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SÉHA ARCHÈ
Paris Milan
2013
Introduction
Un rival malheureux de Descartes,
Monsieur de Chandoux et sa nouvelle philosophie
René Descartes
INTRODUCTION 3
2 Voir Pierre Borel, Vitæ Renati Cartesii Summi Philosophi Compendium, Paris, 1656 (éd.
Francfort, 1670, p. 6-7) : « In Italia vero Galileum aliosque claros conuenit viros, indeque
ad Gauensem obsidionem iuxta Genuam venit, & tandem in Galliam rediit & in
obsidione Rupellensi aliisque militaribus actionibus etiam voluntariè adfuit in illa
obsidione Rupellæ, memorandam præstitit actionem, coram Cardinali Barbarino tunc
Pontificis nuntio, coramque Card. Berullio, aliisque claris ac ingeniosis viris, qui
conuocati erant vt Dominum Chandou de Nouis Philosophiæ Principiis disserentem
audirent, cum enim omnium plausus sermone suo habuisset excepto Cartesij, ab illo
quid de hoc sermone sentiret petierunt, ille tunc laudato oratoris sermone, cætum non
laudauit quod verisimili tantum contenti fuissent & promisit se quamlibet veritatem
duodecim, argumentis verisimilibus falsam probaturum, & econtra. quo tentato, mirati
sunt remanseruntque stupefacti, quare petentes num modus quidam vitandorum
sophismatum extaret, asseruit illis veritatem mathematicè in omnibus rebus iuxta sua
principia de monstrari [sic] posse, exoratus tunc fuit vt illi publici iuris faceret quod illis
concedere coactus, in Hollandiam se se contulit vt ea melius digesta ederet. »
3 Pour une mise au point sur la date de l’épisode, voir Henri Gouhier, La Pensée
religieuse de Descartes, 1924, 2e éd. Paris, 1972, p. 315-316 (Note historique 5) « La date de
la conférence chez le nonce »). Gouhier estime (p. 316) que « la conférence put avoir
lieu soit à l’automne 1627, soit à la fin d’avril ou en mai 1628, soit à l’extrême rigueur au
cours de l’hiver 1628-1629, un jour où Descartes, s’il est encore en France, se serait
trouvé à Paris ». La date la plus probable est novembre 1627.
4 Il fut nonce extraordinaire en France sous le pontificat de Grégoire XV (1621-
1623), puis nonce en Flandre et de nouveau en France sous le pontificat d’Urbain VIII
(1623-1644) pour assister le cardinal Francesco Barberini. Il fut créé cardinal en 1627.
Voir Georg Lutz, Kardinal Giovanni Francesco Guidi di Bagno. Politik und Religion im
Zeitalter Richelieus und Urbans VIII, Tübingen, 1971 (Bibliothek des Deutschen Historis-
chen Instituts in Rom, Bd. 34).
5 Voir Adrien Baillet, La Vie de Monsieur Descartes, Paris, 1691, I, liv. II, chap. XIV,
p. 160-161 : « Peu de jours aprés que M. Descartes fut arrivé à Paris, il se tint une
assemblée de personnes sçavante & curieuses chez le Nonce du Pape, qui avoit voulu
procurer des auditeurs d’importance au sieur de Chandoux, qui devoit debiter des
sentimens nouveaux sur la Philosophie. […] L’un des Auteurs [en marge : Petr. Borell.
p. 4.] à qui nous sommes redevables de cette particularité a crû trop légérement que ce
Nonce étoit le Cardinal Barberin, qui avoit quitté la France depuis trois ans, & qui n’y
4 SYLVAIN MATTON
Pierre de Bérulle
INTRODUCTION 5
avoit jamais éxercé de Nonciature, mais une Légation de cinq ou six mois seulement. Ce
Nonce étoit M. de Bagné qui fut depuis Cardinal* [en marge : * Créé au mois de
Décembre 1629 avec sept autres], & qui étoit le frére aîné de celuy que M. Descartes
avoit eû l’honneur de connoître en son voyage d’Italie lors qu’il passa par Valteline, où
étant encore laïc il commandoit les troupes du S. Siége sous le nom de Marquis de
Bagné. »
6 Id., p. 160-161.
6 SYLVAIN MATTON
9 C’est ce qu’a encore rappelé Didier Kahn dans sa récente édition de Henry de
Montfaucon de Villars, Le Comte de Gabalis, ou Entretiens sur les sciences secrètes. Avec
l’adaptation du Liber de nymphis de Paracelse par Blaise de Vigenère, texte édité, présenté
et annoté par D. Kahn, Paris, 2010, p. 16.
10 À peu près, car ce passage avait déjà été signalé à propos de Vassy par Albert de
La Fizelière dans son édition de la Rymaille sur les plus célèbres Bibliotières de Paris, Paris,
1868, p. 41.
11 Voir Didier Kahn, Alchimie et paracelsisme en France à la fin de la Renaissance (1567-
depuis le sixiéme janvier, jusques à la declaration du premier avril mil six cens quarante neuf,
s.l.n.d. (Paris, 1650), éd. en 492 p., p. 240-241 ; éd. en 717 p., p. 309-310.
13 Il s’agit de Jean d’Alary, dont on ignore jusqu’aux dates de naissance et de mort.
Beaucoup du peu que l’on sait de sa vie provient de la notice que lui a consacrée
Guillaume Colletet dans ses Vies des poetes françois, ouvrage jamais imprimé et dont
l’unique manuscrit disparut en 1871 dans l’incendie de la bibliothèque du Louvre, mais
INTRODUCTION 9
l’entendement desquels [il] desire resigner auant [s]a mort les rares secrets dont la
faueur du Ciel [l]’a gratifié sur l’abbrégé des sciences, & leur laisser [s]on art qui conioint
les fleurs du bien dire auec les fleurs du sçauoir pour former leur esprit & leur langue à
la predication, faire reluire en leur bouche le foudre de l’eloquence pour effroyer &
abatre le monstre de l’heresie, & des mesmes mains qu’ils esleueront au Ciel par
l’oraison, esleuer les ames & les cœurs plus terrestres à Dieu par les beaux Liures de
deuotion qu’ils mettront en lumiere, pour donner le iour de la pieté à ceux qui ne
viuent que dans les tenebres de toute erreur ». L’Abbregé des longues estudes fut par
ailleurs brocardé par Charles Sorel, qui nomme son auteur le « seigneur d’Alaric », au Ve
livre de La Vraie Histoire comique de Francion, dans l’édition de 1626 (éd. É. Roy, Paris,
1926, II, p. 94), ainsi que l’a noté É. Colombey dans son édition de ce dernier ouvrage
(Paris, 1858, p. 220, note 1, non reprise par Roy), Sorel paraissant ainsi être la source de
Naudé, puisque ce dernier nomme lui aussi Alary « Alaric ». Mais ce n’est pas
seulement l’Abreggé qui fut moqué, ce fut aussi la figure même d’Alary. Selon Colletet,
en effet, il « portait au milieu de la cour même une longue et épaisse barbe, un chapeau
d’une forme haute et carrée, qui n’était pas celle du temps, et un long manteau double
de longue peluche, qui lui descendait plus bas que les talons, et qu’il portait même
souvent pendant les grandes chaleurs de l’été, ce qui le distinguait des autres hommes,
et le faisait connaître du peuple qui l’appelait hautement philosophe crotté, de quoi, dit
Colletet, sa modestie ne s’offensait jamais » (Barbier, Examen critique et complément des
dictionnaires historiques les plus répandus, depuis les Dictionnaires de Moréri jusqu’à la
biographie universellement inclusivement, t. I, Paris, 1820, p. 20). Lignes qui frappèrent
suffisamment Victor Hugo pour qu’il écrivît dans Littérature et philosophie mêlées (Paris,
1834, p. 121-122) : « Tout le monde a entendu parler de Jean Alary, l’inventeur de la
Pierre philosophale des sciences […]. Colletet appelait Alary le philosophe crotté, Boileau
appelait Colletet le poète crotté. C’est qu’alors l’esprit et le savoir, ces deux démons si
redoutés aujourd’hui, étaient de fort pauvres diables. Aujourd’hui ce qui salit le poète
et le philosophe, ce n’est pas la pauvreté, c’est la vénalité ; ce n’est pas la crotte, c’est
la boue ».
14 Jugement de tout ce qui a esté imprimé contre le cardinal Mazarin…, éd. en 492
16 Ibid., n. 37.
* Fâcheuse ignorance de ma part, les pièces du procès Chandoux/Vassy ayant été
signalées par Paul S. MacDonald dans « Descartes : The Lost Episodes », Journal of the
History of Philosophy, XL (2002), p. 437-460, ici p. 451-452. Malheureusement l’auteur les
a mal exploitées, ne les connaissant que par la notice du catalogue Opale de la BnF.
12 SYLVAIN MATTON
de Louis XIII de 1621 à 1625. C’est entre ses mains que Théophile de Viau abjura en
septembre 1622 le protestantisme et il émit un avis favorable à la suppression avant sa
publication de La Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps ou pretendus tels (Paris,
1623) de François Garasse ; voir F. Lachèvre, Le Procès du poète Théophile de Viau (11 juillet
1623 – 1er septembre 1625), Paris, 1909, p. 121.
24 Voir Memoires, p. 3 (ci-après p. 230).
25 Voir P. Féret, La Faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres. Époque
moderne, t. IV, Paris, 1906, p. 327-329. Dictionnaire de théologie catholique, t. VI, Paris, 1920,
col. 1141 (art. de B. Heurtebize) ; Dictionnaire de biographie française, t. XV, Paris, 1980,
col. 295. Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. XIX, Paris, 1981, col. 956.
26 Voir Carlos Gilly, Magia, alchimia, scienza dal ’400 al ’700, L’influsso di Ermete
Freres Roze-Croix, Paris, 1623, p. 27 : « Nous deputez du College principal des Freres de la
Roze-Croix, faisons sejour visible & inuisible en cette ville, par la grace du Tres-haut, vers lequel
se tourne le cœur des Iustes […] ». Sur la date de l’affichage des placards, voir D. Kahn,
Alchimie et paracelsisme en France à la fin de la Renaissance…, p. 422-423 ; toute l’affaire de
la Rose-Croix en France est parfaitement exposée par Kahn dans le chapitre 4.2. : « La
mystification rosicrucienne en France », p. 413-499.
30 Effroyable Pactions faictes entre le diable et les pretendus Inuisibles. Avec leurs damnables
Instructions, perte deplorable de leurs Escoliers, et leur miserable fin, s. l., 1623.
31 Advertissement pieux et tres utile, des Frères de la Rosee-Croix : A sçavoir : S’il y en a ?
Quels ils sont ? D’où ils ont prins ce nom ? Et à quelle fin ils ont espandu leur renommée ? Escrit,
et mis en lumiere pour le bien public. Par Henry Neuhous de Dantzic, Maistre en medecine et
philosophie. P. en Nörbisch. H., Paris, 1623, « Au Lecteur Curieux », p. 3 et 5.
32 Il avait été nommé procureur général en 1614. Sur lui, voir baron de Barante, Le
Mathieu Molé
18 SYLVAIN MATTON
33 Ces dates nous sont fournies par les Mémoires de Garasse (François), éd.
Ch. Nisard, Paris, 1860, qui nous apprennent (p. 242-243) qu’à la mort du père Coton
(19 mars 1626) Deslandes avait 92 ans et (p. 283) qu’il vivait toujours en 1627.
34 Voir F. Lachèvre, Le Procès du poète Théophile de Viau (11 juillet 1623 – 1er septembre
Renaissance…, p. 569-574.
INTRODUCTION 19
tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, La Haye, 1690, s. v.,
« DOGMATISER. v. n. Enseigner quelque chose contre la foy, contester les veritez de la
Religion. On ne recherche point en France les Heretiques, mais il est defendu de
dogmatiser, d’enseigner des opinions nouvelles ».
41 Il s’agit probalement entre autres des manifestes de la Rose-Croix et du Speculum
Heinrich Khunrath
INTRODUCTION 21
47Lettre III sur Vanini, dans Melanges de Litterature, t. XI, Londres, 1773, p. 274.
48Memoires, p. 9 (ci-après p. 238).
49Voir Descartes : Belief, scepticism and virtue, Londres, 2001, p. 159 : « Nor we do
have much information about the content of De Chandoux’ talk, beyond the vague
description that it was an exposition of his ‘new philosophy’ (letter to Villebressieu,
CSMK : 32 ; AT I : 213 : ‘[…] le discours de M. de Chandoux touchant sa nouvelle philoso-
INTRODUCTION 23
qui se dessine en creux quand Henri Gouhier note que chez le nonce,
après le discours de Chandoux, « peut-être Descartes s’est-il déclaré
à la fois contre la physique d’Aristote et contre la pseudo-science de
certains novateurs en quête de quelque magie naturelle » 50.
Les livres saisis à leur domicile et surtout les traductions qu’ils fi-
rent exécuter nous autorisent à soupçonner, comme le fit Mathieu
Molé, plus qu’un intérêt, une sympathie de Chandoux et Vassy pour
le courant “rosicrucien” qui se développa rapidement à partir de la
publication des manifestes Rose-Croix. Toutefois, du point de vue
philosophique ce courant était très loin de posséder une doctrine ho-
mogène 51. Il eût donc été fort éclairant de pouvoir déterminer quels
étaient les textes rosicruciens qui furent saisis à leur domicile ; mais
cela nous est impossible tant la littérature pro et anti Rose-Croix
était déjà abondante vers 1623 (Carlos Gilly a recensé près de 400 ou-
vrages ! 52). Nous pouvons cependant dégager quelques points à peu
près communs tant aux auteurs des manifestes qu’à ceux qui les défen-
phie’). But it is not wild to suppose that it may have been of neo-Epicurean inspiration
in opposition to Aristotelian physical theory ; that, at least, would have been a live
option (see Joy 1978 : 66 ; Jones 1989 : Chapter 7). Though it is just a supposition, if De
Chandoux was setting out some form of Atomism, then we can explain Descartes’
dissatisfaction with what was said, and the response he sought in his audience. As a
rival to Scholasticism, De Chandoux’ views would suffer from the same defect as what
they were meant to replace : dependence on (credulous) empirical techniques. Rela-
tive to the method he took himself to have discovered as having the same certitude as
arithmetic (Baillet 1691 : I, 163 ; cf. Reg. II, CSM I : 13), all such projects would be
doomed to be merely true-seeming or plausible (‘vraisemblable’, ‘plausible’). If so, Des-
cartes’ response was to follow in the Arcesilaus’ and Carneades’ footsteps and to argue
in utramque partem. First, he took one of De Chandoux’ best-received theses and piled a
dozen equally probable arguments against it ; and them he took one, presumably
Scholastic, thesis that was not accepted by those present and defended it with just as
many equally probable arguments. »
50 La Pensée religieuse de Descartes, op. cit., p. 60.
51 Ainsi Naudé écrivait dans Instruction à la France sur la verité de l’histoire des Freres
Roze-Croix, p. 20 : « Car ie vous demande, Messieurs, apres auoir leu leurs liures,
fueilleté leurs escrits, dechiffré leurs enigmes, auez-vous iamais peu conceuoir leurs
desseins, remarquer leurs principes, ou entrer en cognoissance de quelqu’vne de leurs
conclusions ? »
52 Voir C. Gilly, Cimelia Rhodostaurotica, Amsterdam, 1994, p. 76-77 ; cité par
53 Voir par ex. Fama Fraternitatis, éd. Francfort, 1617, p. 30 : « Auch ist vnser
Philosophia nichts newes/ sondern wie sie Adam nach seinem Fall erhalten/vnd
e
Moses vnd Salomon geubet ».
54 Id., p. 10.
55 Voir ci-dessus p. 5.
INTRODUCTION 25
ralem, eamque non verbo-tenus superficialem, sed centralem Lullij & eius sequacium
Philosophiam ».
26 SYLVAIN MATTON
62 Voir Ph. Papillon, Bibliotheque des auteurs de Bourgogne, Dijon, 1742, II, p. 343 ; la
forme « le Toul » est donnée non seulement par les pièces de son procès mais encore
par le privilège de ses ouvrages (voir ci-après p. 42). Seul, semble-t-il, J. N. Hillgarth,
Ramon Lull and Lullism in Fourteenth-Century France, Oxford, 1971, p. 304, le nomme
correctement Robert le Toul.
63 La date de 1649 est fournie par le passage, cité ci-après, de la mazarinade Ry-
maille sur les plus celebres bibliotieres de Paris. Par le Gyrovague Simpliste ; celle de 1667 par
le passage, cité ci-après, de l’Apologie de la vie et des œuvres du bienheureux Raymond Lulle
d’A. Perroquet. La « Notice sur Robert-Le-Foul, sieur de Vassy. Conseiller du roi au
bailliage et prévôté d’Avallon » que lui a consacrée le Vte de T. Montalembert dans le
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, XI, Auxerre, 1857, p. 390-
400, et qui ignore l’épisode du procès, n’apporte à une exception près (celle de thèses
qu’aurait écrites Vassy, voir ci-après p. 32) aucun renseignement sur sa vie. Voir par
ailleurs J. N. Hillgarth, Ramon Lull and Lullism in Fourteenth-Century France, Oxford, 1971,
p. 301-309 ; P. Rossi, Clavis Universalis, Arts de la mémoire : logique combinatoire et langue
universelle de Lulle à Leibniz, traduit de l’italien par P. Vighetti, Grenoble, 1993, p. 166-167.
INTRODUCTION 27
78. Cette édition se rencontre aussi avec un autre titre : La Vie et le martire du docteur
illuminé le bienheureux Raymond Lulle. Avec une apologie de sa sainteté et de ses œuvres contre le
mensonge et la médisance.
65 Voir J. N. Hillgarth, Ramon Lull and Lullism in Fourteenth-Century France, p. 307.
28 SYLVAIN MATTON
humaines (1678), mais où l’on ne trouve nulle trace de lullisme 66. Pour
notre part, nous croyons qu’il s’agit de l’autre personnage envisagé
comme possible, mais non privilégié, par Hillgarth, le capucin
Esprit Sabbathier (ou Sabatier, † 1676/77), auteur d’un ouvrage
gravé donné à la fois dans une version latine et dans une version
française, l’Idealis umbra sapientiæ generalis / l’Ombre idéale de
la sagesse universelle, publiée posthume à Paris en 1679 par les soins
du R. P. François-Marie de Paris 67. La réticence de Hillgarth vient
de ce qu’il remarque que certes le « R. Pere Esprit Sabatier Capucin »
est mentionné par l’un des disciples de Vassy énumérés par Perroquet,
« M r. de Montarsy », dans son Traité de la raison 68 et dans un ma-
66 Id., p. 306-307. Sur J. Esprit, voir l’article de J. Lesaulnier in L. Foisneau (éd.), The
peut resister aux doutes, aux difficultez & aux erreurs, & à tout ce qui s’oppose à la
verité : puisque la Raison peut estre le soustient de la verité, & que par son moyen, on
peut la croire ou la connoistre, & se soustenir dans la Foy, & mesme resister à tout ce qui
peut la combattre. Le R. P. Yves Capucin a fait un excellent Traité de la Theologie na-
INTRODUCTION 29
turelle, où il fait voir des raisons fort solides pour le soustien de nos Mysteres : Le R. Pere
Esprit Sabatier Capucin, nous fait esperer quelque chose de fort admirable, touchant
cette matiere, ainsi qu’il en a fait voir le dessein en une figure qu’il a composée, pour
parvenir à l’Encyclopedie. »
69 J. N. Hillgarth, Ramon Lull and Lullism in Fourteenth-Century France, p. 307-308.
70 Voir J. N. Hillgarth, Ramon Lull and Lullism in Fourteenth-Century France, p. 307, n.
208 : « He [Esprit Sabatier] is mentioned by Montarcis, Traité de la raison […], pp. 26 f.,
as one of those who seek to provide rational support for the faith, and especially as
having devised ‘une figure pour parvenir a l’Encyclopédie’. There is another reference
to this figure (‘Pater Esprit, in figura enciclopedica’) in B. N. lat. 15097, fol. 257, one of
Sauvage’s manuscripts […], where others authors, including Lull, are listed. But
neither Montarcis nor Sauvage expressly states that P. Esprit Sabatier was a Lullist (or a
layman), whereas the Esprit of Perroquet, Vernon [qui dans son Histoire du Bx. R. Lulle,
1668, p. 387, dit avoir contrôlé des actes sur ceux reçus de Majorque par le « Sieur
Esprit, Docteur en droit Canon, fort intelligent dans la science de nostre Lulle »] and
the Munich manuscripts was indisputably a Lullist and is never referred as Sabatier »).
71 Éd. L. Toth, f. [19]. C’est dans la même bande du tableau qu’est associé « le
meur & Libraire que bon luy semblera, Le Traité des fondemens de la Science generalle &
universelle, & les Traitez des Arts & des Sciences, avec les Applications, & ce durant le temps
et espace de vingt ans […] ». Voir E. Rogent et E. Duran, Bibliografia de les impressions
lul.lianes, Barcelone, 1927, n° 231, p. 193. Traité des fondemens de l’astrologie, « Extrait du
privilege du Roy » : « PAR Letres patentes du 15. Decembre 1654. Signées de BOVRGES.
Il est permis à PIERRE Boudouin. Escuyer Sieur de Nequen Montarcis, Secretaire des
Commandements de Madame de Remiremont Petite Fille de France, de Faire Imprimer, vendre
& distribuer par tel Imprimeur & Libraire que bon luy semblera les Traités de Physique,
comme sont, la Meteorologie, la Physionomie, l’Astrologie &c. par luy inuentez &
Composez, & ce durant le temps de vingt ans […] ».
73 Voir M. A. Guinot, Etude historique sur l’abbaye de Remiremont, Paris, 1859.
74 Voir J. N. Hillgarth, Ramon Lull and Lullism in Fourteenth-Century France, p. 309.
75 Id.
76 Traité des fondemens de la science generale et universelle, où l’on voit la maniere de
trouver des maximes, immediates, et mediates : et la methode d’en tirer des theoremes, des
inductions, et des consequences, à la faveur desquelles on peut faire la recherche des plus hautes, et
des plus importantes veritez. Avec l’application de cette methode pour la preuve de quatre
propositions tres-fameuses. Propositions. Que Dieu est un en essence. Que Dieu produit, et opere
infiniment en soy. Que le monde a esté crée par l’estre tout-puissant. Que l’intelligence
apprehensive que l’homme peut avoir de Dieu par l’entendre, n’est pas une connoissance à l’ame,
qui destruise le merite de la foy, Paris, 1651.
76 Id., « Privilege du Roy », dernière page : « Donné à Paris le dix-huictiesme iour de
Iuin, l’an de grace mil six cents quarante-sept. Et de nostre regne le cinquiesme ».
77 Cet ouvrage ne comporte pas de page de titre. Il s’agit d’une planche dépliante,
Præfatio (n. p.) : « R. P. Dinetus, qui breui sed neruoso tractatu Dei existentiam & ani-
INTRODUCTION 31
dont le privilège avait été accordé dès 1647 77. Après 1654, date du
privilège, il fit imprimer une Table generale avec son Explication 78,
qui font suite au Traité des fondemens de la science generale et uni-
verselle. Il y mentionne un traité sur l’immortalité de l’âme,
apparemment perdu, en précisant que le père Mersenne l’a loué dans
la préface de son Universæ geometriæ, mixtæque mathematicæ
synopsis (1644), ce qui est exact, Mersenne y notant que ce sujet a été
traité par « le très subtil Montarcis, qui l’a abordé à partir des
premiers principes de la nature ou des sciences » 79 . Montarcis a
d’ailleurs très probablement rencontré Descartes chez Mersenne le 11
juillet 1644, si l’on en croit une lettre de Victor (et non pas Nicolas ou
Blaise) Meliand à Mersenne 80. En effet, Mersenne ayant proposé à
Meliand (à qui il avait dédicacé en 1634 ses Questions theologiques,
physiques, morales et mathématiques) 8 1 de lui faire rencontrer
peut être Nicolas Meliand, frère de Blaise, comme l’affirment les éditeurs de la Corres-
pondance du P. Marin Mersenne, IV, Paris, 1955, p. 203. En effet ce Nicolas Meliand ne fut
jamais « Thresorier de France » comme le qualifie Mersenne dans sa dédicace, tandis
que Victor devint « Secretaire du Roi le 3 Avril 1610 », fut « Tresorier de France à Bour-
ges » et « vivoit encore le 15 avril 1641 » selon La Chenaye-Desbois (Dictionnaire de la
noblesse, 2e éd., t. X, Paris, 1775, p. 17 ; voir aussi, pour sa réception comme secrétaire du
roi, A. Tessereau, Histoire chronologique de la grande chancellerie de France, Paris, 1676,
p. 290). Mais l’élément déterminant pour identifier l’ami de Mersenne nous est fourni
par N. Hillgarth, qui n’a curieusement pas su l’exploiter, puisqu’il écrit « It is irritating
to be unable to identify M. de Melian himself » (Ramon Lull and Lullism in Fourteenth-
Century France, p. 308) et qu’il suit les éditeurs de la correspondance en estimant que
« He might be Nicolas Melian (more correctly Meliand or his brother Blaise » (ibid.).
Pourtant, en remarquant que «Unfortunately his Christian name nowhere occurs in
our sources », Hillgarth cite en note une note sur un manuscrit ayant appartenu à
Meliand, aujourd’hui à Munich, le Codex latinus monacensis 10561, i, fol. 2, dans la marge
de la Vita Raymundi, qui dit : « Hic tractatus non videtur esse Remundi Lulli — de ipso
32 SYLVAIN MATTON
semper in tertia persona loquitur, nec in suo stilo proprio conscriptus est. V. M. » Or ces
initiales nous fournissent bien le prénom de Meliand : Victor ! Cette identification
s’harmonise avec la lettre (non datée) 902 bis de la Correspondance du P. Marin Mersenne,
IX, Paris, 1965, p. 559-560, dans laquelle Meliand dit envoyer à Mersenne « le livre de
Untzerus de Sale », Victor Melian s’intéressant, comme Montarcis et la plupart des
disciples de Vassy, à l’alchimie. Une circulaire de la Compagnie du Saint-Sacrement,
dont Meliand était membre, annonce son décès en novembre 1644 (voir A. Rébelliau, La
Compagnie secrète du Saint-Sacrement, Paris, 1908, p. 15 et 42).
82 Voir J. N. Hillgarth, Ramon Lull and Lullism in Fourteenth-Century France, p. 300-301.
Melian emprunta à Montarcis plusieurs manuscrits lullistes pour en faire des copies.
83 Et non pas « de Montarge » (!) comme l’écrivent et les éditeurs de la correspon-
dance de Descartes (A. T., IV, p. 128) et ceux de celle de Mersenne (XIII, p. 172).
84 Voir Correspondance du P. Marin Mersenne, XIII, Paris, 1977, p. 171-172.
85 La Vie de Monsieur Descartes, II, p. 217.
86 Quod deus sit, mundusque ab ipso creatus fuerit in tempore, eiusque providentia
gubernatur, selecta aliquot theoremata adversus atheos, Paris, 1635. Un fac-similé en a été
donné par les soins de J.-R. Armogathe et M. Martinet, Lecce, 1996. Pour une mise en
perspective de cet ouvrage dans l’histoire des idée, voir H. Schüling, Die Geschichte der
axiomatischen Methode im 16. und beginnenden 17. Jahrhundert (Wandlung der Wissens-
chaftsauffassung), Hildesheim, 1969 (p. 97-98 pour Morin).
87 Voir Defensio suæ dissertationis de atomis et vacuo, adversus Petri Gassendi philoso-
phiam epicuream, Paris, 1657, p. 90-92 ; nous reproduisons tout le passage ci-après,
Appendice III, p. 143-146.
34 SYLVAIN MATTON
88 Voir La Vie de Maistre Jean Baptiste Morin, natif de Ville-Franche en Baujolois, docteur
et comment par son moyen l’on peut trouver la verité, passer aux aplications, et faire le retour
aux principes de cognoissance selon l’ordre de la nature, et selon la metode de la sçience generale.
Et où l’on voit encore quelques observations touchant les fondemens et les aplications de cette
science generale ; et qu’elle est l’utilité qu’on peut esperer du Traité de la clef des secrets de la
nature, composé par le bien-heureux martir Raymond Lulle, où il prouve par des raisonnemens et
des demonstrations, qu’il est possible de trouver des remedes pour conserver la vigueur et la santé
et pour guerir les malades; comme aussi de convertir les metaux imparfaits en argent ou en or, et
le mercure vulgaire en argent ; et mesme de composer des pierres precieuses aussi parfaites que les
naturelles, Paris, 1668.
90 Voir ci-dessus note 68.
INTRODUCTION 35
91 Voir Factum pour dame Olymphia Tufton, vefve de Messire Guillaume Wrays, chevalier,
baronet anglois, ayant repris le procez au lieu du sieur Thomas Coke, gentilhomme anglois,
gouverneur de Messire Christophe Wrays, son fils, mineur, complaignante et demanderesse en
crime de rapt ; Monsieur le Procureur du Roy joint. Contre Guillaume Balantin, ecossois,
Dorothée Balantin, parisienne, Pierre Baudoüin dit Montarcis, et Marguerite Methelin, accusez
et deffendeurs, s. l. n. d.
92 Voir Pierre Bizot, Histoire metallique de la republique de Hollande, Paris, 1687,
« Avertissement » (non paginé), f. î[2v], ainsi que François Raguenet, Histoire d’Olivier
Cromwel, Paris, 1691, « Avertissement » (non paginé), f. î, Raguenet y précisant que des
médailles lui ont été prêtées « par Monsieur de Montarsy qui s’est acquis une si grande
considération, parmi les honêtes gens, par ses maniéres généreuses & obligeantes ».
93 Le Fondement de l’artifice universel, de l’illuminé docteur Raymond Lulle, Paris, 1632,
p. 4.
36 SYLVAIN MATTON
autheur » 94. Vassy nous apprend aussi incidemment que son étude du
lullisme remontait au moins à l’année 1617, puisqu’il confie :
« cette doctrine haute et profonde, dont à la verité le pur &
naif restablissement (mal gré l’enuie & la vaine arrogance)
sera deu en ce temps aux trauaux infatigables de 15. années 95 et
aux frequentes meditations que i’y ay faites et que ie continu-
eray auec satisfaction pour le bien du public le reste de mes
iours » 96.
Nous devons enfin ajouter le dédicataire du Grand et Dernier Art
de M. Raymond Lulle, Guillaume Tiffi, « Conseillier & Aumonier du
Roy, Intendant des Hospitaux de ses camps & armees, Vicaire Gene-
ral de l’Ordre Milice & Religion du S. Esprit » 97. Dans l’épitre dédi-
catoire, qu’il signe, nous l’avons vu, en qualité de « Secretaire Gene-
ral & Docteur Luliste, de l’Ordre Milice & Religion du sainct
Esprit » 98, Vassy rappelle à « l’Archi-hospitalier du sacré Hospital
de Montpellier, & consequemment au principal restorateur de la
Milice de ces zelez & genereux Cheualliers du Sainct Esprit » 99 :
« les frequentes & necessaires, entremises & solicitations que
i’ay este obligé de faire conioinctement auec vous pour ne point
manquer de ieter en vous & par vous les solides fondements de
la restauration reelle de c’est [sic] ordre, es lieux mesme es-
quelles premierement il a esté autrefois construict & erigé » 100.
Notons que dans ce même ouvrage Vassy publie une longue lettre
que lui avait adressée en 1629 le père Pacifique de Provins (René de
94 Id., p. 8.
95 Le privilège du Fondement de l’artifice universel, de l’illuminé docteur Raymond Lulle,
(cité ci-après p. 42-43) parle de « quinze ou seize ans ».
96 Le Fondement de l’artifice universel, de l’illuminé docteur Raymond Lulle, p. 6-7.
97 Le Grand et Dernier Art de M. Raymond Lulle…, Paris, 1634, épître « A Monsieur,
Monsieur Tiffi », f. ãijr (ci-après p. 138). Le prénom de Tiffi nous est fourni par une
lettre du 28 février 1635 (Paris, BnF, ms. Dupuy 659, f. 146) nommant J.-A. Alviset à la
charge de maître de l’hôpital du Saint-Esprit de Besançon.
98 Id, f. [ãvir] (ci-après p. 142).
99 Id., f. [ãiijv] (ci-après p. 139).
100 Id., f. [ãvv-ãvir] (ci-après p. 142).
INTRODUCTION 37
l’Escale, 1588-1648) 101, à propos d’une enquête sur Lulle que ce dernier
avait menée à Majorque en avril de la même année, en « reuenant du
Royaume de Perse & à la faueur des Galeres de Malthes » 102 ; mais on
ne saurait évidemment arguer de cette relation entre les deux
hommes pour faire du capucin missionnaire un disciple de Vassy, ni
même un lulliste.
Enfin, quelques minces bribes de l’enseignement lulliste oral de
Vassy ont été recueillies par un anonyme dans des recueils, restés
manuscrits, d’analyses et d’extraits de divers ouvrages ou de pensées
empruntées à différents auteurs, avec un intérêt marqué pour les
secrètes sciences, la rhétorique et la politique 103. On lit ainsi dans le
manuscrit Paris, BnF, fr. 2542 :
« D’vne conference auec M. De Vassy
Le medium corps spiritualisé
conjugens est esprit corporalisé
Aristote mal entendu en ce que l’on explique la voie de
dissolution en dis‹s›equant les parties materielles d’un tout,
comme le corps de l’homme en bras, teste, nerfs, tendons,
veines, os, cartilages etc., au lieu de suiure la vraye doctrine le
resoluant en ses vrais principes qui sont matiere, forme & me-
dium conjungens.
En cette science l’on dit que l’on separe la forme de la
matiere en laissant la matiere separee de ce qui luy donne
l’action, c’est à dire de sa forme spiritueuse, comme la terre
lors que l’on luy a osté son sel qui est sa vraye forme. C’est à
dire, pour le mieux expliquer et selon leurs termes, ostant et
101 Voir F. Pouillon (dir.), Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris, 2008,
(non paginé).
103 Il s’agit des manuscrits fr. 2513 à 2589 de la Bibliothèque nationale de France.
Voir Catalogue des manuscrits français, Tome premier. Ancien fonds, Paris, 1868, p. 426-434.
38 SYLVAIN MATTON
cit., p. 390-392 : « C’est une époque à la fois curieuse et singulière que celle de la
première moitié du XVIIe siècle. Dans le passé, on voit le système féodal se perdre avec
la nouvelle politique de Richelieu. Dans l’avenir, on prévoit une monarchie absolue
avec le règne de Louis XIV, et dans le présent, c’est le libre examen des sciences qui
succède au libre examen religieux. En Allemagne, Kepler donne une nouvelle marche à
l’astronomie en expliquant le mouvement apparent des astres et en assigant des causes
physiques aux phénomènes céleste. En Italie, Galilée démontre l’immobilité du soleil au
centre du monde. En Angleterre, Bacon généralise les idées que Kepler et Galilée
appliquent aux sciences physiques. Et en France, Descartes, par sa Méthode, par son
INTRODUCTION 41
113Id., p. 399.
114Il semble que le vicomte de Tryon-Montalembert n’ait pas connu Le Grand et
Dernier Art de M. Raymond Lulle, puisqu’il ne le mentionne jamais.
INTRODUCTION 43
« Les autres disent que cet Art choque l’oreille par la ru-
desse de ses termes barbares & inusitez. Il y en a d’autres qui le
mesprisent, disant que ses termes sont tous équivoques.
Ceux qui suivent la Philosophie du Sr. Descartes ajoûtent à
cela, que le nombre de nos principes ne suffit pas pour acquerir
une parfaite science. Il y en a qui rejettent cette methode : à
cause qu’elle ne consiste que dans un certain mélange de mots,
dont l’application, à ce qu’ils disent est toûjours la mesme en
toute sorte de suiet, ce qui est grandement ennuyeux, embarras-
sant, & inutile. » 118
En réalité il est extrêmement peu probable que Chandoux ait
recouru à la méthode lullienne pour exposer chez le nonce sa nouvelle
philosophie, puisqu’il ne l’emploie pas dans ses écrits philosophi-
ques qui ont été conservés. Car de Chandoux nous possédons bien des
écrits philosophiques, qui, chose fort surprenante, sont restés inconnus
aux historiens. Il existe en effet à la Bibliothèque nationale de
France, sous la cote fr. 641, un recueil manuscrit d’une seule main dont
la reliure, frappée aux armes du comte Philippe de Béthune 119, a
pour pièce de titre « Trait‹és› de diverses sciences » et que le Cata-
logue des manuscrits français décrit ainsi :
« 1° Mémoire “du Sr Dryon [le Père ARNOUL ] contre un
discours publié” commençant par : “Sire, ceux qui oyent parler
du Mirmicaleon, sans congnoistre ce qu’il signiffie…”.
2° “Oraisons particulieres pour le roy, par le Pere Arnoul
Drion”, commençant (fol. 19) par : « Seigneur, delivrez le R. de
la servitude des idoles…”.
3° Traité de la connoissance de la nature et des melanges,
par “monsieur de CHANDOUX” ; deux lettres et un mémoire y
faisant suite, commençant (fol. 25) par : “Les diverses pensées
118 A. Perroquet, Apologie de la vie et des œuvres du bienheureux Raymond Lulle, p. 92.
119 Sur ces armes, voir Joannis Guigard, Armorial du bibliophile, Première partie, Paris,
[1872], p. 92-93.
46 SYLVAIN MATTON
1261ère lettre, Paris, BnF, ms. fr. 641, f. 25v (ci-après p. 246).
127Id., f. 32v (ci-après p. 267).
128Voir id., f. 25r (ci-après p. 246) : « Plusieurs moys se sont escoulez qu’vn braue
homme de qui je tiens d’affection et de parenté, jettant l’œil sur ma mauuaise fortune
et compatissant en mon malheur, me conseilla pour le detourner que je fisse ce que je
pourrois pour m’acquerir vne facille et libre conuersation auec vous. »
52 SYLVAIN MATTON
Charles de Condren
INTRODUCTION 53
129 D. Amelote, La Vie du Pere Charles de Condren, Paris, 1657, p. 465. Nous avons eu
l’occasion de citer le passage plus au long dans Scolastique et alchimie (XVIe-XVIIe siècles),
Paris–Milan, 2009, p. 694-695.
54 SYLVAIN MATTON
cela moins veritable, ny moins digne d‹’›estre sçeu, sont les en-
tretiens qu’il a eu sur ce sujet auec deux personnes, dont l’autho-
rité doit estre d’autant plus authentique, qu’elles ont veu en
cette matiere, & manié ce que tant d’autres y cherchent tous les
iours aux despens de leurs biens, de leur fortune, & de leur
santé. L’vn fut le Pere de Condren qui veritablement n’auoit
pas trauaillé, car il auoit d’autres occupations, mais qui auoit
cogneu dans la foule des sçauants qui le frequentoient, vn
homme qui enfin estoit paruenu au dernier degré de la Philoso-
phie : Il en vit les preuues deuant luy, & c’est assez dire pour
conuaincre ceux qui ont eu connoissance de son esprit, autant fort
& eleué qu’aucun qui ait esté de long-temps : il se resolut de
l’addresser mesme à vn de ses amis, sans doute que ce n’estoit
pas le moins cher, qui demeuroit pour lors à la campagne, & en
qui l’on se pouuoit confier, mais par vn mal-heur trop ordinaire
en ses [sic] rencontres, la chose ne reüssit pas ; l’Artiste ne peut
iamais reuenir à la perfection de sa premiere operation, & l’on
a souuent depuis entendu dire au Pere de Condren, qu’il ne le
pouuoit attribuer à autre cause, sinon que Dieu ne vouloit pas
que ce secret demeurast manifesté parmy les hommes, dont la
malice au poinct qu’elle est à present, se pourroit seruir trop
desauantageusement à sa gloire. » 130
Il est donc fort tentant de voir Charles de Condren dans le corres-
pondant de Chandoux et de compter ce dernier parmi ces « hommes
tres-sçauans » qui « l’étoient venus voir de leur propre mouuement »
et « dans la conuersation desquels il s’estoit éclaircy » du secret du
grand œuvre : ce serait alors Condren qui aurait introduit Chandoux
auprès de Bérulle et de Guidi di Bagno 131. Cependant nous n’avons
Sur la 2e objection :
« J’ay dit que l’humeur radical des ani- « J’ay dit que le vray or potable doibt pas-
maux ne peut digerer l’or […] ; je veux ser par la resolution naturelle qui consiste
donc que la nature fauoriséë de l’art sup- en la separation de l’accident extrinseque
plée ce deffault, affin que l’accident ex- d’auec le germe orifique, affin que la diffi-
trinseque que l’humeur radical ne peult culté et la resistance que la chaleur natu-
penetrer, soit rejetté pour en auoir le relle rencontre pour la digestion de ce me-
germe dans lequel la medecine salutaire tal soit entierement rejettéë par la nature
que je propose se rencontre » (Id., f. 33v) que l’art a secourue » (Id., f. 28v)
Sur la 3e objection :
« je ne me puis imaginer à quoy il se veult « Et quant à ce que l’on voudroit alleguer,
tenir pour empescher qu’il ne tombe, veu que l’or estant dissoult, ou par l’esprit de
qu’il fait vne opposition que j’ay contestéë miel, ou par celluy de sel, ou par l’eau de
assez amplement dans mon escrit et qu’il sucre, ou par l’esprit de vin et quantité
ne raisonne point, car j’ay montré que la d’autres moyens, n’est plus en corps et
dissolution ou liquefaction d’or qui se fait qu’ainsy donné pour medecine qu’il est
par l’esprit de miel, de sel ou de vin, ou potable, se peult digerer et par consequent
par l’eau de sucre et autres choses sem- contribuer beaucoup pour la santé, je res-
blables, ne peult estre le vray or potable. » pons que cela est du tout faux » (Id., f. 28r)
(Id., f. 33v)
Sur la 4e objection :
« Passons à la quatriesme, où il est dit qu’il « L’or potable que j’entendz, ayant passé
n’est pas besoin que l’or passe par la reso- par la resolution naturelle, quitte son acci-
lution naturelle pretendue, qui conciste dent extrinseque et ne restant de luy que
en la separation de l’accident extrinseque son germe specifique, produit et met en
dans le germe que je nomme orifique, euidence la puissance que l’accident re-
pour ce que la difficulté et la resistance jetté emprisonnoit, pouuant ors demons-
INTRODUCTION 57
que la chaleur naturelle rencontre pour la trer ce qui est de sa supreme vertu. »
digestion de ce metal sont rejettéës entie- (f. 27v)
rement par la nature assistéë de l’art. La
raison de douter (dit il) est que je dis en la
page 12e de ma lettre celuy là menteur qui Il est vray que celuy là sera menteur qui as-
asseure pouuoir separer le germe de l’accident seurera pouuoir de soy separer le germe de
extrinseque et que la nature est seulle opera- l’accident extrinseque. […] La nature seulle est
trice de cet effet134. » (Id., f. 34v) l’operatrice de cet effet 100, et c’est pourquoy
je diz qu’il fault que le vray or potable soit
naturellement descomposé et resoult.»
(f. 28v)
139 Voir Memoires, p. 7 (ci-après p. 234) : « […] ils ont faict faire par ledit sieur
(ci-après p. 345) : « Il y a vne autre espece qui n’aura point de part en ce traité, pour
n’estre vn lieu particulier, acause de son excellence, qui outre le sentir et l’imaginer,
possedde la raison, connoist et s’explique : c’est l’homme […] ; mais comme il s’en doibt
dire beaucoup de choses, il fault que nous le remettions en son temps ».
142 Voir ci-dessus p. 19-20.
143 Id., p. 37, n. 103.
INTRODUCTION 61
en gros et en general, ilz nous conduiront pes nous estans vne fois congneuz en
à vne claire et parfaite science de toutes gros et en general, ilz nous conduiront à
choses en particulier. vne vraye et parfaite science de toutes
Et a cey s’accorde sans doubte ce qu’en- choses en particulier.
seigne Aristote mesme touchant les principes Aristote mesmes s’accorde auec nous
des choses naturelles lors qu’il dit en termes en cecy, lors qu’il a enseigné et dit en ter-
expres qu’ilz doibuent estre sy vniuerselz mes expres que les principes doibuent
que, n’estans point faictz d’ailleurs, ilz estre sy vniuerselz que, n’estans point
sont la source et origine premiere et ge- faictz d’ailleurs, ilz sont la source et ori-
neralle de toutes choses. Principia sunt gine premiere et generalle de toutes
quæ non aliunde, sed ex quibus omnia fiunt. choses. Concluons donc cette verité qui
Concluons donc en vn mot cette verité, seruira d’entrée à la congnoissance phi-
laquelle seruira d’entrée à la congnois- ique, que le moyen de scauoir au vray
sance phisique, que le moyen de scauoir quelles sont les choses et comment elles
au vray quelles sont les choses et com- subsistent et agissent chacune suiuant sa
ment elles subsistent et agissent chacune puissance et propre vertu, ne gist en au-
suiuant sa puissance et propre vertu, cune chose, qu’à congnoistre de quelles
n’estant autre chose que de congnoistre de pieces elles sont establyes, leur claire et
quelles pieces elles sont establyes, sans vraye science deppendant de celles de
doubte leur claire et vraye science deppend leur principes, puisqu’ilz sont telz que
de celles de leur principes, dautant qu’ilz tout en est construit. C’est pourquoy sy
sont telz que toutes choses en sont cons- nous desirons scauoir quelz sont les es-
truites. C’est pourquoy sy nous desirons tages de l’vniuers, quelles les familles et
scauoir quelz sont les estages de l’vniuers, quelz les indiuiduz y faisant diuersement
quelles les familles et quelz les indiuiduz sejour, il fault scauoir quelz sont les prin-
qui y font diuersement sejour, il fault pour cipes de la nature comme il sont meslan-
vn prealable scauoir quelz sont au vray les gez et vniz et la cause des differences des
elemens et les principes de la nature. indiuiduz et de leurs scituations. (ff. 1v-
(ff. 1r-3r) 4r)
152 Bibliothèque nationale. Catalogue général des manuscrits français par Henri Omont avec
textes qui les suivent sont des commentaires sur certaines parties et
planches de l’Amphitheatrum sapientiæ æternæ de Khunrath, mais
le second texte devrait précéder le premier, car ils forment un dic-
tionnaire alphabétique des grands thèmes et notions de l’Amphi-
theatrum, chaque article répondant au genre de l’exégèse que les
Grecs disaient ≤`…d âä…ç¥`…`, puisque constitué d’un lemme (parfois
résumant les propos de Khunrath) suivi de son explication ; or le
second texte comprend les entrées allant de « Abyme » à Centre et le
premier celles allant de « Ciel » à « Don », sans compter que l’on
trouve dans le premier un renvoi au second 154. Quant au dernier texte,
en latin, il s’agit d’une suite d’extraits de l’Amphitheatrum.
En raison de son contenu dogmatique, de son vocabulaire technique
et de son style, ce Commentaire sur l’Amphithéâtre de la sapience
éternelle, comme on peut l’appeler 155, doit sans hésitation être attri-
bué à Chandoux, dont nous avons au reste vu que sa connaissance de
l’ouvrage de Khunrath jouissait d’une telle réputation que le père
Dies estimait que lui et Vassy étaient les seuls « qui puissent par-
faictement entendre ce[] liure[] » 156. Il est au demeurant d’une cer-
taine manière signé, car l’auteur y renvoie à un passage de sa « phi-
sique », lequel appartient au De la connaissance des vrais principes
de la nature et des mélanges 157. Au moins certains de ses morceaux
sont donc postérieurs à ce traité et d’autres, comme nous le verrons,
devaient être rédigés avant 1625 158. Nous ignorons si Chandoux ter-
mina ce commentaire, l’abandonna ou mourut avant son achèvement.
Par ailleurs, le manuscrit comporte de nombreuses corrections présen-
tant toutes les caractéristiques des corrections d’auteur. Il serait donc,
avec ceux de la première lettre et du dernier texte en latin, qui pa-
raissent être de la même main, des autographes de Chandoux.
154 Voir BnF, fr. 17154, f. 26r (ci-après p. 477), renvoi à « l’explication des bineres ».
155 L’auteur parle de son (ou ses) « commantere(s) », id., f. 21v (ci-après p. 452).
156 Voir ci-dessus, p. 18.
157 Voir BnF, fr. 17154, f. 17v.
158 Ils sont en effet utilisés dans un traité de 1625 de Pagès; voir ci-après p. 125-127.
INTRODUCTION 69
159 Pour une analyse critique détaillée, voir ci-après l’étude de Xavier Kieft.
160 Voir Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF, fr. 641,
f.37r : « ilz [les éléments] procedent des principes et des bineres » ; f. 39v : « les elemens
ne sont pas purs quant à eux, ains composez de principes et de bineres qui les specif-
fient » ; f. 43v : « nous auons dit […] que les elemens ne sont point purs ny simples,
qu’ilz sont non seullement composez des principes et des bineres, mais qu’ilz sont mes-
langez les vns dans les autres, ainsy qu’il est demonstré par l’experience » ; etc.
161 [Lettres sur l’or potable], id.., f. 30r (ci-après p. 261).
162 Suite de la congnoissance…, id., f. 55r (ci-après p. 380).
163 Id. f. 45r (ci-après p. 350) : « l’esprit mitoyen, qui n’auoit encores porté la forme
Principes naturels ou de la nature, Sel, Souphre & Mercure. Ces Principes sont universels &
engendrez des quatre élemens, d’autant qu’ils sont contenus dans tous les mixtes. Le
Souphre est le premier, qui tient lieu de mâle ; le Mercure le second, qui tient lieu de
femelle : d’où l’on peut conclure qu’ils ne sont mâle & femelle que similitudinairement,
en quelque mixte qu’ils se puissent rencontrer ; & le troisiéme est le Sel, qui fait la liaison
des deux autres. »
166 [Lettres sur l’or potable], ms Paris, BnF fr. 641, f. 30r (ci-après p. 261).
167 Voir [Lettres sur l’or potable], ms. Paris, BnF, fr. 641, f. 33r (ci-après p. 270).
70 SYLVAIN MATTON
168 Voir le texte de Pierre Jean Fabre que nous citons ci-après (p. 97).
169 Voir [Lettres sur l’or potable], ms. Paris, BnF, fr. 641, f 34v (ci-après p. 274) : « la
nature (qui n’est rien autre que la substance vniuerselle) ».
170 Voir Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF, fr. 641,
f. 35r : « l’humeur radical n’est autre chose que les principes vniuerselz terminez ou
speciffiez en la nature particuliere de l’animal et par l’vnion des principes de specif-
fication, qui sont les accidens intrinseques ».
171 Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, Fr. 641, f. 37r (ci-après p. 327).
172 Voir ms. BnF, fr. 2535, f. 79v (ci-après p. 320).
173 Id.., f. 84v (ci-après p. 322).
174 Id., ff. 88v-89v (ci-après p. 324-325).
175 Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, Fr. 641, f. 29r. Voir aussi f. 37r et
f. 43r (ci-après p. 328 et 345) où il est parlé de « causes speciffiques », mais la leçon
« causes » est une correction faite par nous.
INTRODUCTION 71
176 Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF, fr. 641, ff. 44v-45r
(ci-après p. 349-350).
72 SYLVAIN MATTON
177 Id. f. 48v (ci-après p. 360). Voir aussi le Commentaire sur l’Amphithéatre de la
sapience éternelle, ci-après p. 507.
178 L’acception impliquant une subordination chronologique se trouve par exemple
chez Jacques Severt, Inventaires generaux, ou lieux communs, sur chacunes des vies excellentes
des saincts de l’un et l’autre sexe, Lyon, 1624, p. 829 : « elle [Ève] en sa concreation fut
nommée Virago par Adam mesme estant reueillé, à sçauoir virague, valide, hommasse
prinse de l’homme ». L’acception impliquant une subordination logique se trouve par
exemple chez Laurent de Paris, Le Palais d’amour divin de Jesus, et de l’Ame chrestienne,
Paris, 1602, I, p. 134 : « Il y a vn amour eternel increé (c’est Dieu) qui par son vniuerselle
& suressentielle douceur, vouloir & liberalité (ô ame) a concreé & enté en chacune
creature, selon la proprieté de son estre, vn amour creé ».
INTRODUCTION 73
179 Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF, fr. 641, f. 39v (ci-
après p. 336).
180 Dans la symbolique des nombres, le binaire était conçu comme non-être en tant
qu’il représentait la matière au sens aristotélicien ; voir par exemple Pietro Bongo,
Numerorum mysteria, « De Binario. », éd. Paris, 1618, p. 78 : « Binarius, cui symbolicè
tribui solet materia diuisibilis, informis, permutabilis, impotens, expers vitæ, verum
non ens, imago entis, appetitio substantiæ, stans non in statu, apparens omnia, nihil
ens, fiens omnia, nihil manens, totius entis defectus, promissa semper mentiens ».
181 Voir Contra epistolam Manichæi quam vocant fundamenti, éd. Opera omnia, VIII,
qualitas sensibilis habet contrarium sicut calido contrariatur frigidum, et albo nigrum.
Sed lumini nihil est contrarium. Tenebra enim est privatio luminis. Ergo lumen non est
aliqua qualitas sensibilis […]. Respondeo […] dicendum quod accidit luci quod non
habeat contrarium inquantum est qualitas naturalis primi corporis alterantis, quod est a
contrarietate elongatum. »
74 SYLVAIN MATTON
184 Voir Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF, fr. 641, f. 38r
(ci-après p. 331).
185 Id. f. 38r (ci-après p. 346).
INTRODUCTION 75
186 Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF, fr. 641, f. 43v (ci-
après p. 346). Voir encore, ibid (ci-après p. 345) : « Tous [l]es animaux sont mixtes par-
faitz en la nature, estant composez de quatre elemens ayans en eux les principes
vniuerselz comme estant la simple et primitiue source, la generalle base et substance de
toutes choses, et qui ont, outre les principes et les elemens considerez en leur estre
particulier, les bineres speciffians en eux et le binere circonscriuant. »
187 Voir par exemple les In libros De generatione et corruptione Aristotelis Stagiritæ des
Conimbricensis Collegii Societatis Jesu commentarii, In lib. I, cap. X , quæst. III , art. II
(« Negativam partem quæstionis veram esse »), éd. Mayence, 1606, p. 349 : « Probatur
igitur hæc opinio, quia si elementa proprias formas in misto seruarent, vel eiusmodi
formæ in eodem situ essent, vel in diuerso. Si in eodem, vt Stoici autumant, referente
Alexandro in opusc. de mistione, cum singulæ suas secum dimensiones ferant, iam duo
corpora sese inuicem permearent, quod fieri nequit. Si in diuerso, vt sentit Auicenna,
iam non quælibet pars misti esset mixta ; quia non quælibet contineret formas elemen-
torum, quarum coitione misceri res dicunt. » (“Cette opinion est donc démontrée,
parce que si les éléments conservaient leur formes propres dans le mixte, de telles
formes seraient ou bien dans une même situation, ou bien dans des situations diffé-
rentes. Si elles étaient dans une même situation, comme le soutiennent les stoïciens, à
ce que rapporte Alexandre dans son opuscule sur le mélange, puisqu’elles comporte-
raient chacune leurs dimensions propres, deux corps se pénétreraient entièrement l’un
l’autre, ce qui est impossible. Si elles étaient dans des situations différentes, comme le
76 SYLVAIN MATTON
[la] difference formelle [des éléments] faut ou cesse par leur meslange
(c’est ce que nous apellons difference causéë par les bineres segretz),
cela est du tout contraire à l’experience » 188. En effet, l’expérience de
la résolution d’un mixte en ses composants élémentaires, en parti-
culier celle de la distillation, implique que les éléments y étaient
actuellement présents avant sa décomposition. Ainsi, « les mixtes
composez d’elemens ont tous en soy les elemens meslangez les vns dans
les autres. Mais […] les elemens ne sont pas purs quant à eux, ains
composez de principes et de bineres qui les speciffient » 189.
pense Avicenne, alors chaque partie du mélange ne serait pas mélangée, puisque
chacune ne contiendrait pas les formes des éléments, par l’assemblage desquelles, dit-
on, les choses se mélangent.”)
188 Voir Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF, fr. 641, f. 38v
(ci-après p. 332).
189 Id. (ci-après p. 335).
INTRODUCTION 77
190 La question de savoir s’il fallait mettre ou non la privation au nombre des
les allégories fabuleuses des poetes, les métaphores, les énigmes et les termes barbares des
philosophes hermétiques expliqués, Paris, 1758, p. 403, s. v. « P RINCIPES DES M ÉTAUX » :
« Les Philosophes distinguent encore trois principes dans les métaux qu’ils appellent
principes naturels ou de la nature ; sçavoir, le sel, le soufre & le mercure. Ce sont leurs
principes principiés, engendrés des quatre élémens premiers principes de tous les
mixtes. Ils regardent le soufre comme le mâle ou l’agent, le mercure comme femelle ou
partient, & le sel comme le lien des deux. » Pernety démarque manifestement ici
l’anonyme Dictionnaire hermetique de 1695.
193 Voir R. Hooykaas, « Die Elementenlehre des Paracelsus » et « Die Elementen-
lehre der Iatrochimiker », Selected Studies in History of Science, Coïmbre, 1983, p. 43-91.
78 SYLVAIN MATTON
195 Cf. Amphitheatrum sapientiæ æternæ, Hanau, 1609, v. 261, p. 127 : « Primò, [cœ-
lum] INFERIVS , indidit TERRÆ & AQVÆ , vt ibi esset non tantùm sedes & vehiculum
A NIMÆ Mundi, verum quoque MEDIVM coniugens & VINCVLUM copulans atque
vniens duo extrema, quæ sunt, MATERIA prima, & FORMA , hoc est HYLE nec non
ANIMA MVNDI, NATVRA, RVACH ELOHIM […]. »
196 Id., v. 162, p. 72-73 : « si rectè cupis instituti de Mundi creatione; de Chao; de
WMH primordiali, siuè Materia prima : de Mundi Anima, dicta Natura : de Medio, hoc
est, Spiritu Æthereo, (qui cælum) duo extrema, Materiam puta & Formam ; Corpus ac
Animam, in globo sublunari (DEI nutu) copulante & vniente […]. »
197 Voir notre étude, « Marsile Ficin et l’alchimie : sa position, son influence »,
colloque international de Tours (4-7 décembre 1991), De Pétrarque à Descartes, LVII, Paris,
1993, p. 123-192, ici p. 144 sqq. Peter Forshaw a récemment fait une sorte de remake de
cet article ; voir « Marsilio Ficino and the Chemical Art », dans S. Clucas, P. J. Forshaw,
V. Rees (éd.), Laus Platonici Philosophi : Marsilio Ficino and his Influence, Leyde, 2011,
p. 249-271.
198 Voir De vita libri III, éd. Opera omnia, Bâle, 1576, p. 535 : « Ipse [= spiritus mundi]
uero est corpus tenuissimum, quasi non corpus & quasi iam anima. Item quasi non
anima & quasi iam corpus ».
199 Voir De occulta philosophia, I, XIV ; voir aussi notre article, « Marsile Ficin et
III, p. 201 ; J. J. Manget, Bibliotheca chemica curiosa, Genève, 1702, II, p. 372a-b).
202 Les Trois livres de la chrysopée (1549), éd. Paris, 1626, p. 13.
INTRODUCTION 83
203 Voir notre « Marsile Ficin et l’alchimie : sa position, son influence », p. 181-183.
204 Voir Tractatus vere aureus…, cap. II, Leipzig, 1610, pp. 133-135 (éd. Theatrum
Chemicum, IV, p. 646-647 ; J. J. Manget, Bibliotheca chemica curiosa, I, p. 422b-423a).
205 Voir La Verité des sciences, Paris, 1625, p. 116-119.
206 Pour l’attribution des Trois livres des elemens chymiques et spagyriques à Jean
Brouaut, voir notre étude « Henry de Rochas plagiaire des Trois livres des elemens
chymiques et spagyriques de Jean Brouaut », Chrysopœia, V (1992-1996), p. 743-760, ici
p. 705-707.
207 Traictez du vray sel secret des philosophes et de l’esprit general du monde, Paris, 1621,
p. 18.
84 SYLVAIN MATTON
cipes seconds. Il était par ailleurs dans l’ordre des choses que la doc-
trine faisant de l’esprit universel un moyen unissant l’âme et le corps
du monde retentît sur le système des principes en faisant symétri-
quement de l’un d’eux un moyen unissant les deux autres. Mais avant
Khunrath et Chandoux, il semble qu’elle n’ait eu de répercussion que
sur le système des trois principes paracelsiens conçus non comme les
vrais premiers principes de la nature, mais comme des principes
seconds. Ainsi dans son Tyrocinium chymicum publié en 1610/12 208 et
traduit en 1615 en français sous le titre Les Elemens de chymie, Jean
Beguin (1550-1620) 209 expose la théorie des trois principes chi-
miques : sel, mercure, soufre, en précisant à propos de ce dernier :
« Il a de propre vertu d’addoucir, & de conioindre les
extremitez contraires. Car tout ainsi ainsi qu’on ne peut iamais
faire de bon lut auec de l’eau & du sable, si on ne mesle de la
chaux, ou quelque autre matiere glutineuse : De mesme le
Mercure volatil, & le sel fixe ne se peuuent ioindre, & lier en
vne mesme substance que par le moyen du Souphre, lequel
participe de l’vn & de l’autre, & tempere par sa viscosité la
secheresse du sel, & la liquidité du Mercure : par sa fluidité
molle, la densité du sel, & la permeabilité du Mercure : & par
sa douceur, l’amertume du Sel, & l’acidité du Mercure. » 210
Mais Beguin explique d’un autre côté que les principes qu’obtient le
chimiste par la résolution des mixtes ne sont pas les principes « phy-
siques & naturels », c’est-à-dire les vrais premiers principes de la
nature, tandis que :
« Aristote a donné trois principes physiques au corps naturel, à
sçauoir la matiere, la forme, & la priuation : lesquels le
208
L’édition de 1610 était une édition privée qui ne fut pas mise dans le commerce.
209
Voir la notice de B. Joly dans L. Foisneau (éd.), The Dictionary of Seventeenth-
Century French Philosophers, I, p. 127-129.
210 Les Elemens de Chymie, éd. 1665, p. 31-32.
INTRODUCTION 85
« XI.
Vt vnitas ∏«ß`» seu essentiæ sit, in tribus veluti hypostasibus non minus in natura
& rerum vniuersitate, quàm in Diuinitate. Mundus enim sensibilis factus ad
similitudinem & exemplar Mundi intellectualis Archetypi & Ideæ Mentis diuinæ.
XII.
Quare etiam in Microcosmo, seu qualibet re composita, sese offerunt tria principia
formalia & hypostatica quasi, Mercurius, Sulphur & Sal : Quæ quia ætherea sunt, ideo à
Chimicis de Quinta essentia, sed nobis de Quarta esse rectius dicuntur.
XIII.
Hæc tria autem, vt à Chimicis, propter analogiam quandam sic dicuntur : eadem
ratione ab Hermete illo Trismegisto, Philosophorum antiquissimo, Corpus, Anima &
86 SYLVAIN MATTON
duit donc bien un medium conjugens dans des principes premiers, mais
ces principes ne sont constitutifs que de l’élément éthéré ; ils ne sont
pas universels et ne correspondent donc pas aux trois principes
aristotéliciens modifiés de Khunrath. Certes, comme Khunrath, Rös-
lin les retrouve chez Hermès, mais dans une triade en réalité diffé-
rente de celle avancée par Khunrath. Car Röslin faisant de l’âme et
non pas de l’esprit le moyen unissant, il faut nécessairement entendre
l’esprit non pas comme pneuma, à l’instar de Khunrath, mais comme
µ∑◊» (intelligence). Il en va pareillement chez Joseph Du Chesne, qui
reprit, en le développant et le précisant, le système des éléments et
principes de Röslin dans son Ad veritatem hermeticæ medicinæ ex
Hippocratis veterumque decretis ac therapeusi (1604) 214 . En un texte
qui est la source directe de celui de Beguin cité ci-dessus, il explique :
“Ces trois principes ont jadis été appelés par le très ancien
philosophe Hermès esprit, âme, corps, en telle façon que le
mercure est l’esprit, le soufre l’âme, le sel le corps. D’autre
part le corps est joint à l’esprit par le lien du soufre ou âme, qui
a affinité avec l’un et l’autre extrêmes, comme un intermé-
diaire unissant des extrêmes. En effet le mercure est liquide,
peu dense, perméable. Le soufre est moux, fluide. Le sel sec,
dense, stable. Cependant, comme nous l’avons dit, ils sont en soi
ainsi mutuellement proportionnés, ou contempérés par leur
proportion, que l’on trouve en cette contrariété des principes un
rapport de conformité (symbolum) et une grande analogie. En
effet le soufre ou cet humide oléagineux est, comme nous l’avons
Spiritus dicta fuerunt : Sal scilicet per Corpus designatum : Sulphur per Animam :
Mercurius autem Spiritus est & spirituosa substantia. Nam vt duo extrema &
remotissima, Corpus & Spiritus, per vnum medium Animam scilicet in vnam rem
subsistentem coniunguntur : ita Sal & Mercurius per medium Sulphur. »
214 Voir D. Kahn, « L’interprétation alchimique de la Genèse chez Joseph Du
necnon vivæ rerum anatomiæ exegesi, ipsiusque naturæ luce stabiliendam, adversus cuiusdam
Anonymi phantasma responsio, Paris, 1604, p. 167-168 : « Hæc tria principia, ab Hermete
olim antiquissimo Philosopho dicta sunt spiritus, anima, corpus, vt Mercurius sit spiri-
tus, sulphur anima, sal corpus. Corpus autem spiritui iungitur, sulphuris seu animæ
vinculo, quod affinitatem habet cum vtroque extremo, tanquam medium extrema co-
pulans. Mercurius enim est liquidus, rarus permeabilis. Sulphur ceu oleum molle, flui-
dum. Sal siccus, densus, stabilis. Quæ tamen vt diximus in se inuicem ita proportionata
sunt, vel proportione contemperata, vt in hac principiorum contrarietate symbolum
magnáque analogia reperiatur. Sulphur enim seu humidum illud oleaginosum, medium
est vt diximus, quod suâ humiditate, mollitie & fluiditate, duo extrema, nempe salem
fixum, & mercurium volatilem coniungat : siccitatem salis nimirum suâ humiditate, &
liquiditatem mercurij suâ viscositate : densitatem salis, & permeabilitatem mercurij,
summè contraria, suâ fluiditate : quæ medium tenet inter stabile & permeabile. Adde
quod summâ suâ dulcedine, mercurij aciditatem, & salis amaritudinem contemperat, &
sua visciditate, mercurij volatilitatem cum salis fixione, conciliat. »
216 Voir id., p. 161-162 : « Si enim Aristoteli sua tria concedimus principia, quid
dissidij cum illo nobis futurum est ? Admittimus, si placet, distinctionem, quâ principia
sua partitur in materiam primam, simplicissimam, ac remotissimam omnes formarum
vicissitudines sustinentem ; vel in qua est potentia, vt possit omnibus formis subiici, &
in quo aµ…§≤|ߥ|µ` formam scilicet & priuationem, (quæ habilitas est in subiecto formæ
recipiendæ). Hæc principia concedimus esse omnium prima & simplicissima, ex quibus
res omnes naturales primùm constant. Quæ quidem principia sunt notionum, intellectu
potius quàm sensu perceptibilia. Vt tamen nec ab illis nostra diruuntur, quæ
88 SYLVAIN MATTON
constituimus earum rerum principia, ex quibus proximè res omnes mixtæ componuntur
& constant : sic à nostris Aristotelica nequaquam conuelli certissimum est. »
INTRODUCTION 89
217 [De la connaissance des vrais principes et des mélanges], ms. Paris, BnF, fr. 2535, ff.
p. 316).
90 SYLVAIN MATTON
sam explicationem et eiusdem application […] edente Johanne Henrico Alstedio, Cologne, 1612.
92 SYLVAIN MATTON
ALSTED CHANDOUX
Sal est, quod coagulatione corporibus [le] Sel […] donne la solidité au corps, la
soliditatem tribuit, colorem ac gustum. Hoc couleur et le goust
itaque deficiente corpus corrumpitur.
Sulphur est, quod salis coagulationem [le] soulphre […] par la benignité et
benignâ commixtione temperat, dat corpus, douceur de son meslange tempere la
substantiam, & transmutationem. coagulation du sel, donne le corps, la
substance et la transmutation
Mercurius est, qui instar Elixiris, dat ce mercure est comme vn elixir qui, par
virtutes & vires, assiduâ vitalis & vegetativi l’arrousement continuel de sa liqueur
liquoris irrigatione. vitale et vegetale, donne les vertuz, les
forces
225 Cf. Systema physicæ harmonicæ, quatuor libellis methodicè propositum : In quorum I.
Physica Mosaica delineatur : II. Physica Hebræorum, Rabbinica & Cabbalistica proponitur : III.
Physica Peripatetica, maximam partem congesta è Julii Cæsaris Scaligeri lib. 15. exotericarum
exercitationum, pleniùs pertractur : IV. Physica Chemica perspicuè & breviter adumbratur,
Physica Chemica, cap. VII (« Principia rerum elementarium »), Herborn, 1612, p. 195
(voir le texte latin dans le tableau qui suit).
226 Voir ci-dessus p. 19.
INTRODUCTION 93
227 Cf. Encyclopædia, lib XIII, Physicæ pars I, cap. VI , éd. Lyon, II, p. 103b : « Sal
coagulatione suâ corporibus soliditatem, gustum & colorem tribuit : ideoque hoc deficiente corpus
corrumpitur. [§] Sal confertur cum impuro terræ elemento, quod calidum potiùs censeri
debet quàm frigidum : cùm frigus absque calore sit mors rerum. Hoc principium duo
reliqua principia in vnum constringit & congelat, cunctáque reddit solida, nascendi
vigorem exacuit, mirabiles penetrandi, dissoluendi, detergendi, euacuandíque virtutes
obtinet, corpora à putrefactione præseruat, saporúmque differentias exhibet. »
228 Cf. Systema physicæ harmonicæ, cap. II. (« Materia prima »), p. 186-187 :
229 Cf. Encyclopædia, lib XIII, Physicæ pars I, cap. VII , éd. Lyon, II, p. 105 « Hinc
philosophis Chemicis Natura vocatur spiritus, Materia corpus, & Forma anima : ita scil.
vt Natura sit medium inter Materiam & Formam, quemadmodum Spiritus est medium
coniugens Corpus & Animam. Atque ex his videre est, cur Naturæ tribuantur diuersæ
istæ appellationes : Spiritus, Anima, Spiritus corporeus, & Spiritus animatus. Nam
dicitur spiritus propter actiuitatem, quia est principium motus : dicitur spiritus corporeus,
quia immergitur in materiam: dicitur spiritus animatus & animalis, propter formam.
Natura siquidem vno verbo est vinculum Materiæ & Formæ, seu medium participa-
tionis inter hæc duo extrema : vt Spiritus est vinculum Corporis & Animæ. »
230 Une exception notable est constituée par la Pretiosa margarita novella de Petrus
la triade “corps (corpus), âme (anima), intellect (mens, µ∑◊»)”, et non pas à la triade
“corps, esprit (pneuma), âme”.
INTRODUCTION 95
232 Voir par exemple D. Zecaire, Opuscule tres-eccelent de la vraye philosophie des me-
cité note 236) fit ses études de médecine à l’Université de Montpellier et exerça à
Castelnaudary, sa ville natale. Mais, nous apprend-il, il visita Paris, à une date qu’il ne
précise malheureusement pas (voir son Panchymici seu anatomia totius universi opus,
Toulouse, 1646, III, V, p. 651, à propos de corbeaux blancs et rouges : « & sunt nigerrimi
coloris, & rarò albi, nihilominus reperiuntur albi, & rubei, & ego ipsemet sic coloratos vidi
apud Lutetias [sic] Parisiorum, & habui præ manibus Cornices, rostro rubeo & pedibus
rubicundissimis, adeo vt corallum ipsum rubore æquarent, tales reperiuntur maxima in
copia in montibus Pyreneis nostris »). Par ailleurs, il dut certainement conserver des
liens avec Montpellier, dont en 1634, et sans doute avant, Monsieur Tiffi, le disciple de
Vassy, était « Archi-hospitalier du sacré Hospital » (voir ci-dessus p. 36).
96 SYLVAIN MATTON
234 Il est vrai, le privilège est daté de 1624, mais cela ne signifie pas que l’ouvrage
existât alors sous la forme où il fut publié ; il pouvait même ne s’agir que d’un titre. La
dédicace au pape Urbain VIII est datée de novembre 1632.
235 Questions theologiques, physiques, morales et mathematiques, Paris, 1634, p. 127-132.
236 Pierre Jean Fabre, L’Alchimiste chrétien (Alchymista christianus), Traduction ano-
nyme inédite du XVIIIe siècle, avec le fac-similé de l’édition latine originale. Introduc-
tion, édition et notes par Frank Greiner, (Textes et Travaux de Chrysopœia, 7), Paris –
Milan, 2001, p. 16-17. Cf. Alchimista Christianus, in quo Deus rerum author omnium, et
quamplurima fidei christianæ mysteria, per analogias chymicas et figuras explicantur,
christianorumque orthodoxa, doctrina, vita et probitas non oscitanter ex chymica arte
demonstrantur, Toulouse, 1632, p. 16-17 : « Nihilominus adumbratas horum mysteriorum
INTRODUCTION 97
figuras in sale mundi conspicimus : sunt enim in ipso tria distincta, calidum puta in-
natum, humidum primigenium & siccum radicale. Calidum innatum patrem represen-
tat, diuinitatis fontem, vt calidum innatum naturæ scaturiginem : humidum vero pri-
migenium à calido innato emanans & genitum, filium ab æterni æui immensitate à
patre luminum deductum aliquatenus ostendit. Siccum autem radicale quod humidum
primigenium & calidum innatum indissolubili vinculo nectit & copulat ad vnitatis es-
sentiam & quod ab vtroque procedit : Spiritum sanctum rudi suo vt pote naturali pe-
nicillo, nobis depingit : hæc tria, quamuis tria distincta sint, verum vnum constituunt
vera vnitate suppositum, ita vt non absurdè dicere possimus, Sal trinum esse & vnum,
Trinitatemque sacram & sanctam Christianis adorabilem nobis quodammodo figuris suis
naturalibus tanquam imaginibus quibusdam distinguere posse. »
237 L’Abrégé fut ainsi abondamment pillé par Nicaise Le Febvre dans le chapitre I
(« De l’esprit universel ») de son Traicté de la chymie (Paris, 1660), où, entre autres
passages plagiés, l’on trouve celui que nous citons ; voir notre étude « Une source
inavouée du Traicté de la chymie de Nicaise Le Febvre, l’Abregé des secrets chymiques de
Pierre Jean Fabre », Chrysopœia, V (1992-1996), pp. 761-770.
238 L’Abregé des secrets chymiques, Paris, 1636, p. 16-17. Voir aussi id., p. 34 : « Le sel
central de toutes choses est leur principe radical & seminal, qui enferme en soy le feu
naturel ou souphre vital, l’humide radical ou mercure de vie auec toutes les vertus
Celestes & Elementaires ; & est par ainsi l’abregé de toute la nature pour constituer vn
petit monde dans chaque indiuidu, où il est enfermé comme principe de corpori-
fication, & qui est le nœud & le lien des autres deux principes souphre & mercure, &
leur donne corps et par ainsi les fait paroistre visiblement aux yeux d’vn chacun. »
98 SYLVAIN MATTON
Genève, 1702, I, p. 294b : « illi subjecto insunt omnia necessaria ad perfectionem. Unde
asserunt & clamant Chimici. Est in Mercurio quicquid quærunt sapientes. Quia in
subjectô nostrô, qui verus est Mercurius, sunt omnia necessaria ad perfectionem ; est
etiam in eo Sal & Sulphur & Mercurius, corpus, anima & spiritus ; unde trinus & unus,
quia illa trina constituunt unum subjectum homogeneum. » L’édition donnée par
B. Joly, La Rationalité de l’alchimie au XVIIe siècle, Paris, 1992, ici p. 150, est fautive.
240 Voir Palladium spagyricum, cap. VI, éd. Opera reliqua, Francfort, 1656, II, p. 789b :
« Habet Alchymia tria rerum omnium principia, quæ peripateticè loquendo non sunt
vera principia, si principia simplicia sint : cùm hæc tria sint composita ex quatuor
elementis, eorum enim sal, etsi sal vulgi non sit, ex primis quatuor elementis conflatur :
itidem eorum mercurius & sulfur, & hæc tria unum sunt : attamen cùm sint separata,
varia sortiuntur nomina, propter qualitatem aliquam in uno intensiùs dominantem,
quam in alio ».
INTRODUCTION 99
plus pure subtile partie des trois principes que nous appelons
humide radical du monde, le Ciel en fut separé ; & de l’autre
partie moins subtile, l’air ; & de l’autre partie encore moins
subtile que celle-cy, l’eau en fut tiree ; & de la plus crasse &
solide matiere, la terre en fut procreée, & ainsi vn fit trois, &
trois firent quatre, où gist toute la perfection qu’on pourroit
souhaitter, car 1. 2. 3. 4. font 10. où tout finit & se termine. » 241
On notera que si 2 figure dans la série des quatre premiers nombres
dont la somme fait 10, il n’apparaît pas dans le processus de création
par lequel « vn fit trois, & trois firent quatre ». Cette étrange absence
se justifie toutefois si 2 est ici conçu non comme une réalité positive
mais comme une réalité négative cause de dissemblance et de destruc-
tion de l’unité, exactement comme le fait Chandoux avec ses binaires
spécifiants et mortels. Certes, l’on ne retrouve nulle part chez Fabre
la théorie chandolienne des binaires, mais cette absence n’est pas
nécessairement signe d’une ignorance de la philosophie de Chan-
doux : ses binaires ne sont en effet que discrètement et une seule fois
évoqués chez un auteur qui contribua cependant à la diffusion de son
système des principes pour l’avoir reproduit en puisant directement
dans le traité De la connaissance des vrais principes de la nature et
des mélanges, à savoir le « Chirurgien et Medecin Spageric » David
de Planis Campy (1589 - ca. 1644) 242 .
244 Traicté de la vraye, unique, grande et universelle medecine des anciens, dite des recens or
potable, Paris, 1633, f. [ãvir] ; Les Œuvres de David de Planis Campy, Paris, 1646, p. 621b.
245 Id., f. [ãviv-vijr] ; Œuvres, p. 622a.
246 L’Ouverture de l’escolle de philosophie transmutatoire metallique, sect. II, ch. I, expl. §
248 Voir ci-dessus p. 92. Mais le texte de Planis Campy correspond et à la traduction
que donne Chandoux des passages d’Alsted (qu’il ne mentionne pas) et à des passages
de Chandoux qui ne viennent pas d’Alsted.
INTRODUCTION 103
249 Traicté de la vraye, unique, grande et universelle medecine des anciens, dite des recens or
p. 91 (Œuvres, p. 692a) : « la Nature specifie l’Esprit Vniuersel en tous les Myxtes qui se
rencontrent és trois Genres sublunaires ».
251 Chandoux parle de « principes principians » (De la connaissance des vrais principes
de la nature et des mélanges, BnF fr 2535, f 83v, ci-après p. 322) pas de principes principiés.
106 SYLVAIN MATTON
➋ Les binaires
La théorie chandolienne des binaires s’enracine dans une longue
tradition numérologique pythagorico-chrétienne encore très vivante
au début de l’âge classique. Les différentes significations
symboliques du binaire avaient d’ailleurs été exposées en détail par
Pietro Bongo dans ses Numerorum mysteria (1584-1585), un ouvrage
que Chandoux a fort bien pu lire, puisqu’il avait été réédité, dans une
version augmentée, à Paris en 1618. Bongo rappelle que pour
Pythagore et Platon le binaire est “le principe de la diversité, de
l’inégalité et de la dissemblance” et la “destruction de l’unité” 253, et
par conséquent qu’en métaphysique ou en morale il symbolise avec le
mal et le démon 254, et en physique avec la matière. Dans le chapitre
sur le nombre douze Bongo note à propos de cette dernière :
252 Traicté de la vraye, unique, grande et universelle medecine des anciens, dite des recens or
malis spiritibus addictus est Binarius, cum nulli creaturæ inesse possit propensio ad
malum, nisi ex Duplici natura conflata sit : ipsi profectò ab initio boni fuerunt creati
protestante Moyse omnia quæ fecit Deus fuisse valde bona : sed animi peruersitate à
melioribus ad peiora, à summa & immutabili vnitate in naturam Binarij liberè atque
vltro deciderunt. Vt enim Binarius est primus ab vnitate recessus, ac solus inter pares
numerus primus, cuius sola vnitas est pars aliquota, quæ est proprietas primi numeri :
consimili modo Dæmones rebus à Deo datis non contenti, sed maiora appetentes, &
superbiæ perturbationem admittentes, honore initio dato exciderunt, & ab ipsa vnitate
seiuncti, & diuisi sunt in Duas naturas ; in primam scilicet, quâ creati sunt à summo
Deo ; & in secundam ab eorum mala voluntate acquisitam, quâ semper diuisi à Deo,
homines etiam diuidere conantur. » Et Du Bartas dira dans La Magnificence (Œuvres,
Paris, 1611, p. 394) : « L’Vnité gist en Dieu, en Satan le binaire. ».
251 Id., p. 386 : « Materies exprimitur nomine binarij, forma verò nomine ternarij ;
atque id sanè quod binarius fons existit diuisionis, ac multitudinis, vt non tam
multitudo Philosophis videatur, quam multitudinis initium, & origo, quodque ab
vnitate primò fluxit, primusque sit vnitatis partus, quatenus, & Diuinæ creationis primo
producto respondet. »
108 SYLVAIN MATTON
252 Id., p. 369 : « Non videtur hic prætermittenda fabricæ maximè competens figura
trigona, quam constituunt Senarij partes. Huius enim basis est, A A A ; summitas, A ;
intermedium, A A ; vt in obiecta figura facilè patet. Vnitas, vt quæ impartibilis sit in se,
à se, & circa se, fabricatori Deo adscribitur. Dualitas prima monadis productio fœmina,
mater elementorum (nam de illa quatuor elementorum numerus procreatur) similis est
materiæ primæ, ac generationi. Trinitas secunda monadis productio mascula, idealibus
formis, vel compositis corporibus consequenter aptatur apud Martianum Capellam. »
253 Troisieme Tome de l’Académie françoise, s. l. [Genève], 1608, p. 74. Une édition en
fut donnée à Paris en 1610 sous le titre Les Diversitez de toutes les principales choses du
monde et signée « par le sieur de la P. » (le passage cité s’y trouve p. 25).
INTRODUCTION 109
258 Cf. Amphitheatrum sapientiæ æternæ, v. 1, p. 4 : « Sis ergò in Timore Dei (indutis
259 Id., v. 23, p. 14 : « Ad hanc [pacem] perueniendi vera ratio est, si cum nobis-
metipsis bellum geramus, tam corporale, quàm spirituale, externum & internum : si
BINARIVM (vt est figura Amphitheatri huius secunda) Christianè reiicimus, quod est,
cum vitiis nostris acriter depugnemus, eaque in SAPIENTIA vincamus. »
260 Le texte latin dit amissione, ce qui est absurde et doit être une coquille pour
admissione.
261 Id., v. 157, p. 70 : « Hoc redire ab omni dissidente, hoc est, Binario, in VNVM ,
Theosophicè potest atque oportet fieri a‹d›missione tantum eius, quod VNI contrarium
non est : alioqui non potest. »
262 Id., v. 158, p. 71 : « T ERNARIVM , reiectione Binarii, per Quaternarium, vt est
Binarius : non cum IEHOVAH vnio, nisi prius à Teipso deuiatio, & tui abnegatio. »
INTRODUCTION 111
264 Id., « Epilogus, siue conclusio operis totius », p. 216 : « Soli Diis (ELOHIM) geniti
potuêre: hoc est, ii, qui (vt est figurâ secunda) reiiciendo Binarium, Ternarium per
Quaternarium reduxerunt reducereve ad Monadis simplicitatem (Diuina cooperante
gratiâ) ex animo student. »
265 Voir J.-F. Marquet, « Philosophie et alchimie chez Gerhard Dorn », in J.-Cl. Mar-
s. l., 1577, f. [a3v] : « BINAIRE. Le Diable est variable, | Et de repos n’a point. »
112 SYLVAIN MATTON
267 De naturæ luce physica, ex Genesi desumpta, Francfort, 1583, De tenebris contra natu-
ram…, p. 293 (éd. Theatrum chemicum, Strasbourg, 1659, I, p. 462) : « Sciendum vtique
binarium esse duplicem, vtpote naturalem, & contra naturam. Naturalis binarius à Deo
est per diuisionem in Genesi superiorum ab inferioribus ortus, & qui sub vnitatis vinculo
conclusus ternarium efficit, quum in vnitatem redeundi fit aptus. Binarius vero contra
naturam, idipsum est quod nedum naturæ, sed Deo primùm inimicissimum, cuncta
quæ creata sunt perdere conatum est olim : hæc est radix morborum omnium & inter-
itus, quandoquidem sub nullo vinculo cohibetur, quin potius est primum diuortium,
nexum pacis & concordiæ soluere sollicitè procurans, nedum in supernaturalibus sed
etiam in creaturis naturalibus omnipotentis Dei conditoris omnium. » Passage allégué
par J.-F. Marquet, « Philosophie et alchimie chez Gerhard Dorn », op. cit., p. 218.
268 Cf. Sagesse XI, 21 : « omnia in mensura, et numero, et pondere disposuisti »
(“Tu as tout disposé avec mesure, nombre et poids”). Sur la réécriture du verset par
Dorn et par Descartes, voir les remarques de Xavier Kieft, ci-après p. 194-197.
INTRODUCTION 113
271 De naturæ luce physica, ex Genesi desumpta, p. 151 (éd. Theatrum Chemicum, p. 395) :
dans l’entrée « Binere » (voir ci-après p. 481-482) certains des passages de Khunrath
que nous avons reproduits ci-dessus, mais leur « explication » ne nous a malheureuse-
ment pas été conservée.
INTRODUCTION 115
273 Cf. La Table d’émeraude : “Ce qui est haut est comme ce qui en en bas…”
116 SYLVAIN MATTON
274 De naturæ luce physica, ex Genesi desumpta, p. 135-136 (éd. Theatrum chemicum,
p. 388) : « Vnarius (inquit) non est numerus, & ex ipso numerus omnis consurgit. [§]
Antequam enim aqua universalis abyssi, cuius mentio facta est in Genesi, diuideretur,
vna fuit. Hac diuisione tantum vnarius binarium efficit numerorum omnium primum,
non per substantiam, sed per accidens. Est numerus & numeratur, & non est numerus & non
numeratur. Non numeratur quia natura simplex, & numeratur quatenus accidentibus
componitur. Eatenus autem numerari non potest, quia ante ipsum non est numerus. Intelligitur
de vnitate quam Hermes alijs verbis, & per similitudinem à Genesi sumptam explicat.
Quod (inquit) est superius, & quæ sequuntur. Binarius enim ab Hermete per inferius &
superius denotatur, Reijciatur (ait Trithemius) binarius, & ternarius ad vnitatem
conuertibilis erit. Idipsum Hermes alijs verbis : Ad perpetranda (inquit) miracula vnius rei.
Apprimè notandum hoc loco vnitatem ab utroque duobus modis intelligi. Siquidem
Hermes vnitatem numerat, vt diximus, per inferius, & superius. Trithemius verò per
numeri primi constitutionem ab vnario. Longè diuersa ratione pòst vterque metitur
vnitatem : Vnus reductione superioris & inferioris ad similitudinem in miraculo
positam : Alter abiectione binarij, conuersioneque ternarij in vnarium. Ambo sanè mira
ratione conueniunt in eandem sententiam. Est igitur ipsa, naturalis tamen, vnitas
diuisibilis, sed potiùs numerabilis in binarium, & ternarius in alteram vnitatem
reuertibilis, quæ secunda dicitur vnitas, ultra quam progredi non licet. Omnis itaque
naturæ consistens limitibus operatio mirandorum, ab vnitate per binarium in ternarium
descendit, non priùs tamen quam à quaternario per ordinem graduum in simplicitate
consurgat. Nam si quatuor numerare velis, non aliter quàm ab [ab om. Theatrum
chemicum] vno scis inchoandum, ac [at Theatrum chemicum] dicis vnum, duo, tria,
quatuor, quæ simul sumpta faciunt decem. Hæc omnis numeri perfecta consummatio
est, quia tunc fit regressus ad unum, & vltra denarium non est numerus simplex. »
INTRODUCTION 117
275 Voir Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF, fr. 641, f. 38v
(ci-après p. 332) : « c’est ce que nous apellons difference causéë par les bineres se-
gretz » ; f. 41v (ci-après p. 341) : « C’est pourquoy les elemens sont mixtes, comme aussy
les corps celestes, parce que ceux là et ceux cy sont composez des principes, ayans en-
core en leur composition des bineres segretz » ; f. 47v (ci-après p. 357) : « le marais
contient en soy […] des bineres segretz terminans et bornans les principes à l’espece ou
indiuidu de la grenouille » ; f. 51v (ci-après p. 369) : « les vegetaux, dont la composition
est plus pure, c’est à dire que les bineres segretz qui sont en eux étant plus deliez et plus
subtilz » ; f. 53r (ci-après p. 373 : « vne vertu generatrice […] dominée par la speciffica-
tion des bineres segretz en chaque espece » ; f. 55v (ci-après p. 381) : « ces causes estans
desnomméës bineres segretz » ; id. : « Les bineres segretz demeurent donc dans le
chyle » ; f. 61v (ci-après p. 398) : « Ce n’est pas que le sentiment procedde de luy ny
mesme des bineres segretz ». Commentaire sur l’Amphithéâtre de la sapience éternelle, BnF, fr
17154, f. 13v (ci-après p. 494) : « l’extreme resolution, qui est la separation des partyes et
le reiect des bineres segrets qui sont la cause specifique de l’or » ; f. 16v (ci-après p. 536) :
« Ces elemens […] sont les principes meslangés aux bineres segrets » ; etc.
276 Clavis totius philosophiæ chymisticæ, p. 195-196 (éd. Theatrum chemicum, p. 247 ; cf.
vers 1020-1026), dont des extraits furent traduits en latin vers 1200 par Alfred de
Sareshel sous le titre de De mineralibus, Avicenne avait nié que l’on pût transformer une
espèce métallique en une autre en lançant cette mise en garde : « Sciant artifices
alkimie species metallorum transmutari non posse » (“Que les alchimistes sachent que
les espèces des métaux ne peuvent être transmutées”). Mais les alchimistes complé-
tèrent cette maxime par une autre phrase tirée du même De mineralibus « nisi in pri-
mam reducuntur materiam » (“à moins qu’elles ne soient réduites à leur matière
première”) ; (voir E. J. Holmyard et D. C. Mandeville, Avicennae « De congelatione et
conglutinatione lapidum », being sections of the Kitâb al-Shifâ’, The Latin and Arabic texts
edited with an English translation of the latter and with critical notes, Paris, 1927, p. 54 et 55).
278 Voir par exemple Suite de la congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF,
XVIIe siècle, dir. P. Dandrey, Paris, 1996, p. 533a ; D. Kahn, « Alchimie et littérature à
Paris en des temps de trouble : le Discours d’autheur incertain sur la pierre des philosophes
(1590) », Réforme, Humanisme, Renaissance, XXI, n° 41 (déc. 1995), p. 75-122, ici p. 88, n. 28
(avec bibliogr.) ; J.-Fr. Maillard, « Descartes et l’alchimie : une tentation conjurée ? »,
120 SYLVAIN MATTON
dans F. Greiner (éd.), Aspects de la tradition alchimique au XVIIe siècle, Paris-Milan, 1998,
p. 95-109, ici p. 104, n. 35 ; F. Greiner, Les Métamorphoses d’Hermès. Tradition alchimique
et esthétique littéraire dans la France de l’âge baroque (1583-1646), Paris, 2000, p. 162-163 ;
D. Kahn, Alchimie et paracelsisme en France à la fin de la Renaissance…, p. 510.
283 Histoire asiatique de Cerinthe, de Calianthe et d’Artenice. Avec un Traicté du Thresor de
reietté le gros binere, il donne le germe deliuré de son empeschement, par consequant
en estat de germer et multiplier. » ; id. (ci-après p. 494) : « la premiere resolution, qui est
le reiect du gros binere » ; id. (ci-après p. 495) : « Il n’y a personne qui soit d’entande-
ment si grossier qui ne juge et ne confesse quant à quant que l’humide qui s’est separé
par distillation est sa partie uolatille, et que le sec ou le terrestre qui est demeuré en bas
n’ayt en soy la cause de la fixation et le subiect qui auoit non seulement fixé cest hu-
mide separé, mais encores le gros binere qui demeuroit constant en l’association du
germe lors qu’on esprouuoit le tout par l’antimoine uulguere » ; id., f. 14v (ci-après
p. 525) : « l’or estant resoult et separé de son gros binere est reduit en germe aurifique » ;
id., f. 17r (ci-après p. 540) : « les principes ou la substance vniuerselle, estant particulari-
sée en ces planettes par ces bineres, les maintient à cause de leur rarefaction et subtilité,
ce qu’elle feroit en tout n’estoit l’empeschement et la suffocation qui arriue aux choses
par la penetration du subtil du gros binere, qui pour cest effect a esté nommé des
maistres le binere mortel ».
INTRODUCTION 121
291 La Physique ou science des choses naturelles, liv. VI, ch.XII, § 2-3, éd. Paris, 1607,
f. 250r.
292 Id., § 16, f. 253v.
293 Voir L. Figard, Un Médecin philosophe au XVIe siècle. Étude sur la psychologie de Jean
Fernel, Paris, 1903, chap. III, p. 110-140 et, pour les diverses positions des alchimistes sur
cette question, notre étude, « Alchimie et stoïcisme : à propos de récentes recherches »,
Chrysopœia, V (1992-1996), p. 5-144, ici p. 102-110.
294 Nouvelle Lumiere philosophique, chap. III (« Si les Elemens entrent actuellement en
la mixtion »), pp. 264-265 : « entre les Physiciens les vns veulent que les elemens soient
actuellement aux mixtes, puis que par la resolution ils s’y trouuent actuellement : Ce
que les autres nient, disans que ce ne sont pas des elemens, mais bien que cette resolu-
INTRODUCTION 125
tion se fait en quelques corps, qui ont bien quelque affinité auec iceux ; mais qu’ils ne
sont pas vrais elemens, d’autant qu’ils veulent que les formes elementaires perissent en
la generation, & que les qualitez, mais retuses, y demeurent en sorte que de cette
mixtion il resulte vne nouuelle forme, qu’ils appellent la forme du mixte, parce, disent-
ils, qu’elle donne estre à la chose qui est engendrée. [§] Laquelle opinion est absurde :
car si la forme des elemens perit, & non pas les qualitez, nous leur demandons qu’elle
sera donc la base & l’appuy de ces qualitez. »
295 Sur lequel, voir J. Ferguson, Bibliotheca Chemica, II, p. 162 ; F. Greiner, Les Méta-
morphoses d’Hermès. Tradition alchimique et esthétique littéraire dans la France de l’âge baroque
(1583-1646), p. 53 ; D. Kahn, Alchimie et paracelsisme en France à la fin de la Renaissance…,
p. 538-540. L’Œconomie des trois familles fut remise dans le commerce en 1626 avec une
nouvelle page de titre portant, contrairement à l’édition de 1625, le nom de l’auteur et
celui de l’éditeur (Jean Libert) et les pages préliminaires (épître dédicatoire et adresse
au lecteur) recomposées. L’exemplaire de la Bibliothèque communale et universitaire
de Lausanne (cote S.A. 261) porte la signature autographe de Pagès à la fin de l’épître
dédicatoire (voir reproduction page suivante).
126 SYLVAIN MATTON
éloignées pour avoir une valeur démonstrative. Ainsi Chandoux écrit (Suite de la
congnoissance de nature et des meslanges, ms. Paris, BnF, Fr. 641, f. 38v, ci-après p. 332) :
« Que s’ilz veullent asseurer que leur difference formelle faut ou cesse par leur
meslange ‹(›c’est ce que nous apellons difference causéë par les bineres segretz‹)›, cela
est du tout contraire à l’experience, par laquelle nous aprenons que l’eau mesléë auec le
vin en peult estre facillement separéë ou par le moyen du lierre ou par le moyen d’vn
jonc sec ; l’eau estant separéë du vin, elle l’estoit donc quant à soy durant le meslange
d’elle et du vin. » Et Pagès (p. 139-140) : « Ainsi l’eau de vie meslée parmy l’eau
commune fait vn tout auec elle […] neantmoins par certain filtre ou distillation, l’vne
peut estre separée d’auec l’autre, & derechef chacune de ces liqueurs estre trouuée en
sa propre & naturelle constitution. »
128 SYLVAIN MATTON
PAGÈS CHANDOUX
Par exemple, en la nutrition de l’animal, l’animal conuertit son aliment en chile
nous voyons la viande estre conuertie dans le ventricule, de chile en sang dans
premierement en chyle, de chyle en sang, le foye, de sang en laict és femelles ; que
& de sang en laict és femelles, de laict en ce lait se peut cailler et durcir en fromage
fourmage : & de fourmage finalement en et qu’en ce fromage il s’engendre des
vers : Aussi voyons nous en l’agriculture vers. Disons encore que dans la famille
ou propagation des plantes, que le noyau vegetalle chasque grain germant chascun
couuert dans le sein d’vne terre fertile, selon son espece pousse premierement
pousse son germe, ce germe des racines, de son germe la racine, de sa racine son
ces racines vne souche, cette souche des herbe, de son herbe son tuyau, de son
fleurs, & ces fleurs finalement des fruicts. tuyau son espy. (ci-après p. 283-284)
tellement donc que ces changemens ar-
riuent bien tous en vne mesme matiere,
mais en telle sorte, que diverses formes
succedent en elles les vnes aprés les
autres : Car qui ne voit que le Chyle n’a
plus la forme de la viande ? ny le sang
celle du chyle ? ny le laict celle du sang ?
ny le fourmage celle du laict ? ny les vers
aussi celle du fourmage ? Et semblable-
ment que le germe n’a plus de forme du
noyau ? ny les racines celle du germe ? ny
les fleurs celle de la souche ? ny les fruicts
en fin celle des fleurs ? D’où il est aisé de
conclurre la succession de plusieurs &
diuerses formes en vne mesme matiere. (p.
13-14)
par exemple, le feu bruslant vne busche, Mais nous nous contanterons, affin de les
comment pourroit il ainsi tout d’vn mesme detromper, de leur faire prandre garde
coup esclorre de l’eau & de la flamme, ou qu’ilz auouent eux mesmes que de cha-
de la vapeur & de la terre, si ces choses que partye les elemens peuuent estre en-
auoient vne mesme constitution, & vne gendrez, comme par exemple que de
seule nature dans le mixte ? […] Le feu a il chaque partye du bois, le feu, l’eau, l’air
la froideur & l’humidité qu’il faut pour la et la terre peuuent proceder. Leur en-
forme de l’eau, qu’il retire hors de la tante est que chaque partye de boys
busche où elle n’est pas ? (p. 131-135) puisse estre conuertye en forme d’eau,
en forme de feu et ainsy du reste. Mais il
fault leur demander là dessus sy ces
diuerses formes, comme par exemple de
feu et d’eau, sont produites toutes en-
semble, ou bien successiuement, les vnes
apres les autres. Que s’ilz respondent que
c’est tout en mesme temps, nous auons à
dire que sy cela est, des contraires dispo-
sitions sont introduites. Mais qui les y in-
INTRODUCTION 129
Derechef il nous obiectent qu’il est mal aisé Premierement, ilz disent que sy les ele-
de comprendre comment vn Element qui mens demeurent en effet dans le com-
est naturellement leger peut devenir lourd posé naturel, il ne peult auoir aucun
dedans le mixte, & tout au rebours ceux mouuement qu’auec violance, car, disent
qui sont pesants d’eux mesmes y peuuent ilz, s’il tend en hault comme leger, la
deuenir legers ? A quoy nous respondons terre et l’eau seront portez contre leur
facilement que les legers ne deuiennent naturelle pesanteur ; et s’il descend en
iamais lourds, ny les lourds non plus legers, bas comme lourd, ‹pour ce qui est de l’air
mais si les legers predominent (parce que et du feu›, ilz seront contraintz et souf-
leur propre nature est de tendre en haut) friront de la viollance. A cecy nous re-
ils emportent les lourds quant & eux, spondons que le mouuement du com-
comme font au rebours ceux-cy les autres posé peult estre consideré en deux fa-
en bas, lorsqu’ils les maistrisent : & d’effet çons, scauoir ou suiuant la constitution
si nous prenons garde aux effects ordi- du tout, ou suiuant celle de chaque par-
naires de la nature, nous verrons l’eau, qui tye. En la premiere sorte il sera tousjours
est pesante d’elle mesme, monter tous les naturel et en la seconde ny proprement
iours en l’air estant eschauffée. Et pour- naturel, ny proprement contre nature,
quoy aussi le feu vaincu de la froideur ne ains meslange de tous les deux, comme
peut il pas aussi mutüellement tomber en nous veoyons en l’animal esleuant l’vn
bas ? Il faudoit enfin, disent-ils, aduoüer de ses membres qui de nature soit pe-
vne chose fort absurde ensuiuant cette zant. Par exemple, lors que l’homme
opinion, sçauoir est que tous les mixtes du hausse le bras et la main, ce mouuement
monde seroient meus necessairement auec est naturel sy nous auons esgard à la na-
violence, car s’ils tendent en bas, le feu & ture du tout, et contre nature sy nous
l’air sont forcez contre leur inclination, & considerons le naturel de la partye ; et
s’ils tendent en bas, le feu & l’air sont for- par consequent il n’est ny purement na-
cez contre leur inclination, & s’ils se turel, ny purement violent, mais il est
meuuent en haut, il y a le mesme inco- mixte. Secondement, ilz objectent en di-
nuenient pour l’eau & pour la terre. Mais sant: comment se peult il faire que le feu
nous disons que si l’action ou le mouue- qui est sy actif de luy mesme, sy leger, sy
ment est violent & à quelques parties, il est lumineux et sy rarefié et estendu, soit oy-
toutesfois naturel à tout le subject ; lequel seux, et tende en bas, et n’esclatte point,
n’agit pas comme les corps simples, mais et soit logé sy estroitement dans le mixte?
comme les mixtes, desquels la nature est A quoy nous respondons que cela arriue
tousiours telle, que quelques vnes des par- parce qu’il est predominé et surmonté de
ties qui l’establissent en sont contraintes. ses contraires, et comme captif et empri-
Tout ainsi donc que lors qu’vn animal leue sonné dans leurs lyens, desquelz estant
en haut quelque partie de son corps qui est liberé il fait paroistre toutes les proprietez
lourde : comme par exemple l’homme son qui luy sont naturelles quand à son estre
130 SYLVAIN MATTON
lbras, ce mouuement n’est ny du tout na- simple ; mais qu’estant dans le composé il
turel, ny du tout aussi contre nature : Mais n’y est qu’en son acte second. C’est à dire
l’vn & l’autre en quelque maniere, sçauoir que le feu y estant actuellement comme
est naturel, entant qu’il depend de la vne de ses partyes, il n’y agissoit pas ne-
forme totale & principale, & contre nature, antmoins souuerainement pour n’y estre
en tant qu’vn corps lourd monte en haut, pas en sa liberté mais contraint et em-
& par consequent ce mouuement est pesché par les bineres des autres ele-
meslé, aussi est celuy de chaque mixte en mens. (ci-après p. 337)
partie naturel, & en partie contre nature :
premierement il est naturel entant qu’il
obeït à la forme totale & principale : &
d’ailleurs contre nature entant que cer-
taines pieces du meslange y repugnent.
(p. 140-143)
Par ailleurs, l’on rencontre dans l’un et l’autre traité des expres-
sions communes telles que :
PAGÈS CHANDOUX
Or de ce subiect la matiere estant oiseuse Mais en cet estat [la matière] est consi-
& faineante, il s’ensuit que la seule forme derée faineante et oiseuse, comme n’es-
fait tousiours agir ces qualités (p. 109) tant pas actuée par la forme qui la peut
faire agir (ci-après p. 298)
PAGÈS CHANDOUX
Il [leur dissoluant Philosophique] est la matiere dont il est pris, qui encores
leur Azoth ainsi appellé d’vn mot composé qu’elle soit ville et mesprisée, comme dit
du premier, & des derniers caracteres des Kunrath, est neantmoins l’honeur et la
trois langues plus celebres de tout l’vni- guide du vray philosophe parce qu’elle
uers, parce qu’ils pensent par sa purifica- contient en soy l’azoth, qui est ainsy
tion auoir rencontré le commencement & descrit et nommé par les scauans pour le
la fin, sçauoir est cellecy touchant la reso- signifier estre l’agent vniuersel et le
lution, & celluy là consequemment pour commancement et la fin de l’operation.
faire la composition (p. 243-244) Or affin que l’on connoisse qu’il est tel,
c’est qu’ils ont tiré ce mot du comman-
cemant et de la fin des trois alfabets des
langues saintes, scauoir est de la latine,
de la grecque et de l’hebraique, qui tout-
tes commancent par A (l’alpha des Grecs
et l’alef des Hebreux, n’ayant autre signi-
fication que de l’A) ; mais la latine
finissant par Z, la grecque par l’omega, ›
(c’est vng grand o) et l’hebraicque par le
Tau (, c’est vng th) forment en leur
assemblage la diction de zoth, qui jointe à
l’A principe uniuoque des trois alfabets
font le mot Azoth. (ci-après p. 491)
301 Azoth sive Aureliæ occultæ philosophorum partes duo, Francfort, 1613, p. 65.
132 SYLVAIN MATTON
« tout ainsi que de Dieu sont toutes choses hautes & basses,
commencement & fin : car il est A. & O: present en tout lieu, les
Philosophes m’ont orné du nom d’Azoth, les Latins A & Z, des
Grecs ` & ›, des Hebreux ,t, Aleph & Thau, tous lesquels noms
signifient & font Azoth [ z›, ] » 302
302 Azoth, ou le moyen de faire l’or caché des philosophes. De frere Basile Valentin, Paris,
1624, p. 173.
303 Voir Les Essais de Maistre Jean Pagez docteur en medecine sur les miracles de la creation
du monde et sur les plus merveilleux effects de la nature, Paris, 1631, ch. II : « De la creation et
du nombre des Elemens », p. 17 « il n’y peut necessairement auoir que deux principes
en toute la nature, sçauoir est le Ciel & la Terre, comme masle & femelle, de
l’accouplement desquels toute sorte d’indiuidus, tant de l’vn que de l’autre monde,
tirent leur origine ».
304 Id., p. 18 : « par ce principe, que nous appellons Ciel, nous entendons selon la
signification mesme des termes de sa composition Hebraïque, vn feu & vne eau tout
ensemble, comme qui diroit vn feu liquide, ou vne liqueur ignée, qui ne sont pourtant
qu’vn seul principe ».
305 Id., p. 19 : « quant au second principe, que nous auons appellé Terre, nous
entendons parler d’vne infinité d’atomes ou particules, solides, seiches, froides & de
mesme nature, qui par leur coherence & congregation, font vn corps ferme sec & solide,
mais qui est poreux & transmeable pourtant. »
306 Id., p. 19.
307 Id., p. 20 : « comme l’experience de la Chymie, nous l’a faict encore voir assez
souuent ».
INTRODUCTION 133
308 Id., p. 25-26 ; « il [Dieu] espendit & versa l’esprit de son soufle, par dessus eux
comme vn dissoluant general pour faire selon la sympatie, qu’il y pouuoit auoir de la
cause auec son effect, vne abstraction de ce principe ignée, & volatil qui s’ependant &
s’esleuant tousiours en haut vers, sa circonference; à mesure qu’il se deprenoit, & se
detachoit de tous les endroits de la terre, & se trouuant limité de tous les costez, il
apprit de-là necessairement à rouler tousiours à l’entour de cette circonference. Si bien
donc que la lumiere estant ainsi separée & esleuée au dessus de la terre, pendant le
temps qu’elle commença de rouler, depuis le premier iusqu’au dernier poinct de nostre
Hemisphere superieur, il fit naistre le matin & le soir de nostre premier iour. »
309 Id., p. 30 : « Le Ciel & la Terre vinrent finallement à s’allier, & comme à se marier
par ensemble pour commencer & pour accomplir […] toutes les compositions de ce
monde ».
310 Id., p. 28-29.
311 Id., p. 83-84 : « Quelques autres disent encore que les parties d’vn mixte agissent
bien souuent contre leur naturelle inclination pour le consentement qu’elles ont auec
leur tout : Mais comment cela se peut il faire puis qu’elles ne peuuent point auoir du
consentement ny de la Sympathie auec leur tout, que par le commerce & le rapport
qu’elles ont auec ce tout, en agissant selon leur nature, comme par exemple (disent ils)
quand l’homme vient à lever le bras en haut, que c’est vn mouuement contraire aux
parties terrestres, & pesantes du bras : mais que pourtant elles se leuent en haut non
entant qu’elles sont terrestres & pesantes, mais entant qu’elles ont du consentement
auec leur tout qui est l’homme. » Pour le parallèle avec Chandoux, voir ci-dessus p. 129.
312 Id., p. 69-70 : « C’est pourquoy ne plus ne moins que nous voyons que l’aliment
apres auoir esté cuit, & digeré dans le ventricule, venan‹t› à s’escouler par les intestins,
il reçoit vne seconde digestion apres la separation de ses feces, & estant deuenu chyle il
est encores porté dans le foye par les veines Mesaraïques pour y receuoir encor vne plus
parfaite digestion. » Cf. Chandoux, [De la connaissance des vrais principes de la nature et des
mélanges], « Suite de la congnoissance de nature et des meslanges », ms. BnF fr. 641,
f. 55v (ci-après p. 381).
134 SYLVAIN MATTON
Tels sont les éléments que nous avons pu recueillir sur la vie et
l’œuvre de Nicolas de Villiers, sieur Chandoux. Cette vie nous
demeure donc en grande partie inconnue. Nous ignorons ainsi à quoi
font allusion les Memoires de son procès en affirmant que Chandoux a
« tres-volontairement respandu son sang à plusieurs & diuerses fois
pour la manutention » des « loix » prescrites par « l’Eglise Catho-
lique Apostolique & Romaine » 313 : s’agit-il d’événements liés aux
guerres de religion, par conséquent antérieurs à l’édit de Nantes
(1598), ou aux révoltes protestantes qui se développent à partir de
1620 ? Quant à sa tragique conversion à la monade par la réjection de
son binaire grossier et mortel sur un gibet en place de Grève, il faut
nous en remettre au témoignage du seul Baillet 314. Nous ne possédons
en effet pas de document sur sa condamnation à la pendaison pour
fausse monnaie par la chambre de justice de l’Arsenal. Créée, comme
le précise avec exactitude Baillet, par lettres patentes du 14 juin
1631, cette juridiction n’entra en activité qu’en septembre 1631 et
perdura jusqu’en 1643. Hélas, ainsi que l’a fait remarquer Hélène
Fernandez-Lacôte, « les affaires de fausse monnaie jugées à la Cham-
bre de l’Arsenal sont très mal documentées » 315. On sait seulement
qu’en novembre 1631 la chambre examina l’affaire d’Henri de
Gresses, sieur de Vaugrenier 316, puis celle de Jean Gillot 317, et en 1632
celle de François Bernard, « docteur en medecine, natif de la ville de
Xaintes », qui fut pendu le 22 janvier 318. L’affaire la plus importante
fut celle concernant le duc de Roannez (ou Rouanez, ou Roannais),
Louis Gouffier (1575-1642) 319, dont il est parlé dans les Mémoires du
du Verdier et des peintures érotiques, ainsi que le rapporte Tallemant des Réaux : « Le
INTRODUCTION 135
feu duc de Rouanez avoit un autheur, appellé du Verdier, à ses gages, et luy fit faire un
Royaume de Spermatie, où il y avoit une rivière de Gonorée, une ville de Catzopolis, un
empereur Arsobocchus, un archevesque Vibrehaste, etc. Après il fit peindre toutes les
postures de l’Aretin et y fit mettre les visages des galants et des galantes de la Cour, et,
par malice, ceux des dévots et des dévotes, aux postures les plus lascives. Le Pailleur a
veû tout cela, et quand le Duc alla en Flandres, tout cela fut mis chez la mareschale de
Temines » (Historiettes, éd. A. Adam, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1961, II, p. 725).
320 Voir Mémoires du cardinal de Richelieu, Nouvelles collection des mémoires pour
servir à l’histoire de France, t. VIII, Paris, 1838, p. 408 : « Le duc de Rouanez fut aussi
par la même chambre condamné à avoir la tête tranchée, ses biens acquis et confisqués
au Roi, pour crime de fausse monnoie et exposition d’icelle ».
321 Voir H. Fernandez-Lacôte, Les Procès du cardinal de Richelieu, p. 250-251 (« La
––––––––
Addendum (note * de la page 27)
Il est fort probable que ce « Mr. l’abbé de S. Martin » n’est autre que le trop fameux
Michel de Saint-Martin (Saint-Lô, 1614 - Caen, 1687) moqué par Charles-Gabriel Porée
dans la Mandarinade ou Histoire comique du Mandarinat de M. l’Abbé de Saint-Martin,
Marquis de Miskou, Docteur en Théologie, Protonotaire du Saint Siége Apostolique, Recteur en
l’Université de Caen, etc. (A Siam [Caen], 1769) et sur lequel voir l’Avant-propos de
Bernard Suisse à son édition de la Mandarinade (Paris, 2012). Michel de Saint-Martin fut
en effet en relation avec le père Yves de Paris (voir J. Eymard d’Angers, Le Père Yves de
Paris et son temps (1590-1678), Paris, 1956, t. II, p. 7), dont il écrivit un éloge (voir ses
Moiens faciles et éprouvez dont Monsieur de Lorme […] s’est servi pour vivre prés de cent ans,
Caen, 1683, Lettre du tres-Reverend Pere Ragvaine, p. 64 : « Vous m’avez fait
l’honneur de m’envoier l’Eloge du feu tres-Reverend Pere Yves de Paris Capucin ») ; il
est donc conséquent qu’il ait aussi été en relation avecVassy. Notons en outre qu’il
affirme avoir également été en relation avec le cardinal Nicola Guidi di Bagno (voir
Moiens faciles et éprouvez…, p. 268 : « à Paris, lorsque j’i allois voir le Cardinal Bagni »).
136 SYLVAIN MATTON
INTRODUCTION 137
A PPEN D I CE I
[p. 3]
« A MONSIEVR,
Monsieur de Bourges, Conseiller du Roy, & Tresorier Payeur
de Messieurs les Tresoriers de France, à Orleans
MONSIEVR,
Les premiers trauaux doiuent estre proportionnement à leurs sujets, recognus
les premiers : Vous estes le premier qui n’ayant iamais eu l’auant cognoissance
des lettres, ny [p. 4] des langues, fors celle de vostre mere, auez tres-constamment
soustenu les premiers violents efforts de l’enuie & médisance, dans le trauail que
nous auons supporté vous & moy, allans à la descouuerte de la pratique artifi-
cielle du Docteur Raymond Lulle, mis en oubly par la plus grand’ part & rejetté
communement du commun des Docteurs : par ce moyen aussy vous deués estre le
premier iouissant des premiers aduantages, et honneurs que l’offre de ces
premices procurent iu-[p. 5]stement, attendu que les merites de vostre constante
resolution en cette estude, sont signalés, pour estre preferés à tous les autres, qui
vous secondent seulement et vous suiuent pas à pas : La raison le veut ainsi, &
mes inclinations m’y portent, quand ie vous dedie et presente franchement cette
traduction Françoise, faite premierement pour vous, de quelques traictez Latins,
concernans fondamentallement l’artifice du mesme Raymond Lulle, que vous
receurés (s’il vous plaist) auec autant de gayeté [p. 6] et d’allegresse, comme ie
les vous addresse, et les vous mets entre les mains auec la sincerité d’vn cœur
affectionné, afin qu’en ce faisant nos desirs & desseins soient proportionnés entre
vous & moy, comme il faut, & que par vostre exemple vous portiés vos semblables
à embrasser cette doctrine haute et profonde, dont à la verité le pur & naif
138 SYLVAIN MATTON
restablissement (mal gré l’enuie & la vaine arrogance) sera deu en ce temps aux
trauaux infatigables de 15. années et aux frequentes meditations que i’y ay faites
[p. 7] et que ie continueray auec satisfaction pour le bien du public le reste de mes
iours, puis qu’ainsi est que cette doctrine par l’infaillible vniuersalité de ses
preceptes, est en fin finale autant aysee & facile en sa pratique, qu’elle est dans
son abord (à cause de son abstraict) tres empeschante & dificile en sa Theorie
speculatiue : Or par ce que ces choses vous sont patentes et manifestes par mon
moyen : Vous n’auez pas besoin que ie vous en face aucune demonstration : Mais
bien que ie vous donne auis que [p. 8] dans cette premiere impression il s’y ren-
contrera vne quantité de fautes remarquables, tant à cause de la mauuaise
impression latine, faite en France et Allemagne, qui en est toute remplie, & que
comme fidel interprete, ie n’ay voulu du tout en tout corriger, en faisant cette
traduction : d’autant que ie me suis contenté de les vous indiquer et faire
recognoistre à mesure qu’à liure ouuert, ie vous ay exposé & declaré la naifueté
de l’intention de nostre autheur : qu’à cause aussi de la negligence de [p. 9]
l’Imprimeur de cette version françoise, qui n’a pas tousiours esté soigneux de
m’apporter les premieres fueilles deslors qu’elles ont esté tirees de la presse,
pour les reuoir et corriger ; Mais pourtant i’espere et me promets de reparer
bien-tost (Dieu aydant) toutes ces fautes, par vne seconde edition, à laquelle
i’adiousteray ce que nous auons iugé vous & moy, vous estre & à tous concou-
rants auec vous en cette estude, tres vtile & necessaire, pour perfectionner au
possible vos entendemens [p. 10] desireux de la conformité reelle des choses
corporelles et spirituelles, C’est ce que i’entreprendray et executeray resolu-
ment, pour vous tesmoigner d’autant mieux en vostre particulier, que ie suis pour
estre sans fin
MONSIEVR,
Vostre tres-humble
& affectionné seruiteur,
DE VASSY. »
INTRODUCTION 139
A PPEN D I CE I I
[f. ãijr]
« A MONSIEVR
MONSIEVR TIFFI CONSELLIER
& Aumonier du Roy, Intendant des Hospitaux de ces Camps & armees,
Vicaire General de l’Ordre Milice & Religion du S. Esprit.
MONSIEUR,
AYANT Vacqué plusieurs annees sans discontinuation à la l’ecture [sic] des
œuures de l’Illuminé Docteur Raymond Lulle & nommement à celle de ses petit &
grand Ars i’ay, [sic] tasché par mes veilles à en descouurir les secretes pensees
ou tant d’autres iusques icy auoient trauaillé autrement que l’intention de
l’Auteur le requeroit : mon estude m’ayant reussy à souhaict ie me suis efforcé
apres y auoir acquis quelque lumiere de la rendre commune à l’vtilité de ceux qui
voudroient paruenir à la possession de l’enciclopedie ou bien de l’vniuersalité
des sciences, suffisamment remarquee [f. ãij v ] dans les traictes de ces petit &
grand Arts : Mais comme la composition en est Latine i’ay trouué à propos ‹(›pour
la facilité de ceux qui n’ont pas l’intelligence de cette langue) d’en faire vne
version Françoise, afin qu’ils ne fussent rebutez par ce degoust de iouyr auec moy
des fruicts de mon labeur : en m’estudiant de viue voix & par escript à leur oster
toutes les difficultez qui se pourroient rencontrer à vne si louable & glorieuse
entreprise I’ay bien desiré pour leur en donner vne volonté plus parfaicte faire
rencontre de quelque bon & digne personnage sous les auspices duquel ie peusse
plus fauorablement faire receuoir en publique ma traduction & n’en ayant pas à
140 SYLVAIN MATTON
INTRODUCTION 141
present trouué un plus propre & plus meritant que vous (Monsieur) ie la vous
offre, attendu que vous en estes recognu & declaré suffisant au iugement mesme
de ceux qui ont l’honneur de vostre cognoissance & qui en embrassant vos
singulieres vertus vous ont des aussitost qu’ils en ont eu la cognoissance desiré
& esleu dans c’est ordre pour leur grand Vicaire General suiuant le tesmoignage
qu’ils en ont rendu tant en publique qu’en particulier moy present & assistant &
ce d’autant que [f. ãiijr] vous ramassez en vous comme dans vn tableau racourcy
toutes les rares qualitez que demandoit vn grand personnage de la compagnie de
Iesus, pour le maintien de la doctrine & saincteté de Raymond Lulle quand il dict,
qu’il ne doute point que l’Art de Raymond Lulle, ne produise de tres grands
fruicts au bien & aduantage de toute le Republique chrestienne, lors qu’il aura
fait rencontre de personnes de iugement & qui auront en singuliere recomman-
dation la verité la pieté & l’vtilité publique, i’ay creu que ces mesmes sentiments
me deuoient porter a faire choix de vostre personne de laquelle iay l’honneur
destre cogneu depuis quelque temps en ça pour luy offrir cette traduction, iugeant
bien ne luy pouuoir à present donner vn protecteur à qui tous ces beaux eloges
fussent mieux deus & plus veritablement attribuez qu’a vostre subiect, car soit
que ie considere en vous la fermeté de vostre esprit accompagné d’vne egalité de
mœurs & humeurs attrempees, soit que ie regarde vos sainctes, & feruentes
resolutions, portees à l’entier retablissement de cette Ordre ie me, [sic] trouue
egallement confus dans ce [f. ãiijv] comble de perfection incomparable. A qui donc
pouuois ie plus dignement adresser la traduction Françoise de ce grand Art,
qu’au grand Vicaire General de l’Ordre Milice & Religion du S. Esprit & qu’a
l’Archi-hospitalier du sacré Hospital de Montpellier, & consequemment au
principal restorateur de la Milice de ces zelez & genereux Cheualliers du Sainct
Esprit, qui estans inspirez d’en haut & animez qu’ils seront cy apres d’vn
inuincible courage par l’exemple de vos actions vertueuses & esclairez aussi
qu’ils seront du flambeau de vos prudens conseils, trauailleront incessamment
auec vous, non seulement au maintien & deffence de la foy Catholique Aposto-
lique & Romaine : mais aussi s’euertueront desormais conformement aux statuz
de cet Ordre a en establir les saincts & solides fondements dans les nations les
plus esloignees & les plus barbares mescreants : ce que vous pourrez desormais
d’autant plus heureusement faire (Monsieur) en recueillant les fruicts tres
sauoureux de ces petit et grand Arts admirables : l’enseignant la pratique de la
vraye [f. ãiiij r ] charité Chrestienne à laquelle vous vous estes insensiblement
142 SYLVAIN MATTON
disposé par les grands soins que vous auez faict paroistre dans l’intendance que
vous auez eue depuis maintes annes en ça des Hospitaux des camps & armees de
sa Majesté ioinct aussi que pour c’est effect Dieu à graué dans vostre cœur vn
zele non pareil, & consequemment incroyable sinon à ceux qui en voyant des
effects admirables n’auront pas le moyen de m’escroire ny contredire l’execution
de cette saincte & charitable entreprise, ce grand Art apprend à combattre auec
des armes toutes diuines & spirituelles & les corps & les ames les plus fa-
rouches, & les plus esloignees de la vraye connoissance, cet Art vous eruira aussi
à aduancer le progrez admirable de nostre Christianisme lors que conformement
aux statuts de ceste ordre par vn meslange bien reiglé de la milice spirituelle
auec la milice temporelle, vous vous seruirez sagement de l’vne & l’autre de ces
milices que vous ferez esclater dans les occasions lors qu’au restablissement de
cette saincte & sacree Religion & milice vous ioindrez quant & quant le restablis-
sement de [f. ãiiij v ] la doctrine contenuë dans ces petit & grand Arts qui vous
sont par moy offerts & presentes à cet effect, c’est aussi ce qua desiré autrefois
nostre Docteur illuminé Raymond Lulle, du tres puissant & tres auguste Roy
Philippes le Bel, lors qu’il s’est entremis de vouloir reduire auec la permission
de sa saincteté, tous les ordres militaires Religieux de la Chrestienté à vn seul
ordre Religieux, & militaire auquel seroit donne vn nom propre & conuable à ce
dessein pour la conduitte generalle des Religieux Cheualiers qui estans placez
sur les aduenuës & frontieres des infideles, s’estudiroient apres auoir pratiqué
ces petit & grand Arts d’amener & ramener à l’obeissance de la foy Chrestienne
ceux qui s’en trouueroient estre en quelque façon separés : mais cela est demeuré
enseuely dans le tombeau de ce grand Homme, que vous pouuez toutefois faire
reuiure par l’affection que vous tesmoignez si apres auoir à l’excellente rareté de
ces Arts admirables, en ne permettant pas seullement, ains enioignant tres
expressement que la doctrine de Raymond Lulle soit enseignee & pratiquee dans
l’esten-[f. ãv r ]duë de l’Ordre du sainct Esprit qui ayant pour obiect le corps,
l’esprit & l’ame, ioindra sous vos auspices, le raisonnement vniuersel à l’ex-
perience de mesme nature. Or d’autant qu’au iourd’huy dans la France plusieurs
preoccupes de passions ou d’ignorance blasment & accusent autant mal à propos
ce Docteur que sa doctrine, en attendant que ie vous fasse des demonstrations
infaillibles de la verité certaine comprise dans ces petit & grand Arts : ie vous
supplie de vous satisfaire en escoutant : & escouter icy en vous satisfaisant dans
le iugement, & dans l’estime qu’en font ceux qui le cognoissent, & l’entendent en
INTRODUCTION 143
MONSIEVR,
Vostre tres-humble & tres obeissant seruiteur
de VASSY, Secretaire General & Docteur
Luliste, de l’Ordre Milice & Religion du sainct
Esprit. »
144 SYLVAIN MATTON
A PPEN D I CE I I I
Quippe scitur ab omnibus quanta sit Inuentorum zelotipia, pro suis ope-
ribus vel inuentis : Idque nos docuit Thales Milesius, qui cùm senex admodum,
admirandam quandam rationem de Sole commentus esset, eandem Mandritum
Philosophum Prienensem edocuit. Qua quidem noua inuentione ille delectatus,
cùm priùs gratias egisset optare iussit, quam mercedem pro tanto documento
rependi vellet. Cui Thales, Satis (inquit) mihi fuerit mercedis ô Mandrite, si id
quod à me didicisti, cùm proferre volueris, tibi non adsciueris ; sed eius rei me
potiùs quàm alium repertorem prædicaueris 1. Vnde etiam Cicero ad Brutum ait.
Tu quidem à Neuio vel sumpsisti multa, si fateris ; vel si negas, surripuisti 2 .
Porrò didici, quod D. de Montarcis meus in Mathematicis & hisce Me-
taphysicis ingratus discipulus, qui libellum suum quàm plurimis dedit, mihi
verò facti sui conscius offerre non est ausus ; iam minas spargit, si quid hac de
re dixero, se ad me diffamandum longè superaturum quidquid Gassendus, Neu-
ræus, Barancius & Bernerius contra me fecerunt : quòd scilicet bile polleat
longè altioris gradus quàm illi. Sed hæc rideo : faciat hic nouus hostis quidquid
potuerit. Ego meo discipulo ac tali, nunquam respondebo, nec eius errata ipsum
docebo : sed huius iniuriæ minimæ ferendæ quærelâ hîc exposita, vtriusque
libelli Lectoribus æquis iudicium relinquo : Et hoc sufficiet pro honoris mei
tutela, contra suæ bilis paroxismos : sed ad institutum redeamus. »