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© Dunod, 2020
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN : 978-2-10-081938-6
REMERCIEMENTS
Cet ouvrage n’aurait pas été possible sans l’aide de plusieurs partenai
• Sciences Po Executive Education, en particulier le réseau des Alumni
RH, les participants et les membres du comité de pilotage de
l’Executive Master RH ;
• les Prix du DRH de l’Année et de l’Innovation RH, organisés par Le
Figaro Décideur, CadreEmploi, Morgan Philips et Sciences Po EE,
notamment les DRH, membres du jury et Vincent Monfort ;
• le Lab RH (Yves Grandmontagne, son président, Alexandre Stourbe,
son directeur général, et toute l’équipe : Laurène, Pauline, Clément,
Lionel, Jean…) et ses adhérents « Grands comptes » dont plusieurs ont
témoigné dans cet ouvrage ;
• l’ANDRH à travers, d’une part, son vice-président délégué et sa
présidente et, d’autre part, les membres du groupe Nation Alesia
(ANDRH IDF) ;
• le Master 2 « GRH dans les multinationales » de l’IAE Gustave Eiffel.
res :
Merci d’avoir rendu possible cet ouvrage.
Nous voulons également remercier Marie-Cécile de Vienne, notre éditrice à
l’initiative de ce projet, de nous avoir donné l’opportunité d’écrire cet
ouvrage, ainsi que Ludivine Le Gall pour son investissement dans ce projet
et son travail éditorial.
Un immense merci aux quarante DRH qui ont partagé leur retour
d’expériences de ces derniers mois.
Enfin, un remerciement chaleureux à Eva et Jacqueline pour leur travail de
retranscription.
LISTE DES CONTRIBUTEURS
LES AUTEURS
LES PARTICIPANTS
REMERCIEMENTS
LISTE DES CONTRIBUTEURS
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION – ÉTAT DES LIEUX PRÉ-COVID-19
L’étude Cegos (2019) réalisée juste avant la crise du Covid-19 nous donne
un état des lieux chiffré des activités de la fonction RH.
LE POIDS DES DIFFÉRENTS RÔLES RH AU QUOTIDIEN
■ DU RH BASHING AU RH LOVING
Plusieurs initiatives ont alors vu le jour pour célébrer les équipes RH et leur
gestion de la crise. À titre d’exemple, le post du Lab RH a reçu près de
mille likes, ce qui en fait, et de loin, le post le plus populaire de l’année (ils
reçoivent habituellement entre quarante et quatre cents likes).
Conseils 23 % 30-40 %
100 % 200-250 %
Jour 1
Demain, le confinement mettra la France à l’arrêt. Les bureaux ferment, l’inconnu envahit
les esprits de chacun et le business, lui, continue de tourner. L’adaptation quasi instantanée
nécessite réactivité du management, des RH mais aussi des services généraux. En effet,
tout le monde n’est pas équipé pour travailler de chez soi. Vingt-trois des soixante-
cinq collaborateurs ont besoin de matériel supplémentaire. Nous mettons alors en place un
créneau horaire pour que chacun puisse récupérer écran, clavier, chaise avant mardi
17 mars, à midi.
Alors que nous venions de valider la politique de télétravail avec les représentants du
personnel, travailler de cette manière aspire cependant à une certaine méfiance. Est-ce lié
au manque de contrôle, et donc à une distanciation face au pouvoir ? Le rôle que nous
jouons avec le management est primordial et nous devons nous mettre en phase afin
d’accompagner les équipes pour leur bien-être, mais aussi faire fonctionner l’entreprise
dans des conditions difficiles.
Jour 6
La gestion commence par une règle d’or : visibilité et communication. L’inconnu et la crise
en elle-même sont des générateurs de stress puissants vécus différemment selon chacun.
Afin d’anticiper, le Managing Director augmente les réunions à deux fois par semaine. Nous
mettons également en place des meetings d’agence virtuels tous les vendredis en fin de
journée, a contrario d’une fois par mois. Cela permet à l’ensemble des collaborateurs de se
retrouver, de présenter les projets et d’être transparents dans ce contexte d’incertitude. En
tant que People Director, mon objectif est de penser collectif tout en gardant
l’individualisation en tête pour informer, répondre, rassurer et anticiper. Pour ce faire, je
contacterai individuellement les soixante-cinq collaborateurs, et ce à plusieurs reprises
pendant la durée du confinement.
Jour 12
Les premières semaines mettent le télétravail à l’épreuve : trop de réunions avec une
légère amertume et une sensation de monotonie. « Je fais maintenant des journées de
13 heures, j’ai des réunions non-stop et le soir je dois avancer sur les projets » (Marion,
chef de projet). Des process sont mis en place pour tenter de pallier cette suractivité.
Jour 29
Les semaines s’écoulent. Les calls sont regroupés les matins et les après-midis sont dédiés
au travail individuel. La gestion de la crise se situe désormais plutôt autour des risques
psychosociaux : solitude, angoisses et autres troubles liés au confinement… « Je n’arrive
plus à me concentrer. Je reste devant mon ordinateur mais rien ne se passe » (Justine,
Creative Technologist). À cet instant, l’importance de mon rôle prend son essor. Je me dois
d’être solide et alerte au changement afin d’accompagner au mieux les équipes et garder le
lien humain. Je lance et dirige alors des cessions de discussions et d’échanges pendant
lesquelles le collaborateur peut prendre la parole. En parallèle de mon travail, une cellule
de crise téléphonique est lancée et une collaboration positive s’instaure avec le CSE qui
organise également un suivi de son côté.
L’euphorie des événements collectifs du début du confinement diminue, la nidification prend
doucement sa place. Cependant les moments collectifs comme les team meetings
favorisent le lien et entretiennent la culture interne de l’entreprise. Les équipes s’adaptent.
Mais une nouvelle étape prend jour : le déconfinement. Cette étape amène à encore plus
d’inquiétude que le confinement en lui-même. Je me dois d’être encore plus empathique et
proactive.
Jour 35
Trois semaines avant le déconfinement, j’informe les collaborateurs des avancements de la
réouverture de l’entreprise en offrant une vue d’ensemble, dont les process d’hygiène. La
planification des retours se base sur une enquête individuelle pour comprendre les
motivations et freins de chacun. De même que pour le confinement, le management et moi-
même basons nos communications autour de la visibilité et de la flexibilité. Les retours du
questionnaire me permettent alors de construire un planning commun selon les critères
individuels. Pour certains, le retour dans un monde collectif est essentiel, pour d’autres,
sortir de chez eux n’est que source de danger. « J’ai besoin de retrouver de l’espace et
travailler avec des personnes autour de moi » (Olivier, service clientèle). Les longues
semaines de confinement ont montré que le télétravail ne pouvait pas être l’unique façon de
travailler. Pour beaucoup ce fonctionnement permet une accrue d’efficacité. Cependant, la
vie d’agence manque, les habitudes sociales également et la créativité s’estompe.
Jour 61
Après un travail de longue haleine sur la réouverture des bureaux, mon rôle en tant que RH
s’étend jusqu’à la gestion des services généraux afin d’assurer une mise en place
irréprochable des espaces de travail. Les semaines passent et malgré les quelques
problèmes d’écho lors des réunions mi-présentiel, mi-virtuel, les équipes prennent leurs
marques. Ils apprécient le calme de l’agence et l’alternance avec le télétravail. Les
collaborateurs s’habituent à un mode de travail flexible, déjà très plébiscité dans les pays
nordiques. D’autres ne sont pas encore prêts à revenir. « Je ressens les bienfaits d’une vie
plus saine » (Clémentine, Designer). À ce stade, il me semble essentiel de comprendre les
aspirations des collaborateurs sur le court et plus long terme. Quelles sont les tendances
envers le télétravail, déjà initiées avant le confinement ? Je les questionne donc sur leurs
aspirations entre présentiel et télétravail. De plus, je m’interroge sur la culture d’entreprise,
très forte jusqu’à présent. Quels seraient les impacts de telles mutations
organisationnelles ?
Il aura malheureusement fallu une crise pour oser franchir le cap d’un mode de travail plus
flexible. Cette expérience, aussi difficile qu’elle soit, démontre que nous devons assumer et
porter les projets permettant d’allier qualité de vie et productivité.
➣ Retrouvez l’intégralité de cette contribution sur dunod.link/rhcovid01
McKinsey a publié une étude s’intéressant aux perspectives d’emploi en Europe à l’horizon
2030. Elle précise que la crise du Covid-19 a mis à risque 59 millions d’emplois européens
(26 % du total des emplois de la zone). Les emplois menacés sont pour moitié ceux qui
étaient déjà en risque du fait de l’automatisation de l’économie (50 %), la crise ne faisant
qu’amplifier et qu’accélérer le phénomène.
Néanmoins, le vieillissement de la population active va créer de nombreuses opportunités
d’emplois notamment dans les domaines des technologies (science, technologie,
ingénierie, data, informatique…) et dans les secteurs de la santé et de l’éducation2.
Cependant, au regard des portefeuilles de compétences des collaborateurs d’aujourd’hui,
McKinsey estime que 94 millions de travailleurs auront besoin d’une montée en
compétences significative dans le cadre de l’évolution de leur travail.
Alors que l’étude, réalisée en partie avant le Covid-19, identifiait 48 mégapoles et hubs
(comme le Grand Paris par exemple) à l’origine d’un peu plus de la moitié de la croissance
de l’emploi européen d’ici 2030, la crise sanitaire, en démocratisant le télétravail, a
potentiellement rebattu les cartes et conduit à une répartition plus égale de l’emploi sur les
territoires.
Source : McKinsey Global Institute, The Future of Work in Europe, Discussion Paper, June
10, 2020.
CHAPITRE 1
PROTÉGER LA SANTÉ
ET LA SÉCURITÉ
AU TRAVAIL
Le Covid-19 a mis la santé et la sécurité des collaborateurs au premier
plan de toutes les organisations. Protéger les salariés est devenu la priorité
des entreprises, mettant les RH au cœur des cellules de gestion de la crise.
Ce chapitre présente la façon dont le Groupe Suez, Dassault Système,
SNCF, Airbus et Nestlé ont géré la situation au regard des spécificités de
leurs activités.
Fort de ce retour d’expérience, les équipes RH doivent développer une
approche globale du concept de santé.
1. SE PRÉPARER À DE (NOUVELLES) CRISES
Par Laure Girodet, directrice Santé Sécurité, Groupe Suez
Face au Covid-19, Suez avait un double objectif : protéger les collaborateurs et assurer
la continuité du service public d’eau et de déchet. Du fait de son activité, les opérations
ne se sont pas arrêtées durant le confinement : 60 % des collaborateurs sont restés
mobilisés sur le terrain, 25 % sont passés en télétravail, tandis que les autres étaient soit
en arrêt, soit au chômage partiel, notamment pour ceux opérant sur des sites de clients
industriels ou des chantiers fermés.
Il a donc fallu déployer des Plans de Continuité d’Activité consistant à maintenir
uniquement les tâches et les personnels critiques pour le service, en mettant en place
des rotations. Afin de travailler en sécurité, une nouvelle analyse des risques des
activités a été réalisée, les modes de travail ont été adaptés et les EPI (Équipements de
Protection Individuelle) renforcés. À l’international, les expatriés étaient maintenus sur
place pour assurer les services vitaux. Il a fallu les aider à distance et leur garantir des
solutions de rapatriement, surtout dans les pays aux infrastructures médicales plus
fragiles.
ANTICIPER LE DÉCONFINEMENT
1. Tout d’abord il est important d’avoir des équipes préparées à la gestion de crise et
des outils aguerris de management de crise. Opérateur de services publics, nous
menons régulièrement des exercices de crise dans chaque pays et nos équipes
de terrain ont l’expérience de crises opérationnelles. En novembre dernier, nous
avions d’ailleurs mis en place un exercice de crise mondiale piloté depuis le siège
et impliquant cinq pays. Il s’agira de les poursuivre, de renforcer les formations de
gestion de crise et d’imaginer des scénarii différents.
2. La conscience sanitaire est renforcée et devient un enjeu sociétal de premier plan
au même titre que le changement climatique. Des liens forts se tissent entre santé
et environnement. Un environnement sain, une eau saine, un air sain contribuent
à une bonne santé. Il s’agira à l’avenir de renforcer le volet santé, physique et
mentale, dans l’entreprise.
En tant que groupe international, nous avons été impactés dès le début du mois de
janvier en Chine, en Corée du Sud, au Japon et à Singapour. Néanmoins, en raison de
l’impact uniquement régional des précédentes crises sanitaires, nous n’avons pas tout
de suite pensé qu’elle serait d’une telle ampleur planétaire, d’autant que sa gravité réelle
a tardé à être connue et que les pays asiatiques, les premiers impactés, ont bien mieux
géré la situation pour réduire les impacts humains les plus graves.
En France, nous avons réellement pris conscience de la gravité extrême de cette crise
avec l’explosion du nombre de cas en Italie. Et nous étions en train de nous préparer à
son impact lorsque le Premier ministre a annoncé le 14 mars un confinement généralisé
du pays à effet le 17 mars. Dès le samedi 14 mars au soir, nous avons créé une cellule
de crise qui a travaillé sans relâche depuis lors pour mettre au point un plan d’action
global, puis l’exécuter.
1. En temps de crise, les choses ne se font pas naturellement. Il faut rassurer les
salariés et les partenaires sociaux. Sur le retour en entreprise, les échanges avec
les partenaires sociaux ont parfois été tendus mais nous avons tenu notre
position car il était essentiel de retrouver une dynamique collective, pour
l’entreprise, comme pour ses salariés dont beaucoup aspiraient à revenir sur site.
2. Il faut abondamment communiquer (rythme de deux à trois communications
hebdomadaires) en multipliant les vidéos et les tutoriels pour expliquer aux
collaborateurs les décisions et la façon dont nous avons/allons procéder.
Comme tout le monde lors de cette crise, nous avons appris en marchant. En particulier
la fonction RH qui a dû travailler sur une multitude de procédures permettant à
l’entreprise de maintenir son activité. Dans notre secteur, au regard de la complexité de
nos produits et de notre appareil industriel, nous ne pouvions pas arrêter notre
production et notre chaîne logistique. En effet, le redémarrage aurait été extrêmement
complexe et aurait pris beaucoup de temps. Notre problématique était donc à la fois de
protéger nos salariés, tout en continuant d’une manière beaucoup plus mesurée à
produire et à livrer nos clients.
Lorsque le confinement a été instauré, nous avons mis en place des mesures
de distanciation sociale aussi bien dans les vestiaires que dans le reste de
l’usine. Nous avons la chance de fabriquer des « grands » produits comme
les avions. La distanciation sociale n’a donc pas été compliquée sauf dans
certains endroits confinés comme le cockpit, par exemple, où le port du
masque était obligatoire. Nous avons aussi repensé nos modes de
fonctionnement avec des équipes réduites réparties en équipes « bleues »
travaillant le matin et en équipes « rouges » travaillant l’après-midi, et des
plages horaires de travail de six heures par jour.
Pour organiser le travail différemment, nous avons stoppé notre production
en France pendant une durée de trois jours afin de réunir les membres du
management, les spécialistes de la santé, des questions d’hygiène et de
sécurité, les acteurs de la prévention, les moyens généraux et les partenaires
sociaux pour pouvoir réfléchir ensemble au réaménagement des locaux.
À ce titre, nous avons mis beaucoup de signalétiques dans nos locaux pour
nous assurer que les collaborateurs puissent se déplacer dans nos usines en
toute sécurité. Nous avons revu les sens de circulation, les règles
d’affichage et de nettoyage, à la fois dans les chaînes de production, mais
aussi dans les bâtiments et bureaux. Nous avons réadapté le fonctionnement
des cantines avec des menus simplifiés, des règles de distanciation et un
nombre de tables réduit par rapport à la capacité initiale.
Dans chaque pays, nous avons impliqué très fortement les partenaires
sociaux avec qui nous tenions des réunions régulières pour qu’ils puissent
être parties prenantes et se sentir sécurisés par les décisions qui avaient été
prises. Par exemple, nous leur avons fait visiter les locaux pour qu’ils
puissent observer les postes de travail et nous faire part des points
d’amélioration si nécessaire. Il s’agissait de les rassurer et ainsi de rassurer
également les salariés.
En soutien de ces décisions, nous avons assuré de manière hebdomadaire
une revue pour informer tout le management de l’entreprise des évolutions
pays par pays, afin de leur permettre de relayer les principaux messages et
actions à leurs équipes respectives.
Cette pandémie n’est pas terminée. Comme tout le monde, nous allons continuer à
apprendre en marchant tant le Covid-19 réserve régulièrement des surprises.
1. Nous allons continuer à être très rigoureux sur les règles de distanciation sociale
dans l’entreprise.
2. La santé est un sujet primordial. Nous avons d’ailleurs nommé dans chaque
secteur, bâtiment, étage, un représentant qui est en charge de s’assurer que
l’environnement de travail est au bon niveau, qui joue le rôle de point focal pour
répondre aux questions et remonter les informations si jamais un problème
particulier survenait.
Nestlé fait partie des entreprises qui, par leur secteur d’activité (produits de première
nécessité, industrie agroalimentaire), ont été fortement mobilisées pendant la crise. La
très grande majorité de nos salariés a donc continué à travailler et il a fallu les
accompagner durant cette période. La santé et la sécurité des collaborateurs ont été
la priorité no 1 du Groupe.
Nous ne sommes pas tous égaux devant la crise. Nous ne disposons pas des
mêmes ressources (physique, psychique, intellectuelle, professionnelle,
relationnelle, financière, culturelle, familiale…) et du même environnement
(dimension de l’habitat, proximité avec le lieu de travail…).
En nous appuyant sur les travaux de Taleb (2013)2 adaptés par Frimousse et
Gaillard (2020)3, nous pouvons établir une typologie de trois types de
collaborateurs qui appellent trois réponses RH différentes.
Définition La crise est perçue La crise est La crise est une occasion
comme absorbée. de se renforcer.
un affaiblissement.
TRAVAILLER À DISTANCE
OU EN PRÉSENTIEL ?
La crise du Covid-19 a conduit les entreprises à basculer une grande partie
de leurs collaborateurs (hors personnels critiques qui ont continué à
travailler) en activité partielle ou en télétravail. En particulier, pour les
fonctions tertiaires, le travail à distance s’est imposé comme l’un des
phénomènes de la période écoulée. Cinq DRH reviennent sur cette séquence
et les conséquences structurelles qu’elle induit sur l’organisation du travail.
Dans un premier temps, Schneider Electric a insisté sur la nécessité de
réinventer de manière systémique les nouvelles façons de travailler
(articulation présentielle et distancielle). De son côté, Exterion Media a
montré que l’essor du télétravail a poussé à réinterroger, en particulier, le
dimensionnement des locaux de l’entreprise. Johnson & Johnson, quant à
eux, ont prôné l’avènement d’un environnement de travail multimodal.
Enfin, Veepee va mettre en place le télétravail de façon majoritaire (trois
jours par semaine) alors que Sony Music France plaide pour un modèle de
travail à distance à 50 %. Surfant sur le désir de télétravail, les équipes RH
doivent ainsi s’atteler au design d’un nouveau cadre de travail.
1. BÂTIR UN NOUVEAU « VIVRE ENSEMBLE »
Par Dominique Laurent, DRH France, Schneider Electric
Cette crise nous amène à nous interroger sur l’articulation entre le travail
présentiel (dans les locaux de l’entreprise) et le travail à distance au
domicile du collaborateur ou dans des tiers lieux. À date, nous constatons
qu’hormis les emplois nécessitant une vraie présence sur le terrain (usine de
fabrication…), tous les autres métiers peuvent être intégralement pratiqués
en télétravail. Fort de ce constat, doit-on conserver notre format actuel de
deux jours par semaine en télétravail ou doit-on augmenter le nombre de
jours ?
Cet arbitrage n’est pas anodin. À partir de trois jours par semaine de
télétravail, ce dernier devient la forme dominante de travail. C’est
l’ensemble de la relation d’emplois qui doit être repensée en particulier la
philosophie du temps passé dans les locaux de l’entreprise. S’il devient
minoritaire, à quoi doit être dédié ce temps passé ensemble ? Ce
changement de niveaux (par exemple, passer d’un ou deux jours de
télétravail à trois jours par semaine) entraîne un changement de nature et
celui-ci ne doit pas être anodin.
De même, les espaces de travail (flex office) doivent profondément changer.
Il faut réinventer l’immobilier d’entreprise, mais également les espaces de
travail au domicile du collaborateur et le recours au coworking à proximité
de ce dernier. Dans cette hypothèse, pourquoi ne pas envisager demain que
les futurs immeubles d’habitation disposent d’un ou de plusieurs étages
réservés au télétravail ? De même, si nous choisissons un télétravail à trois
ou quatre jours par semaine, il est nécessaire de bâtir un nouveau « vivre
ensemble au bureau ». Les activités dans nos locaux seront nécessairement
centrées sur les échanges, les relations, l’intelligence collective et
l’innovation. Enfin, cela modifie aussi complètement la vie des personnes
car il n’y a plus la nécessité de vivre à proximité de son lieu de travail.
Contexte : Exterion Media France est une régie publicitaire, filiale d’un
groupe média britannique. L’entreprise réalise 100 millions de CA et
commercialise des espaces publicitaires (indoor, outdoor et online).
Elle comprend 350 collaborateurs, dont 10 % d’alternants, présents sur
l’ensemble du territoire français.
Chronique du Covid-19
1. Il est certain que le télétravail a rattrapé son retard historique sur le travail en
présentiel. Cela ne veut pas dire que nous allons continuer à travailler à temps
plein en télétravail mais nous sommes convaincus que la moitié du temps de
travail se fera à distance. Indubitablement, nous serons amenés à nous poser la
question de la réduction de la taille de nos locaux car cela va permettre de
générer des économies indispensables en temps de crise, sans pour autant
dégrader les conditions de travail, puisque le nombre de personnes présentes au
même moment sera plus faible qu’avant.
2. La crise ne doit pas nous conduire à n’être que dans une logique budgétaire. Il
faut envoyer des signes forts aux équipes, communiquer notre vision, même
révisée, et notre croyance en l’avenir.
Dès de début de la crise, en accord avec les consignes émanant de notre siège social
aux États-Unis, nous avons voulu assumer notre rôle d’entreprise leader de la santé.
C’est pourquoi nous avons décidé de maintenir à 100 % l’intégralité des rémunérations
de nos collaborateurs quelle que soit leur situation. Nous avons même mis en place une
politique de primes pour nos commerciaux très favorable, malgré la baisse des ventes,
en partant du principe que nous étions dans une situation extrêmement particulière et
qu’il n’y avait aucune raison qu’ils en subissent les conséquences.
Maintenant, la période de confinement n’a pas été vécue de la même manière par nos
collaborateurs en fonction de leurs métiers. Ainsi, nos équipes de production, tout
comme nos équipes de recherche, ont continué à travailler sur site avec une
organisation permettant de les protéger, en respectant en particulier la distanciation
physique, à l’exception des personnes contraintes de rester chez elles, pour lesquelles
nous avons décidé de ne pas recourir à l’activité partielle et de ne pas déclencher une
demande de prise en charge auprès de l’assurance maladie. En effet, l’un des gestes
forts de l’entreprise a été de garantir, jusqu’à fin juin, l’intégralité de leur rémunération.
Pour toutes les autres fonctions, soit environ mille collaborateurs, nous avons basculé en
télétravail.
J’ai vécu cette crise avec une double problématique : une problématique professionnelle
comme tout le monde et également une problématique personnelle car j’ai pris mon
poste de DRH seulement quatre semaines avant le début du confinement. J’ai donc dû
m’intégrer dans un contexte de travail à distance, ce qui est une expérience
« intéressante » !
Nous avons identifié deux facteurs clés de succès qui nous ont permis de traverser
positivement cette crise.
1. L’attitude du dirigeant est cruciale d’autant plus quand c’est le fondateur de
l’entreprise. Il a tout de suite été présent et il a eu un geste fort en appelant
personnellement près de quatre cents salariés, individuellement, pour échanger
avec eux, avoir leur ressenti, comprendre leurs problèmes, etc. Au-delà de cet
échange direct, il a souhaité garder une proximité avec tous les salariés et a
multiplié les visioconférences et lettres d’information. Il a notamment annoncé que
l’entreprise continuerait à payer les différentes primes qui, au regard de la
situation, auraient dû être supprimées. Il s’agissait d’un geste fort pour montrer
aux salariés que nous nous comportions de manière responsable. Les dirigeants
actionnaires ont également décidé et annoncé assez vite qu’ils ne toucheraient
pas de dividendes cette année et qu’a contrario une prime d’activité serait versée
aux salariés qui avaient continué à travailler en présentiel.
2. Enfin, les managers de premier niveau ont eu un engagement exemplaire. Ils ont
rapidement remis en place des routines de management adaptées au télétravail
pour les uns et exercer leur activité dans les entrepôts pour les autres. Ils ont su
concilier différentes postures : être en soutien, empathique et exigeant dans le
cadre de l’activité.
Chez Sony Music, nous avons fermé l’entreprise dès le 13 mars, soit quelques jours
avant l’annonce du président de la République et nous avons basculé l’intégralité des
salariés en télétravail. Quelle que soit la charge de travail des collaborateurs, nous avons
décidé de ne pas avoir recours à l’activité partielle et de maintenir intégralement
les rémunérations.
Pourtant, nous partions de loin en termes de pratiques et de philosophie ! En effet, nous
n’avions pas d’accord télétravail et nous avions, avant le confinement, une grande partie
du management qui était plutôt réservée sur cette pratique, considérant que notre métier
est fortement lié aux relations humaines et que les salariés devaient « se voir » pour
créer de la valeur.
GÉNÉRALISER LE TÉLÉTRAVAIL À 50 %
Il semble aujourd’hui évident que les crises sont récurrentes au XXIe siècle. Nous ne
connaissons pas l’intensité, la cause, ou encore la date d’apparition de la prochaine
crise mais elle est inévitable. Il est d’ailleurs marquant de constater que la génération
des moins de 18 ans a déjà connu trois temps forts de redéfinition des équilibres
mondiaux : les attentats du Bataclan, le Covid-19, les échéances climatiques avec
Greta Thunberg. On peut penser qu’ils ont internalisé cette réalité et sont prêts à faire
preuve d’agilité lors de la prochaine crise. Est-ce le cas pour la fonction RH ? Sommes-
nous prêts à anticiper la prochaine crise, qu’elle soit sanitaire, climatique, sociale ou
économique ? Est-ce que nous avons suffisamment accordé de réflexion, de temps et
d’analyse à ce que nous venons de vivre en quatre-vingt-dix jours pour être un peu
mieux préparés à la prochaine ?
Personnellement j’observe deux mutations majeures.
1. La fonction RH a géré cette crise en posture basse : elle s’est adaptée au
quotidien aux évolutions de la situation. Il est maintenant important d’avoir un
retour d’une expérience pour transformer les enseignements tirés en capacité à
prévoir. C’est là qu’on attend la fonction RH.
2. Cette crise nous amène à considérer que le recrutement de salariés un par un
n’est peut-être pas toujours adapté au contexte environnemental et aux enjeux
qui se posent aux organisations. C’est pourquoi, nous souhaitons tester le CDI
collectif qui consiste à embaucher en même temps plusieurs personnes. L’idée
est de recruter une équipe et de la rendre collectivement responsable de ses
résultats. Il s’agit de les engager collectivement dans un projet. Par exemple,
nous prévoyons que si l’un des membres de l’équipe démissionne, l’ensemble
des contrats de travail sont rompus et l’équipe a l’obligation de reconstituer le
collectif avant de signer un nouveau contrat. Il faut réinventer les collectifs de
travail et traiter de nouvelles choses. Il faut bannir les expressions toutes faites du
type : « oui, mais » et « nous avons toujours fait comme ça ».
RECRUTER, INTÉGRER
ET GÉRER
LES CARRIÈRES
Le développement RH ne s’est pas arrêté avec le Covid-19. Cependant,
les entreprises ont dû trouver des solutions inédites pour attirer, fidéliser,
organiser les mobilités ou maintenir l’engagement de leurs collaborateurs.
Sept DRH nous invitent à découvrir les solutions qu’ils ont déployées.
Dans un premier temps, Vitalliance nous montre comment le Covid-19
a changé le regard de l’entreprise sur les candidats souhaitant
télétravailler partiellement et a ainsi élargi sa cible de candidats. Puis,
Mirakl nous détaille l’impact de la crise sur le processus de recrutement.
Spie Batignolles a, quant à elle, insisté sur l’importance de digitaliser les
politiques RH et notamment le recrutement pour proposer une expérience
augmentée. Castalie, pour sa part, a plaidé pour une importance accordée
à l’intelligence émotionnelle comme critère de recrutement. Enfin, Publicis
a mobilisé l’intelligence artificielle pour mieux gérer les carrières, tandis
que pour IQVIA, le confinement a été l’occasion de structurer une politique
de talents ambitieuse afin, notamment, de les fidéliser. La crise a ainsi
montré que l’expérience collaborateur va être de plus en plus augmentée
par les technologies, même si elle doit impérativement conserver sa
dimension humaine.
1. ÉLARGIR SA CIBLE DE RECRUTEMENT
Par Cyril Barkian, responsable RH, Vitalliance1
Grâce à la mise en place d’une cellule de décision pour le Covid dès les premiers jours
du confinement, nous avons décidé de réattribuer l’ensemble des missions des salariés
du siège afin de venir en aide aux équipes terrain ; notre enjeu premier étant d’assurer
leur protection et celle de nos clients dépendants. Comme toutes les entreprises
du secteur, nous manquions de matériel (masques, gel hydroalcoolique). Une partie du
service RH a, par exemple, appelé l’ensemble des pharmacies de France pour repérer
les stocks de protection restante et en informer les directeurs d’agence. Nous avons
aussi pris contact avec des couturiers pour la réalisation de masques et les agences ont
réalisé elles-mêmes leur gel hydroalcoolique.
1. Cette expérience a ouvert notre cadre de pensées pour les recrutements à venir :
nous réfléchissons à nous ouvrir à des candidatures d’autres régions, si les
candidats acceptent de venir en physique 30 à 50 % du temps ! Nous
accentuerons alors l’attention sur le niveau d’autonomie du candidat, car il ne
bénéficiera pas d’une formation en continu au sein de l’équipe. Cela nous
permettra de réaménager les bureaux en créant de meilleurs espaces de vie et
d’échange.
2. La crise sanitaire a permis de révéler chez certains auxiliaires de vie un vrai
potentiel d’évolution vers des fonctions de direction, et une redoutable efficacité
chez certains collaborateurs affectés à la cellule Covid-19. À nous d’exploiter cet
apprentissage durant notre Revue des Talents !
➣ Retrouvez l’intégralité de cette contribution sur dunod.link/rhcovid13
Contexte : Mirakl est une start-up qui édite des logiciels SaaS (Software as
a Service) permettant à une enseigne BtoC ou BtoB de vendre sur son site
e-commerce, via une marketplace, des produits d’autres vendeurs.
Ce business model, à l’origine du succès des plus grands acteurs mondiaux
de l’e-commerce, a révélé tout son intérêt pendant la crise sanitaire,
notamment car il permet d’éviter la rupture de stocks.
Chronique du Covid-19
Durant le confinement, nos équipes ont monté bénévolement pour le compte de l’État
français, et en quarante-huit heures, la plateforme stopcovid19.fr afin de mettre en
relation vendeurs (notamment les nouveaux qui ont converti leurs chaînes de production)
et acheteurs d’équipements de protection. Nos équipes ont alors administré
la plateforme, rôle normalement occupé par nos clients. Cela leur a permis de mieux se
mettre à la place de nos clients et de réfléchir ainsi à des améliorations du logiciel et des
services associés que nous proposons.
Nous avons également adapté notre process de recrutement. Après des tests
techniques, nos candidats ont normalement quatre entretiens de quarante-
cinq minutes avec leur futur hiring manager (le recruteur, un futur collègue
proche et un second éloigné). Cette demi-journée porte sur l’adéquation du
candidat avec les valeurs de la société : Work hard together, Get things
done, Go above and beyond, Innovate and inspire, Satisfy and empower
clients4. Cette demi-journée est intense mais éclairante pour le candidat.
De plus, elle nous permet d’avoir une vision complète du candidat,
notamment grâce à notre grille très structurée, et donc de donner une
réponse définitive et riche dans les quarante-huit heures au candidat.
Nous avons alors adapté ce process durant la crise, en le séquençant en
deux boucles de quatre-vingt-dix minutes réparties sur deux jours différents
car les visioconférences demandent plus d’effort de concentration. Une fois
les entretiens de nouveau passés en présentiel, nous envisageons néanmoins
d’effectuer en visioconférence les entretiens de présélection, habituellement
faits par téléphone.
Nos collaborateurs nous ont rejoints pour contribuer à un projet engagé et solidaire.
Nous souhaitons en retour créer un cadre de travail convivial et en adéquation avec nos
valeurs. Avant même de nous interroger sur le sort de nos recrutements en cours, nous
nous sommes questionnés sur celui de nos collaborateurs : 50 % de nos salariés ont
moins d’un an d’ancienneté. Je suis moi-même arrivée en février 2020 ! Il était donc
important de pérenniser leur on-boarding et de continuer à leur offrir un cadre de travail
bienveillant, afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Nous avons donc décidé de
fermer le site et de promouvoir le télétravail à temps plein tout en essayant de garder
une approche très humaine.
GARDER CONTACT
GÉNÉRER DE L’ENGAGEMENT
Malgré la situation globale, et même si la société a été fragilisée comme
beaucoup d’autres par la crise, il était important d’impacter le moins
possible nos collaborateurs. En conséquence, nous avons maintenu les
salaires à 100 %, chômage partiel ou non. En plus de cours de sport en
visioconférence, nous avons également lancé deux partenariats avec :
– la plateforme wenabi, qui permet à nos collaborateurs d’offrir de leur
temps libre à des causes solidaires, renforçant notre position
d’employeur engagé ;
– la plateforme moka.care qui permet à nos collaborateurs d’échanger
avec des psychologues ou des coachs de manière anonyme et ainsi de
prendre soin de leur bien-être psychique.
1. Cette crise nous a rappelé que dans un contexte unique et désorientant, chacun
réagit avec son émotion. Il est donc naturel de se laisser parfois submerger,
même au travail. Nous allons faire passer et débriefer le test d’évaluation
comportemental APP thomas.co (Personal Profile Analysis) à nos manager afin
qu’ils comprennent mieux leur style comportemental et les traits de
communication associés. Le test APP permet de créer un échange concret sur le
lien entre le style naturel d’un manager et les besoins de son équipe. Nous allons
donc renforcer la sensibilisation de notre comité de direction et de nos middle
managers sur cette thématique, ainsi que sur la résilience.
2. Enfin, il nous appartient de lancer un projet pour encourager et développer les
parcours de carrière au sein de Castalie, car cela va de pair avec l’expérience
collaborateur et l’engagement.
Nous avons mis en place de nombreuses actions pour soutenir les collaborateurs.
Sachant que le credo de Publicis est « client first » (le client d’abord), il est
particulièrement notable de constater que durant cette crise, la priorité absolue a été
donnée à la santé physique et psychique des collaborateurs. Parmi
les dispositifs déployés, nous avons, par exemple, mis en place une cellule de soutien
psychologique pour les personnes qui pouvaient avoir soit des angoisses vis-à-vis de
l’isolement, ou des difficultés pour gérer cette période, mais aussi un accès privilégié à
un service médical de téléconsultations, et des activités sportives (cours de yoga et de
fitness animés à distance).
1. Cette période a été paradoxale pour la fonction RH. D’un côté, les équipes RH
opérationnelles ont été énormément sollicitées car elles ont pris en charge la
gestion du confinement, du déconfinement et de l’activité partielle. Les charges
administratives et les obligations légales ont explosé avec quasiment de
nouveaux décrets d’application chaque jour. Je pense particulièrement aux
business partner et aux équipes paie. S’il y a bien une fonction qui n’a pas été en
sous activité pendant cette période, c’est bien la fonction RH. Les équipes sortent
d’ailleurs éreintées de la période mais avec le sentiment du devoir accompli !
Mais, d’un autre côté, cette période a aussi permis de faire avancer de nombreux
sujets stratégiques que la fonction essayait de porter depuis un moment, comme
le télétravail, les formations multimodales, la gestion des talents augmentée par
l’intelligence artificielle.
2. La crise nous a permis de gagner en visibilité, en écoute et pouvoir d’action. En
servant les enjeux business, la fonction RH a renforcé sa valeur ; via l’innovation
RH, elle a permis d’accélérer la diffusion des changements dans nos
organisations.
➣ Retrouvez l’intégralité de cette contribution sur dunod.link/rhcovid17
1. Nous allons doter nos managers d’un document unique dédié à la conduite
d’entretiens structurés, orientés développement des compétences et
engagement. On y trouve une offre de formations en réponse à l’émergence de
nouvelles compétences sur lesquelles le groupe communique régulièrement. Cet
« Engagement and Retention Manager Toolkit » est mis à disposition de
l’ensemble des managers sur l’intranet du groupe.
2. Nous envisageons de soutenir les initiatives de nos talents en les faisant travailler
sur certains projets scientifiques ou technologiques. Des groupes seraient
composés de membres issus de différentes fonctions et cultures ; les projets
feraient l’objet de revues avant d’être sponsorisés par des leaders. On suppose
qu’une meilleure exposition au sein de l’organisation participe à accélérer leur
développement et leur permet de montrer plus de curiosité, compétence qui
constitue la racine de la créativité et donc de l’innovation.
La spécificité de la crise liée au Covid-19 a été de faire appel chez les professionnels RH
à deux compétences principales :
– prendre des décisions sans posséder l’expertise juridique (au vu des évolutions
législatives incessantes) et sanitaire nécessaire ;
– outiller nos salariés – et nous-mêmes – face au bouleversement de nos habitudes et à
l’incertitude prolongée du confinement, voire de l’activité partielle. Tout difficile que
puisse être un travail, ce dernier occupe une place prépondérante dans notre espace
de pensée et, en tant que tel, empêche de trop se questionner sur notre vie et nos
angoisses.
En tant qu’employeur, cette crise nous a fortement rappelé que le travail est un facteur de
santé psychologique pour de nombreux salariés : grâce au salaire, entre autres, c’est
d’abord un moyen pour combler les besoins de sécurité de nos salariés. C’est aussi un lieu
de lien social faible permettant ainsi de s’extraire des liens de la vie privée. Via la mobilité,
nous offrons à nos salariés un écran de projections et d’évolutions personnelles.
Au-delà de l’exigence de passer la crise, nous nous sommes beaucoup demandés, durant
le confinement, quel serait le monde d’après. Sortis de confinement, c’était à nous, RH et
entreprises, de proposer de nouvelles voies pour tirer les leçons du passé… et cela ne peut
pas être uniquement la généralisation du télétravail. Nous pouvons être de plus en plus
conscients de l’impact de notre entreprise sur l’écosystème au sein duquel elle s’insère en
faisant travailler des salariés, qui eux-mêmes auront un impact sur le monde par leurs
pratiques. Par la formation et la mobilité professionnelle, l’entreprise peut aussi offrir un
enrichissement personnel, notamment grâce aux formations de développement personnel
qui sont extrêmement appréciées de nos salariés car elles leur donnent aussi des clés pour
leur vie personnelle.
Engageons-nous sur le chemin de l’engagement employeur :
– de même que l’industrie textile partage composition, lieux et moyen de confection,
partageons nos process internes, ce qui est possible, ou non, en notre sein. Nous
avons des éléments plus profonds à partager sur les réseaux sociaux que nos bureaux
et nos kits d’intégration, comme de belles mobilités ! Face au risque de crise
économique, nos candidats nous pardonneront de ne pas répondre en tout point à
leurs attentes, mais pas de continuer à communiquer au travers de discours
institutionnels très lisses. Ils sont à même d’entendre qu’une entreprise n’est pas
parfaite ;
– chez les jeunes diplômés, un élément fort de désillusion est l’écart entre ce qui est
promis en école (en termes de rémunération, responsabilité…) et la réalité du marché
de l’emploi : allons intervenir en classe pour aider les étudiants à faire leur choix
d’étude de manière éclairée ;
– investissons-nous pour l’emploi et la formation des jeunes ! Que ce soit par le biais
d’un CFA ou de formation en alternance créée spécifiquement, il existe plusieurs
solutions pour que les alternants soient formés selon les besoins de chacun ; l’accès à
ces formations peut être fait et doit être fait sans prérequis de formation.
➣ Retrouvez l’intégralité de cette contribution sur dunod.link/rhcovid19
PRIORITÉ N° 3 : LA TECHNOLOGIE POUR AMÉLIORER
L’EXPÉRIENCE COLLABORATEUR
DIGITALISER
LE DÉVELOPPEMENT
DES COMPÉTENCES
Par essence, toutes les formations présentielles se sont arrêtées dès le début
du confinement. Or, dans la majorité des entreprises, même les plus
avancées, elles constituaient encore la modalité majoritaire pour
développer les compétences des collaborateurs. Les responsables du
« learning & development » ont donc dû rapidement mettre en place des
stratégies pour digitaliser leurs dispositifs et créer des voyages
d’apprentissage épanouissants.
Ce chapitre présente les choix réalisés par AG2R La Mondiale, Saint
Gobain, Air France, Chloé et L’Oréal. Fort de ces retours d’expérience, la
nécessité de devenir une entreprise apprenante apparaît plus que jamais
indispensable.
1. DESIGNER L’EXPÉRIENCE APPRENANTE
Par Alexandra Lange, directrice du Développement Professionnel, AG2R La Mondiale
La crise sanitaire a pris forme dans un contexte de transformation massive des métiers
et des compétences. Le « learning & development » a dû déployer dans ce contexte
une offre de service structurée dans le cadre d’une Académie, autour de quatre piliers
principaux :
– un learning lab pour passer à l’échelle suivante en matière de formation
« massive », personnalisée et innovante ;
– un centre de service pilotant la mise en œuvre du plan de développement des
compétences ;
– une équipe de « front » pour faire le lien entre les besoins de développement des
compétences formulés par les métiers, les projets de transformation et les autres
dispositifs RH ;
– une équipe transverse pour concevoir et déployer l’ensemble des compétences
transverses avec un focus spécifique sur l’accompagnement managérial et les soft
skills.
Les équipes de l’Académie se sont ainsi, dès les premières semaines de confinement,
engagées dans un double mouvement de déprogrammation massif de nos sessions de
formations présentielles et d’identification des actions d’accompagnement prioritaires
pour lesquelles nous devions prévoir une réorientation à très court terme vers du full
distanciel (100 % à distance).
À l’issue de ces cinq ateliers, nous avons identifié les priorités suivantes.
1. Dans un contexte de transformation accélérée des métiers et des compétences,
mais aussi de contraintes budgétaires accrues, continuer à mettre en œuvre le
passage à l’échelle du L&D pour basculer de l’accompagnement individuel à
l’accompagnement collectif, « de masse » et qualitatif.
2. Pour chacune de nos actions, systématiquement penser « blended », en intégrant
une expérience apprenante sans couture et personnalisée, et préparer le « plan
B », c’est-à-dire la bascule à n’importe quel instant vers le « full distanciel ».
3. Responsabiliser les managers sur l’enjeu et l’efficacité de l’apprentissage en
continu et du distanciel, en déployant un effort continu et soutenu de pédagogie et
de démonstration auprès d’eux
Nous avons très vite basculé dans un monde VUCA (Volatile, Incertain,
Complexe et Ambigu) dont nous parlions dans nos programmes de
formation. La question de savoir si cette situation ne risquait pas de
remettre en cause de façon durable les principes qui régissaient les activités
de formation s’est posée très vite. Était-il encore raisonnable de faire
parcourir des milliers de kilomètres à un manager pour quelques jours de
stage dans un centre de formation alors qu’il aurait pu recevoir le même
enseignement sur ou près de son lieu habituel de travail ? Comment
poursuivre les actions de formation qui accompagnent les grands chantiers
de transformation ? Comment basculer rapidement vers des modalités de
formation excluant déplacement et regroupement ?
Air France, comme l’ensemble du secteur du transport aérien, a fait partie des
entreprises les plus touchées par la crise du Covid. Très vite, compte tenu de la
réduction drastique du programme de vol, le dispositif d’activité partielle a été mis en
place, les mesures de réduction des coûts renforcées, générant notamment pour
la formation le maintien exclusif des formations à distance.
POINT DE VUE
La modification Tirer parti des technologies pour à la fois réduire les coûts et améliorer
l’expérience apprenante (par exemple, ajout de tutorat en ligne,
contenu digital en complément d’un cours présentiel).
Créer une expérience apprenante épanouissante et augmentée en
La redéfinition mobilisant une diversité de formats présentiels et distanciels
(multimodalité) en phase avec les objectifs pédagogiques.
Cette crise l’a encore une nouvelle fois montré, l’apprentissage ne peut plus
être séquentiel. Du fait de la diminution de la durée de vie des compétences,
notamment techniques, les collaborateurs doivent apprendre en continu.
Pour cela, les équipes RH doivent :
– donner envie aux collaborateurs d’apprendre (mettre les salariés en
posture réflexive pour formaliser leurs projets professionnels et
personnels, démontrer la valeur ajoutée de l’apprentissage, créer une
sécurité psychologique chez les apprenants…) ;
– leur donner les moyens d’apprendre (modules centrés sur la
compétence clé « apprendre à apprendre », support méthodologique) ;
– et créer les environnements pour le faire (temps disponible pour
apprendre, soutien de l’équipe de direction, culture et valorisation de
l’apprentissage dans les systèmes de management de la
performance…).
C’est à cette condition que les salariés seront acteurs de leur apprentissage
et pourront faire face aux situations inédites que leur réserve l’avenir.
CHAPITRE 5
Contexte : Burger King Quick France est une entreprise contrôlée par le
Groupe Bertrand, un des leaders de la restauration en France, qui détient
la master franchise Burger King Quick France, assurant donc le
développement de la marque mondiale de restauration rapide Burger King
Quick en France. Elle comprend à date près de 500 restaurants et environ
20 000 collaborateurs (5 000 collaborateurs pour les restaurants intégrés
et 15 000 salariés travaillant pour des franchisés).
Chronique du Covid-19
Nous sommes une entreprise de restauration rapide. Et, comme dans tous les
restaurants en France, nous avons été obligés de fermer nos unités « en catastrophe »
dans la nuit du 14 au 15 mars 2020 suite à l’arrêté gouvernemental du 14 mars
ordonnant la fermeture immédiate des restaurants. Celui-ci a été publié dans la journée
et il a fallu fermer tous les restaurants avant minuit.
Face à cette crise inédite, nous avons pris la décision de mettre l’humain, à savoir nos
collaborateurs et nos clients, au cœur de nos préoccupations. Alors que légalement nous
n’étions tenus que de fermer nos salles de restauration, nous avons été la première
entreprise du secteur à annoncer que nous fermions totalement nos restaurants compte
tenu de la pandémie, à savoir également le drive (commande en voiture) et le delivery
(livraison à domicile).
La crise a montré qu’une politique RH doit être très agile dans ce genre de situations.
Elle implique trois changements structurels.
1. Les questions de santé et de sécurité vont devenir centrales et seront des thèmes
clés de la GRH demain.
2. La digitalisation est amplifiée notamment dans le domaine de la paie (coffre-fort
électronique, paie dématérialisée, gestion sécurisée à distance, déclaration à
distance des congés…), de la formation, de la gestion de carrière et du travail à
distance. En quelques mois, nous avons gagné cinq ans de maturité sur ces
sujets.
3. La question de l’équilibre entre, d’une part, les moments collectifs et la
performance individuelle et, d’autre part, la vie professionnelle et la vie
personnelle.
Forts de ces chantiers, nous avons besoin de profils plus digitaux et plus agiles dans
les équipes RH. Il faut des collaborateurs qui soient capables de ne pas se laisser
déstabiliser par un environnement incertain, de naviguer à vue et qui sachent
s’adapter.
Dès le mois de février, nous avons bâti un plan de continuité d’activité sur les bases des
« ruines » de nos travaux réalisés il y a dix ans en vue de prévenir la vague de grippe
H1N1. Cet épisode attendu, mais qui n’avait finalement jamais vraiment eu lieu, est sans
doute en partie responsable du faible intérêt porté par les dirigeants au lancement de ces
préparatifs. Pourtant, déjà dans notre plan de continuité d’activité, nous avions envisagé
le recours à l’activité partielle ainsi qu’un fort absentéisme, de l’ordre de 40 %, avec les
objectifs de pouvoir anticiper l’organisation et la priorisation des projets où nous aurions
pu maintenir une activité.
Nous avons dès lors identifié pour chaque activité, les postes indispensables à sa
continuité et, parmi eux, ceux qui pouvaient être réalisés en télétravail. Nous avons
également envisagé des mesures de prévention à mettre en œuvre sur nos sites
de travail avec une gradation suivant l’évolution des stades du plan gouvernemental. Ce
travail réalisé conjointement entre la direction des Ressources Humaines et la direction
de la Prévention a fait l’objet d’une information du comité social et économique (CSE)
ainsi que de la commission de santé, de sécurité et des conditions de travail (CSSCT).
1. La crise que nous venons de traverser nous a contraints à inventer une nouvelle
façon de communiquer avec les représentants du personnel, à réinventer les
relations sociales. Elle a permis d’accélérer sans commune mesure la
dématérialisation des formalités : convocation et organisation des réunions,
diffusion des documents et des comptes-rendus. Elle a également rendu possible
la digitalisation des réunions organisées en visioconférence obligeant ainsi à lever
les derniers verrous idéologiques. Mais quoi qu’il arrive, le digital doit être
considéré comme un outil et la relation humaine devra être conservée. La
proximité contribue à créer de la confiance entre les parties, ingrédient
indispensable pour des échanges de qualité.
2. La direction doit faire preuve de transparence et cesser de distiller prudemment
des informations limitées. Pour comprendre, il faut savoir. C’est la condition
indispensable pour permettre aux représentants du personnel d’exercer leurs
responsabilités et de se positionner comme véritables partenaires de la direction
et des salariés. Et lorsque cela s’avère nécessaire, il ne faut pas hésiter à les
former, notamment pour leur permettre d’appréhender les problématiques
économiques et financières.
POINT DE VUE
RENOUVELER
SON MODÈLE
ORGANISATIONNEL
ET CULTUREL
Une pandémie telle que le Covid-19 pousse les entreprises à réinterroger
leur modèle culturel et organisationnel (le réaffirmer pour qu’il perdure ou
le renouveler pour qu’il s’adapte à la nouvelle donne environnementale).
Huit équipes RH présentent ici les initiatives prises lors de cette période
autour de cette problématique. L’ensemble des acteurs actent le fait que la
fonction RH doit être l’architecte des transformations de l’entreprise. C’est
dans sa capacité à désigner des configurations congruentes avec la
stratégie de l’entreprise et le corps social que réside l’une de ses
principales valeurs. À ce titre, une culture ad hoc peut jouer le rôle de
paravent face à la crise.
1. CRÉER UNE DYNAMIQUE COLLECTIVE À DISTANCE
Entretien avec Camille Devise, VP People & Legal, et Angélique De Taddeo, Lean & Culture
Officer, AB Tasty
Notre premier angle d’attaque pour nous adapter à la situation s’est fait sur
le plan culturel. Nous voulions diffuser des messages positifs et
sympathiques, à l’image de notre culture d’entreprise. Pour cela, nous avons
produit des e-mails à l’attention des salariés centrés sur la vie quotidienne
d’un collaborateur confiné. Il s’agissait de donner des conseils pratiques
pour adapter au mieux son quotidien à cette situation exceptionnelle :
s’habiller le matin pour garder le sentiment d’être au travail, adopter un
rythme régulier de travail avec des horaires fixes, gérer le télétravail avec
les enfants… Nous avons privilégié la personnalisation du message et un
ton léger pour aborder tous ces sujets.
En complément, nous avons regroupé beaucoup de conseils, de bonnes
idées pour pouvoir continuer à avoir une vie active malgré le confinement.
Par exemple, nous avons envoyé des liens vers des sites permettant de
continuer à faire du sport ou vers des musées qui pouvaient être visités
gratuitement en ligne. Il s’agissait d’encourager les collaborateurs à
s’entretenir physiquement et à rester connectés avec le monde extérieur.
Nous avons aussi régulièrement organisé des jeux aux heures des apéritifs
virtuels pour conserver cette bonne humeur qui nous anime habituellement
dans nos pratiques quotidiennes. Le format a fini par lasser avec le temps,
ce qui apparaît compréhensible. Nous souhaitions que nos salariés gardent
le moral car certaines de nos valeurs fondamentales, comme l’esprit
d’équipe, ont été fortement challengées ces derniers mois. En effet, le moral
global de l’équipe a baissé du fait du confinement quel que soit le cas de
figure :
– pour les salariés isolés, notamment dans des petits appartements, le
confinement a été pesant et le manque de liens sociaux a été plus ou
moins difficile à vivre ;
– pour les familles, la gestion des enfants a généré une charge
quotidienne et mentale extrêmement lourde.
Nous avons également organisé des meetings dédiés, menés par les RH,
pour les managers au cours de la période de confinement afin qu’ils
puissent échanger entre eux, parler de leurs difficultés rencontrées et en
particulier s’entraider sur la bonne manière de gérer des équipes en
télétravail dans la durée.
UN ACCOMPAGNEMENT PERSONNALISÉ
Les situations de nos salariés sont très hétérogènes. Nous avons des jeunes
et des moins jeunes, des célibataires, des parents d’enfants en bas âge…
Par ailleurs, une partie des collaborateurs était en télétravail, l’autre en
activité partielle (jusqu’à 65 %). Nous avons voulu maintenir des relations
de proximité avec nos équipes quelle que soit leur situation. Nous avons eu
à cœur d’être attentifs à la façon dont la situation était vécue par chacun.
Cela signifiait gérer les frustrations de ceux qui, compte tenu de leur métier,
télétravaillaient tout en gérant l’école à la maison pour leurs enfants, alors
même que d’autres collaborateurs étaient au chômage partiel sans perte de
salaire. Mais également être attentifs aux signaux faibles de ceux qui se
retrouvaient sans activité et pouvaient ressentir un sentiment d’inutilité et
souffrir de l’isolement social. Il a été demandé à chacun de se reposer cinq
ou six jours (respectivement pour les non-cadres et les cadres) durant la
période. Pour les salariés en activité partielle, cela voulait dire renoncer à
des jours de congé puisqu’ils ne travaillaient pas pendant la période. Pour
les télétravailleurs, c’était une injonction à se reposer et à prendre du temps
pour eux dans cette période où ils étaient très sollicités. L’un des rôles de la
fonction RH a d’ailleurs été de s’assurer que les télétravailleurs se
reposaient bien.
Nous nous sommes appuyés sur un système que nous avions mis en place
depuis plusieurs mois déjà au sein de l’entreprise et que nous appelons
« Coach à votre service ». Nos deux coachs étaient disponibles par
téléphone pour accompagner les salariés qui en ressentaient le besoin.
Ce dispositif était ouvert à tous les collaborateurs et chacun pouvait prendre
rendez-vous, quel que soit son besoin (difficulté de communication,
problème d’organisation, perte de contrôle…). De plus, pendant le
confinement, le collectif Identicar, un groupe de collaborateurs qui œuvrent
tout au long de l’année au bien-être de tous, a également continué à
organiser des moments conviviaux : cours de sport ou encore ateliers de
cuisine animés par des collaborateurs, en visioconférence bien sûr.
1. Dès la reprise générale début mai, nous avons repris les projets en cours,
internes et externes, et les avons adaptés. Certains ont même été mis en place
de toutes pièces en seulement quelques semaines, comme notre nouveau
service visant à accompagner nos membres dans l’organisation de leurs
vacances d’été en France. Le service s’accompagne d’un site Internet, ouvert à
tous, qui propose des itinéraires et plein de conseils pour se faciliter la route et les
vacances.
2. Côté RH, nous avons accéléré la mise en place de certains projets. Par exemple,
nous avons totalement dématérialisé les tickets restaurant, ouvert un chantier sur
nos manières de travailler. Le confinement nous a notamment incités à mener
collectivement une réflexion profonde sur le télétravail, avec pour unique ambition
l’amélioration du bien-être des collaborateurs et de leur équilibre vie pro/vie perso.
Nous n’avons aucune motivation d’ordre immobilier (gagner des mètres carrés,
instaurer le flex office) ou financier. Aujourd’hui, nous expérimentons le télétravail
deux jours par semaine en impliquant les managers et en sondant les équipes.
Mais rien n’est figé !
Le travail des ressources humaines a été revu en profondeur pour gérer ponctuellement
la crise. Il a fallu faire face à l’urgence, prendre des décisions très rapides.
Nous avons d’abord évalué la situation dans les différents pays où l’entreprise est
implantée et avons accompagné les collaborateurs concernés vers l’arrêt de leur activité
partiellement ou totalement, en prenant en considération les dispositifs prévus dans
chaque pays. Nous avons établi une règle du 80 % de manière à ce que personne ne
soit impacté financièrement à plus de 20 % de son salaire et avons garanti leur salaire
aux plus petits salaires. Nous avons suspendu les recrutements et envisagé le décalage
des arrivées de collaborateurs prévues au sein d’équipes impactées pour leur assurer
une arrivée plus qualitative.
Dans le même temps, il fallait aussi penser à « préparer le futur ». Nous avons donc
décidé de maintenir les équipes produit et engineering des plateformes techniques qui
ont poursuivi pleinement leur activité en télétravail total.
POINT DE VUE
D’un point de vue économique, la crise a fortement impacté notre production et donc nos
revenus pour deux raisons majeures :
– notre clientèle particulière a souvent des revenus modérés. La pandémie les a plutôt
poussés à épargner et à limiter leurs consommations ;
– côté BtoB, la plupart de nos partenaires commerciaux ont fermé avec une baisse
immédiate d’octrois de crédit.
Plus globalement, le contexte de crise a conduit à une très forte augmentation du coût du
risque et nous a poussés à provisionner, ce qui a mécaniquement une répercussion sur
nos résultats.
1. Nous avions la chance d’avoir une fonction RH bien positionnée dans l’entreprise,
mais la situation a renforcé le caractère central des sujets RH car la plupart des
sujets de stratégie dépendent aujourd’hui du modèle de leadership et de la culture
qui le porte. Ce dernier, qui reposait sur quelques principes forts (la dynamique de
délégation, la coopération, la transversalité, l’ambition collective, l’exemplarité, la
responsabilité et la solidarité), a été enrichi de trois dimensions, qui se sont
avérées indispensables durant la crise : l’agilité, l’innovation et la créativité. La
crise nous a forcés à trouver des solutions beaucoup plus disruptives.
2. Nous allons également accélérer nos plans d’action sur les questions d’inclusion
globale. Nous voulons accélérer ces actions et privilégier toutes les diversités. En
effet, la crise nous a aussi montré que la richesse de notre entreprise est notre
mixité et notre multiculturalité. Nous devons recruter des équipes hétérogènes
dont la complémentarité permettra d’affronter un environnement incertain.
Je me souviens très bien de ce vendredi 13 mars 2020 et de mes échanges avec Julien
et Benjamin, les cofondateurs d’Epsor. Nous nous apprêtions à annoncer, lors de notre
réunion d’équipe « all staff », que l’ensemble des salariés devra dorénavant télétravailler
et ce, jusqu’à nouvel ordre. C’était nouveau chez Epsor car jusqu’ici seul le télétravail
ponctuel était admis.
Très vite, nous identifions trois enjeux majeurs : organiser le travail, communiquer et
entretenir le collectif (l’une de nos valeurs essentielles). Des missions que l’on prête
parfois au culture manager.
1. Les comportements sont exacerbés en temps de crise qui est une situation de
stress et d’inquiétudes. Lorsque les comportements sont alignés avec la culture
d’entreprise et ses valeurs, et lorsque les dirigeants sont exemplaires, il est
beaucoup plus simple de traverser la tempête. Il devient même possible d’en tirer
des enseignements qui font grandir.
2. Le télétravail est une opportunité pour apporter de la flexibilité, de la liberté aux
collaborateurs. Mais il me semble important de garder deux points en tête.
Premièrement, nous sommes tous différents et « inégaux » devant le télétravail –
le dispositif choisi doit permettre de tenir compte de ces différences.
Deuxièmement, le télétravail comporte des risques qu’il faut adresser, notamment
en ayant recours au droit à la déconnexion, ce qui me semble essentiel.
Enfin, une crise ne doit pas pousser une organisation à arrêter d’explorer le
futur (focalisation sur l’urgence présente). S’appuyer sur des laboratoires
d’idées internes pour lancer de nouveaux projets, mettre en place un
hackathon pour inventer de nouveaux business model sont autant
d’initiatives bénéfiques qui ont pu être prises par des équipes RH en action.
En effet, c’est paradoxalement dans les périodes de crise qu’une
organisation doit se reconfigurer et se réinventer.
CONCLUSION
QUELLE FONCTION
RH POST-COVID-19 ?
La crise est une opportunité pour la fonction RH de réfléchir à sa
configuration et aux rôles et postures qu’elle veut endosser demain. Pour ce
faire, elle doit à la fois s’interroger sur les évolutions des aspirations des
collaborateurs et les nouvelles exigences de l’environnement.
1. UNE NOUVELLE EXPÉRIENCE COLLABORATEUR
La crise que nous vivons pose également la question des nouvelles formes
de relations de pouvoir au sein des organisations, avec la primauté accordée
à la compétence ou à l’efficacité individuelle à dominante technique, sur le
respect des normes institutionnelles et collectives (statut, règlement,
position dans l’organisation), structuré autour de rôles et de relations inter-
rôles. Le rapport au pouvoir et à l’autorité marque une nouvelle approche de
la reconnaissance au travail, fondée non plus sur l’ancienneté (légitimité
traditionnelle), le statut ou l’expertise (légitimité rationnelle-légale), mais
davantage orientée sur la compétence produite (légitimité substantive) et les
aptitudes personnelles (légitimité charismatique).
C’est donc une révolution managériale que les RH doivent
accompagner autour de nouveaux rôles, postures, compétences qui
induisent de nouveaux critères de recrutement, de détection ou de
management de la performance d’une part, et des programmes de
développement dédiés d’autre part.
La crise actuelle a mis à mal nos certitudes et par là même notre rapport à la
connaissance et à la science. Cette réalité est d’autant plus vraie dans le
monde occidental empreint de valeurs objectives et de rationalité, où
l’individu moderne se devait de dominer son environnement et donc les
situations. Or, cette crise remet en question nos analyses rationnelles de
nature scientifique, médicale mais aussi économique et logistique
(déplacements, gestion de l’espace), au profit d’une démarche plus
pragmatique et empirique (intuition et expérimentation). Le vrai et le faux
s’entremêlent, l’expert et le fou présentent dans certains cas certaines
similitudes, ce qui nous rassure s’éloigne parfois de la rationalité, ce qui
crée un élan porteur d’espoir se voit associé à des actions parfois
irrationnelles, l’intelligence côtoie ou se confond avec l’ignorance. La crise
que nous connaissons accorde ainsi une importance accrue au « subjectif »
(intuition, spontanéité, sensations, émotions, impressions, ressentis) sur
« l’objectif » (raisonnement, déduction, réflexion, démonstration,
argumentation…) et place le champ de la spiritualité parfois au même
niveau que celui de la science ou de la raison pure.
Pour la fonction RH, cela induit que les dimensions émotionnelle,
aspirationnelle et spirituelle d’une organisation deviennent des éléments
d’appréciation clés de l’expérience collaborateur que vit un individu au
même titre que la dimension intellectuelle (contenu de l’emploi, challenges
professionnels, rétributions…), physique et digitale. L’approche
transversale et transdisciplinaire dans la conception des politiques RH
devient clé.
POINT DE VUE
POINT DE VUE
Marc François-Brazier, Senior Advisor, Deloitte
Le Rubik’s Cube RH
Pourquoi un Rubik’s Cube me direz-vous ? Car sa résolution nécessite impérativement
d’aligner simultanément six faces de couleurs différentes… Comme le DRH a dû maîtriser
six domaines dont il est rare, en temps normal, qu’il doive articuler simultanément plus de
trois ou quatre d’entre eux.
• La gestion des risques : ils étaient multiples et critiques, sanitaires et juridiques.
• L’humain : au cœur du rôle du DRH, la relation individuelle faite d’écoute, de proximité
a été l’un des enjeux majeurs pour accompagner des collaborateurs confrontés en
quelques jours à un bouleversement profond de leur activité professionnelle mais aussi
de leurs vies personnelle, familiale et sociale.
• Le social : une priorité de toujours, garantir le climat social a plus que jamais été
considéré comme crucial par les dirigeants dans cette période.
• L’organisation : pendant et suite au Covid-19, la contribution des DRH sur ces sujets
a été très large. Il a fallu penser adaptation à la charge d’activité, aux contraintes
personnelles, familiales, à l’absentéisme, repenser les rituels managériaux, la
communication mais aussi prendre en compte toutes les dimensions relatives aux
contraintes sanitaires.
• Économique et financière : tant pour les entreprises (masse salariale…) que pour les
individus (rémunération…), l’impact de cette crise était critique. Les DRH ont donc
multiplié les options et simulations pour trouver les meilleures solutions pour tous.
• Juridique et administratif : dans tous les pays, le suivi de la règlementation a été un
casse-tête permanent. Cette pandémie étant inédite, les gouvernements ont beaucoup
tâtonné pour apporter les réponses les plus appropriées au fil de l’évolution de la crise.
Les règles et obligations ont fréquemment changé. Les intentions étaient bonnes, et les
solutions apportées étaient le plus souvent pertinentes et précieuses mais ont généré
une lourde charge administrative.
Le sablier RH
Outre le Rubik’s Cube, l’autre symbole de cette période exceptionnelle pour les DRH serait
pour moi le sablier. Le DRH a cette particularité d’être à la fois un acteur du quotidien avec
ses multiples activités dites « transactionnelles » sans laquelle l’entreprise s’arrête, mais
aussi le gardien du temps long, celui de la transformation de l’organisation et du
développement des hommes.
Pendant toute cette crise pleine d’incertitudes et de challenges inédits, le facteur temps a
été souvent déterminant. Le DRH a dû conserver ce positionnement parfois schizophrène :
gérer l’immédiat sans obérer l’avenir.
Au déclenchement, membre de la cellule de crise, il a négocié pour obtenir le temps qui lui
semblait indispensable pour impliquer les partenaires sociaux, soutien précieux dans les
étapes suivantes, notamment la relance de l’activité. Plus tard, pendant ce long intermède,
« temps suspendu » du confinement, il a anticipé les prochaines étapes nécessitant parfois
des délais humains incompressibles. Enfin, quand est venue la phase douloureuse de
redimensionnement des effectifs pour répondre à une activité significativement amputée, il
a parfois dû batailler pour des solutions préservant les compétences critiques pour le futur
du business et proposer des alternatives pour éviter les « stop & go » de « licenciements –
embauches ».
Le DRH s’est donc trouvé pendant ces quelques mois « au cœur du réacteur », souvent
épuisé, mais reconnu et apprécié pour sa contribution majeure. Comment évoluera-t-il
après cette crise ?
En DRH homme-orchestre, champion du Rubik’s Cube et des réponses multiples
permettant de satisfaire les enjeux immédiats de toutes les parties prenantes de
l’entreprise, expert respecté de ses « clients » ? Ou en DRH chef d’orchestre, maître du
sablier, qui donne le tempo et « oriente l’interprétation de l’œuvre » ?
Certainement les deux selon le niveau des interlocuteurs dans l’organisation et la maturité
de la fonction, la crédibilité du premier devant servir à la reconnaissance du second. Mais la
réponse dépendra grandement de la capacité du DRH à être un acteur majeur dans
l’entreprise élargie et au cœur de la dynamique du « co » (coopération, coresponsabilité…)
indispensable au développement de l’intelligence collective.
➣ Retrouvez l’intégralité de cette contribution sur dunod.link/rhcovid37
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BARABEL M., MEIER O., PERRET A. et TEBOUL T., Le grand livre de la formation, Dunod, 2020.
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