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João Cabral de Melo Neto

Poèmes
traduits du brésilien par Alice Raillard et Anny-Claude Basset

Né en 1920 à Recife dans le Nordeste, João Cabral de Melo Neto, lorsqu’il publie en 1942
Pedra do sono (Pierre du sommeil), se rattache au post-modernisme brésilien.
Viennent ensuite : Os três mal-amados (1943), O engenheiro (1954-1945), Psicologia da composição
(1946-47).
O Cão sem plumas (1949-50), O rio (1953), Paisagens com figuras (1954-55), Morte e vida severina
(1954-55) — poème dramatique représenté au Festival international de Nancy, puis à l’Odéon en
1966 avec un grand succès —, Umafaca só lámina (1955), Quadema (1956-59), Dois parlementas
(1958-60), Serial (1959-61), A educação pela pedra (1962-65), Museu de tudo (1966-74), A escola
das facas (1980), Auto do frade (1984).
Concrétude d’une réalité physique et quotidienne, concrétion des mots dans un mouvement
réflexif qui se fait interrogation de l’acte poétique et de la création en général : la spécificité de
João Cabral est faite de cette alliance, ou de cet alliage.
A.R.

LE OUI CONTRE LE OUI

Marianne Moore, au lieu de crayon,


emploie quand elle écrit
un instrument coupant :
bistouri, simple canif.
O SIM CONTRA O SIM
Elle a appris que le côté clair
des choses est leur envers Marianne Moore, em vez de lápis,
emprega quando escreve
et pour cela les dissèque : instrumento cortante :
pour lire plus correctement les textes. bisturi, simples canivete.

Ela aprendeu que o lado claro


De la main droite elle les pénètre, das coisas é o anverso
e por isso as disseca :
du crayon bistouri, para 1er textos mais corretos.
et avec eux compose,
Com mão direta ela as penetra,
en retour, le vers cicatrice. com lápis bisturi,
e come eles compõe,
de volta, o verso cicatriz.
Et parce qu’est propre la cicatrice,
économique, nette, E porque é limpa a cicatriz,
econômica, reta,
plus que le chirurgien mais que o cirurgião
on admire la lame qui opère. se admira a lâmina que opera.

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Francis Ponge, autre chirurgien, Francis Ponge, outro cirurgião,
adota uma outra técnica :
adopte une autre technique : gira-as nos dedos, gira
il les tourne dans les doigts, tourne ao redor das coisas que opera.
autour des choses qu’il opère. Apalpa-as com todos os dez
mil dedos da linguagem :
não tem bisturi reto
Il les palpe de tous les dix mas um que se ramificasse.
mille doigts du langage :
Com ele envolve tanto a coisa
il n’a pas de bistouri net que quase a enovela
mais un qui se ramifierait. e quase, a enovelando,
se perde, enovelado nela.

Avec lui il retourne tant la chose E no instante em que até parece


que já não a penetra,
que presque il l’emmêle ele entra sem cortar :
et presque, l’emmêlant, saltou por descuidada fresta.
il se perd, emmêlé en elle.

Et à l’instant où il semble même


que jamais il ne la pénètre,
il entre sans couper :
il a sauté par une furtive brèche.

Mirό sentait sa main droite Miró sentia a mão direita


demasiado sábia
trop savante e que de saber tanto
et que de tant savoir já não podia inventar nada.
elle ne pouvait plus inventer rien. Quis então que desaprendesse
o muito que aprendera,
a fim de reencontrar
Il voulut alors qu’elle désaprenne a linha ainda fresca da esquerda.
autant qu’elle avait appris,
Pois que ela não pôde, ele pôs-se
afin de retrouver a desenhar com esta
la ligne encore fraîche de la gauche. até que, se operando,
no braço direito ele a enxerta.

Parce qu’elle est incapable, il se prit A esquerda (se não se é canhoto)


é mão sem habilidade :
à dessiner avec elle reaprende a cada linha,
jusqu’au moment où, s’opérant, cada instante, a recomeçar-se.
dans le bras droit il la greffe.

La gauche (si l’on n’est pas gaucher)


est main malhabile :
elle réapprend à chaque ligne,
à chaque instant se recommence.

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Mondrian, aussi, de la main droite Mondrian, também, da mão direita
andava desgostado ;
était fatigué ; não por ser ela sábia :
non de ce qu’elle fût savante : porque, sendo sábia, era fácil.
de ce que, étant savante, elle était facile. Assim, não a trocou de braço :
queria-a mais honesta
e por isso enxertou
Ainsi, il ne la changea pas de bras ; outras mais sábias dentro dela.
il la voulait plus honnête
Fez-se enxertar réguas, esquadros
et pour cela greffa e outros utensílios
d’autres plus savantes en elle. para obrigar a mão
a abandonar todo improviso.

Il se fit greffer règles, équerres Assim foi que ele, à mão direita,
impôs tal disciplina :
et autres instruments fazer o que sabia
pour obliger la main como se o aprendesse ainda.
à abandonner toute improvisation.

C’est ainsi que, à la main droite,


il imposa cette discipline :
faire ce qu’elle savait
comme si elle apprenait encore.

Juan Gris, sous l’œil, Juan Gris levava uma luneta


por debaixo do olho :
portait une lunette : uma lente de alcance
une lentille grossissante que usava porém do lado outro.
qu’il usait pourtant retournée. As lentes foram construídas
para aproximar as coisas,
mas a dele as recuava
Les lentilles ont été construites à altura de um avião que vôa.
pour rapprocher les choses,
Na lente avião, sobrevoava
mais la sienne les reculait o atelier, a mesa,
à hauteur d’un avion qui vole. organizando as frutas
irreconciliáveis na fruteira.

Dans la lentille avion, il survolait Da lente avião é que podia


pintar sua natureza :
l’atelier, la table, com o azul da distância
organisant les fruits que a faz mais simples e coesa.
irréconciliables dans le fruitier.

C’est de la lentille avion qu’il pouvait


peindre son univers :
du bleu de la distance
qui le fait plus simple et concis.

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Jean Dubuffet, s’il use d’une lunette Jean Dubuffet, se usa luneta
é do lado correto ;
c’est du bon côté. mas não com o fim vulgar
Mais non dans la fin vulgaire com que se utiliza o aparelho.
dont on utilise l’appareil. Não intenta aproximar o longe
mas o que está próximo,
fazendo com a luneta
Il ne tente pas de rapprocher le loin o que se faz com o microscópio.
mais ce qui est proche,
Et quando aproximou o próximo
faisant de la lunette até tacto fazê-lo,
ce qu’on fait du microscope. faz dela estetoscópio
e apalpa tudo com o olhar dedo.

Et quand il a rapproché le proche Com essa luneta feita dedo


procede à auscultação
jusqu’à le faire tact, das peles mais inertes :
il fait d’elle un stéthoscope que depois pinta em ebulição.
et palpe tout de l’œil doigt.

De cette lunette faite doigt


il procède à l’auscultation
des peaux les plus inertes :
qu’ensuite il peint en ébullition.

POÈME(S) DE LA CHÈVRE

(Sur les bords de la Méditerranée


on ne voit pas un pouce de terre
que la terre ait oublié
de faire se muer en pierre.

Sur les bords de la Méditerranée POEMA(S) DA CABRA


on ne voit pas un pouce de pierre (Nas margens do Mediterrâneo
não se vê um palmo de terra
que la pierre ait oublié que a terra tivesse esquecido
d’occuper de sa serre. de fazer converter em pedra.

Nas margens do Mediterrâneo


Là, où la moindre ligne não se vê um palmo de pedra
que a pedra tivesse esquecido
ne peut rappeler, car plus douce, de ocupar com sua fera.
ce qui en arrive même à paraître
Ali, onde nenhuma linha
la douce scie d’une faux, pode lembrar, porque mais doce,
o que até chega a parecer
suave serra de uma foice,
on ne voit pas un pouce de terre,
toute pierre ou serre qu’elle est, não se vê um palmo de terra,
por mais pedra ou fera que seja,
que la chèvre n’ait occupé que a cabra não tenha ocupado
de sa plante fibreuse et noire.) com sua planta fibrosa e negra).

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La chèvre est noire. Mais son noir A cabra é negra. Mas seu negro
não é o negro do ébano douto
n’est pas le noir de l’ébène docte (que é quase azul) ou o negro rico
(qui est presque bleu) ou le noir riche do jacaranda (mais bem roxo).
du jacaranda (plutôt rouge). O negro da cabra é o negro
do preto, do pobre, do pouco.
Negro da poeira, que é cinzento.
Le noir de la chèvre est le noir Negro da ferrugem, que é fosco.
du nègre, du pauvre, du peu. Negro do feio, às vêzes branco.
Noir de la poussière, qui est gris. Ou o negro do pardo, que é pardo.
Noir de la rouille, qui est terne. Disso que não chega a ter côr
ou perdeu toda côr no gasto.

Noir du laid, parfois blanc. É o negro da segunda classe.


Do inferior (que é sempre opaco).
Ou le noir du mulâtre, qui est brun. Disso que não pode ter côr
De ce qui ne gagne pas de couleur porque em negro sai mais barato.
ou a perdu toute couleur à l’usage.

C’est le noir de deuxième classe.


De l’inférieur (qui est toujours opaque).
De ce qui ne peut avoir de couleur
parce qu’en noir c’est meilleur marché.

Si le noir veut dire nocturne Se o negro quer dizer noturno


o negro da cabra é solar.
le noir de la chèvre est solaire. Não é o da cabra o negro noite.
N ’est pas de la chèvre le noir nuit. É o negro de sol. Luminar.
C’est le noir de soleil. Lumière. Será o negro do queimado
mais que o negro da escuridão.
Negra é do sol que acumulou.
Ce sera le noir du brûlé É o negro mais bem do carvão,
plus que le noir de l’obscurité.
Não é o negro do macabro.
Noire du soleil qu’elle accumula. Negro funeral. Nem do luto.
C’est le noir plutôt du charbon. Tampouco é o negro do mistério,
de braços cruzados, eunuco.

Ce n’est pas le noir du macabre. É mesmo o negro do carvão.


O negro da hulha. Do coque.
Noir funéraire. Noir du deuil. Negro que pode haver na pólvora :
Non plus que le noir du mystère, negro de vida, não de morte.
aux bras croisés, eunuque.

C’est vraiment le noir du charbon.


Le noir de la houille. Du coke.
Noir qu’il peut y avoir dans la poudre :
noir de vie, non de mort.
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Le noir de la chèvre est le noir O negro da cabra é o negro
da natureza dela cabra.
de sa nature à elle chèvre. Mesmo dessa que não é negra,
Même de celle qui n’est pas noire, como a do Moxotó, que é clara.
comme celle de Moxotó, qui est claire. O negro é o duro que há no fundo
da cabra. De seu natural.
Tal no fundo da terra há pedra,
Le noir est la dureté qu’il y a au fond no fundo da pedra, metal.
de la chèvre. De son naturel.
O negro é o duro que há no fundo
Comme au fond de la terre il y a la pierre da natureza sem orvalho
au fond de la pierre, le métal. que é a da cabra, esse animal
sem folhas, só raiz e talo,

Le noir est la dureté qu’il y a au fond que é a da cabra, esse animal


de alma-caroço, de alma córnea,
de la nature sans rosée sem moelas, úmidos, lábios,
qui est celle de la chèvre, animal pão sem miolo, apenas côdea.
sans feuilles, seules racine et souche,

qui est celle de la chèvre, animal


d’âme-noyau, d’âme cornée,
sans gésier, moelle, lèvres,
pain sans mie, seulement croûte.

Qui a jamais rencontré une chèvre Quem já encontrou uma cabra


que tivesse ritmos domésticos ?
qui eût des rythmes domestiques ? O grosso derrame do porco,
Le lourd épanchement du porc, da vaca, de sono e de tédio ?
de la vache, de sommeil et d’ennui ? Quem encontrou cabra que fosse
animal de sociedade ?
Tal o cão, o gato, o cavalo,
Qui a rencontré chèvre qui fût diletos do homem e da arte ?
animal de société ?
A cabra guarda todo o arisco,
Tel le chien, le chat, le cheval, rebelde, do animal selvagem,
favoris de l’homme et de l’art ? viva demais que é para ser
animal dos de luxo ou pajem.

La chèvre garde tout le farouche, Viva demais para não ser,


quando colaboracionista,
rebelle de l’animal sauvage, o reduzido irredutível,
trop vive qu’elle est pour pouvoir être o inconformado conformista.
animal de luxe ou valet.

Trop vive pour ne pas être,


quand elle se fait collaboratrice,
le dominé indomptable,
l’inconformé conformiste.

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La chèvre est le meilleur instrument A cabra é o melhor instrumento
de verrumar a terra magra.
pour vriller la terre maigre. Por dentro da serra e da seca
Au fond de l’arête et du sec nada chega onde chega a cabra.
rien n’atteint ce qu’atteint la chèvre. Se a serra é terra, a cabra é pedra.
Se a serra é pedra, é pedernal.
Sua boca é sempre mais dura
Si l’arête est terre, la chèvre est pierre. que a serra, não importa qual.
Si l’arête est pierre, elle est roc.
A cabra tem o dente frio,
Sa bouche est toujours plus dure a insolência do que mastiga.
que l’arête, quelle qu’elle soit. Por isso o homem vive da cabra
mas sempre a vê como inimiga.

La chèvre a la dent froide, Por isso quem vive da cabra


e não é capaz do seu braço
l’insolence de qui mastique. desconfia sempre da cabra :
Aussi l’homme vit de la chèvre diz que tem parte com o Diabo.
mais toujours la voit ennemie.

Aussi qui vit de la chèvre


et n’est pas sûr de son bras
se défie toujours de la chèvre :
dit qu’elle pactise avec le Diable.

Non pour son vice de la pierre, Não é pelo vício da pedra,


pour preferir a pedra à folha.
parce qu’elle préfère la pierre à la feuille. É que a cabra é expulsa do verde,
C’est que la chèvre est bannie du vert, trancada do lado de fora.
barricadée de l’extérieur. A cabra é trancada por dentro.
Condenada à caatinga sêca.
Liberta, no vasto sem nada,
La chèvre est barricadée à l’intérieur. proibida, na verdura estreita.
Condamnée à la caatinga sèche.
Libre, dans l’étendue vide, Leva no prescoço uma canga
que a impede de furar as cercas
interdite, dans la verdure étroite. Leva os muros do próprio cárcere
prisioneira e carcereira.
Elle porte un joug à son cou Liberdade de fome e sêde
qui l’empêche de trouer les haies. da ambulante prisioneira.
Não é que ela busque o difícil :
Elle porte les murs de sa propre geôle : é que a sabem capaz de pedra.
prisonnière autant que geôliere.

Liberté de faim et de soif


de l’ambulante prisonnière.
Non qu’elle cherche le difficile :
c’est qu’on la sait apte à la pierre.

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Sa vie ne laisse à la chèvre A vida da cabra não deixa
lazer para ser fina ou lírica
nul loisir d’être délicate ou lyrique (tal o urubu, que em doces linhas
(tel l’urubu qui en douces lignes voa à procura da carniça).
vole à la recherche de la charogne). Vive a cabra contra a pendente,
sem os êxtases das descidas.
Viver para a cabra não é
La chèvre vit à contre-pente re-ruminar-se introspectiva.
sans les extases des descentes.
É, literalmente, cavar
Pour la chèvre vivre n’est pas a vida sob a superfície,
une re-rumination introspective. que a cabra, proibida de folhas,
tem de desentranhar raizes.

C’est, littéralement, creuser Eis porque é a cabra grosseira,


de mãos ásperas, realista.
la vie sous la superficie, Eis porque, mesmo ruminando,
car la chèvre, interdite de feuilles, não é jamais contemplativa.
doit extirper ses racines.

C’est pourquoi la chèvre est grossière,


aux mains âpres, réaliste.
C’est pourquoi, même ruminant,
elle n’est jamais contemplative.

Un noyau de chèvre est visible Um núcleo de cabra é visível


por debaixo de muitas coisas.
en dessous de multiples choses. Com a natureza da cabra
Par la nature de la chèvre outras aprendem sua crosta.
d’autres apprennent leur écorce. Um núcleo de cabra é visível
em certos atributos roucos
que têm as coisas obrigadas
Un noyau de chèvre est visible a fazer de seu corpo couro.
en certains attributs rugueux
A fazer de seu couro sola,
que possèdent les choses obligées a armar-se em couraças, escamas
à faire un cuir de leur corps. como se dá com certas coisas
e muitas condições humanas.

A faire de leur cuir une semelle, Os jumentos são animais


que muito aprenderam da cabra,
à s’armer de cuirasses, écailles : O nordestino, convivendo-a,
comme il advient de certaines choses fez-se de sua mesma casta.
et de maintes conditions humaines.

Les baudets sont des animaux


qui ont beaucoup appris de la chèvre.
Le Nordestin qui vit avec elle
s’est fait de la même espèce.

1. N.d.T. — Joaquim Cardozo, poètc du Pemambouc (cardozo signifie charbon).

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Le noyau de la chèvre est visible O núcleo da cabra é visível
debaixo do homem do Nordeste.
en dessous de l’homme du Nordeste. Da cabra lhe vem o escarpado
De la chèvre lui vient l’abrupt e o estofo nervudo que o enche.
et l’étoffe nerveuse qui l’emplit. Se adivinha o núcleo de cabra
no jeito de existir, Cardozo,
que reponta sob seu gesto
On devine le noyau de chèvre como esqueleto sob o corpo.
dans la façon d’être, Cardozo1,
E é outra ossatura mais forte
qui perce sous le geste que o esqueleto comum, de todos ;
comme un squelette sous le corps. debaixo do próprio esqueleto,
no fundo centro de seus ossos.

Et c’est une autre ossature plus forte A cabra deu ao nordestino


esse esqueleto mais de dentro :
que le squelette commun, de tous ; o aço do osso, que resiste
en dessous du propre squelette, quando o osso perde seu cimento.
au centre profond de ses os.

La chèvre a donné au Nordestin


ce squelette plus intérieur :
l’acier de l’os, qui résiste
quand l’os perd son ciment.

(La Méditerranée est mer classique (O Mediterrâneo é mar clássico,


com águas de mármore azul.
avec ses eaux de marbre bleu. Em nada me lembra das águas
Elle ne me rappelle en rien les eaux sem marca do rio Pajeú.
sans repère du rio Pajeu. As ondas do Mediterrâneo
estão no mármore traçadas.
Nos rios do Senão, se existe,
Les ondes de la Méditerranée a água corre despenteada.
sont tracées dans le marbre. As margens do Mediterrâneo
Dans les fleuves du Sertan, si elle existe, parecem deserto balcão.
l’eau court échevelée. Deserto, mas de terras nobres
não da piçarra do Sertão.

Les bords de la Méditerranée Mas não minto o Mediterrâneo


nem sua atmosfera maior
paraissent un balcon désert. descrevendo-lhe as cabras negras
Désert, mais fait de terres nobles, em termos das do Moxotó).
non de la pierraille du Sertan.

Mais je ne trahis pas la Méditerranée


ni son atmosphère majeure
en décrivant ses chèvres noires
en termes de celles de Moxotó.)

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LE CHIEN SANS PLUMES (1949-1950)

(Paysage du Capibaribe)

La ville est traversée par le fleuve


comme une rue
est traversée par un chien ;
un fruit
par une épée.

Le fleuve tantôt rappelait


la langue douce d’un chien, O CÃO SEM PLUMAS
tantôt le ventre triste d’un chien,
ou l’autre fleuve I
de panne aqueuse et sale (Paisagem do Capibaride)
des yeux d’un chien.
A cidade é passada pelo rio
como uma rua
Ce fleuve-là é passada por um cachorro ;
uma fruta
était comme un chien sans plumes. por uma espada.
Il ne savait rien de la pluie bleue,
O rio ora lembrava
de la source couleur rose, a língua mansa de um cão,
de l’eau du verre d’eau, ora o ventre triste de um cão,
ora o outro rio
de l’eau de la cruche, de aquoso pano sujo
des poissons d’eau, dos olhos de um cão.
de la brise dans l’eau. Aquele rio
era como um cão sem plumas
Nada sabia da chuva azul,
Il savait les crabes da fonte cor de rosa,
de vase et de rouille. da água do copo de água,
da água de cântaro,
Il savait la boue dos peixes de água,
comme une muqueuse. da brisa na água.
Il devait savoir les poulpes. Sabia dos caranguejos
Il savait assurément de lodo e ferrugem.
Sabia da lama
la femme fiévreuse qui habite les huîtres. como de uma mucosa.
Devia saber dos polvos.
Sabia seguramente
Ce fleuve-là da mulher febril que habita as ostras.
jamais ne s’ouvre aux poissons,
Aquele rio
à l’éclat, jamais se abre aos peixes,
au remuement de couteau ao brilho,
à inquietação de faca
qui est dans les poissons. que há nos peixes.
Jamais ne s’ouvre en poissons. Jamais se abre em peixes.

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Il s’ouvre en fleurs Abre-se em flores
pobres e negras
pauvres et noires como negros.
comme des Noirs. Abre-se numa, flora
suja e mais mendiga
Il s’ouvre en une flore como são os mendigos negros.
sale et même mendiante Abre-se em mangues
de folhas duras e crespos
comme le sont les mendiants noirs. como um negro.
Il s’ouvre en mangles
Liso como o ventre
aux feuilles dures et rèches de uma cadela fecunda,
comme un Noir. o rio cresce
sem nunca explodir.
Tem, o rio,
Lisse comme le ventre um parto fluente e invertebrado
como o de uma cadela.
d’une chienne féconde,
le fleuve grossit E jamais o vi ferver
(como ferve
sans jamais exploser. o pão que fermenta).
Il a, le fleuve, Em silêncio,
o rio carrega sua fecundidade pobre,
une délivrance fluide et invertébrée grávido de terra negra.
comme celle d’une chienne.
Em silêncio se dá :
em capas de terra negra
Et jamais je ne le vis travailler em botinas ou luvas de terra negra
(comme travaille para o pé ou a mão
que mergulha.
le pain qui fermente).
En silence, Como às vezes
passa com os cães,
le fleuve charrie sa fécondité pauvre, parecia o rio estagnar-se.
lourd de terre noire. Suas águas fluíam então
mais densas e mornas ;
fluíam com as ondas
En silence il se donne : densas e mornas
de uma cobra.
en chapes de terre noire, Ele tinha algo, então,
en bottes ou en gants de terre noire da estagnação de um louco.
Algo da estagnação
pour le pied ou la main do hospital, da penitenciária, dos asilos,
qui y plonge.

Comme parfois
il arrive aux chiens,
le fleuve paraissait stagner.
Ses eaux coulaient alors
plus denses et mornes ;
elles coulaient avec les ondes
denses et mornes
d’un serpent.

Il avait quelque chose, alors,


de la stagnation d’un fou.
Quelque chose de la stagnation
de l’hôpital, du pénitencier, des asiles,

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de la vie sale et renfermée da vida suja e abafada
(de roupa suja e abafada)
(du linge sale et renfermé) por onde se veio arrastando.
par où il se traînait. Algo da estagnação
dos palácios cariados,
Quelque chose de la stagnation comidos
de mofo e erva-de-passarinho.
des palais cariés, Algo da estagnação
mangés das árvores obesas
pingando os mil açúcares
de moisissure et d’herbe-aux-oiseaux. das salas de jantar pernambucanas,
Quelque chose de la stagnation por onde se veio arrastando.
des arbres obèses (É nelas,
laissant goutter les mille sucres mas de costas para o rio,
que « as grandes famílias espirituais »
des salles à manger du Pernambouc, [da cidade
par où il se traînait. chocam os ovos gordos
de sua prosa.
Na paz redonda das cozinhas,
(C’est là, ei-las a revolver viciosamente
seus caldeirões
mais dos tourné au fleuve, de preguiça viscosa).
que « les grandes familles spirituelles » Seria a água daquele rio
[de la ville fruta de alguma árvore ?
couvent les œufs gras Por que parecia aquela
uma água madura?
de leur prose. Por que sobre ela, sempre,
Dans la paix close des cuisines, como que iam pousar moscas ?
elles sont là à remuer vicieusement Aquele rio
leurs chaudrons saltou alegre em alguma parte ?
Foi canção ou fonte
de paresse visqueuse.) em alguma parte ?
Por que então seus olhos
vinham pintados de azul
Serait-elle, l’eau de ce fleuve, nos mapas?
fruit de quelque arbre ?
Pourquoi paraissait-elle
une eau mûre ?
Pourquoi sur elle, toujours,
on eût dit que des mouches allaient se poser?

Ce fleuve-là
a-t-il jailli allègre quelque part ?
A-t-il été chanson ou source
quelque part ?
Pourquoi alors ses yeux
étaient-ils peints en bleu
sur les cartes ?

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II

(Paysage du Capibaribe)

Parmi le paysage
le fleuve coulait
comme une épée de liquide épais.
Comme un chien
humble et épais.

Parmi le paysage
(il coulait)
d’hommes plantés dans la boue ;
II
de maisons de boue
plantées en îles (Paisagem do Capibaribe)
coagulées en boue ; Entre a paisagem
paysage d’amphibies o rio fluia
de boue et boue. como uma espada de líquido espesso.
Como um cão
humilde e espesso.
Comme le fleuve Entre a paisagem
ces hommes-là (fluía)
sont comme des chiens sans plumes de homens plantados na lama ;
de casas de lama
(un chien sans plumes est pire plantadas em ilhas
qu’un chien étripé ; coaguladas na lama ;
paisagem de anfíbios
est pire de lama e lama.
qu’un chien assassiné. Como o rio
aqueles homens
Un chien sans plumes são como cães sem plumas
(um cão sem plumas
c’est quand un arbre sans voix. é mais
C’est quand pour un oiseau que um cão saqueado ;
é mais
ses racines dans l’air. que um cão assassinado.
C’est quand la moindre chose Um cão sem plumas
est rongée si profond é quando uma árvore sem voz.
jusqu’à ce qu’elle n’a pas). É quando de um pássaro
suas raízes no ar.
É quando a alguma coisa
Le fleuve savait roem tão fundo
até o que não tem).
ces hommes sans plumes.
Il savait O rio sabia
daqueles homens sem plumas.
leurs barbes à nu, Sabia
leurs cheveux affligés de suas barbas expostas,
de seu doloroso cabelo
de crevettes et d’étoupe. de camarão e estopa.

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Il savait aussi Ele sabia também
dos grandes galpões da beira dos cais
les grands dépôts au bord des quais (onde tudo
(où tout é uma imensa porta
sem portas)
est une immense porte escancarados
sans portes) aos horizontes que cheiram a gasolina.
béant E sabia
aux horizons qui sentent l’essence. da magra cidade de rolha;
onde homens ossudos,
onde pontes, sobrados ossudos
(vão todos
Et il savait vestidos de brim)
secam
la maigre ville de raccrocs, até sua mais funda caliça.
où des hommes osseux, Mas ele conhecia melhor
où des ponts, des bâtisses osseuses os homens sem pluma.
(ils vont tous Estes
secam
vêtus de sacs) ainda mais além
sèchent de sua caliça extrema ;
ainda mais além
jusqu’au plus profond de leur plâtre. de sua palha ;
mais além
da palha de seu chapéu ;
mais além
Mais il connaissait mieux até
da camisa que não têm ;
les hommes sans plumes. muito mais além do nome
Eux mesmo escrito na folha
do papel mais seco.
sèchent
au-delà encore Porque é na água do rio
que eles se perdem
de leur plâtre extrême ; (lentamente
au-delà encore de leur paille ; e sem dente).
Ali se perdem
au-delà (como uma agulha não se perde).
de la paille de leur chapeau ; Ali se perdem
(como um relógio não se quebra).
au-delà
même
de la chemise qu’ils n’ont pas ;
bien au-delà du nom
même écrit sur la feuille
du papier le plus sec.

Car c’est dans l’eau du fleuve


qu’ils se perdent
(lentement
et sans dents).
Ils s’y perdent
(comme une aiguille ne se perd pas).
Ils s’y perdent
(comme une horloge ne se casse pas).

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Ils s’y perdent Ali se perdem
como um espelho não se quebra.
comme un miroir ne se casse pas. Ali se perdem
Ils s’y perdent como se perde a água derramada :
sem o dente seco
comme se perd l’eau répandue : com que de repente
sans la dent sèche num homem se rompe
o fio de homem.
par quoi soudain
dans un homme se casse Na água do rio
lentamente,
le fil de l’homme. se vão perdendo
em lama ; numa lama
que pouco a pouco
Dans l’eau du fleuve, também não pode falar :
lentement, que pouco a pouco
ganha os gestos defuntos
ils vont se perdant da lama ;
en boue ; en une boue o sangue de goma,
o olho paralítico
qui peu à peu da lama.
ne peut parler non plus :
Na paisagem do rio
qui peu à peu difícil é saber
acquiert les gestes défunts onde começa o rio ;
onde a lama
de la boue ; começa do rio ;
le sang de gomme, onde a terra
começa da lama ;
l’œil paralytique onde a homem,
de la boue. onde a pele
começa da lama ;
onde começa o homem
Dans le paysage du fleuve naquele homem.
difficile de savoir Difícil é saber
où commence le fleuve ; se aquele homem
já não está
où la boue mais aquém do homem ;
commence du fleuve ; mais aquém do homem
ao menos capaz de roer
où la terre os ossos do ofício ;
commence de la boue ; capaz de sangrar
na praça ;
où l’homme,
où la peau
commence de la boue ;
où commence l’homme
dans cet homme.
Difficile de savoir
si cet homme
déjà n’est pas
bien en deçà de l’homme ;
bien en deçà de l’homme
au moins capable de ronger
les os de la tâche ;
capable de saigner
sur la place ;

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capable de crier capaz de gritar
se a moenda lhe mastiga o braço ;
si la meule lui mâche le bras ; capaz
capable de ter a vida mastigada
e não apenas
d’avoir sa vie mâchée dissolvida
et non seulement (naquela água macia
que amolece seus ossos
dissoute como amoleceu as pedras).
(dans ces eaux douces
qui amollissent ses os
comme elles ont amolli les pierres).

III

(Fable du Capibaribe)

La ville est fécondée


par cette épée
qui se répand,
par cette
humide gencive d’épée.
III
A l’extrémité du fleuve (Fábula do Capibaribe)
la mer s’étendait,
comme une chemise ou un drap, A cidade é fecundada
por aquela espada
sur ses squelettes que se derrama,
de sable lavé. por aquela
úmida gengiva de espada.

(Comme le fleuve était un chien, No extremo do rio


o mar se estendia,
la mer pouvait être une bannière como camisa ou lençol
sobre seus esqueletos
bleue et blanche de areia lavada.
déployée
(Como o rio era um cachorro,
à l’extrémité du cours o mar podia ser uma bandeira
— ou du mât — du fleuve. azul e branca
desdobrada
no extremo do curso
Une bannière — ou do mastro — do rio.
qui eût des dents : Uma bandeira
car la mer est toujours que tivesse dentes :
que o mar está sempre
avec ses dents et son savon com seus dentes e seu sabão
à ronger scs plages. roendo suas praias.

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Une bannière Uma bandeira
qui eût des dents : que tivesse dentes :
como um poeta puro
comme un poète pur polindo esqueletos,
como um roedor puro,
polissant des squelettes, um polícia puro
comme un rongeur pur, elaborando esqueletos,
o mar,
un policier pur com afã,
élaborant des squelettes, está sempre outra vez lavando
seu puro esqueleto de areia.
la mer,
avec ardeur, O mar e seu incenso,
o mar e seus ácidos,
va toujours relavant o mar e a boca de seus ácidos,
son pur squelette de sable. o mar e seu estômago
que come e se come,
o mar e sua came
vidrada, de estátua,
La mer et son encens, seu silêncio, alcançado
la mer et ses acides, à custa de sempre dizer
a mesma coisa,
la mer et la bouche de ses acides, o mar e seu tão puro
la mer et son estomac professor de geometria).
qui mange et se mange, O rio teme aquele mar
la mer et sa chair como um cachorro
teme uma porta entretanto aberta,
vitreuse, de statue, como um mendigo,
son silence, gagné a igreja aparentemente aberta.
au prix de toujours dire Primeiro,
la même chose, o mar devolve o rio.
Fecha o mar ao rio
la mer et son si pur seus brancos lençóis.
professeur de géométrie.) O mar se fecha
a tudo o que no rio
são flores de terra,
imagem de cão ou mendigo.
Le fleuve craint cette mer
comme un chien Depois,
o mar invade o rio.
craint une porte pourtant ouverte,
comme un mendiant
l’église apparemment ouverte.

D’abord
la mer repousse le fleuve.
Elle ferme au fleuve
ses draps blancs.
La mer se ferme
à tout ce qui du fleuve
est fleurs de terre,
image de chien ou de mendiant.

Puis
la mer envahit le fleuve.

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Elle veut, Quer
o mar
la mer, destruir no rio
détruire du fleuve suas flores de terra inchada,
tudo o que nessa terra
ses fleurs de terre gonflée, pode crescer e explodir,
tout ce qui dans cette terre como uma ilha,
uma fruta.
peut grossir et exploser,
comme une île, Mas antes de ir ao mar
o rio se detém
un fruit. em mangues de água parada.
Junta-se o rio
Mais avant d’aller à la mer a outros rios
numa laguna, em pântanos
le fleuve s’attarde onde, fria, a vida ferve.
en mangles d’eau immobile.
Junta-se o rio
Le fleuve s’unit a outros rios.
à d’autres fleuves Juntos,
todos os rios
en lagune, en marais preparam sua luta
où, froide, la vie travaille. de água parada,
sua luta
de fruta parada.
Le fleuve s’unit
(Como o rio era um cachorro,
à d’autres fleuves. como o mar era uma bandeira,
Réunis, aqueles mangues
são uma enorme fruta :
tous les fleuves
préparent leur lutte A mesma máquina
paciente e útil
d’eau immobile, de uma fruta ;
leur lutte a mesma força
invencível e anônima
de fruit immobile. de uma fruta
— trabalhando ainda seu açúcar
depois de cortada —.
(Comme le fleuve était un chien,
comme la mer était une bannière, Como gota a gota
até o açúcar,
ces mangles gota a gota
sont un énorme fruit : até as coroas de terra ;

La machine
patiente et utile
d’un fruit ;
la force
invincible et anonyme
d’un fruit
— travaillant encore son sucre
une fois coupé —.

Comme goute à goutte


jusqu’au sucre,
goutte à goutte
jusqu’aux couronnes de terre ;

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comme goutte à goutte como gota a gota
jusqu’à une plante neuve, até uma nova planta,
gota a gota
goutte à goutte até as ilhas súbitas
jusqu’aux îles soudaines aflorando alegres).

qui affleurent allègres.)

IV

(Discours du Capibaribe)

Ce fleuve-là
est dans la mémoire
comme un chien vif
dans une salle.
Comme un chien vif
dans une poche.
Comme un chien vif IV
sous les draps,
sous la chemise, (Discurso do Capibaribe)
la peau. Aquele rio
está na memória
Un chien, parce qu’il vit, como um cão vivo
dentro de uma sala.
est aigu. Como um cão vivo
Ce qui vit dentro de um bolso.
Como um cão vivo
ne s’engourdit pas. debaixo dos lençóis,
Ce qui vit blesse. debaixo da camisa,
da pele.
L’homme,
parce qu’il vit, Um cão, porque vive,
é agudo.
se heurte à ce qui vit. O que vive
Vivre, não entorpece.
O que vive fere.
c’est aller parmi ce qui vit. O homem,
porque vive,
choca com o que vive.
Ce qui vit Viver
é ir entre o que vive.
trouble de vie
le silence, le sommeil, le corps O que vive
incomoda de vida
qui rêva se tailler o silêncio, o sono, o corpo
un vêtement de nuages. que sonhou cortar-se
roupas de nuvens.
Ce qui vit heurte, O que vive choca,
a des dents, des arêtes, est épais. tem dentes, arestas, é espesso.

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Ce qui vit est épais O que vive é espesso
como um cão, um homem,
comme un chien, un homme, como aquele rio.
comme ce fleuve. Como todo o real
é espesso.
Aquêle rio
Comme tout le réel é espesso e real.
est épais. Como um maçã
é espessa.
Ce fleuve Como uma cachorro
est épais et réel. é mais espesso do que uma maçã.
Como é mais espesso
Comme une pomme o sangue do cachorro
est épaisse. do que o próprio cachorro.
Como é mais espesso
Comme un chien um homem
est plus épais qu’une pomme. do que o sangue de um cachorro.
Como é muito mais espesso
o sangue de um homem
Comme est plus épais do que o sonho de um homem.
le sang du chien Espesso
que le chien lui-même. como uma maçã é espessa.
Como uma maçã
Comme est plus épais é muito mais espessa
un homme se um homem a come
do que se um homem a vê.
que le sang d’un chien. Como é ainda mais espessa
Comme est beaucoup plus épais se a fome a come.
Como é ainda muito mais espessa
le sang d’un homme se não a pode comer
que le rêve d’un homme. a fome que a vê.

Aquele rio
Épais é espesso
como o real mais espesso.
comme une pomme est épaisse. Espesso
Comme une pomme por sua paisagem espessa,
onde a fome
est beaucoup plus épaisse estende seus batalhões de secretas
si un homme la mange e íntimas formigas.
que si un homme la voit.
Comme elle est encore plus épaisse
si la faim la mange.
Comme elle encore beaucoup plus épaisse
si ne peut la manger
la faim qui la voit.

Ce fleuve-là
est épais
comme le réel le plus épais.
Épais
pour son paysage épais,
où la faim
étend ses bataillons de secrètes
et intimes fourmis.

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Il est épais E espesso
por sua fábula espessa ;
pour sa fable épaisse ; pelo fluir
pour la dérive de suas geléias de terra ;
ao parir
de ses gelées de terre ; suas ilhas negras de terra.
lorsqu’il engendre
Porque é muito mais espessa
ses îles noires de terre. a vida que se desdobra
em mais vida,
como uma fruta
Car est beaucoup plus épaisse é mais espessa
la vie qui se dédouble que sua flor ;
como a árvore
en plus de vie, é mais espessa
comme un fruit que sua semente ;
como a flor
est plus épais é mais espessa
que sa fleur ; que sua árvore,
etc. etc.
comme l’arbre
est plus épais Espesso,
porque é mais espessa
que sa graine ; a vida que se luta
comme la fleur cada dia,
o dia que se adquire
est plus épaisse que son arbre, cada dia
etc., etc. (como uma ave
que vai cada segundo
conquistando seu vôo).
Épais,
car est plus épaisse
la vie que l’on dispute
chaque jour,
le jour qui s’acquiert
chaque jour
(comme un oiseau
qui chaque seconde
conquiert son vol).

Nous remercions l’U.N.E.S.C.O. et sa Division des études et de la diffusion des cultures (Édouard Maunik)
pour l’autorisation qu’ils nous ont donnée de publier cette traduction.

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