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Revue critique de droit international privé - avril-juin 2019 - pages 331 à 642
Autour du Brexit
ref : 541902
9 782995 41902 9
DOCTRINE
L’autonomie de la volonté
dans les contrats commerciaux
internationaux au Brésil
(1) V. de Oliveira Mazzuoli, Curso de direito internacional privado, 3e éd., Rio de Janeiro, Forense, 2018, p. 387-389 ;
B. Audit et L. d’Avout, Droit international privé, 7e éd., Economica, 2013, p. 210.
pliquer une loi qui se justifiait par l’appli- de conclusion se justifiait comme repo-
cation de l’idée de soumission volontaire sant sur la volonté tacite des cocontrac-
(loi de conclusion), il a été admis que tants. Or, si les parties ont conclu un
les parties pouvaient choisir leur loi, contrat dans un État donné, nous pou-
en s’exprimant directement sur cette vons présumer qu’elles connaissaient
question (loi d’autonomie), que ce soit les règles juridiques applicables au
de manière expresse ou encore même contrat en cause, sans qu’il soit possible
de manière tacite. À défaut de volonté d’appliquer une législation autre que
expresse, on recherche la volonté impli- celle du lieu où l’accord a été conclu.
cite des parties. Ce renversement s’est Si, dès 1525, avec Dumoulin 4, l’idée de
opéré en Europe à partir de la fin du choix de la loi dans le domaine voisin des
XIXe siècle et du début du XXe siècle 2. régimes matrimoniaux avait déjà triom-
phé, il fallut attendre jusqu’en 1910,
Aujourd’hui, de nombreux contrats sont avec l’arrêt America Trading, pour que la
conclus dans les endroits les plus divers, Cour de cassation française reconnaisse
beaucoup d’entre eux étant conclus dans clairement l’autonomie des parties en
des pays qui n’ont pas de législation matière de contrats internationaux 5.
spécifique de droit international privé Dans cet arrêt, la Cour a affirmé que :
sur le sujet ou de règles bien définies « la loi applicable aux contrats, soit en ce
concernant la licéité des accords de choix qui concerne leur formation, soit quant
de loi ; beaucoup d’autres encore sont à leurs effets et conditions, est celle que
négociés sur internet, dans un environ- les parties ont adoptée » 6.
nement normatif ambigu, à l’opposé de
la clarté qui est nécessaire lorsqu’un Aujourd’hui, et tel que majoritairement
contrat international est conclu. De ce admis par la doctrine, le principe de
428 fait, le critère du lieu de conclusion du l’autonomie de la volonté permet aux
contrat pose question et devient inadapté parties d’écarter (expressément ou taci-
aux nouvelles réalités commerciales. tement) les autres lois qui peuvent avoir
Cette problématique inquiète de plus en un lien avec le contrat et de définir elles-
plus les législateurs dans le monde. Par mêmes la loi applicable dans certains
conséquent, et en l’absence de normes cas, en écartant par conséquent la loi
internationales (conventionnelles) uni- désignée par l’ordre juridique du for. Elle
formisantes, les législations les plus a pour fondement la liberté individuelle
modernes ont mis en place des méca- de la personne, c’est-à-dire la liberté que
nismes de solutions parfois hétérogènes. les individus ont d’agir comme ils l’en-
tendent, que ce soit pour des questions
En France, tout au long du XIXe siècle, la liées à leur propre personne ou aux actes
Cour de cassation faisait application de de commerce 7. Il y a encore des juristes
la loi du lieu de conclusion du contrat à tels qu’Erik Jayme qui, en allant plus loin,
l’ensemble des conditions de fond et de justifient l’autonomie de la volonté sur les
forme 3. La désignation de la loi du lieu principes des droits de l’homme 8.
Laisser les contractants désigner direc- moins favorable aux négociateurs, sont
tement la loi qui régira leur accord également des facteurs qui s’ajoutent à la
revient en fait à leur reconnaître une justification de l’acceptation du principe de
prérogative distincte de celle admise par l’autonomie de la volonté 10.
les droits nationaux des contrats. Cette
prérogative est due à la multiplicité des Si le renversement de la soumission
moyens de communication actuels et à volontaire au profit de l’admission de la
la pluralité des législations existantes volonté des parties en matière contrac-
autour du monde, ce qui permet aux tuelle s’est opéré dans la doctrine et la
parties de choisir en toute sécurité la loi jurisprudence européenne à partir de la
applicable (c’est-à-dire, la norme objec- fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle,
tive) qui s’appliquera dans leur relation les pays d’Amérique latine se sont mon-
contractuelle, évidemment sans préju- trés plus réticents à accepter le principe
dice des lois de police et des normes de l’autonomie : tandis que la plupart
d’ordre public qui pourraient se voir d’entre eux, comme le Brésil, ont, dans
appliquées dans chaque cas d’espèce 9. un premier temps, adopté comme règle
de rattachement le lieu de la conclu-
L’acceptation de l’autonomie de la volonté sion pour déterminer la loi applicable
est justifiée par différents facteurs. Outre aux contrats, les pays de la région du
la préservation de la volonté des parties, le « Plata » (l’Argentine, l’Uruguay et le
bénéfice économique résultant de la sécu- Paraguay) ont, quant à eux, adopté, dans
rité juridique portée par le choix préalable un premier temps, le critère du lieu
de la loi applicable et le soutien à l’ex- d’exécution, d’influence savignienne 11.
pansion du commerce international, qui En tout état de cause, la majorité de ces
ne subira pas les règles d’une législation pays ne mentionnait pas expressément
429
de la volonté des parties dans les contrats internationaux entre personnes privées”] – reste la liberté de l’individu
reconnue par les diverses chartes et déclarations qui énoncent les droits fondamentaux de l’homme. Le droit à la
pleine expression de la personnalité comprend également la sphère économique ; ainsi chaque personne doit-elle
avoir le droit d’utiliser ses capacités pour atteindre le bien-être matériel. Cette liberté n’est pas, pourtant, illimitée
puisque l’article 29, paragraphe 1, de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 déc. 1948) précise que :
“L’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa person-
nalité est possible”. La légitimation de l’autonomie de la volonté des parties est donc la liberté des individus dans
leurs affaires personnelles et commerciales, reconnue par les États. Le libre choix de la loi du contrat n’est pas
seulement un facteur objectif localisateur auquel les États attribuent un rôle primordial pour la détermination
de la loi applicable. Il s’agit aujourd’hui d’un principe fondé sur les droits de l’homme » (traduction libre).
(9) Cf. M.-E. Ancel, P. Deumier et M. Laazouzi, Droit des contrats internationaux, Sirey, 2017, p. 152.
(10) Cf. B. Audit et L. d’Avout, op. cit., p. 216 ; P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, 11e éd., LGDJ, 2014,
spéc. no 733.
(11) Savigny, éminent juriste allemand, fut le précurseur de l’idée selon laquelle le rattachement du contrat est la loi
du lieu d’exécution, ou plutôt que le rattachement de chacune des obligations nées du contrat est la loi du lieu
de son exécution spécifique. Pour la détermination du lieu du « siège de l’obligation », qui pour lui était celui
de l’exécution, Savigny s’explique de la manière suivante : « le lieu de l’accomplissement est toujours déterminé
par la volonté directe des parties ; cette volonté peut être expresse ou tacite ; dans les deux cas, elle détermine
la juridiction spéciale de l’obligation, juridiction qui dès lors résulte toujours de la soumission libre ». Si le lieu
d’exécution n’est pas déterminé dans le contrat et si les circonstances accessoires du contrat ne permettent
pas de croire que les parties aient voulu placer l’exécution de l’obligation dans le lieu où elle prend naissance,
Savigny affirme que : « En l’absence de toute indication d’un lieu d’exécution, il faut admettre que le débiteur
accomplira l’obligation en son domicile, où il doit toujours revenir. Ainsi donc ce cas se juge précisément comme
si le débiteur eût fait le contrat, non en voyage, mais dans son propre domicile ». Pour les contrats conclus à
distance, il affirme « Le cas le plus douteux et le plus contesté est celui d’un contrat par correspondance. On
doit mettre absolument sur la même ligne le cas où un contrat résulte d’actes signés dans des lieux différents,
ou de déclarations orales de volonté faite par l’intermédiaire d’un messager. Je ne puis que répéter ici ce que
j’ai dit au sujet de la juridiction. Le contrat par correspondance est réputé fait dans le lieu où la première lettre
a été reçue, et suivie d’une réponse affirmative. Si l’on ne devait pas avoir égard à d’autres circonstances, ce
lieu déterminerait ainsi le droit local ; et telle est effectivement l’opinion de plusieurs auteurs. Mais on doit la
rejeter ; car l’expéditeur de la lettre peut tout au plus se comparer à un voyageur qui se transporte momenta-
nément auprès de l’autre partie pour faire le contrat ; et lors même que le contrat se réaliserait, cette résidence
passagère ne saurait fonder le siège de l’obligation avec ses conséquences juridiques. Ainsi donc, en pareil cas,
le droit local de l’obligation se détermine d’abord par le lieu de l’exécution, s’il y en a un de fixé ; et s’il n’y en
a pas, chacune des parties demeure soumise au droit de son domicile ». V. M.F.C. Savigny, Traité de droit romain,
traduit de l’allemand par M. Ch. Guenoux, 2e éd., Librairie de Firmin Didot Frères, Fils et C., 1860, p. 208-254.
(12) Pour des éléments de droit comparé, v. not., dans la doctrine de langue française : M. M. Albornoz, La loi
applicable aux contrats internationaux dans les pays du Mercosur, th. dactyl., Université Paris II, 2006 ; F. Vieira
da Costa Cerqueira, Proposition d’un système dualiste de détermination de la loi applicable aux contrats inter-
nationaux dans l’espace juridique du Mercosur, th. dactyl., Université de Strasbourg, 2010.
(13) Par contrats internationaux, nous comprenons les contrats liés à plus d’un ordre juridique, soit en raison du
domicile ou de la nationalité des parties, du lieu de conclusion, du lieu d’exécution ou de tout autre élément
d’extranéité. V. V. de Oliveira Mazzuoli, op. cit., p. 359-360 ; et J. Dolinger, Contratos e obrigações no direito
internacional privado, Rio de Janeiro, Renovar, 2007, p. 483-485.
(14) Le règlement Rome I énonce même, dans son considérant 11, que la liberté des parties de choisir le droit appli-
cable devrait constituer « l’une des pierres angulaires » du système de règles de conflit de lois en matière d’obli-
gations contractuelles. En raison des dispositions de ce règlement, les parties ont une liberté quasi totale en ce
qui concerne le choix de la loi applicable, sous réserve, bien sûr, du respect de l’ordre public international et des
lois de police du for. Les parties peuvent, ainsi, choisir toute loi, indépendamment du fait que celle-ci présente
des liens objectifs avec le contrat. Le plus souvent, les parties choisissent une loi en rapport avec le contrat (par
exemple, la loi du lieu d’exécution du contrat), mais les parties n’en ont pas l’obligation : elles peuvent choisir
une loi « neutre », qui prévoit un régime plus adapté à la nature de l’opération, sans que celle-ci n’ait aucun
lien avec le contrat (par exemple, le droit anglais pour un contrat entre une partie française et une autre partie
espagnole). D’autre part, les parties ont même la possibilité de choisir plusieurs lois applicables selon la technique
du « dépeçage », en soumettant une partie du contrat à une loi et l’autre partie (ou l’autres parties), à une loi
différente (ou à des lois différentes) : en ce sens, v. B. Audit, L. d’Avout, op. cit., spéc. no 1032 ; comp., avec des
nuances : P. Mayer et V. Heuzé, op. cit., no 748 ; D. Bureau, H. Muir Watt, Droit international privé, PUF, Thémis,
4e éd., 2017, no 897.
(15) V., V. de Oliveira Mazzuoli, Actualités du droit international privé au Brésil, Revista de Direito Público, Lisbonne,
vol. 19, 2018, p. 161-162.
(16) F. C. Pontes de Miranda, La conception du droit international privé d’après la doctrine et la pratique au Brésil,
Rec. des Cours, vol. 39, 1932, p. 649.
(17) J. Dolinger, op. cit., p. 66.
(18) Le principe locus regit actum était depuis longtemps incorporé au droit brésilien. Une vieille disposition des
Ordonnances du roi Philippe II promulguée en 1603 (L. 3, tit. 59, § 1) et qui avait été recueillie déjà dans des
compilations antérieures, établissait que « dans les contrats célébrés à l’étranger, on doit observer le droit com-
mun du lieu où ces contrats auront été célébrés » (traduction libre). V. R. Octavio, Droit international privé dans
la législation brésilienne : Cours professé à la Faculté de Droit de l’Université de Paris, Recueil Sirey, 1915, p. 139.
(19) H. Valladão, Direito internacional privado, vol. I., 3e éd., Rio de Janeiro, Livraria Freitas Bastos, 1971, p. 184.
(20) Selon Rodrigo Octavio « il faut tenir compte que, dans l’expression exécutable, on ne comprend pas tout contrat
qui pourrait être cause d’une question judiciaire au Brésil. On a entendu que, pour que la disposition soit
appliquée, il faut que le contrat soit nécessairement, par son objet même, réalisé, exécuté, compris au Brésil ».
V. R. Octavio, op. cit., p. 138 ; selon la doctrine brésilienne, l’expression « exécutables au Brésil », se réfère, en
réalité, aux obligations qui sont de fait exécutées au Brésil. C’est donc une question de exequibilidade et non
de acionabilidade. L’acionabilidade, selon les auteurs, concerne l’autorité qui jugera l’affaire, c’est-à-dire au
forum de l’action et non celui de l’obligation. V. V. de Oliveira Mazzuoli, op. cit., p. 365 ; et H. Valladão, Direito
internacional privado, vol. II, Parte Especial : conflitos de leis civis, Rio de Janeiro, Freitas Bastos, 1973, p. 190.
(21) « Art. 4º Os contratos comerciais, ajustados em País estrangeiro mas exequíveis no Império, serão regulados e
julgados pela Legislação Comercial do Brasil ; « Art. 5º Presumem-se contraídas conforme a Legislação do Brasil
as dívidas entre Brasileiros em País estrangeiro ». Brasil, décr. nº 737 du 25 nov. 1850.
(22) H. Valladão, op. cit., p. 174.
(23) J. Samtleben, Teixeira de Freitas e a autonomia das partes no direito internacional privado latino-americano,
Revista de informação legislativa, Brasília, a. 22, n. 85, 1985, p. 257-276.
(24) V. supra note 11.
(25) Cf. J. Samtleben, art. préc., p. 265 ; et H. Valladão, op. cit., p. 366.
(26) Cependant ses études ont servi de base pour le code civil argentin de 1869 de Dalmacio Velez Sarsfiled et égale-
ment pour le projet de code civil de l’Uruguay de Tristán Narvaja de 1910. Pour plus d’information, v. J. Samtle-
ben, art. préc., p. 257-276 ; H. Valladão, op. cit., p. 172-184 ; et I. Strenger, Direito internacional privado, 4e éd.,
São Paulo, LTr, 2000, p. 282-283.
(27) J. Samtleben, art. préc., p. 269.
(28) Un mouvement très important pour la codification du droit international privé sur le continent américain a
consisté en la constitution de la Commission internationale de jurisconsultes, embryon de l’actuelle Commission
même année. En ce qui concerne plus une année plus tard, en 1916 30. Il ajoute
précisément les contrats internationaux, que ces restrictions ne s’appliquaient
le projet a adopté de manière expresse qu’aux nationaux brésiliens à l’étranger :
l’autonomie de la volonté, réalisant un « Les actes passés à l’étranger par des
choix pionnier, qui sera repris beaucoup étrangers seront valables au Brésil, lors-
plus clairement par la suite dans les qu’ils auront été faits dans la forme usi-
conventions internationales, en particu- tée dans le lieu de la célébration, parce
lier dans le code Bustamante. que, pour tous autres que les Brésiliens,
la règle locus regit actum prévaut dans
José Antonio Pimenta Bueno, en 1863, son intégrité » 31.
était le premier juriste brésilien à publier
une œuvre exclusivement dédiée au droit Octávio semble accueillir le principe
international privé au Brésil (et le seul de l’autonomie de la volonté en ce qui
à se dédier exclusivement à la matière concerne la substance et les effets du
au XIXe siècle dans le pays). Influencé contrat, dès lors que ce choix respecte
par le courant territorialiste, il semble l’ordre public du for (avec l’exception
être contre l’idée de l’autonomie de la pour les contrats passés à l’étranger
volonté. Selon lui, le principe qui régit par des Brésiliens ou exécutés au Brésil,
les contrats est, d’une part, le locus regit pour lesquelles la loi brésilienne doit être
actum pour les questions de forme et de obligatoirement applicable) : « En outre,
substance et, d’autre part, la loi du lieu la disposition brésilienne laisse ouvert
d’exécution pour les effets du contrat, ce le champ à l’intervention de la volonté,
qui ne laisse pas de place à l’autonomie tout en respectant le principe de l’auto-
de la volonté des parties 29. nomie. Évidemment, si elle respecte les
lois territoriales rigoureusement obliga-
Rodrigo Octávio, juriste internationa- toires, basées sur des raisons d’ordre 433
liste et ancien juge du Tribunal suprême public, les parties contractantes, ou ceux
fédéral, le « Supremo Tribunal Fede- qui font des actes unilatéraux peuvent
ral » (STF), en écrivant sous l’empire déterminer la loi régulatrice du fond
des ordonnances et du règlement 737 et des effets de l’acte. À défaut d’une
de 1850, affirme également que « le manifestation positive et valable dans
législateur, en admettant d’une façon ce sens, la substance et l’effet des obli-
générale la règle locus regit actum, a gations qui découlent des contrats ou
voulu la concilier, par rapport aux Brési- des déclarations unilatérales de volonté,
liens, avec le principe de la subordination entre personnes vivantes, sont réglés
aux lois nationales ». Il affirme, dans par la loi du lieu de la célébration des
son cours dispensé à la Faculté de Droit actes, sauf violation du droit national des
de l’Université de Paris en 1915, que parties contractantes ou des dispositions
quelques restrictions avaient été éta- d’ordre public de la loi territoriale. L’exé-
blies dans la législation brésilienne, mais cution de ces obligations dépend de la loi
qui étaient vouées à disparaître avec la du lieu d’exécution.
rédaction du nouveau code civil publié
juridique interaméricaine, organe de l’OEA, siégeant au Brésil, à Rio de Janeiro. Au début de ses activités, la
Commission avait comme mission l’élaboration de deux codes : un sur le droit international public, attribué à
Epitácio Pessoa, et le deuxième, sur le droit international privé, de responsabilité de Lafayette Rodrigues Pereira.
Tous deux furent présentés à la réunion de la Commission des jurisconsultes, réunie à Rio de Janeiro en 1912,
laquelle détermina la formation de deux sous-commissions pour procéder à l’analyse desdits projets. Cependant,
les projets n’ont pas eu une grande répercussion et furent abandonnés au moment de la Première Guerre
mondiale. Les réunions du groupe furent rétablies seulement en 1927, à Rio de Janeiro, occasion à laquelle fut
présenté le code Bustamante.
(29) J. A. P. Bueno, Direito Internacional Privado, Rio de Janeiro : Typographia Imp. e Const. de J. Villeneuve, 1863,
p. 112-113.
(30) R. Octavio, op. cit., p. 139-140.
(31) R. Octavio, op. cit., p. 142-143.
Ces principes sont admis chez nous ; limite de cette liberté, selon Beviláqua,
cependant, par rapport aux contrats était l’offense à l’ordre public du for :
passés à l’étranger, la loi établit des « L’opinion correcte me semble être
restrictions, non seulement en déclarant celle qui dans un premier temps, recon-
que sont présumées contractées selon naît l’autonomie de la volonté. Certes,
la loi brésilienne les obligations entre cette autonomie ne veut pas ériger la
des Brésiliens à l’étranger, mais aussi volonté de l’individu en tant que force
en stipulant que seront réglés et jugés dominatrice, capable d’échapper aux
selon les lois brésiliennes les contrats dispositions de la loi. Au contraire. La
conclus à l’étranger, mais qui, par leur volonté individuelle, pour être capable
objet, sont exécutables au Brésil » 32. de produire des effets juridiques, doit se
placer sous l’égide de la loi qui enlève
Le premier code civil brésilien a finale- toute son efficacité sociale. De cette
ment été publié (Loi 3.071, du 1er janv. façon, l’ordre public empêche que cette
1916), en 1916, après seize ans de dis- volonté produise des effets juridiques qui
cussions autour du projet présenté par soient contraires à ses prescriptions. (…)
le juriste brésilien Clovis Beviláqua,
en 1899. Le code réglementait dans sa En respectant ses limites naturelles et en
partie introductive le droit international agissant conformément à la loi, la volonté
privé brésilien. À l’article 13 de l’in- est une source d’obligations convention-
troduction du code, il était prévu que : nelles et unilatérales et, par conséquent, il
« Sauf stipulation contraire, la loi du lieu est autorisé, dans les relations internatio-
de conclusion régira la substance et les nales, de choisir la loi qui subordonne les
effets des obligations ». Dans un para- obligations librement assumées. Cepen-
graphe unique, cet article fixait quelques dant, comme dans l’obligation, l’analyse
434 cas exceptionnels dans lesquels seule juridique distingue parfaitement le contenu,
la loi brésilienne serait applicable : les les effets et l’exécution, et la volonté peut
contrats exécutés au Brésil, les obli- s’appliquer seulement aux deux premiers
gations contractées par des brésiliens [contenu et effets du contrat]. L’exécution
à l’étranger, les actes relatifs à des appartient naturellement au domaine de la
immeubles situés au Brésil ou au régime loi du lieu où l’obligation s’exécute. D’autre
hypothécaire brésilien 33. part, la volonté peut ne pas être expri-
mée, mais doit être clairement induite par
Clovis Beviláqua se proclamait favo- des présomptions. Cependant, celles-ci ne
rable au principe de l’autonomie de la peuvent être laissées au libre arbitre du
volonté en matière contractuelle, qui, juge, il est raisonnable que la loi ou la doc-
selon lui, pouvait être manifestée de trine les fixe. (…)
manière expresse ou encore de manière
tacite. Cependant, il estimait que cette En conclusion : la substance et l’effet
liberté de choix de la loi était restreinte des obligations découlant des contrats et
au contenu du contrat et à ses effets, ne des déclarations unilatérales de volonté
s’appliquant pas à son exécution. En ce sont régis par la loi du lieu où les actes
qui concerne l’exécution des contrats, la qui étaient à leur origine ont été prati-
loi du lieu d’exécution du contrat devait qués, sauf disposition contraire [volonté
s’appliquer. Selon l’auteur du premier des parties], violation du droit national
code civil brésilien, la liberté de choix de des parties contractantes ou de l’ordre
la loi ne serait pas non plus absolue : la public. L’exécution desdites obligations
La plupart des auteurs, tels que Tito Cette nouvelle loi (décr.-loi 4678/1942)
Fulgêncio, Eduardo Espínola et Álvaro da a, d’une part, maintenu le système de
Costa Machado Villela, étaient favorables la lex loci celebrationis mais, d’autre
à l’autonomie de la volonté, cependant part, a éliminé l’expression : « sauf sti-
seulement en ce qui concerne la subs- pulation contraire », qui était présente 435
tance et les effets du contrat (des matières dans l’ancienne introduction au code
considérées comme des matières « sup- civil. L’article est passé, par conséquent,
plétives » pour lesdits auteurs) 35. à la rédaction suivante :
D’autre part, encore plus prohibitif, « Art. 9. Pour qualifier et régir les obli-
Pontes de Miranda, un des plus émi- gations, sera applicable la loi du pays
nents juristes brésiliens, était claire- dans lequel celles-ci sont constituées.
(34) C. Beviláqua, Direito internacional privado, Campinas, Red Livros, 2002, p. 259 s. (traduction libre).
(35) Tito Fulgêncio, juriste et professeur à l’Université de Minas Gerais, était favorable à l’autonomie de la volonté en
ce qui concerne la substance et les effets du contrat : « les actes juridiques volontaires, notamment les contrats,
sont régis du point de vue de leur substance et de leurs effets par les lois que les parties ont eu l’intention
de choisir ». Selon lui, quand ce choix n’était pas exprimé par les parties, l’on présume que les parties ont eu
l’intention de choisir la loi du lieu de conclusion du contrat ; Eduardo Espínola, lui aussi juriste et ancien juge
du STF, accepte expressément la loi d’autonomie en matière contractuelle, cependant « seulement en ce qui
concerne les matières de caractère supplétif ». Il critique fortement l’article 13 de l’introduction au code civil
de 1916, en affirmant que, selon sa rédaction, nous pourrions conclure que le principe général adopté est celui
de l’autonomie de la volonté (tant pour les normes supplétives que pour celles impératives), d’autant que, en
réalité, selon lui, la loi applicable, en tout ce qui concerne (i) les matières impératives, est obligatoirement celle
du lieu de la conclusion du contrat (la lex loci celebrationis), laquelle ne peut pas déroger au libre choix des
parties et, seulement (ii) pour les règles supplétives ou interprétatives, la loi choisie par les parties s’appliquerait,
et, en cas d’absence de choix, la lex loci celebrationis reste applicable. En se fondant sur les idées d’Álvaro da
Costa Machado Villela, auteur portugais qui a également écrit sur le droit international privé brésilien et qui était
aussi partisan de la théorie objective, conclut que l’expression « sauf stipulation contraire » de l’article 13 doit
être comprise comme « dans la mesure où une stipulation contraire peut avoir lieu ». V. T. Fulgêncio, Synthesis
de direito internacional privado, Rio de Janeiro, Freitas Bastos, 1937, p. 145 ; et E. Espinola, Elementos de direito
internacional privado, Rio de Janeiro, Jacintho Ribeiro dos Santos, 1925, p. 655-661 (traduction libre).
(36) Il s’en expliquait de la manière suivante : « Car, dans la partie impérative il y aurait une loi applicable qui, par
une étrange démission de soi-même, pourrait conférer à la volonté le pouvoir de défaire cette impérativité,
c’est-à-dire qu’il y aurait un impératif qui se nie lui-même, qui devient dispositif. Une fois les limites de l’auto-
nomie fixées par la loi applicable, il n’y a pas, à l’intérieur d’elles, de choix de loi, il y a la loi (ou autre chose :
loi révoquée, page d’un livre, memorandum, lettres) qui constitue le contenu, la citation, la partie intégrante
d’un vouloir. ». V. F. C. Pontes de Miranda, op. cit., p. 649 (traduction libre).
§ 1. Si l’obligation est destinée à être les parties n’ont pas la liberté de choisir
exécutée au Brésil et si elle dépend le droit qui régira leurs contrats, mais la
d’une forme essentielle, celle-ci sera liberté de transiger et/ou de contracter,
observée, en admettant, toutefois, les toujours en observant les normes du
particularités de la loi étrangère en ce lieu de conclusion du contrat 38. Selon de
qui concerne les exigences extrinsèques Castro, la liberté des parties, en matière
de l’acte. contractuelle, concerne seulement le
§ 2. L’obligation qui découle du contrat choix du lieu où elles désirent contracter
se répute constituée dans le lieu de rési- et non le choix de la loi applicable pro-
dence de l’offrant » (traduction libre) 37. prement dit 39. Il affirme que le principe
de l’autonomie de la volonté en droit
Cet article a partagé la doctrine brési- international privé est « illusoire » et
lienne : pendant que d’aucuns défen- « absurde » et arrive même à affirmer
daient une lecture stricte du texte, en qu’au XVIe siècle, Dumoulin aurait été
rejetant l’autonomie de la volonté (ou « le responsable de l’erreur commise
l’acceptant seulement dans la mesure par les juristes des XVIIIe et XIXe siècle
où un tel choix était permis par la loi d’avoir introduit l’idée de l’autonomie de
désignée par la règle de conflit du for), la volonté dans le domaine du droit inter-
d’autres ont estimé que l’on pouvait national privé » 40. Il ajoute que la volonté
se permettre une certaine liberté par dite « tacite » n’existe pas non plus car,
rapport à ce principe, dès lors que cela selon lui, « en droit, sans manifestation
n’avait aucune incidence sur un principe il n’y a pas de volonté et il est impossible
juridique antérieurement accepté. de concevoir une volonté présumée » 41.
Suivant ses idées, si la volonté n’est pas
Parmi les auteurs qui se sont manifes- exprimée par des « mots », pour qu’elle
436 tés contre cette acceptation, nous pou- soit considérée comme volonté tacite il
vons évoquer Amilcar de Castro, Oscar faut qu’au moins il y ait des « gestes,
Tenorio, Nadia de Araujo et Maristela attitudes ou signes indubitables de la
Basso, aujourd’hui dans une position volonté des parties » 42.
minoritaire.
Nadia de Araujo et Maristela Basso sou-
Selon Amilcar de Castro, juriste et ancien tiennent également l’idée selon laquelle
professeur à l’Université fédérale de le nouvel instrument ne permet pas
Minas Gerais au Brésil, il n’y a pas d’auto- une interprétation favorable du principe
nomie de la volonté, mais, en réalité, une de l’autonomie de la volonté. Pour la
« liberté conçue pour le droit, et, pour- première, « contrairement à l’utilisation
tant, limitée pour celui-ci ». Selon lui, généralisée du principe dans les pays
(37) « Art. 9. Para qualificar e reger as obrigações, aplicar-se-á a lei do país em que se constituírem. § 1º Destinan-
do-se a obrigação a ser executada no Brasil e dependendo de forma essencial, será esta observada, admitidas
as peculiaridades da lei estrangeira quanto aos requisitos extrínsecos do ato. § 2º A obrigação resultante do
contrato reputa-se constituída no lugar em que residir o proponente ».
(38) A. de Castro, Direito internacional privado, 5e éd., Rio de Janeiro, Forense, 1999, p. 443-444 (traduction libre).
(39) A. de Castro, op. cit., p. 443-444.
(40) A. de Castro, op. cit., p. 438 (traduction libre).
(41) A. de Castro, op. cit., p. 442 (traduction libre).
(42) En interprétant l’article 9 de la LINDB, de Castro affirme que, pour les contrats conclus au Brésil, la loi brésilienne
doit être forcément observée, tant pour les questions de forme que pour celles liées au fond. Il critique forte-
ment le paragraphe second de l’article 9 en soutenant qu’il n’est pas proprement une règle de droit international
privé, mais plus une règle de droit privé interne. Il ajoute encore que comme « résidence de l’offrant » nous
ne devons pas comprendre le domicile ou la résidence habituelle de l’offrant mais bien « le lieu où l’offrant se
trouve » au moment de l’offre. D’un autre côté, pour les contrats conclus à l’étranger, il semble que de Castro
soutient l’idée selon laquelle la validité de la clause du choix de la loi applicable doit être analysée selon le
droit de l’État de l’exécution du contrat. Il donne l’exemple suivant : deux anglais, domiciliés en Italie, passent
un contrat à Rome, exécutable entièrement en Allemagne et décident de l’application du droit suisse. La clause
l’élection du droit applicable serait-elle valable ? Il répond : seulement dans la mesure où le droit allemand (du
lieu d’exécution du contrat) l’accepte. V. A. de Castro, op. cit., p. 442-447.
européens, la situation au Brésil n’a pas civil brésilien (y compris pour les contrats
évolué », dès lors que l’article 9 de la loi conclus au Brésil), l’article 9 du nouvel ins-
brésilienne de droit international privé trument a interdit la loi d’autonomie pour
(LINDB) ne mentionne pas le principe les contrats conclus dans le pays. Selon
de la liberté de choix et, que, bien que lui, la liberté de choisir la loi applicable au
de nombreux juristes se manifestent en contrat n’est autorisée que de façon indi-
sa faveur, le principe n’est pas accepté recte, c’est-à-dire lorsque la loi du lieu de
de manière expresse dans notre légis- conclusion du contrat l’accueille 45.
lation 43. D’ailleurs, Maristela Basso,
affirme que dès lors que l’article 9 Bien que les auteurs visés ci-dessus aient
prévoit que la loi applicable au contrat des difficultés à concevoir l’acceptation de
international est celle de l’État dans la loi d’autonomie dans la législation bré-
le territoire duquel il a été constitué, silienne, la position actuellement et majo-
et que son paragraphe second ajoute ritairement prise, que nous partageons,
que l’obligation résultant du contrat est est celle selon laquelle ce principe a été
considérée constituée « dans le lieu de valablement réceptionné par la LINDB,
résidence de l’offrant », il faut conseil- de façon autonome et directe, même si
ler aux contractants de conclure leur cela n’est pas mentionné expressément.
contrat dans le pays dont ils souhaitent Parmi les juristes qui partagent cette
voir la loi appliquée, pour que ce choix idée, nous pouvons mentionner Eduardo
soit reconnu valable par des cours bré- Espínola, Eduardo Espínola Filho, Wilson
siliennes, notamment dans le cas des de Souza Campos Batalha, Haroldo Val-
contrats conclus entre absents (choix ladão, Jacob Dolinger, Irineu Strenger et
indirect de la loi applicable par le choix Luiz Olavo Baptista.
du lieu de conclusion) 44.
D’entre les auteurs favorables au prin- 437
Oscar Tenório, pour sa part, soutient cipe, quelques-uns ont continué à faire
une position moyenne : il comprend que la différence entre les matières dites
l’article 9 de la LINDB n’a pas vraiment supplétives et les matières impératives.
exclu l’autonomie de la volonté. Elle serait Entre eux, nous pouvons mentionner
considérée comme valable au Brésil seu- Eduardo Espínola, Eduardo Espínola Filho
lement si cette autonomie est acceptée et Wilson de Souza Campos Batalha,
dans le pays où l’obligation a été conclue. selon lesquels l’autonomie de la volonté
Selon lui, bien que la loi d’autonomie ait serait admise, mais seulement en ce qui
été admise par l’article 13 de l’ancien code concerne les matières supplétives 46.
(43) N. de Araújo, Direito internacional privado : teoria e prática brasileira, 2e éd., Rio de Janeiro, Renovar, 2004,
p. 268-269 (traduction libre).
(44) Elle constate que même si la loi ne peut pas être choisie directement, elle pourra l’être de manière indirecte (par
la voie du choix du lieu de conclusion). Or, si les parties souhaitent appliquer la loi française à leur contrat, par
exemple, elles pourront établir que les négociations et la conclusion du contrat se réalisent en territoire français,
de sorte que le « choix de la loi » soit considéré comme valable au sens de l’article 9 visé ci-dessus. Quant au
paragraphe premier de l’article 9, Basso rappelle que ce paragraphe affirme que les obligations exécutées au
Brésil et qui dépendent d’une condition de forme essentielle pour être valables, seront régies uniquement par
la loi brésilienne. Selon Basso, ce paragraphe consacre en même temps les règles lex loci contractus et lex loci
executionis. Elle rappelle aussi que pour que cette disposition s’applique, les deux critères doivent être remplis :
le lieu d’exécution et la condition de forme essentielle (de nature obligatoire). Cependant, cet article adopte
une certaine souplesse : la loi étrangère s’appliquera en ce qui concerne les autres exigences « extrinsèques »
(de forme) de l’acte. Il serait admis, ainsi, selon, elle, un certain type de dépeçage. V. M. Basso, Curso de direito
internacional privado, 4e éd., São Paulo, Atlas, 2014, p. 253-255.
(45) Pour conclure son raisonnement, Tenório affirme que « les obligations conclues au Brésil ne peuvent pas per-
mettre l’autonomie de la volonté. Nonobstant, une obligation conclue à l’étranger pourra être régie par le droit
brésilien si la loi du pays de conclusion du contrat admet l’autonomie da la volonté et les parties optent pour
choisir la loi brésilienne ». V. O. Tenório, Direito internacional privado, 7e éd., Rio de Janeiro, Livraria Freitas
Bastos, 1962, p. 181-182 (traduction libre).
(46) Eduardo Espínola et Eduardo Espínola Filho, en écrivant sur le code civil de 1942, ont maintenu le même rai-
sonnement soutenu par le premier Espínola à l’occasion de ses commentaires du code civil de 1916 : la loi de
Haroldo Valladão, pour qui le droit bré- rement à la capacité des parties, en
silien a toujours accueilli l’autonomie de matière de famille, de succession ou
la volonté comme principe régissant les d’affaires portant sur des biens immo-
obligations contractuelles (comme forme biliers –, les parties disposent d’autono-
de choix direct de la loi applicable) 47, mie pour désigner le système juridique
estime que même si l’autonomie ne auquel ils souhaitent soumettre leurs
figure pas dans l’article 9 de la LINDB, obligations » 50.
un principe de base comme celui-ci
ne peut pas disparaître par omission, Irineu Strenger, juriste et ancien profes-
de sorte que, selon lui, il continuerait seur à l’Université de São Paulo, qui au
d’être en vigueur, malgré le manque de départ était favorable à la loi de l’auto-
référence expresse. En effet, il affirme nomie seulement quand la loi désignée
qu’une telle exclusion était la consé- par la règle de rattachement du for l’ac-
quence du fait que cette expression était cepte 51, finit, quelques années plus tard,
interdite par le régime dictatorial qui par l’accepter de manière plus générale,
dirigeait le pays à l’époque 48. en affirmant que : « L’autonomie de la
volonté en tant que principe doit être
Un autre défenseur de l’autonomie de soutenue, non seulement en tant qu’élé-
la volonté est Jacob Dolinger. Dolinger ment de la liberté générale, mais égale-
affirme qu’en matière d’obligations, les ment en tant que ce pilier de la liberté
systèmes juridiques se divisent entre le juridique qu’est le pouvoir insurpassable
rattachement de la lex loci contractus de l’homme de créer par un acte de
et celle de la loi du pays où l’obligation volonté une situation juridique, dès lors
doit être exécutée, mais que, au-dessus que cet acte a un objet licite » 52.
de ces règles, se trouve, « souveraine
438 et universellement respectée », l’au- Luiz Olavo Baptista accepte lui aussi le
tonomie de la volonté 49. Pour lui, « en principe de l’autonomie de la volonté,
droit international privé, lorsqu’il s’agit mais affirme qu’il ne s’applique pas à
de situations contractuelles internatio- tous les aspects du contrat. Le principe
nales, qui peuvent être régies par l’un serait acceptable dès lors que certaines
ou l’autre système juridique – contrai-
l’autonomie serait admise, mais seulement en ce qui concerne les matières supplétives. Wilson de Souza Campos
Batalha, affirme également que le Brésil adopte comme élément de rattachement la loi du lieu de conclusion
du contrat pour les questions liées à la substance et aux effets des obligations, bien qu’elle ne soit pas la seule
à régir le contrat. Il reconnaît l’existence de l’autonomie de la volonté des parties contractantes, cependant
uniquement dans le domaine des lois dispositives du droit applicable. Ainsi, selon lui, les parties peuvent exercer
cette liberté et utiliser des normes de droit étranger dans leurs contrats (en ce qui concerne leur contenu), dans
la mesure où ce choix n’est pas contraire à l’ordre public brésilien. V. E. Espínola et E. Espínola Filho, A lei de
introdução ao código civil brasileiro comentada na ordem de seus artigos, 2e éd., Rio de Janeiro, Renovar, 1995,
p. 418-420 ; et W. de Souza Campos Batalha, Tratado de direito internacional privado, 2e éd., São Paulo, Revista
dos Tribunais, 1977.
(47) Haroldo Valladão a soutenu le principe de l’autonomie de la volonté même sous l’empire du code civil de 1916,
sans faire la distinction entre dispositions supplétives ou impératives. Pour l’auteur, grand défenseur du principe,
la loi d’autonomie serait admise pour tous les aspects du contrat. V. H. Valladão, op. cit.
(48) Selon Valladão, le choix de la loi applicable peut être exprès ou tacite (il ne mentionne pas, cependant, comment
on doit rechercher cette volonté tacite des parties). Les parties peuvent encore désigner la loi applicable à une
partie seulement de leur contrat ou à sa totalité (il admet, ce faisant, le dépeçage). D’autre part, en l’absence
de choix des parties (qu’il soit exprès ou tacite), une autre règle de rattachement s’applique : la loi du lieu de
conclusion du contrat. Ainsi, pour lui, la lex loci contractus serait seulement une règle de rattachement de carac-
tère subsidiaire, étant donné que la volonté des parties est la règle de rattachement principale. V. H. Valladão,
op. cit.
(49) J. Dolinger, A evolução da ordem pública no direito internacional privado, Rio de Janeiro, Luna, 1979, p. 205
(traduction libre).
(50) J. Dolinger, Contratos e obrigações no direito internacional privado, Direito civil internacional, vol. II, Rio de
Janeiro, Renovar, 2007, p. 426 (traduction libre).
(51) I. Strenger, Da autonomia da vontade : direito interno e internacional, 2e éd., São Paulo, LTr, 2000, p. 196-199
(traduction libre).
(52) I. Strenger, Direito internacional privado, 6e éd., São Paulo, LTr, 2005, p. 615 (traduction libre).
limites sont respectées, telles que les droits des tiers). En plus de cela, bien
normes impératives et l’ordre public 53. que la législation brésilienne ne soit pas
expresse en ce sens, il ne nous semble
Pour nous, une telle liberté d’autono- pas aujourd’hui, avec l’évolution du com-
mie de la volonté des parties a toujours merce international et des conventions
été la règle en droit brésilien, qui n’a de droit uniforme, que le choix de la loi
jamais interdit son utilisation en matière par les parties soit limité au choix des
contractuelle. Cela tient à quatre motifs lois étatiques. Il est admis également
principaux : (i) le texte constitutionnel que les parties aient la liberté de choi-
brésilien de 1988 établit que « personne sir une loi non étatique pour régir leur
ne sera forcé à faire ou à ne pas faire contrat et aussi déterminer que cette
quelque chose, sauf en vertu de la loi » loi s’applique à une seule partie de ce
(art. 5, II) ; (ii) en l’absence de loi qui inter- contrat (dépeçage). Accepter une posi-
dise expressément l’application de l’auto- tion contraire nous semble aller dans la
nomie de la volonté entre les contractants direction opposée de l’évolution globale
brésiliens, sa non-reconnaissance serait du droit international privé et du com-
contraire à l’article 5, II, de la Constitution merce international. Bien évidemment,
brésilienne ; (iii) son acceptation générale cette liberté n’est pas non plus absolue,
se fonde sur une coutume acceptée par elle doit respecter quelques limites éta-
de nombreux pays (y inclus le Brésil) et, blies par la loi, notamment ceux établis
notamment, par l’Institut de droit inter- à l’article 17 de la LINDB.
national et (iv) sa reconnaissance par des
nombreuses conventions internationales Ainsi, la principale limitation de l’exer-
dont le Brésil fait partie. Au surplus, la cice de l’autonomie de la volonté dans
loi d’arbitrage brésilienne (loi 9.307/96) les contrats internationaux au Brésil
a expressément admis que « les parties découle des termes de l’article 17 de 439
puissent choisir, librement, les règles la LINDB : « Les lois, les actes et les
de droit qui seront appliquées dans l’ar- décisions étrangers, ainsi que toutes
bitrage, à condition qu’il n’y ait pas de déclarations de volonté, ne seront pas
violation des bonnes mœurs et de l’ordre efficaces au Brésil, dès lors que celles-ci
public » (art. 2, § 1), ce qui permet ainsi heurtent la souveraineté nationale,
aux parties de choisir la loi applicable à l’ordre public et les bonnes mœurs »
un contrat soumis au tribunal arbitral 54. (traduction libre).
Ainsi, dès lors que le droit brésilien De ce fait, la règle dans le domaine
n’interdit pas expressément la loi d’au- du droit des contrats est celle selon
tonomie, nous pouvons conclure à son laquelle l’autonomie de la volonté est
acceptation (quoique de forme tacite) autorisée en droit brésilien (car elle
comme élément de connexion pleine- n’est pas expressément interdite), sauf
ment valable et efficace au Brésil. En si celle-ci heurte la souveraineté, l’ordre
résumé, c’est seulement en l’absence public, les bonnes mœurs ainsi que les
de manifestation expresse ou tacite de normes de droit international public en
la volonté des parties que s’appliquera vigueur dans l’État (par ex., traités et
la règle objective de l’article 9 du lieu de coutumes internationaux) 55.
conclusion du contrat.
L’ordre public et la souveraineté sont
Le choix de la loi applicable peut être, des concepts bien connus du droit
alors, exprès ou tacite et modifié à tout international privé, notamment par des
moment (dès lors qu’il respecte les règlements européens. Mais quant aux
(53) L. O. Baptista, Dos contratos internacionais : uma visão teórica e prática, São Paulo, Saraiva, 1994.
(54) V. de Oliveira Mazzuoli, op. cit., p. 151-152.
(55) V. de Oliveira Mazzuoli, op. cit., p. 148-155.
(56) C. Beviláqua, Princípios elementares de direito internacional privado, 3e éd., Rio de Janeiro, Freitas Bastos, 1938
(traduction libre).
(57) Brésil, loi 8.078 du 11 sept. 1990. Sur la question, v. not. P. Serra Freire, Le contrat international de consommation,
comparaison franco-brésilienne, th. dactyl. Université Paris II, 2015.
(58) « Art. 5. Tous sont égaux devant la loi, sans distinction d’aucune sorte, garantissant aux Brésiliens et aux étran-
gers résidant dans le pays l’inviolabilité du droit à la vie, à la liberté, à l’égalité, à la sécurité et à la propriété :
(…) II – L’État doit promouvoir, sous la forme de la loi, la protection des consommateurs » (traduction libre).
(59) P. R. R. A. Khouri affirme également que la protection du consommateur fait partie non seulement de l’ordre
public national, mais également de l’ordre public international, raison pour laquelle les normes du code de
protection du consommateur doivent s’imposer dans une relation contractuelle internationale conclu par une
partie considérée comme consommateur. Il affirme que le propre code Bustamante qualifie les principes consti-
tutionnels comme principes d’ordre public. V. P. R. R. A. Khouri, A proteção do consumidor residente no Brasil
nos contratos internacionais, Revista de informação legislativa, Brasília, vol. 164, 2004, n. 41, p. 65-86.
(60) C. Lima Marques, Contratos no Código de Defesa do Consumidor : o novo regime das relações contratuais, 6e éd.,
São Paulo, RT, 2011, p. 134-135 (traduction libre).
En effet, la loi 9.307/96 61, loi brésilienne privé élaborées en Amérique au cours
sur l’arbitrage, prévoit à l’article 2.1 que des dernières années (les conventions de
« Les parties pourront librement choisir Montevideo, la convention de La Havane,
les règles de droit qui seront appliquées où fut adopté le code Bustamante et la
dans l’arbitrage (…) ». Les parties pourront convention de Mexico), il n’en a ratifié
également choisir des règles non étatiques qu’une : le code Bustamante, en 1929 63.
pour régir leurs contrats qui sont soumis
à l’arbitrage, comme la lex mercatoria, les Le code Bustamante, adopté à l’occa-
coutumes, les principes généraux de droit sion de la VIe Conférence américaine
et les règles internationales du commerce au sein de l’Organisation des États
(art. 2.2 de la loi 9.307/96). américains (OEA), qui a eu lieu à La
Havane, le 20 février 1928, est en vigueur
En plus de cela, la doctrine majoritaire aujourd’hui dans seize États Américains :
brésilienne affirme qu’au Brésil, même Brésil, Bolivie, Chili, Costa Rica, Cuba,
dans le cadre d’un arbitrage interne (ne Équateur, Salvador, Guatemala, Haïti,
concernant que des parties brésiliennes, Honduras, Nicaragua, Panama, Pérou,
domiciliées au Brésil, et dont l’objet est République Dominicaine, Venezuela et
un contrat conclu au Brésil pour y être plus récemment aux Bahamas 64.
exécuté), les parties pourront choisir une
loi étrangère pour régir leur contrat (en La matière des contrats internationaux
raison de l’article 2 de la loi d’arbitrage). est traitée au livre I, dédié au droit civil
En d’autres termes : les parties pour- international, titre IV sur les obligations
ront internationaliser leur contrat par le et les contrats. Aux chapitres I et II
choix d’une loi étrangère. L’autonomie dudit titre (art. 164 à 186) on trouve des
de la volonté en matière d’arbitrage est, règles portant respectivement sur les
ainsi, très large, n’ayant presque pas obligations en général et sur les contrats 441
de limites, sauf, bien sûr, dans l’hypo- en général. Le chapitre V, d’autre part,
thèse de violation de l’ordre public 62. contient des règles spécifiques sur les
Ainsi, l’acceptation de l’autonomie de la contrats de commerce. La capacité
volonté par la loi d’arbitrage brésilienne dépend de la loi personnelle (art. 176).
est une raison de plus pour justifier La loi du lieu du contrat s’impose en
l’acceptation du principe en la matière. matière d’erreur, de violence, de dol,
ainsi que de cause illicite ou licite du
contrat et de motifs de sa rescision
B – L’évolution de la doctrine au (art. 177 à 182). La nécessité de faire le
regard des règles de droit contrat dans une forme publique ou par
écrit est déterminée à la fois par la loi
international privé de source du lieu du contrat et par celle du lieu
internationale concernant la d’exécution (art. 180).
loi d’autonomie en matière
contractuelle au Brésil : une Mais, quelle est la loi applicable aux
acceptation implicite malgré contrats internationaux ? Quelle est fina-
lement la règle de rattachement choisie
l’absence d’harmonisation
par le code Bustamante ?
Bien que le Brésil ait participé à toutes À ce sujet, quelques auteurs affirment
les conventions de droit international que le code semble accueillir le principe
En cas de doutes portant sur la loi appli- Boris Nolde, juriste russe, dans le cours
cable à un contrat, afin de chercher la Codification du droit international privé
volonté implicite des parties, les articles qu’il a donné à l’Académie de droit Iinter-
185 et 186 s’appliquent : « Art. 185. À national de La Haye, en 1936, a affirmé
l’exception des règles déjà établies et que l’article 184 du code Bustamante
442 celles qui peuvent être ci-après pré- semblait accueillir le principe de l’auto-
vues pour des cas particuliers, pour nomie : « La réponse du Code est basée
les contrats d’adhésion, à défaut de sur le principe de l’autonomie. Aux termes
volonté expresse ou implicite, se pré- de l’article 184, les contrats doivent être
sume acceptée la loi du lieu de celui qui interprétés, en règle générale, conformé-
les offre ou les prépare. ment à la loi choisie par les parties. Si
cette loi est contestée et doit résulter de
Art. 186. Dans tous les autres contrats la volonté tacite des parties, les deux pré-
et pour le cas prévu à l’article pré- somptions suivantes seront appliquées :
cédent, sont applicables d’abord la loi dans les contrats d’adhésion, on présume
personnelle commune des contractants acceptée la loi de celui qui les offre ou les
et, à défaut, la loi du lieu de conclusion » prépare (185) ; dans les autres contrats
(traduction libre). on appliquera en premier lieu la loi per-
sonnelle commune aux contractants et,
Ainsi, à la simple lecture des articles à défaut, la loi du lieu où le contrat a été
visés ci-dessus, il nous semble par- conclu (186) » 66.
(65) Le code Bustamante n’a pas défini le concept de « loi personnelle ». Le code a laissé (art. 7) à chaque État par-
tie la tâche de définir, selon son droit interne, quel serait le critère utilisé pour déterminer le statut personnel
(nationalité, domicile, résidence habituelle, entre autres). Dans le cas du Brésil, la « loi personnelle » doit être
entendue comme la loi du domicile (LINDB, art. 7). Pour en savoir plus, v. V. de Oliveira Mazzuoli, op. cit., p. 66 s.
(66) B. Nolde, Codification du droit international privé, Rec. des Cours, vol. 55, 1936, p. 365. Pour les articles mention-
nés par l’auteur : « Art. 184. La interpretación de los contratos debe efectuarse, como regla general, de acuerdo
con la ley que los rija. Sin embargo, cuando esa ley se discuta y deba resultar de la voluntad tácita de las partes,
se aplicara presuntamente la legislación que para ese caso se determina en los artículos 185 y 186, aunque eso
lleva a aplicar al contrato una ley distinta como resultado de la interpretación de voluntad ; Art. 185. Fuera
de las reglas ya establecidas y de las que en lo adelante se consignen para casos especiales, en los contratos
de adhesión se presume aceptada, a falta de voluntad expresa o tácita, la ley del que los ofrece o prepara ;
Art. 186. En los demás contratos y para el caso previsto en el artículo anterior, se aplicará en primer término la
ley personal común a los contratantes y en su defecto la del lugar de la celebración ».
(67) A. S. Bustamante y Sirven, Derecho international privado, t. II, 3e éd., La Havane, Cultural, 1943, p. 175 (traduc-
tion libre).
(68) H. Valladão, op. cit., p. 199.
(69) I. Strenger, Da autonomia da vontade : direito interno e internacional, op. cit., p. 201. L’article 166 du code
Bustamante établit que « Les obligations découlant des contrats ont force de loi entre les parties contractantes
et doivent être respectées conformément à celles-ci, à l’exception des limitations établies dans le présent code »
(traduction libre).
(70) N. de Araújo, Contratos internacionais : autonomia da vontade, Mercosul e convenções internacionais, 4e éd.,
Rio de Janeiro, Renovar, 2009, p. 155.
(71) V. V. de Oliveira Mazzuoli, op. cit., p. 81-82. Cependant, quelques juristes défendent l’application universelle du
code Bustamante : « Certains auteurs, cependant, comme Jürgen Samtleben, comprennent, sans raison, que le
code Bustamante a une application universelle, c’est-à-dire une valeur juridique tant pour les relations relatives
aux États parties que pour les relations avec les États non parties. Au Brésil également, le STF a appliqué par
erreur le code dans plusieurs affaires impliquant des pays européens (notamment dans des affaires d’extradition
et d’exécution de jugements étrangers). Dans l’une de ces affaires, le STF a statué que “malgré le fait que le
Portugal n’ait pas ratifié ce Code, il a été approuvé par la loi au Brésil et donc le critère qu’il a établi, concernant
la notion de loi d’ordre public national est valable (…)”. Le Code lui-même, il convient de le répéter, indique
clairement que seulement pour ses États parties il aura une valeur juridique contraignante. En tout état de cause,
comme le rappelle Dolinger, rien n’empêche que le Code soit invoqué à titre de doctrine, c’est-à-dire comme
aide à l’activité pratique du juge pour les questions impliquant des nationaux ou domiciliés dans des États qui
ne l’ont pas ratifié » (traduction libre).
(72) « Art. 175. Son reglas de orden público internacional las que impiden establecer pactos, cláusulas y condiciones
contrarias a las leyes, la moral y el orden público y la que prohíbe el juramento y lo tiene por no puesto » ;
« Art. 246. Son de orden público internacional las disposiciones relativas a contratos ilícitos y a términos de
gracia, cortesía u otros análogos ».
(73) Le Brésil a également récemment ratifié la convention de Vienne de 1980 sur la vente de marchandises (le 1er avr.
2014), en contribuant à l’élimination des incertitudes et insécurités en la matière, dès lors que cette convention
stipule des règles matérielles propres à ces types de contrats.
(74) À son article 7, la convention de Mexico dispose que « Le contrat sera régi par la loi choisie par les parties.
L’accord des parties sur ce choix doit être exprès ou, dans le cas d’absence d’accord exprès entre les parties, il
doit résulter clairement de la conduite des parties et des conditions contractuelles prises dans leur ensemble.
Ce choix peut concerner la totalité ou une partie du contrat. L’élection de for par les parties n’implique pas
nécessairement le choix de la loi applicable » (traduction libre).
(75) HCCH, Principes sur le choix de la loi applicable aux contrats commerciaux internationaux, 19 mars 2015.
(76) J.-P. Niboyet, Cours de droit international privé français, 2e éd., Sirey, 1949, p. 26.
(77) V. de Oliveira Mazzuoli, art. préc., p. 155-166.
sur un conflit entre le Brésil et un État rendu en 1981 par le STF brésilien.
non contractant, les États-Unis). Dans Un ressortissant portugais, domicilié
cette affaire, pour appliquer le principe, au Brésil, avait conclu un contrat de
la cour s’est fondée plutôt sur la doctrine prêt avec une banque luxembourgeoise
brésilienne et sur les usages et coutumes au Portugal, dont le garant était une
de droit international, en prenant comme banque portugaise. La cour, en appli-
exemple la législation européenne sur quant l’article 9 de la LINDB, conclut à
le sujet, la convention de La Haye sur la l’application de la loi portugaise (lex loci
vente de marchandises, la convention de celebrationis) en dépit de la loi anglaise,
Mexico et la loi d’arbitrage brésilienne. choisie par les parties 78.
(78) Brésil, Tribunal suprême fédéral 17 déc. 1981, Recurso Extraordinário nº 93.131-7, MG. Ministre Moreira Alves,
Brasília, DF, DJ 23 avr. 1982.
(79) Brésil, Tribunal supérieur de justice 10 mars 1998, Recurso Especial nº 97.099/RS, Ministre Eduardo Ribeiro,
Brasília, DF, DJ 15 juin 1998.
(80) Brésil, Tribunal supérieur de justice 1er févr. 2005, Recurso Especial nº 606.171, CE, Ministre Carlos Alberto
Menezes Direito, Brasília, DF, DJ 15 févr. 2005.
(81) Brésil, Tribunal de justice de l’État de São Paulo (24e ch. de droit privé), 18 oct. 2007, Apelação nº 9193861-
22.2005.8.26.0000, Salles Vieira, São Paulo, SP, DJ 6 déc. 2007.
(82) Brésil, Tribunal de justice de l’État de São Paulo (20e ch. de droit privé), 2 févr. 2015, Apelação nº 9211954-
62.2007.8.26.0000, Álvaro Torres Júnior, São Paulo, SP, DJ 10 févr. 2015.
(83) Brésil, Tribunal de justice de l’État de São Paulo (25e ch. de droit privé), 30 juin 2016, Apelação nº 1005434-
77.2015.8.26.0114, Hugo Crepaldi, Campinas, SP, DJ 30 juin 2016.
ci-dessus, sur l’article 9 de la LINDB et tonomie : bien que la cour ait appliqué
sur le code Bustamante pour juger que, le paragraphe second de l’article 9 de
« dans le cas d’espèce, le contrat a été la LINDB (en considérant la résidence
proposé et conclu à l’étranger, dans le de l’offrant équivalant au « lieu où se
pays où la société avait son siège et, en trouve l’offrant ») comme règle de rat-
plus de cela, les obligations y découlant tachement, elle a pris en compte, même
devraient être exécutées également à de manière complémentaire, le choix de
l’étranger » (traduction libre). La cour a la loi fait par les parties.
ainsi écarté l’application du code de pro-
tection du consommateur brésilien pour Il ressort de l’arrêt que la société Mar-
appliquer la loi de la République Domi- tiaço Indústria e Comércio de Artefatos
nicaine du lieu de conclusion du contrat. Metálicos Ltda, société de droit brésilien,
L’arrêt dispose également que, bien que a conclu aux États-Unis un contrat de
la relation soit considérée comme une crédit à terme (Term Credit Agreement),
relation de consommation au Brésil, il le 25 novembre 1997, avec la First Natio-
n’y a pas de convention internationale nal Bank of New England, société de
sur le sujet en vigueur au pays, de droit américain, afin de pouvoir acheter,
telle façon que toutes les relations de à une autre société de droit américain,
consommation internationales doivent un laser pour la coupe de métal, qui
être traitées comme une question de serait importé postérieurement au Bré-
droit du commerce international en tant sil. Comme garantie de l’opération, la
que telle 84. société Martiaço a émis des billets à
ordre, dans lesquels était établi un taux
de change plus haut que ne le permettait
B – « L’internationalisation » le droit brésilien. En plus des billets à
de la jurisprudence : ordre émis pour garantir le paiement de 449
la dette de la société Martiaço, la First
l’acceptation du principe National Bank of New England a conclu
de l’autonomie par la prise avec l’Export-Import Bank of United
en compte des règles de States – Eximbank un Mater Guarantee
source internationale et de Agreement, par le biais duquel il était
la coutume internationale convenu que la banque Eximbank paie-
rait le solde dû en cas de défaillance de
la société Martiaço. Une fois constaté le
Après 2005, il a fallu attendre presque défaut de la société Martiaço, dès le pre-
dix ans pour que le Tribunal supérieur mier versement dû le 27 juillet 1998, la
de justice analyse une autre affaire por- banque Eximbak a effectué le paiement
tant sur la loi applicable à un contrat au créancier initial (la First National
international. En 2014, la cour a jugé une Bank of New England), en se subro-
affaire portant sur l’obligation décou- geant dans les droits de cette dernière,
lant d’un contrat de financement ban- tels que résultant du contrat de crédit à
caire pour l’importation d’un équipement terme fixe conclu entre cette dernière et
industriel conclu aux États-Unis entre la société Martiaço.
une banque américaine et une société
de droit brésilien productrice d’artefacts La banque Eximbak a alors intenté une
métalliques 85. Dans cet arrêt, nous pou- action devant les cours brésiliennes à
vons observer qu’un premier chemin a l’encontre de la société Martiaço afin
pu conduire à l’acceptation de loi d’au- de percevoir la valeur de la créance
(84) Brésil, Tribunal de justice de l’État de São Paulo (19e ch. de droit privé), 20 févr. 2017, Apelação nº 1101237-
32.2015.8.26.0100, Ricardo Pessoa de Mello Belli, São Paulo, SP, DJ 7 mars 2017.
(85) Brésil, Tribunal supérieur de justice, 21 août 2014, Recurso Especial nº 963.852, PR, Ministre Antonio Carlos Fer-
reira, Brasília, DF, DJ 6 août 2014.
(86) Ibid.
(87) Brésil, Tribunal supérieur de justice, 21 juill. 2016, Recurso Especial nº 1.280.218, MG, Ministre Paulo de Tarso
Sanseverino, Brasília, DF, DJ 12 août 2016.
si l’on applique la loi brésilienne (en rai- Banque du Brésil, signent à New York
son de l’ordre public allégué), l’obligation un accord de prêt (loan agreement) de
pourrait être considérée prescrite, mais l’ordre de 45 millions de dollars améri-
non si l’on considère valable l’élection cains, dont l’objectif était de rétablir la
de la loi faite par les parties, qui dési- liquidité de la société Mendes Junior,
gnait la loi de l’État de New York comme secouée par le défaut de paiement du
applicable. La deuxième discussion prin- gouvernement irakien.
cipale de l’arrêt porte sur l’ordre public :
la prescription peut-elle être considérée Moins d’un an plus tard, en août 1990,
comme une matière d’ordre public afin l’Irak commença une guerre d’agression
d’échapper à la loi valablement désignée contre le Koweït, aboutissant à l’im-
par les parties ? plication de diverses puissances belli-
gérantes dans la Guerre du Golfe. Le
La société Edificadora S/A, l’une des même mois, le Conseil de Sécurité de
sociétés du groupe Mendes Júnior Parti- l’ONU a imposé un embargo économique
cipações S/A, un groupe brésilien impor- sur l’Irak. Le Brésil, en tant que membre
tant dans le secteur de la construction, de l’ONU, a adhéré à l’embargo, ce qui
exerçait pour le gouvernement irakien, a contraint la société Mendes Junior à
depuis la fin des années 70 et jusqu’au arrêter ses activités en Irak.
début des années 90, plusieurs ser-
vices de construction civile en Irak. Dans À la suite de ces déplorables épisodes,
les années 80, l’Irak a commencé une une controverse est apparue quant à
guerre contre l’Iran, et, en conséquence l’efficacité du contrat de cession des
de la grave crise qui s’en est suivie, l’Irak crédits conclu entre la société Mendes
a arrêté d’honorer ses engagements Junior et le gouvernement brésilien. Du
financiers envers le groupe Mendes point de vue de la Banque du Brésil, 451
Junior, qui a fini par arrêter les travaux la cession aurait été soumise à une
en 1987 faute de moyens financiers. Il y condition suspensive, qui était la recon-
a eu, par conséquent, des négociations naissance et le paiement par le gouver-
entre le groupe brésilien et les gouver- nement irakien des crédits allégués par
nements brésilien et irakien pour que les la société Mendes Junior. Cependant,
travaux puissent reprendre. À l’occasion, avec le déclenchement de la guerre et la
le gouvernement brésilien a agi comme rupture des relations commerciales avec
l’interlocuteur des autorités irakiennes, l’Irak, il n’a pas été possible d’obtenir
vu l’intérêt national pour l’exportation une reconnaissance de dette auprès du
des biens et des services au pays, afin gouvernement irakien.
de compenser la forte dépendance du
Brésil au pétrole du Moyen-Orient. Sur la base de ces accords, la Banque du
Brésil a intenté à l’encontre de la société
À la suite des négociations, le gou- Mendes Junior une action d’exécution
vernement brésilien a conclu avec la afin de se faire rembourser des sommes
société Mendes Junior, en juillet 1989, prêtées par le biais du contrat de prêt
un « contrat de cession de crédit » par conclu en 1989.
lequel ladite société a cédé au gouver-
nement brésilien les crédits détenus Malgré la clause d’élection de la loi
du gouvernement de l’Irak, recevant en applicable déterminant l’application de
compensation, un amortissement des la loi de l’État de New York pour régir et
dettes qu’elle avait auprès de la Banque interpréter le contrat, la société Mendes
du Brésil (« Banco do Brasil »). Junior a soutenu l’application de la loi
brésilienne, en réclamant, de ce fait, la
En octobre 1989, la société Mendes déclaration de la survenance de la pres-
Junior International Company et la cription au cas concret. Elle a soutenu
banque BB Grand Cayman, filiale de la que le droit étranger choisi ne pouvait
pas être applicable pour réglementer première fois, la cour a admis expres-
le délai de prescription, dès lors que la sément l’acceptation de l’autonomie de
prescription était selon celle-ci consi- la volonté dans le domaine des contrats,
dérée par la loi brésilienne comme une comme suit : « Toujours dans le domaine
matière d’ordre public et que la clause du droit international privé, même si le
d’élection du droit applicable était à principe de l’autonomie de la volonté
cet égard contraire à l’article 17 de la n’est pas absolu, il se renforce et se
LINDB. Par conséquent, elle soutenait consolide de sorte qu’aujourd’hui il est
l’application de la loi brésilienne et de admis “presque de manière unanime que
la reconnaissance de la prescription au les parties dans un contrat international
cas concret. ont le droit de désigner expressément
la loi qui régit leur relation” (I. Strenger,
Le tribunal d’origine (la 1re ch. de droit Contratos internacionais do comércio, 4ª
civil de Belo Horizonte) n’a pas accepté ed. São Paulo : LTr, 2003. p. 126).
l’argument de la société Mendes Junior
concernant la prescription, dès lors que, Certes, au moment du jugement du
selon son raisonnement, il n’y avait pas recours auquel la présente décision se
eu une violation de l’ordre public dans réfère, l’admission de l’autonomie de la
ce cas. La société Mendes Junior a alors volonté quant à l’élection de la loi appli-
formé un recours devant le Tribunal de cable était loin de former un consensus.
justice de l’État de Minas Gerais (« Tri- Même aujourd’hui, il y a ceux qui sou-
bunal de Justiça do Estado de Minas tiennent que la LINDB, en supprimant du
Gerais » – TJMG), qui a confirmé le texte légal la mention à l’autonomie de
raisonnement du tribunal d’origine, en la volonté – prévue historiquement dans
concluant que « dès lors que le titre exé- l’article 13 de la loi d’introduction au
452 cutif établit que la loi de l’État de New code civil de 1916 – aurait révoqué son
York s’applique dans le cas d’exécution admission dans le droit brésilien.
du contrat, il doit être observé le délai de
prescription du droit étranger élu, ce qui Cependant, en droit international privé,
ne porte pas atteinte à l’ordre public de les usages et coutumes, l’autonomie
notre pays » (traduction libre). de la volonté et la force obligatoire des
contrats, dès la lex mercatoria, ont joué
La société Mendes Junior a par la suite un rôle central en tant que base princi-
fait appel devant le STJ, afin de voir la pale de la résolution des conflits entre
loi brésilienne appliquée à sa demande, les différentes législations concernées »
et, dès lors, voir reconnue la prescrip- (traduction libre) 88.
tion du cas concret, à peine de violation
de l’article 17 de la LINDB (violation de Pour fonder son raisonnement, l’arrêt se
l’ordre public en raison de la violation de base sur des normes de source inter-
l’institution de la prescription). nationale, telles que la convention de
Rome sur la loi applicable aux obliga-
Dans une décision très novatrice, le STJ a tions contractuelles, la convention de La
admis que, dans les affaires portant sur Haye sur la loi applicable aux contrats
des contrats internationaux, il est usuel de vente internationale de marchandises
d’avoir recours à des clauses déter- de 1986 et la convention de Mexico de
minant la loi applicable en y incluant 1994 et aussi sur des normes de source
l’élection d’une ou de plusieurs lois interne, telle que la loi d’arbitrage bré-
applicables (le dépeçage), qui parfois ne silienne, lesquelles acceptent expres-
présentent même pas de relation avec sément la loi d’autonomie en matière
les parties contractantes. Et, pour la contractuelle.
(88) Ibid.
Cependant, la cour a affirmé que cette tum proprium”, avec lequel l’ordre public
liberté n’est pas absolue. Au contraire, n’est pas compatible » (traduction libre) 89.
elle serait limitée par l’article 17 de
la LINDB, quant au respect de l’ordre Ainsi, nous pouvons conclure qu’au Brésil,
public interne. Dans son analyse portant bien que la législation ne soit pas
sur la définition de l’ordre public, afin de expresse en ce qui concerne l’accepta-
savoir si la prescription doit être consi- tion de la loi d’autonomie et qu’il n’y ait
dérée au Brésil comme matière d’ordre toujours pas un vrai consensus de la
public, la cour conclut que : « Malgré la doctrine en ce sens, il reste clair, surtout
difficulté de qualifier le concept d’ordre en raison de l’évolution de la jurispru-
public, il n’existe pas de doute que la dence brésilienne concrétisée dans la
sécurité juridique soit une valeur tirée dernière décision du STJ en 2016 (l’affaire
de la Constitution fédérale elle-même Mendes Junior), qui a, pour la première
et que la prescription est un corollaire fois, accepté expressément la possibilité
indéniable de cette valeur, avec des des parties de choisir la loi applicable
conséquences importantes dans la paci- à leur relation contractuelle, que la loi
fication des conflits. d’autonomie est acceptée en matière de
droit des contrats.
Cependant, le recours à la loi étrangère,
qui, en l’espèce, réglemente le délai de L’acceptation de la loi d’autonomie au
prescription – seulement en différen- Brésil en matière contractuelle ne se
ciant ce délai – ne peut pas être consi- fonde pourtant pas sur le texte de la
déré comme une violation de l’ordre loi lui-même, mais bien sur la doctrine
public national. En d’autres termes, et sur la jurisprudence, qui se fondent,
la règle adoptée ne supprime pas les celles-ci plutôt sur d’autres sources de
conséquences de la stabilisation des droit, telles que des normes de droit 453
revendications dans le temps, de sorte interne (comme la loi d’arbitrage) et
qu’elle ne viole pas le principe de la des normes internationales, comme,
sécurité juridique. Par conséquent, l’ins- par exemple, des traités internationaux,
titution de la prescription étant préser- qu’il s’agisse des traités portant sur la
vée, il n’est pas nécessaire d’envisager loi applicable (comme la convention de
une violation de l’ordre public interne. Mexico) ou sur le droit uniforme (comme
la convention de Vienne sur la vente
De plus, il est également une valeur pro- de marchandises), des règles de droit
tégée par le système juridique national, souple (Principes de La Haye), ou encore
la protection de la bonne foi et de la sur le droit comparé (règl. Rome I) ou
liberté de choix, ce qui oblige les contrac- sur la coutume (lex mercatoria).
tants à avoir une action transparente et
cohérente tout au long des négociations De plus, il n’y a actuellement pas lieu
et même après l’extinction des contrats. de faire la distinction entre la nature des
Ainsi, étant donné que les parties ont normes (supplétives, facultatives, impé-
librement formalisé leurs négociations ratives et /ou prohibitives). Les parties
par le biais d’un accord international, en auront, par conséquent, le droit de choi-
excluant, d’un commun accord, l’appli- sir la loi applicable à la totalité de leur
cation de la législation brésilienne et en contrat, indépendamment de la nature
choisissant la loi de l’État de New York des dispositions en cause.
pour régir le contrat, admettre, en cours
d’exécution du contrat, l’inapplicabilité de Bien que le texte de la loi soit silencieux
la loi élue par les parties serait considéré et que la jurisprudence ne se soit pas
manifestement comme “venire contra fac- encore manifestée sur le sujet, et pour
(89) Ibid.
les mêmes motifs que nous défendons sont précises quant à la loi qui doit s’ap-
l’acceptation au Brésil de la loi d’auto- pliquer. En suivant la doctrine majori-
nomie, nous pouvons affirmer qu’il n’y taire et les tendances des instruments
a pas d’interdiction au Brésil pour que internationaux en la matière, le juge doit,
ce choix puisse être fait à tout moment dans un tel cas, chercher la volonté impli-
et que, par ce choix, les parties puissent cite des parties. Cependant, les critères
désigner la loi applicable à la totalité ou qui devront être utilisés pour chercher
à une partie seulement de leur contrat. cette volonté tacite des parties ne sont
Pour les mêmes raisons, il nous semble pas clairs dans le pays : il n’y a pas de
encore possible de choisir une loi qui ne prévision législative et la jurisprudence
présente pas de relation avec les parties n’a jamais analysé cette question. La
ou avec l’objet du contrat lui-même. doctrine n’a pas non plus approfondi le
sujet. Par conséquent, il nous semble
En ce qui concerne les limites de la loi que, dans un cas concret où les parties
d’autonomie au Brésil, l’article 17 de la n’ont pas exprimé de volonté expresse, le
LINDB établit clairement que les décla- juge aura tendance à appliquer la règle
rations de volonté ne seront pas valables objective de l’article 9 de la LINDB, c’est-
au Brésil si elles sont contraires à la à-dire, le lieu de conclusion du contrat
souveraineté nationale, à l’ordre public (pour les contrats conclus entre présents)
et aux bonnes mœurs 90. et le lieu de résidence de l’offrant (pour
ceux conclus à distance).
Le paragraphe premier de l’article 9 de la
LINDB établit encore que « si l’obligation En cas d’absence de choix des parties
est destinée à être exécutée au Brésil et (exprès ou tacite), nous sommes encore
si elle dépend d’une forme essentielle 91, une fois devant une lacune jurispruden-
454 celle-ci sera observée, en admettant, tou- tielle et doctrinale. L’article 12, para-
tefois, les particularités de la loi étran- graphe premier du projet de loi 269/2004
gère en ce qui concerne les exigences du Sénat brésilien 92 établissait qu’« en
extrinsèques de l’acte » (traduction libre). cas d’absence de choix ou d’inefficacité
Ainsi, les contrats qui sont exécutés au de ce choix, le contrat, ainsi que les
Brésil et soumis à un formalisme obli- actes juridiques en général, seront régis
gatoire (par ex., les ventes des biens par la loi du pays avec lequel il présente
immeubles situés au Brésil), devront éga- les liens les plus étroits » (traduction
lement observer la loi brésilienne. libre). Il nous manque aujourd’hui des
règles précises à ce sujet, mais il nous
En l’absence de choix exprès, ni la légis- semble, en tout état de cause, que dans
lation, ni la jurisprudence brésilienne ne un tel cas, le juge brésilien aura ten-
(90) « Art. 17. As leis, atos e sentenças de outro país, bem como quaisquer declarações de vontade, não terão eficácia
no Brasil, quando ofenderem a soberania nacional, a ordem pública e os bons costumes ».
(91) La législation brésilienne exige un formalisme obligatoire pour certains actes juridiques, comme par exemple, la
« constitution, transfert, modification ou renonciation à des droits sur un bien immobilier qui dépasse trois fois
la valeur du salaire minimum en vigueur dans le pays » (C. civ. brésilien, art. 108). Dans un tel cas, il est exigé
que le contrat soit fait par le biais d’une escritura publica, c’est-à-dire, un acte fait par un notaire, à qui l’État a
délégué des prérogatives de puissance publique symbolisées par son sceau.
(92) Un projet de loi (PL n° 269/2004) a été présenté en 2004 afin de moderniser et d’adapter le droit privé brésilien à
la nouvelle réalité du marché international. Celui-ci, inspiré de la convention de Mexico, acceptait expressément
la loi d’autonomie (art. 12), et en l’absence de choix, établissait que la loi présentant les liens les plus étroits
devrait régir le contrat. Malheureusement, en dépit du fait d’avoir reçu un avis favorable de la Commission de
Constitution, Justice et Citoyenneté, il a été rejeté en 2010 et finalement archivé le 7 janvier 2011. Un autre
projet de loi, à l’initiative du Sénat brésilien, le PL n° 3514/2015, cristallise le changement de la LINDB, notam-
ment en ce qui concerne le commerce électronique et les contrats de consommation. D’ailleurs, ce projet de
loi modifie l’article 9 de la LINDB, en excluant ses deux paragraphes actuels et en incluant de manière expresse
l’autorisation aux parties de choisir la loi applicable à leurs contrats internationaux (dès lors qu’ils sont conclus
entre professionnels, entrepreneurs ou commerçants). Une caractéristique importante de ce nouveau projet est
également l’incorporation dans le droit brésilien de diverses normes découlant des récents Principes de La Haye
(étudiés au chapitre 1, section 3.2). Le projet est, à ce jour, en cours d’examen à la Chambre des députés.
dance, comme dans le cas d’un choix qui s’impose, afin que la législation bré-
implicite, à appliquer la règle de l’ar- silienne adopte, de manière expresse,
ticle 9 de la LINDB. le principe de l’autonomie de la volonté,
ce qui signifierait un gain d’efficience
Pour l’avenir du droit international privé et de sécurité juridique pour les par-
brésilien, et plus précisément pour la ties contractantes et pour le commerce
loi d’autonomie, il reste clair que la international du pays.
réforme de la LINDB est une mesure
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