Rizzolatti (éd.), New Frontiers in Mirror Neurons Research, Oxford
University Press, 2015.
153. C’est le cas notamment du neurobiologiste V. S. Ramachandran. Pour un exposé récent de sa
conception, voir L. M. Oberman et V. S. Ramachandran, « Reflections on the Mirror Neuron System :
Their Evolutionary Functions Beyond Motor Representation », J. A. Pineda, Mirror Neuron Systems. The
Role of Mirroring Processes in Social Cognition, Contemporary Neuroscience, Humana Press, 2008, p. 39-
62.
154. Voir Pierre Jacob, « What Do Mirror Neurons Contribute to Human Social Cognition ? »,
Mind and Language, vol. 23, no 2, avril 2008, p. 190-223.
155. Il faut préciser que cette découverte n’a au départ rien à voir avec les programmes de
recherche consacrés aux questions de la compréhension d’autrui. Mais même si, comme l’a souligné
Jean-Luc Petit, la découverte des neurones miroirs n’a pas eu lieu dans le cadre d’une recherche visant à
étudier les bases neurales de la « théorie de l’esprit d’autrui », on s’est rendu compte très vite que le
fonctionnement de ces neurones était susceptible de bouleverser la question de la compréhension
d’autrui chez l’homme (voir Jean-Luc Petit, « Empathie et intersubjectivité », art. cit., p. 126).
156. Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs, op. cit., p. 203.
157. Heinz Wimmer et Josef Perner, « Representation and Constraining Function of Wrong Beliefs
in Young Children’s Understanding of Deception », Cognition, no 13, 1983, p. 103-128.
158. Voir S. Baron-Cohen, A. Leslie et U. Frith, « Does the Autistic Child Have a ‘Theory of
Mind’? », Cognition, no 21, 1985, p. 37-46.
159. Kristine H. Onishy et René Baillargeon, « Do 15-Month Old Infants Understand False
Beliefs? », Science, no 308 (5719), 2005, p. 255-258.
160. Voir Joëlle Proust, « Pour une théorie “motrice” de la simulation », art. cit., p. 2. Selon Joëlle
Proust, il y a deux versions de la théorie de la théorie : « Dans le cadre de la TT, la théorie modulaire fait
l’hypothèse que la maîtrise des concepts mentaux provient de la maturation d’un module spécialisé
(Leslie, 1987), tandis que la théorie du “petit savant” avance que l’enfant construit ces concepts dans le
cadre d’hypothèses en vue d’expliquer le comportement d’autrui, sur la base de son expérience acquise
(Gopnik, 1996). »
161. Voir Peter Berger et Thomas Luckmann, La Construction sociale de la réalité, op. cit., p. 44.
162. Ibid., p. 44-45.
163. Voir Paul Ricœur, Discours et communication, extrait du Cahier de l’Herne Ricœur, no 81,
L’Herne, 2005, p. 10 : « Ce qui d’abord problématise la communication, c’est la constitution en dyade, en
couple, des interlocuteurs, bref, leur altérité. »
164. Ibid., p. 13.
165. Ibid.
166. Ibid., p. 63.
167. Voir Shaun Gallagher, Dan Zahavi, The Phenomenological Mind, op. cit., p. 193.
168. Ibid.
169. Voir François Recanati, Philosophie du langage (et de l’esprit), Gallimard, coll. Folio essais,
2008, p. 101-105.
170. Ibid., p. 102.
171. Ibid., p. 102-103.
172. Ibid., p. 105.
173. Ibid., p. 103 : « Interpréter une action, lui donner un sens, c’est expliquer le comportement de
l’agent en lui prêtant certains états mentaux, au premier rang desquels des intentions qui expliquent son
comportement, compte tenu de ses croyances et de ses désirs. »
174. Ibid., p. 104-105.
175. John R. Searle, L’Intentionalité, op. cit., p. 178.
176. Ibid., p. 179.
177. Voir Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 470.
178. Hans-Georg Gadamer, « Le problème herméneutique », L’Art de comprendre,
Écrits I. Herméneutique et tradition philosophique, traduit de l’allemand par Marianna Simon, Aubier,
coll. Bibliothèque philosophique, 1982, p. 31.
179. Ibid., p. 31-32. Voir aussi p. 38-39 : « Ne sont premières ni la mécompréhension ni l’altérité en
sorte que la tâche essentielle serait d’éviter la mécompréhension. C’est au contraire parce que nous
sommes portés par ce qui nous est familier, parce qu’il y a accord, que nous pouvons nous intéresser à
ce qui est autre, accueillir ce qui est étranger et, partant, étendre et enrichir notre propre expérience du
monde. C’est ainsi qu’il convient d’entendre l’universalité revendiquée au profit de la dimension
herméneutique. »
180. Ibid., p. 31 : « Cependant, ici également, la question se pose : le phénomène du comprendre
est-il défini de façon adéquate lorsque je dis : comprendre, c’est éviter de mécomprendre ? Toute
mécompréhension n’est-elle pas en vérité précédée par quelque chose comme un “accord”
(Einverständnis) qui en est le support ? Ce que je cherche à évoquer appartient à l’expérience courante.
Nous disons par exemple : compréhension et mécompréhension ont lieu entre le Je et le Tu. Déjà la
formule “Je et Tu” témoigne d’une énorme abstraction. Cela n’existe absolument pas. Il n’y a ni “Je” ni
“Tu” ; il y a un “Je” qui dit “Tu” et un “Je” qui dit “Je” en face d’un “Tu” ; mais il s’agit là de situations
toujours déjà précédées d’“entente” (Verständigung). Dire Tu à quelqu’un, nous le savons tous,
présuppose un accord profond. Celui-ci repose sur quelque chose de durable. Et même lorsque nos
opinions divergent et que nous tentons de nous entendre sur un point, un “accord” de ce genre est
toujours déjà en jeu, même si nous n’en avons que rarement conscience. »
181. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 405.
182. Hans-Georg Gadamer, « L’homme et le langage », traduit de l’allemand par Jacques
Schouwey, Revue de théologie et de philosophie, vol. 36, 1986, p. 17.
183. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 402.
184. Voir par exemple Hans-Georg Gadamer, « L’homme et le langage », art. cit., p. 16 : « De l’oubli
de soi dans son fonctionnement comme caractéristique du langage, il ressort que l’être propre de celui-ci
réside dans ce qui est dit en lui et qui constitue le monde commun dans lequel nous vivons et auquel
appartient également la très longue tradition qui parvient jusqu’à nous à partir de la littérature des
langues étrangères, mortes ou vivantes. L’être propre de la langue est ce en quoi nous nous fondons
lorsque nous l’écoutons : le dit. »
185. Hans-Georg Gadamer, « Subjectivité et intersubjectivité, sujet et personne » [1975],
L’Herméneutique en rétrospective [1995], traduit de l’allemand par Jean Grondin, Vrin, 2005, p. 125.
186. Voir à ce propos Alfred Schütz et Thomas Luckmann, Strukturen der Lebenswelt, op. cit.,
p. 132 ; je traduis : « Lorsque je communique avec mon partenaire dans une situation d’échange social,
j’utilise aussi des systèmes de signes ; dans la relation à la troisième personne en revanche, je dépends
presque entièrement de ces derniers. S’y ajoute le fait que plus un partenaire est “anonyme” et plus
l’usage des systèmes de signes doit être “objectif”. Cela montre une fois de plus à quel point le lien entre
le degré d’anonymité de l’expérience de la réalité sociale et le remplacement des constructions de sens
subjectif par des significations systématiquement objectivées est étroit. »
187. Voir infra.
188. Jürgen Habermas, « La prétention à l’universalité de l’herméneutique » [1970], Logique des
sciences sociales et autres essais, traduit de l’allemand par Rainer Rochlitz, PUF, coll. Quadrige, 1987,
p. 251-252.
189. Voir Tzvetan Todorov, La Conquête de l’Amérique. La question de l’autre, Seuil, coll. Points
essais, 1982. Voir aussi ici-même.
190. Jürgen Habermas, Théorie de l’agir communicationnel. Pour une critique de la raison
fonctionnaliste, II [1985], traduit de l’allemand par Jean-Louis Schlegel, Fayard, coll. L’Espace du
politique, 1987, p. 139.
191. Ibid., p. 152 : « J’appelle culture la réserve de savoir où les participants de la communication
puisent des interprétations quand ils s’entendent sur une réalité quelconque dans le monde. J’appelle
société les ordres légitimes à travers lesquels les participants de la communication règlent leur
appartenance à des groupes sociaux et assurent ainsi une solidarité. Par personnalité, j’entends les
compétences qui rendent un sujet capable de parole et d’action, donc le mettent en mesure de participer
à des procès d’intercompréhension et d’y affirmer sa propre identité. »
192. Voir Jürgen Habermas, Le Discours philosophique de la modernité. Douze conférences [1985],
traduit de l’allemand par Christian Bouchindhomme et Rainer Rochlitz, Gallimard, coll. Bibliothèque de
philosophie, 1988, p. 353 : « En faisant front pour s’entendre communément sur quelque chose existant
dans une des dimensions du monde, le locuteur et l’auditeur évoluent sur le fond de ce qui constitue leur
monde vécu commun ; cela se passe à l’insu des participants qui, intuitivement, ne voient là qu’un
arrière-plan connu, non problématique et indivisible, qui forme totalité. »
193. Voir Shaun Gallagher et Dan Zahavi, The Phenomenological Mind, op. cit., p. 179 ; je traduis :
« Selon cette interprétation, l’activation des NM ne coïncide pas avec l’initiation d’une simulation, cela
fait partie d’une perception intersubjective directe de ce que l’autre fait. Au niveau phénoménologique,
lorsque je vois l’action ou le geste d’autrui, je vois (je perçois directement) la signification de l’action ou
du geste. Je vois la joie ou je vois la colère, ou je vois l’intention dans le visage ou dans la posture ou
dans le geste ou l’action de l’autre. Je la vois. Je n’ai pas besoin de la simuler. »
194. Vittorio Gallese, « Mirror Neurons, Embodied Simulation, and the Neural Basis of Social
Identification », art. cit., p. 526 (je traduis et je souligne).
195. Ibid.
196. Ibid., p. 524 (je traduis).
197. Voir Shaun Gallagher et Dan Zahavi, The Phenomenological Mind, op. cit., p. 183.
198. Ibid., p. 187 (je traduis).
199. Élisabeth Pacherie, « L’empathie et ses degrés », L’Empathie, op. cit., p. 174.
200. Voir Shaun Gallagher et Dan Zahavi, The Phenomenological Mind, op. cit., p. 185 (je traduis).
201. Voir Vittorio Gallese, « Mirror Neurons, Embodied Simulation, and the Neural Basis of Social
Identification », art. cit., p. 520 : Gallese parle ici de la création d’un espace intersubjectif (we-centric
space). Voir aussi p. 528.
202. Ibid., p. 530 (je traduis).
203. Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs, op. cit., p. 143.
204. Voir ibid., p. 192-193.
205. Vittorio Gallese, « Mirror Neurons, Embodied Simulation and the Neural Basis of Social
Identification », art. cit., p. 523.
206. Edmund Husserl cité in ibid., p. 525. Gallese note par ailleurs qu’aujourd’hui les
neurosciences, en étudiant le corps (Körper) (c’est-à-dire le corps et le cerveau), peuvent nous apprendre
quelque chose sur le corps vécu (Leib).
207. Shaun Gallagher et Dan Zahavi, The Phenomenological Mind, op. cit., p. 189 (je traduis).
208. Voir Vittorio Gallese et Alvin Goldman, « Mirror Neurons and the Simulation Theory of
Mind », art. cit., p. 500 ; je traduis : « La compréhension des buts de l’action constitue […] une étape
phylogénétique nécessaire à l’intérieur de l’évolution menant vers les capacités de mind-reading
pleinement développées chez les humains. »
209. Concernant le partage des émotions, voir Jean Decety, « L’empathie est-elle une simulation
mentale de la subjectivité d’autrui ? », L’Empathie, op. cit., p. 65-66.
210. Voir Michael Tomasello, Aux origines de la cognition humaine [1999], traduit de l’anglais par
Yves Borin, Retz, 2004, p. 94 : « Les scènes d’attention conjointe sont des interactions sociales dans
lesquelles l’adulte et l’enfant s’intéressent conjointement à quelque chose qui leur est extérieur, sur
lequel ils attirent l’attention l’un de l’autre, et ce pendant un laps de temps raisonnable. »
211. Voir ibid., p. 63.
212. M. Carpenter, K. Nagell et M. Tomasello cités par Michael Tomasello, Aux origines de la
cognition humaine, op. cit., p. 64-66 (surtout p. 65).
213. Selon d’autres chercheurs, les premières manifestations d’attention conjointe triadique
seraient encore plus précoces et existeraient dès l’âge de quatre mois. Voir par exemple Nicole
Rossmanith, Alan Costall, Andreas F. Reichelt, Beatriz López et Vasudevi Reddy, « Jointly Structuring
Triadic Spaces of Meaning and Action : Book Sharing from 3 Months on », Frontiers in psychology,
10 December 2014, Vol. 5, Article 1390, p. 1-22.
214. Michael Tomasello, Aux origines de la cognition humaine, op. cit., p. 69 : Tomasello définit les
agents intentionnels comme des êtres animés qui poursuivent des objectifs et qui opèrent des choix
concernant les moyens leur permettant d’atteindre ces objectifs.
215. Ibid., p. 62 sq.
216. Ibid., p. 88-89 : « Mais jusqu’à ce qu’ils comprennent les autres comme des agents
intentionnels, avec lesquels ils peuvent partager l’attention pour des entités extérieures, leur
apprentissage du monde dans lequel ils sont nés demeure individuel. Lorsque survient cette
compréhension, un nouvel univers de réalités partagées de manière intersubjective commence à s’ouvrir
à eux. C’est un univers peuplé d’artefacts matériels et symboliques, et de pratiques sociales, que les
membres de leur culture (ceux d’aujourd’hui et ceux d’hier) ont créés pour que d’autres s’en servent. »
217. Ibid., p. 80.
218. Ibid., p. 72 : « On peut donc faire l’hypothèse que lorsque l’enfant parvient à comprendre ses
propres actions intentionnelles, il peut alors utiliser le point de vue du “comme moi” pour comprendre
de la même manière le comportement d’autrui. » Voir aussi p. 74.
219. Ibid., p. 93.
220. Ibid., p. 93-102.
221. Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs, op. cit., p. 202-203.
222. Ibid., p. 201.
223. Gérard Jorland, « L’empathie, histoire d’un concept », L’Empathie, op. cit., p. 20.
224. Ibid.
225. Voir aussi Élisabeth Pacherie, « L’empathie et ses degrés », ibid., p. 150 : « La sympathie,
comme son étymologie l’indique, suppose que nous prenions part à l’émotion éprouvée par autrui, que
nous partagions sa souffrance ou plus généralement, son expérience affective. La sympathie met en jeu
des fins altruistes et suppose l’établissement d’un lien affectif avec celui qui en est l’objet. L’empathie en
revanche est un jeu de l’imagination qui vise à la compréhension d’autrui et non à l’établissement de
liens affectifs. L’empathie peut certes nourrir la sympathie, mais cette dernière n’est pas une
conséquence nécessaire de la première. L’empathie peut bien se passer de motifs altruistes. Comprendre
en se mettant à la place d’autrui le chagrin qu’il éprouve n’implique pas qu’on le partage ou qu’on
cherche à l’alléger. »
226. Voir Jean Decety, « L’empathie est-elle une simulation mentale de la subjectivité d’autrui ? »,
ibid., p. 63 : « Seul Homo sapiens serait doté de cette capacité de mentalisation, c’est-à-dire de
considérer soi et autrui comme des êtres dont le comportement est causé par des états mentaux
(intentions, croyances, émotions qui peuvent être similaires ou différents). »
227. Voir Michael Tomasello, Aux origines de la cognition humaine, op. cit., p. 169-170. Voir par
exemple, p. 170 : « Mon hypothèse concernant précisément ce processus est que la transition vers une
compréhension des agents mentaux découle pour l’essentiel de l’utilisation que fait l’enfant de la
compréhension intentionnelle lors des discussions avec autrui : le besoin de simuler les perspectives
adoptées par celui-ci y est permanent, car celles-ci sont souvent différentes des siennes. »
228. Voir supra.
229. Pour l’ensemble de ces considérations, voir ibid., p. 166-172.
II
HERMÉNEUTIQUE ET SCIENCES SOCIALES
1. Ce sont les juristes de l’université de Bologne, notamment Irnerius (après 1125) ou encore
Accursius (vers 1185-1263), qui sont considérés comme les pères fondateurs de l’herméneutique
juridique qui est encore la nôtre.
2. Voir à ce propos Hugues Rabault, « Le problème de l’interprétation de la loi : la spécificité de
l’herméneutique juridique », Le Portique. Revue de sciences humaines, no 15, 2005, p. 1-10.
3. Voir à ce propos Michael Marder, Groundless Existence. The Political Ontology of Carl Schmitt,
Bloomsbury Academic, 2012.
4. Voir Hans Kelsen, Théorie pure du droit, 2e édition, LGDL, 1999, p. 4.
5. Voir à ce propos Hans Lindahl, « Gadamer, Kelsen and the Limits of Legal Interpretation »,
Phänomenologische Forschungen, 2002, p. 27-49.
6. Concernant ces deux variantes du modèle du choix rationnel, voir Patrick Mardellat, « Par-delà
la notion de rationalité, l’économie comme science de l’esprit », Cahiers d’économie politique, no 50,
2006, p. 27-58.
7. Celle-ci regroupe des économistes se fondant sur les travaux de Von Mises et de Hayek, les
théoriciens les plus connus étant Lachmann, Lavoie, Ebeling et Boettke.
8. Pour une présentation détaillée de l’école autrichienne voir Peter J. Boettke,
Christopher J. Coyne (éd.), The Oxford Handbook of Austrian Economics, Oxford University Press, 2015.
9. L’objection selon laquelle le modèle de l’homo œconomicus n’est pas réaliste a pendant
longtemps laissé de marbre les défenseurs du modèle fondé sur la théorie du choix rationnel, tout
simplement parce que — se basant sur l’épistémologie néo-positiviste — ils soutiennent que la validité
du modèle dépend uniquement de sa valeur prédictive et donc que la question du réalisme ontologique
est non-pertinente. À partir du moment où la force prédictive du modèle a été prise en défaut, comme ce
fut le cas en 1998, cette réponse a perdu beaucoup de sa force et la question du caractère réaliste du
modèle se pose de nouveau. La renaissance de l’école autrichienne repose précisément sur la conviction
que si le modèle néoclassique a été incapable de prédire la crise, c’est précisément parce que son modèle
de l’action économique est irréaliste.
10. Voir à ce propos Peter J. Boettke, « Rational Choice and Human Agency in Economics and
Sociology : Exploring the Weber-Austrian Connection », in Peter J. Boettke et David Prychitko (éd.),
Market Process Theories, Cheltenham, Elgar, 1998.
11. Don Lavoie (éd.), Economics and Hermeneutics, Routledge, 1991. Tous les néo-autrichiens ne
partagent pas ce programme, comme en témoigne le cas (isolé, il est vrai) de Murray Rothbard, auteur
d’une charge violente contre l’« invasion de l’économie par l’herméneutique » (« The Hermeneutical
Invasion of Philosophy and Economics », Review of Austrian Economics, 1989, Vol. 3, no 1, p. 45-60).
12. Max Weber, Économie et société 1. Les catégories de la sociologie [1956], traduit de l’allemand
par Julien Freund et alii, Plon, coll. Agora, 1971, p. 28. Weber définit la sociologie comme « une science
qui se propose de comprendre par interprétation [deutend verstehen] l’activité sociale et par là
d’expliquer causalement [ursächlich erklären] son déroulement et ses effets ». Le sociologue passe donc
par la compréhension pour arriver à l’explication : une fois qu’il a compris quelles sont les croyances, les
valeurs des gens, il est capable d’expliquer pourquoi les gens agissent de telle ou telle façon.
13. Ibid., p. 34-35.
14. Pour une analyse de la complexité des différences et parentés entre Dilthey et Weber voir
Joachim Thielen, Wilhelm Dilthey und die Entwicklung des geschichtlichen Denkens in Deutschland im
ausgehenden 19ten Jahrhundert, Wurtzbourg, Königshausen und Neumann, 1999.
15. Max Weber, Économie et société, op. cit., p. 43.
16. « L’effet Ricœur dans les sciences humaines », Esprit, no 3, mars / avril 2006 / 3, p. 51.
17. Ibid.
18. Ibid., p. 47 : « Grâce à son parallèle entre action et texte, Ricœur éclaire l’ouverture
interprétative et le support objectif de l’interprétation (le « monument » du texte) : deux points majeurs
pour analyser la coordination incertaine des actions, que nous avons rapportée à des régimes
pragmatiques reposés sur des choses (et non pas seulement des textes).
19. Voir infra.
20. « L’effet Ricœur dans les sciences humaines », art. cit., p. 48 : « La conception de la personne et
de son identité est sous-développée dans les sciences sociales au profit de la “mêmeté”. Une stabilité de
l’identique que le sociologue conçoit comme habitus collectivisé, et l’économiste comme préférences
individualisées. »
21. Ibid.
22. Ibid., p. 49.
23. Louis Quéré, « L’interprétation en sociologie », Cahiers Confrontation, Aubier, no 17, printemps
1987, p. 212.
24. Ibid., p. 215. Par constructivisme, Quéré entend, à la suite de Garfinkel, une démarche « qui
consiste à rendre compte de la régularité, de la récurrence, de la reproductibilité du caractère ordonné
des conduites sociales en termes de déterminations externes — en termes de lois ou de structures
d’engendrement par exemple — du fait que ce caractère régulièrement ordonné des conduites donne à
penser qu’elles ont pour source un système de contraintes ou de nécessités auquel elles se conforment,
obéissent, etc. ».
25. Voir Alfred Schütz, Der sinnhafte Aufbau der sozialen Welt. Eine Einleitung in die verstehende
Soziologie [1932], Suhrkamp, 1960.
26. Ibid.
27. Voir Alfred Schütz, « Symbole, réalité et société » [1955], Contribution à la sociologie de l’action,
Hermann, 2009, p. 113-115.
28. Ibid., p. 113.
29. Ibid.
30. Ibid., p. 114.
31. Concernant l’influence de Schütz sur Garfinkel, voir Joan Stavo-Debauge, « De The Stranger
d’Alfred Schütz au cas Agnès d’Harold Garfinkel. Des théories sociales étrangères à l’hospitalité et au
pragmatisme ? », Sociologies, Dossiers, Pragmatisme et sciences sociales : explorations, enquêtes,
expérimentations, mis en ligne le 23 février 2015 : sociologies.revues.org/4955.
32. Voir supra.
33. Voir infra.
34. Voir supra.
35. Cette position est homologue de celle de l’historicisme dans le champ de la question de
l’évolution historique. Voir infra.
36. Michael Agar , « Hermeneutics in Anthropology », Ethos, vol. 8, no 3, 1980, p. 255.
37. À propos de Geertz, voir infra.
38. Anthony Giddens, New Rules of Sociological Method, op. cit., p. 166 et p. 170.
39. Ibid., p. 170.
40. Voir Alfred Schütz et Thomas Luckmann, Strukturen der Lebenswelt, op. cit., p. 98-139.
41. Ibid., p. 120.
42. Ibid., p. 127.
43. Max Weber, Économie et société I, op. cit., p. 62.
44. Ibid., p. 78.
45. Ibid., p. 69.
46. Ibid.
47. Ibid., p. 62.
48. Ibid., p. 68.
49. Wilhelm Dilthey, L’Édification du monde historique dans les sciences de l’esprit [1910], traduit de
l’allemand par Sylvie Mesure, Cerf, coll. Passages, 1988, p. 104.
50. Hans-Georg Gadamer, « Portée et limites de l’œuvre de Wilhelm Dilthey », Le Problème de la
conscience historique, op. cit., p. 39.
51. Wilhelm Dilthey, L’Édification du monde historique dans les sciences de l’esprit, op. cit., p. 106.
52. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 96.
53. Voir Wilhelm Dilthey, « Origines et développement de l’herméneutique », art. cit., p. 321-322 :
Dilthey définit l’interprétation comme « l’art de comprendre les manifestations vitales fixées d’une façon
durable » et l’herméneutique comme « l’art d’interpréter des monuments écrits ».
54. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 113.
55. Voir Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 222. Ricœur définit le paradigme du texte par
quatre traits : la fixation de la signification par l’écriture, la dissociation avec l’intention de l’auteur, « le
déploiement de références non ostensives » et, enfin, « l’éventail universel de ses destinataires ».
56. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 115 : « Si l’on peut parler néanmoins de l’action comme
d’un quasi-texte, c’est dans la mesure où les symboles, compris comme des interprétants, fournissent les
règles de signification en fonction desquelles telle conduite peut être interprétée. »
57. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 220.
58. Voir Prologue.
59. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 93.
60. Ibid., p. 95.
61. Ibid., p. 95-96.
62. « L’effet Ricœur dans les sciences humaines », art. cit., p. 57.
63. Pour la reprise de ce point par Clifford Geertz, voir Savoir local, savoir global. Les lieux du
savoir [1983], PUF, coll. Quadrige, 2012, p. 43 : « La clé pour la transition du texte à l’analogue du texte,
de l’écriture comme discours à l’action comme discours, est, comme l’a indiqué Paul Ricœur, le concept
d’“inscription” : la fixation du sens. Quand nous parlons, nos déclarations s’envolent en tant
qu’événements comme toute autre façon d’agir ; à moins que nos paroles soient inscrites dans l’écriture
[…] elles sont aussi évanescentes que ce que nous faisons. Si elles sont inscrites, […] leur sens — ce qui
a été dit, non le fait de dire — demeure jusqu’à un certain point et pour un temps. »
64. Voir Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 114. Lorsque Ricœur parle de la médiation
symbolique de l’action, il fait référence à la notion de symbole utilisée par Geertz pour souligner le fait
que la signification, ainsi que la culture, ont un caractère public, que « le symbolisme n’est pas dans
l’esprit, n’est pas une opération psychologique destinée à guider l’action, mais une signification
incorporée à l’action et déchiffrable sur elle par les autres acteurs du jeu social ».
65. Voir Daniel Cefaï, « Anthropologie interprétative. Les perspectives esthétique, clinique et
herméneutique de Clifford Geertz », in Mohamed Kerrou (dir.), D’Islam et d’ailleurs. Hommage à Clifford
Geertz, 1926-2006, Tunis, Cérès, 2008, p. 29-30 : « Elle [l’interprétation] n’est pas cette énigmatique
divination des intentions ou des phantasmes d’une conscience par une autre conscience, qui requerrait
des dons singuliers d’introspection ou d’empathie. Elle est le déchiffrement d’un sens incarné dans des
textes culturels. »
66. Voir Clifford Geertz, « “Du point de vue de l’indigène” : sur la nature de la compréhension
anthropologique », Savoir local, savoir global. Les lieux du savoir, op. cit., p. 83.
67. Voir Daniel Cefaï, « Anthropologie interprétative. Les perspectives esthétique, clinique et
herméneutique de Clifford Geertz », art. cit., p. 23.
68. Ibid., p. 27-28.
69. Clifford Geertz, The Interpretation of Cultures, Basic Books, 1973, p. 10 (je traduis).
70. Ibid.
71. Ibid., p. 19.
72. Ibid., p. 14.
73. Peter Berger et Thomas Luckmann, La Construction sociale de la réalité [1986], op. cit., p. 32.
74. Ibid.
75. Voir John R. Searle, La Construction de la réalité sociale [1995], traduit de l’anglais par Claudine
Tiercelin, Gallimard, coll. NRF essais, 1998, p. 27.
76. Émile Durkheim, Les Règles de la méthode sociologique [1895], PUF, coll. Quadrige, 2007,
p. 102-103.
77. C’est moi qui souligne.
78. Bruno Karsenti, L’Homme total. Sociologie, anthropologie et philosophie chez Marcel Mauss,
PUF, coll. Quadrige, 2011, p. 36.
79. Ibid.
80. Émile Durkheim, Les Règles de la méthode sociologique, op. cit., p. 103.
81. Ibid., p. 102.
82. Ibid., p. 5.
83. Ibid.
84. Ibid., p. 9.
85. Voir Vincent Descombes, « Le mirage des individus collectifs », Les Institutions du sens, Minuit,
coll. Critique, 1996, p. 122-153.
86. Ibid., p. 122.
87. Ibid.
88. Ibid.
89. Ibid., p. 95.
90. Ibid., p. 132.
91. Ibid., p. 126.
92. Ibid., p. 134. Vincent Descombes distingue deux sens du terme, le collectif logique et le collectif
historique : « Le collectif logique est celui dont on rend compte par la logique de la prédication
collective. La collectivité au sens historique est celle dont nous parlent les dictionnaires et les manuels
quand ils nous disent que certains termes singuliers — comme “armée”, “compagnie”, “État”, etc. —
signifient en fait des êtres composés ou complexes, et que ce sont des touts dont les parties sont des
personnes individuelles. Aucune de ces deux collectivités ne se présente comme un individu collectif. »
93. Voir John R. Searle, « Searle versus Durkheim and the Waves of Thought. Reply to Gross »,
Anthropological Theory, vol. 6, no 1, 2006, p. 61 (je traduis).
94. Émile Durkheim, Les Règles de la méthode sociologique, op. cit., p. 97-100. Durkheim critique
par exemple Auguste Comte parce qu’il explique le progrès à partir de l’instinct individuel visant à
développer de plus en plus sa nature ; de même, il critique les théories qui réduisent le mariage aux
avantages qu’il présente pour les époux et leur descendance, ou bien la vie économique au désir des
individus de s’enrichir.
95. Ibid., p. 14 (souligné par Durkheim)
96. Ibid., p. 4.
97. Ibid., p. 6.
98. Voir ibid., p. 101 : « Puisque leur [celle des phénomènes sociologiques] caractéristique
essentielle consiste dans le pouvoir qu’ils ont d’exercer, du dehors, une pression sur les consciences
individuelles, c’est qu’ils n’en dérivent pas et que, par suite, la sociologie n’est pas un corollaire de la
psychologie. Car cette puissance contraignante témoigne qu’ils expriment une nature différente de la
nôtre puisqu’ils ne pénètrent en nous que de force ou, tout au moins, en pesant sur nous d’un poids plus
ou moins lourd. […] Puisque l’autorité devant laquelle s’incline l’individu quand il agit, sent ou pense
socialement, le domine à ce point, c’est qu’elle est un produit de forces qui le dépassent et dont il ne
saurait, par conséquent, rendre compte. »
99. Voir Bruno Karsenti, L’Homme total, op. cit., p. 25-34.
100. Ibid., p. 19-20. Selon Karsenti, la conciliation entre psychologie et sociologie avait déjà eu lieu
dans la psychologie, par exemple dans le Traité de psychologie [1923] de Dumas ou La Logique des
sentiments de Ribot. Ce dernier avait déjà montré la double inscription, à la fois individuelle et
collective, des sentiments et des représentations à caractère émotionnel comme les croyances religieuses
et donc la nécessité de conjuguer psychologie et sociologie.
101. Ibid., p. 101.
102. Ibid., p. 113-114 : « Centrée sur l’étude de l’homme total, la sociologie n’a plus à craindre de se
dire psychologique. Elle n’a plus à défendre sa spécificité sur ce terrain, puisqu’elle admet désormais
que son propre objet puisse être appréhendé par des perspectives distinctes, susceptibles de se soutenir
en s’entrecroisant. Les lignes de recherche, dans ces conditions, parviennent à se nouer et à s’enrichir
intérieurement, puisque, comme Mauss ne cesse de le souligner, étudier l’homme, c’est toujours l’étudier
dans sa vie concrète, dont la dimension sociale n’est qu’un aspect. »
103. Ibid., p. 100-101.
104. Voir John R. Searle, La Construction de la réalité sociale, op. cit., p. 41.
105. Ibid. : « L’idée est la suivante : si nous avons l’intention de faire quelque chose ensemble, alors
cela consiste dans le fait que j’ai l’intention de le faire en croyant que vous en avez aussi l’intention ; et
vous avez l’intention de le faire en croyant que moi aussi j’en ai l’intention. »
106. Voir Max Weber, Économie et société I. Les catégories de la sociologie, op. cit., p. 28.
107. Jürgen Habermas, Théorie de l’agir communicationnel. Rationalité de l’agir et rationalisation de
la société, I, Fayard, coll. L’Espace du politique, 1987, p. 289.
108. Max Weber, Économie et société I, op. cit., p. 40.
109. Ibid., p. 28.
110. Ibid., p. 55.
111. Ibid., p. 58.
112. Jürgen Habermas, Théorie de l’agir communicationnel I, op. cit., p. 290.
113. Ibid.
114. Ibid.
115. Ibid.
116. Émile Durkheim, Les Règles de la méthode sociologique, op. cit., p. 41.
117. Max Weber, Économie et société I, op. cit., p. 41. Voir aussi, p. 58 : « Même quand il s’agit de
prétendues “structures sociales” comme l’“État”, l’“Église”, la “confrérie”, le “mariage”, etc., la relation
sociale consiste exclusivement, et purement et simplement, dans la chance que, selon son contenu
significatif, il a existé, il existe ou il existera une activité réciproque des uns sur les autres, exprimable
d’une certaine manière. Il faut toujours s’en tenir à cela pour éviter une conception “substantialiste” de
ces concepts. Du point de vue sociologique, un “État” cesse par exemple d’“exister” dès qu’a disparu la
chance qu’il s’y déroule des espèces déterminées d’activités sociales, orientées significativement. »
118. Ibid., p. 41-42.
119. Ibid., p. 42 : « L’“État” moderne consiste pour une part non négligeable en une structure de ce
genre — en tant qu’il est un complexe d’activités d’êtres solidaires — parce que des hommes déterminés
orientent leur activité d’après la représentation qu’il existe et doit exister sous cette forme, par
conséquent que des réglementations orientées juridiquement en ce sens font autorité. »
120. Harrison C. White, Identité et contrôle. Une théorie de l’émergence des formations sociales
(Identity and Control. A Structural Theory of Action [1992]), traduit de l’anglais par Michel Grossetti et
Frédéric Godart, Éditions de l’EHESS, 2011.
121. Voir Michel Grossetti et Frédéric Godart, « Harrison White : des réseaux sociaux à une théorie
structurale de l’action. Introduction au texte de Harrison White Réseaux et histoires », Sociologies,
Découvertes / Redécouvertes, mis en ligne le 17 octobre 2007, p. 9 : sociologies.revues.org/233.
122. Harrison C. White, Identité et contrôle, op. cit., p. 50.
123. Ibid., p. 45.
124. Ibid.
125. Ibid., p. 51-52 : « Les réseaux sont des comptes rendus globaux des dynamiques de
recouvrement et de transitivité dans et entre les netdoms. »
126. Ibid., p. 65.
127. Ibid., p. 48.
128. Par équivalence structurale, White entend le fait que deux entités occupent la même position
dans un réseau, c’est-à-dire qu’elles ont des relations semblables ou similaires avec une identité : par
exemple, les deux frères d’une mère sont tous les deux des oncles de l’enfant. Une entreprise est en
relation avec les fournisseurs en amont et avec les clients en aval et elle est en même temps en
concurrence avec d’autres entreprises.
129. Voir Michel Grossetti et Frédéric Godart, « Harrison White : des réseaux sociaux à une théorie
structurale de l’action. Introduction au texte de Harrison White Réseaux et histoires », art. cit., p. 5 : « La
notion d’équivalence structurelle permet donc de retrouver la notion classique de rôle (ou de position)
mais d’un point de vue strictement structurel, par une analyse de réseau, sans faire d’hypothèse sur les
contenus de ces rôles. »
130. Voir Harrison White, Identité et contrôle, op. cit., p. 43 : « Une entreprise, une communauté,
une foule, soi-même jouant au tennis, des étrangers rencontrés sur un trottoir, tous peuvent avoir des
identités. L’identité ici n’est pas restreinte à la notion quotidienne de personne, ou de soi, qui tient pour
acquis la conscience et l’intégrité, et présuppose une personnalité. Au lieu de cela, je généraliserai la
notion d’identité à toute source d’action à laquelle les observateurs peuvent attribuer du sens et qui n’est
pas explicable par des régularités biophysiques. » Par la suite, White donnera quatre définitions
différentes de la notion d’identité (voir ibid., p. 53-55).
131. Voir Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 109 ; Sein und Zeit, op. cit., § 26, p. 118.
132. Voir John R. Searle, La Construction de la réalité sociale, op. cit., p. 42 : « À mon sens, tous ces
efforts pour réduire l’intentionnalité collective à l’intentionnalité individuelle se sont soldés par un
échec. »
133. Ibid., p. 40.
134. Ibid.
135. Ibid., p. 42.
136. Ibid., p. 44, voir Fig. 1.1.
137. Ibid., voir Fig. 1. 2.
138. Ibid., p. 43.
139. Ibid., p. 40.
140. Ibid., p. 41.
141. Ibid.
142. Voir Jürgen Habermas, Théorie de l’agir communicationnel I, op. cit., p. 295 : « Dans l’activité
communicationnelle, les participants ne sont pas primordialement orientés vers le succès propre ; ils
poursuivent leurs objectifs individuels avec la condition qu’ils puissent accorder mutuellement leurs
plans d’action sur le fondement de définitions communes de situations. »
143. Voir John R. Searle, « Searle versus Durkheim and the Waves of Thought. Reply to Gross »,
art. cit., p. 57-69.
144. Voir John R. Searle, La Construction de la réalité sociale, op. cit., p. 43 : « Ce qui est vrai en
réalité, c’est que toute ma vie mentale se passe à l’intérieur de mon cerveau, et que toute votre vie
mentale se passe à l’intérieur de votre cerveau et qu’il en va de même pour tout un chacun. »
145. Voir John R. Searle, « Searle versus Durkheim and the Waves of Thought », art. cit., p. 62 ; (je
traduis) : « Pour autant que je sache, il ne semble pas admettre la possibilité que l’intentionnalité,
surtout dans des têtes individuelles, puisse être de manière irréductible à la première personne du
pluriel. Pour moi, cela constitue la clef pour comprendre l’intentionnalité collective. Ma notion
d’intentionnalité collective diffère donc radicalement de sa notion de “conscience collective”. »
146. Voir Charles Taylor, « L’interprétation et les sciences de l’homme » [1971], La Liberté des
modernes, traduit de l’anglais par Philippe de Lara, PUF, 1997, p. 171 (je corrige la traduction).
147. Ibid.
148. Ibid. : « Nous avons donc besoin de la distinction entre ce qui est seulement partagé, au sens
où chacun de nous en dispose dans son monde individuel, et ce qui est dans le monde commun. »
149. Voir ibid., p. 169 : « Les significations communes sont la base de la communauté. Les
significations intersubjectives donnent aux gens un langage commun pour parler de la réalité sociale et
une compréhension commune de certaines normes, mais ce n’est que par les significations communes
que ce monde commun auquel chacun se réfère contient des actions, des célébrations, des émotions
communes significatives. Ce sont les objets du monde que tout le monde partage. C’est ce qui fait la
communauté. »
150. Voir ibid., p. 166. Concernant cette distinction, voir aussi Vincent Descombes, Les Institutions
du sens, op. cit., p. 294 : « Ces représentations communes ne sont pas des “points communs” que l’on
découvrirait en regardant dans les têtes. Ce sont des significations instituées, qui sont non seulement
publiques mais aussi sociales. Elles ne sont pas identiques par une sorte de coïncidence (qu’on pourrait
expliquer par la similitude des conditions de vie et d’expérience). Elles sont inculquées aux individus de
façon à rendre possible de la part de chacun d’eux des conduites coordonnées et intelligibles du point de
vue du groupe. »
151. Ibid., p. 165.
152. Ibid., p. 168 : « Nous devons admettre que la réalité sociale intersubjective est définie en partie
en termes de significations, que les significations en tant qu’elles sont subjectives, ne sont pas
simplement en interaction causale avec une réalité sociale faite de données brutes, mais qu’elles sont
constitutives de cette réalité, en tant qu’elles sont intersubjectives. »
153. Ibid., p. 166.
154. Ibid.
155. Voir ibid., p. 169 : « […] le partage de cette signification est un acte collectif, une conscience
entretenue en commun, alors qu’un partage stricto sensu est une chose que chacun accomplit pour ainsi
dire de son côté, même si chacun de nous est influencé par les autres. »
156. Ibid., p. 168-169.
157. Ibid., p. 169-170.
158. Ibid., p. 170.
159. Ibid.
160. Voir Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Seuil, coll. Points essais, 1990, p. 234 :
« L’importance du concept de distribution réside en ceci qu’il renvoie dos à dos les protagonistes d’un
faux débat sur le rapport entre individu et société. Dans la ligne du sociologisme à la façon de
Durkheim, la société est toujours plus que la somme de ses membres ; de l’individu à la société, il n’y a
pas continuité. Inversement, dans la ligne de l’individualisme méthodologique, les concepts clés de la
sociologie ne désignent rien de plus que la probabilité que des individus se comporteront d’une certaine
façon. Par l’idée de probabilité est éludée toute chosification, et finalement toute ontologie des entités
sociales. »
161. Ibid., p. 233 : « Il [ce concept] désigne un trait fondamental de toutes les institutions, dans la
mesure où celles-ci règlent la répartition de rôles, de tâches, d’avantages, de désavantages entre les
membres de la société. Le terme même de répartition mérite attention : il exprime l’autre face de l’idée
de partage, la première étant le fait de prendre part à une institution ; la seconde face serait celle de la
distinction des parts assignées à chacun dans le système de distribution. »
162. Ibid., p. 234.
163. Ibid.
164. John R. Searle, La Construction de la réalité sociale, op. cit., p. 61.
165. Ibid., p. 161.
166. Ibid., p. 61-62 : « L’élément clé dans le mouvement qui va de l’imposition collective de fonction
à la création de faits institutionnels est l’imposition d’un statut collectivement reconnu auquel est
attachée une fonction. Comme il s’agit d’une catégorie particulière de fonctions agentives, je leur
donnerai le nom de fonctions-statuts. »
167. Ibid., p. 61.
168. Ibid., p. 45-48. Searle y distingue entre règles constitutives et règles régulatrices. Si la règle du
type « X est compté comme un Y en C » est une règle constitutive c’est parce qu’elle définit la réalité
même d’une institution. Une institution ne peut pas exister en dehors de telles règles. Searle donne
l’exemple du jeu d’échecs dans lequel les règles sont constitutives du jeu, parce que sans règles, il n’y
aurait plus de jeu. À la différence des règles constitutives, les règles régulatrices (par exemple les règles
de circulation) règlent une activité qui existe indépendamment d’elles. Ces règles ne font donc que
s’appliquer à un comportement qui existe déjà.
169. Ibid., p. 16-17 : « L’enfant est élevé dans une culture où il tient simplement la réalité pour
acquise. Nous apprenons à percevoir et à utiliser des voitures, des baignoires, des maisons, l’argent, les
restaurants et les écoles, sans réfléchir aux caractéristiques spécifiques de leur ontologie et sans avoir
conscience qu’ils en ont une. Ils nous paraissent aussi naturels que les pierres, l’eau et les arbres. »
170. Voir par exemple Max Weber, Économie et société I, op. cit., p. 97. C’est de cette façon-là que
Weber définit l’État, par exemple : « Nous entendons par État une “entreprise politique de caractère
institutionnel” [politischer Anstaltsbetrieb] lorsque et tant que sa direction administrative revendique
avec succès, dans l’application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime. »
171. Voir John R. Searle, « Searle versus Durkheim and the Waves of Thought. Reply to Gross »,
art. cit., p. 57-58.
172. Voir John R. Searle, La Construction de la réalité sociale, op. cit., p. 127-128.
173. Voir John R. Searle, « Searle versus Durkheim and the Waves of Thought. Reply to Gross »,
art. cit., p. 58.
174. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 227.
175. Ibid., p. 228.
176. Voir Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale deux, Plon, 1973, p. 36.
177. Voir par exemple Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques [1955], Plon, 1965, p. 354.
178. Voir à ce propos la critique de Lévi-Strauss par Ricœur dans Du texte à l’action, op. cit.,
p. 166 sq. : « Ce qu’on appelle ici fonction signifiante n’est pas du tout ce que le mythe veut dire, sa
portée philosophique ou existentielle, mais l’arrangement, la disposition des mythèmes, bref la structure
du mythe. » Voir aussi Paul Ricœur, Le Conflit des interprétations, op. cit., p. 33-63.
179. Voir Tzvetan Todorov, Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Seuil,
coll. Points essais, 1989, p. 112-117.
180. Voir Clifford Geertz , « The Impact of Culture on the Concept of Man », The Interpretation of
Cultures, op. cit., p. 51-53. Geertz donne comme exemple l’élaboration d’un « modèle culturel universel »
par Clark Wissler autour de 1920, la présentation d’une liste de « types institutionnels universels » par
Bronislaw Malinowski dans les années 1940 ou l’élaboration par G. P. Murdock d’une série de
« dénominateurs communs de la culture » pendant et depuis la Seconde Guerre mondiale.
181. Voir ibid., p. 53.
182. Ibid., p. 44 (je traduis).
183. Clifford Geertz, « “Du point de vue de l’indigène” : sur la nature de la compréhension
anthropologique », Savoir local, savoir global, op. cit., p. 99.
184. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 382.
185. Voir Clifford Geertz, « “Du point de vue de l’indigène” : sur la nature de la compréhension
anthropologique », Savoir local, savoir global, op. cit., p. 82.
186. Voir Alban Bensa, Après Lévi-Strauss. Pour une anthropologie à taille humaine, entretien avec
Bertrand Richard, Textuel, coll. Conversations pour demain, 2010, p. 35-43.
187. Ibid., p. 36.
188. Ibid., p. 42 : « Dans cette perspective dialogique, qui casse l’image du savant retiré sur son
fauteuil sombre, les informateurs deviennent des co-auteurs. »
189. Ibid. : « Ainsi, les interlocuteurs deviennent des producteurs de savoir et l’anthropologue les
suit dans ce mouvement de production de connaissance. »
190. Voir infra.
191. Voir Clifford Geertz, « “Du point de vue de l’indigène” : sur la nature de la compréhension
anthropologique », Savoir local, savoir global, op. cit., p. 84-85. Geertz part de l’idée qu’il y a une notion
universelle d’individu, mais il montre que la notion occidentale de personne est très différente de la
façon dont celle-ci est vue à Java, à Bali ou au Maroc.
192. Voir Lorenzo Bonoli, « La connaissance de l’altérité culturelle. Expérience et réaction à
l’inadéquation de nos attentes de sens », Le Portique, no 5, 2007, Recherches, Altérités, Identités, mis en
ligne le 21 décembre 2007 : leportique.revues.org/1453.
193. Voir Daniel Cefaï, « Anthropologie interprétative. Les perspectives eshétique, clinique et
herméneutique de Clifford Geertz », D’Islam et d’ailleurs, op. cit., p. 33.
194. Charles Taylor, Multiculturalisme. Différence et démocratie (Multiculturalism and the Politics of
Recognition [1992]), traduit de l’anglais par Denis-Armand Canal, Flammarion, coll. Champs essais,
p. 91, 2009 (traduction revue par moi).
195. Tzvetan Todorov, La Conquête de l’Amérique, op. cit., p. 12.
196. Voir supra.
197. Tzvetan Todorov, La Conquête de l’Amérique, op. cit., p. 307.
III
HERMÉNEUTIQUE ET HISTOIRE
1. Voir supra, ici, ici.
2. Voir supra, la critique par Ricœur du psychologisme de Dilthey.
3. Voir Wilhelm Dilthey, La Vie historique. Manuscrits relatifs à une suite de L’Édification du monde
historique dans les sciences de l’esprit, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion,
coll. Opuscules, 2014 : « En jetant un regard rétrospectif par le souvenir, nous saisissons la
configuration des éléments passés du cours de la vie sous la catégorie de leur signification. Lorsque
nous vivons dans le présent rempli de réalités, nous faisons l’expérience, dans notre sentiment, de sa
valeur positive ou négative, et lorsque nous nous tournons vers l’avenir, ce comportement donne
naissance à la catégorie de fin » (p. 29).
4. Voir à ce propos Guillaume Fagniez, « L’herméneutique de Dilthey à Heidegger », Rivista di
Filosofia, no 14, 2014, p. 195-210
5. Wilhelm Dilthey, Plan der Fortsetzung zum Aufbau der geschichtlichen Welt in den
Geisteswissenschaften (Gesammelte Werke, Band VII, Stuttgart, 1927, p. 232) : Dilthey note ainsi que « la
signification est la catégorie la plus englobante par laquelle la vie puisse être conçue ».
6. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 286.
7. Ibid., p. 317.
8. Voir Paul Ricœur, « Histoire et herméneutique », in François Dosse et Catherine Goldenstein
(dir.), Paul Ricœur. Penser la mémoire, Seuil, 2013, p. 13-14.
9. Voir supra.
10. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 381-382 : « On reconnaît ici la méthode des
sciences sociales correspondant au thème de la méthode qui était celui du XVIIIe siècle et à la
formulation sous forme de programme, qu’en a donnée Hume et qui se réduit en vérité à un cliché
emprunté à la doctrine de la méthode dans les sciences de la nature. »
11. Ibid., p. 382.
12. Ibid., p. 297-298.
13. Ibid., p. 319 : « Dans l’hypothèse naïve de l’historicisme, il fallait bien au contraire se
transporter dans l’esprit de l’époque, penser selon ses concepts, selon ses représentations, et non selon
sa propre époque, pour atteindre de cette façon à l’objectivité historique. »
14. Voir à ce propos Sabina Loriga, Le petit X. De la biographie à l’histoire, Seuil, coll. La Librairie
du XXIe siècle, 2010, p. 174-175 : « Tandis que le processus créatif va de l’expérience vécue (Erleben) à
l’expression (Ausdruck), le processus de la compréhension suit le chemin inverse : nous ne pénétrons
l’intériorité de l’autre que par ses effets, grâce aux manifestations par lesquelles, comme le dirait Hegel,
la conscience humaine s’objective. »
15. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 319-320.
16. Ibid., p. 384.
17. Dans sa réhabilitation du préjugé, Gadamer part du cercle herméneutique de Heidegger, donc
du fait que, lorsqu’il s’agit de comprendre une chose, nous ne partons jamais de zéro, puisque toute
compréhension implique une précompréhension, parce que nous avons toujours des idées préalables sur
les choses. Par « préjugés » Gadamer entend donc ces idées préalables sur les choses. Il retrouve ce sens
positif du préjugé dans les sciences juridiques où l’on entend par préjugé une sorte de pré-jugement.
18. Voir Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 300 : « Seulement l’autorité des
personnes n’a pas son fondement ultime dans un acte de soumission et d’abdication de la raison, mais
dans un acte de reconnaissance et de connaissance : connaissance que l’autre est supérieur en jugement
et en perspicacité, qu’ainsi son jugement l’emporte, qu’il a prééminence sur le nôtre. Ce qui est lié au fait
qu’en vérité l’autorité ne se reçoit pas, mais s’acquiert et doit nécessairement être acquise par quiconque
y prétend. Elle repose sur la reconnaissance, par conséquent, sur un acte de la raison même qui,
consciente de ses limites, accorde à d’autres une plus grande perspicacité. Ainsi comprise dans son vrai
sens, l’autorité n’a rien à voir avec l’obéissance aveugle à un ordre donné […] elle est directement liée à
la connaissance. »
19. Voir par exemple Hans-Georg Gadamer, « Introduction », Le Problème de la conscience
historique, éd. de Pierre Fruchon, Seuil, coll. Traces écrites, 1996, excepté pour la version anglaise de
l’introduction, p. 19 : « C’est commettre un grave contresens que de supposer que l’insistance sur ce
facteur essentiel qu’est la tradition (présent en toute compréhension) implique une acceptation non
critique de la tradition, ou un conservatisme social et politique. […] Or, l’affrontement de notre tradition
historique est toujours en vérité un défi critique que nous lance cette tradition. »
20. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 302-303.
21. Voir ibid., p. 303 : « Même quand la vie, qui change, est soumise à de violents bouleversements,
en période révolutionnaire, par exemple, se conserve, sous le prétendu changement de toutes choses,
une part du passé beaucoup plus considérable que l’on ne pense et qui retrouve dès lors autorité en
s’alliant à ce qui est nouveau. »
22. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 382.
23. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 319.
24. Ibid., p. 320.
25. Ibid., p. 311 : « L’intemporalité de l’œuvre classique ne signifie donc pas qu’elle est en dehors de
l’histoire : elle est “une modalité de l’être historique”. »
26. Voir Jean Grondin, Introduction à Hans-Georg Gadamer, op. cit., p. 108 : « À la fierté de la
conscience historique, au geschichtliches Bewusstsein, Gadamer viendra donc greffer une “conscience du
travail de l’histoire”, un wirkungsgeschichtliches Bewusstsein, qui reconnaît que la conscience historique
est plus être que conscience. C’est en ce sens que toute l’herméneutique de Gadamer peut être comprise
comme une réponse à Dilthey. La thèse de son herméneutique sera, en effet, que pour un être
historique, l’historicité ne se résout jamais en un savoir de soi-même. »
27. Ibid., p. 138.
28. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 312.
29. Ibid., p. 324.
30. Ibid.
31. Ibid.
32. Ibid., p. 326.
33. Ce n’est que la rencontre avec la tradition qui met à l’épreuve les préjugés qui constituent
l’horizon du présent. L’horizon du présent est donc formé aussi par le passé auquel il s’oppose. En se
posant face au passé, lui-même se déplace donc et démontre du même coup que le passé continue à agir
dans le présent et qu’il n’est donc pas une altérité radicale. L’horizon du passé est lui aussi en
mouvement parce que la façon nouvelle dont chaque présent interprète le passé, transforme aussi celui-
ci. C’est cette « mobilité » du présent et du passé dans et à travers leurs rencontres qui définit notre être
dans l’histoire.
34. Ibid., p. 326.
35. Ibid., p. 327.
36. Voir Jean Grondin, Introduction à Hans-Georg Gadamer, op. cit., p. 141 : « La vigilance du
travail de l’histoire prendra ensuite et surtout la forme d’une conscience philosophique du travail de
l’histoire en toute interprétation. Il s’agit cette fois moins d’une conscience ponctuelle du quand et du
comment de cet œuvrer historique que d’une reconnaissance de cet agir de l’histoire en toute
compréhension. »
37. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 383-384.
38. L’horizon du présent n’apparaît plus comme opposé à l’horizon du passé, mais il s’inscrit dans
la continuité de celui-ci, vu que les deux horizons appartiennent à la même tradition. L’interprète doit se
rendre compte qu’il fait lui-même partie de la chaîne de la transmission du passé et que cette chaîne le
dépasse.
39. Ibid., p. 381.
40. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 402.
41. Voir ibid., p. 318.
42. Ibid., p. 315.
43. Voir Hans-Georg Gadamer, « Martin Heidegger et la signification de son “herméneutique de la
facticité” pour les sciences humaines », Le Problème de la conscience historique, op. cit., p. 55.
44. Ibid.
45. Paul Ricœur, « Histoire et herméneutique » [1976], Paul Ricœur. Penser la mémoire, op. cit.,
p. 27.
46. Ibid.
47. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 113.
48. Ibid.
49. Ibid.
50. Voir Reinhart Koselleck, « Théorie de l’histoire et herméneutique », L’Expérience de l’histoire
[1975], traduit de l’allemand par Alexandre Escudier et alii, Gallimard / Seuil, coll. Points histoire, 1997,
p. 237-261.
51. Voir Jürgen Habermas, « L’approche herméneutique », Logique des sciences sociales et autres
essais, traduit de l’allemand par Rainer Rochlitz, PUF, 1987, p. 184-215. À propos du débat
Gadamer / Habermas, voir aussi Paul Ricœur, « Herméneutique et critique des idéologies », Du texte à
l’action, op. cit., p. 367-416.
52. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 114 : « Cette problématique dominante est celle du
texte, par laquelle, en effet, est réintroduite une notion positive et, si je puis dire, productive de la
distanciation ; le texte est, pour moi, beaucoup plus qu’un cas particulier de communication
interhumaine, il est le paradigme de la distanciation dans la communication ; à ce titre, il révèle un
caractère fondamental de l’historicité même de l’expérience humaine, à savoir qu’elle est une
communication dans et par la distance. »
53. Paul Ricœur, « Histoire et herméneutique », Paul Ricœur. Penser la mémoire, op. cit., p. 24.
54. Ibid., p. 25.
55. Voir Paul Ricœur, « Objectivité et subjectivité en histoire », Histoire et vérité, Seuil, coll. Points
essais, 1955, 1964, 1967, p. 27.
56. Ibid., p. 29.
57. Paul Ricœur, « Histoire et herméneutique », Paul Ricœur. Penser la mémoire, op. cit., p. 27 :
« On peut dire en effet que la différence entre la science historique et les sciences de la nature est
inessentielle, dans la mesure où l’histoire, elle aussi, part de faits et unit l’explication à l’observation. »
58. Paul Ricœur, « Objectivité et subjectivité en histoire », Histoire et vérité, op. cit., p. 33.
59. Ibid.
60. Ibid.
61. Ibid., p. 34 : « Le sens même de la causalité dont use l’historien reste souvent naïf, précritique,
oscillant entre le déterminisme et la probabilité : l’histoire est condamnée à user, concuremment, de
plusieurs schèmes d’explication, sans les avoir réfléchis ni, peut-être, distingués des conditions qui ne
sont pas des déterminations, des motivations qui ne sont pas des causations, des causations qui ne sont
que des champs d’influence, des facilitations, etc. »
62. À ce propos, voir aussi Paul Ricœur, « Histoire et herméneutique, Paul Ricœur. Penser la
mémoire, op. cit., p. 27 : « Mais on peut dire aussi que cette différence [celle avec les sciences de la
nature] est essentielle, dans la mesure où l’histoire ne peut renoncer aux catégories de l’action
signifiante, telles que celles de projet, de motif, d’évaluation, de norme, d’institution, et finalement
d’agent historique opérant de façon intentionnelle. »
63. Paul Ricœur, « Objectivité et subjectivité en histoire », Histoire et vérité, op. cit., p. 36.
64. Ibid.
65. Ibid., p. 37.
66. Ibid.
67. Voir Paul Ricœur, « Histoire et herméneutique », Paul Ricœur. Penser la mémoire, op. cit., p. 28.
68. Voir par exemple Wilhelm Dilthey, L’Édification du monde historique dans les sciences de
l’esprit, op. cit., p. 132.
69. Pinder (qui était historien de l’art) a eu une grande influence sur la pensée des générations
développée par Karl Mannheim.
70. Voir infra.
71. Voir supra.
72. Voir Hans Krämer, Kritik der Hermeneutik. Interpretationsphilosophie und Realismus, C. H.
Beck, 2007, p. 108-114.
73. À ce propos, voir Alfred Schütz et Thomas Luckmann, Strukturen der Lebenswelt, op. cit.,
p. 133-139.
74. François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Seuil, coll. La
Librairie du XXIe siècle, 2003, p. 28.
75. Ibid., p. 20.
76. Ibid., p. 27.
77. Ibid., p. 118.
78. Ibid.
79. Ibid., p. 38-42.
80. Voir Marshall Sahlins, Des îles dans l’histoire, traduit sous la direction de Jacques Revel,
Gallimard / Seuil, coll. Hautes Études, 1989.
81. Tzvetan Todorov, La Conquête de l’Amérique, op. cit., 1982.
82. Ibid., p. 99.
83. Ibid., p. 113.
84. Ibid., p. 86.
85. Voir François Hartog, Régimes d’historicité, op. cit., p. 85.
86. Ibid., p. 118-119 : « Il [le modèle de l’historia magistra antique] a été repris par l’Église et par les
clercs médiévaux quand leur est revenue la tâche d’écrire l’histoire. Plus profondément, le régime
chrétien a pu se combiner avec celui de l’historia magistra, dans la mesure où l’un et l’autre regardaient
vers le passé, vers un déjà, même si le déjà des Anciens n’était aucunement celui des chrétiens (ouvrant
sur l’horizon d’un pas encore). »
87. Ibid., p. 117.
88. Voir Antoine Compagnon, Les Cinq Paradoxes de la modernité, Seuil, 1990, p. 23 : « […] notre
conception moderne d’un temps successif, irréversible et infini a pour modèle le progrès scientifique
occidental depuis la Renaissance, comme abolition de l’autorité et triomphe de la raison. »
89. Reinhart Koselleck, Vergangene Zukunft. Zur Semantik geschichtlicher Zeiten, Suhrkamp, 1979,
p. 56.
90. Ibid., p. 359.
91. François Hartog, Régimes d’historicité, op. cit., p. 117.
92. Voir ibid., p. 216 : « Formulé à partir du présent et pesant sur lui, ce double endettement, tant
en direction du passé que du futur, marque l’expérience contemporaine du présent. Par la dette, on
passe des victimes du Génocide aux menaces sur l’espèce humaine, du devoir de mémoire au principe de
responsabilité. »
93. Voir par exemple Reinhart Koselleck, Zeitschichten. Studien zur Historik, Suhrkamp,
coll. Taschenbuch, 2000.
94. Voir Siegfried Kracauer, « Time and History », History and Theory, vol. 6, Beiheft 6 « History
and the Concept of Time », 1966, p. 65-78. Voir aussi Siegfried Kracauer, « L’histoire générale et la
demarche esthétique » [2005], L’Histoire des avant-dernières choses, traduit de l’anglais par Claude
Orsini, Stock, 2006, p. 233-264.
95. Voir George Kubler, The Shape of Time. Remarks on the History of Things, Yale University Press,
1962, p. 90.
96. Ibid., p. 91.
97. Voir Siegfried Kracauer, « Time and History », art. cit., p. 68.
98. Ibid., p. 72.
99. Voir Hans-Robert Jauss, « L’histoire de la littérature : un défi à la théorie littéraire », [1974],
Pour une esthétique de la réception, traduit de l’allemand par Claude Maillard, Gallimard, coll. Tel, 1978,
p. 75-79. Voir infra, p. ##.
100. Voir Sabina Loriga, Le petit X. De la biographie à l’histoire, op. cit.
101. Voir par exemple Winfried Schulze (éd.), Sozialgeschichte, Alltagsgeschichte, Mikro-Historie,
Göttingen, 1994, en particulier Jürgen Kocka, « Perspektiven für die Sozialgeschichte der 90er Jahre »
(p. 37) et Ute Daniel, « Quo vadis Sozialgeschichte ? Kleines Plädoyer für eine hermeneutische Wende »
(p. 59).
102. Ibid., p. 16-17. Un exemple est le livre de Fernand Braudel, La Méditerranée et le monde
méditerranéen à l’époque de Philippe II, t. I - III, LGF, Le Livre de Poche, 1993.
103. Giovanni Levi, Le Pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle,
traduit de l’italien par Monique Aymard, Gallimard, coll. Bibliothèque des histoires, 1989.
104. Carlo Ginzburg, Le Fromage et les Vers. L’univers d’un meunier du XVIe siècle [1976], traduit de
l’italien par Monique Aymard, Aubier, coll. Histoires, 1993.
105. Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Gallimard / Seuil,
coll. Hautes Études, 1996, p. 19.
106. Ibid., p. 26.
107. Voir Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles, op. cit., 1996.
108. Ibid., p. 26.
109. Voir François Dosse, Paul Ricœur, Michel de Certeau. L’Histoire : entre le dire et le faire, op. cit.,
p. 23.
110. Paul Ricœur, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, op. cit., p. 169.
111. Ibid., p. 231.
112. Ibid., p. 171.
113. Ibid., p. 106.
114. Ibid., p. 306. Paul Ricœur appelle cette intentionnalité historique « représentance ».
115. Ibid., p. 474.
116. Ibid., p. 229-230.
117. Ibid., p. 364.
118. Ibid., p. 337.
119. Voir Temps et récit III, op. cit., p. 219.
120. Emmanuel Lévinas cité in ibid., p. 227.
121. Carlo Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », Mythes, emblèmes, traces.
Morphologie et histoire [1986], traduit de l’italien par Monique Aymard, Christian Paoloni, Elsa Bonan et
Martine Sancini-Vignet, Verdier, 1989, p. 252.
122. Wilhelm Dilthey, Der Aufbau der geschichlichen Welt in den Geisteswissenschaften [1910],
Suhrkamp, 1981, p. 246.
123. À propos de l’oubli actif, voir infra.
124. Voir Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 21.
125. Voir Brigitte Derlon, De mémoire et d’oubli. Anthropologie des objets malanggan de Nouvelle-
Irlande, Éditions de la MSH, 1997.
126. Voir Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 238 : « De même que l’attente n’est possible
que sur la base d’un s’attendre, de même le souvenir (Erinnerung) n’est possible que sur la base d’un
oublier et non pas l’inverse ; car c’est sur le mode de l’oubli que l’être-été “ouvre” primairement l’horizon
où, en s’y engageant, le Dasein perdu dans l’“extériorité” de ce dont il se préoccupe peut se ressouvenir. »
127. Voir Philippe Joutard, « L’oubli constructeur des mémoires collectives », Paul Ricœur. Penser
la mémoire, op. cit., p. 242-243.
128. Ibid., p. 243.
129. Voir Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 200. Ricœur souligne que « la théorie
intropathique […] néglige entièrement la spécificité de l’élément narratif, aussi bien dans l’histoire
racontée que dans l’histoire suivie ».
130. Ibid., p. 200.
131. Ibid., p. 196-197.
132. Paul Ricœur, « L’Histoire comme récit », in Dorian Tiffeneau (éd.), La Narrativité, Éditions du
CNRS, coll. Phénoménologie et herméneutique, 1980, p. 16.
133. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 172.
134. Ibid., p. 190.
135. Voir Paul Ricœur, La Narrativité, op. cit., p. 6 : « […] tout événement singulier peut être déduit
de deux prémisses. La première décrit des conditions initiales : événement antécédent, condition
prévalente, etc. La seconde asserte une régularité, une hypothèse universelle qui, vérifiée, mérite le nom
de loi. Si ces deux prémisses peuvent être établies comme il convient, l’événement considéré peut être
logiquement déduit : on dit alors que l’événement est expliqué. »
136. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 197.
137. Ibid., p. 197-198.
138. Ibid., p. 17-18.
139. Paul Ricœur, « L’Histoire comme récit », La Narrativité, op. cit., p. 8 : « Dès lors ce n’est pas la
nature de l’explication qui exclut la prédiction, mais la nature du discours narratif sur lequel
l’explication est greffée ; c’est en effet la structure même du récit qui prescrit les règles d’emploi de
l’explication et qui engendre le niveau des attentes selon lesquelles telle ou telle explication est requise et
acceptée. »
140. Voir Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 321. Par quasi-personnages Ricœur entend des
entités de premier ordre comme les peuples, les nations, les civilisations, les sociétés qui font la
médiation entre les artefacts produits par l’historiographie et les personnages d’un récit. Ces entités sont
des personnages en un sens large du terme.
141. Voir ibid., p. 320-321. Ricœur appelle quasi-intrigue l’imputation causale singulière qui selon
lui fait la médiation entre l’explication par des lois et l’explication par la mise-en-intrigue, donc entre
l’explication et la compréhension.
142. Voir ibid., p. 395-396 : Ricœur établit ici une analogie entre le temps des individus et le temps
des civilisations. « […] tout changement entre dans le champ historique comme quasi-événement. […] Par
quasi-événement, nous signifions que l’extension de la notion d’événement, au-delà du temps court et
bref, reste corrélative à l’extension semblable des notions d’intrigue et de personnage. Il y a quasi-
événement là où nous pouvons discerner, même très indirectement, très obliquement, une quasi-intrigue
et des quasi-personnages. L’événement en histoire correspond à ce qu’Aristote appelait changement de
fortune — metabolè — dans sa théorie formelle de la mise en intrigue. Un événement, encore une fois,
c’est ce qui non seulement contribue au déroulement d’une intrigue, mais donne à celui-ci la forme
dramatique d’un changement de fortune. »
143. Ibid., p. 404.
144. Paul Ricœur, « L’Histoire comme récit », La Narrativité, op. cit., p. 19.
145. Voir Paul Ricœur, Temps et récit I, II et III, Seuil, coll. Points essais, 1983-1985. Ricœur y
développe une théorie du mode de construction du temps historique en historiographie (Temps et
récit I), il met en évidence le rôle fondamental du récit de fiction dans la configuration du temps (Temps
et récit II) et situe la problématique du temps dans une perspective plus vaste, philosophique, mettant en
évidence les apories du temps vécu (Temps et récit III).
146. Ricœur discute dans cette perspective le concept du temps chez saint Augustin (Les
Confessions) et Aristote (La Physique) comme une aporie entre temps de l’âme et temps du monde, le
débat entre Husserl (Leçons sur la conscience intime du temps) et Kant (Critique de la raison pure),
comme celui entre un temps intuitif versus temps extérieur, objectif. Heidegger lui-même n’a pas réussi
à dépasser cette aporie : la résolution devançante face à la mort qui marque l’attitude authentique face
au temps ne réussit pas à résoudre le problème du temps. Voir supra, à propos du rôle du récit dans la
vie des individus.
147. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 105.
148. Jean Greisch, Paul Ricœur. L’itinérance du sens, Grenoble, Jérôme Millon, coll. Krisis, 2001,
p. 181.
149. Voir Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 18.
150. Ibid.
151. Voir Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 109-113. Par exemple « qui » fait l’action,
« pourquoi », « comment », « avec qui », « contre qui ».
152. Voir ibid., p. 113-117. Par symbolique de l’action, Ricœur entend le fait que l’action est
« articulée dans des signes, des règles et des normes ». C’est cette lisibilité de l’action qui fait que Ricœur
parle d’elle comme d’un quasi-texte.
153. Voir ibid., p. 117-125. Ricœur met en relation la temporalité de l’action avec ce que Heidegger
appelle intratemporalité, c’est-à-dire le temps du Souci, de la préoccupation.
154. Ibid., p. 141.
155. Ibid., p. 143.
156. François Dosse, Paul Ricœur, Michel de Certeau. L’Histoire : entre le dire et le faire, L’Herne,
coll. Glose, 2006, p. 18.
157. Voir infra.
158. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 186.
159. Ibid., p. 196.
160. Ibid.
161. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 315.
162. Voir Paul Ricœur, La Narrativité, op. cit., p. 49-50. Voir aussi p. 58.
163. Ibid., p. 20 : « Tous les arguments opposés à la continuité entre histoire racontée et histoire
des historiens tiennent pour acquis qu’une histoire (racontée) est une forme simple et naïve de discours.
Ces arguments impliquent de façon non critique que les récits sont liés d’une triple manière : a) à l’ordre
chronologique, b) à la complexité aveugle du présent tel qu’il est vécu, c) au point de vue des agents
historiques eux-mêmes, à leurs croyances et à leurs préjugés. »
164. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 17.
165. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 127.
166. Ibid. Voir aussi Du texte à l’action, op. cit., p. 16-17 : « Élargissant encore le champ de
l’intrigue, je dirai que l’intrigue est l’unité intelligible qui compose des circonstances, des buts et des
moyens, des initiatives, des conséquences non voulues. Selon une expression que j’emprunte à Louis
Mink, c’est l’acte de “prendre ensemble” — de composer — ces ingrédients de l’action humaine qui, dans
l’expérience ordinaire, restent hétérogènes et discordants. Il résulte de ce caractère intelligible de
l’intrigue que la compétence à suivre l’histoire constitue une forme très élaborée de compréhension. »
167. Ibid., p. 128. Chez Aristote, les traits de concordance de l’intrigue sont la complétude, la
totalité et l’étendue ; les traits de discordance sont les incidents pitoyables et effrayants, les coups de
théâtre (péripétéia), les reconnaissances (anagnôrisis) et les effets violents (pathos).
168. Voir ibid.
169. Ibid., p. 128-129.
170. Voir Paul Ricœur, La Narrativité, op. cit., p. 21 : « Raconter et suivre une histoire, c’est déjà
“réfléchir sur”. »
171. Voir, à ce propos, Paul Ricœur, « Entre le temps vécu et le temps universel : le temps
historique », Temps et récit III. Le temps raconté, Seuil, coll. Points Essais, 1985, p. 189-228.
172. Voir Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 284. Voir aussi Paul Ricœur, La Mémoire,
l’Histoire, l’Oubli, op. cit., p. 359 : « Le mot “représentance” condense en lui-même toutes les attentes,
toutes les exigences et toutes les apories liées à ce qu’on appelle par ailleurs l’intention ou
l’intentionnalité historienne : elle désigne l’attente attachée à la connaissance historique des
constructions constituant des reconstructions du cours passé des événements. »
173. Ibid.
174. Paul Ricœur, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, op. cit., p. 359.
175. Voir Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 73.
176. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 253.
177. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 154.
178. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 252.
179. Voir Paul Ricœur, La Narrativité, op. cit., p. 4.
180. Voir infra.
181. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 21.
182. Ricœur part ici à la fois des réflexions de Marc Bloch que de celles de Carlo Ginzburg.
183. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 253-254.
184. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 21.
185. La conception de l’histoire qui voit le passé comme étant sous le signe du Même est celle qui
la voit comme réeffectuation (reenactement) ou comme survivance du passé dans le présent
(Collingwood), c’est-à-dire dans l’esprit de l’historien. Cette conception nie justement l’altérité du passé,
en réduisant complètement la distance temporelle entre passé et présent.
186. Cette conception s’oppose à la première puisqu’elle voit le passé comme une altérité radicale,
mettant ainsi au premier plan la différence du passé par rapport au présent ainsi que l’absence du passé.
Cette position est celle de Dilthey qui pense la compréhension de l’histoire par analogie avec la
compréhension d’autrui, position qui a inspiré des historiens comme Raymond Aron ou Henri-Irénée
Marrou. Ricœur critique cette conception parce qu’elle ne fait pas de différence entre l’autrui
d’aujourd’hui et l’autrui d’autrefois.
187. La notion d’Analogue est empruntée à Hayden White.
188. Ricœur emprunte les trois « grands genres » du Même, de l’Autre et de l’Analogue au Sophiste
de Platon.
189. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 281.
190. Voir supra.
191. Voir Paul Ricœur, Histoire et vérité, op. cit., p. 32-39.
192. Paul Ricœur, « La Fonction narrative », La Narrativité, op. cit., p. 65. Voir aussi « Histoire et
herméneutique », Paul Ricœur. Penser la mémoire, op. cit., p. 20-21.
193. Ibid.
194. Voir Jörn Rüsen, « Studiile istorice între modernitate si postmodernitate », in Sorin
Antohi (éd.), Modernism si antimodernism, Editura Muzeului Literaturii Române, 2008, p. 79-102. Voir
aussi Jörn Rüsen, « Moderne und Postmoderne als Gesichtspunkte einer Geschichte der modernen
Geschichtswissenschaft », Geschichtsdiskurs 1. Strategien und Methoden der Historiographiegeschichte,
S. Fischer, 1992.
195. Ibid., p. 99-100.
IV
HERMÉNEUTIQUE ET ESTHÉTIQUE
1. Hans Ulrich Gumbrecht, Éloge de la présence. Ce qui échappe à la signification [2004], traduit de
l’anglais par Françoise Jaouën, Libella-Maren Sell, 2010.
2. Voir Erwin Panofsky, Architecture gothique et pensée scolastique [1951], traduit de l’anglais par
Pierre Bourdieu, Minuit, coll. Le Sens commun, 1967.
3. Voir Enrico Fubini, « Imagination et sentiments : du formalisme à la signifiance », Sens et
signification en musique, sous la direction de Márta Grabócz, Hermann, 2007, p. 23-34.
4. Voir Giovanni Piana, Filosofia della musica, Guerrini et Associati, 1991, p. 271 cité par Enrico
Fubini, art. cit., p. 24.
5. Voir Eduard Hanslick, Du beau dans la musique [1854], Bourgois, 1986, cité par Enrico Fubini,
art. cit., p. 26.
6. Voir Pierre Bouretz, « La musique : une herméneutique des affects d’attente ? », Rue Descartes,
o
n 21, septembre 1988, p. 54.
7. Voir Márta Grabócz, « La narratologie générale et les trois modes d’existence de la narrativité en
musique », Sens et signification en musique, op. cit., p. 242-248.
8. Voir à ce propos Joachim Küpper, « Einige Überlegungen zu Musik und Sprache », Zeitschrift für
Ästhetik und Allgemeine Kunstwissenschaft, vol. 51, no 1, 2006, p. 9-41.
9. Voir à ce propos Ioana Vultur, « Vers une herméneutique du cinéma », Critique, Où va
l’herméneutique ?, no 817-818, juin-juillet 2015.
10. Martin Seel, Die Künste des Kinos, S. Fischer, 2013, p. 8-9.
11. Ibid., p. 60.
12. Voir Arthur Danto, « Œuvres d’art et simples objets réels », La Transfiguration du banal. Une
philosophie de l’art [1981], traduit de l’anglais par Claude Hary-Schaeffer, Seuil, coll. Poétique, 1989,
p. 29-35.
13. Aristote, La Poétique, traduit du grec par Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot, Seuil,
coll. Poétique, 1980, p. 65.
14. Ibid.
15. Voir Tzvetan Todorov, « Les infortunes de l’imitation », Théories du symbole, Seuil,
coll. Poétique, 1977, p. 143-159.
16. Ibid., p. 144.
17. Erich Auerbach, Mimésis. La représentation de la réalité dans la littérature occidentale [1946],
traduit de l’allemand par Cornélius Heim, Gallimard, coll. Tel, 1968.
18. Northrop Frye, Anatomy of Criticism, Princeton University Press, 1957 (trad. fr. : Anatomie de la
critique, Gallimard, coll. Bibliothèque des sciences humaines, 1969).
19. Terence C. Cave, Recognitions. A Study in Poetics, Clarendon Press, 1988.
20. Paul Ricœur, Temps et récit I, II et III, op. cit.
21. Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger [1790], traduit de l’allemand par Alexandre J.-
L. Delamarre et alii, Gallimard, coll. Folio essais, 1985, p. 269.
22. Voir Jean-Marie Schaeffer, « Originalité et expression de soi. Éléments pour une généalogie de
la figure moderne de l’artiste », Communications, La création, no 64, 1994, p. 105 : « Cette souveraineté
de l’artiste — et notamment sa capacité d’instauration du fait d’art comme mode d’être propre —
réactive en fait des concepts qui définissaient la figure du Dieu créateur dans la théologie chrétienne. »
23. Ibid.
24. Ibid., p. 103-104.
25. Karl Philipp Moritz, Schriften zur Aesthetik und Poetik, Max Niemeyer, 1962, p. 95, cité par
Tzvetan Todorov, Théories du symbole, op. cit., p. 192.
26. Voir Jean-Marie Schaeffer, L’Art de l’âge moderne. L’esthétique et la philosophie de l’art du
e
XVIII siècle à nos jours, Gallimard, coll. NRF essais, 1992, p. 71 : « Chez les romantiques, c’est l’Absolu
qui doit être présenté symboliquement, et cela parce qu’il ne se laisse pas penser spéculativement. Dans
la théorie kantienne c’est le bien moral qui doit être présenté symboliquement, et cela parce qu’il ne se
laisse pas présenter dans une intuition directe ; en revanche il est parfaitement pensable (bien qu’il ne soit
pas connaissable). »
27. Friedrich Schlegel cité in ibid., p. 133.
28. Paul Klee, Théorie de l’art moderne [1956], traduit de l’allemand par Pierre-Henri Gonthier,
Gallimard, coll. Folio essais, 1964, 1985, p. 40.
29. Voir Tzvetan Todorov, Théories du symbole, op. cit., p. 347.
30. Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie. Littérature et sens commun, Seuil, coll. La Couleur
des idées, 1998, p. 103.
31. Ibid., p. 108.
32. Voir par exemple Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 130 : « Elle [l’œuvre] ne tolère plus
aucune comparaison avec la réalité, considérée comme la mesure secrète de toute ressemblance dans
l’imitation. Elle échappe à toute comparaison de ce genre et ainsi à la question de savoir si tout cela est
réel, car elle prête sa voix à une vérité supérieure. »
33. Voir par exemple Martin Heidegger, « L’origine de l’œuvre d’art », Chemins qui ne mènent nulle
part, op. cit., p. 90 : « L’esthétique prend l’œuvre d’art comme objet, à savoir comme objet […] de
l’appréhension sensible au sens large du mot. Aujourd’hui, on appelle cette appréhension : expérience
vécue (das Erleben). La façon dont l’art est vécu par l’homme est censée nous éclairer sur son essence.
L’expérience vécue est le principe qui fait autorité non seulement pour la jouissance artistique, mais
aussi pour la création. Tout est expérience vécue. Mais peut-être l’expérience vécue est-elle bien
l’élément au sein duquel l’art est en train de mourir. »
34. Ibid., p. 41.
35. Ibid., p. 55.
36. Ibid., p. 56.
37. Pour la critique de la conception de la chose comme support de qualités marquantes, voir ibid.,
p. 22. Selon Heidegger, cette conception de la chose est valable pour tout étant et ne nous permet donc
pas de distinguer entre ce qui est une chose et ce qui n’en est pas une.
38. Pour la critique de cette conception de la chose, voir ibid., p. 24. Selon Heidegger, ce que nous
percevons, ce ne sont pas d’abord des sensations pures, mais des choses déjà signifiantes : « Jamais,
dans l’apparition des choses, nous ne percevons d’abord et proprement, comme le postule ce concept,
une pure affluence de sensations, par exemple de sons et de bruits. C’est le vent que nous entendons
gronder dans la cheminée, c’est l’avion trimoteur qui fait ce bruit là-haut, et c’est la Mercedes que nous
distinguons immédiatement d’une Adler. Les choses elles-mêmes nous sont beaucoup plus proches que
toutes les sensations. »
39. Si Heidegger souligne que l’œuvre tout comme le produit sont le résultat d’une production,
d’autre part, il souligne aussi la différence entre les deux : l’usage qui est fait de la matière libère la
matière au lieu de l’user ou de l’abuser. Voir ibid., p. 72.
40. Voir ibid., p. 28.
41. Ibid., p. 39 : « Ce qu’est le produit, une œuvre nous l’a dit. Pour ainsi dire en sous-main, s’est
dévoilé par là même ce qui, dans l’œuvre, est proprement à l’œuvre : l’ouverture de l’étant dans son être :
l’avènement de l’être. »
42. Ibid., p. 36.
43. Voir ibid., p. 41 : « Il ne s’agit pas de nier ce côté chose de l’œuvre ; mais cette qualité de chose,
précisément parce qu’elle fait partie de l’être-œuvre de l’œuvre, veut être pensée à partir de ce qu’il y a de
proprement œuvre dans l’œuvre. S’il en est ainsi, le chemin vers une définition de la réalité chosique de
l’œuvre ne conduit pas de la chose à l’œuvre, mais de l’œuvre à la chose. »
44. Ibid., p. 44.
45. Voir Gianni Vattimo, « Mort ou déclin de l’art », La Fin de la modernité. Nihilisme et
herméneutique dans la culture postmoderne [1985], traduit de l’italien par Charles Alunni, Seuil, 1987,
p. 65 : « Exposition […] signifie que l’œuvre d’art détient une fonction de fondation et de constitution
des traits qui définissent un monde historique. Un monde historique, une société ou un groupe social
reconnaissent les traits constitutifs de leur propre expérience du monde […] dans l’œuvre d’art. Il y a
bien dans cette idée une affirmation du caractère inaugural de l’œuvre, qui reprend le caractère
indéductible de l’œuvre à partir de règles — comme l’affirmait Kant ; mais il y a en plus l’idée, de
dérivation dilthéienne, que dans l’œuvre d’art, plus que dans tout autre produit spirituel, se révèle la
vérité des époques. »
46. Voir ibid., p. 88 : « L’art est Histoire en ce sens essentiel qu’il fonde l’Histoire. »
47. Ce concept de monde de l’œuvre reste un concept central de l’herméneutique qui pense que
l’interprétation doit porter sur le monde de l’œuvre. Pour comprendre ce que Heidegger entend par là
nous pouvons prendre l’exemple d’œuvres littéraires comme La Divine Comédie de Dante, Don Quichotte
de Cervantès ou À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, car ces œuvres incarnent vraiment
l’esprit de leur époque, elles expriment la vision du monde d’une époque (Weltanschauung).
48. Martin Heidegger, « L’origine de l’œuvre d’art », op. cit., p. 44.
49. Ibid., p. 49.
50. Ibid., p. 61.
51. Ibid., p. 70.
52. Voir Jean-Marie Schaeffer, L’Art de l’âge moderne, op. cit., p. 320.
53. Ibid., p. 84.
54. Comme nous l’avons vu cette théorie, qui est selon Gadamer l’envers herméneutique de la
théorie du génie, implique la capacité congéniale de jouir de l’œuvre en la recréant (voir L’Actualité du
beau, op. cit., p. 88). Dans cette perspective, la compréhension est vue comme une reproduction de
l’expérience vécue de l’auteur et non pas comme une reconstruction du sens de l’œuvre.
55. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 102.
56. Ibid., p. 109.
57. Ibid., p. 108. Le terme de « Vorhandenheit » vient de Heidegger où il désigne la conception de la
« chose” » vue comme objet faisant face au sujet. La traduction française de Vorhandenheit par
« présence pure » risque donc d’induire en erreur.
58. Ibid.
59. Voir ibid.
60. Voir ibid., p. 185 : « D’un côté nous avons clairement établi que la “distinction esthétique” est
une abstraction, incapable de supprimer l’appartenance de l’œuvre à son monde. D’un autre côté il est
non moins incontestable que l’art n’est jamais révolu, qu’il est capable de vaincre la distance temporelle
grâce à la présence qu’il confère au sens. Il apparaît ainsi que l’art est, d’un double point de vue, un cas
privilégié de la compréhension. Il n’est pas un simple objet de la conscience historique, et pourtant sa
compréhension inclut toujours une médiation historique. »
61. Hans-Georg Gadamer, L’Actualité du beau, traduit de l’allemand par Elfie Poulain, Alinéa,
coll. Pensée, 1992, p. 87.
62. Voir Martin Heidegger, L’Origine de l’œuvre d’art, op. cit., p. 42 : « Les œuvres elles-mêmes se
trouvent donc dans les collections et les expositions. Mais sont-elles bien là en tant que les œuvres
qu’elles sont ? N’y sont-elles pas plutôt en tant qu’objets de l’affairement autour de l’art (Kunstbetrieb) ?
On les met à la portée de la jouissance artistique publique et privée. Des autorités officielles ont soin des
œuvres et s’occupent de leur conservation. Critiques d’art et connaisseurs s’en occupent même
intensément. Le commerce des objets d’art veille à pourvoir le marché. L’histoire de l’art transforme les
œuvres en objets d’une recherche scientifique. Mais, au milieu de tout cet affairement, rencontrons-nous
encore les œuvres ? »
63. Voir Kristin Gjesdal, Gadamer and the Legacy of German Idealism, Cambridge University Press,
coll. Modern European Philosophy, 2009, p. 109-110.
64. Voir Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 175 : « Un édifice ne se réduit jamais à
une œuvre d’art. Sa destination pratique, qui l’insère en contexte de vie, ne peut pas lui être enlevée sans
qu’il perde lui-même en réalité. S’il se réduit désormais à l’objet d’une conscience esthétique, sa réalité
n’est plus que celle d’une ombre et il ne lui reste plus qu’une caricature de vie, sous la forme dégénérée
d’un but touristique ou de ce qui mérite la photographie. Il apparaît ainsi que l’“œuvre d’art en soi” est
pure abstraction ».
65. Ibid., p. 115.
66. Ibid.
67. Voir Jean Grondin, Le Tournant herméneutique de la phénoménologie, op. cit., p. 79-80, note 2.
68. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 115.
69. Ibid., p. 120.
70. George Steiner, Réelles Présences. Les arts du sens [1981], traduit de l’anglais par Michel R. de
Pauw, Gallimard, coll. Folio essais, 1991, p. 176.
71. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 376.
72. Voir Stefan Deines, Jasper Liptow et Martin Seel, « Kunst und Erfahrung. Eine theoretische
Landkarte », in Stefan Deines, Jasper Liptow et Martin Seel (éd.), Kunst und Erfahrung. Beiträge zu einer
philosophischen Kontroverse, Suhrkamp, 2013, p. 14-16.
73. Voir ibid., p. 11.
74. Voir John Dewey, L’Art comme expérience [1915], traduit de l’anglais par Jean-Pierre Cometti et
al., Gallimard, coll. Folio essais, 2010, p. 80-81.
75. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 119.
76. Ibid., p. 120.
77. Ibid., p. 122.
78. Voir ibid., p. 134.
79. Ibid., p. 131.
80. Ibid.
81. Ibid.
82. Ibid., p. 132 : « Dans la reconnaissance, ce que nous connaissons se dégage comme en vertu
d’une illumination, de toute contingence et variabilité des circonstances qui le conditionnent et il est
saisi dans son essence. Il est connu comme étant quelque chose. »
83. Ibid., p. 135.
84. Ibid., p. 138 : « Médiation totale signifie que l’élément médiatisant se supprime lui-même. Ce
qui veut dire que la reproduction (dans le cas du théâtre et de la musique mais aussi de la récitation
d’une œuvre épique ou lyrique) ne s’impose pas comme telle à l’attention mais que par elle et en elle
l’œuvre accède à la représentation. Nous verrons qu’il en va de même des conditions d’accès et de
rencontre dans lesquelles se présentent édifices et sculptures. »
85. Voir Arthur Danto, La Transfiguration du banal. Une philosophie de l’art, op. cit., p. 202-203.
86. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 135.
87. Ibid.
88. Ibid.
89. Ibid., p. 179.
90. Voir ibid., p. 166 : « Il appartient donc à l’essence des œuvres dramatiques ou musicales que
leur exécution, à des époques ou à des occasions différentes, soit et doive être elle-même différente. Il
nous faut maintenant découvrir que la même analyse s’applique mutatis mutandis à la sculpture. Là non
plus, on ne peut pas dire que l’œuvre “existe en soi” et que seul son effet soit chaque fois différent. C’est
l’œuvre elle-même qui s’offre autrement dans des conditions toujours différentes. L’observateur
d’aujourd’hui ne voit pas seulement autrement ; il voit autre chose. »
91. Voir ibid., p. 175-176.
92. Sur ce point, la conception de Gadamer est proche de celle de Dewey : voir John Dewey, L’Art
comme expérience, op. cit., p. 192 : « Une œuvre d’art, si ancienne et classique soit-elle, n’est réellement,
et non pas seulement de façon potentielle, une œuvre d’art que lorsqu’elle vit dans une expérience
individualisée. En tant que parchemin, bloc de marbre ou toile, elle demeure (bien que sujette aux
ravages du temps) identique à elle-même à travers les âges. Mais comme œuvre d’art, elle est recréée
chaque fois qu’elle se prête à une nouvelle expérience esthétique. »
93. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 140.
94. Hans-Georg Gadamer, « Esthétique et herméneutique », L’Art de comprendre. Herméneutique et
champs de l’expérience humaine, Écrits II, Aubier, coll. Bibliothèque philosophique, 1991, p. 45.
95. Hans-Georg Gadamer, L’Actualité du beau, op. cit., p. 69.
96. Ibid., p. 69.
97. Voir ibid., p. 70.
98. Ibid.
99. Voir ibid., p. 73-74.
100. Voir ibid., p. 74. Voir infra.
101. Ibid., p. 57.
102. Ibid., p. 58.
103. Hans-Georg Gadamer in Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique,
Dialogue avec Hans-Georg Gadamer, op. cit., p. 90.
104. Hans-Georg Gadamer, L’Actualité du beau, op. cit., p. 59.
105. Ibid.
106. Ibid.
107. Ibid., p. 62.
108. Ibid., p. 61.
109. Voir Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit.
110. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 71-72.
111. Dans la Poétique, Aristote avait montré que l’intrigue (muthos) est mimèsis, donc
représentation de l’action.
112. Ricœur parle de « composition verbale » mais la théorie des trois mimèsis vaut pour toute
forme de mise en intrigue, y compris théâtrale et cinématographique.
113. Paul Ricœur, Du texte à l’action. Essais d’herméneutique II, op. cit., p. 14.
114. Cette définition de la métaphore comme dénomination déviante est celle de la rhétorique
classique.
115. Voir Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 23 : « Entendons par là que, avant d’être une
dénomination déviante, la métaphore est une prédication bizarre, une attribution qui détruit la
consistance ou, comme on l’a dit, la pertinence sémantique de la phrase, telle qu’elle est instituée par les
significations usuelles, c’est-à-dire lexicalisées, des termes en présence. Si donc l’on prend pour
hypothèse que la métaphore est d’abord et principalement une attribution impertinente, on comprend la
raison de la torsion que les mots subissent dans l’énoncé métaphorique. Elle est l’“effet de sens” requis
pour sauver la pertinence sémantique de la phrase. »
116. Ibid., p. 24.
117. Paul Ricœur, La Critique et la Conviction. Entretien avec François Azouvi et Marc de Launay,
Calmann-Lévy, 1995, p. 260.
118. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 27.
119. Ibid., p. 127.
120. Paul Ricœur, La Critique et la Conviction, op. cit., p. 261.
121. Ibid., p. 259.
122. Ibid., p. 271.
V
HERMÉNEUTIQUE
ET ÉTUDES LITTÉRAIRES
1. Friedrich D. E. Schleiermacher, « L’Abrégé de 1819 », Herméneutique, op. cit., p. 127.
2. Friedrich D. E. Schleiermacher, « L’Herméneutique générale de 1809-1810 », ibid., p. 99.
3. Voir Friedrich D. E. Schleiermacher, « La Première Ébauche de 1805 », ibid., p. 49.
4. Ibid., p. 90-91.
5. Voir Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 87 : « L’herméneutique ne pouvait ajouter au
kantisme sans recueillir de la philosophie romantique sa conviction la plus fondamentale, à savoir que
l’esprit est l’inconscient créateur au travail dans des individualités géniales. »
6. Voir Friedrich D. E. Schleiermacher, « L’Abrégé de 1819 », op. cit., p. 150.
7. Voir supra.
8. Tzvetan Todorov, Symbolisme et interprétation, op. cit., p. 141.
9. Ibid., p. 142.
10. Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie, op. cit., p. 51.
11. Eric Donald Hirsch, Validity in Interpretation, Yale University Press, 1967, p. 8 (je traduis).
12. Voir ibid., p. 143.
13. Ibid.
14. Voir supra, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici.
15. Voir Eric Donald Hirsch, The Aims of Interpretation, The University of Chicago Press, 1976,
p. 79 : « […] La signification est tout simplement signification-pour-un-interprète. » (je traduis).
16. Ibid., p. 79 ; je traduis : « Lorsque j’ai pour la première fois proposé cette distinction, ma
motivation était tout sauf neutre ; j’identifiais le sens simplement avec la signification originale et je
voulais mettre l’accent sur l’intégrité et la permanence de cette signification originale. Aujourd’hui je
considère que cette question-là n’est qu’une application particulière d’une conception qui est en principe
universelle. Car la distinction entre sens et signifiance (et les clarifications qu’elle apporte) n’est pas
limitée à des situations dans lesquelles le sens est identifié à la signification originale de l’auteur ; elle
vaut aussi pour toutes les situations de “sens anachronique” […]. Mon ancienne définition du sens était
trop étroite et normative uniquement en ce qu’elle le limitait aux constructions dans lesquelles
l’interprète se laisse guider par son idée de ce qu’a voulu l’auteur. La définition élargie actuelle vaut
aussi pour les constructions dans lesquelles la volonté de l’auteur est partiellement ou totalement laissée
de côté. »
17. Voir Paul Ricœur, « Le récit de fiction », La Narrativité, op. cit., p. 26.
18. Voir Ibid., p. 27.
19. Voir Roland Barthes, « Introduction à l’analyse structurale des récits » [1966], Œuvres
complètes II, Seuil, 2002, p. 832 : « […] le récit est une grande phrase, comme toute phrase constative
est, d’une certaine manière, l’ébauche d’un petit récit. […] L’homologie que l’on suggère ici n’a pas
seulement une valeur heuristique : elle implique une identité entre le langage et la littérature (pour
autant qu’elle soit une sorte de véhicule privilégié du récit) […]. »
20. Paul Ricœur, « Le récit de fiction », La Narrativité, op. cit., p. 27.
21. Il s’agit du méchant, du donateur d’objets magiques, de l’auxiliaire, de la princesse, du
mandateur, du héros et du faux héros.
22. Voir Roland Barthes, « Introduction à l’analyse structurale des récits », art. cit., p. 835.
23. Ibid., p. 853 : « En fait, le problème n’est pas d’introspecter les motifs du narrateur ni les effets
que la narration produit sur le lecteur ; il est de décrire le code à travers lequel narrateur et lecteur sont
signifiés le long du récit lui-même. »
24. Umberto Eco, Lector in fabula. Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes
narratifs [1979], traduit de l’italien par Myriem Bouzaher, Grasset, 1985, p. 67.
25. Ibid., p. 104-105 : « Donc, les scénarios dits “communs” proviennent de la compétence
encyclopédique normale du lecteur, qu’il partage avec la majeure partie des membres de la culture à
laquelle il appartient ; ce sont dans l’ensemble des règles pour l’action pratique : Charniak (1975, 1976)
étudie des frames apparemment banals tels que “Comment ouvrir un parapluie” ou “Comment peindre
un meuble ou un mur” […]. Les scénarios intertextuels, eux, sont au contraire des schémas rhétoriques
et narratifs faisant partie d’un bagage sélectionné et restreint de connaissances que les membres d’une
culture donnée ne possèdent pas tous. Voilà pourquoi certaines personnes sont capables de reconnaître
la violation des règles de genre, d’autres de prévoir la fin d’une histoire, tandis que d’autres enfin, qui ne
possèdent pas de scénarios suffisants, s’exposent à jouir ou à souffrir des surprises, des coups de théâtre
ou des solutions que le lecteur sophistiqué jugera, lui, assez banales. »
26. Ibid., p. 116 : « […] le topic est un phénomène pragmatique tandis que l’isotopie est un
phénomène sémantique. Le topic est une hypothèse dépendant de l’initiative du lecteur qui la formule
d’une façon quelque peu rudimentaire, sous forme de question (“Mais de quoi diable parle-t-on ?”) qui
se traduit par la proposition d’un titre provisoire (“On est probablement en train de parler de telle
chose”). Il est donc un instrument métatextuel que le texte peut tout aussi bien présupposer que
contenir explicitement sous forme de marqueurs de topic, de titres, de sous-titres, de mots clefs. C’est à
partir du topic que le lecteur décide de privilégier ou de narcotiser les propriétés sémantiques des
lexèmes en jeu établissant ainsi un niveau de cohérence interprétative dite isotopie. »
27. Ibid., p. 230 : « Naturellement, un texte peut prévoir une telle compétence chez son Lecteur
Modèle et travailler — à tous ses niveaux inférieurs — à l’ébranler, et amener le lecteur à déterminer des
structures actancielles et idéologiques complexes. »
28. Voir Hans-Rober Jauss, Ästhetische Erfahrung und literarische Hermeneutik, Suhrkamp, 1982,
p. 119-121. Cette découverte du rôle du lecteur n’est pas sans lien avec l’avènement de l’art moderne où
le rôle que se voit attribuer le lecteur / spectateur est plus actif. Jauss part du constat que l’évolution de
l’art moderne n’est plus à comprendre à l’aide de l’esthétique traditionnelle de la représentation, mais
que sa compréhension exige le développement d’une esthétique de la réception, qui, à la différence de la
conception traditionnelle d’une contemplation esthétique, prenne en compte l’activité esthétique du
récepteur.
29. Voir Roman Ingarden, L’Œuvre d’art littéraire [1931], traduit de l’allemand par Philibert
Secretan et alii, L’Âge d’homme, coll. Slavica, 1983.
30. Wolfgang Iser, Der Akt des Lesens. Theorie ästhetischer Wirkung [1976], Wilhelm Fink, 1994,
p. 279.
31. Voir Roman Ingarden, Vom Erkennen des literarischen Kunstwerks, Max Niemeyer, 1968, p. 29 ;
je traduis : « Les phrases se combinent entre elles de diverses manières pour constituer des unités de
sens de niveau plus élevé et dont la structure est très différente. C’est de cette façon que naissent des
totalités, comme par exemple un récit, un roman, un dialogue, un drame, une théorie scientifique. […]
En fin de compte, ce qui naît ainsi, c’est un univers spécifique avec des composantes définies de telle ou
telle manière avec les transformations qui se déroulent en leur sein — tout cela en tant que corrélat
purement intentionnel d’un ensemble de phrases liées entre elles. Lorsque cet ensemble de phrases liées
entre elles forme une œuvre littéraire, alors j’appelle la totalité formée par les corrélats intentionnels des
phrases liés entre eux “le monde représenté” dans l’œuvre. »
32. Wolfgang Iser, Der Akt des Lesens, op. cit., p. 182-183 ; tr. fr. : L’acte de lecture. Théorie de l’effet
esthétique, traduit de l’allemand par Evelyne Sznycer, Bruxelles, Mardaga, 1995, p. 205.
33. Roman Ingarden, Vom Erkennen des literarischen Kunstwerks, p. 32 ; je traduis : « Mais une fois
transposés dans le flux de la pensée propositionnelle, nous sommes prêts, après avoir achevé l’acte de
penser une première phrase, de penser également sa “continuation” sous la forme d’une proposition, et
plus précisément comme une proposition qui est en relation avec la proposition qui vient d’être pensée.
De cette façon, le processus de lecture d’un texte avance sans effort. Mais si la proposition qui suit n’a
par hasard aucun lien visible avec la proposition qui vient d’être pensée, alors le flux de la pensée se
trouve bloqué. Ce hiatus se traduit par un étonnement plus ou moins vivace ou par un sentiment de
contrariété. Pour que la lecture puisse de nouveau être fluide, ce blocage doit être surmonté. En cas de
réussite, chaque proposition successive est comprise comme la suite des propositions antécédentes. »
34. Wolfgang Iser, Der Akt des Lesens, op. cit., p. 284-285.
35. Ibid., p. 186. (je traduis).
36. Ibid., p. 301.
37. Ibid., p. 314.
38. Hans-Robert Jauss, « L’histoire de la littérature : un défi à la théorie littéraire », Pour une
esthétique de la réception, traduit de l’allemand par Claude Maillard, Gallimard, coll. Tel, 1978.
39. Ibid., p. 26.
40. Ibid., p. 51.
41. Ibid., p. 54.
42. Ibid., p. 63-64.
43. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 311.
44. Voir Hans-Robert Jauss, « L’histoire de la littérature : un défi à la théorie littéraire », Pour une
esthétique de la réception, op. cit., p. 59-60. Mais à ce moment-là comment Jauss peut-il encore distinguer
entre les chefs-d’œuvres et les œuvres culinaires ? Selon Antoine Compagnon, le biais anticlassique de la
théorie de Jauss ne lui permet pas de distinguer entre poncif et œuvre classique : voir Antoine
Compagnon, Le Démon de la théorie, op. cit., p. 232-233 : « […] la théorie de Jauss ne permet pas de faire
le départ entre l’œuvre “culinaire” (le poncif) et l’œuvre classique, ce qui est quand même ennuyeux. […]
Ou bien doit-on admettre qu’une œuvre classique est ipso facto “culinaire” ? Cette aporie confirme le
biais anticlassique de l’esthétique de la réception, même si elle s’est révélée par ailleurs complice de la
philologie. »
45. Hans-Georg Gadamer, « Entre phénoménologie et dialectique. Essai d’autocritique », L’Art de
comprendre. Écrits II. Herméneutique et champ de l’expérience humaine, op. cit., p. 24.
46. Voir Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie, op. cit., p. 265.
47. Voir supra.
48. Hans-Robert Jauss, « L’histoire de la littérature : un défi à la théorie littéraire », Pour une
esthétique de la réception, op. cit., p. 72 : « Or les changements qui se produisent dans la série littéraire ne
se constituent en succession historique que lorsque l’antithèse de la forme nouvelle à la forme ancienne
permet de discerner le lien de continuité qui les unit. Cette continuité, que l’on peut définir comme le
passage de la forme ancienne à la forme nouvelle dans l’interaction de l’œuvre et du récepteur (public,
critique, nouvel auteur), c’est-à-dire dans l’interaction de l’événement accompli et de la réception qui lui
est consécutive, peut être méthodiquement appréhendée à travers le problème — de forme aussi bien
que de contenu — “que toute œuvre d’art pose et laisse derrière elle, comme un horizon circonscrivant
les ‘solutions’ qui seront possibles après elle”. » (Blumenberg)
49. Voir ibid., p. 73.
50. Voir supra, ici et ici.
51. Ibid., p. 77.
52. Voir Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie, op. cit., p. 232 : « Toute l’histoire littéraire
peut-elle vraiment avoir pour seul objet l’écart, c’est-à-dire la négativité qui caractérise en particulier
l’œuvre moderne ? L’esthétique de la réception […] érige une valeur extra-littéraire, en l’occurrence la
négativité, en universel au travers duquel elle prétend faire passer toute la littérature. »
53. Voir supra.
54. Voir Hans-Robert Jauss, « L’histoire de la littérature : un défi à la théorie littéraire », Pour une
esthétique de la réception, op. cit., p. 80.
55. Voir ibid., p. 83-84 : « L’œuvre littéraire nouvelle est reçue et jugée non seulement par contraste
avec un arrière-plan d’autres formes artistiques, mais aussi par rapport à l’arrière-plan de l’expérience de
la vie quotidienne. »
56. Ibid., p. 83.
57. Voir Hans-Robert Jauss, « La douceur du foyer. La poésie lyrique en 1857 comme exemple de
transmission de normes sociales par la littérature », Pour une esthétique de la réception, op. cit., p. 82-83 :
Jauss part de la façon dont Popper utilise la notion d’horizon d’attente. Celui-ci avait souligné que le
facteur le plus important du progrès dans la science ainsi que dans la vie est « la déception de l’attente »,
expérience comparable à celle d’un aveugle qui doit heurter un obstacle pour en apprendre l’existence.
58. Hans-Robert Jauss, Pour une herméneutique littéraire (Ästhetische Erfahrung und literarische
Hermeneutik [1982]), traduit de l’allemand par Maurice Jacob, Gallimard, coll. Bibliothèque des idées,
1988, p. 52-53.
59. Ibid., p. 24.
60. Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie, op. cit., p. 234.
61. Ibid., p. 233.
62. Paul Ricœur, « Monde du texte, monde du lecteur », Temps et récit III, op. cit., p. 319.
63. Voir infra.
64. On trouve cette idée d’interaction aussi chez Iser mais il se concentre sur l’interaction texte-
lecteur.
65. Paul Ricœur, « La métaphore et le problème central… », Écrits et conférences 2. Herméneutique,
Seuil, 2010, p. 95.
66. Paul Ricœur, « Herméneutique et structuralisme », Le Conflit des interprétations, op. cit., p. 88.
67. Ibid., p. 85.
68. Paul Ricœur, Du texte à l’action. Essais d’herméneutique II, op. cit., p. 154.
69. Ricœur ne critique pas seulement le structuralisme, mais tout autant le psychologisme — qu’il
retrouve surtout chez Dilthey — parce qu’il ramène l’interprétation à la compréhension du psychique de
l’auteur.
70. Ibid., p. 128.
71. Ibid.
72. Ibid.
73. Thomas Pavel, Univers de la fiction [1986], traduit de l’anglais par l’auteur, Seuil, coll. Poétique,
1988.
74. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 128.
75. Voir par exemple Thomas Pavel, Univers de la fiction, op. cit., p. 7 : « Depuis déjà vingt ans, la
poétique du récit a pris pour objet le discours littéraire dans sa formalité rhétorique au détriment de sa
force référentielle, restée à la périphérie de l’attention critique. Or, une théorie équilibrée de la
littérature ne peut se restreindre aux enquêtes formelles, pour importantes que soient ces dernières ; elle
doit, tôt ou tard, aborder les questions de sémantique. » Voir aussi p. 14 : « Certains courants
structuralistes prônèrent, par conséquent, une esthétique antiexpressive, en négligeant du même coup
les traits littéraires et artistiques qui transcendent les propriétés purement structurales, à savoir la
référence, la représentation, le sens des œuvres, l’expressivité. »
76. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 124.
77. Voir ibid., p. 174-178.
78. Ibid., p. 174.
79. Ibid., p. 175.
80. Paul Ricœur, Temps et récit II, La configuration dans le récit de fiction, Seuil, coll. Points essais,
1984, p. 189-190.
81. Voir ibid., chap. III et IV.
82. Voir Paul Ricœur, « Monde du texte, monde du lecteur », Temps et récit III. Le temps raconté,
op. cit., p. 288.
83. Ibid., p. 290.
84. Ibid.
85. Paul Ricœur, Temps et récit II, op. cit, p. 181.
86. Paul Ricœur, « Monde du texte, monde du lecteur », Temps et récit III, op. cit., p. 290.
87. Wayne Booth cité par Paul Ricœur, ibid., p. 289.
88. Paul Ricœur, Temps et récit II, op. cit., p. 188. Pour la distinction entre point de vue et voix
narrative, voir aussi p. 187.
89. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 298.
90. Ibid., p. 310-311.
91. Voir infra.
92. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 296.
93. Ibid., p. 297.
94. Ibid.
95. Ibid.
96. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 148.
97. Paul Ricœur, Temps et récit III, op. cit., p. 286.
98. Ibid.
99. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 148.
100. Ibid., p. 147.
101. Roman Jakobson, « Linguistique et poétique », Essais de linguistique générale, traduit de
l’anglais par Nicolas Ruwet, Minuit, 1963, p. 209-248.
102. Ibid., p. 214.
103. Ibid., p. 218 : « La fonction poétique n’est pas la seule fonction de l’art du langage, elle en est
seulement la fonction dominante, déterminante, cependant que dans les autres activités verbales elle ne
joue qu’un rôle subsidiaire, accessoire. Cette fonction, qui met en évidence le côté palpable des signes,
approfondit par là même la dichotomie fondamentale des signes et des objets. Aussi, traitant de la
fonction poétique, la linguistique ne peut se limiter au domaine de la poésie. »
104. Voir Yves Winkin, Anthropologie de la communication. De la théorie au terrain [1996], Seuil,
2001, p. 27-51.
105. Thomas Pavel, Univers de la fiction, op. cit., p. 34.
106. Paul Ricœur, « Herméneutique et monde du texte », Écrits et conférences 2. Herméneutique, op.
cit., p. 38.
107. Voir Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 150.
108. Voir Paul Ricœur, La Métaphore vive, Seuil, coll. Points essais, 1975, p. 279-288. Par exemple
Wimsatt dans The Verbal Icon, Hester dans The Meaning of Poetic Metaphor, Frye dans Anatomy of
Criticism, mais aussi la Nouvelle Rhétorique en France.
109. Roman Jakobson, « Linguistique et poétique », Essais de linguistique générale, op. cit., p. 238-
239.
110. Ibid., p. 239 : « À un message à double sens correspondent un destinateur dédoublé, un
destinataire dédoublé et, de plus, une référence dédoublée — ce que soulignent nettement, chez de
nombreux peuples, les préambules des contes de fées : ainsi, par exemple, l’exorde habituel des contes
majorquins : “Aixo era y no era” (cela était et n’était pas). »
111. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 127.
112. Paul Ricœur, Temps et récit I, op. cit., p. 150.
113. Ibid., p. 151.
114. Paul Ricœur, « Herméneutique et monde du texte », Écrits et conférences 2. Herméneutique, op.
cit., p. 40.
115. Voir Umberto Eco, Les Limites de l’interprétation [1990], traduit de l’italien par Myriem
Bouzaher, LGF, Le Livre de Poche, coll. Biblio essais, 1992, p. 29-30.
116. Voir Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie, op. cit., p. 82.
117. Voir Umberto Eco, Les Limites de l’interprétation, op. cit., p. 29-32.
118. William K. Wimsatt et Monroe C. Beardsley, « L’illusion de l’intention », Philosophie
analytique et esthétique, traduit de l’anglais par Danielle Lories, Klincksieck, 1988, p. 224.
119. Voir E. D. Hirsch, The Aims of Interpretation, op. cit., p. 7 ; je traduis : « […] l’intention de
l’auteur n’est pas la seule norme possible pour l’interprétation, mais c’est la seule norme pratique pour
une discipline cognitive de l’interprétation. »
120. Voir E. D. Hirsch, Validity in Interpretation, op. cit., p. 135 ; je traduis : « L’historiciste
sceptique déduit trop à partir du fait que les expériences, les catégories et les modes de pensée du
présent ne sont pas les mêmes que ceux du passé. Il conclut que nous pouvons comprendre un texte
seulement dans nos propres termes mais cette affirmation est contradictoire puisque la signification
verbale ne peut être construite que dans ses propres termes. »
121. Arthur Danto, L’Assujettissement philosophique de l’art [The Philosophical Disenfranchisement
of Art (1986)], Seuil, coll. Poétique, 1993, p. 63.
122. Ibid., p. 69.
123. Nelson Goodman, « Le statut du style », Manières de faire des mondes [1992], Gallimard, 2008,
p. 60.
124. Nelson Goodman, « Quand y a-t-il art ? », ibid., p. 100.
125. Le débat entre Searle et Derrida a commencé par la publication d’un article de Derrida,
« Signature. Événement. Contexte », Marges de la philosophie, Minuit, coll. Critique, 1972. John Searle lit
ce texte paru en traduction anglaise dans la revue Glyph en 1977. La réponse de Searle à Derrida se
trouve dans le numéro suivant de la revue Glyph. La traduction française de l’article de Searle paraîtra
sous le titre Pour réitérer les différences. Réponse à Derrida (Reiterating the Differences [1977]), traduit de
l’anglais par Joëlle Proust, L’Éclat, coll. Tiré à part, 1991. Derrida a répliqué dans un article intitulé
Limited Inc. abc, Galilée, 1990, et enfin Searle règle définitivement ses comptes avec la déconstruction
dans « Déconstruction. Le langage dans tous ses états », compte-rendu du livre de Jonathan Culler,
intitulé On Deconstruction [1983].
126. Jacques Derrida, « Signature. Événement. Contexte », Marges de la philosophie, op. cit., p. 389.
127. Voir ibid., p. 378 : « C’est que cette unité de la forme signifiante ne se constitue que par son
itérabilité, par la possibilité d’être répétée en l’absence non seulement de son “référent”, ce qui va de soi,
mais en l’absence d’un signifié déterminé ou de l’intention de signification actuelle, comme de toute
intention de communication présente. Cette possibilité structurelle d’être sevrée du référent ou du
signifié (donc de la communication et de son contexte) me paraît faire de toute marque, fût-elle orale,
un graphème en général, c’est-à-dire […] la restance non-présente d’une marque différentielle coupée de
sa prétendue “production” ou origine. Et j’étendrai même cette loi à toute “expérience” en général s’il est
acquis qu’il n’y a pas d’expérience de pure présence mais seulement des chaînes de marques
différentielles. »
128. John R. Searle, Pour réitérer les différences. Réponse à Derrida, op. cit., p. 17.
129. Ibid., p. 23.
130. Voir Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 126.
131. Voir Martin Heidegger, Être et Temps, op. cit., p. 133.
132. Voir Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 209-210.
133. Voir Hans Georg-Gadamer, « Der “eminente” Text und seine Wahrheit », Ästhetik und Poetik I,
Kunst als Aussage [1986], Gesammelte Werke, Band 8, J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), 1993, p. 288 ; je
traduis : « L’expression langagière du vouloir-dire dans le texte doit être pensée de telle sorte qu’elle
s’articule elle-même et rende présent la vouloir-dire, abstraction faite de toute tonalité, gestualité, etc. »
134. Voir Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 124.
135. Voir Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 418 : « Ce qui est fixé par écrit s’est
détaché de la contingence de son origine et de son auteur et s’est libéré positivement pour contracter de
nouvelles relations ».
136. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 210.
137. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 413-414.
138. Ibid., p. 416-417 : « Ainsi, c’est précisément parce qu’elle détache complètement le sens de ce
qui est déclaré, de celui qui le déclare, que la fixation par écrit fait du lecteur qui comprend, l’avocat de
sa prétention à la vérité. […] Ce qu’il a compris est toujours plus que l’opinion d’un autre — c’est
toujours d’emblée une vérité possible. Voilà ce qui apparaît au grand jour à la faveur de la dissociation
du dit et de celui qui le dit, de même que grâce à la consistance de la durée conférée par l’écrit. »
139. Voir Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 129-130.
140. Ibid., p. 130.
141. Ibid., p. 120.
142. Ibid., p. 174.
143. Ibid., p. 210.
144. Ibid., p. 124.
145. Voir Hans-Georg Gadamer, « Création poétique et interprétation », L’Actualité du beau, op.
cit., p. 102, traduction révisée [version allemande : « Dichten und Deuten » [1961], Ästhetik und Poetik I,
op. cit., p. 23].
146. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 175.
147. Voir Hans-Georg Gadamer, « Expérience esthétique et expérience religieuse », L’Art de
comprendre. Écrits II. Herméneutique et Champ de l’expérience humaine, Aubier, coll. Bibiothèque
philosophique, 1991, p. 295 ; version allemande : « Ästhetische und religiöse Erfahrung », Ästhetik und
Poetik I, op. cit., p. 144.
148. Ibid., p. 296.
149. Ibid. : « Un texte éminent est […] celui que nous visons comme tel, si bien que nous renvoyons
au fait que c’est écrit. »
150. Ibid., p. 295.
151. Voir par exemple Hans-Georg Gadamer, « Der “eminente” Text und seine Wahrheit », Ästhetik
und Poetik I, op. cit., p. 289 ; je traduis : « Une formule de prière ou de salutation, une prescription
juridique, une nouvelle d’un journal peut avoir une signification décisive et être reprise par tout le
monde. Malgré cela, elle n’appartient pas à la littérature et n’est pas un “texte éminent”. Inversement, on
n’hésitera pas à compter la poésie orale, qui précède toute tradition écrite et peut se maintenir très
longtemps dans le cadre d’épopées littéraires, parmi la littérature — comme si la mémoire du chanteur
ou du rhapsode était déjà le premier livre dans lequel s’était inscrite la tradition orale. La poésie orale
est toujours déjà en chemin vers le texte, tout comme la poésie transmise par la performance du
rhapsode est toujours déjà en chemin vers la littérature. »
152. Paul Ricœur, Du texte à l’action, op. cit., p. 210.
153. Voir Steven Knapp et Walter Benn Michaels, « Against Theory », Critical Inquiry, vol. 8, no 4,
1982, p. 729 ; je traduis : « Non seulement dans tout discours sérieux littéral mais dans le discours tout
court, l’intention et le sens sont identiques. »
154. Ibid., p. 730.
155. Voir Antoine Compagnon, Le Démon de la théorie, op. cit., p. 80.
156. Pour une définition et une description de la notion de « fusion des horizons » voir supra.
157. Voir David Webermann, « A New Defense of Gadamer’s Hermeneutics », Philosophy and
Phenomenological Research, vol. 60, no 1, janvier 2000, p. 45-65.
158. Voir Hans-Georg Gadamer, « La mise en question de la conscience esthétique », L’Actualité du
beau, op. cit., p. 92-93 ; version allemande : « Zur Fragwürdigkeit des ästhetischen Bewusstseins »,
Ästhetik und Poetik I, op. cit., p. 15-17.
159. Ibid., p. 92.
160. Voir ibid.
161. Voir Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 411 : « Ce qui nous est parvenu par la
voie de la tradition langagière, n’est pas un reste mais quelque chose de transmis, c’est-à-dire quelque
chose qui nous est dit […] »
162. Hans-Georg Gadamer, « La mise en question de la conscience esthétique », L’Actualité du
beau, op. cit., p. 93.
VI
HERMÉNEUTIQUE ET HISTOIRE DE L’ART
1. J’utilise ici la notion d’image en un sens large qui ne se réduit pas aux œuvres d’art mais inclut
toute représentation visuelle analogique quels que soient son support et sa fonction.
2. Voir Gottfried Boehm, « Zu einer Hermeneutik des Bildes », in Hans-Georg Gadamer et
Gottfried Boehm (éd.), Seminar. Die Hermeneutik und die Wissenschaften, Suhrkamp, 1978, p. 444.
3. Voir Rainer Rochlitz, « Montrer et dire », L’Art au banc d’essai. Esthétique et critique, Gallimard,
coll. NRF essais, 1998, p. 378 : « L’art visuel, quelles que soient ses propriétés génériques et ses
significations, montre physiquement ; l’art littéraire, quel que soit son genre, dit, et ce hiatus est plus
profond que l’analogie entre dépiction et description sous le signe commun de la dénotation. »
4. Voir ibid., p. 370-374.
5. Gottfried Boehm, « Zu einer Hermeneutik des Bildes », Seminar. Die Hermeneutik und die
Wissenschaften, op. cit., p. 444.
6. Ibid.
7. Voir Erwin Panofsky, Essais d’iconologie. Les thèmes humanistes dans l’art de la Renaissance
[1939], traduit de l’anglais par Claude Herbette et Bernard Teyssèdre, Gallimard, coll. Bibliothèque des
sciences humaines, 1967, p. 13.
8. Voir ibid., p. 17-31. La traduction française prend comme point de départ la première version de
ce texte publiée dans Erwin Panofsky, Studies in Iconology. Humanistic Themes in the Art of the
Renaissance, Harper & Row, 1962, mais elle intègre (en notes) les changements qui figurent dans la
deuxième version du texte, version remaniée qui est parue dans Erwin Panofsky, « Iconography and
Iconology : An Introduction to the Study of Renaissance Art », Meaning in the Visual Arts [1955],
Penguin Books, 1970, p. 51-81.
9. Ces trois niveaux sont légèrement différents par rapport à ceux énumérés dans la première
formulation de la distinction (voir infra, note 14). Dans Studies in Iconology, les trois niveaux dont parle
Panofsky sont le niveau de la description pré-iconographique, l’analyse iconographique et
l’interprétation iconographique en un sens plus profond.
10. Voir Carlo Ginzburg, « De Warburg à Gombrich », Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et
histoire [1989], traduit de l’italien par Monique Aymard, Christian Paoloni, Elsa Bonan et Martine
Sancini-Vignet, traduction revue par Martin Rueff, Verdier, 2010, p. 112-113.
11. Voir Erwin Panofsky, Essais d’iconologie, op. cit., p. 17.
12. Ibid., p. 14.
13. Ibid., p. 27.
14. Erwin Panofsky, « Contribution au problème de la description d’œuvres appartenant aux arts
plastiques et à celui de l’interprétation de leur contenu », La Perspective comme forme symbolique,
traduit de l’anglais sous la direction de Guy Ballangé, Minuit, 1975, p. 242.
15. Ibid., p. 237.
16. Voir Erwin Panofsky, Essais d’iconologie, op. cit., p. 25-26.
17. Erwin Panofsky, Essais d’iconologie, op. cit., p. 17.
18. Voir ibid., p. 31.
19. Erwin Panofsky, « Contribution au problème de la description d’œuvres appartenant aux arts
plastiques et à celui de l’interprétation de leur contenu », La Perspective comme forme symbolique, op.
cit., p. 247.
20. Voir Oskar Bätschmann, Einführung in die kunstgeschichtliche Hermeneutik. Die Auslegung von
Bildern, Wissenschaftliche Buchgesellschaft Darmstadt, 2001, p. 66.
21. Georges Didi-Huberman, Devant l’image. Questions posées aux fins d’une histoire de l’art,
Minuit, coll. Critique, 1990, p. 146.
22. Gottfried Boehm, « Zu einer Hermeneutik des Bildes », Seminar. Die Hermeneutik und die
Wissenschaften, op. cit., p. 453.
23. Voir Ernst Gombrich, Symbolic Images. Studies in the Art of the Renaissance, Phaidon, 1972,
p. 6 : Gombrich donne comme exemple les programmes qu’Annibale Caro a conçus pour les décorations
du Palazzo Caprarola par Taddeo Zuccaro.
24. Erwin Panofsky, « Contribution au problème de la description d’œuvres appartenant aux arts
plastiques et à celui de l’interprétation de leur contenu », La Perspective comme forme symbolique, op.
cit., p. 246.
25. Voir aussi Max Imdahl, Giotto. Arenafresken. Ikonographie, Ikonologie, Ikonik, Wilhelm Fink,
1996, p. 89.
26. Voir Gottfried Boehm, « Zu einer Hermeneutik des Bildes », Seminar. Die Hermeneutik und die
Wissenschaften, op. cit., p. 445.
27. Ibid., p. 446.
28. Dans une version antérieure ce niveau est appelé le niveau du « sens de l’essence » ou du « sens-
document ».
29. Erwin Panofsky, Essais d’iconologie, op. cit., p. 20-21.
30. Ibid., p. 31.
31. Voir ibid., p. 29.
32. Voir ibid., p. 21.
33. Voir ibid., p. 21-22.
34. Georges Didi-Huberman, Devant l’image, op. cit., p. 150-151.
35. Rainer Rochlitz, L’Art au banc d’essai. Esthétique et critique, op. cit., p. 254.
36. Ibid., p. 254-255.
37. Voir ibid., p. 253.
38. Voir Carlo Ginzburg, « De Warburg à Gombrich », Mythes, emblèmes, traces, op. cit., p. 102-103.
Ginzburg montre que la question du cercle herméneutique s’est posée aussi à propos de la méthode de
l’iconologie.
39. Erwin Panofsky, L’Œuvre d’art et ses significations. Essais sur les arts « visuels » (Meaning in the
Visual Arts [1955]), traduit de l’anglais par Marthe et Bernard Teyssèdre, Gallimard, 1969, p. 37.
40. Carlo Ginzburg, Mythes, emblèmes, traces, op. cit., p. 114-115.
41. Ibid., p. 103.
42. Erwin Panofsky, L’Œuvre d’art et ses significations. Essais sur les arts « visuels », op. cit., p. 37.
43. Louis Marin, « Comment lire un tableau ? », Noroit, 1969, no 140, p. 5-19.
44. Ibid., p. 5.
45. Ibid.
46. Voir ibid., p. 6.
47. Ibid.
48. Ibid.
49. Ibid.
50. Ibid.
51. Ibid., p. 8.
52. Ibid., p. 6.
53. Ibid.
54. Ibid., p. 10.
55. Ibid., p. 11.
56. Ibid., p. 12.
57. Ibid., p. 11.
58. Ibid., p. 16.
59. Ibid., p. 16-17.
60. Ibid., p. 17.
61. Voir Max Imdahl, « Ikonographie-Ikonologie-Ikonik », Giotto. Arenafresken, op. cit.
62. Ibid., p. 89.
63. Voir ibid., p. 102.
64. Voir ibid., p. 92-93.
65. Voir Felix Thürlemann, « Ikonographie, Ikonologie, Ikonik. Max Imdahl liest Erwin Panofsky »,
in Klaus Sachs-Hombach (éd.), Bildtheorien. Anthropologische und kulturelle Grundlagen des visualistic
Turn, Suhrkamp, 2009, p. 233.
66. Rainer Rochlitz, L’Art au banc d’essai, op. cit., p. 378.
67. Ibid.
68. Ibid., p. 379.
69. Il suffit de penser à des œuvres de Vasarely, François Morellet, Julio Le Parc ou Jesús-Rafael
Soto.
70. Serge Lemoine, « Jeux d’optique », Dynamo. Un siècle de lumière et de mouvement dans l’art.
1913-2013, organisée par la Réunion des musées nationaux — Grand Palais, ADAGP, 2013, p. 7.
71. Alfred Gell, L’Art et ses agents, une théorie anthropologique (Art and Agency. An Anthropological
Theory [1998]), Les Presses du réel, 2009.
72. David Freedberg , The Power of Images. Studies in the History and Theory of Response, The
University of Chicago Press, 1989.
73. Alfred Gell, L’Art et ses agents. Une théorie anthropologique, op. cit., p. 8.
74. Ibid.
75. Voir par exemple David Freedberg, The Power of Images, op. cit., p. 12.
76. Ibid., p. 32 ; je traduis : « […] dans le cas africain, le masque — comme tant de masques utilisés
lors de cérémonies rituelles dans des cultures non-occidentales — est littéralement animé. On peut
soutenir que l’esprit passe ainsi dans l’objet matériel uniquement à travers la médiation d’un interprète
vivant. Mais quelles que soient les technicités de la médiation, il n’en reste pas moins que les réponses
au masque dépendent de la convergence entre signe et signifié que nous avons déjà pu observer dans les
images occidentales, et que l’effectivité dépend dans tous les cas uniquement de cette convergence. »
77. Ibid., p. 28.
78. Ibid., p. 438 (je traduis).
79. Voir David Freedberg et Vittorio Gallese, « Motion, Emotion and Empathy in Esthetic
Experience », Trends in Cognitive Sciences, vol. 11, no 5, mai 2007, p. 198-199. Sur ce point, la
conception de Freedberg se situe à l’opposé de celle de Gadamer qui, comme nous l’avons vu, met en
évidence la valeur cognitive de l’art et critique ceux qui réduisent l’art à l’émotion. On pourrait donc
appeler la théorie de Freedberg, une théorie privative de l’art, selon la formule de Seel, parce que l’art est
réduit à la perception.
80. Ibid., p. 199 ; je traduis : « Notre enjeu est de combler cette lacune en proposant une théorie des
réponses empathiques vis-à-vis des œuvres d’art qui ne soit pas purement introspective, intuitive ou
métaphysique mais qui ait une base matérielle précise et définissable dans le cerveau. »
81. Voir supra.
82. Voir David Freedberg et Vittorio Gallese, « Motion, Emotion and Empathy in Esthetic
Experience », art. cit., p. 201.
83. Voir supra et suivantes.
84. David Freedberg, « Movement, Embodiment, Emotion », in Thierry Dufrêne et Anne-Christine
Taylor (éd.), Cannibalismes disciplinaires. Quand l’histoire de l’art et l’anthropologie se recontrent,
INHA / Musée du Quai Branly, p. 51.
85. David Freedberg et Vittorio Gallese, « Motion, Emotion and Empathy in Esthetic Experience »,
art. cit., p. 197 (je traduis).
86. David Freedberg, « Movement, Embodiment, Emotion », art. cit., p. 38.
87. Voir David Freedberg et Vittorio Gallese, « Motion, Emotion and Empathy in Esthetic
Experience », art. cit., p. 202.
88. David Freedberg, « Movement, Embodiment, Emotion », art. cit., p. 54.
89. David Freedberg, The Power of Images, op. cit., p. 435.
90. Freedberg fait référence à deux Vénus du Titien (Galerie des Offices, Florence), la Vénus
d’Urbin et Vénus avec organiste et Cupidon (Musée du Prado, Madrid).
91. Georges Didi-Huberman, Devant l’image, op. cit.
92. Georges Didi-Huberman, L’Expérience des images, Umberto Eco, Marc Augé, Georges Didi-
Huberman, coordination scientifique de Frédéric Lambert, Ina, 2011, p. 85.
93. Georges Didi-Huberman, Devant l’image, op. cit., p. 282.
94. Ibid., p. 316.
95. Ibid., p. 284.
96. Ibid.
97. Ibid., p. 313.
98. Ibid., p. 291-294. Georges Didi-Huberman évoque et cite l’épisode de la mort de Bergotte de La
Prisonnière dans lequel Proust évoque le petit pan de mur jaune, l’associant à de la matière colorée. C’est
à Proust qu’il emprunte le terme de « pan ».
99. Ibid., p. 315 : « Au contraire, le pan délimite moins un objet qu’il ne produit une potentialité :
quelque chose se passe, passe, extravague dans l’espace de la représentation, et résiste à “s’inclure” dans
le tableau, parce qu’il y fait détonation, ou intrusion. » Voir aussi p. 300 : « Ce “moment” pictural nous
donne donc à voir, par son caractère d’intrusion colorée, une tache et un indice plutôt qu’une forme
mimétique ou une icône au sens peircien. »
100. Ibid., p. 305.
101. Ibid., p. 302.
102. Ibid., p. 301.
103. Ibid., p. 317.
104. Ibid.
105. Voir ibid., p. 238-242.
106. Voir Martin Seel, Ästhetik des Erscheinens [2000], Suhrkamp, 2003, p. 275.
107. Ibid., p. 274.
108. Ibid., p. 275.
109. Voir supra.
110. C’est là une des objections majeures de Meyer Schapiro (« L’objet personnel, sujet de nature
morte. À propos d’une notation de Heidegger sur Van Gogh », Style, artiste et société, Gallimard, coll. Tel,
1982, p. 349-360). Jacques Derrida (« Restitution de la vérité en peinture », La Vérité en peinture,
Flammarion, coll. Champs, 1978, p. 293-436) a repris cette critique sans pour autant prendre le parti de
Schapiro contre Heidegger.
111. Martin Heidegger, L’Origine de l’œuvre d’art, op. cit., p. 36.
112. Ibid., p. 34.
113. Ibid.
114. Voir par exemple Hans-Georg Gadamer, « Wort und Bild — “so wahr, so seiend” », [1992],
Ästhetik und Poetik I. Kunst als Aussage, J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), 1993, p. 373-374 ; « Le mot et
l’image — “autant de vérité, autant d’être” » (1992), La Philosophie herméneutique, traduit de l’allemand
par Jean Grondin, PUF, coll. Épiméthée, 1996, p. 186 : « Ce qui me tient à cœur, de mon côté, c’est de
faire ressortir ce que les arts plastiques et l’art poétique peuvent avoir de commun et d’inscrire cet
élément commun dans un ordre plus universel encore qui permet à l’art d’être porteur de vérité. […]
Mais ce qui m’intéresse ici, c’est plutôt la question de savoir comment le mot et l’image, la poésie
comme l’ensemble des arts plastiques, partagent une tâche commune et comment, au sein de cette
communauté, se détermine le rôle que l’une et l’autre forme d’art ont à remplir dans la formation de
notre culture. »
115. Hans-Georg Gadamer, « Über das Lesen von Bauten und Bildern » [1979], Ästhetik und
Poetik I, op. cit., p. 333.
116. Voir ibid.
117. Voir Hans-Georg Gadamer in Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique,
Dialogue avec Hans-Georg Gadamer, op. cit., p. 77 : « Nous savons que la Neuvième Symphonie de
Beethoven est issue d’un contexte précis de l’histoire de la musique et de l’esprit, et qu’elle ne peut être
comprise qu’à partir de ce contexte. Et pourtant, la Neuvième Symphonie signifie plus qu’un système de
tâches de reconstructions historiques pour notre compréhension. Ce n’est justement pas […] le
témoignage de quelque chose qui doit d’abord être interprété. Plutôt, l’œuvre elle-même nous interpelle,
comme elle interpellait ses premiers auditeurs. Nous écoutons la musique de Beethoven ; et dans l’acte
d’écouter se trouve une véritable participation qui s’exprime dans le concept d’appartenance. »
118. Hans-Georg Gadamer, « Über das Lesen von Bauten und Bildern », Ästhetik und Poetik I, op.
cit., p. 337 (je traduis).
119. Voir ibid., p. 336 ; je traduis : « Manifestement, dans le cas de la lecture, nous avons affaire
avec un tel processus de construction d’une figure temporelle. » Voir aussi Hans-Georg Gadamer, « Wort
und Bild », Ästhetik und Poetik I, op. cit., p. 392 ; « Le mot et l’image », La Philosophie herméneutique, op.
cit., p. 212 : « Il n’en demeure pas moins qu’une image ou un texte poétique s’édifient dans la succession
du temps et que cela “prend du temps”. »
120. Rainer Rochlitz, L’Art au banc d’essai, op. cit., p. 377.
121. Hans-Georg Gadamer, L’Actualité du beau, op. cit., p. 74.
122. Ibid.
123. Voir Hans-Georg Gadamer, « Wort und Bild — “so wahr, so seiend” », Ästhetik und Poetik I,
op. cit., p. 387, trad. fr. « Le mot et l’image — “autant de vérité, autant d’être” », [1992], La Philosophie
herméneutique, op. cit., p. 204-205 : « C’est ce qui en fait une expérience de l’art. Il ne s’agit pas de la
simple réception de quelque chose. On y est, au contraire, emporté. Ce n’est pas tant un faire qui permet
à l’œuvre d’art de ressortir, mais plutôt un séjour qui est à la fois attentif et en attente. […] Un tel séjour
auprès de l’œuvre d’art s’applique aussi bien à la vision, à l’écoute qu’à la lecture. Séjourner, ce n’est
justement pas perdre son temps. L’être qui séjourne est comme un dialogue intensif et réciproque qui
n’a pas de terme, mais qui dure jusqu’à ce qu’il prenne fin. C’est l’ensemble d’un dialogue qui fait en
sorte que l’on est pour un temps tout à fait “en dialogue” et cela veut dire “tout à fait là”. »
124. Voir Hans-Georg Gadamer, L’Actualité du beau, op. cit., p. 74.
125. Hans-Georg Gadamer in Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique.
Dialogue avec Hans-Georg Gadamer, op. cit., p. 97.
126. Ibid., p. 98.
127. Ibid.
128. Warhol a peint des peintures représentant une bouteille de Coca-Cola mais aussi des séries de
bouteilles (trois, cinq ou cent douze comme dans Green Coca Cola bottles) ainsi que d’autres images
représentant des publicités : par exemple une boîte de conserve de soupe Campbell ou une peinture
représentant quatre fois le parfum Chanel no 5.
129. Cela montre une des limites de l’analyse de Freedberg lorsqu’il insiste sur le fait que les
œuvres d’art ont le même effet sur nous que les autres types d’images. Dans le cas d’une œuvre d’art,
nous ne l’utilisons pas pour atteindre autre chose (un état d’excitation, par exemple).
130. Hans-Georg Gadamer in Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique,
Dialogue avec Hans-Georg Gadamer, op. cit., p. 100.
131. Voir Hans-Georg Gadamer, L’Actualité du beau, op. cit., p. 74.
132. Voir ibid.
133. Hans-Georg Gadamer in Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique, op.
cit., p. 91.
134. Hans-Georg Gadamer, « Text und Interpretation », Wahrheit und Methode II, J. C. B. Mohr
(Paul Siebeck), 1993, p. 352.
135. Hans-Georg Gadamer in Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique, op.
cit., p. 95.
136. Voir supra.
137. Hans-Georg Gadamer in Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique, op. cit.
p. 92.
138. Ibid.
139. Voir Hans-Georg Gadamer, « Wort und Bild — “so wahr, so seiend” », Ästhetik und Poetik I,
op. cit., p. 386-387. Voir aussi p. 391.
140. Hans-Georg Gadamer, « Bildkunst und Wortkunst », in Gottfried Boehm (éd.), Was ist ein
Bild ?, Wilhelm Fink, coll. Bild und Text, 1994, p. 99.
141. Voir par exemple Hans Ulrich Gumbrecht, Éloge de la présence, op. cit.
142. Voir Hans-Georg Gadamer in Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique.
Dialogue avec Hans-Georg Gadamer, op. cit., p. 99.
143. Hans-Georg Gadamer, « Bildkunst und Wortkunst », Was ist ein Bild ?, op. cit., p. 102 (je
traduis).
144. Martin Seel, « Hermeneutik. Gegen eine voreilige Verabschiedung », Die Macht des
Erscheinens, Texte zur Ästhetik, Suhrkamp, 2007, p. 34.
145. Hans-Georg Gadamer in Carsten Dutt, Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique,
Dialogue avec Hans-Georg Gadamer, op. cit., p. 90-91.
146. Voir Hans-Georg Gadamer, « Über das Lesen von Bauten und Bildern », Ästhetik und Poetik I,
op. cit., p. 337 (je traduis) : « Mais la chose véritable est manifestement autre chose, à savoir le fait que
nous gagnons accès à la figure de sens que nous rencontrons. En tant que totalité, elle ne se laisse
manifestement pas fixer et déterminer dans son être-donné objectif, mais dans l’orientation de sens,
dans le rayonnement de significativité qui la caractérise en tant qu’ensemble et qui, pour ainsi dire, nous
“saisit”. »
147. Hans-Georg Gadamer, Vérité et méthode, op. cit., p. 170-174.
148. Hans-Georg Gadamer, L’Actualité du beau, op. cit., p. 60.
149. Ibid.
150. Voir Gadamer, Vérité et Méthode, op. cit., p. 160-161.
151. Ibid., p. 173.
Index des noms
ABRAHAM (personnage biblique) 20
ACCURSIUS N1
ADORNO, Theodor W. 167
AGAMEMNON (personnage mythologique) N22
AGAR, Michel 169-170, N36
APOLLON (divinité) N22
ARENDT, Hannah 96
ARISTOTE 17, 32, 77, 279-282, 299-300, 318, 324, 326, 441, N13, N111, N142, N146, N167
ARON, Raymond 164, 269, N186
AST, Georg Anton Friedrich 22, 332
AUERBACH, Erich 301, N17
AUGUSTIN D’HIPPONE (saint Augustin) 20, N25, N146
AUSTIN, John Langshaw 78, 357, 375-376
DAMASIO, Antonio R. 60, 62, 69-72, 85-91, 93-95, N31, N63, N64, N66, N69, N72, N74, N83,
N99
DANIEL, Ute N101
DANTE ALIGHIERI N47
DANTO, Arthur 296-297, 318, 374, N12, N85, N121
DEBUSSY, Claude 10, 294
DECETY, Jean 122, 149, N149, N209, N226
DEINES, Stefan N72
DÉMÉTER (divinité) N22
DENNETT, Daniel 106, N115
DERLON, Brigitte N125
DERRIDA, Jacques 35, 375-377, N110, N125, N126, N127
DESCARTES, René 42, 58, 68, 70, 72, 77
DESCOLA, Philippe 169
DESCOMBES, Vincent 187-188, N85, N92, N150
DEWEY, John 316, N74, N82, N84, N92
DIDEROT, Denis 301
DIDI-HUBERMAN, Georges 402, 405, 422-427, 432, 443, N21, N34, N91, N92, N93, N98, N99,
N105
DILTHEY, Wilhelm 24-28, 30, 45, 47, 97, 153, 160-161, 171, 175, 177-184, 223-231, 243, 245,
249-250, 257, 259, 264, 266, 270, 304, 307, 377-378, N2, N3, N5, N14, N26, N38,
N39, N41, N44, N45, N49, N49, N50, N50, N51, N53, N68, N69, N122, N186
DIODORE DE TARSE 19
DIONYSOS (divinité) N22
DOSSE, François 277, N109, N156
DUCHAMP, Marcel 374
DUMAS, Georges N100
DÜRER, Albrecht 406
DURKHEIM, Émile 179, 185-192, 202-203, 208, N76, N80, N94, N95, N116, N160
DUTT, Carsten N52, N103, N117, N125, N130, N133, N135, N137, N142, N145
EBELING, Richard N7
ECO, Umberto 336-337, 371-372, 388, N24, N25, N26, N27, N115, N117
ELIADE, Mircea N4
GADAMER, Hans-Georg 16-17, 22, 27-30, 35, 44-46, 48, 55, 89, 129, 132-135, 137, 147-148,
156-157, 159, 167-168, 170, 178, 181-182, 212-213, 215-219, 221, 223-245, 248, 250,
254, 264, 286, 288, 292, 312-324, 326-327, 329-330, 333-334, 338, 343-348, 352-354,
356, 360, 362, 369, 373, 377, 380-381, 383-386, 389-393, 428, 431-436, 438-445, N4,
N6, N8, N10, N13, N13, N15, N17, N18, N19, N20, N23, N26, N28, N32, N32, N40,
N43, N43, N45, N48, N50, N50, N51, N51, N54, N55, N61, N64, N68, N71, N75,
N79, N86, N90, N90, N92, N93, N94, N95, N98, N99, N102, N103, N104, N114,
N115, N117, N118, N119, N121, N123, N124, N124, N125, N130, N131, N133, N133,
N134, N135, N135, N137, N137, N138, N139, N140, N142, N143, N145, N145, N146,
N147, N147, N148, N150, N151, N158, N161, N162, N177, N178, N181, N182, N183,
N184, N184, N185
GALILÉE (Galileo Galilei) 43, N90
GALLAGHER, Shaun 85, 87-88, 91, 129, 139-141, 144, N67, N71, N75, N115, N144, N167,
N193, N197, N200, N207
GALLESE, Vittorio 118, 120-121, 139-144, 417-418, N79, N82, N85, N87, N134, N144, N145,
N146, N148, N194, N201, N205, N206, N208
GALLIE, Walter Bryce 279, 281
GARCIA ROSSI, Horacio 414
GARFINKEL, Harold 166, N24, N31
GAUDÍ, Antoni 292
GEERTZ, Clifford 169-171, 182-184, 214, 216, 219, 259, N37, N63, N64, N66, N69, N180,
N183, N185, N191
GELL, Alfred 415, N71, N73
GENETTE, Gérard 361
GIBSON, James J. 60, 62-66, 72, 88, N14, N18, N23, N70
GIDDENS, Anthony 50-51, 167, 172, N38, N112
GINZBURG, Carlo 258, 263, 396, 405-406, N10, N38, N40, N104, N121, N182
GIORGIONE, Giorgio Barbarelli, dit 432
GODART, Frédéric 197, N121, N129
GOETHE, Johann Wolfgang von 353
GOFFMAN, Erving 174
GOLDMAN, Alvin 121, 144, N144, N146, N147, N208
GOMBRICH, Ernst 417, 432, N23
GOODMAN, Nelson 374-375, N123, N124
GOPNIK, Alison 125-126, N160
GORDON, Jane Heal N144, N147
GOYA, Francisco de 418-419
GRABÓCZ, Márta 294, N7
GREIMAS, Algirdas Julien 336-337
GREISCH, Jean 38-39, 76, N41, N70, N75, N148
GRONDIN, Jean 35-36, 39, 237, 314, N26, N36, N61, N65, N67, N77
GROSSETTI, Michel 197, N121, N129
GRÜNEWALD, Matthias 397, 401
GUMBRECHT, Hans Ulrich N1, N141
HABERMAS, Jürgen 135-137, 167-168, 193-194, 202, 226, 244, 286, N51, N52, N107, N112,
N142, N188, N190, N191, N192
HAGGARD, Patrick 73, 78-79, N39, N56
HANSLICK, Eduard N5
HARRIS, Paul N147
HARTOG, François 252-255, 351, N74, N85, N86, N91, N92
HAYEK, Friedrich 158, N7
HECTOR (personnage mythologique) N22
HEGEL, Georg Wilhelm Friedrich 25, 177-179, 190, 223-224, 240, 315, 322, 346, 348, N14
HEIDEGGER, Martin 12-13, 27-31, 35-39, 41-43, 45, 47-48, 61-62, 64-68, 72, 74-75, 80, 83-85,
88-89, 92-94, 104, 115-116, 135, 142, 155, 165-167, 208, 210, 224-227, 230, 250, 264,
267, 269, 288, 292, 307-314, 323, 327, 329, 370-371, 377-378, 428-431, 445, N2, N17,
N17, N20, N22, N27, N28, N30, N33, N37, N38, N39, N40, N47, N48, N50, N54,
N56, N57, N61, N62, N62, N67, N71, N72, N78, N78, N82, N84, N86, N87, N88,
N89, N91, N95, N97, N106, N110, N111, N123, N124, N125, N126, N126, N129,
N131, N131, N146, N153
HELNWEIN, Gottfried 422
HEMPEL, Carl G. 272
HERMÈS (divinité) 16
HÉRODE Ier (roi de Judée) 400
HÉRODOTE 153
HESTER, Marcus B. N108
HIRSCH, Eric Donald 333-334, 372-374, 379, 388-390, N11, N15, N16, N119, N120
HJELMSEV, Louis 409
HOBBES, Thomas 153
HOLBEIN LE JEUNE, Hans 406
HÖLDERLIN, Friedrich 350
HOMÈRE 18-19, N31
HUBBLE, Edwin 49
HUME, David N10, N99
HUSSERL, Edmund 32-35, 40, 83-84, 92, 143, 165, 179, 327, 341, 345, 370, N59, N61, N63,
N81, N146, N206
LACHELIER, Jules 92
LACHMANN, Ludwig 159, N7
LANSON, Gustave 22
LAVOIE, Don 159, N7, N11
LE BOULLUEC, Alain N21
LE GUYADER, Hervé N107
LEMOINE, Serge N70
LÉONARD DE VINCI 27, 399, 404
LE PARC, Julio 414-415
LESLIE, Alan M. 125, N158, N160
LESSING, Gotthold Ephraim 395
LEVI, Giovanni 258, N103
LÉVINAS, Emmanuel 263, N120
LÉVI-STRAUSS, Claude 169, 213-214, 252, N176, N177, N178
LEWIN, Kurt 60, 63, 79-81, N59
LINDAHL, Hans N5
LIPPS, Theodor 417
LIPTOW, Jasper N72
LISZT, Franz 294
LÓPEZ, Beatriz N213
LORIGA, Sabina 257, N14, N100
LUCKMANN, Thomas 115, 117, 127, 164, 185, N40, N73, N124, N131, N161, N186
LUHMANN, Niklas 162
LUTHER, Martin 21
LYOTARD, Jean-François N60
NABERT, Jean 92
NAGELL, Katherine 145, N212
NEWMAN, Barnett 399
NIETZSCHE, Friedrich 77, 268
NOVALIS, Georg von Hardenberg, dit 304
RABAULT, Hugues N2
RAMACHANDRAN, Vilyanur S. N153
RAVAISSON, Félix 92
RECANATI, François 129-130, 132, N169
REDDY, Vasudevi N213
REICHELT, Andreas F. N213
RENOIR, Auguste 403
REVEL, Jacques 258-259, N105, N107
RIBOT, Théodule N100
RICHTER, Gerhard 421-422
RICŒUR, Paul 25, 29-31, 35, 40, 46-48, 53, 55-59, 61, 76-78, 89, 91-93, 96-106, 109, 111,
114, 128, 162-163, 171, 179-184, 198, 200, 206, 209, 211, 226, 228, 235, 240, 243-
250, 257, 259-263, 265, 267, 269-288, 301, 323-330, 354-368, 370-371, 377-379, 381-386,
388, N1, N1, N2, N2, N3, N5, N5, N8, N8, N17, N18, N20, N20, N22, N37, N42,
N44, N45, N47, N49, N50, N50, N51, N52, N52, N53, N53, N53, N54, N55, N55,
N55, N56, N57, N57, N58, N59, N61, N62, N62, N62, N63, N63, N64, N65, N66,
N67, N68, N69, N69, N74, N76, N76, N77, N78, N79, N80, N80, N80, N81, N82,
N82, N85, N86, N87, N87, N88, N88, N89, N92, N92, N93, N94, N95, N96, N97,
N99, N99, N100, N101, N102, N103, N103, N106, N106, N106, N107, N108, N108,
N109, N109, N110, N110, N111, N112, N112, N113, N114, N114, N115, N115, N117,
N118, N118, N120, N129, N130, N132, N132, N133, N134, N135, N136, N139, N139,
N140, N141, N142, N144, N145, N146, N146, N147, N149, N151, N152, N152, N153,
N158, N160, N161, N161, N162, N163, N163, N164, N165, N166, N170, N171, N172,
N174, N174, N175, N176, N177, N178, N178, N179, N181, N182, N183, N184, N186,
N188, N189, N191, N192
RILKE, Rainer Maria 9
RIMBAUD, Arthur 256
RIPA, Cesare 402
RIZZOLATTI, Giacomo 118-120, 123, 143, 148, N137, N139, N140, N142, N156, N203, N221
ROCHLITZ, Rainer 394, 405, 413-414, 433, N3, N35, N66, N120
ROMANO, Claude 33, 35, N58, N59, N64
ROSSMANITH, Nicole N213
ROTHBARD, Murray N11
RÜSEN, Jörn 287, N194
TAYLOR, Charles 171, 200, 203-206, 209, 219, 221, N115, N146, N148, N149, N152, N155,
N194
THÉODORE DE MOPSUESTE 19
THÉODORET DE CYR 19
THÉVENOT, Laurent 163
THIELEN, Joachim N14
THOM, René N107
THÜRLEMANN, Felix N65
TITIEN, Tiziano Vecellio, dit le 420, N90
TODOROV, Tzvetan 20-22, 136, 214, 220-221, 253, 301, 332, 336, N8, N15, N24, N25, N29,
N81, N179, N189, N195, N197
TOMASELLO, Michael 145-147, 150, N210, N212, N214, N216, N227
TROUBETSKOÏ, Nikolaï Sergueïevitch 213
TVERSKY, Amos 72, N38
ZAHAVI, Dan 85, 87-88, 91, 129, 139-141, N67, N71, N75, N167, N193, N197, N200, N207
ZEUS (divinité) N22
ZUCCARO, Taddeo N23
© Éditions Gallimard, 2017.
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Éditions Gallimard
5 rue Gaston-Gallimard
75328 Paris
http://www.gallimard.fr
Ioana Vultur
Comprendre
L’herméneutique et les sciences humaines
Spontanément, nous ne cessons de pratiquer compréhension et interprétation, chaque fois que nous
nous engageons dans une conversation, fût-elle la plus banale ou que nous lisons une phrase, fût-
elle la plus indigente. De fait, le questionnement herméneutique régit l’ensemble de nos rapports à
nous-mêmes et à autrui. Si toute réalité humaine demande à être comprise avant de pouvoir être
expliquée, quelles en sont les conséquences pour les sciences humaines et sociales, disciplines qui
s’interrogent sur cette même réalité ?
e e
L’opposition posée par Dilthey au tournant des XIX et XX siècles entre compréhension (sciences
humaines) et explication (sciences de la nature) ne tient plus sous cette forme : ainsi la biologie
traite de l’incarnation neurologique de nos capacités mentales qui constituent par ailleurs un des
objets des sciences humaines et sociales. De même, la psychologie, science de l’homme par son
objet, procède généralement par des expérimentations selon la méthode des sciences de la nature.
Quant aux humanités, désormais elles collaborent avec les sciences exactes, notamment dans le cas
de l’approche cognitive de la littérature et des arts.
Des différences importantes subsistent cependant entre les sciences de la nature et les sciences
humaines et sociales, qui les rendent irréductibles les unes aux autres. C’est tout l’objet de cet
ouvrage.
Cette édition électronique du livre
Comprendre d’Ioana Vultur
a été réalisée le 29 septembre 2017 par les Éditions Gallimard.
Elle repose sur l’édition papier du même ouvrage
(ISBN : 9782070396672 - Numéro d’édition : 166487).
Code Sodis : N91228 - ISBN : 9782072743818.
Numéro d’édition : 322611.