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Oral d’Histoire

Sujet: Le système de caste et ses conséquences sociales et politiques


Inde
Fin XV - fin XVIII siècle

Intro

Amorce: Le système de castes de l'Inde est l'une des plus anciennes formes de stratification
sociale ( il serait vieux de plus de 3 000 ans) et également une des plus complexes, ayant
survécu au fil des ans. Ce système est toujours en application aujourd’hui dans plusieurs
régions d’Inde.

Sujet: Le système de caste et ses conséquences sociales et politiques

Def: On associe souvent les castes en Inde au modèle des quatre "varna" (ou "couleurs") du
système brahmanique : les Brahmanes (prêtres), les Kshatriyas (guerriers), les Vaishyas
(commerçants), et enfin les Shudras (travailleurs manuels) auxquels s'ajoutent les Dalits
(hors-castes ou Intouchables). Ce système de castes sépare donc à la fois les différents
types de professions, mais également les ethnies et les lignages. Car ces derniers vont
également avoir une importance dans l’organisation des castes.
Ce découpage a donc eu des conséquences tant sociales que politiques sur la vie des
indiens.
Le découpage géographique se limite donc à l’Inde, un pays d’Asie de l’Est, frontalier avec
le Pakistan, la Chine, le Népal et le Bangladesh.
Pour le découpage chronologique on se situera dans l’époque moderne c’est-à-dire de la fin
du XV à la fin du XVIII.
On peut rappeler que les frontières de l’Inde à l’époque moderne ne sont pas les mêmes
que celles de l’Inde actuelle. La partie à l’Est du Bangladesh n’appartient pas à l’Inde vers
1475. Ou qu' une partie du Pakistan actuel appartenait à l’Inde en 1519.

Pb:

Plan: I Une société de caste


II Des conséquences sociales
III Des conséquences politiques
I Une société de castes

La société indienne est divisée en un système de castes, c’est-à-dire en catégories de population


permettant de classer les individus selon leurs origines. Ce système de division vient de l’hindouisme
et entraîne des inégalités plus ou moins importantes au sein de la population.

A) Origine des castes en Inde

1 Explications anciennes. – Les premiers analystes de la caste entendent souvent


dépasser le caractère apparemment particulier de celle-ci pour mettre l’accent sur certains
traits qui nous sont familiers. Une des approches les plus connues est sans nul doute celle
de Risley, un fonctionnaire britannique qui soutint que l’origine de la caste est raciale et,
selon lui, la hiérarchie des castes n’est qu’une hiérarchie des races. Par diverses analyses
anthropométriques, il dégagea une corrélation entre la largeur du nez et le statut social : ce
dernier serait inversement proportionnel à la largeur du nez. Plus on descend dans la
hiérarchie sociale, plus le nez est plat alors que le nez aquilin ne se trouve que dans les
castes supérieures. La hiérarchie des castes n’était donc qu’une manière de distinguer et
d’intégrer les différentes races qui composent la nation indienne. Les recherches ultérieures
n’ont jamais confirmé les résultats très (trop) clairs obtenus par Risley et les analyses
récentes tendent, au contraire à montrer que les castes ne présentent pas des types
physiques uniformes et nettement distincts les uns des autres. Nestfield, un autre
fonctionnaire, contesta, dès 1885, la théorie de Risley pour affirmer, au contraire, que
l’origine du système était professionnelle. Les gens engagés dans la même profession se
sont rassemblés et cette association professionnelle s’est petit à petit transformée en
organisation sociale. Tout en critiquant les théories de Nestfield et Risley, le sanskritiste
français Émile Senart va, quant à lui, souligner la continuité qui existe entre les diverses
institutions indo-européennes et considérer que la caste n’est que l’expression indienne
d’une institution qui existait préalablement à l’arrivée des envahisseurs indo-européens sur
le sol indien. Le système des castes, poursuit Senart, nous rappelle la gens ou la tribu que
l’on trouve dans la Rome antique et la caste n’est pour lui que l’extension de la famille.

Ces quelques explications, parmi d’autres, tentent de trouver le fondement de la caste dans
une de ses caractéristiques. L’endogamie, la spécialisation professionnelle ou l’exclusivisme
sont, tour à tour, invoqués comme ayant mené à la caste. Ainsi que Hocart le montrera plus
tard, ces théories tendent toutes à sous-estimer le facteur religieux. Mais ce qui est plus
grave sans doute, c’est qu’elles privilégient un aspect de la caste aux dépens des autres. De
surcroît, bon nombre de ces auteurs ne se contentaient pas de saisir l’essence de la caste,
mais ils entendaient aussi donner un fondement historique à leur théorie en arguant que la
caste s’était historiquement développée à partir du trait qu’ils avaient mis en exergue. Or
leur hypothèse est, au mieux, plausible, mais, à l’image des théories évolutionnistes du XIXe
siècle, leur histoire reste conjecturale, elle repose sur des reconstructions hypothétiques et,
à ce titre, elle ressemble un peu, pour reprendre les termes d’Evans-Pritchard, à ces
histoires qui nous content pourquoi la peau des léopards est tachée.

2 Une explication récente. – En raison de ces problèmes, la question de l’origine des


institutions a d’une manière générale été quelque peu délaissée par les ethnologues
contemporains. Elle n’en demeure pas moins une énigme et un sociologue de renom a
récemment écrit un ouvrage qui est, pour une bonne part, consacré à l’origine de la caste.
Selon Baechler, l’Inde traditionnelle se caractérisait à la fois par une unité culturelle et une
absence de pouvoir capable d’imposer quelque orthodoxie que ce fût. Le système des
castes est alors la solution élégante, inventée par les Brahmanes, pour résoudre cette
carence politique. Il n’y avait en Inde ni empire, ni royaume qui eût pu donner à la société la
cohérence et la cohésion que la tribu n’assurait plus. Or les hommes ne peuvent vivre sans
cohérence ni cohésion et le régime des castes est justement la solution du problème de
survie sociale posé par la carence de l’empire et du royaume. Si les Indiens ont choisi cette
solution, c’est, poursuit Baechler, parce qu’il n’y en avait pas d’autres. Le système des
castes est avant tout un problème de morphologie sociale.

Cette insistance sur l’aspect sociopolitique ne manque pas d’intérêt et elle a le mérite de
réintroduire le politique dans l’analyse d’une société dont les analystes ont surévalué
l’aspect religieux. Contrairement à Bouglé, et partant à Dumont, Baechler refuse, en effet, de
considérer le système comme fondé religieusement. Il y voit d’abord une question de
morphologie sociale qui peut très bien se passer de référence aux notions d’impureté : les
Pariahs seraient, sans doute, tout autant méprisés en l’absence d’une idéologie religieuse. Il
n’y a pas de lien génétique entre la religion et le système des castes, le sens religieux,
écrit-il, ne mène pas directement à la hiérarchie. Baechler se place dans une perspective
historique, en tout cas diachronique, et il recherche les causes du système des castes. Il a,
sans doute, raison de dire que la religion indienne ne contient pas des traits spécifiques qui
ont mené au développement spontané et endogène du système des castes. Mais là n’est
pas vraiment le souci de Bouglé ou de Dumont qui se bornent à constater que l’idéologie du
pur et de l’impur est bel et bien présente, quelle que soit son inéluctabilité historique.

L’auteur lui-même reconnaît le caractère hypothétique de sa théorie qu’il considère comme


plus vraisemblable que vraie. Nous sommes un peu gêné par l’espèce d’inéluctabilité des
événements qui semble se dégager des propos de l’auteur : il fallait que les choses se
passent ainsi, il n’y avait pas d’autres solutions. Une reconstruction a posteriori est
évidemment sûre d’arriver au bon résultat, mais on peut avoir des doutes quant au caractère
quasiment prédéterminé de l’Histoire. Baechler postule en outre que l’Inde est une unité
préalable, qu’il convient de gouverner. On peut se demander s’il ne prend là l’effet pour la
cause. L’unité de l’Inde est, pour une bonne part, le fruit de la société des castes et il existe
en Inde une diversité culturelle suffisante pour conduire à l’existence de plusieurs nations.
Baechler sous-estime les différences entre les peuples et les régions qui constituent l’Inde.
Enfin, une institution aussi complexe que la caste n’est pas le fruit d’une décision consciente
et rationnelle prise un jour par des Brahmanes réunis en quelque assemblée et acculés à
choisir cette solution.
3 Les ordres sociaux définis des Indo-Aryens à l’époque védique, vers 1750-500 avant
J.-C. Le Véda était un recueil d’anciennes écritures, écrites en langue sanskrite, qui
contenaient des hymnes, des philosophies et des rituels transmis aux prêtres de la religion
védique. L’un de ces quatre textes canoniques sacrés, le Rig-Veda, décrit les origines du
monde et indique les dieux pour l’origine du système de castes.
Les castes étaient une forme de stratification sociale dans l’Inde aryenne caractérisée par la
transmission héréditaire du mode de vie, de l’occupation, du statut rituel et du statut social.
Ces distinctions sociales ont peut-être été plus fluides dans les anciennes civilisations
aryennes que dans l’Inde moderne, où les castes existent toujours, mais les sociologues
observent que les mariages entre castes et les interactions deviennent plus fluides et moins
rigides.
Une équipe internationale, indienne, européenne et américaine, a confirmé cette théorie à l’aide
de la génétique. Les chercheurs ont analysé l’ADN de 265 Indiens, appartenant aux différentes
castes, et l’ont comparé à celui d’hommes européens, africains, asiatiques et indiens.
Du côté de l’ADN hérité de la mère, les similitudes génétiques avec les Européens sont plus
fréquentes dans les hautes castes. Ces similitudes sont encore plus fortes du côté de l’ADN hérité
du père. Il est donc vraisemblable que les hommes d’origine aryenne se soient placés aux postes
les plus élevés et se soient mariés avec des femmes des plus hauts rangs sociaux. Ces résultats ont
été publiés dans la revue Genome Research.

B) Définition(s) des castes en Inde

Nous pouvons maintenant en arriver à la définition de la caste, ou peut-être faudrait-il parler de «


définitions » car il en existe de multiples. On peut regrouper celles-ci en deux catégories. D’une
part, on en trouve qui visent à étudier la caste dans une perspective comparative et elles mettent
généralement l’accent sur la caste comme groupe de statut. D’autres, par contre, entendent
mettre en valeur l’originalité du système indien et considèrent dès lors la caste du point de vue
des valeurs qui la fondent. Les premières sont plus générales, les secondes plus spécifiques.
Ces deux solutions nous paraissent avoir leur utilité : il n’est pas inutile de montrer l’originalité du
système indien, cela va de soi, mais, dans le même temps, il faut constater aujourd’hui que
l’évolution récente de la société indienne a creusé l’écart entre l’institution contemporaine et une
définition détaillée. La caste indienne est, dès lors, plus proche aujourd’hui de la définition plus
générale.

Parmi les définitions plus spécifiques, on peut reprendre celle de Srinivas qui voit la caste
comme un groupe localisé, héréditaire et endogame, associé à un métier et occupant une
position particulière dans la hiérarchie. Les relations entre castes, poursuit l’ethnologue indien,
sont gouvernées par les concepts de pollution et de pureté qui régissent notamment les règles
de commensalité. Cette définition n’est pas tellement éloignée de celle que proposait Bouglé
selon lequel la caste comprend trois caractéristiques essentielles : la spécialisation héréditaire, la
répulsion (avec pour corollaire l’endogamie) et la hiérarchie. Bouglé considère qu’une société est
soumise à ce « régime » si elle est divisée en un grand nombre de groupes héréditairement
spécialisés, hiérarchiquement superposés et mutuellement opposés. Les deux points de vue se
rejoignent sur l’essentiel : accent sur l’endogamie, la spécialisation héréditaire, la hiérarchie et le
caractère systémique. Nous pouvons à présent passer ces caractéristiques en revue, mais il
nous faut préalablement noter que la plupart de ces traits ne sont plus vraiment opérationnels
aujourd’hui. Autrement dit, si nous pensons que les castes sont encore des castes, il convient de
revoir notre définition. Avant d’en arriver là, passons en revue les traits essentiels de cette
première tentative de définition qui nous permet de considérer les choses telles qu’elles sont été
avant les transformations contemporaines.

1. Spécialisation héréditaire. – La caste est traditionnellement associée à un métier ou, du


moins, à une tâche rituelle précise. C’est ainsi que l’on rencontre, nous l’avons dit, des castes de
forgerons, de blanchisseurs, de balayeurs, de tanneurs, de barbiers et bien sûr de paysans, la
liste étant ainsi loin d’être close. Nous examinerons dans un chapitre ultérieur les rapports
complexes qui existent entre les castes et leur métier ; il nous suffira ici de noter que,
traditionnellement, tous les blanchisseurs appartenaient à une caste de blanchisseurs, les
tanneurs à une caste de tanneurs, les charpentiers à une caste de charpentiers et ainsi de suite.
Le contraire est un peu moins vrai : tous les membres d’une caste de menuisiers ne travaillent
pas forcément le bois et de nombreux membres des castes spécialisées pratiquent l’agriculture
comme activité principale. Avec l’apparition des professions modernes, cette adéquation entre
caste et profession a encore perdu une partie de sa consistance ; il n’y a bien entendu pas de
caste de pilotes d’avion, ni non plus de caste d’ouvriers d’usines et les membres de ces
professions se recrutent dans diverses castes. Mais ils n’en continuent pas moins d’appartenir à
la caste de leurs ancêtres et parfois même d’exercer certaines tâches rituelles qui incombent
traditionnellement aux membres de leur caste. De plus, dans la société contemporaine, les
professions traditionnelles continuent d’être exercées par les membres de certaines castes, à
l’exclusion de toutes autres. Enfin la plupart des castes sont liées à une profession.
7

Traditionnellement, la plupart des menuisiers appartiennent à la caste des menuisiers même si,
au cours des dernières décennies, on note de ce point de vue certains changements, notamment
ceux qui sont dus à la mobilité sociale : au Karnataka, par exemple, les artisans n’appartiennent
souvent plus à la caste liée à ces métiers1. Plus profondément, en dehors sans doute des castes
de paysans, la plupart des membres d’une caste n’exercent plus aujourd’hui la profession
traditionnelle : l’agriculture est pratiquée par beaucoup ainsi que l’exemple de Rampura, exposé
ci-dessous, nous le montrera. Mais la diversification des professions liées à la modernité a
transformé l’interdépendance entre les castes en concurrence. Toutes aspirent aujourd’hui à une
vie meilleure et la lutte pour les emplois enviables est même devenue l’enjeu crucial des luttes
de castes. On peut même dire que la raison d’être des associations de castes réside dans cette
volonté d’accès au secteur organisé de l’économie.

2. Répulsion. – Le caractère héréditaire de cette profession se voit encore renforcé par


l’endogamie, une autre caractéristique essentielle de la caste. En d’autres termes, le mariage
unit, quasi universellement, deux personnes appartenant à la même caste. Les seules
exceptions à cette règle concernent les unions hypergamiques qui unissaient un jeune fille à un
garçon d’un groupe supérieur. Ces unions hypergamiques intercastes tendent à être plus rares
aujourd’hui et la persistance, voire le renforcement, de l’endogamie de la caste en cette fin de
XXe siècle reflète bien la vitalité de cette institution. Sans que l’on dispose de statistiques
précises à ce sujet, il est certain que l’immense majorité des mariages continuent, aujourd’hui
encore, d’être endogames et cela dans toutes les classes de la société. Les mariages
intercastes restent rares et les caste no bar que l’on peut lire dans certaines annonces
matrimoniales de la presse anglophone ne concernent qu’une infime portion des mariages.
9

Les jeunes mariés appartenant à la même caste, il en va de même de leur progéniture. Cela
signifie aussi que la caste est un « groupe fermé » auquel on accède à la naissance et à la
naissance seulement. Hormis quelques rares exceptions, la seule façon d’appartenir à une caste
est donc de naître de parents membres de cette caste et une personne reste membre de sa
caste toute la vie. Il existait dans le passé des procédures d’excommunication, le plus souvent
temporaires. Gandhi lui-même avait été excommunié de sa caste pour s’être rendu en Angleterre
et avoir ainsi bravé l’interdiction de traverser la mer, mais les mesures d’excommunication
semblent bien moins fréquentes aujourd’hui. La plupart des Indiens meurent dans cette caste qui
les a vus naître. L’endogamie permet ainsi de préserver la caste des dangers de l’extérieur car
tous les membres d’une même caste sont censés partager une substance commune.

Le terme même de jati, le plus usité pour désigner les castes, signifie quelque chose comme «
espèce ». Un charpentier de Kangra explique ainsi que les castes sont comme des espèces de
bois et que le sang des membres d’une caste est différent de celui des autres castes.
Pareillement, les Vellalar du Tamil Nadu considèrent que les membres d’une caste partagent une
substance commune qui est incompatible avec d’autres. L’endogamie et la peur de toute
contamination extérieure qui y est liée conduisent à un certain exclusivisme, à une séparation
entre les castes. Tous les membres d’une caste se considèrent comme différents des membres
des autres castes. Les relations de parenté se cantonnent donc à l’intérieur de la caste.

Les différentes castes évitent non seulement toute relation matrimoniale avec d’autres castes,
mais elles s’appliquent aussi à maintenir une certaine distance sociale vis-à-vis de ces dernières.
Ainsi, les membres d’une caste refusent de consommer de la nourriture préparée par d’autres
castes ; souvent ils n’acceptent de boire l’eau que des membres de certaines castes et excluent
tout contact social avec les membres des castes inférieures et particulièrement avec les
intouchables qui se situent tout au bas de l’échelle sociale. Par rapport aux autres
caractéristiques, celle-ci est la plus tenace et celle qui a le mieux résisté à la modernisation de la
vie sociale. C’est pourquoi nous la tenons pour essentielle

3. Hiérarchie. – Les deux premiers traits conduisent naturellement au troisième. En effet, un


groupe qui est à la fois spécialisé et fermé ne peut vivre en autarcie, mais il requiert l’existence
d’autres groupes qui sont spécialisés dans les diverses tâches nécessaires à la bonne marche
de la société. Une caste de blanchisseurs ne peut vivre sans des paysans pour les rémunérer et
ces derniers ont besoin des charpentiers pour entretenir leurs charrues et charrettes.
L’interdépendance entre ces groupes est alors une autre caractéristique essentielle du système
des castes. En mettant fortement l’accent sur l’endogamie, de nombreux auteurs ont négligé
l’importance des relations intercastes, c’est-à-dire l’interdépendance entre les diverses
composantes de la société. Une caste n’existe donc pas en elle-même, elle fait partie de ce que
Bouglé appelle un « régime », Dumont et les ethnologues contemporains un « système ».
II Des conséquences sociales

Fonctionnement de la société de castes en Inde

Les classes, appelées varnas, ont imposé des divisions dans les populations qui affectent
encore aujourd’hui cette région du monde. Vers l’an 1000 avant Jésus-Christ, les
Indo-Aryens ont développé quatre principales distinctions de castes : Brahmanes, composée
de prêtres, d’érudits et d’enseignants ; Kshatriyas, les rois, les gouverneurs et les guerriers ;
Vaishyas, composée d’agriculteurs, d’artisans et de marchands ; et Shûdras, les prestataires
de services et les artisans qui n’étaient pas d’origine aryenne mais qui ont été admis dans la
société védique.
Chaque varna était divisée en jatis, ou sous-castes, qui identifiaient la profession de
l’individu et imposaient des restrictions au mariage. Le mariage n’était possible qu’entre
membres d’une même jati ou de deux jati très proches. Les varna et les jatis déterminaient
tous deux le niveau de pureté d’une personne. Les membres de varnas ou de jatis
supérieurs avaient des niveaux de pureté plus élevés, et s’ils étaient contaminés par des
membres de groupes sociaux inférieurs, même par le toucher, ils devaient subir des rites de
purification étendus.

Les castes indiennes : une société divisée

Les castes forment en réalité un système, car une caste ne peut pas survivre sans l’autre au sein du
varna. Il est cependant nécessaire de nuancer : il n’existe pas qu’une seule catégorie de prêtres, de
guerriers ou de commerçants, mais plusieurs. Comme l’on pourrait affirmer qu’il existe plusieurs
espèces dans la catégorie des félins ou des canidés, il existe plusieurs sous-castes au sein d’une
même catégorie, que l’on appelle alors des jati. Aussi, en Inde, un individu ne se réfère pas au varna
pour évoquer sa classe sociale, mais bien à son jati.

D’autre part, selon la région, d’autres castes peuvent exister et à l’inverse, certains jatis ne sont pas
utilisés pour définir un rang social. Ce système, toujours en place à l’heure actuelle en Inde, touche
tous les domaines de la société et notamment celui du travail. Chaque métier appartient à une caste
et se situe sur une échelle de pureté. Comme nous l’avons vu précédemment, les hommes et les
femmes dont la profession a un rapport direct avec le sang sont exclus du varna, ce sont les
intouchables.

Aussi, la professionnalisation est régie par l’idéologie du pur et de l’impur. L’activité religieuse est la
plus respectée, elle se trouve donc au sommet de la hiérarchie. Cela implique également que la
personne qui la pratique est végétarienne et supposément plus intelligente que les individus des
classes inférieures. Le guerrier mange de la viande et ôte des vies, il est moins pur que le prête, mais
plus pur qu’un marchant car ce dernier appartient à la catégorie de population inférieure.

De ce fait, la transmission d’une caste se fait de manière héréditaire et chaque nouveau-né devra
exercer plus tard le métier qui correspond à celle-ci. Il est d’ailleurs impossible de changer de caste.
En ce sens, il est également interdit de se marier avec une personne issue d’une caste inférieure ou
supérieure, chacun devant préserver son rang social.

Caste et profession
III Des conséquences politiques

A) Accès au pouvoir

Dans les zones rurales du nord de l’Inde, les castes supérieures et moyennes dominent la
propriété foncière. Ils ont pu transférer ce contrôle sur la richesse en domination politique sur la
décision du Panchayat. Le Panchayat est une unité de gouvernement local chargée du
décaissement des ressources. Les groupes de castes dominants ont monopolisé les postes de
direction dans le Panchayat, obtenant ainsi plus de possibilités de contrats gouvernementaux,
d’emploi et de financement.
L’accès à l’assistance policière et judiciaire dépend également de la caste à laquelle on
appartient. En corrompant, en influençant et en intimidant la police et les fonctionnaires
judiciaires, les castes moyennes et supérieures rurales du nord de l’Inde ont tendance à
manipuler la police locale et le pouvoir judiciaire avec plus de succès. Ces types de recherche de
rente politique ont également contribué à garantir l’offre de rentes aux castes dominantes par
d’autres canaux tels que « truquer les élections du Panchayat, capturer les isoloirs électoraux et
[3]
utiliser des tactiques d’intimidation préélectorales lors des élections à l’assemblée de l’État ».
La question de savoir si un individu ou un groupe peut collecter suffisamment d’argent pour des
pots-de-vin constants dépend du statut socio-économique basé sur la caste. Par conséquent,
l’avantage d’accéder aux ressources économiques non seulement se transfère aux groupes de
castes dominants, mais renforce également leur puissance politique.
Certains scientifiques et activistes, tels que le Dr VA Shiva Ayyadurai , scientifique des systèmes
du MIT, accusent la caste de freiner l’innovation et la recherche scientifique en Inde, ce qui rend
5 [6]
difficile le maintien du progrès alors que l’organisation sociale régressive prévaut. [ ]
La caste, attribuée à la naissance, est également influencée par l’endroit où l’on est né. Les
lignes politiques en Inde ont souvent été tracées selon des lignes de caste; Cependant, ce n’est
qu’une partie de l’histoire. La caste est souvent spécifique à une région particulière. Ces poches
de castes créent une caste localement dominante. En raison de la structure politique en Inde, la
domination locale peut se traduire par une domination régionale. Cette concentration de la
population des castes a signifié que les castes plus petites et moins influentes ont l’opportunité
de revendiquer leurs revendications dans l’arène du pouvoir politique. Cependant, si une caste
non dominante n’est pas concentrée dans une région particulière, il est peu probable qu’elle soit
représentée sans s’associer à une autre caste pour accroître son influence. Cela signifie que « la
concentration localisée facilite un espace pour contester la domination de la caste dominante au
[7]
niveau de l’État ». Par exemple, la caste Maratha-Kunbi a des concentrations de populations
dans tous les États indiens. Ils ont ainsi réussi à obtenir une représentation maximale à la
[7]
législature de l’État.
Bien que le système des castes joue un rôle important dans la détermination de qui compose les
élites locales, il joue également un rôle énorme dans la détermination de l’influence et de la
représentation des femmes dans le système politique. Dans le système parlementaire bicaméral
de l’Inde, les femmes représentent une quantité minuscule de chaque chambre. Sur l’assemblée
populaire, composée de 545 membres, les femmes ne représentent que 5,2 % ; et à l’Assemblée
de l’État, avec 259 membres, les femmes ne représentent que 8,8 %. Les deux chambres ont
.
connu un déclin alarmant des représentantes féminines au cours des dernières décennies Sur
les 39 femmes représentantes au Parlement indien, la plupart appartenaient à des castes
supérieures. La caste, qui finit par affecter la classe, est l’un des facteurs les plus importants
pour déterminer l’inclusion réussie d’une femme dans le système politique. Cela peut être dû au
fait que les castes supérieures contestent le rôle de la femme indienne traditionnelle et que leur
position de caste leur donne donc un plus grand éventail d’options qui ne sont pas disponibles
pour les castes plus traditionnelles inférieures. Cette représentation exagérée de la caste de
l’élite dans les fonctions publiques signifie que l’impact qu’elles ont sur les politiques publiques
est disproportionné par rapport à leur nombre réel.

B) Clientéisme

La politique en Inde dépendait fortement des liens patron-client le long des lignes de caste
pendant la période de domination du Congrès. La caste à laquelle on appartient est un
[9]
déterminant important de son mode de vote. En Inde, différents partis politiques représentent
les intérêts de différents groupes de castes. Les castes supérieures et marchandes telles que
Brahmane, Rajput et Kayasth et les riches groupes musulmans ont tendance à exprimer leurs
intérêts par l’intermédiaire du Parti du Congrès. Les Jats de caste supérieure agraire ont
tendance à voter pour les partis concurrents. Les partis numériquement mineurs, représentés
par le Jan Sangh, reçoivent des votes presque exclusivement des castes supérieures et
[9]
commerçantes. Cependant, la caste ne détermine pas uniquement les comportements
. [9]
électoraux. Les divergences se produisent surtout pour les groupes de castes supérieures
Cela signifie que tous les membres de la même caste ne voteraient pas pour un seul parti en
particulier. Les gens des castes supérieures ont plus de liberté de voter selon leurs convictions
politiques. La Commission Mandal couvrait plus de 3000 autres castes arriérées. Il n’est donc
pas clair quels partis sont associés à chaque caste.
Les groupes d’électeurs fidèles soutiennent généralement un certain candidat ou parti pendant
les élections dans l’espoir de recevoir des avantages une fois que leur candidat est au pouvoir.
Cette pratique, appelée « banque de votes », est prolifique dans la plupart des régions du pays.
De nombreux partis politiques en Inde se sont ouvertement livrés à une politique de banque de
votes basée sur les castes. Le parti du Congrès a utilisé la banque de votes pour se maintenir au
pouvoir; les partis concurrents ont construit des banques de votes pour contester la domination
du Congrès sur la politique.

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