Vous êtes sur la page 1sur 20

Alternatives Managériales Economiques

E-ISSN : 2665-7511
https://revues.imist.ma/?journal=AME

MOUJAHID et al. / Revue AME Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537

Impact du capital humain sur l'investissement direct étranger au Maroc :


Analyse économétrique par le modèle VECM
MOUJAHID, M.1, KHARISS, M.2, LOUARDY, H.3
1. Doctorant, FSJES Souissi, Université Mohammed V de Rabat, moujahid.mus.1@gmail.com.
2. Professeur d’Enseignement Supérieur, FSJES Souissi, Université Mohammed V de Rabat,
m.khariss@um5s.net.ma.
3. Doctorante, FSJES Ain Chock, Université Hassan II, Casablanca, nina.louardy@gmail.com.

Date de soumission : 15/09/2021 Date d’acceptation : 28/10/2021

Résumé :

L'amélioration du niveau du capital humain est l'un des chantiers importants sur lequel le
Maroc s'est focalisé ces dernières décennies en vue de promouvoir son attractivité des IDE
mondiaux, car les firmes multinationales, notamment celles dont l'activité est intensive en
technologie, ont tendance à s'implanter dans les pays hôtes bien dotés en main-d'œuvre
qualifiée et bon marché.

Le présent article a pour objet de traiter profondément la question suivante : quel est l'impact
du capital humain sur l'attractivité des IDE au Maroc ?

Pour répondre à cette question, nous allons procéder à une étude économétrique par le
modèle vectoriel à correction d'erreurs (VECM) en utilisant les données macroéconomiques
du Maroc s’étalant sur la période allant de 1980 à 2019.

Les résultats de notre étude démontrent que, sur le long-terme, les variables : capital humain,
infrastructures et taille du marché exercent un effet positif et significatif sur l'entrée des IDE
au Maroc. En revanche, les variables : ouverture commerciale et qualité des institutions n’ont
pas un effet significatif.

Mots-clés : Investissement direct étranger, Capital humain, Maroc, VECM.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 518


The impact of human capital on foreign direct investment in Morocco:
econometric analysis by the VECM model

Abstrcat:

Improving the level of human capital is one of the important projects on which Morocco has
focused in recent decades in order to promote its attractiveness of global FDI because the
multinational corporations, especially those whose activity is intensive in technology, tend to
locate in host countries that are well endowed with skilled and cheap labor.

The aim of this article is to thoroughly address the following question: what is the impact of
human capital on the attractiveness of FDI in Morocco?

To answer this question, we will carry out an econometric study by the vector error correction
model (VECM) using macroeconomic data from Morocco stretching from 1980 to 2019.

The results of our study show that the following variables: human capital, infrastructure and
market size have a positive and significant effect on the entry of FDI into Morocco in the long
term. By contrast, both trade openness and the quality of institutions variables do not have any
significant effect.

Keywords: Foreign direct investment, Human capital, Morocco, VECM.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 519


Introduction :

Durant les dernières décennies, plusieurs pays en développement (PED) se sont engagés dans une
course acharnée pour attirer les investissements directs étrangers (IDE) en estimant qu'ils
constituent un moyen efficace de croissance économique, de création d’emplois, d'amélioration
du niveau du capital humain, de transfert des technologies, de mise à niveau des entreprises
locales et de stimulation de l’investissement national. Dans cette perspective, ces pays ont adopté
des politiques d’attractivité des IDE dans le but d’améliorer leur climat des affaires et offrir les
conditions nécessaires et attrayantes pour inciter les firmes multinationales (FMN) à s’installer
sur leurs territoires. Toutefois, la localisation de l'IDE est globalement, fonction d’un ensemble de
déterminants, dont principalement la taille du marché, les coûts salariaux bas, l’ouverture
commerciale, les infrastructures, la qualité des institutions, le capital humain et bien d’autres.

En effet, toute politique d’attractivité rigoureuse doit contenir dans ses volets une cible
centralisant le développement et la qualification du capital humain car, les FMN notamment,
celles opérant dans les activités intenses en technologie, accordent une importance particulière
au niveau du capital humain dans le pays hôte. Dans leur processus de localisation à l'étranger, la
décision des investisseurs étrangers tient compte du niveau du capital humain existant dans le
pays concerné car ce dernier assure la maximisation des profits et garantit la fluidité de
l'assimilation des technologies et compétences nécessaires à leurs activités de production.

En d’autres termes, un niveau élevé du capital humain est dans la mesure de changer le
comportement des IDE dans le pays hôte étant donné que, la présence d’un capital humain qui
incorpore compétences, technologies, créativité et innovation serait, en présence d’autres
facteurs, un déterminant majeur pour assurer l’attractivité territoriale durable des IDE,
notamment, ceux intensifs en technologie.

Conscient de cette réalité, le Maroc a attribué, ces dernières années, un intérêt particulier au
développement de son capital humain en vue de répondre aux aspirations et aux besoins
nécessaires pour la mise en œuvre de sa stratégie globale de croissance et de développement,
incorporant une politique ambitieuse de promotion des IDE. Dans ce sens, les autorités en charge
ont élaboré une panoplie de réformes et de mesures mobilisant des fonds importants pour
améliorer le niveau de son capital humain. Ces efforts ont été principalement concrétisés par une
succession de réformes profondes de son système d'éducation, de formation et d'enseignement
supérieur. Il s'agit notamment de l'adoption en 1999 de la "Charte nationale de l'éducation et de
formation" (décennie d'éduction 2000-2009), la mise en place du "Programme d'Urgence" pour
l'éducation (2009-2012) et de l'adoption de la vision stratégique 2015-2030.

Concernant le volet de la formation, le Maroc a déployé des efforts considérables. Aujourd'hui le


pays compte plus de 350 établissements de formation professionnelle consolidés avec des filières

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 520


diversifiées. L'enseignement supérieur, quant à lui, a connu des réformes profondes et une
prolifération des institutions universitaires et des filières de formation multiples.

L'objectif de la présente étude est de repositionner et de contextualiser l'effet du capital humain


sur l'IDE dans le cas du Maroc. Ainsi, nous allons essayer de répondre à la question centrale
suivante : quel est l'impact du capital humain sur l'entrée des IDE au Maroc ? Pour cela, nous
allons procéder à une analyse économétrique animée par le modèle VECM en utilisant des
données macroéconomiques du Maroc, qui représentent une période allant de 1980 à 2019.

Par cette étude économétrique, nous cherchons à contribuer au débat scientifique actif sur la
place du capital humain dans les déterminants de l'IDE au Maroc et en même temps, fournir aux
gouverneurs et aux décideurs politiques des conclusions utiles pour améliorer la politique
d'attractivité d'IDE mise en œuvre.

Le reste de ce papier sera articulé de la manière suivante : la première section présentera un bref
aperçu sur le concept du capital humain. La deuxième section exposera une revue de littérature
sur l'effet du capital humain sur l'attractivité des IDE. La troisième section sera dédiée à l’étude
économétrique de l'impact du capital humain sur les flux d'IDE entrants au Maroc. La dernière
section fera l’objet de la discussion et l'interprétation des résultats obtenus.

1- Le concept du capital humain

Le concept du capital humain a été introduit au cœur de la théorie économique dans les années
1960 par les travaux fondateurs des économistes de Chicago en particulier, Schulz (1961) et
Becker (1964). Ce concept a été ultérieurement étudié et développé dans le cadre des théories
de la croissance économique et du développement (Barro, 1991 ; Lucas, 1988 ; Romer, 1989 ;
Mankiw, Romer et Weil, 1992 ; …). En effet, ces théories insistent sur l'importance du capital
humain en tant que facteur fondamental pour réaliser une croissance économique solide et un
développement durable.

Dans ce cadre, Schulz (1961) et Becker (1964) considèrent les compétences et les capacités
productives humaines comme une forme de capital incorporé dans les individus. Ces
compétences et capacités sont le résultat d’investissement sous la forme de dépenses dans
l'éducation, la formation et la santé. Ainsi, Schultz (1961) a étendu la signification de
l'investissement dans le capital humain pour inclure plusieurs activités et domaines susceptibles
d'améliorer les compétences et la productivité d'un individu, en particulier, les dépenses de santé,
la formation sur le lieu de travail, l'éducation formelle et les programmes d'études pour adultes.

Pour mesurer le capital humain, l'auteur se réfère à certains critères qualitatifs du facteur travail
tels que les compétences, les habilités, les connaissances, le savoir-faire et autres qui sont en
mesure d’augmenter la productivité du travail humain.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 521


Dans cette perspective, Barro (1991) indique que le capital humain est un capital constitué de
l'intelligence obtenue par la formation, par l'éducation formelle ou par l'expérience. En effet, le
capital humain est identifié par Armstrong (2006) comme étant un ensemble de connaissances et
de compétences que les individus créent, utilisent et entretiennent.

L'OCDE définit le capital humain comme les « connaissances, qualifications, compétences et


autres qualités possédées par un individu et intéressant l’activité économique (…). Ces qualités
humaines peuvent se développer, se combiner et être utilisées de différentes manières...» (OCDE,
1998). En outre, le capital humain s’est repositionné comme un facteur qui « peut faire progresser
ou soutenir la productivité, l’innovation et l’employabilité (…). Il provient de différentes origines,
notamment, mais pas seulement, d’un apprentissage organisé sous la forme de l’éducation et de
la formation » (OCDE, 1998).

Dans ce sens, on peut définir le capital humain comme étant les connaissances, les savoir-faire,
les expériences et les compétences captés et maitrisés par les individus qui peuvent être utilisés
dans l'activité économique et permettant d'augmenter la productivité, l'innovation et la créativité
au sein des entreprises et au sein de l'économie nationale dans son ensemble. C'est le résultat
d'un processus à long-terme basé fondamentalement sur les efforts engagés dans l'éducation et
la formation ».

2- Considération théoriques et empiriques de l'effet du capital humain sur l'IDE

2.1- Cadre théorique du lien entre le capital humain et l'IDE

Sur le plan théorique, l’analyse de l’impact du capital humain sur l'attractivité des IDE s'inscrit
globalement dans la littérature se focalisant sur l’étude des déterminants de la localisation des
IDE. En effet, le capital humain est l'un des déterminants majeurs parmi lesquels les FMN se
basent dans leur processus d'implantation à l'étranger. Nombreuses sont les théories, qui ont été
consacrées à l'explication de l'IDE et de la localisation des FMN. Or, l'approche éclectique de
Dunning est considérée comme l'une des principales théories ayant proposé une approche
globale de l'IDE et de sa localisation.

2.1.1- La théorie éclectique de J.Dunning

Dans son approche éclectique, appelée aussi paradigme OLI, Dunning (1981) présente les facteurs
qui expliquent l'arbitrage d'une firme entre exportation, octroi de licence ou IDE en mettant en
avant trois types d'avantages :
a) Les avantages spécifiques à la firme (O : Ownership specifîc advantages) dont la firme
dispose dans le cadre d'une concurrence imparfaite. Il s'agit, des avantages particuliers qui
offrent à la firme un certain pouvoir de marché vis-à-vis de ses concurrents (produits
compétitifs, avantage technologique, brevet, économies d'échelle, avantage financier…);

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 522


b) Les avantages liés à la localisation (L : Location advantages) qui dépendent des
caractéristiques propres du pays d'accueil (prix et qualité des inputs, coût de transport …);
c) Les avantages à l'internalisation (I : Internalization advantages) signifient que la firme, en
internalisant le marché, bénéficie de certains avantages tels que la réduction des coûts de
transaction, le contrôle de l'offre et la qualité des produits, et le contrôle de l'organisation).

Dans le cadre de cette analyse, Dunning (1981) stipule que la firme préfère pénétrer un marché
par l'IDE plutôt que par l'exportation ou l'octroi de licence si les trois familles d'avantages sont
simultanément réunies.

En revanche, la firme choisit d'exporter si elle dispose des avantages "O" et "I" alors qu'elle opte
pour l'octroi d'une licence à une entreprise locale dans le marché d'accueil si elle ne dispose que
de l'avantage "O" uniquement. Il ressort donc, de la partie "L" du paradigme OLI de Dunning que
les déterminants du choix de localisation d'une firme dépendent des avantages comparatifs que
le pays d'accueil présente. Dans cet angle d'analyse, la littérature des déterminants de l'IDE
identifie le capital humain comme le principal avantage de la localisation susceptible d'améliorer
l'attractivité des IDE dans le pays hôte.

2.1.2- La théorie néoclassique

En abandonnant l'hypothèse d'immobilité des facteurs de production, la théorie néoclassique


explique la localisation de l'IDE par les dotations factorielles différenciées entre les pays. Ainsi, la
disponibilité d'un capital humain développé dans un pays hôte est un facteur qui peut réorienter
les mouvements des flux d'IDE vers ce dernier. La qualité de la main-d'œuvre signifie une
productivité élevée qui, elle-même, constitue une source de réduction des coûts de production.

2.1.3- Théories de la croissance endogène

Dans les théories de la croissance endogène, l'effet du capital humain sur l'IDE peut être analysé
par sa relation avec la croissance économique, étant donné que celle-ci constitue un déterminant
important de l'attractivité des IDE (Chakrabarti (2001), Cleeve (2008), Bouoiyour (2007),
Mohamed et Sidiropoulos (2010)). Autrement dit, l'impact du capital humain sur l'IDE peut passer
indirectement via la croissance économique.

Les modèles de croissance endogènes adoptent le capital humain comme un axe fondamental
d'augmentation de la productivité et de stimulation de la croissance économique. Dans ce sens,
les travaux de Romer (1989) et de Lucas (1988) soulignent que l'accumulation du capital humain,
notamment celui représenté par la scolarisation et l'éducation, est un facteur qui stimule la
croissance économique. En effet, un niveau élevé d'éducation dans le pays est un facteur clé qui
améliore la croissance et le développement des économies (Barro, 1991; Mankiw, Romer et Weil,
1992).

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 523


Borensztein et al. (1998) soulignent que l’existence d’un stock minimal du capital humain capable
d’assimiler et d’absorber les nouvelles technologies introduites par les FMN est indispensable
pour bénéficier des retombées positives de l’IDE sur la croissance économique dans le pays
d'accueil. Ce dernier est souvent considéré comme un facteur déterminant qui améliore
l’attractivité des IDE dans une économie.

Ainsi, le niveau de la qualification et des compétences acquises par la main-d'œuvre locale


peuvent influencer le volume des flux d'IDE et les activités des FMN dans le pays d'accueil
(Dunning, 1988). Cependant, l’absence du capital humain développé dans les pays moins avancés
explique leur faible attractivité des IDE (Lucas, 1993). Ainsi, l’existence d’une main-d'œuvre
qualifiée constitue une exigence importante des FMN et influence le volume des IDE dans le pays
hôte (Zhang et Markusen, 1999).

2.1.4- Théorie de la décomposition internationale du processus de production (DIPP)

Dans le cadre de la théorie de la DIPP de Lassudrie-Duchêne (1982), les travaux de Mouhoud et


Moati (1994, 2005) ont proposé une nouvelle analyse recadrant cette théorie en introduisant la
notion de la "Division Cognitive du Travail".

A cet effet, Moati et Mouhoud (2005) expliquent que «la décomposition des processus productifs
sur la base de la nature des connaissances est associée à des logiques de localisation différentes
de celles qui accompagnent la mise en œuvre d’une décomposition reposant sur des critères
techniques.» (p.9). Ces derniers auteurs suggèrent que «dans le principe de division cognitive du
travail, la production de chaque segment tend à se localiser là où résident les compétences
associées aux blocs de savoirs sous-jacents.» (p.9). Ceci implique que le choix du pays
d'implantation des FMN tend à mettre en exergue les différentiels du niveau de qualification du
capital humain existant entre les pays hôtes.

2.2- Revue de littérature empirique

En termes des recherches empiriques, plusieurs études s’accordent sur l’importance du capital
humain qualifié pour attirer les IDE. Or, les résultats des différentes études ne sont pas
complétement convergents. Pour Noorbakhsh et al. (2001), le capital humain, mesuré par le
nombre d’années dans l’enseignement secondaire et supérieur, est un déterminant très
important pour l’attractivité des IDE. Ceci est confirmé par les études de Nunnenkamp (2002) et
de Deichmann et al. (2003), qui démontrent que le capital humain est un facteur qui favorise l'IDE
dans les pays comme la Pologne et la Hongrie.

Dans le même sens, la CNUCED (2002) a identifié une forte corrélation entre les indicateurs du
capital humain (taux brut de scolarisation dans l’enseignement supérieur et taux d’étudiants en
sciences et en ingénierie) et les flux d’IDE entrants dans 140 pays développés et en

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 524


développement. D’un autre côté, Globerman et Shapiro (2003) ont suggéré que l’investissement
dans le capital humain, sous forme de dépenses en éducation et en santé, attire davantage d’IDE.
Plus précisément, la possibilité qu’un pays reçoit des IDE de haute technologie augmente en
fonction de ses efforts en matière d’investissement dans son capital humain.

En utilisant le pourcentage d'alphabétisation des adultes, Asiedu (2005) affirme que le capital
humain est positivement corrélé avec les entrées d’IDE dans les pays de l’Afrique subsaharienne.
Pour la même région, Cleeve (2008) confirme ces résultats en utilisant le taux de scolarisation
secondaire. De même, Sekkat et Véganzonès (2004) et Quazi (2014) ont constaté que le capital
humain est un déterminant clé qui favorise les flux d’IDE.

Cependant, les résultats de l’étude de Srinivasan (2011) indiquent que le facteur capital humain
ne joue pas un rôle significatif et déterminant pour attirer l’IDE dans les pays de l’Association sud-
asiatique pour la coopération régionale (SAARC). De même, l’étude de Bende-Nabende (2002) n’a
pas eu des résultats significatifs dans le cas des pays de l’Afrique Subsaharienne. Ces résultats
peuvent être expliqués par le fait que certains pays subsahariens attirent les IDE en raison
principalement, de leurs dotations en ressources naturelles.

Pour le cas du Maroc, les études de Bouoiyeur (2007), d'Azeroual et Cherkaoui (2015) et de
Lam'hamdi et Makhtari (2018) ont conclu que le capital humain constitue un déterminant
important qui favorise l’implantation des IDE sur le territoire marocain. Une panoplie de travaux
de recherche incluant le Maroc, tels que l'étude de Tikhboula et al. (2017) sur 40 PED et celle de
Bouri et Benmassoud (2014) sur les pays MENA, certifie que le capital humain est positivement
corrélé avec les flux d'IDE.

3- Etude économétrique

3.1- Méthodologie et spécification du modèle.

3.1.1- Méthodologie et données de l'étude.

Afin d'examiner empiriquement l'effet du capital humain sur l'attractivité des IDE au Maroc sur le
long-terme, nous optons pour le modèle vectoriel à correction d'erreurs (VECM). Nous avons
choisi ce modèle en raison des avantages qu'il présente : a) Il permet de faire une modélisation
simultanée des dynamiques de court et long-terme des variables intégrées d'ordre I(1); b) Il
permet l'intervention des variables explicatives avec un décalage temporel pour pouvoir capter
le temps nécessaire de correction d'un choc; c) il présente des estimations plus fiables.
Pour accomplir notre étude, nous allons tout d'abord, spécifier le modèle et les variables de
l'étude. Ensuite, tester la stationnarité des séries et déterminer le nombre de retard du modèle
puis, effectuer le test de cointégration de Johansen pour identifier les relations d'équilibre de
long-terme. Et en dernier lieu, vérifier la validité du modèle et discuter les résultats obtenus.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 525


Les séries chronologiques de l'étude sont basées sur des données annuelles couvrant la période
allant de 1980 à 2019. Les dites données sont tirées de la base des données World Development
Indicators (WDI) de la banque mondiale et l'ICRG du PRS group.

3.1.2 : Spécification du modèle et présentation des variables de l'étude.

➢ Spécification du modèle empirique :

Le modèle adopté dans cette étude est formulé comme suit :


IDEt = C + 1KHt + 2PIBRt + 3OUVt + 4INFRt + 5QINSt + εt

Avec :
IDE : est la variable dépendante. Elle représente les entrées nettes d'IDE en % du PIB ;
KH : est la variable explicative cible qui représente le niveau du capital humain dans le pays;
PIBR : désigne la taille de marché;
OUV : représente le degré d'ouverture commerciale;
INFR : indique les infrastructures;
QINS : représente la qualité des institutions;
Les quatre dernières variables représentent des variables de contrôle, qui ont été assimilées
dans notre modèle en se basant sur la littérature théorique et empirique des déterminants
de l'IDE.
εt : est le terme d'erreur;
C : est la constante qui peut capturer l'effet des autres facteurs non spécifiés dans le modèle.

➢ Description des variables retenues :

→ La variable dépendante (IDE) : mesure les entrées annuelles nettes des investissements
étrangers directs en pourcentage du PIB au Maroc.
→ Les variables exogènes :

▪ Capital humain (KH) : La présence d'un niveau élevé du capital humain est un élément qui
semble améliorer l'attractivité des IDE dans une économie. Les FMN notamment, celles dont
la production réclame un niveau technologique important, ont tendance à accorder une
attention particulière au niveau de qualification du capital humain dans le pays hôte.
Etant donné que le niveau du capital humain dépend du système éducatif nous utilisons
l'indicateur "effectif des élèves dans l'enseignement secondaire" fourni par WDI de la banque
mondiale :pour mesurer la variable du capital humain. On s'attend à un effet positif de ce
facteur sur l'attractivité des IDE au Maroc.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 526


▪ Taille de marché (PIBH) : C'est un déterminant traditionnel de l'IDE en particulier, l'IDE
horizontal à la recherche de marché potentiel. Les grands marchés avec des revenus élevés
constituent un facteur qui augmente la demande des biens et services et offre des
opportunités de bénéfices et des économies d'échelle. Plusieurs études empiriques sur les
PED ont montré que la taille de marché est positivement corrélée avec l'entrée des flux d'IDE
(Cheng et Kwan (2000), Morisset (2000), Chakrabarti (2001), Asiedu (2005), Bouoiyour
(2007), Cleeve (2008), Mohamed et Sidiropoulos, (2010), Liargovas et Skandalis (2012),
Mhlanga et al. (2010)).
En se basant sur la littérature en la matière, notre étude utilise le PIB par habitant comme
indicateur de la taille du marché. On s'attend à ce que ce facteur favorise l'IDE au Maroc.

▪ L’ouverture commerciale (OUV) : Cette variable, mesurée par le rapport de la somme des
exportations et des importations des biens et services au PIB, indique le degré de
participation du pays au commerce international. L'ouverture permet aux FMN la fluidité
d'importer les produits intermédiaires nécessaires à leur production et en même temps, leur
offre plus de facilités et d'opportunités d'exportation de leurs produits aux marchés
étrangers. Les résultats des études empiriques sur cette question ne sont pas homogènes.
Néanmoins, plusieurs études soutiennent que l'ouverture commerciale encourage l'arrivée
des IDE (Chakrabarti, (2001), Cleeve (2008), Asiedu (2005), Demirhan et Masca (2008),
Mhlanga et al. (2010), Liargovas et Skandalis (2012)). Cependant, nous supposons que moins
d’ouverture ne peut que décourager l'IDE. On s'attend donc, dans cette étude à un effet
positif de l’ouverture sur les flux d'IDE.

▪ Les infrastructures (INFR) : Cette variable concerne les réseaux routiers, les chemins de
fer, les aéroports, les ports maritimes, l'énergie, les réseaux de télécommunications, etc. La
disponibilité et la qualité des infrastructures est un facteur qui renforce l'avantage de
localisation de l'IDE. Beaucoup d’études ont constaté qu'un niveau important des
infrastructures est un facteur qui joue en faveur de l'attractivité des IDE (Cheng et Kwan
(2000), Morisset (2000), Kumar (2006), Asiedu (2005) et Hong (2009)).
Pour mesurer les infrastructures, nous utilisons la formation brute du capital fixe (FBCF) en
pourcentage du PIB. Le choix de cet indicateur est justifié par le fait que les dépenses
d'investissement public représentent une part importante dans la FBCF au niveau national et
en même temps, il y a un manque de données relatives à ces dépenses pour la décennie 1980.
Vu que le Maroc a fourni des efforts considérables pour développer ses infrastructures on
suppose donc, trouver un effet positif de cette variable sur l’IDE.

▪ La qualité des institutions (QINS) : Cette variable renseigne globalement, sur le climat des
affaires dans le pays hôte ce qui devrait influencer négativement ou positivement la
confiance des investisseurs étrangers. Cette variable concerne plusieurs aspects tels que la
corruption, la bureaucratie, la stabilité politique et le cadre juridique et judiciaire. Ainsi, la

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 527


décision de localisation de l'IDE peut être influencée par les différences des niveaux de la
qualité institutionnelle existant entre les pays d'implantation.
Un nombre important de travaux empiriques, dont ceux de Bénassy‐Quéré, et al. (2007),
Aizenman et Spiegel (2006), Daude et Stein (2007), Kinda (2010), Jadhav (2012) et Asamoaha,
et al. (2016), ont souligné que la qualité des institutions favorise l'entrée des IDE.
Pour mesurer cette variable nous utilisons l’indicateur "risque politique1" de l'ICRG développé
par PRS group. Compte tenu des efforts notables consentis par le Maroc pour améliorer son
cadre institutionnel, nous nous attendons à un impact positif de cette variable sur l'IDE.

3.2- Estimation et vérification du modèle

3.2.1- Test de stationnarité des séries

Avant de tester la relation de long-terme entre les variables de l'étude, il est indispensable
d'étudier la stationnarité des séries. Pour cela, nous utilisons les tests de racine unitaire d’ADF
(Dickey Fuller Augmenté). Le tableau suivant résume les résultats obtenus.

Tableau n°1 : Résultats des tests de stationnarité d'ADF


En première Ordre
Variables En niveau
différence d'intégration
-2.776335 -14.90988**
IDE I(1)
(0.2143) (0.0000)
-2.618694 -4.588764
KH I(1)
(0.2746) (0.0039)
-3.275330 -5.076176**
PIBH I(1)
(0.0854) (0.0010)
-2.107382 -6.208520**
INFR I(1)
(0.5257) (0.0000)
-2.317922 -7.770876**
OUV I(1)
(0.4149) (0.0000)
-1.207589 -5.763816**
QINS I(1)
(0.8950) (0.0002)
** = le t statistique est supérieur à la valeur critique de Mackinnon pour un seuil de tolérance de 1 %;
Les valeurs entre parenthèses sont les probabilités.
Source : Les auteurs en utilisant le logiciel Eviews 10

Les résultats des tests de racine unitaire indiquent qu'aucune série n'est stationnaire en niveau
alors qu'elles sont toutes stationnaires en première différence au seuil de significativité de 5%.
On peut constater qu'il y a possibilité d'existence d'une relation de cointégration entre la variable
endogène et les variables explicatives dans le long-terme. Ce premier résultat est conforme avec
les conditions d'application du modèle VECM, tel que recommandé par Bourbonnais (2015).

1
Le "risque politique" de l’ICRG est mesuré par la somme des scores de 12 composantes : la stabilité du
gouvernement, les conditions socioéconomiques, le profil d'investissement, les conflits internes, les conflits externes,
la corruption, l’implication des militaires dans la politique, les tensions religieuses, loi et ordre, les tensions ethniques,
la responsabilité démocratique et la qualité de la bureaucratie.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 528


3.2.2- Détermination du nombre de retard.

Pour estimer notre modèle VECM, il est nécessaire de déterminer le nombre de retard (p) du
modèle VAR(p). Pour ce faire, nous retenons les critères d'Akaike (AIC) et de Schwarz (SC).

Tableau n°2 : Résultats de détermination du nombre du retard du VAR(p).


Lag LogL LR FPE AIC SC HQ
0 392.5369 NA 1.90e-17 -21.47427 -21.21035 -21.38216
1 544.0595 244.1197* 3.20e-20 -27.89219 -26.04475* -27.24739
2 578.7200 44.28845 4.10e-20 -27.81778 -24.38682 -26.62028
3 628.9684 47.45678 3.08e-20 -28.60935 -23.59488 -26.85917
4 705.5791 46.81767 1.11e-20* -30.86551* -24.26751 -28.56263*
Source : Les auteurs en utilisant le logiciel Eviews 10

Le nombre de retard retenu est p=1 qui représente le minimum des critères d’information de
"Akaike et Schwarz". Donc, nous procédons par la suite au test de cointégration de JOHANSEN sur
un modèle VAR(1).

3.2.3- Test de cointégration de JOHANSON

L'application du test de cointégration de Johansen permet d'identifier les relations d'équilibre de


long-terme entre la variable endogène et les variables explicatives intégrées du même ordre. Le
tableau ci-dessous présente les résultats de ce test sous l'hypothèse nulle d'absence de
cointégration. Le rejet de l'hypothèse nulle permet de conclure la présence d'une relation de
cointégration entre les variables.

Tableau n°3 : Résultats du test de cointégration de JOHANSEN

Hypotheized
Eigenvalue Trace Statistic Critical Value Probabilité
NO. Of CE (s)
r=o* 0.625465 111.8065 95.75366 0.0025
r ≤1* 0.588489 74.48792 69.81889 0.0202
r≤2 0.428319 40.74696 47.85613 0.1969
r≤3 0.276806 19.49835 29.79707 0.4575
r≤4 0.163502 7.183396 15.49471 0.5564
r≤5 0.010450 0.399199 3.841466 0.5275
* il y a cointégration car l’hypothèse nulle d’absence de cointégration a été
rejetée au seuil de 5% (la trace est supérieure à la valeur critique).
Source : Les auteurs en utilisant Eviews 10

Les résultats du test de la trace indiquent la présence de deux relations de cointégration au seuil
de 5% entre la variable dépendante et les variables explicatives dans le long-terme.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 529


3.2.4- Estimation du modèle vectoriel à correction d’erreur (VECM)

L'estimation de notre modèle VECM en intégrant deux relations de cointégration (comme indiqué
ci-dessus) nous permet d’une part, de confirmer la relation de cointégration de long terme, et
d’autre part, d’intégrer les fluctuations à court terme autour de cette relation de long terme.
Cependant, malgré la qualité statistique et l’importance des résultats, la première estimation
démontre que plusieurs coefficients du modèle dynamique ne sont pas significatifs. Il
conviendrait donc de procéder à une nouvelle estimation de notre modèle en intégrant une seule
relation de cointégration.

Tableaux n°4 : Résultats du test de cointégration de JOHANSEN


Relation de long terme
Vector Error Correction Estimates
Dependent Variable: IDE
Date: 08/16/21 Time: 13:17
Sample (adjusted): 1982 2019
Included observations: 38 after adjustments
Variables Coefficient Std. Errors t-Statistics
IDE 1.000000
KH 0.299466 0.08937 3.35103*
PIBH 0.174413 0.06069 2.87385*
OUV -0.664815 0.09622 -6.90958*
INFR 0.705857 0.22505 3.13639*
QINS -0.391022 0.05657 -6.91190*
C -2.004130
Relation de court terme
Dependent Variable: DIDE
Variables Coefficient Std. Errors t-Statistics
CointEq1 -0.410984 0.15587 -2.63664*
D(IDE(-1)) -0.775165 0.13252 -5.84944*
D(KH(-1)) -0.034201 0.10948 -0.31239**
D(PIBH(-1)) -0.039919 0.05456 -0.73161**
D(OUV(-1)) 0.077134 0.06568 1.17442**
D(INFR(-1)) -0.099048 0.14985 -0.66097**
D(QINS(-1)) -0.035664 0.06754 -0.52802**
C 0.001265 0.00287 0.44088**
R-squared 0.568267 Log likelihood 116.1971
Adj. R-squared 0.467529 Akaike AIC -5.694582
Sum sq. resids 0.004913 Schwarz SC -5.349827
S.E. equation 0.012797 Mean dependent 0.000268
F-statistic 5.641055 S.D. dependent 0.017537
* : Variable significative au seuil de 5%. ** : Variable non significative.
Source : Les auteurs en utilisant Eviews 10

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 530


3.2.5- Tests de conformité du modèle

Pour vérifier la validité de notre modèle, il est nécessaire d'effectuer un nombre de tests.

→ Test d'autocorrélation :

Afin de tester l’autocorrélation des résidus, nous appliquons le test de multiplicateur de Lagrange
(LM). Les résultats sont présentés dans le tableau suivant :

Tableaux n°5 : Résultats du test d'autocorrélation (LM)


VEC Residual Serial Correlation LM Tests
Sample: 1980 2019
Included observations: 38

Null hypothesis: No serial correlation at lag h

Lag LRE* stat df Prob. Rao F-stat df Prob.


2 41.43862 36 0.2454 1.183142 (36, 86.2) 0.2605
Source : Les auteurs en utilisant Eviews 10

D'après les résultats, la probabilité LM est supérieure au seuil de significativité 0,05. Donc, on ne
peut pas rejeter l'hypothèse H0, qui signifie l'absence d'autocorrélation entre les résidus.

→ Test de normalité :
Pour vérifier la normalité des résidus, nous appliquons le test de Jarque-Bera. Les résultats sont
résumés dans le tableau ci-après.

Tableau n°6 : Test de la normalité des résidus


Component Jarque-Bera Df Prob
1 6.780607 2 0.0337
2 0.560318 2 0.7557
3 0.787812 2 0.6744
4 1.120593 2 0.5710
5 1.887641 2 0.3891
6 0.664581 2 0.7173
Joint 11.80155 12 0.4617
Source : Les auteurs en utilisant Eviews 10

Les résultats montrent que presque, toutes les probabilités de jarques-Bera sont supérieures au
seuil critique de 5%. Donc, nous acceptons la normalité des résidus de notre modèle estimé.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 531


→ Test d'hétéroscédasticité :
Tableau n°7 : Test d'hétéroscédasticité des résidus
VEC Residual Heteroskedasticity Tests (Levels and Squares)
Sample: 1980 2019
Included observations: 38

Joint test:
Chi-sq df Prob.

264.1065 294 0.8943


Source : Les auteurs en utilisant Eviews 10

Les résultats du test d'hétéroscédasticité montrent que la probabilité obtenue (0.8943) est
largement supérieure au seuil de significativité de 0,05. Donc, on constate qu'il y a absence
d'hétéroscédasticité.

Les résultats des différents tests de conformité appliqués ci-dessus, certifient sur la stabilité et la
robustesse de notre modèle estimé. Ainsi, nous pouvons passer ci-après à la discussion des
résultats obtenus.

4- Discussion et interprétation des résultats

D'après les résultats de l'estimation de notre modèle VECM, il ressort qu'à long-terme, toutes les
variables retenues sont significatives. Ceci explique l’importance de ces variables pour
l'attractivité des IDE au Maroc dans le long-terme. Les variables « capital humain »,
« infrastructures » et « taille du marché » affichent, conformément à nos attentes, des signes
positifs. En revanche, les variables ouverture commerciale et qualité des institutions révèlent des
signes inverses.

En cohérence avec notre hypothèse, le capital humain est positivement et significativement


corrélé avec l'IDE, ce qui signifie qu'il est un facteur important qui favorise l'entrée des IDE au
Maroc. Ce résultat est conforme avec beaucoup de travaux empiriques qui constatent que le
capital humain est un déterminant important de localisation de l'IDE (Nunnenkamp (2002), Asiedu
(2005), Cleeve (2008), Bouoiyeur (2007), Quazi (2014), Azeroual et Cherkaoui (2015)). Les firmes
étrangères préfèrent s'implanter dans le marché marocain parce qu'il présente une main-d'œuvre
qualifiée capable d'assimiler les nouvelles technologies et les pratiques organisationnelles et
managériales. Il semble que, durant les dernières années, les efforts fournis par le pays en matière
des réformes de l'enseignement supérieur et de l'offre des programmes de formation vastes et
diversifiés dans plusieurs spécialités telles que celles relatives aux métiers mondiaux du Maroc
(MMM), ont pu relever le niveau du capital humain national chose qui se concrétise par
l'implantation de plusieurs firmes multinationales opérant dans certains secteurs d'activité à fort
contenu technologique, tels que le secteur aéronautique, le secteur automobile, l'offshoring et
l'industrie pharmaceutique.

Il faut noter que le rôle de l'Etat est très important pour promouvoir les compétences et le niveau
d'instruction de la population. Dans ce cadre, le Maroc est appelé à doubler ses efforts au niveau
des réformes actives de son système scolaire et à adopter des programmes de formation adaptés
aux besoins actuels et futures des FMN. Les gouverneurs doivent être conscients que
l'amélioration du degré du capital humain national est un déterminant important non seulement

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 532


pour attirer les firmes étrangères mais aussi pour assimiler et absorber les technologies et
connaissances qui se développent à l'échelle mondiale et ainsi participer à la stimulation de la
croissance économique du pays.

Concernant la taille du marché mesurée par le PIB par habitant, les résultats exposent un effet
positif et significatif sur l'IDE. Cela veut dire que cette variable encourage l'entrée des IDE au
Maroc. Ce résultat est compatible avec une large part de la littérature théorique et empirique qui
soutient que la taille de marché est un déterminant important de l'IDE (Chakrabarti (2001), Asiedu
(2005), Bouoiyour (2007), Tikhboula et al. (2017)). Ce résultat peut être expliqué, entre autres,
par le fait que le marché marocain est parmi les marchés en croissance en Afrique. L'amélioration
des revenus et du niveau de vie des marocains durant les dernières années adresse aux firmes
étrangères des signes de demande en augmentation.

Pour les infrastructures, les résultats indiquent qu'elles exercent un impact positif et significatif
sur l'IDE. Cela permet de constater que cette variable joue un rôle déterminant dans l'attractivité
des firmes étrangères au Maroc. Ce résultat s’ajuste avec une plusieurs études qui constatent que
les infrastructures constituent un déterminant important de l'IDE ((Cheng et Kwan (2000),
Morisset (2000), Kumar (2006), Hong (2009)). Nous pouvons expliquer ce résultat par les
investissements publics énormes engagés par l'Etat marocain pour augmenter la disponibilité et
la qualité des infrastructures de base (routes, autoroutes, ports, énergie etc.). Le développement
des infrastructures a été un chantier nécessaire d'une part, pour accompagner la mise en œuvre
d'un ensemble de stratégies sectorielles (Plan de l'Emergence industrielle, Plan Azur …) et d'autre
part, pour assurer la facilité de circulation des marchandises, des capitaux et des personnes entre
les différents marchés.

Quant à l'ouverture commerciale, les résultats indiquent qu'elle a un effet négatif et significatif.
Ceci dit que cette variable ne constitue pas un facteur qui favorise l'attractivité des IDE au Maroc.
Ce résultat est paradoxal avec plusieurs études qui soulignent que l'ouverture commerciale
motive l'entrée des IDE (Chakrabarti (2001), Asiedu (2005), Demirhan et Masca (2008), Liargovas
et Skandalis (2012)). Le Maroc a mis en place une série d'accords de libre-échange durant les
dernières années en vue d'attirer de plus en plus de firmes étrangères pour venir produire sur son
territoire. Force est de constater que, les firmes étrangères semblent préférer l'exploitation du
marché marocain par l'exportation plutôt que de s'y implanter. La prolifération de ces accords a
permis aux firmes des pays partenaires d'exporter librement leurs produits vers le marché
marocain.

Enfin, la variable qualité des institutions a une influence significative mais négative sur l'IDE. Cela
signifie que, la situation institutionnelle au Maroc décourage l'IDE. Ce résultat s'avère non
conforme avec plusieurs études empiriques qui constatent que la qualité des institutions favorise
l'IDE (Bénassy‐Quéré, et al. (2007), Daude et Stein (2007), Kinda (2010), Jadhav (2012)). Les firmes
étrangères implantées au Maroc semblent donc, être indifférentes au degré de la qualité
institutionnelle. Malgré les actions et mesures diverses prises pour mettre en place un cadre
institutionnel favorable à l'investissement, un certain nombre d'obstacles administratifs et
institutionnels ne permettent pas de renforcer la confiance des investisseurs étrangers. Il s'agit
en particulier du niveau critique de la corruption, la bureaucratie, la qualité insuffisante des
services rendus par l'administration et le problème de la multiplicité des intervenants.

Concernant la relation à court terme entre les variables explicatives et la variable endogène, nous
constatons que les résultats de l'étude ne sont pas robustes. Toutes les variables explicatives ne

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 533


sont pas significatives à l'exception de la variable de l'IDE retardé d'une période qui est
significative mais qui demeure négative.

Conclusion et perspectives :

L'objectif de cet article est de fournir de nouvelles preuves empiriques sur l'effet du capital
humain sur l'attractivité des IDE au Maroc tout en prenant en compte d'autres variables
explicatives (taille de marché, infrastructures, ouverture commerciale et qualité des institutions)
souvent évoquées dans la littérature des déterminants de localisation de l'IDE. Pour cela, une
exploration conceptuelle et théorique a été avancée pour revoir la place du capital humain dans
les différentes approches théoriques avant de passer à une étude économétrique des séries
chronologiques par le modèle VECM sur la période 1980-2019 au Maroc.

Les résultats de notre étude démontrent que le capital humain est un déterminant majeur qui
favorise l'entrée des IDE au Maroc. Les résultats démontrent également, que la taille du marché
et les infrastructures jouent un rôle positif important. Ces résultats s'avèrent conformes avec nos
attentes et avec une large part de la littérature développée en la matière. Cependant, l'ouverture
commerciale et la qualité des institutions, contrairement à nos attentes, sont des facteurs qui
découragent l'entrée des firmes étrangères sur le territoire marocain.

Conscient de la nécessité de développer la qualification de son capital humain pour attirer de plus
en plus d'IDE en particulier, ceux á fort contenu technologique, le Maroc a entamé durant les
dernières années, un nombre de réformes et de mesures pour améliorer le niveau de son système
d'éducation et de formation. Cependant, l'amélioration réalisée n'est qu'une première phase
dans un processus multidimensionnel, long et complexe de construction d'un niveau élevé du
capital humain capable de contrebalancer l'équation de l'attractivité des IDE dans la région. Ainsi,
l'investissement dans le capital humain via l'éducation et la formation est une priorité absolue qui
doit être au centre des préoccupations majeures des décideurs. En outre, l'approche territoriale
doit être présente dans ce chantier afin de remédier aux inégalités régionales et valoriser les
compétences et les ressources humaines spécifiques à chaque région.

Il est important de souligner dans ce sens que notre étude marque certaines limites se rapportant
essentiellement aux indicateurs utilisés pour mesurer le capital humain et la qualité des
institutions. L'indicateur " l'effectif des élèves inscrits dans l'enseignement secondaire" que nous
avons utilisé se limite à l'aspect éducation alors que le concept du capital humain est
multidimensionnel car il inclut plusieurs éléments susceptibles de développer le capital humain
tels que la santé et la formation professionnelle. Pour la qualité des institutions, plusieurs
indicateurs de mesure sont proposés (corruption, droits de propriété, Loi et ordre, droits
politiques et libertés civiles …) par plusieurs chercheurs et par plusieurs institutions
internationales (Transparency International, PRS group, Freedom House, Heritage Foundation, …)
alors qu'il s'avère difficile de choisir un indicateur qui soit plus pertinent

Enfin, il faut noter que la variable de l'ouverture commerciale, qui selon nos résultats apparait
défavorable à l'attractivité des IDE, doit faire l’objet des études empiriques propres à l'impact des
accords de libre-échange signés par le Maroc sur l'entrée des IDE sur son territoire. Cette
perspective de recherche devrait permettre de juger sur la pertinence ou non de la politique
d'ouverture commerciale poursuivie par le Maroc pour attirer de même les IDE.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 534


Bibliographie :
Aizenman, J., & Spiegel, M. M. (2006). Institutional Efficiency, Monitoring Costs and the
Investment Share of FDI. Review of International Economics, 14(4), 683-697.
Armstrong, M. (2006). A Handbook of Human Resource Management Practice. Kogan Page
Publishers.
Asamoah, M. E., Adjasi, C., & Alhassan, A. L. (2016). Macroeconomic uncertainty, foreign direct
investment and institutional quality : Evidence from Sub-Saharan Africa. Economic Systems, 40(4),
612-621.
Asiedu, E. (2005). Foreign Direct Investment in Africa : The Role of Natural Resources. Market Size,
Government Policy, Institutions and Political Instability. The World, 63-77.
Azeroual, M., & Cherkaoui, M. (2015). Principaux déterminants des investissements directs
étrangers au Maroc (1980-2012). Revue Economie, Gestion et Société, 0(4), Article 4.
Barro, R. J. (1991). Economic growth in a cross section of countries. The quarterly journal of
economics, 106(2), pp.407-443.
Becker, G. S. (1964). Human capital : A theoretical and empirical analysis, with special reference
to education. The University of Chicago Press.
Bénassy‐Quéré, A., Coupet, M., & Mayer, T. (2007). Institutional Determinants of Foreign Direct
Investment. The World Economy, 30(5), 764-782.
Bende-Nabende, A. (2002). Foreign direct investment determinants in Sub-Sahara Africa : A co-
integration analysis. Economics Bulletin, 6(4), 1-19.
Borensztein, E., De Gregorio, J., & Lee, J.-W. (1998). How does foreign direct investment affect
economic growth? Journal of International Economics, 45(1), 115-135.
Bouoiyour, J. (2007). The Determining factors of foreign firect investment in Morocco. Savings
and Development, 31(1), 91-106.
Bourbonnais, R. (2015). Économétrie. Dunod.
Bouri, S. & Benmassoud, M. (2014), Facteurs d’attractivité des investissements directs étrangers
dans la région MENA : Analyse en données de Panel, Les cahiers du MECAS, N°10.
Chakrabarti, A. (2001). The Determinants of Foreign Direct Investments : Sensitivity Analyses of
Cross-Country Regressions. Kyklos, 54(1), 89-114.
Cheng, L. K., & Kwan, Y. K. (2000). What are the determinants of the location of foreign direct
investment? The Chinese experience. Journal of International Economics, 51(2), 379-400.
Cleeve, E. (2008). How effective are fiscal incentives to attract FDI to Sub-Saharan Africa? Journal
of Developing Areas, 42(1), 135-153.
Daude, C., & Stein, E. (2007). The quality of institutions and foreign direct investment. Economics
& Politics, 19(3), 317-344.
Deichmann, J. I., Eshghi, A., Haughton, D. M., Ayek, S., & Teebagy, N. C. (2003). Foreign Direct
Investment in the Eurasian Transition States. Eastern European Economics, 41(1), 5-34.
Demirhan, E., & Masca, M. (2008). Determinants of foreign direct investment flows to developing
countries : A cross-sectional analysis. Prague Economic Papers, 2008(4), 356-369.
Dunning J. H, (1988), Explaining international production, Londres, Unwin Hyman.
Dunning, J. (1981). Explaining the international direct investment position of countries : Towards
a dynamic or developmental approach. Review of World Economics (Weltwirtschaftliches Archiv),
117(1), 30-64.
Globerman, S., & Shapiro, D. (2003). Governance infrastructure and US foreign direct investment.
Journal of International Business Studies, 34(1), 19-39.
Jadhav, P. (2012). Determinants of foreign direct investment in BRICS economies : Analysis of
economic, institutional and political factor.Procedia- Social and Behavioral Sciences, 37, 5-14.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 535


Kinda, T. (2010). Investment Climate and FDI in Developing Countries : Firm-Level Evidence. World
Development, 38(4), 498-513.
Kumar, N. (2006). Infrastructure Availability, Foreign Direct Investment Inflows and Their Export-
Orientation : A Cross-Country Exploration. The Indian Economic Journal, 54(1), 125-144.
Lam’hammdi, H., & Makhtari, M. (2018). Les Déterminants des Investissements Directs Etrangers
au Maroc: Une analyse par l’approche ARDL pour la période (1980-2017). Revue du contrôle, de
la comptabilité et de l’audit, 2(4).
Lassudrie-Duchêne B. (1982), „Décomposition internationale des processus productifs et
autonomie nationale‟, in Bourguinat H. (ed.), Internationalisation et autonomie de décision,
Economica, Paris, p. 45-56.
Liargovas, P. G., & Skandalis, K. S. (2012). Foreign Direct Investment and Trade Openness : The
Case of Developing Economies. Social Indicators Research, 106(2), 323-331.
Lucas R. (1988): "On the mechanics of economic development", Journal of Monetary Economics,
Vol. 22, no. 1, pp.3-42.
Lucas, R. E. B. (1993). On the determinants of direct foreign investment : Evidence from East and
Southeast Asia. World Development, 21(3), 391-406.
Mankiw, N. G., Romer, D., & Weil, D. N. (1992). A Contribution to the Empirics of Economic
Growth. The Quarterly Journal of Economics, 107(2), 407-437.
Mhlanga, N., Blalock, G., & Christy, R. (2010). Understanding foreign direct investment in the
southern African development community : An analysis based on project‐level data. Agricultural
Economics, 41(3‐4), 337-347.
Moati, P. and Mouhoud, E. M. (1994) „Information et organisation de la production: vers une
division cognitive du travail‟, Economie Appliquée, 47(1), pp. 47–73.
Moati, P., and Mouhoud, E. M., (2005), Décomposition internationale des processus productifs,
polarisations et division cognitive du travail. Revue d‟économie politique, 115(5), pp.573-590.
Mohamed, S. E., & Sidiropoulos, M. (2010). Another look at the determinants of foreign direct
investment in MENA countries : An empirical investigation. Journal of Economic Development,
35(2), 75-95.
Morisset. J, (2000), Foreign direct investment in Africa: policies also matter, The World Bank and
The International Finance Corporation Foreign Investment Advisory service policy research
working paper 2481.
Noorbakhsh F., Paloni A. and Youssef A., (2001), Humain capital and FDI inflows to developing
countries: New empirical evidence, Wold Development, Vol. 29 (9), pp.1593-1610.
Nunnenkamp, P. and Bremont, J. E. A. (2007) FDI in Mexico: An empirical assessment of
employment effects, Kiel Working Papers. 1328. Kiel Institute for the World Economy (IfW).
OCDE. (1998). L'investissement dans le capital humain : une comparaison internationale. Paris.
Quazi, R. M. (2014). Corruption and Foreign Direct Investment in East Asia and South Asia : An
Econometric Study. 4(2), 12.
Romer, P. M. (1989) Human Capital And Growth: Theory and Evidence, NBER Working Papers.
3173. National Bureau of Economic Research.
SAMOUD, A. B., & Driss, A. S. S. I. (2021). Contribution du capital humain à la croissance
économique au Maroc: Une analyse économétrique à travers le modèle autorégressif à retards.
Alternatives Managériales Economiques, 3(1), 463-480.
Schneider, F., & Frey, B. S. (1985). Economic and political determinants of foreign direct
investment. World Development, 13(2), 161-175.
Schultz T.W. (1961): Investment in Human Capital, University of Chicago Press, Chicago.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 536


Sekkat, K., & Véganzonès, M.-A. (2004). Trade and foreign exchange liberalization, investment
climate and FDI in the MENA countries (Working Papers CEB Nᵒ 04-023.RS). ULB -- Universite Libre
de Bruxelles.
Srinivasan, P. (2011). Determinants of Foreign Direct Investment in SAARC Nations : An
Econometric Investigation. The IUP Journal of Managerial Economics, 9(3), 26-42.
Tirhboula, S.; Jbira, A. & Oulhaj, L. (2017), Les déterminants des investissements directs étrangers
dans les pays en développement : une analyse en données de panel sur la période 2000-2015,
Revue Économie, Gestion et Société, N°12, Décembre 2017.
Zhang, K. H., & Markusen, J. R. (1999). Vertical multinationals and host-country characteristics.
journal of Development Economics, 59(2), 233-252.

Revue ame, Vol 3, No 4 (Octobre, 2021) 518-537 Page 537

Vous aimerez peut-être aussi