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réalités Cardiologiques – n° 370_Mars 2022

Le dossier – Quelle prise en charge des SCA en 2022 ?

Les anticoagulants
et le syndrome coronarien aigu

RÉSUMÉ : Durant la phase initiale de prise en charge d’un syndrome coronarien aigu (SCA), une
anticoagulation parentérale est recommandée (recommandation de classe I) en association à une
antiagrégation plaquettaire, que la prise en charge soit invasive ou non.
Durant l’angioplastie primaire, les deux anticoagulants recommandés en première intention sont
l’héparine non fractionnée (classe IC) et l’énoxaparine (classe IIA).
Les patients porteurs d’une fibrillation auriculaire et présentant un syndrome coronarien aigu ont un
risque hémorragique élevé du fait de l’association initiale d’une bithérapie antiplaquettaire et d’une anti-
coagulation curative. L’ensemble des preuves plaide en faveur d’une trithérapie de courte durée dans la
plupart des cas puis d’une bithérapie antithrombotique associant un inhibiteur de P2Y12 (clopidogrel)
et un AOD pendant au moins 12 mois lors du SCA ST+. Cette association peut être réduite à 6 mois en
cas de SCA ST-.

L’
association d’une antiagrégation de la transformation de la prothrombine
plaquettaire et d’une anticoagu- en thrombine [3.] Il inhibe également
lation lors de la prise en charge directement la thrombine. Sa voie d’ad-
d’un syndrome coronarien aigu (SCA) ministration est intraveineuse (IV) ou
est largement recommandée en pratique sous-cutanée (SC), sa demi-vie varie de
clinique et par les sociétés savantes (ESC, 1 à 2 heures, son métabolisme est hépa-
AHA) indépendamment de la stratégie tique, son élimination est extra-rénale.
de prise en charge du SCA, qu’elle soit Le début d’effet est immédiat en IV, l’in-
invasive ou non. cidence de thrombopénie induite par
l’héparine (TIH) est de 0,5 %. Son anti-
L’anticoagulation parentérale est recom- dote est la protamine.
mandée (recommandation de classe I)
durant la phase initiale de prise en charge, >>> L’énoxaparine est une héparine
T. SALLOUM, P. GUEDENEY jusqu’à 48 heures après l’angioplastie de bas poids moléculaire (HBPM). Elle
Service de Cardiologie, lorsqu’elle est réalisée. Les thérapies pro- inhibe également le FXa et donc la
Hôpital Pitié-Salpêtrière, PARIS.
posées et étudiées sont l’énoxaparine, transformation de la prothrombine en
l’héparine non fractionnée (HNF), la biva- thrombine ; elle n’a pas d’action directe
lirudine et le fondaparinux [1, 2] sur la thrombine. Sa voie d’administra-
tion est IV ou SC, sa demi-vie varie de 5 à
7 heures, son métabolisme est hépatique,
Mode d’action son élimination est rénale. Le début
des anticoagulants d’effet est immédiat en IV, l’incidence
de thrombopénie induite par l’héparine
>>> L’HNF se lie directement à l’anti- (TIH) est inférieure à 0,1 %. Son antidote
thrombine III (ATII) pour inhiber le fac- est la protamine de manière moins effi-
teur Xa (FXa). Le facteur Xa est à l’origine cace que l’HNF.

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Apixaban Énoxaparine

Traitement anticoagulant
Edoxaban Fondaparinux HNF
Rivaroxaban
Bivalirudine
Antivitamine K Dabigatran
Facteur Xa

Fibrinogène
Facteur tissulaire Cascade de
(lésion tissulaire) la coagulation Prothrombine Thrombine

Fibrine

Aspirine

Traitement antiplaquettaire
TxA2

Activation
DAPT
des GPIIb/IIIa Thrombus

ADP Plaquettes

Clopidogrel Médiateurs solubles (ADP, TxA2)


Inhibiteur des GPIIb/IIIa :
Prasugrel
Eptifibatide Récepteur des GPIIb/IIIa
Ticagrélor
Tirofiban Thrombine/facteur Xa lié
Cangrélor
(Abciximab) au thrombus

Fig. 1 : Cibles des anticoagulants (partie supérieure). DAPT : double antiagrégation plaquettaire. D’après [2].

>>> Le fondaparinux est un penta- de la coagulation et les cibles des anti- une thrombopénie induite par l’hépa-
saccharide synthétique dérivé du clivage coagulants sont illustrées dans la figure 1. rine, complication grave susceptible
du sulfate d’héparine agissant également d’engager le pronostic vital du patient.
comme un inhibiteur direct du FXa [4]. Un rebond biologique prothrombotique
Sa voie d’administration est IV ou SC, Avantages et inconvénients à l’arrêt de l’HNF peut survenir [5].
sa demi-vie est comprise entre 17 et des différents anticoagulants
21 heures, il est principalement excrété lors du SCA >>> L’énoxaparine a une demi-vie plus
sans métabolisation, son élimination est longue, avec un risque de TIH moindre
rénale. Le début d’effet est de 2 à 3 heures >>> L’HNF est l’anticoagulant histo- que l’HNF et un effet plus prévisible.
en SC, l’incidence de thrombopénie rique le plus utilisé en pratique cli- L’utilisation IV en bolus ne requiert pas
induite par l’héparine est négligeable, il nique et le plus recommandé malgré de surveillance, en particulier chez l’in-
ne possède pas d’antidote. l’absence d’étude contrôlée randomi- suffisant rénal [7, 8]. L’étude randomi-
sée lors d’un SCA avec sus-décalage sée ATOLL a comparé l’énoxaparine IV
>>> La bivalirudine, quant à elle, est un du segment ST (ST+). Elle est admi- versus l’HNF chez 910 patients admis
inhibiteur direct de la thrombine. Sa voie nistrée par voie intraveineuse durant pour angioplastie primaire [9]. Elle a
d’administration est IV, sa demi-vie est de l’angioplastie. Elle a pour inconvé- montré une diminution non signifi-
25 minutes, son métabolisme repose sur nient d’être instable et présente une cative des décès, des complications
les protéases plasmatiques, son élimina- variabilité inter- et intra-individuelle ischémiques, des échecs de procédure
tion est rénale. Le début d’effet est immé- ayant un impact sur les événements et des saignements majeurs à 30 jours
diat, l’incidence de TIH est négligeable, ischémiques et hémorragiques [5, 6]. de suivi en faveur de l’énoxaparine.
elle ne possède pas d’antidote. La voie Elle peut potentiellement provoquer Cette étude montrait une diminution

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de 40 % du critère composite décès et Traitement antithrombotique périprocédural et postprocédural


récidive d’infarctus du myocarde. Ces chez les patients subissant une angioplastie
résultats ont été confirmés par plusieurs Recommandations Classe Niveau
autres études contrôlées randomisées et
Traitement anticoagulant
méta-analyses [10-12]. L’énoxaparine IV
semble réduire les thromboses précoces L’anticoagulation est recommandée pour tous les patients en plus du
I C
traitement antiplaquettaire pendant l’angioplastie primaire
et infarctus périprocéduraux avec une
cinétique plus stable. L’utilisation systématique de HNF est recommandée I C
Chez les patients présentant une thrombocytopénie induite
>>> La bivalirudine est administrée en par l’héparine, la bivalirudine est recommandée comme agent I C
continu durant l’angioplastie, elle ne anticoagulant pendant l’angioplastie primaire
nécessite pas de monitorage, son action L’utilisation systématique d’énoxaparine IV devrait être considérée IIa A
est rapide et s’interrompt rapidement L’utilisation systématique de bivalirudine devrait être considérée IIa A
à l’arrêt de la perfusion. Les études cli- Le fondaparinux n’est pas recommandé pour l’angioplastie primaire III B
niques ont montré un excès de throm-
bose de stent précoce mais une réduction Tableau I : Recommandations ESC des anticoagulants lors du SCA ST+. D’après 2017 ESC guidelines for the
des hémorragies [13-15]. La perfusion Management of AMI-STEMI (Eur Heart J, 2017 - doi :10.1093/eurheartj/ehx095)

continue après angioplastie n’a pu


réduire la thrombose de stent [16, 17]. Anticoagulation durant l’angioplastie
La réduction des événements hémorra- 70-100 U/kg IVD puis 12-15U/kg/h (TCA 1,5-2,5 témoin)
giques a été démontrée essentiellement Héparine non fractionnée
lorsque la bivalirudine a été compa- 50-70 U/Kg IV en bolus si utilisation d’anti-GPIIb/IIIa
rée à l’association de l’HNF combinée Énoxaparine 0,5 mg/kg IV en bolus
avec un anti-GPIIb/IIIa, combinaison 0,75 mg/kg IV en bolus puis perfusion de 1,75 mg/kg/h
Bilavirudine
aujourd’hui rarement utilisée en pra- jusqu’à 4 h après la procédure
tique clinique. La comparaison de la Fondaparinux Contre-indiquée
bivalirudine à l’HNF seule [18, 19] n’a
pas mis en évidence de diminution du Tableau II : Anticoagulants utilisés dans les SCA ST+ et leurs posologies. D’après [2].
risque d’événement hémorragique ni de
réduction de la mortalité. niveau de preuve C) [1]. L’énoxaparine profil risque-sécurité dans le NSTEMI.
est à considérer avec une recomman- L’énoxaparine IV durant l’angioplastie a
>>> Le fondaparinux est contre-indi- dation de classe II mais un niveau de une recommandation de classe IIa avec
qué dans le SCA ST+. Son évaluation a preuve plus élevé (A) après les résul- un niveau de preuve B, notamment en cas
mis en évidence un taux important de tats de plusieurs études, notamment de prétraitement par énoxaparine SC. Elle
thromboses de cathéter et de complica- ATOLL [9]. Comme mentionné précé- diminue le risque de TIH, de plus elle a
tions procédurales à type de thrombose demment, le fondaparinux n’est pas un effet plus prévisible en comparaison
de stent et de no-reflow, et ce malgré une recommandé dans le SCA+. Le grade à l’HNF. En cas de traitement médical ou
diminution des critères de mortalité et des recommandations est représenté si le délai requis avant l’angioplastie est
de saignement [12]. dans le tableau I, la posologie des diffé- dépassé, le fondaparinux sous-cutané
rents anticoagulants est indiquée dans est indiqué avant l’angioplastie avec une
le tableau II. recommandation de classe I et un niveau
Les recommandations de l’ESC de preuve B. Le cas échant, un seul bolus
2. SCA sans sus-décalage du segment ST d’HNF est recommandé au moment de
1. SCA avec sus-décalage du segment ST l’angioplastie.
Une anticoagulation parentérale est
Une anticoagulation parentérale est indiquée en addition de l’antiagrégation Ces recommandations sont basées sur
indiquée en addition de l’antiagréga- plaquettaire avec une recommandation l’étude OASIS-5 [20]. L’addition d’un
tion plaquettaire avec une recomman- de classe I et un niveau de preuve A au bolus d’HNF durant l’angioplastie est
dation de classe I. L’utilisation d’HNF moment du diagnostic et particulière- indiquée pour prévenir la formation de
IV durant l’angioplastie repose sur ment durant l’angioplastie. L’utilisation thrombus sur cathéter. La bivalirudine
une recommandation de classe I et un d’HNF IV au cours de l’angioplastie repose peut être une alternative à l’HNF, notam-
niveau de preuve C. La bivalirudine est sur une recommandation de classe I ment en cas de risque de TIH (classe IIb,
recommandée en cas de TIH (classe I, et un niveau de preuve A au vu de son niveau de preuve A), mais elle n’est pas

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Recommandations pour le traitement antithrombotique chez les patients recommandée en dehors de cette situation
atteints d’un syndrome coronarien aigu sans élévation du segment ST au vu des inconvénients de cette molécule
subissant une angioplastie comme décrit précédemment. Les cross-
Recommandations Classe Niveau over entre anticoagulants durant la phase
Traitement anticoagulant péri-interventionnel aiguë de SCA ST- doivent être évités,
notamment entre les HBPM et l’HNF, à
L’anticoagulation parentérale est recommandée pour tous les
patients, en complément du traitement antiplaquettaire, au moment l’exception d’un prétraitement par fon-
I A daparinux comme sus-décrit [21, 22].
du diagnostic et surtout lors des gestes de revascularisation en
fonction des risques ischémiques et hémorragiques
L’HNF (bolus IV ajusté en fonction du poids pendant l’angioplastie de Les recommandations européennes préco-
70 à 100 UI/kg en association avec un inhibiteur de la GPIIb/IIIa ; nisent un choix d’anticoagulants adaptés
plage cible de temps de coagulation activé de 250 à 350 s, ou I A au risque ischémique et hémorragique de
200 à 250 s si un inhibiteur de la GPIIb/IIIa est administré) est
chaque patient, en relation avec le pro-
recommandée chez les patients subissant une angioplastie
fil de sécurité et d’efficacité de chaque
Tableau III : Recommandations ESC des anticoagulants lors du SCA ST-. D’après [2]. molécule (classe I, niveau de preuve C),
et un arrêt des anticoagulants après la
Recommandations pour le traitement antithrombotique chez les patients revascularisation excepté dans les situa-
atteints d’un syndrome coronarien aigu sans élévation du segment ST tions nécessitant une anticoagulation
subissant une angioplastie curative au long cours (thrombus intra-
Recommandations Classe Niveau ventriculaire ou fibrillation auriculaire
Traitement anticoagulant péri-interventionnel (suite) avec indication à une anticoagulation).
En cas de traitement médical ou de contraintes logistiques pour Les recommandations ESC sont reprises
transférer le patient en angioplastie dans les délais requis, le dans les tableaux III à V, les posologies
I B
fondaparinux est recommandé et, dans ce cas, un seul bolus de HNF des différents anticoagulants lors du SCA
est recommandé au moment de l’angioplastie
ST- sont indiquées dans le tableau VI.
Il est recommandé de sélectionner l’anticoagulation en fonction
des risques ischémiques et hémorragiques, et en fonction du profil I C
En résumé, lors d’une angioplastie pri-
efficacité-sécurité de l’agent choisi
maire, les deux anticoagulants recom-
L’énoxaparine IV doit être envisagée chez les patients prétraités par
IIa B mandés en première intention sont
énoxaparine sous-cutanée
l’HNF (IC) et l’énoxaparine (IIA).
Tableau IV : Recommandations ESC des anticoagulants lors du SCA ST-. D’après [2].

Recommandations pour le traitement antithrombotique chez les patients Place des anticoagulants
atteints du syndrome coronarien aigu sans élévation du segment ST oraux dans les suites d’un SCA
subissant une angioplastie
Recommandations Classe Niveau 1. Fibrillation auriculaire et syndrome
Traitement anticoagulant péri-interventionnel (suite) coronarien aigu
L’arrêt de l’anticoagulation parentérale devrait être envisagé
IIa C
immédiatement après une procédure invasive Entre 5 et 10 % des patients atteints de
La bivalirudine peut être considérée comme une alternative à l’HNF IIIb A fibrillation atriale ont une indication à une
Le cross-over entre HNF et HBPM n’est pas recommandé III B angioplastie coronaire percutanée [23].
La fibrillation auriculaire elle-même
Tableau V : Recommandations ESC des anticoagulants lors du SCA ST-. peut être un facteur de risque d’infarc-
tus du myocarde étant donné les profils
Anticoagulation durant l’angioplastie
de risque cardiométabolique partagés
70-100/kg IV en bolus en l’absence d’anti-GPIIb/IIIa et la prévalence croissante avec l’âge.
Héparine non fractionnée
50-70 U/Kg IV en bolus si utilisation d’anti-GPIIb/IIIa On estime que la fibrillation auriculaire
Énoxaparine 0,5 mg/kg IV en bolus se développe chez 20 % des patients
0,75 mg/kg IV en bolus puis perfusion de 1,75 mg/kg/h
atteints de SCA. Ces patients ont égale-
Bilavirudine ment un risque accru d’AVC et de mor-
jusqu’à 4 h après la procédure
Fondaparinux 2,5 mg par jour SC (seulement en pré-angioplastie)
talité intrahospitalière par rapport aux
patients non porteurs de fibrillation
Tableau VI : Anticoagulants utilisés dans les SCA ST- et leurs posologies. D’après [2]. atriale. La stratégie thérapeutique durant

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Ajuster la posologie des anticoagulants en fonction du poids, de l’âge et de la fonction warfarine chez les patients à haut risque
rénale, en particulier chez les personnes âgées et les femmes atteints de fibrillation auriculaire pour
lesquels une angioplastie est requise.
Accès vasculaire radial préférentiel
Inhibiteur de la pompe à protons chez les patients sous DAPT et à risque hémorragique >>> Dans l’essai AUGUSTUS (Anti-
gastro-intestinal
hrombotic Therapy after Acute Coronary
● Âge > 65 ans
● Dyspepsie
Syndrome or PCI in Atrial Fibrillation)
● Reflux gastro-œsophagien [29], environ 23 % des patients inclus
● Consommation chronique d’alcool ont présenté un SCA médicalement pris
Chez les patients sous anticoagulants oraux en charge. Chez ces patients, l’apixaban a
● Si AVK : ne pas administrer d’héparine si INR > 2,5 significativement réduit les événements
● Si NACO : indépendamment de la dernière prise, administrer une faible dose d’héparine hémorragiques par rapport aux AVK et
(HNF 60 UI/kg ou énoxaparine (0,5 mg/kg) les décès ou les hospitalisations, alors
D’après Collet et al. Eur Heart J, 2021;42:1289-1367. qu’aucune différence significative n’a
été observée sur les critères de décès ou
Tableau VII : Anticoagulants et syndrome coronarien. NACO : nouveaux anticoagulants oraux. d’événements ischémiques.

un SCA chez les patients préalablement >>> L’étude PIONEER AF-PCI, étude Au total, pour les patients atteints
sous anticoagulant est illustrée dans le ouverte, randomisée, contrôlée, multi- d’un SCA et de fibrillation auricu-
tableau VII. centrique, explore deux stratégies de laire, l’ensemble des preuves plaide
traitement par rivaroxaban versus une en faveur d’une trithérapie de courte
Dans des études observationnelles, les stratégie de traitement par des antago- durée dans la plupart des cas, notam-
patients traités par trithérapie (aspirine, nistes de la vitamine K (AVK) à dose ajus- ment en cas de risque hémorragique
inhibiteur des récepteurs P2Y12 et anti- tée chez des sujets atteints de fibrillation élevé (risque HBR), puis d’une bithé-
coagulant oral) après un SCA présentaient auriculaire qui subissent une interven- rapie antithrombotique avec un
un risque élevé de saignement [24]. La tion coronarienne percutanée. Dans le inhibiteur de P2Y 12 (clopidogrel) et
trithérapie avec un agent antiplaquettaire bras “rivaroxaban”, les patients ont été un AOD pendant au moins 12 mois
plus puissant tel que le prasugrel est asso- stratifiés à l’une des deux stratégies de lors du SCA ST+, délai qui peut être
ciée à un risque encore plus élevé [25]. rivaroxaban (rivaroxaban à faible dose réduit à 6 mois en cas de SCA ST- [29].
plus un inhibiteur du P2Y12 ou riva- Les résultats de l’essai AFIRE (Atrial
>>> L’essai WOEST (What Is the Optimal roxaban à très faible dose plus un inhi- Fibrillation and Ischemic Events with
Antiplatelet and Anticoagulant Therapy biteur du P2Y12 et de l’aspirine à faible Rivaroxaban in Patients with Stable
in Patients with Oral Anticoagulation dose) ; le bras “warfarine” consistait en Coronary Artery Disease) suggèrent
and Coronary Stenting) a comparé l’as- une triple thérapie associant une double que le rivaroxaban en monothérapie
sociation d’une double antiagrégation antiagrégation plaquettaire (aspirine et peut être une alternative pour la ges-
plaquettaire (aspirine et clopidogrel à la clopidogrel) à la warfarine. Les résultats tion à long terme de la fibrillation auri-
dose de 75 mg par jour) versus la warfa- ont montré un taux de saignements plus culaire et de la maladie coronarienne
rine seule [26]. Sans aspirine, moins de faible avec chacun des traitements par stable (au moins 1 an après une angio-
complications hémorragiques ont été rivaroxaban qu’avec la trithérapie [27]. plastie ou un pontage) [27].
notées, néanmoins l’étude n’avait pas la
puissance nécessaire pour détecter des >>> De la même manière, RE-DUAL L’ensemble des recommandations des
différences sur les critères d’ischémie et PCI (Randomized Evaluation of Dual AOD ne concerne pas les patients por-
de thrombose de stent. Antithrombotic Therapy with Dabigatran teurs de prothèse valvulaire mécanique
versus Triple Therapy with Warfarin ou de rétrécissement mitral moyen à
Avec l’utilisation croissante des anti- in Patients with Nonvalvular Atrial sévère pour lesquels les AVK restent la
coagulants oraux directs (AOD) pour Fibrillation Subgoing Percutanary seule thérapie validée. Les recomman-
la gestion de la fibrillation auriculaire, Coronary Intervention) a assigné au dations ESC concernant l’utilisation des
plusieurs essais ont documenté une hasard des patients à recevoir du dabiga- AOD lors d’un SCA sont représentées
réduction des saignements lorsqu’un tran avec un inhibiteur de P2Y12 ou une dans la figure 2. Les posologies recom-
AOD et un inhibiteur de P2Y12 sont uti- trithérapie à base de warfarine [28]. mandées des anticoagulants oraux sont
lisés ensemble par rapport à la trithéra- indiquées dans le tableau VIII. La stra-
pie à base de warfarine, chez les patients Ces deux études confirment que les AOD tification du risque hémorragique est
subissant une angioplastie coronaire. entraînent moins de saignements que la illustrée dans les figures 3 et 4.

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2. Prévention secondaire
Début du
traitement Patients atteints de FA subissant une angioplastie pour SCA ST-
Récemment, des données sur une
Jusqu’à Stratégie par défaut Risque hémorragique élevé Risque ischémique élevé
1 semaine
nouvelle stratégie de double thérapie
(à l’hôpital) antithrombotique consistant en une
Triple thérapie : (N)ACO + DAPT (aspirine + inhibiteur du récepteur P2Y12)
inhibition du facteur Xa avec une très
faible dose de rivaroxaban (2,5 mg bid)
Triple thérapie
plus aspirine ont émergé. Un tel schéma
1 mois
Double thérapie doit être considéré comme une option de
(N)ACO + SAPT traitement d’entretien au-delà de 12 mois
3 mois
Double thérapie
post-angioplastie (tableau VIII).
(N)ACO + SAPT
6 mois Double thérapie
(N)ACO + SAPT Dans un contexte de prévention secon-
(N)ACO seuls daire, l’essai COMPASS (Cardiovascular
OutcoMes for People using Antico-
12 mois agulation StrategieS) [30] a étudié le riva-
(N)ACO seuls roxaban à très faible dose (2,5 mg 2 fois par
Classe I Classe IIa jour) en association avec l’aspirine versus
l’aspirine seule ou le rivaroxaban 5 mg
Fig. 2 : Recommandations ESC de l’utilisation des anticoagulants directs (AOD) lors d’un SCA-. FA : fibrillation
2 fois par jour seul. Le schéma rivaroxaban
atriale. (N)ACO : (nouveaux) anticoagulants oraux ; SAPT : thérapie antiplaquettaire simple. 2,5 mg 2 fois par jour plus aspirine 100 mg
1 fois par jour réduit le risque du critère
Anticoagulation orale en post-angioplastie (si indication orale au long cours) d’évaluation ischémique combiné, la
Antivitamine K Objectif d’INR selon l’indication mortalité globale (sans atteindre la valeur
Apixaban Poursuite à une posologie de 5 mg ou 2,5 mg 2 fois par jour
p seuil) et la mortalité cardiovasculaire
seule, alors que cette combinaison aug-
Dabigatran Poursuite à une posologie de 150 mg ou 110 mg 2 fois par jour
mente le risque de complications hémor-
Edoxaban Poursuite à une posologie de 60 mg ou 30 mg 2 fois par jour ragiques majeures sans augmentation
Poursuite à une posologie de 20 mg ou 15 mg 2 fois par jour significative du risque de décès, intracrâ-
Rivaroxaban Poursuite à une posologie de 2,5 mg par jour au long cours en niens ou saignements d’organes critiques.
plus de l’aspirine en prévention de la coronaropathie
D’après Collet et al. Eur Heart J, 2021;42:1289-1367. Des réductions du risque absolu plus
importantes ont été observées chez les
Tableau VIII : Anticoagulants oraux et syndrome coronarien.

Critère majeur Comité international de recherche académique concernant le haut risque hémorragique
Critère mineur Taux attendu d'hémorragie majeure (BARC 3 ou 5) ≥ 4 % ou hémorragie intracrânienne ≥ 1 %
à 12 mois  1 critère majeur ou 2 critères mineurs

Âge Maladie rénale Maladie hépatique Cancer actif Anémie Faible nombre de plaquettes

Diagnostic Hb < 13 g/L (H)


eGFR < 60 mL/min Cirrhose avec
≥ 75 ans
au cours des Hb < 12 g/L (F) < 100 × 109/L
hypertension 12 derniers mois
eGFR < 30 mL/min portale Activement traité Hb < 11 g/L

Fig. 3 : Risque HBR. D’après Urban P, Mehran R, Colleran R et al. Defining High Bleeding Risk in Patients Undergoing Percutaneous Coronary Intervention. Circulation, 2019;140:240-251.

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Critère majeur Comité international de recherche académique concernant le haut risque hémorragique
Critère mineur Taux attendu d'hémorragie majeure (BARC 3 ou 5) ≥ 4 % ou hémorragie intracrânienne ≥ 1 %
à 12 mois  1 critère majeur ou 2 critères mineurs

AVC, hémorragie Troubles de la coagulation Saignement ou AOC AINS, stéroïdes Chirurgie prévue sur DAPT,
intracérébrale, MAV transfusion antérieurs traumatisme
ou chirurgie récents

● Hémorragie
Troubles de la Hémorragie Long terme Utilisation ● Chirurgie non
intracérébrale après angioplastie chronique différée sur
antérieure coagulation spontanée
chroniques + hospitalisation après DAPT
● MAV connue
angioplastie ● Chirurgie
● Hémorragie significatifs et/ou transfusion
intracérébrale < 5 mois ou traumatologique
connue à tout moment majeure sous
(< 12 mois) si récidive DAPT
● AVC ischémique
modéré ou sévère
< 6 mois Pareil,
● Tout autre AVC 6-12 mois
ischémique Non récurrent
antérieur

Fig. 4 : Risque HBR. MAV : malformation artério-veineuse. D’après Urban P, Mehran R, Colleran R et al. Defining High Bleeding Risk in Patients Undergoing Percutaneous
Coronary Intervention. Circulation, 2019;140:240-251.

patients à haut risque ischémique, y 3. HIRSH J, WARKENTIN TE, SHAUGHNESSY SG 8. D UMAINE R, B ORENTAIN M, B ERTEL O
compris ceux atteints de diabète ou de et al. Heparin and Low-Molecular- et al. Intravenous Low-Molecular-
Weight Heparin Mechanisms of Weight Heparins Compared With
maladie polyvasculaire (coronaropa-
Action, Pharmacokinetics, Dosing, Unfractionated Heparin in Percutaneous
thie et maladie artérielle périphérique). Monitoring, Efficacy, and Safety. Chest, Coronary Intervention: Quantitative
Ainsi, le rivaroxaban (2,5 mg 2 fois par 2001;119:64S-94S. Review of Randomized Trials. Arch
jour) peut être envisagé en plus de l’as- 4. K EAM SJ, G OA KL. Fondaparinux Intern Med, 2007;167:2423-2430.
pirine 75-100 mg/j chez les patients à Sodium. Drugs, 2002;62:1673-1685. 9. MONTALESCOT G, ZEYMER U, SILVAIN J et al.
risque thrombotique élevé et sans risque 5. MONTALESCOT G, BAL-DIT-SOLLIER C, CHIBEDI Intravenous enoxaparin or unfraction-
D et al. Comparison of effects on markers ated heparin in primary percutaneous
accru d’hémorragie majeure ou mena-
of blood cell activation of enoxaparin, coronary intervention for ST-elevation
çant le pronostic vital. dalteparin, and unfractionated heparin myocardial infarction: the interna-
in patients with unstable angina pecto- tional randomised open-label ATOLL
ris or non–ST-segment elevation acute trial. The Lancet, 2011;378:693-703.
myocardial infarction (the ARMADA 10. BRIEGER D, COLLET JP, SILVAIN J et al.
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