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LA FACE CACHÉE DE LA FINANCE


LE CAS PARTICULIER DE LA FRAUDE FISCALE

ENJEUX ÉTHIQUES DES PRIX DE TRANSFERT


PAUL H. DEMBINSKI*

I
l y a transfert et non transaction, des deux entités est localisée dans un
quand un bien, un service ou un autre pays et, par conséquent, relève
droit est déplacé entre deux entités d’une autre juridiction.
juridiques appartenant à un même La pensée économique contempo-
groupe ou propriétaire. Contrairement raine s’articule autour de l’idée du
à la transaction, le transfert ne résulte marché dont la mécanique (l’alchimie
pas d’une confrontation de deux devrait-on dire) permet l’apparition
acteurs économiques indépendants au grand jour du « vrai et juste » prix :
(même si chacune des deux entités est celui qui résulte de la confrontation
une division ou filiale largement auto- d’offrants et de demandeurs autono-
nome), les deux pôles de la relation mes, et qui sert de base aux transac-
appartenant à la même organisation et tions. La transaction est donc l’acte
étant donc tributaires d’une logique central dans tout l’édifice de l’écono-
unique qui les englobe et les dépasse à mie de marché comme dans sa justi-
la fois. Ainsi, la notion du transfert est fication morale. En disant le prix, le
ambiguë, parce qu’elle comporte un marché révèle la « vérité » et fait œuvre
hiatus entre, d’un côté, l’aspect juridi- de « justice » ; ce qui, dans le discours
que qui met face à face deux personnes d’autojustification de l’économie de
morales et, de l’autre, l’aspect écono- marché, prend parfois des allures
mique en vertu duquel les deux entités métaphysiques. En effet, grâce au prix
relèvent d’une logique unique. La du marché, l’effort du producteur se
situation devient encore plus compli- trouve rémunéré à sa juste mesure
quée quand il s’agit d’un transfert (comme béni et absous à la fois) par des
international, c’est-à-dire que chacune tiers et, ce faisant, se transforme en

* Professeur à l’université de Fribourg, directeur de l’Observatoire de la finance de Genève.


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« valeur ajoutée », base et fondement en lumière la raison d’être de l’entre-


de toute rémunération. Ainsi, le bon prise, en tant que lieu abritant la trans-
fonctionnement du marché, par le formation de biens et de services qui,
biais de « la vérité des prix », garantit de ce fait, se trouvent momentané-
non seulement l’efficacité technique de ment soustraits à l’emprise directe du
l’économie de marché, mais encore sa marché. C’est seulement au terme de
suprématie morale. Par conséquent, cette transformation, à la sortie de
l’idée même qu’il pourrait exister l’entreprise, que les biens et services
d’autres modes d’élaboration du prix produits apparaissent sur le marché.
que la transaction (le transfert, par Ainsi, selon Coase et Williamson, dans
exemple) issue du marché mythique les cas où le recours au marché s’avère
porte le doute au cœur de l’édifice trop intense en « coûts de transaction »,
technique, mais aussi moral, de l’éco- l’entreprise (lieu de gestion hiérarchi-
nomie de marché. que par excellence) s’impose comme
La présente contribution se propose une alternative plus efficiente pour
d’esquisser les interrogations éthiques organiser la vie économique. À l’instar
et morales qu’inspire la pratique de l’économie communiste, où les
contemporaine des prix de transfert. transferts des biens et services entre les
Dans un premier temps, la notion du divers sites ne faisaient que refléter la
prix de transfert sera clarifiée pour volonté du planificateur, de même au
procéder ensuite, dans la deuxième sein des entreprises contemporaines, la
partie, à l’évaluation de l’importance gestion des flux et des transferts inter-
des pratiques de prix de transfert. Quant nes ne relève point directement de la
à la troisième partie, elle est consacrée logique du marché, mais en est un
aux implications éthiques et idéolo- reflet indirect, intermédié par les choix
giques du phénomène. et paris stratégiques et opérationnels
de l’entreprise. Si l’on en croit l’école
des « coûts de transaction », le fait que
LA NOTION certaines opérations se déroulent à l’in-
DE PRIX DE TRANSFERT térieur des entreprises, et non sur le
ET SES AMBIVALENCES marché, suffit à démontrer que cette
manière de faire est la plus efficace.
Dans chacun de ces cas, le marché aurait,
Pour qu’il y ait prix de transfert, il certes, fait les choses autrement, mais
faut que des biens, des services, des de manière globalement moins efficace
droits ou des risques soient transférés que l’entreprise. Ainsi, marché (tran-
entre au moins deux entités juridiques saction) et entreprise (transfert interne),
indépendantes, mais relevant d’une en tant que modes alternatifs d’organi-
même logique économique. En d’autres sation des processus économiques, sont
termes, il s’agit de transferts entre en compétition pour trouver le mode
filiales d’un même groupe, le plus d’organisation le plus efficace. La vita-
souvent international. lité du débat actuel sur la sous-traitance
Les travaux de Coase et de (out-sourcing) et sur les nouveaux
Williamson ont contribué à mettre business models atteste de la vitalité de
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la concurrence entre des modes orga- du groupe d’entreprises organisent la


nisationnels différents. Ceci étant, le vie interne du groupe de manière à en
marché implique la transaction entre maximiser les résultats après impôts.
parties indépendantes, alors que le En d’autres termes, ils veillent à mini-
transfert interne caractérise la vie miser le poids des impôts tout en
interne de l’entreprise. maintenant la vitalité économique de
Compte tenu de ce qui précède, la l’entreprise ;
notion même du prix de transfert - les responsables des filiales et les
prend les traits d’un oxymoron, d’une collaborateurs dont les rémunérations,
contradiction dans les termes. En effet, notamment dans leur composante
elle relie la notion de prix indissociable « intéressement », dépendent des résul-
du marché et de la transaction à celle tats comptables des entités (filiales) dont
de transfert interne de l’entreprise. Cette ils ont la responsabilité ;
notion repose sur un hiatus entre, d’un - les autorités de taxation du siège du
côté, la dimension formelle du trans- groupe sont intéressées (sauf arrange-
fert qui a lieu entre deux entités juri- ment forfaitaire) à la maximisation
diques indépendantes, et, de l’autre, sa des résultats consolidés sur lesquels ils
dimension substantielle qui retient lèvent l’impôt ;
l’unité organique des deux entités. - les autorités de taxation des pays des
À partir du moment où les filiales filiales veulent préserver la « substance
étrangères (personnes morales) sont fiscale » du pays et donc éviter autant
obligées par les législations locales à la que possible des ponctions du groupe
tenue des livres comptables comme s’il (maison-mère ou autres filiales) sur
s’agissait d’entreprises indépendantes, la substance économique de la filiale
tout transfert international doit être locale.
documenté à l’aide des mêmes éléments Les entreprises transnationales, qui
que ceux qui servent à circonstancier agissent sous une multitude de régimes
toutes les autres transactions. Ainsi, juridiques et fiscaux, disposent d’une
afin de pouvoir procéder à la taxation grande latitude dans l’organisation spa-
des filiales sises sur leur sol, les autori- tiale de leurs activités. Elles peuvent
tés de chacun des deux pays impliqués exploiter à leur avantage les différences
dans le transfert exigent que tout de fiscalité, notamment en choisissant
transfert soit, du point de vue formel, les localisations de leurs diverses filia-
travesti en transaction. Il faut donc en les. De plus, elles peuvent influencer
justifier l’existence et lui donner un les résultats des différentes filiales au
prix qui convienne à la fois au groupe travers des tâches qu’elles leur confient
d’entreprises et aux autorités fiscales et donc des transferts qu’elles leur im-
impliquées. posent. Le cas le plus simple et le plus
La pratique des prix de transfert met classique est celui où une entreprise est
un certain nombre de parties en pré- composée de deux entités : une filiale
sence. Ni leurs intérêts ne convergent, localisée dans un pays à fiscalité élevée,
ni leurs modes d’action ne se ressem- alors que la maison-mère est domici-
blent : liée dans un pays à faible fiscalité. Au
- les actionnaires et le top management nom de la maximisation de la valeur
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pour l’actionnaire (shareholder value) elles au-delà de ce seuil de préserva-


et de l’optimisation fiscale des résultats tion. Ainsi, les intérêts des diverses
du groupe, le top management de administrations nationales ne conver-
l’entreprise va organiser la vie de l’en- gent pas nécessairement. Cette situa-
treprise de manière à ce que la filiale : tion expose les entreprises à une
fournisse à la maison-mère les éven- certaine insécurité réglementaire, por-
tuels biens qu’elle produit à des prix de teuse de risques pour leurs résultats
transfert aussi bas que possible ; qu’en d’exploitation et, partant, pour leur
plus, elle achète à la maison-mère un organisation et leur politique.
ensemble de services et autres compé- Les prix de transfert ont gagné en
tences que cette dernière facturera à importance durant les quinze dernières
des prix de transfert aussi élevés que années à la fois en tant que source
possible. Grâce à l’organisation adé- de préoccupations des administrations
quate de l’entreprise et à une politique fiscales et en tant que source d’avanta-
des prix de transfert bien étudiée, la ges concurrentiels dont les entreprises
filiale fera peu ou pas de bénéfices, cherchent à tirer la meilleure partie.
alors que la maison-mère sera forte- Cette situation a présidé à la publi-
ment bénéficiaire. Compte tenu des cation, en 1979, par l’Organisation de
différences de fiscalité, les résultats coopération et de développement
consolidés après impôts du groupe se- économiques (OCDE) du rapport
ront ainsi supérieurs à ce qu’auraient (fortement influencé, d’ailleurs, par la
obtenu les deux entités si elles avaient pratique américaine) intitulé Transfer
été des entreprises indépendantes et si Pricing and Multinational Enterprises.
elles avaient fait du commerce. Ce rapport incluait une série de recom-
Confrontées aux pratiques de prix mandations. Dès le milieu des années
de transfert, les autorités fiscales se trou- 1980, au vu de l’importance croissante
vent dans une situation particulière, du phénomène des prix de transfert, et
parce qu’en l’absence de conventions de la révision de la législation améri-
internationales sur la transmission d’in- caine en la matière, l’OCDE remit
formations, chacune d’entre elles ne l’ouvrage sur le métier. Toutefois, la
dispose que d’une vue partielle, limitée complexité de la matière et le manque
à la filiale qui relève de sa juridiction, de consensus entre les pays membres
de la réalité économique du groupe ont ralenti le progrès des travaux, et
d’entreprises. Chacune de ces adminis- c’est seulement en 1995 que l’OCDE a
trations, dans la mesure de ses ressour- publié les premiers chapitres de la
ces et compétences, va chercher au version révisée de ses recommanda-
moins à éviter de voir les groupes tions1. Depuis cette date, l’OCDE les
transnationaux parasiter sa substance enrichit périodiquement de nouveaux
économique au bénéfice des juridic- chapitres, les derniers datant de 2003.
tions à la fiscalité plus clémente. Il se L’effort pluriannuel, actuellement en
peut que certaines administrations cours sous les auspices de l’OCDE, a
(notamment celles à fiscalité clémente) été entrepris par les pays les plus déve-
aillent jusqu’à encourager l’augmenta- loppés. Il porte sur la description des
tion de la valeur ajoutée déclarée chez méthodes admissibles en matière de
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construction des prix de transfert et prises transnationales à tirer avantage


sur l’échange d’informations entre les de leur capacité d’opérer dans plusieurs
autorités fiscales, en dépit de leurs inté- juridictions. On parle alors du « prin-
rêts parfois divergents. Ces travaux sont cipe de la pleine concurrence » plus
en rapport étroit avec d’autres projets connu sous son appellation anglaise
dont l’OCDE a également la charge, arm’s lenght principle 4.
notamment le projet sur les pratiques Parallèlement, en épinglant les
fiscales dommageables et ceux sur les pratiques fiscales dommageables et en
conventions bilatérales types en ma- exerçant une pression politique sur les
tière de fiscalité2. Il est à noter que les régimes en question, les gouvernements
pays en développement sont notoire- des grands pays cherchent à limiter les
ment absents de ces discussions, alors échappatoires possibles pour les entre-
qu’elles les concernent au plus haut prises transnationales particulièrement
point3. À l’inverse, la législation améri- peu scrupuleuses. Elles cherchent éga-
caine, la plus développée et la plus lement à supprimer, autant que faire se
ancienne, a fait, à maints égards, œuvre peut, les écrans d’opacité qui compli-
de pionnière et a inspiré d’autres légis- quent le recoupement d’informations
lateurs tout en exerçant une influence provenant de diverses filiales d’un
profonde sur les travaux de l’OCDE, même groupe. Ces initiatives se heur-
même si les recommandations qui en tent à la résistance de micro-États et de
sont issues diffèrent sur bien des points certains petits pays, comme la Suisse,
avec la loi américaine. qui ont fait de leur fiscalité un fond de
Le point central de cet ensemble commerce dont dépend aujourd’hui
d’efforts, tant nationaux qu’internatio- leur prospérité.
naux, consiste à donner aux contribua-
bles (en substance aux entreprises mul-
tinationales) des règles admises par les L’IMPORTANCE
administrations fiscales et que les en- DU PHÉNOMÈNE
treprises peuvent utiliser sans craindre DES PRIX DE TRANSFERT
trop de surprises lors de l’élaboration
de leurs prix de transfert. Toutes les
méthodes proposées visent (probable- L’appréciation de l’ampleur que le
ment faute de mieux) à trouver un prix phénomène des prix de transfert prend
de base correspondant à la situation, dans l’économie contemporaine est
comme s’il avait été élaboré par le difficile, puisque, par définition, il
marché, pour le modifier ensuite en s’agit d’opérations ayant lieu au sein
tenant explicitement compte des des entreprises, loin des légendaires feux
caractéristiques internes du transfert. de la rampe. L’information comptable
Cette manière de faire ne résout point que les entreprises transmettent vers
la contradiction fondamentale men- l’extérieur est extrêmement agrégée ;
tionnée plus haut, mais propose une elle n’opère aucune distinction entre
sorte de procédure de compromis qui transactions de marché et transferts
protège la substance fiscale du pays, internes, dont l’essentiel disparaît au
tout en préservant la latitude des entre- moment de la consolidation. Ainsi, ce
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sont seulement les quelques adminis- les transferts internes aux entreprises
trations fiscales, ou offices statistiques transnationales s’élèveraient à près de
particulièrement bien dotés en ressour- la moitié du commerce mondial des
ces (notamment l’administration amé- marchandises6. Il est à noter que la
ricaine) qui pourraient analyser de l’in- part des bien manufacturés dans le
térieur des entreprises contribuables commerce mondial est passée de 50 %
l’importance des prix de transfert. De en 1950 à plus de 90 % en 2000. Cette
telles études existent sans doute, mais augmentation s’explique à la fois par
ne circulent point dans le domaine l’industrialisation de l’économie
public pour des raisons évidentes. mondiale et par le développement des
En dépit de l’absence de données, échanges dits « interindustriels »,
l’ampleur du phénomène des prix de notamment des transferts internatio-
transfert peut être appréhendée indi- naux effectués au sein des entreprises.
rectement à l’aide de deux ordres de Il se pourrait donc que près de la moi-
grandeur : d’une part, par l’importance tié du commerce mondial, tel que
que jouent dans l’économie mondiale répertorié par les statistiques, ne relève
les entreprises transnationales, d’autre point des transactions de marché, mais
part, par l’importance des capacités de des considérations de transferts inter-
gestion de ces mêmes entreprises. nes à 5 000 entreprises7. Si tel était le
cas, la signification des statistiques du
commerce, tout comme les explications
Les entreprises multinationales, des flux commerciaux, proposées par la
face ignorée théorie économique dominante, néces-
de l’économie mondiale siteraient une révision urgente8. La
situation est suffisamment floue pour
En 2000, la Conférence des Nations que, par exemple, l’administration amé-
unies pour le commerce et le dévelop- ricaine se préoccupe de l’influence que
pement (Cnuced) estimait à 60 000 le les pratiques en matière de prix de
nombre d’entreprises transnationales, transfert pourraient avoir sur les
c’est-à-dire ayant des opérations dans indices des prix à l’importation ou à
plus d’un pays. Selon la même source, l’exportation.
ces entreprises avaient environ 500 000 Une étude récente sur le poids
filiales à travers le monde ; ce qui ferait économique des 800 plus grandes
une moyenne de 12 filiales par entre- entreprises non financières du monde
prise transnationale5. En réalité, l’essen- montre qu’elles génèrent directement
tiel des filiales est contrôlé par un nom- environ 10 % du produit mondial, soit
bre relativement petit (5 000 environ) autant que 144 pays les plus pauvres
d’entreprises véritablement multinatio- de la planète avec leurs 2 milliards
nales, alors que les bi ou trinationales d’habitants. Si l’on tient compte des
sont plus nombreuses, mais aussi net- effets indirects, c’est-à-dire des chaînes
tement moins importantes. d’approvisionnement et de distribution,
Selon les estimations convergentes, ces mêmes 800 mégaentreprises
mais incomplètes, de l’OCDE et influenceraient environ la moitié du
d’autres organisations internationales, produit mondial. Quant à leur poids
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LE CAS PARTICULIER DE LA FRAUDE FISCALE

financier, il correspond à près des deux d’une véritable « face cachée » de l’éco-
tiers de la capitalisation des Bourses nomie mondiale, dont l’existence même
mondiales ; ce qui donne une idée de met en doute la pertinence du savoir
leur intensité capitalistique et du en matière d’économie internationale
volume des rémunérations de capital accumulée à ce jour.
que ces entreprises doivent servir à leurs
actionnaires9.
Selon les rapports successifs que la Les très grandes entreprises :
Cnuced consacre, année après année, organisateurs de transferts
à l’investissement direct étranger, le
groupe d’à peine quelques milliers En tant qu’acteurs transnationaux,
d’acteurs privés est responsable de les très grandes entreprises disposent
l’écrasante majorité des investissements de la capacité exclusive d’organiser leur
directs, notamment des investissements activité de manière à tirer le meilleur
Nord-Sud. avantage des complémentarités et des
Même si les ordres de grandeur et différences entre les diverses localisa-
estimations rapportées plus haut for- tions sur la planète. En effet, la force
ment un ensemble hétéroclite, ils d’une entreprise transnationale vient
convergent sur deux points : du fait que son poids et sa valeur éco-
- un nombre d’entreprises, ne dépas- nomique sont plus grands que la somme
sant pas quelques milliers, est vérita- de ses composantes. En d’autres ter-
blement transnational et, de ce fait, mes, la capacité d’organisation spatiale
joue un rôle-clé dans la configuration et temporelle propre à ces entreprises a
des relations économiques internatio- un effet démultipliant sur la valeur des
nales ; actifs spécifiques qu’elles détiennent ou
- ce même groupe de très grandes contrôlent10. Cette capacité se résume
entreprises est l’un des principaux à la répartition spatiale (souvent
moteurs de l’économie mondiale et contrôlée et modifiée en temps réel)
bénéficie, à ce titre, d’un accès quasi- des fonctions effectuées, des actifs
ment exclusif aux ressources des détenus et des risques supportés entre
marchés financiers internationaux ; les diverses localisations. Cette réparti-
ce qui leur donne un avantage non tion se fait avec un double objectif en
négligeable, mais leur impose égale- vue : l’optimisation des opérations en
ment des contraintes en matière de cours et l’optimisation de leur résultat
résultats et de rentabilité. financier consolidé après impôts.
À partir de ces prémices, une Chacune des localisations a deux sé-
conclusion s’impose : les flux de biens ries de caractéristiques : l’une concerne
et services entre les filiales des très grands notamment les opérations de l’entre-
groupes, et les prix de transfert qui leur prise, son marché, les ressources dont
sont associés, sont l’une des principales elle a besoin, alors que l’autre se réfère
chevilles ouvrières de l’économie mon- à l’environnement juridique et fiscal.
diale, alors que leurs modalités, leur Les décisions en matière de réparti-
importance et leurs conséquences tions des tâches et des fonctions entre
restent largement ignorées. Il s’agit là les diverses entités, voire le choix
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des nouvelles localisations, se font en une entreprise11. Ces possibilités sont


tenant compte des doubles caractéristi- d’autant plus considérables que trois
ques. Il s’ensuit que certaines entités catégories de transferts sur les quatre
sont en charge de la production, alors mentionnées plus haut n’impliquent
que d’autres s’acquittent des fonctions pas de déplacements de biens. Soit dit
de soutien, d’autres sont en charge de en passant, c’est parce qu’ils portent
la vente ou de la distribution alors sur de l’intangible que ces transferts
que d’autres encore préparent l’avenir n’apparaissent dans aucune statistique
en effectuant les tâches de recherche internationale, pas même déguisés en
et développement. Chacune de ces transactions de marché à l’instar des
configurations implique et permet un transferts de biens ; ce qui complique
certain nombre de transferts de biens un peu plus l’appréhension de l’am-
et services, de risques et d’actifs entre pleur du phénomène des prix de
les diverses entités. Chacun de ces trans- transfert.
ferts, à l’instar d’une transaction de La capacité d’organisation des acti-
marché, se fait à un certain prix ; il est vités qui caractérise les entreprises
documenté et fait l’objet d’un jeu d’écri- véritablement transnationales s’exerce
tures comptables et, finalement, donne à trois niveaux bien différents12. À
lieu à un règlement. chacun de ces niveaux, les décisions
La typologie des transferts internes sont prises à la fois en fonction des
entre entités est en évolution constante ; considérations économiques et des
toutefois, il est possible d’en distinguer considérations fiscales :
quatre catégories principales : - le niveau des structures : ici sont
- les transferts portant sur des biens, prises les décisions stratégiques portant
comme par exemple les composantes sur le choix des localisations et les in-
produites sur un site et acheminées vestissements de base qu’ils impliquent.
ensuite sur un autre en vue de l’assem- Ces décisions sont relativement peu
blage final ; fréquentes et, sauf urgence, impliquent
- les transferts portant sur les actifs des durées de l’ordre de 5 à 10 ans ; ce
intangibles ou leurs droits d’exploita- qui correspond à la durée des princi-
tion, comme les licences par exemple ; paux cycles d’investissement ;
- les transferts de services rendus par - le niveau des mécanismes : ici sont
certaines entités à d’autres, comme les prises les décisions d’ordre tactique
services de gestion, de recherche et concernant la répartition des fonctions
développement, d’expertise compta- secondaires et la domiciliation des
ble... ; actifs intangibles. Ces décisions déter-
- les transferts financiers, comme les minent la nature des transferts qui
prêts, les remboursements, les prises auront lieu entre les entités du groupe
de participation ou les paiements des et les méthodes utilisées pour calculer
dividendes. les prix ; elles impliquent des durées de
Cette typologie, même si elle est som- moyen terme ;
maire, donne une idée à la fois de - le niveau des transferts : ici sont prises
l’ampleur et de la complexité que peu- les décisions opérationnelles portant sur
vent atteindre les transferts internes à les quantités des transferts et aussi sur
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les prix précis. Les durées dépassent moyens de paiement échangés. Il en va


rarement une année. Contrairement à ainsi, avant tout, du prix qui est un
des idées largement répandues, les rapport. C’est en raison de son rôle de
marges de manœuvre à ce niveau sont répartiteur de valeur entre les protago-
relativement faibles. Elles sont limi- nistes que le prix, plus exactement le
tées, d’un côté, par l’inertie des pra- « juste prix », a préoccupé les moralis-
tiques des administrations fiscales et, tes depuis le Moyen âge. Le prix est
de l’autre, par les contraintes internes ainsi le vecteur par lequel agit la justice
propres à l’entreprise, notamment commutative, celle qui s’applique aux
celles qui lient les rémunérations des rapports directs (non intermédiés par
collaborateurs aux résultats des diver- la puissance publique) entre les acteurs
ses filiales. économiques. En conséquence, c’est le
L’analyse qui précède, laisse à penser niveau du prix par rapport aux coûts
que la pratique des transferts n’est pas encourus et aux situations de vie des
une activité annexe ou secondaire de protagonistes, plus que son mode
l’entreprise transnationale, mais qu’elle d’élaboration, qui a l’importance éthi-
est ancrée dans toute une cascade de que prépondérante. Il s’ensuit que les
décisions stratégiques et tactiques qui parties à la transaction sont directe-
mettent en œuvre sa compétence es- ment responsables (au sens moral) des
sentielle, celle qui fait de l’entreprise termes de l’échange et des prix qu’ils
transnationale un acteur économique utilisent dans leurs transactions réci-
à nul autre pareil. Il s’agit de la capacité proques. Cette analyse de la transac-
à structurer, à conduire et à développer tion reste pertinente aujourd’hui. Elle
une activité multisite économiquement constitue l’un des fondements de la
saine, tout en minimisant l’emprise pensée chrétienne en matière sociale,
fiscale d’ensemble et en respectant au et tout particulièrement de celle de
moins la lettre des lois en vigueur. Il l’Église catholique.
est fort probable que le delta de perfor- La question du « juste prix » se pose
mance, dont de nombreuses études en termes sensiblement différents dans
créditent les entreprises transnatio- la perspective du libéralisme économi-
nales par rapport à leurs concurrents que : un prix n’est pas « juste » du fait
domestiques, soit justement attribuable de son niveau, mais du fait de la jus-
à cette capacité d’organisation et tesse de la méthode qui permet de le
d’internalisation13. dévoiler. Dans la perspective libérale,
seule la mécanique du marché libre est
« juste », et donc habilitée à « dire » le
PRIX DE TRANSFERT prix. Pour certains tenants de cette
OU « JUSTE PRIX » ? ligne, ces conditions sont remplies
quand le marché fonctionne sans ingé-
rence publique, alors que pour d’autres,
Les termes d’une transaction déter- c’est le niveau de concurrence qui est
minent la répartition entre les parties déterminant. Il s’agit alors d’un mar-
impliquées de la richesse contenue dans ché de concurrence dont le niveau peut,
les biens ou services, ainsi que dans les le cas échéant, exiger une intervention
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RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE 2005

régulatrice. Dans ce contexte, l’atten- coins de la planète, concourent à toute


tion éthique se concentre sur les condi- production), il est possible de mesurer
tions et procédures de fonctionnement objectivement le niveau des coûts liés à
du marché et non sur le niveau du prix. la réalisation d’un bien ou d’un service
Il suffit que le marché fonctionne pour donné. La réponse est clairement non.
que le prix soit « juste » par définition. En effet, en plus des coûts directs liés à
Les sections précédentes ont montré la production matérielle et qui sont
que dans la pratique des affaires trans- relativement faciles à tracer, la santé
nationales, le prix de transfert est un économique d’une entreprise transna-
prix construit artificiellement, en de- tionale repose sur des milliers de déci-
hors du marché. Plusieurs méthodes sions d’imputation et de transferts de
d’élaboration de ces prix existent : services qui permettent de répartir sur
certaines se réfèrent à un marché les biens et services produits les coûts
comparable plus ou moins imaginaire, (souvent colossaux) de la structure. En
d’autres procèdent par l’addition des conséquence, les coûts unitaires qui
coûts imputés, d’autres partent d’une figurent sur les tableurs des comptables
imputation des marges ou des profits. et managers de l’entreprise reflètent au
Chacune de ces méthodes a des avanta- moins autant la réalité des coûts directs
ges et des inconvénients, mais aucune que les milliers de décisions d’impu-
n’offre de procédure indiscutable et tation des coûts indirects prises par
naturellement compatible avec les exi- l’entreprise. Ces décisions appartien-
gences de la vision libérale. En d’autres nent aux décisions tactiques de l’entre-
termes, quelle que soit la perspective prise, mentionnées plus haut.
(libérale ou du « juste prix »), la prati- En conclusion, dans la perspective
que des prix de transfert pose pro- libérale, le prix de transfert ne sera
blème. Dans la vision libérale, la ques- jamais « juste » d’un point de vue éthi-
tion éthique concerne le manque des que parce qu’il n’est pas (par définition)
procédures d’objectivation du prix, élaboré par la mécanique du marché, et
alors que pour les tenants du « juste parce qu’il est impossible de déterminer
prix », la nature ambiguë du transfert de manière objective les « vrais » coûts.
pose problème puisque l’identification Que reste-t-il alors ? Il reste la table de
des protagonistes n’est pas claire et la négociations où les autorités fiscales
question se pose de savoir en quoi le du pays et les représentants de l’entre-
prix joue son rôle de répartiteur entre prise ou de la filiale n’ont d’autres choix
acteurs indépendants. que de chercher des solutions mutuel-
À défaut de la procédure infaillible, lement acceptables en prenant appui
la quête du « juste » prix de transfert sur les textes internationaux, comme les
conduit à chercher un niveau de prix recommandations de l’OCDE, ou sur
qui puisse être justifié, ou du moins les compétences de leurs conseillers juri-
mis en rapport avec les coûts encourus. diques et fiscaux. La négociation met en
La véritable question consiste à savoir présence des acteurs aux compétences,
si, dans le contexte d’une entreprise connaissances et moyens d’action
transnationale (dont les fonctions différents. À cause de l’importance des
vitales, bien que réparties aux quatre intérêts en jeu, des asymétries d’infor-
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LE CAS PARTICULIER DE LA FRAUDE FISCALE

mation, de compréhension et de pou- discutée plus haut, l’entreprise trans-


voir de contrainte, il y a toutes les nationale cherche à préserver sa vitalité
chances qu’elle tourne à une partie de économique et donc aussi à tirer avan-
« voleurs-gendarmes ». Ainsi, pour la tage des localisations à faible fiscalité.
stricte perspective libérale, la question Elle organise donc ses transferts de
du prix de transfert échappe par cons- manière à ce qu’une part aussi impor-
truction à l’emprise de l’éthique ; au tante que possible de sa valeur ajoutée
mieux elle relève de la loi. Paradoxale- soit comptabilisée dans ces juridictions.
ment, pour ramener les prix de transfert Pour minimiser les résultats d’exploi-
dans le champ de l’éthique, il n’y a pas tation dans les juridictions à fiscalité
d’autres solutions que de questionner élevée, elle prend tout un spectre de
leur niveau du point de vue de l’équité, décisions allant du stratégique (choix
quitte à reprendre le débat sur le « juste des localisations) à l’opérationnel (choix
prix » là où le siècle des Lumières l’ont du niveau des prix de transfert). Ainsi,
arrêté. la question éthique ne culmine qu’en
Compte tenu des développements apparence dans les prix de transfert,
précédents, dans la situation actuelle, puisqu’elle est déjà implicitement
qu’on le veuille ou non, la qualité éthi- présente dans chacune des décisions
que des prix de transfert dépend autant antérieures dont aucune ne saurait être
des faits, des méthodes et des intérêts motivée de manière suffisante par le
des protagonistes que de leur sens de seul souci du respect de la loi.
la justice commutative. Reste donc à Du fait de leur caractère transnatio-
savoir si l’entreprise transnationale veut nal, les entreprises multinationales agis-
assumer la responsabilité éthique, sent en dehors d’un ordre juridique
mais aussi économique, d’un effort de capable d’appréhender leur activité dans
discernement ou si, au contraire, elle son intégralité. Les avancées récentes
préfère occulter cette problématique en matière de régulation des entre-
en s’en remettant à des procédures, prises transnationales (notamment les
même si personne n’est dupe du fait recommandations de l’OCDE) sont
qu’elles ne sont que pure forme14. partielles et sont l’œuvre des pays les
Dans une perspective statique, la plus développés qui sont aussi les zones
problématique des prix de transfert se d’implantation principales de ces
résume à un jeu à somme nulle entre entreprises15. Ainsi, aujourd’hui, la
les actionnaires de l’entreprise, les auto- régulation des entreprises transnatio-
rités fiscales des localisations à faible nales relève quasi exclusivement du
fiscalité et de celles à fiscalité élevée. La groupe des pays membres de l’OCDE,
question se réduit donc à la répartition alors que leur surveillance (très par-
plus ou moins éthique ou équitable du tielle) n’est exercée effectivement que
surplus entre ces trois groupes. Pour- par quelques pays comme les États-
tant, c’est seulement quand la perspec- Unis, la Grande-Bretagne, la France, le
tive devient dynamique qu’apparaît la Canada, et probablement l’Allemagne,
complexité des enjeux éthiques. Déjà qui disposent de moyens techniques
lors de la mise en place de sa politique et humains leur permettant de faire
en matière des transferts et des prix face à la complexité effective du fonc-
238

RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE 2005

tionnement des entreprises transnatio- nomie mondiale s’explique, en partie


nales. En conséquence, les entreprises en tout cas, par leur maîtrise de l’art
qui veulent effectivement assumer la subtil des transferts internes, notam-
responsabilité éthique en rapport avec ment d’intangibles et de services16. Il
leurs activités transnationales, en dépit s’agit avant tout de services et de droits
de l’absence de repères extérieurs, de propriété créés de toutes pièces par
doivent faire preuve de courage, voire ces mêmes entreprises. Ces transferts
d’héroïsme, et développer une réflexion de droits et les paiements des services
sur leur manière de vivre la justice deviennent une réalité économique
commutative dans un monde où ni le objective, du moment qu’ils sont docu-
marché parfait, ni la froide objectivité mentés par des contrats correspondants,
des faits, ne sont en mesure de rempla- des factures, des paiements, des dettes
cer le discernement et le sens du bien ou des créances. Or, dans le cas des
commun. entreprises transnationales, nombre de
Le moins que l’on puisse dire, c’est ces écritures correspondent en fait aux
que de telles entreprises ne sont pas prestations de services et transferts
foule. La majorité préfère en rester au internes. On peut, par conséquent, se
respect plus ou moins strict de la lettre demander si derrière la complexité
de la loi. La tendance qui se dessine croissante du système juridique et
à l’horizon va dans la direction des réglementaire, qui découle en bonne
rapports de quasi partenariats que les partie de la prolifération des droits de
entreprises concluent avec les autorités propriété, d’usage, d’accès ou de per-
fiscales nationales. Il s’agit des accords mis d’exploitation, ne se cache pas
de long ou moyen terme figurant déjà une raison moins avouable : permettre
dans les recommandations de l’OCDE. à ceux qui bénéficient de ces droits
Au moyen de ces advanced price agree- et redevances (les maisons-mères des
ments, les entreprises et autorités fisca- entreprises transnationales, leurs action-
les verrouillent (après négociation) pour naires et aussi les pays les plus déve-
une durée déterminée les méthodes loppés où sont localisées les filiales
admises pour le calcul des prix de détentrices des droits et compétences)
transfert. Cette approche permet aux de prélever ainsi, grâce aux transferts,
entreprises de protéger la rentabilité de une rente planétaire17. Si tel devait être
leurs investissements et leurs stratégies, le cas, l’interrogation éthique devrait
et aux administrations nationales porter non pas sur l’épiphénomène des
d’assurer un flux de recettes à moyen prix de transfert, mais sur l’entreprise
terme. Or, comme il a été mentionné transnationale elle-même, qui, avec le
plus haut, il ne suffit pas qu’il y ait concours de plus en plus ouvert des
accord pour qu’il soit certain que administrations fiscales du Nord, fait
l’éthique et l’équité aient nécessaire- de la maîtrise de certaines compétences
ment trouvé leur compte. exclusives, qu’elle verrouille à l’aide d’un
système juridique sur mesure et qu’elle
exploite grâce aux transferts planétaires,
L’accroissement de l’importance des la source de sa subsistance, sa raison
entreprises transnationales dans l’éco- d’être et son fond de commerce18.
239
LA FACE CACHÉE DE LA FINANCE
LE CAS PARTICULIER DE LA FRAUDE FISCALE

L’extension de la pratique des trans- il de la philosophie politique de l’éco-


ferts met en évidence, a contrario, la nomie libérale s’il s’avérait que le
supériorité, au moins dans certains cas, marché était durablement « vaincu » par
des solutions d’entreprise par rapport la très grande entreprise ? Le second
aux solutions de marché. Or, le marché problème concernerait les politiques de
est la pierre angulaire dans la justifi- régulation : en phagocytant le marché,
cation idéologique du libéralisme la très grande entreprise détruirait la
économique. S’il devait devenir patent seule référence externe à l’aune de
que la solution « entreprise transnatio- laquelle il est plausible de contrôler
nale » s’impose systématiquement par aujourd’hui son efficacité. Libérée de
rapport à la solution « marché », cela cette contrainte, rien n’empêcherait la
poserait un double problème. Le pre- très grande entreprise de devenir, en fait
mier serait idéologique : qu’adviendrait- et en droit, un crypto-monopoleur.

NOTES
1. OCDE, Transfer Pricing Guidelines for Multinational Enterprises and Tax Authorities, 1995, 250 pages.
2. OCDE, Guidelines for Multinational Enterprises, 27 juin 2000 ; et aussi Projet de l’OCDE sur les pratiques
fiscales dommageables, rapport d’étape 2004, Centre de politique et d’administration fiscale, OCDE, 2004.
Voir aussi : Travis Anthony, International Transfer Pricing in Finance and the Common Good/Bien Commun,
n° 12, automne 2002, pp. 62-68.
3. McLure Charles, Transfer Pricing and Tax Havens : Mending the LDC Revenue Net, 2004.
4. Une discussion technique précise des diverses méthodes ainsi qu’un aperçu des législations nationales en
vigueur se trouve dans International Transfer Pricing 2004-2005, PricewaterhouseCoopers, 552 pages.
5. Cnuced, World Investment Report 2000, Cross-border Mergers and Acquisitions and Development, Nations
unies, 2000, 340 pages.
6. Rangan Subramanian, Explaining Tranquility in the Midst of Turbulence : US Multinationals Intrafirm
Trade 1966-1997, Bureau of Labour Statistics, US Labour Department, 2001; Eden Lorraine, Transfer
Pricing, Intrafirm Trade and the Bureau of Labour Statistics International Price Program, Bureau of Labour
Statistics WP 334, 2001.
7. Dembinski Paul H., Économie et finance globales - La portée des chiffres, Nations unies, 2003, p. 180.
8. Diewer Erwin W., Altmann William. F. et Eden Lorraine, Transfer Pricing and Import and Export Price
Indexes : Theory and Practice, Bureau of Labour Statistics, document de travail, 2004.
9. Dembinski Paul H., Economic Power and Social Responsibility of Very Big Enterprises in Finance and the
Common Good/Bien Commun, n° 15, été 2003, pp. 27-34.
10. En esquissant son « paradigme éclectique », John Dunning parle de la capacité d’internalisation qui
caractérise les entreprises transnationales. Dunning John H., Multinational Enterprises and the Global
Economy, Addison-Wesley Publishing Company, Int. Business Series, 1992.
11. Pour une analyse détaillée, voir : International Transfer Pricing 2004-2005, PricewaterhouseCoopers,
pp. 1-136.
12. Eliott Jamie et Clive Emmanuel, International Transfer Pricing : Searching for Patterns, European
Management Journal, 18(2), 2000.
13. Dembinski Paul H. et Mlynek Daniel, Les enterprises high-tech - Les moteurs de l’innovation, La vie
240

RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE 2005

économique, 1998, n° 6, pp. 40-46 ; Pfaffermayr Michael et Bellak Christian, Why Foreign-Owned Firms are
Different : a Conceptual Framework and Empirical Evidence for Austria, Hamburgisches Welt-Wirtschafts-
Archiv (HWWA), Discussion Paper 115, 2000.
14. Toutefois, quand certaines industries, comme actuellement l’industrie pharmaceutique, se trouvent
exposées à une forte pression éthique internationale, elles s’interrogent sur la relation entre leurs pratiques,
notamment celles des prix de transfert, et l’éthique. Wündisch Karl, Pharmaceutical Sector : Pharmaceutical
Industry and Transfer Pricing : Anything Special ?, International Transfer Pricing Journal, novembre-décembre
2003, pp. 204-211. Le même auteur a rédigé un rapport dont le prix toutefois interdit l’accès : International
Transfer Pricing in the Ethical Pharmaceutical Industry, International Bureau of Fiscal Documentation, 2003,
364 pages.
15. Fitzgerald Valpy, Regulating Large International Firms, document de travail n° 5, United Nations
Research Institute for Social Development, novembre 2001.
16. Borkowski Susan C., Transfer Pricing of Intangible Property : Harmony and Discord Across Five Countries,
The International Journal of Accounting, 2001, p. 36.
17. Anwar Nabeel et al, United States : Cost Sharing, Services and Intangibles : Recent Changes in Transfer Pricing
Regulations, International Transfer Pricing Journal, n° 3, janvier-février 2004.
18. De Varax Patrick, L’Église face aux grandes sociétés transnationales, Redemptor Hominis, Institut de
théologie pastorale, université pontificale du Latran, Vatican, 2004, 125 pages.

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