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Structure Financiere
Structure Financiere
et valeur de l’entreprise
Chapitre 14
La structure financière en marchés parfaits
L orsqu’une entreprise a besoin de capitaux pour financer des projets à long terme, elle doit décider
de la façon de les obtenir et donc du type de titres qu’elle souhaite émettre. Même si l’entreprise
n’a pas besoin de capitaux supplémentaires, elle peut tout de même décider d’émettre de nouveaux
titres, par exemple pour rembourser d’anciennes dettes ou racheter une partie de ses propres actions.
Selon quels principes l’entreprise fonde-t-elle son choix d’émettre plutôt telle ou telle catégorie de
titres ?
Prenons un exemple. L’entreprise EBS est spécialisée dans la conception et la fabrication de planches
de surf. Elle souhaite investir dans une nouvelle usine. À cet effet, EBS a besoin de 50 millions
d’euros. Plusieurs possibilités s’offrent à l’entreprise. La première est de lever des capitaux grâce à
l’émission d’actions nouvelles. Compte tenu des risques du projet, le directeur financier pense que les
actionnaires exigeront une prime de risque de 10 % en plus du taux d’intérêt sans risque, qui est de
5 %, pour acheter les actions. Le coût des capitaux propres de l’entreprise est donc de 15 %.
Il est également possible de financer le projet par endettement. Puisque actuellement EBS n’a aucune
dette et que sa situation financière est excellente, l’entreprise peut emprunter 50 millions d’euros au
taux d’intérêt de 6 %. Ce taux d’intérêt est inférieur au coût des capitaux propres d’EBS. Doit-on
conclure que l’endettement doit être privilégié ? Ce choix (financier) est-il susceptible d’influencer la
VAN du projet d’investissement ? Si tel était le cas, cela modifierait la valeur de l’entreprise, et donc
le prix de ses actions…
Ce chapitre répond à ces questions dans le cadre de marchés financiers parfaits : les prix des actifs
reflètent leur vraie valeur ; il n’y a ni impôts ni coûts de transaction ; les flux de trésorerie d’un projet
ne dépendent pas de ses modalités de financement. Malgré le caractère irréaliste de ces hypothèses,
ce cadre d’analyse permet d’obtenir des résultats intéressants et sera utilisé par la suite comme point
de référence. Dans ce cadre d’hypothèses, la conclusion qui découle de la Loi du prix unique est
que, contrairement à l’intuition, le choix entre dette et actions n’a aucune influence sur la valeur de
l’entreprise, le prix de ses actions ou son coût du capital. Ainsi, dans un monde sans imperfections
de marché, EBS devrait être parfaitement indifférente à la solution retenue pour obtenir les capitaux
nécessaires à sa croissance.
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Lorsqu’une entreprise lève des capitaux auprès d’investisseurs externes, elle choisit le type de
titres qui sont émis. En général, les entreprises choisissent de se financer par capitaux propres
exclusivement ou par un mélange de capitaux propres et de dette1.
Année 1
Année 0 Croissance. Récession.
(probabilité : 50 %) (probabilité : 50 %)
–800 € 1 400 € 900 €
1150
VA = = 1 000 €
1,15
Notre entrepreneur peut donc recevoir 1 000 € s’il vend toutes les actions de son entreprise.
Après avoir investi 800 € pour financer le projet, il lui restera 200 € de profit, qui correspon-
dent à la VAN du projet. En d’autres termes, la VAN d’un projet revient aux propriétaires
originels de l’entreprise (ici, l’entrepreneur).
1. Il est impossible pour une entreprise de se financer exclusivement par endettement : les créanciers prendraient
alors trop de risques. Ceux-ci exigent donc des propriétaires de l’entreprise une prise de risque sous forme d’une
participation au capital de leur entreprise.
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Quelle est la rentabilité pour les actionnaires qui investissent dans cette entreprise non
endettée ? Comme l’investissement initial des actionnaires dans l’entreprise est de 1 000 €,
la rentabilité des actionnaires est de 40 % en cas de conjoncture favorable et de –10 % en
cas de récession (tableau 14.2). Les deux scénarios étant équiprobables, la rentabilité espérée
pour les actionnaires est de 0,5 × 40 % + 0,5 × –10 % = 15 %. Les actionnaires sont rému-
nérés au coût du capital de l’entreprise, c’est-à-dire à hauteur des risques qu’ils prennent,
puisque le risque de l’entreprise non endettée correspond au risque du projet.
Année 1
Année 0
Croissance Récession
Valeur de l’entreprise
1 000 € 1 400 € (+40 %) 900 € (–10 %)
non endettée
Année 1
Année 0
Croissance Récession
1 Créanciers 500 € 525 € 525 €
2 Actionnaires VCP 875 € 375 €
Valeur de l’entreprise
3 1 000 € 1 400 € 900 €
endettée (1 + 2)
Quelle est la valeur VCP des actions de l’entreprise endettée ? Quelle est la structure
financière qui maximise la richesse de l’entrepreneur ? Dans un article publié en 1958 2,
2. F. Modigliani et M. Miller (1958), « The Cost of Capital, Corporation Finance and the Theory of Investment »,
American Economic Review 48(3), 261-297.
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Franco Modigliani et Merton Miller ont répondu à cette question de façon surpre-
nante pour les praticiens et les académiques. Ils démontrent que, sous l’hypothèse de
marchés parfaits, la valeur totale de l’entreprise ne dépend pas de sa structure finan-
cière. En effet, les flux de trésorerie de l’entreprise sont toujours égaux aux flux de
trésorerie du projet ; ils ont donc toujours une valeur actuelle de 1 000 € (ligne 3 du
tableau 14.3). Or, la somme des flux de trésorerie dont bénéficient les actionnaires et
les créanciers est par définition égale aux flux de trésorerie du projet. La Loi du prix
unique conduit donc à la conclusion que le total des dettes et des capitaux propres doit
être de 1 000 €. Puisque la valeur actuelle des dettes est de 500 €, la valeur des capitaux
propres de l’entreprise endettée est nécessairement de VCP = 1 000 € − 500 € = 500 €.
Les flux de trésorerie dont bénéficient les actionnaires d’une entreprise endettée sont plus
faibles que ceux dont bénéficient les actionnaires d’une entreprise non endettée. La valeur
des capitaux propres est donc plus faible : 500 €, et non 1 000 €. Le fait que les capitaux
propres aient une valeur plus faible ne signifie pourtant pas que la situation de l’entrepre-
neur se soit dégradée. Il continue en effet de lever 1 000 €, tout comme précédemment. Le
choix entre un financement exclusivement par actions et un financement mixte actions/
dette lui est par conséquent indifférent.
0, 5 × 875 + 0, 5 × 375
= 543 €
1,15
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Année 1 Rentabilité
Année 0
Croissance Récession espérée
Pour être plus précis, il convient d’évaluer la relation entre risque et rentabilité des
actions. Pour ce faire, il faut calculer la sensibilité de la rentabilité au risque systématique
de l’économie3 (tableau 14.5).
Par définition, la rentabilité (certaine) de la dette de l’entreprise endettée n’est pas
exposée au risque systématique. La prime de risque de la dette est donc nulle. Les
actions de l’entreprise endettée sont exposées à deux fois plus de risque systématique
que les actions de l’entreprise non endettée. Logiquement, les actionnaires de l’entreprise
endettée reçoivent une prime de risque deux fois plus élevée.
En résumé, dans le cas où les marchés sont parfaits, si l’entreprise est financée à 100 % par capi-
taux propres, les actionnaires exigent une rentabilité de 15 %. Si la société est financée à 50 %
par dette et à 50 % par capitaux propres, les créanciers reçoivent une rentabilité de 5 %, et les
actionnaires exigent une rentabilité de 25 %, car l’endettement a augmenté le risque lié à la
détention d’actions. Ainsi, l’endettement d’une entreprise augmente le risque des actions, même si
on suppose que le risque de faillite est nul.
L’endettement est donc moins coûteux que les capitaux propres, mais il contribue à
faire augmenter le coût des capitaux propres. Il faut donc considérer le coût combiné
3. Dans un objectif de simplification, l’exemple ne comprend que deux états de la nature ; la sensibilité détermine
donc le bêta des actions. Voir le chapitre 3 pour plus de détails à propos du risque.
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des deux sources de financement. Le coût moyen du capital de l’entreprise endettée est
de 0,5 × 5 % + 0,5 × 25 % = 15 %, soit un coût égal à celui de l’entreprise non endettée.
Problème
L’entrepreneur emprunte seulement 200 € pour financer son projet. Quelle est, d’après
Modigliani et Miller, la valeur des capitaux propres de l’entreprise ? Quelle est la renta-
bilité espérée pour les actionnaires ?
Solution
La valeur totale de la dette et des capitaux propres de l’entreprise est inchangée
(1 000 €) ; si l’entreprise emprunte 200 €, ses capitaux propres vaudront donc 800 €.
L’entreprise devra rembourser à ses créanciers 200 × 1,05 = 210 € dans un an. Cela
signifie que la rentabilité pour les actionnaires sera de (1 400 € – 210 €) / 800 € – 1 =
48,75 % si la conjoncture est favorable et de (900 € – 210 €) / 800 € – 1 = –13,75 %
sinon. La rentabilité espérée des capitaux propres est ainsi de 0,5 × 48,75 % + 0,5 ×
13,75 % = 17,5 %. La sensibilité des capitaux propres est de 48,75 % – (–13,75 %) = 62,5 %,
soit 62,5 % / 50 % = 125 % de la sensibilité de l’entreprise non endettée. La prime de
risque exigée par les actionnaires est de 17,5 % – 5 % = 12,5 %, ce qui correspond bien
à 125 % de la prime de risque des actions de l’entreprise non endettée.
Les actionnaires reçoivent donc une compensation appropriée pour le risque qu’ils
prennent en achetant les actions de l’entreprise endettée à hauteur de 200 €.
4. En fait, l’idée selon laquelle la valeur d’une entreprise ne dépend pas de sa structure financière a été formulée
avant Modigliani et Miller par John Burr Williams en 1938 dans The Theory of Investment Value, North Holland
Publishing.
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Le levier synthétique
Modigliani et Miller ont montré que la valeur de l’entreprise n’est pas influencée par sa struc-
ture financière. Qu’en est-il si les investisseurs préfèrent une structure financière différente
de celle choisie par l’entreprise ? On s’attend alors à ce qu’ils « sanctionnent » l’entreprise
en n’achetant pas ses titres. Mais Modigliani et Miller montrent que les investisseurs peu-
vent modifier au niveau de leur portefeuille les effets d’une structure financière qui ne leur
convient pas. Pour cela, il leur suffit d’emprunter ou de prêter des capitaux. Ainsi, un inves-
tisseur qui préférerait une entreprise plus endettée qu’elle ne l’est en réalité n’aurait qu’à
emprunter lui-même des capitaux : on parle dans ce cas d’un recours au levier synthétique5.
Si les investisseurs sont en mesure d’emprunter et de prêter au même taux d’intérêt que l’en-
treprise6, le levier synthétique est un parfait substitut au levier de l’entreprise : l’endettement
de l’investisseur a le même rôle que l’endettement de l’entreprise. Deux cas sont possibles.
Premier cas. Si l’entrepreneur n’a pas recours à l’endettement, n’importe quel investisseur
qui préférerait détenir des actions d’une entreprise endettée peut « créer » lui-même cet
endettement, en achetant les actions de l’entreprise non endettée à crédit (tableau 14.6). Si les
flux de trésorerie provenant de l’entreprise non endettée servent de collatéral à l’emprunt
réalisé pour acheter les actions, le prêt sera accordé au taux sans risque et l’investisseur sera
en mesure d’emprunter au taux de 5 %. En dépit du fait que l’entreprise n’est pas endettée,
l’investisseur réplique, grâce au levier synthétique, les flux de trésorerie qu’une entreprise
endettée verserait à ses actionnaires (voir tableau 14.3 pour comparer).
Année 1
Année 0
Croissance Récession
Actions de l’entreprise non
1 1 000 € 1 400 € 900 €
endettée
Emprunt de l’actionnaire pour
2 –500 € –525 € –525 €
financer l’achat des actions
Portefeuille répliquant
3 des actions de l’entreprise 500 € 875 € 375 €
endettée (1 + 2)
Second cas. De manière symétrique, si l’entreprise est endettée alors que l’investisseur
souhaite détenir des actions d’une entreprise non endettée, l’investisseur peut annuler
l’endettement de l’entreprise, en achetant des titres de dette et des actions de l’entreprise
endettée. En combinant les flux de trésorerie des deux types de titres, l’investisseur obtient
5. Cette expression signifie qu’un investisseur peut reproduire les effets de l’endettement de l’entreprise au niveau de
son portefeuille personnel, en s’endettant lui-même.
6. Cette hypothèse découle de la perfection des marchés de capitaux, puisque le taux d’intérêt sur un prêt dépend
exclusivement de son risque.
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des flux de trésorerie identiques à ceux d’une entreprise non endettée, pour un coût de
constitution de son portefeuille de 1 000 € (tableau 14.7).
Année 1
Année 0
Croissance Récession
1 Titres de dette de l’entreprise endettée 1 500 € 1 525 € 525 €
2 Actions de l’entreprise endettée 1 500 € 1 875 € 375 €
Portefeuille répliquant des actions de
3 1 000 € 1 400 € 900 €
l’entreprise non endettée (1 + 2)
Dans tous les cas, la structure financière de l’entreprise n’a aucune influence sur le por-
tefeuille des actionnaires et les flux de trésorerie qu’ils en tirent. Quel que soit le taux
d’endettement de l’entreprise, l’investisseur peut toujours le modifier (fictivement) à sa
guise, soit en achetant des actions à crédit (levier synthétique positif), soit en achetant
des titres de dette (levier synthétique négatif). Avec des marchés de capitaux parfaits, les
modifications de structure financière des entreprises ne créent pas d’opportunités de reve-
nus supplémentaires pour les investisseurs. La structure financière de l’entreprise n’influence
donc pas sa valeur.
Exemple 14.2
Problème
Deux entreprises auront des flux de trésorerie à l’année 1 de 1 400 € ou 900 € selon la
conjoncture économique. Les deux entreprises sont identiques en tout point, à l’excep-
tion de leur structure financière. La première n’a aucune dette et ses capitaux propres
ont une valeur de marché de 990 €. La seconde a emprunté 500 € et ses capitaux propres
ont une valeur de marché de 510 €. La proposition 1 de Modigliani-Miller est-elle vérifiée
pour ces deux entreprises ? Sinon, quelles sont les opportunités d’arbitrage ?
Solution
La proposition 1 de Modigliani-Miller établit que la valeur d’une entreprise est égale
à la valeur de ses actifs. Les deux entreprises possèdent des actifs identiques ; elles
devraient donc avoir la même valeur. Or, la valeur de marché de l’entreprise non endet-
tée est de 990 € tandis que celle de l’entreprise endettée est de 510 € (capitaux propres) +
500 € (dette) = 1 010 €. La proposition 1 de Modigliani-Miller n’est donc pas vérifiée.
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Comme la Loi du prix unique n’est pas vérifiée (les deux entreprises possèdent les
Exemple 14.2 (suite) mêmes actifs mais ont des valeurs différentes), une opportunité d’arbitrage existe. Il
est en effet possible d’acheter pour 990 € les actions de l’entreprise non endettée et
d’emprunter 500 €, ce qui permet de répliquer les flux de trésorerie des actions de
l’entreprise endettée (levier synthétique), pour un coût de 990 € – 500 € = 490 €. L’in-
vestisseur peut ensuite vendre à découvert les actions de l’entreprise endettée à leur
prix de marché (510 €) et enregistrer un gain d’arbitrage (sans risque) de 20 €.
Les opérations d’arbitrage vont faire disparaître l’opportunité d’arbitrage, car elles
impliquent d’acheter les titres de l’entreprise non endettée et de vendre ceux de l’en-
treprise endettée. La valeur de l’entreprise non endettée augmente donc, tandis que
celle de l’entreprise endettée diminue, jusqu’à ce que les deux valeurs redeviennent
égales et que la proposition 1 de Modigliani-Miller soit vérifiée.
Année 1
Année 0
Croissance Récession
1 Emprunt 500 € –525 € –525 €
Achat d’actions de l’entreprise
2 –990 € 1 400 € 900 €
non endettée
Ventes à découvert d’actions de
3 510 € –875 € –375 €
l’entreprise endettée
4 Total (1 + 2 + 3) 20 € 0 € 0 €
7. Certaines valeurs comptables, mais pas toutes, sont des valeurs de marché.
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la valeur de marché des titres émis par l’entreprise est égale à la valeur de marché des actifs
qu’elle possède.
Présenter un bilan en valeur de marché permet d’insister sur l’idée que la valeur est créée par les
choix d’investissement de l’entreprise et les actifs qu’elle possède, et non par les titres qu’elle a
émis. En choisissant des projets à VAN positive, l’entreprise crée de la valeur. Si les flux de tréso-
rerie produits par les différents investissements de l’entreprise sont constants, la modification
de la structure financière de l’entreprise ne change pas sa valeur. Il est donc possible d’exprimer
la valeur de marché de ses actions (sa capitalisation boursière) comme :
Actif Passif
Immobilisations incorporelles Capitaux propres
Brevets, réputation, capital humain Actions ordinaires, actions à dividende
Immobilisations corporelles prioritaire…
Usines, machines… Titres de dette
Actif circulant Obligations convertibles
Stocks, créances clients… Dette à long terme
Disponibilités Dette à court terme
Valeur de marché des actifs Valeur de marché des titres émis par l’entreprise
Valeur des capitaux propres d’une entreprise ayant émis plusieurs classes de titres
Exemple 14.3
Problème
L’entrepreneur décide de financer son investissement en émettant non plus deux,
mais trois types de titres : actions, dette (d’une valeur de 500 €) et obligations conver-
tibles. Les obligations convertibles vaudront 210 € en cas de croissance et 0 € en cas de
récession. Le prix de marché actuel des obligations convertibles est de 60 €. Quelle est
la valeur de marché des capitaux propres de l’entreprise, si les marchés sont parfaits ?
Solution
Selon la proposition 1 de Modigliani-Miller, la valeur totale des titres est égale à la
valeur des actifs de l’entreprise, soit 1 000 €. La dette vaut 500 €, les obligations conver-
tibles 60 €. Les capitaux propres sont donc évalués par le marché à 440 €. Et, à ce
prix, on peut vérifier que les actions offrent à leurs acheteurs une prime de risque
proportionnelle à leur risque.
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Cette équation permet d’appréhender les conséquences de la dette sur la rentabilité des capi-
taux propres : la rentabilité des actions d’une entreprise endettée est égale à celle d’une
entreprise non endettée, augmentée d’une prime liée au risque provoqué par l’endettement.
Cette prime augmente la rentabilité des actions lorsque l’entreprise réalise une bonne per-
formance (RU > R D) et la réduit en cas de performance médiocre (RU < R D). Le niveau de
risque supplémentaire supporté par les actionnaires, et donc la prime de risque, dépend de
l’endettement, mesuré par le levier en valeur de marché VD / VCP. L’équation (14.4) concerne
les rentabilités effectives des titres. Mais une relation identique existe pour les rentabilités
espérées (notées r et non R). Cette observation a permis à Modigliani et Miller d’énoncer
leur seconde proposition :
Proposition 2 de Modigliani-Miller. Le coût des capitaux propres d’une entreprise endettée
augmente avec le levier de l’entreprise exprimé en valeur de marché :
500
rCP = 15 % +
500
(15 % − 5 %) = 25 %
ce qui correspond au résultat du tableau 14.4.
Problème
Si l’entrepreneur de la section 14.1 avait emprunté seulement 200 €, quel aurait été le
coût des capitaux propres de l’entreprise, d’après la proposition 2 de Modigliani-Miller ?
Solution
Les actifs de l’entreprise valent 1 000 €. La valeur de marché des capitaux propres est
donc de 1 000 – 200 = 800 € (proposition 1 de Modigliani-Miller). D’après l’équa-
tion (14.5), le coût des capitaux propres est de :
200
rCP = 15 % +
800
(15 %− 5 %) = 17, 5 %
Cela correspond à la rentabilité espérée par les actionnaires de l’exemple 14.1.
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(
Part de la valeur de l’entreprise
rU ≡ finan Coût des
) (
ncée par capitaux propres × capitaux propres )
( ) (
+ Part de valeur de l’entreprise × Coût de la
financée par dette dette )
VCP VD
= rCP + r
VCP VD VCP VD D (14.6)
Le chapitre 12 a introduit la notion de coût moyen pondéré du capital après impôt (ou
effectif) ; le plus souvent, celui-ci est simplement appelé coût moyen pondéré du capital
(CMPC), sans plus de précisions. Son calcul implique de tenir compte du coût de la dette
après impôt. Dans le cadre de marchés parfaits, il n’y a pas d’impôts, ce qui signifie que les
CMPC avant et après impôt sont identiques :
disponibles actualisés au CMPC n’est pas influencée par une modification de la structure
financière. Par conséquent, en marchés parfaits, le CMPC et donc la VAN d’un projet ne
changent pas lorsque l’entreprise modifie sa structure financière.
Coût du capital
50 %
45 %
40 %
35 %
30 %
Coût des capitaux propres (rCP)
25 %
20 %
15 %
CPMC (rCMPC = rU = rA)
10%
5%
Coût de la dette (rD)
0%
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
(a) Coût de la dette, des capitaux propres et coût moyen pondéré des capitaux en fonction du taux d’endettement. Les
taux de croissance de rD et rCP dépendent des caractéristiques des flux de trésorerie de l’entreprise. Lorsque le taux d’en-
dettement augmente, les capitaux propres et la dette deviennent plus risqués ; leur coût augmente. Toutefois, le coût de
la dette est plus faible que celui des capitaux propres. En conséquence, le coût moyen pondéré du capital reste constant.
VCP VD
VCP VD rCP rD rCP + rD = rCMPC
VCP + VD VCP + VD
(b) Calcul du CMPC pour différentes structures financières (à partir des données de la section 14.1).
* À ce niveau d’endettement, la dette est risquée et offre une rentabilité théorique de 16,67 %. Le risque de faillite de
l’entreprise étant de 50 %, la rentabilité anticipée de la dette est seulement de 8,33 %.
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Exemple 14.5
Problème
L’entreprise Gego a un levier de 2. Le taux d’intérêt est de 6 % ; le coût des capitaux
propres est de 12 %. L’entreprise émet des actions pour réduire son endettement. L’ob-
jectif est de diviser par 2 le levier de l’entreprise. Cette dernière réduira ainsi le taux
d’intérêt sur sa dette à 5,5 %. Les marchés des capitaux sont supposés parfaits. Quelles
sont les conséquences d’une telle opération sur le coût des capitaux propres et le CMPC ?
Qu’adviendrait-il si l’entreprise émettait encore plus d’actions pour rembourser com-
plètement sa dette ? Comment ces différentes structures financières affecteraient-elles
la valeur de l’entreprise Gego ?
Solution
Un levier de 2 signifie que la dette représente deux fois les capitaux propres. En utilisant
les équations (14.6) et (14.7), on calcule le CMPC de Gego avant l’opération :
VCP VD 1 2
rCMPC = rU = rCP + rD = ×12 % + × 6 % =8 %
VCP + VD VCP + VD 1+2 1+2
Le coût du capital de l’entreprise non endettée, égal par définition au CMPC, est rU = 8 %.
Le coût des capitaux propres après la réduction de l’endettement est donc, avec l’équa-
tion (14.5) :
V 1
rCP = rU + D (rU − rD ) = 8 % + (8 %− 5, 5 %) = 10, 5 %
VCP 1
La baisse de l’endettement réduit le coût des capitaux propres à 10,5 %. Du fait de la
perfection des marchés de capitaux, le CMPC est constant : 0,5 × 10,5 % + 0,5 × 5,5 % =
8 %. Le désendettement de l’entreprise n’est donc pas créateur de valeur.
Si Gego rembourse totalement sa dette, le coût des fonds propres deviendra égal au coût
du capital à endettement nul (et au CMPC !), soit 8 %.
Quelle que soit la structure financière de Gego, son coût du capital et ses flux de tréso-
rerie demeurent inchangés. La valeur de l’entreprise ne change donc pas.
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Problème
Quel est le coût moyen pondéré du capital de l’entreprise de l’exemple 14.3 ?
Solution
Le CMPC d’une entreprise ayant émis des actions, de la dette et des obligations conver-
tibles est égal à la moyenne pondérée du coût du capital de chaque classe de titres,
c’est-à-dire la rentabilité moyenne devant être offerte à chaque type d’investisseur.
Soit, en notant VOC la valeur de marché des obligations convertibles et rOC la rentabilité
espérée par les détenteurs de celles-ci :
VCP VD VOC
rCMPC = rU = rCP + rD + r
VCP + VD + VOC VCP + VD + VOC VCP + VD + VOC OC
De l’exemple 14.3, on a VCP = 440, VD = 500 et VOC = 60. Quelles sont les rentabilités
espérées pour chaque classe de titres ? Compte tenu des flux de trésorerie de l’entre-
prise, la dette est sans risque, donc le taux d’intérêt est rD = 5 %. L’espérance de gain
pour un détenteur d’une obligation convertible est de 0,5 × 210 + 0,5 × 0 = 105 € ; la
rentabilité espérée est donc de rOC = 105 / 60 − 1 = 75 %. Les actions donnent droit à un
flux de trésorerie de (1 400 – 525 – 210) = 665 € en période de croissance ou de (900 –
525) = 375 € en cas de récession ; l’espérance de gain pour un actionnaire est de 0,5 ×
665 + 0,5 × 375 = 520 € ; la rentabilité espérée est de rCP = 520 / 440 − 1 = 18,18 %. Le
CMPC est de :
440 500 60
rCMPC = × 18,18 % + ×5 % + × 75 % =15 %
1000 1000 1000
Le CMPC est égal au coût du capital de l’entreprise non endettée.
Endettement et bêta
Les équations (14.6) et (14.7) concernent le coût moyen pondéré du capital ; elles sont iden-
tiques à celles du chapitre 12 pour le calcul du coût du capital à endettement nul. Et le
chapitre 12 a montré que le bêta à endettement nul, ou bêta des actifs d’une entreprise, est
égal à la moyenne pondérée des bêtas de ses actions et de sa dette :
VCP VD
βU = βCP + β (14.8)
VCP + VD VCP + VD D
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Le bêta à endettement nul βU, ou bêta désendetté, mesure le risque de marché de l’actif
de l’entreprise, c’est-à-dire de son activité économique, sans tenir compte de la façon dont
l’entreprise est financée (on ignore l’effet de levier potentiel). Pour cette raison, on l’appelle
parfois bêta économique.
Lorsqu’une entreprise modifie sa structure financière sans changer sa politique d’investis-
sement, son bêta à endettement nul reste inchangé. Par contre, le bêta de ses actions change
pour intégrer la variation de risque induite par la modification de l’endettement8. En
partant de l’équation (14.8) :
VD
βCP = βU + (β − βD )
VCP U
(14.9)
L’équation (14.9) repose sur la même idée que l’équation (14.5) ; on a simplement remplacé
les rentabilités par les bêtas ; elle montre que le bêta des actions d’une entreprise augmente
avec son levier.
Dette et bêta
Exemple 14.7
Problème
Les actions McDonald’s ont un bêta de 0,8 ; le levier de McDonald’s est de 0,1. Sous
l’hypothèse que le bêta de la dette de McDonald’s est nul, quel est le bêta des actifs de
McDonald’s ? Que deviendrait le bêta des actions de McDonald’s si l’entreprise décidait
d’augmenter son levier à 0,5 (le bêta de la dette demeurant nul) ?
Solution
On estime le bêta des actifs de McDonald’s à partir de l’équation (14.8) :
VCP VD 1
βU = β CP + βD = × 0,8 = 0,73
VCP + VD VCP + VD 1 + 0,1
Le bêta des actions McDonald’s (et donc le coût de ses fonds propres) augmente avec le
levier. Si le bêta de sa dette avait augmenté à l’occasion de la hausse du levier, l’augmen-
tation du bêta de ses actions aurait été plus faible : si les créanciers assument une part du
risque supplémentaire lié à la dette, les actionnaires n’en portent que le solde !
8. La relation entre la dette et le bêta des capitaux propres a été analysée par R. Hamada (1972), « The Effect of the
Firm’s Capital Structure on the Systematic Risk of Common Stocks », Journal of Finance 27(2), 435-452, et par
M. Rubinstein (1973), « A Mean-Variance Synthesis of Corporate Financial Theory », Journal of Finance 28(1),
167-181.
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Problème
En juin 2009, Cisco Systems a une capitalisation boursière de 114,8 milliards de dollars.
Sa dette est de 10,3 milliards de dollars. L’entreprise détient par ailleurs 33,6 milliards
de dollars de disponibilités. Le bêta de ses actions est de 1,27 et celui de sa dette est
nul. Quelle est la valeur de marché de l’actif économique de Cisco ? Avec un taux sans
risque de 4 % et une prime de risque de marché de 5 %, quel est son coût du capital à
endettement nul ?
Solution
La dette nette de Cisco est de 10,3 – 33,6 = –23,3 milliards de dollars. La valeur de l’actif
économique est donc de 114,8 – 23,3 = 91,5 milliards de dollars.
Avec un bêta nul pour la dette, le bêta de l’actif économique de Cisco est de :
VCP VD 114,8 –23,3
βU = β + β = ×1,27 + × 0 = 1,59
VCP + VD CP VCP + VD D 91,5 91,5
Le coût du capital à endettement nul de l’entreprise est donc de rU = 4 % + 1,59 × 5 % =
11,95 %. Les disponibilités de l’entreprise réduisent par conséquent le risque porté par les
actionnaires, ce qui explique que les actions Cisco soient moins risquées que ses actifs.
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Le bénéfice par action a donc augmenté avec la dette9, ce qui semble positif pour les
actionnaires. Toutefois, les titres ont été évalués à leur juste prix et la proposition 1 de Modi-
gliani-Miller établit que les opérations financières ont une VAN nulle et ne profitent pas aux
actionnaires. Comment concilier ces éléments apparemment contradictoires ?
La réponse réside dans la modification du risque supporté par les actionnaires, qui n’a pas
été prise en compte pour l’instant. Pour corriger cet oubli, il faut étudier l’effet de la dette
sur le bénéfice par action. Si le résultat d’exploitation est de 4 millions d’euros, en l’absence
d’endettement, le BPA est de 0,4 € (4 millions d’euros pour 10 millions d’actions). Avec
l’endettement, un résultat d’exploitation de 4 millions signifie que le résultat net n’est que
de 4 – 1,2 = 2,8 millions d’euros, soit un BPA de 0,35 € (2,8 millions d’euros pour 8 millions
d’actions). Lorsque le résultat d’exploitation est faible, l’effet de la dette sur le BPA ampli-
fie la baisse. Comme l’illustre la figure 14.2, si le résultat d’exploitation dépasse 6 millions
d’euros, le BPA de l’entreprise endettée est supérieur à celui de l’entreprise non endettée.
9. Plus généralement, le levier accroît le BPA anticipé lorsque le coût de la dette après impôt est plus faible que le BPA
anticipé divisé par le prix de l’action (soit l’inverse du PER anticipé). C’est le cas ici, puisque BPA / P = 1 / 7,5 =
13,3 % et rD = 8 %.
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Inversement, quand le résultat d’exploitation est inférieur à 6 millions, le BPA est plus
faible lorsque l’entreprise est endettée. Enfin, quand le résultat d’exploitation est inférieur à
1,2 million (le montant des intérêts annuels), le BPA est même négatif.
Le BPA de LVI s’accroît avec l’endettement, mais le risque augmente également : à la
figure 14.2, la pente de la droite reliant le résultat d’exploitation au BPA est plus forte lorsque
l’entreprise est endettée. Cela signifie que le BPA de l’entreprise endettée est plus sensible
à une variation du résultat d’exploitation. Au final, la proposition 1 de Modigliani-Miller
est vérifiée : le BPA augmente en moyenne avec l’endettement, mais cet accroissement est
la conséquence du risque supplémentaire pris par les actionnaires. L’endettement produit
donc une hausse du BPA sans hausse correspondante du cours de Bourse.
Bénéfice
par action (€)
2,4
2,2
2,0
1,8 BPA de l’entreprise
endettée
1,6
1,4
1,2 BPA de l’entreprise
non endettée
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
- 0,2
Résultat d’exploitation (millions d’euros)
La sensibilité du BPA au résultat d’exploitation est plus forte pour les entreprises endettées que pour les entreprises
non endettées. Si le risque économique de l’actif est identique, le BPA d’une entreprise endettée est plus volatil.
Puisque le bénéfice par action, et donc le PER, sont influencés par le taux d’endettement,
il n’est pas possible de mener des comparaisons entre entreprises dès que leurs structures
financières sont différentes. C’est la raison pour laquelle la plupart des analystes financiers
fondent leurs calculs sur des mesures de performance et des multiples de valorisation qui
reposent sur le résultat avant déduction des charges d’intérêts. Ainsi, lorsqu’on cherche à
comparer deux entreprises dont les structures financières sont différentes, utiliser le rapport
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Modigliani-Miller et BPA
Exemple 14.9
Problème
Le résultat d’exploitation de LVI sera stable pendant les prochaines années ; le résultat
net est intégralement distribué aux actionnaires. Quelle sera la réaction du cours de
Bourse de LVI à l’annonce d’une augmentation anticipée de son BPA ?
Solution
En l’absence de dette, le BPA espéré, et donc le dividende, est de 1 € par an. Le prix d’une
action est de 7,5 €. Il est possible de calculer le coût du capital à endettement nul rU de
LVI grâce à la formule de la rente perpétuelle :
Div BPA 1
P = 7, 5 = = =
rU rU rU
On obtient rU ∫ 1 / 7,5 = 13,33 %. La valeur de marché à endettement nul de LVI est
de 7,5 € × 10 = 75 millions d’euros. Si LVI s’endette pour racheter 2 millions d’actions
(15 millions d’euros), alors, d’après la proposition 1 de Modigliani-Miller, la valeur
résiduelle des capitaux propres est de 75 – 15 = 60 millions d’euros. Si on utilise la pro-
position 2 de Modigliani-Miller, le coût des capitaux propres de l’entreprise endettée
est :
V 1
rCP = rU + D ( rU − rD) = 13, 33 % + (13, 33 % − 8 %) = 14,, 66 %
VCP 4
Avec un BPA maintenant égal à 1,1 €, le prix de l’action devient :
BPA 1,1
P= = = 7, 5 €
rCP 14, 66 %
Même si le BPA a augmenté, les actionnaires exigent une rémunération plus élevée, car
les actions sont plus risquées à cause de l’augmentation de la dette. Ces effets se com-
pensent et le prix de l’action ne change pas.
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Air Sud est une compagnie aérienne qui propose des vols vers l’Afrique. Air Sud n’a aucune
dette et ses capitaux propres sont composés de 500 millions d’actions, chacune valant 16 €.
Il y a un mois, l’entreprise a annoncé qu’elle voulait acheter de nouveaux avions. Leur coût
est de 1 milliard d’euros ; ils seront financés par émission d’actions. Quelle est la réaction du
cours de Bourse à cette augmentation de capital ?
Avant l’opération, la capitalisation boursière, et donc la valeur des actifs de l’entreprise,
est de 500 millions × 16 € = 8 milliards d’euros. La décision d’acheter des avions ayant été
préalablement annoncée, cette valeur intègre déjà la VAN supplémentaire du projet. Si Air
Sud émet 62,5 millions d’actions nouvelles, au prix de 16 €, pour lever 1 milliard d’euros,
deux choses se produisent. Premièrement, la valeur de marché des actifs augmente de 1 mil-
liard d’euros. Deuxièmement, le nombre d’actions augmente, à 562,5 millions. Le prix des
actions ne change pas : 9 milliards d’euros divisés par 562,5 millions d’actions donnent
toujours 16 € par action.
En généralisant, si l’entreprise vend les actions nouvelles à leur juste prix, il n’y a aucune
création de valeur pour les actionnaires : les capitaux levés par l’entreprise compensent exac-
tement la dilution subie par les actionnaires. Les gains ou les pertes liés à l’augmentation de
capital ne viennent donc que de la VAN des projets financés par les capitaux levés.
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Résumé
1. Les différents titres émis par une entreprise pour lever des capitaux constituent sa
structure financière.
2. Les marchés de capitaux sont dits parfaits s’ils satisfont trois à conditions :
a. Les agents économiques (investisseurs et entreprises) peuvent acheter ou vendre les
mêmes titres, à des prix égaux à la valeur présente de leurs flux de trésorerie futurs
espérés.
b. Il n’y a ni impôts, ni coûts de transaction, ni frais associés à l’émission de titres.
c. Les décisions de financement de l’entreprise ne modifient pas les flux de trésorerie
provenant des investissements de l’entreprise et ne révèlent aucune information à
leur propos.
3. La proposition 1 de Modigliani-Miller établit que, sous l’hypothèse de perfection
des marchés de capitaux, la valeur de l’entreprise est indépendante de sa structure
financière. Autrement dit, il n’existe pas de structure financière optimale.
a. Le levier synthétique est un parfait substitut à l’endettement de l’entreprise.
b. Si deux entreprises identiques en tout point ont des structures financières diffé-
rentes et des valeurs différentes, la Loi du prix unique n’est pas vérifiée et une op-
portunité d’arbitrage existe.
4. Le bilan en valeur de marché d’une entreprise permet de montrer que la valeur de mar-
ché de ses actifs est égale à la valeur de marché de son passif. Une modification de la
structure financière de l’entreprise influence la répartition de la valeur entre investis-
seurs, mais pas sa valeur totale.
5. Une entreprise peut modifier sa structure financière n’importe quand, il lui suffit
d’émettre de nouveaux titres et d’utiliser les capitaux obtenus pour racheter d’anciens
titres. La proposition 1 de Modigliani-Miller établit que ces opérations ne sont pas
créatrices de valeur.
6. D’après la proposition 2 de Modigliani-Miller, le coût des capitaux propres d’une entre-
prise endettée est :
VD
rCP = rU + (r − r )
VCP U D
(14.5)
7. La dette est moins risquée que les actions ; le coût de la dette est donc plus faible que
celui des capitaux propres. Mais l’endettement augmente les risques pris par les action-
naires, ce qui a pour effet d’accroître la rentabilité qu’ils exigent, et donc le coût des
capitaux propres. Si les marchés sont parfaits, ces deux phénomènes se compensent et
le CMPC est insensible à la structure financière de l’entreprise :
VCP VD
rCMPC = rU = rA = rCP + r (14.6), (14.7)
VCP + VD VCP + VD D
8. Le risque systématique des actifs de l’entreprise peut être estimé à l’aide du bêta à endet-
tement nul, ou bêta désendetté :
VCP VD
βU = β CP + β (14.8)
VCP + VD VCP + VD D
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c. Quelle est la rentabilité anticipée par les actionnaires après versement du dividende ?
5. L’entreprise ABC n’a pas de dettes, tandis que XYZ est endettée à hauteur de 5 000 €
(taux d’intérêt annuel : 10 %). Les deux entreprises ont des flux de trésorerie dispo-
nibles égaux, de 800 € ou 1 000 € par an en fonction de la conjoncture. L’intégralité des
flux de trésorerie disponibles (le cas échéant après paiement des créanciers) est utilisée
pour verser des dividendes. Il n’y a pas de fiscalité.
a. Remplissez le tableau ci-dessous.
b. Julie possède 10 % des actions d’ABC. Quel autre portefeuille lui procurant les
mêmes flux de trésorerie pourrait-elle détenir ?
c. Délia possède 10 % des actions de XYZ. Quel autre portefeuille lui procurant les
mêmes flux de trésorerie pourrait-elle détenir (en supposant qu’il est possible
d’emprunter au taux de 10 %) ?
6. Alpha et Omega ont un actif et des flux de trésorerie identiques. Alpha n’a aucune dette
et a émis 10 millions d’actions valant chacune 22 €. Omega a émis 20 millions d ’actions
et a 60 millions d’euros de dette.
a. Quelle est, d’après la proposition 1 de Modigliani-Miller, le prix d’une action
Omega ?
b. Si le prix d’une action Omega est de 11 €, existe-t-il une opportunité d’arbitrage ?
Laquelle ? Quelles sont les hypothèses nécessaires pour qu’il soit possible d’en tirer
profit ?
7. Cisoft est une entreprise à fort potentiel de croissance. Les disponibilités de l’entreprise
sont de 5 milliards d’euros. Elle décide de les utiliser pour racheter des actions, et l’a
annoncé à ses actionnaires. Cisoft n’a aucune dette, a émis 5 milliards d’actions, d’une
valeur unitaire de 12 €. L’entreprise a également émis des stock-options, offertes aux
salariés les plus méritants. Ces stock-options ont une valeur de marché de 8 milliards
d’euros.
a. Quelle est la valeur de marché de l’actif net de Cisoft (c’est-à-dire hors disponi
bilités) ?
b. Sur un marché des capitaux parfait, quelle est la valeur de marché des actions après
le rachat d’actions ? Quel est le prix d’une action ?
8. Varde est une entreprise industrielle, avec 100 millions d’actions et une capitalisation
boursière de 4 milliards d’euros. Sa dette est de 2 milliards d’euros. Le dirigeant de l’entre
prise décide de réduire à zéro la dette de l’entreprise en émettant pour cela de nouvelles
actions.
a. Combien d’actions nouvelles l’entreprise doit-elle émettre ?
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b. Vous êtes un actionnaire qui détient 100 actions et vous n’êtes pas d’accord avec la
décision prise. Sous l’hypothèse de perfection des marchés financiers, que pouvez-
vous faire ?
9. Zetatron n’a pas de dette ; son capital est constitué de 100 millions d’actions de prix
unitaire 7,5 €. Il y a un mois, l’entreprise a annoncé une modification de sa structure
financière : emprunt à court terme de 100 millions d’euros, emprunt à long terme de
100 millions d’euros et émission d’actions préférentielles pour une valeur de 100 mil-
lions d’euros. Ces 300 millions, plus 50 millions d’euros de liquidités que l’entreprise
possède, vont être utilisés aujourd’hui même pour racheter des actions existantes. Les
marchés sont supposés parfaits.
a. Quelle est la taille (en valeur de marché) du bilan de l’entreprise avant l’opération ?
Après endettement et avant rachat des actions ? Après le rachat ?
b. Après l’opération, combien d’actions seront en circulation ? À quel prix ?
10. Pourquoi cette affirmation est-elle fausse : « Si une entreprise émet des titres de dette
sans risque, les créanciers ne courent aucun risque. Le risque des actions ne change
donc pas. Ainsi, le coût moyen pondéré du capital de l’entreprise baisse, car le coût de
la dette est inférieur au coût des capitaux propres » ?
11. Considérons l’entrepreneur de la section 14.1 (tableaux 14.1 à 14.3). S’il emprunte 750
et non 500 € :
a. Combien valent les actions de l’entreprise (proposition 1 de Modigliani-Miller) ?
Quels sont les flux de trésorerie dont bénéficient les actionnaires dans les différents états
de la nature ? Quelles sont les rentabilités, effective et espérée, des capitaux propres ?
b. Quelle est la prime de risque des actions ? Quelle est la sensibilité de la rentabilité des
actions de l’entreprise endettée au risque systématique ? Comparez ces deux résultats
à ceux obtenus pour une entreprise non endettée.
c. Quel est le levier de l’entreprise ? Calculez le CMPC de l’entreprise.
12. Hardemon n’a aucune dette et une espérance de rentabilité de 12 %. Hardemon prévoit
de s’endetter pour racheter des actions.
a. Si l’endettement permet d’atteindre un levier de 0,5, le taux d’intérêt est de 6 %.
Quelle sera la rentabilité espérée des capitaux propres après la transaction ?
b. Si Hardemon vise un levier de 1,5, le risque augmente et le taux d’intérêt sur la dette
également, à 8 %. Quelle sera la rentabilité espérée des capitaux propres ?
c. Un administrateur de l’entreprise affirme que l’intérêt des actionnaires est de choisir
la structure financière qui maximise la rentabilité espérée des actions. Qu’en penser ?
13. Supposons que Microsoft n’ait pas de dette et que son coût du capital soit de 9,2 %. Le
taux d’endettement moyen des entreprises du secteur informatique est de 13 % ; le taux
d’intérêt est de 6 %. Quelle serait la rentabilité exigée par les actionnaires de Microsoft si
l’entreprise avait la même structure financière que la moyenne du secteur ?
14. Global Pistons (GP) a émis des actions dont la valeur de marché est de 200 millions d’eu-
ros et s’est endettée à hauteur de 100 millions d’euros. Le coût des capitaux propres est
de 15 %, le taux d’intérêt sur la dette de 6 %. Les marchés de capitaux sont parfaits.
a. Si GP émet 100 millions d’euros d’actions pour rembourser sa dette, quelle est la
rentabilité espérée des actions après l’opération ?
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c. Quel est le BPA espéré de l’entreprise après l’opération ? Ce changement est-il profi-
table aux actionnaires ?
d. Quel est le PER anticipé après l’opération ? Cela semble-t-il raisonnable ?
21. Simon est P-DG d’une entreprise à fort potentiel de croissance. Il souhaite lever
180 millions d’euros pour investir. Il peut choisir d’émettre des actions ou de s’endetter.
Ces investissements devraient produire 24 millions d’euros de bénéfices l’année pro-
chaine. L’entreprise a émis 10 millions d’actions qui valent chacune 90 €.
a. En procédant à une augmentation de capital, quel est le BPA anticipé pour l’année
prochaine ?
b. Même question si le financement du projet repose exclusivement sur un endettement
au taux de 5 %.
c. Quel est le PER anticipé dans les deux cas ? D’où provient la différence ?
22. Zelnor est une entreprise financée exclusivement par capitaux propres. Elle a émis
100 millions d’actions qui s’échangent actuellement à 8,5 €. Zelnor décide de distri-
buer gratuitement à ses salariés 10 millions d’actions nouvelles. L’entreprise pense que
cela contribuera à inciter les salariés à être plus efficaces, et que c’est une forme de
rémunération optimale du point de vue de l’entreprise, car, à la différence de primes,
cela ne coûte rien à l’entreprise.
a. Si le plan de distribution d’actions gratuites n’a aucun effet sur la valeur des actifs
de l’entreprise, quel sera le prix des actions de l’entreprise après qu’il aura eu lieu ?
b. Quel est le coût de ce plan pour les actionnaires de l’entreprise ? Pourquoi l’émission
d’actions impose-t-elle un coût aux actionnaires ?
Étude de cas
Travaillant à la direction financière de Renault, vous êtes chargé(e) d’analyser la structure
financière de l’entreprise. En particulier, votre supérieur pense qu’une modification du taux
d’endettement de Renault serait créatrice de valeur pour les actionnaires. Vous raisonnez
comme si les marchés étaient parfaits. Votre objectif est de calculer le coût moyen pon-
déré de l’entreprise pour différentes structures financières. Vous analyserez en particulier
deux scénarios : (i) Renault accroît son endettement de 1 milliard d’euros pour racheter
des actions. (ii) Renault émet des actions à hauteur de 1 milliard d’euros pour réduire son
endettement. On suppose que le coût du capital à endettement nul rU de Renault est de 8 %.
1. La première étape est d’obtenir les états financiers (bilan et compte de résultat simplifiés)
du dernier exercice de Renault, disponibles sur le site web de l’entreprise10 (rubrique
Finance / Documents & présentations / Comptes consolidés).
2. Il est nécessaire de disposer du cours de Bourse des actions Renault ainsi que du nombre
d’actions en circulation. Les données se trouvent sur Yahoo! Finance ou sur Boursorama.
3. Il faut disposer du coût de la dette de l’entreprise rD. Renault faisant coter la quasi-totalité
de ses obligations en euros sur la Bourse de Luxembourg, l’information se trouve facile-
ment sur le site web www.bourse.lu/Accueil.jsp. Il faut faire une recherche d’entreprise,
10. www.renault.com.
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accepter les conditions d’utilisation du site, puis regarder le taux de rentabilité actuariel
d’une obligation Renault d’échéance moyenne, par exemple dix ans (attention à bien
prendre une obligation à taux fixe !).
4. Calculez le levier en valeur de marché de Renault. Pour simplifier, on suppose que la
valeur de marché de la dette est égale à sa valeur comptable (attention, il s’agit de la dette
nette).
5. Calculez le coût des capitaux propres de l’entreprise endettée rCP . Quelle est la valeur de
marché de l’entreprise ?
6. Calculez le CMPC de Renault.
7. Répondez aux questions 5 et 6 pour chacun des deux scénarios envisagés (pour simplifier,
on fera l’hypothèse que le coût de la dette ne change pas car les modifications apportées
à la structure financière sont mineures ; pour plus de détails sur le lien entre taux d’en-
dettement et coût de la dette, voir chapitre 24). Quel est le levier de Renault dans chacun
des scénarios ?
8. Rédigez une courte note expliquant, d’après vos calculs, la relation entre la structure
financière et le coût du capital de Renault.
9. Quelles sont les hypothèses sous-jacentes qui expliquent les résultats de la question 7 ?
Quels seraient vos résultats dans « le monde réel » ?
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