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Tanguy

FERREIRA

Recherche d'archive sur le documentaire

Nous allons commencer par étudier deux articles qui se répondent. Le premier est un article
écrit par Max Bihan, dans la « Chronique des films » du Comœdia du 10 juin 1944, titré « Mission
du documentaire ». Ce texte cherche à définir ce qu'est réellement le documentaire et, donc,
comment il se pratique. Pour lui, le documentaire n'est pas encore sorti de l'enfance et permet de
sentir, dans son texte, que le genre documentaire est trop cloisonné par l'aspect reportage. Il
présente donc l'attrait du documentaire en trois points : tout d'abord, la simplicité du propos ; puis,
le commentaire en retrait voire absent afin de laisser l'image parler ; et enfin, une proportion entre le
sujet et la longueur du film. Il termine, dans l'antépénultième paragraphe, par une explication sur le
problème de la fiction dans le documentaire faisant sortir ce genre du champ cinématographique et
le mettant au rang de la littérature. Selon lui, le documentaire est pur s'il est pris sans mise en scène,
sans artifices. Nous pouvons y voir un discours qui est relativement proche de ceux qui théoriseront
le cinéma-direct. Son texte met en avant deux questionnements autour du documentaire : sa capacité
à prendre le réel et sa possible fictionnalisation. S'il défend le premier, il n'écarte pas totalement le
second du genre documentaire en qualifiant de « documentaire hybride » le film de propagande
dont il parle.

Le second texte est un article publié par un certain Jean-Jacques, dans la revue Les
nouveaux Temps. Cet article, nommé « L'éducation nationale, L'école et le Cinéma », paraît le 17
juin 1944 et est une réponse au texte précédent, écrit par Max Bihan. Ce qui est assez particulier
c'est que cette réponse ne se porte pas réellement sur le texte de Bihan mais sur une partie de phrase
sortie de son contexte, à la fin du quatrième paragraphe, qui évoque le fait que le documentaire soit
« une affaire d’éducation [nationale], une affaire d’État ». Le texte devient, de ce fait, une réflexion
sur le documentaire éducatif et sur le cadre scolaire afin d'intéresser et d'être utile aux élèves. Ainsi,
l'article place le « vrai documentaire » plus dans une logique de l'imaginaire avec « une poésie
continue des images ». Le cadre éducatif deviendrait, en réalité, un vecteur de médiocrité face à
cela. Pourtant, il propose certaines idées comme le fait de faire appel à l'animation, ce qui donnerait
une forme pédagogique au film, ce situerait cependant le genre en total opposition aux idées de
Bihan et de son documentaire (où est exclue toute mise en scène). Lors d'un paragraphe sur la
propagande, il fait également une distinction rapide entre documentaire et film d'actualité, ce qui
n'allait pas vraiment de soi à cette époque.

Le troisième texte parle du film S.O.S 103 de Francesco de Robertis. La critique est écrite
dans « Chronique des films » par Arthur Hoerre dans le Comœdia du 4 juillet 1942. L'intérêt du
texte se place surtout dans le second paragraphe. Il oppose, dans le premier paragraphe, la notion de
cinéma pur à ce film d'aspect hybride. Finalement, nous nous intéressons, ici, principalement aux
treize premières lignes du second paragraphe. C'est dans ce passage qu'il crée un rapprochement
entre différents genres, voire différents arts : le roman, le documentaire et le film d'action. Sans pour
autant développer davantage la question, il propose le terme de « documentaire romancé » qui n'est
pourtant pas suffisant pour définir le film. Cependant, nous comprenons qu'il ne soit pas
problématique qu'une fiction soit également un documentaire. Le critique semble vouloir défendre
l'idée que ce film soit un genre de documentaire « total », dans le sens wagnérien. Il s'agit d'une
œuvre qui regroupe en son sein de nombreux arts ou genres (notamment pour le cas présenté).
L'hybridité devient alors une forme d'accomplissement pour le cinéma.

Nous parlons ensuite d'un article écrit par Georges Sadoul dans Lettres Françaises. Il se
nomme « Vérité et cinéma 1944 » et paraît dans le numéro du 23 décembre 1944. Il parle des films
d'actualité soviétiques qui arrivent en France. Ces films sont alors qualifiés, par Sadoul, de « grands
films d'actualité ». Pourtant, il compare ces films, dans le deuxième paragraphe de la deuxième
pages, à des documentaires. Au vu de la façon dont il parle de ces films, il apparaît que ces films ont
des caractéristiques de documentaire : ils montrent tout, sont au plus près de l’événement et
semblent éviter la mise en scène. Ces films de propagande sont, à ses yeux, « éloignés » de la
propagande. Ils montrent la réalité violente de la guerre et montrent, selon ses dires, « la vérité
nue ». Il semblerait que ces films puissent mériter leur titre de documentaire grâce à ce rapport à la
réalité qui y est développée. Il pose, par ce biais, la question du rapport à la violence qui doit être
présente dans un documentaire. Il parle aussi indirectement de l'ambiguïté entre films d'actualité,
« bonne » propagande et documentaires. Cependant, nous pouvons comprendre que, pour Sadoul,
les films de propagande ont un fonctionnement complètement à part en comparaison des deux
autres.

Le dernier texte est écrit par André Bazin. Cet un article, nommé « À propos de Pourquoi
nous combattons », est paru en 1946 dans la revue Esprit. Cette série de films tournée par Frank
Capra est désignée, dès les premières lignes, de « documentaire de reportage ». Pourtant, jusqu'à la
fin du texte, il refusera d'employer à nouveau ce mot. Il parlera tout le temps de reportage de guerre,
nous sentons ainsi que cette série est problématique. Elle a une forte tendance à représenter le réel et
sa violence et, comme chez Sadoul, Bazin semble porter ce point comme une caractéristique forte,
dans laquelle il n'y a pas d'acteurs. Ce que ce texte questionne est donc notamment la position de
ces reportages montés. En effet, Bazin semble ici reconnaître que le film est plus qu'un film
d'actualité mais a du mal à complètement le qualifier de documentaire. Sadoul (dans le texte 4) avait
mis la question de côté en le qualifiant de film de propagande. Selon Bazin, ce qui est important
dans ce film est le rapport à l'Histoire, notamment une nouvelle façon de la consommer à travers
une approche plus directe et non plus à travers des documents. Pour le documentaire, la logique
première serait de vouloir montrer, donner à voir davantage que de mettre en mots.
Annexes :
texte 1 : Comoedia, 10 juin 1944
texte 2 : Les Nouveaux temps, 17 Juin 1944
texte 3 : Comœdia, 4 juillet 1942
texte 4 : Lettres françaises, 23 décembre 1944
texte 5 : esprit, 1946

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