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INTRODUCTION AU DROIT CAMEROUNAIS 


COURS DE DROIT CAMEROUNAIS

Dans ce cours de droit camerounais nous étudierons la notion de droit, les sources du


droit camerounais et l’organisation judiciaire du Cameroun. Le droit camerounais est
issu de la réglementation nationale, des conventions internationales et des textes
adoptés par les organisations panafricaines dont le Cameroun est membre.
Le  droit camerounais est influencé par la Common Law anglaise, par le droit civil
français et par les coutumes ou le droit traditionnel.
Dans ce cours de droit camerounais nous étudierons la notion de droit, les sources du
droit camerounais et l’organisation judiciaire du Cameroun. Le droit camerounais est
issu de la réglementation nationale, des conventions internationales et des textes
adoptés par les organisations panafricaines dont le Cameroun est membre.
Le  droit camerounais est influencé par la Common Law anglaise, par le droit civil
français et par les coutumes ou le droit traditionnel. L’étude de la règle de droit nous
conduira aux généralités sur le droit ou règle juridique, à la recherche des sources du
droit et à la hiérarchie des normes juridiques.

I) Définition et contours du droit


Qu’est-ce que le droit ?
Le terme « Droit » désigne les règles qui gouvernent la vie des Hommes en  société.
Le terme « juridique » vise tout ce qui se trouve lié à la notion de droit alors que le
mot « judiciaire » englobe tout ce qui a trait à la justice.
La règle juridique ou droit se distingue des autres règles par son caractère
obligatoire ce qui sous- entend une sanction en cas de non-respect de la règle.
Elle est aussi permanente puisqu’elle doit être abrogée pour disparaître. Cette
sanction est socialement organisée : elle est prévue au préalable et est l’œuvre de
la puissance publique. Le droit ou règle de droit désigne en fin de compte
l’ensemble des normes destinées à réguler la vie des hommes en société et dont
la violation est sanctionnée par la puissance publique qu’est l’Etat.
Le droit recouvre deux ensembles : le droit objectif et les droits subjectifs. L’objet du
droit objectif est de délimiter les droits subjectifs des personnes. La règle de droit est
générale car elle s’applique à tous sans distinction,
1. Le droit objectif
Le droit est, en premier lieu, un ensemble de règles destinées à organiser la
vie en société. A cet ensemble, on applique l’expression Droit objectif. Le Droit
objectif est la règle de droit ou le Droit. C’est un ensemble de règles de conduite,
socialement édictées et sanctionnées, qui s’imposent aux membres de la société.
–  Il s’agit de délimiter la part de liberté et de contrainte de chacun. Il faut définir ce
qui est permis ou pas pour que la vie sociale soit possible. La société établit des
règles destinées à régir son fonctionnement, et par voie de conséquence, à
organiser les relations des personnes qui la composent.
–  Le droit objectif est constitué par l’ensemble de ces règles juridiques. Lorsqu’on
étudie la règle de droit
objectif,  cela  signifie  qu’on  prend  en  considération  la  règle  de  droit,  en  elle-
même  et  pour elle-même, abstraction faite de son contenu. On envisage ce qui est
commun à toutes les règles juridiques : ses caractères, ses classifications, ses
sources, son domaine d’application, etc…

2. Les droits subjectifs


Le Droit objectif reconnaît des prérogatives aux individus. Ces prérogatives sont des
droits subjectifs dont les individus peuvent se prévaloir dans leurs relations avec les
autres. Il ne faut pas perdre de vue que le droit a pour but d’organiser la vie en société,
donc de régir des personnes qu’on appelle sujets de droit. Dans ce second sens, le
droit est envisagé de façon plus concrète et particulière. On examine les droits dont une
personne est titulaire, les prérogatives individuelles que les personnes ont vocation à
puiser dans le corps de règles constitué par le droit objectif. Le droit subjectif vise des
prérogatives individuelles reconnues et sanctionnées par le Droit objectif permettant à
son titulaire de faire, d’exiger ou d’interdire quelque chose dans son propre intérêt ou
parfois dans l’intérêt d’autrui. Il vise, en bref, les droits de la personne en tant que telle.
Ces deux significations du mot droit ne s’opposent pas, elles sont
complémentaires. Ce sont deux façons différentes d’envisager le même phénomène,
les deux faces d’un même miroir : le droit. Le droit objectif tend à déterminer les
droits subjectifs des individus.
3. Le droit positif
C’est l’ensemble des règles juridiques en vigueur ou applicables dans un Etat à un
moment précis ou à une époque précise.
4. Les droits naturels et les droits de l’homme
Les droits naturels désignent les droits que l’on obtient à la naissance du seul fait
d’être né et viable. Pour ce qui est des droits de l’homme, ils désignent l’ensemble
constitué par les droits naturels et les droits subjectifs de l’homme. Les droits de
l’homme sont inaliénables (personne ne peut les perdre, temporairement ou
définitivement, volontairement ou non) et universels car fondés sur la raison et non
sur les particularismes culturels. Les droits de l’homme sont opposables en toutes
circonstances à la société et au pouvoir quel que soit le droit positif en vigueur ou les
autres facteurs locaux tels que l’ethnie, la nationalité, l’orientation sexuelle ou la
religion. Les droits de l’homme sont des prérogatives dont les individus ou des
groupes sont titulaires, qui commandent à l’État et aux institutions de les respecter et
de les faire respecter.
5. Les  droits fondamentaux
Les droits fondamentaux désignent les droits de l’homme consacrés et garantis par
des textes supérieurs comme la Constitution. Ce sont des droits justiciables.

III ) Les branches et systèmes de droit

1. Système juridique : le bi juridisme camerounais


Il existe aujourd’hui dans le monde deux systèmes juridiques majeurs ou systèmes
de droit : le système germano romain et le système anglo saxon ou de la Common
Law. Le Cameroun a la particularité d’appartenir au deux systèmes. C’est la raison
pour laquelle, le système  Camerounais est dit bijural.
2. Les branches du droit
Le  droit  est  divisé  en  deux branches :   droit public et droit  privé.
– Le droit privé est celui qui régit  les rapports  entre  particuliers  ou avec  les
collectivités  privées,  telles que les associations, les sociétés et qui assure
prioritairement la sauvegarde des intérêts individuels.
Le droit privé comprend principalement  le droit civil et le droit   commercial.
–  Le  droit  public   est  celui  qui  régit  les  rapports   de  droit  dans  lesquels  
interviennent   l’Etat    (ou  une       autre collectivité publique) et ses agents. Le
droit public régit l’organisation  de l’Etat et des collectivités
publiques ainsi que leurs rapports avec les particuliers.
Ainsi, il contient les règles
d’organisation de l’Etat et celles  qui  régissent  les  rapports 
entre  les  particuliers  et l’Administration. Le droit public se subdivise
aussi en plusieurs  branches.  Il  comprend principalement le droit constitutionnel
qui fixe les règles de base d’organisation de l’Etat, le droit administratif 
qui  réglemente  la structure  de l’Administration  et ses rapports 
avec les particuliers,    le droit financier composé du droit du budget ou les
finances publiques et  du  droit  fiscal  qui  réunissent les règles
gouvernant les dépenses et  les  recettes  des  collectivités publiques, les 
libertés publiques qui définissent les divers droits  de  l’individu  dans  la société
et les modalités de leur  protection.
 Le droit public diffère du droit privé par   :
 une finalité différente : il vise à satisfaire l’intérêt de la collectivité. Il est au
service de l’intérêt  public alors que le droit privé est
au service des   individus.
La distinction du droit privé et du droit  public  n’est  pas 
une  division  absolue  du  droit.  En réalité, les techniques et
les préoccupations se mélangent très souvent. Il est des règles de
droit  dites  mixtes parce qu’elles réalisent  une  combinaison  de règles 
relevant,  pour les une  du droit public,  et pour les autres,  du droit  privé.
 Le droit pénal, appelé aussi « droit criminel » est un  droit  mixte.  Il 
a  pour  principal  objet    de  définir les comportements constitutifs
d’infractions,  et de fixer  les  sanctions applicables à leurs auteurs. Mais le droit
pénal ne vise pas  que  la  répression,  il  cherche 
aussi  à  prévenir  les attitudes  délictueuses,  à  rééduquer  les  anciens
délinquants.  Le  droit  pénal  a  un   lien   étroit avec  le  droit  public 
puisque  les  infractions  sont  définies  en  considération  de  l’intérêt  
général et c’est la puissance  publique  qui assure l’exécution  de
la sanction.  Le procès n’oppose  pas deux particuliers, la victime et
le délinquant mais le délinquant et  la  société.  Même  si  la  victime
n’intervient pas parce qu’elle est décédée ou ne souhaite pas
les poursuites, le procès se déroulera normalement,
opposant le délinquant au ministère public, représentant de  l’Etat.
L’essentiel  des  règles  du  droit  pénal  sont rassemblées
dans un Code  pénal.
Le droit pénal est néanmoins traditionnellement rattaché  au droit
privé  et  enseigné  dans  les  facultés  par  des professeurs  de  droit privé.

L’organisation judiciaire du Cameroun

Depuis son indépendance, le Cameroun a adhéré au principe de la séparation des


pouvoirs formulé par John Locke et Montesquieu pour prévenir les abus du pouvoir
en confiant celui-ci à plusieurs organes chargés chacun d’une fonction différente et
en mesure de se faire mutuellement contre poids.
Toutefois, ce n’est qu’en 1996 qu’un véritable pouvoir judiciaire sera affirmé par les
articles 37 à 42 de la loi № 96/ 06 du 18 janvier modifiée par la loi du 14 Avril 2008
portant révision de la constitution du 02-06- 1972. D’après l’article 37de la loi
précitée, le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour Suprême, les Cours d’Appel et
les tribunaux (lesquels font partie de l’organisation judiciaire).
L’organisation judiciaire au Cameroun est très originale du fait non seulement de la
coexistence du Droit Civil et de la Common Law, fruit de la colonisation Franco-
Britannique, mais encore du fait de la coexistence de la Coutume et du droit écrit.

A – Les juridictions de droit commun


On entend par juridiction de droit commun celles qui ont le pouvoir de connaitre de
toutes les affaires à l’exception de celles qui leur sont expressément retirées par
un texte.
Du faite du pluralisme judiciaire existant au Cameroun, c’est-à-dire de la
coexistence des juridictions de droit moderne appliquant le droit Civil et la Common
Law et des juridictions traditionnelles appliquant la coutume, nous allons présenter
d’une part les juridictions de droit moderne et d’autre part les juridictions
traditionnelles.
Les juridictions de droit commun sont régies au Cameroun par la loi № 2006/015 du
29 décembre 2006, le décret № 69/DF/544 du 19 Décembre 1969 modifiée
par le décret № 71/DF/607 du 3 décembre 1971 portant organisation des
juridictions traditionnelles du Cameroun oriental, complété par la loi № 79/4
du 29 juin 1979.

1) Les juridictions de droit moderne de premier degré


Les juridictions de premier degré sont celles qui connaissent d’une affaire pour
la première fois. Au Cameroun, il s’agit du TPI et du TGI en ce qui concerne
les juridictions de droit moderne.
1. Tribunal de première instance
Il est crée un tribunal de Première Instance par arrondissement. Toutefois, suivant
les nécessités de service, le ressort dudit tribunal peut être étendu à plusieurs
arrondissements. Sur le plan matériel, le tribunal de première Instance est
compétent pour connaitre;
En matière pénale
.          Des infractions qualifiées de délits ou de contraventions
Des demandes de mise en liberté formées par toute personne détenue et
poursuivre    devant lui, pour une infraction de sa compétence ;
.          Des crimes commis par les mineurs sans co-auteur ou complice majeur.
En matière civile, commerciale ou sociale
.         
Des  actions  en  recouvrement,  par  procédure  simplifiée  des  créances  civiles  ou 
commerciales certaines, liquides et exigibles n’excédant pas 10.000.000FCFA
.          Des différends dont le montant de la demande est inférieur ou égal à
10.000.000FCFA.
1. Tribunal de grande instance
Sa compétence territoriale couvre le ressort d’un département et peut être étendue
à plusieurs départements en cas de nécessité.
Sur le plan matériel, le tribunal de grande instance est compétent pour connaître;
En matière pénale
.           Des crimes et délits connexes
.           Des demandes des mises en liberté formées par toute personne détenue et
renvoyée  devant lui, pour des infractions de sa compétence ;
En matière civile, commerciale et sociale
Des actions et procédures relatives à l’état des personnes, à l’état civil, au mariage,
au divorce, à la filiation, à l’adoption et aux successions ;
Des demandes de recouvrement, par procédure simplifiée, des créances civiles ou
commerciales certaines, liquides et exigibles d’un montant supérieur à
10.000.000FCFA ainsi que des créances commerciales, certaines, liquides et
exigibles quel qu’en soit le montant, lorsque l’engagement résulte d’un chèque, d’un
billet à ordre ou d’une lettre de change.
En matière non administrative
De toute requête tendant à obtenir l’interdiction à toute personne ou autorité,
d’accomplir un acte pour lequel elle est légalement incompétente;
Des requêtes tendant à obtenir l’accomplissement par toute personne ou autorité,
d’un acte qu’elle est tenue d’accomplir en vertu de la loi.
L’article 18 de la loi № 2006/015 précitée attribue des compétences particulières au
président du  Tribunal de Grande Instance ainsi que du président du Tribunal de
Première Instance.

2) Les juridictions de second degré : les cours d’appel et la Cour suprême


D’après l’article 19 de la loi № 2006/015, il est créé une Cour d’Appel par région.
Toutefois, suivant les nécessites de service, le ressort de cette Cour peut
comprendre plusieurs régions. Elle siège au chef-lieu de la région.
D’après l’article 22 de la loi précitée, la Cour d’Appel est compétente pour
connaitre;          
Des appels interjetés à l’encontre des décisions rendues par les juridictions autre
s que la Cour Suprême et la Cour d’Appel elle-même ;
.           Des appels formés contre les ordonnances du juge d’instruction;
.           Du contentieux de l’exécution des décisions;
.           De tout autre cas prévu par la loi.
D’après l’article 38 de la loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996 révisée, « la Cour
Suprême est la plus haute juridiction de l’Etat en matière judiciaire, administrative
et de jugement des comptes ».
La Cour Suprême trône au sommet de la pyramide judiciaire camerounaise et est
constituée de trois chambres à savoir :
.           La Chambre judiciaire
.           La chambre administrative
.           La chambre des comptes
La Cour Suprême est l’organe de contrôle du système judiciaire Camerounaise.
Son ressort territorial couvre toute la République du Cameroun.
Sur le plan de la compétence matérielle, chacune des Chambres de la Cour
Suprême a des attributions propres.

1. Compétence de la Chambre judiciaire


D’après l’article 39 de la loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996 révisée, « la
Chambre judiciaire statue souverainement sur:
.           Les recours en cassation admis par la loi contre les décisions rendues en
dernier ressort   par les cours et les tribunaux.
.          
Les décisions des juridictions inférieures de l’ordre judiciaire devenues définitive
s dans les cas où l’application du droit est en cause. – Toute matière qui lui est
expressément attribuée par la loi.

1. Compétence de la Cour Suprême en matière administrative


D’après l’article 40 de la loi constitutionnelle précitée : « la Chambre administrative
connaît de l’ensemble du contentieux administratif de l’Etat et des autres
collectivités publiques.
Elle connaît en appel du contentieux des élections régionales et municipales. Elle 
statue  souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les
juridictions inférieures en matière de contentieux administratif.
Elle connaît de tout autre litige qui lui est expressément attribué par la loi.

1. La Compétence de la Chambre des Comptes


D’après l’article 41 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 révisée : « La
Chambre des Comptes est compétente pour contrôler et statuer sur les comptes
publics et ceux des entreprises publiques et para- publiques. Elle statue
souverainement sur les décisions rendues en premier et dernier ressort par les
juridictions inférieures des comptes. Elle connaît de toute autre matière qui lui est
expressément  attribuée par la loi »
La Chambre des Comptes a une importance capitale dans la lutte contre le
détournement des derniers publics à travers ses missions de contrôle.
Les juridictions d’exception que sont le Tribunal Militaire, la Cour de Sûreté de
l’état, la haute cour de justice et la Commission Provinciale du contentieux de
la Prévoyance Sociale feront l’objet d’un travail ultérieur.

B) Les juridictions d’exception


Les juridictions d’exception sont celles qui ne peuvent statuer que dans les matières
pour lesquelles un texte particulier leur donne expressément compétence. (Le
tribunal militaire, la haute cour de justice,  la cour des suretés de l’Etat, le tribunal
criminel spécial et la Commission régionale du contentieux de la prévoyance sociale.

L’action en justice au Cameroun


La sanction des droits subjectifs : l’action en  justice en droit
camerounais

Qu’est-ce que l’action en justice?

–       L’action en justice « est le droit, pour l’auteur d’une prétention,  d’être


entendue  sur  le  fond  de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. » et
« pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter  le bien-fondé  de
cette  prétention».
Il est intéressant de relever que pour les auteurs  de  ces  textes,  l’action  est 
expressément envisagée  comme  un  droit subjectif.
–      Nous allons voir  les conditions  d’existence  de l’action en justice

Qui peut ouvrir une action  en justice ?

L’action est ouverte à tous ceux qui ont un  intérêt  légitime  au  succès  ou  au 
rejet  d’une  prétention, sous réserve  des  cas  dans  lesquels  la  loi  attribue  le 
droit  d’agir  aux  seules  personnes  qu’elle  qualifie  pour  élever  ou  combattre 
une  prétention,  ou   pour   défendre   un  intérêt déterminé ». Pour
exercer  une action en justice,  il faut donc pouvoir  invoquer  un intérêt et  
une  qualité  pour agir.
1. – L’intérêt  à agir
L’intérêt est le fondement de l’action. Il ne suffit pas, en  effet,  d’être  titulaire 
d’un  droit  pour agir. Il faut justifier d’un intérêt. Seul celui qui a
un avantage à voir sa prétention  reconnue  en  Justice peut exercer une  action
: « Pas d’intérêt,  pas  d’action ».  L’intérêt doit remplir quatre conditions.
–            L’intérêt doit être direct. Cela signifie que l’intérêt doit découler
directement  du  succès  de  l’action judiciaire. Il doit être lié au droit dont il
est demandé reconnaissance  au    juge.
–            L’intérêt doit être légitime (?). Cette expression n’est pas exempte
d’ambiguïté. Pendant longtemps,  cette condition  a  permis  à  la  jurisprudence 
d’écarter  le  plaideur  ne  pouvant  invoquer  «  un  intérêt 
légitime  juridiquement  protégé ».  Cette  idée  était  finalement 
proche  de celle qui affirme « nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude ». On sait cependant que cette condition particulière a été abandonnée 
par  la  jurisprudence  depuis  un  arrêt  de  la  Chambre  mixte du 27 février
1970. L’expression utilisée par l’article 31 du NCPC indiquant
que l’action  est ouverte, en principe, « à  tous ceux qui
ont un intérêt légitime  au  succès  d’une  prétention » doit  être entendue 
comme exprimant,  d’un mot, les autres caractères exigés (F.   Terré).
–             L’intérêt doit être personnel au demandeur. C’est le ministère public qui
est chargé de représenter les intérêts de  la  société.  Il  faut  donc  pouvoir 
justifier  d’un  intérêt  personnel  au  succès de la prétention  invoquée  : 
à  chacun  de  défendre  ses  intérêts.  Cependant,  dans  certains  cas, 
la  loi  reconnaît  à  certains   groupements   la   faculté   d’exercer   l’action   en
réparation d’un  préjudice  qu’ils  n’ont  pas  subi personnellement 
et  qu’aucun  des  membres  n’a  subi   personnellement.   Ainsi,   un   syndicat   
professionnel  représente les intérêts de la profession. Il peut ester en justice 
pour  exercer  les  droits  visant  à  obtenir  réparation  de  l’atteinte  à   l’intérêt
collectif de la profession qu’il représente.  Les  ordres  professionnels,  comme 
celui  des avocats ou des médecins, peuvent également agir pour
défendre les intérêts  de  la  profession  qu’ils représentent. La jurisprudence
apprécie de façon assez restrictive cette notion d’intérêt collectif  car  elle a
le souci ne pas laisser ces groupements se substituer au ministère public.
Pourtant ce droit à agir est particulièrement  nécessaire  lorsque  le  ministère
public ne se montre pas très dynamique. Les associations doivent être
habilitées par le  législateur  par   une   disposition spéciale pour intervenir pour la
défense des intérêts qu’elles représentent. Les associations de consommateurs,
spécialement habilitées parle législateur, sont particulièrement actives dans 
la défense des intérêts qu’elles sont chargées de   représenter.
–         L’intérêt doit être né et actuel. Cette exigence signifie qu’aucune action 
n’est  accordée  pour  faire réparer un préjudice éventuel, hypothétique. On
ne peut faire respecter  un  droit  dont  on n’est pas sûr qu’il a été violé. On
ne sait pas encore si le préjudice existe. Cela signifie pas pour autant qu’il soit
nécessaire que le préjudice soit précisément déterminé, il suffit qu’il puisse être
déterminable. Un préjudice futur peut être certain, si l’on est
sûr qu’il se réalisera, mais
qu’on ne connaît pas précisément la date de cette   réalisation.
2. – Une qualité pour agir
La qualité est la seconde condition  d’ordre  général  à laquelle  est  soumise 
l’existence  de l’action  en justice. La qualité, c’est « le titre qui  permet  au
plaideur  d’exiger  du juge  qu’il  statue  sur  le fond  du litige ». En principe,
toute personne a  qualité  pour  agir.  La  condition  de  la qualité n’intervient 
donc que dans le cas où le législateur a fait un choix parmi tous ceux pouvant
avoir un intérêt et a réservé le droit à agir à quelques-uns. En matière de
nullité, la loi réserve  le  droit  à  agir  à  quelques-  uns, il en est de même de
l’action  en désaveu  de paternité  (père) ou encore de  l’action  en divorce 
(époux).  On peut  multiplier  les  exemples.  La  nature  particulière   du 
droit   conduit   la loi  à  restreindre  parmi  toutes  les personnes 
ayant  un  intérêt  à  agir  celles  qui  seront  investies du droit d’action. On 
dit  que  ces  actions  sont « attitrées », c’est-à-dire que
les titulaires de l’action  sont spécialement  désignés.

 -a-  Les principes  directeurs  de l’instance


–     L’organisation  judiciaire est commandée par quelques grands principes   :
a-        Le principe de la neutralité du juge   :
Saisine : Ce principe signifie tout d’abord que le juge ne prend pas les devants, il
ne  se  saisit  jamais d’office. Il tranche les litiges qui lui sont soumis soit par
le ministère public,  en  matière pénale,   soit   par   les   parties   pour  toutes  les 
autres  matières.  seules  les  parties introduisent
l’instance, hors les cas où la loi
en dispose autrement. Ce principe est entendu de façon très  large.
Déroulement de la procédure : Il signifie également que les parties  ont  la 
direction  de  la  procédure. Il appartient aux parties
d’accomplir les actes de procédure dans les formes et délais requis par  la 
loi.   Le juge  doit  rester  neutre.
b-           Le principe du contradictoire : les impératifs de justice
nécessitent le respect des droits de la défense. Une certaine loyauté doit exister de
la part des parties et du juge. Le principe du contradictoire est un  principe 
fondamental  gouvernant  le  procès. En  effet,  chacune  des  parties doit être en
mesure  de  se  faire  entendre afin d’exposer  son point  de vue et discuter  les
éléments  qui peuvent  être utilisés  pour aboutir  à la solution du  litige.
On a néanmoins organisé une procédure par défaut pour éviter que l’adversaire ne
se dérobe. Des précautions ont été prises pour garantir les droits de la partie
défaillante. On lui a permis si le  jugement a été rendu en son absence de faire
opposition : le même tribunal sera saisi pour que  l’affaire soit à nouveau  jugée
dans son  entier.

 b)  Le jugement
–     Après avoir précisé la notion de jugement  nous en étudierons la   force.
1  – Notion  de jugement
–             Au  sens  large,  le  mot  « jugement »  désigne  toute  décision  judiciaire. 
C’est   la   décision  rendue  par   une  juridiction   spécialement   organisée   pour  
trancher,   en   observant   une procédure    minutieusement  réglementée, les
contestations  que les plaideurs  lui  soumettent.
–        Dès lors, il faut constater que les décisions émanant d’une
juridiction ne sont pas toutes des jugements. Il convient de distinguer les jugemen
ts contentieux, les actes d’administration et les
décisions gracieuses.  Seuls les jugements contentieux  sont de véritables
actes   juridictionnels.
–       Les actes d’administration judiciaires sont destinés  à  assurer  le 
bon  fonctionnement  du  service de  la justice.
Ainsi, la décision qui consiste à distribuer les affaires entre les  différentes 
chambres  de  la  juridiction  ou à fixer une date d’audience est un acte de pure
administration    judiciaire.
–       Les décisions  gracieuses  se caractérisent  par le fait qu’elles  ne tranchent 
pas un litige.  Il s’agit,  par exemple, d’ordonner  des  mesures  de  protection  
pour  certaines   personnes,  
d’homologuer un   partage   de   succession, d’ordonner la rectification d’un acte
de l’état civil,  etc…
2   – Force du  jugement
–            Quand le litige a été définitivement tranchée, il  va  acquérir  une  force 
particulièrement  importante. Le jugement va acquérir l’autorité de la chose
jugée. Cela signifie que ce qui a été définitivement jugé ne peut plus être remis en
cause. Il convient de circonscrire le  domaine  de l’autorité  de  la  chose  jugée 
avant  d’en examiner les conditions.
 a) Le domaine  de l’autorité  de la chose jugée
–        L’autorité de  la  chose  jugée  ne  s’attache  qu’aux  décisions  définitives. 
Une 
décision définitive  est  celle  à  propos  de  laquelle  le  juge  ne  peut  pas  interv
enir.    Une    décision    est       définitive

lorsqu’aucune voie de recours n’est plus possible. Un tel jugement acquiert


l’autorité de la  chose  jugée. Si il n’y a aucune voie de recours , le jugement est 
immédiatement  définitif  et  acquiert  l’autorité de la chose jugée. S’il
est susceptible d’une voie de recours , il  ne  devient  définitif  et  acquiert
l’autorité de la chose jugée qu’à l’expiration  de ce   délai.
– L’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux décisions
contentieuses, quelle que soit  la  juridiction qui a tranché le litige.  Il  faut  aussi 
précisé  que  toute  la  décision  n’acquiert  pas l’autorité de
la chose jugée : seul le dispositif a l’autorité de la chose jugée,  c’est-à-dire  la 
partie  finale de la décision dans laquelle le tribunal  tranche  le  débat.  Les 
motifs  n’acquièrent  pas  la  même  autorité.
 b) Les conditions  de l’autorité  de la chose jugée
– L’article 1351 du Code civil exige trois conditions pour que
la décision ait l’autorité  de la chose  jugée : une identité d’objet, de cause et
de parties. En effet,  « L’autorité de la chose jugée n’a lieu  qu’à l’égard de ce qui a
fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit
fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par
elles et contre elles en la même qualité ».
– Il faut qu’il y ait identité d’objet. Cela signifie que la chose demandée doit être
la même. Si la demande n’est pas la même, le juge peut donc l’examiner 
sans  se  heurter  à  l’autorité  de  la chose jugée. Ainsi après avoir échouer
dans une demande en divorce, le juge peut
examiner une demande en séparation de  corps.
– Il faut qu’il  y ait identité de cause. Cela signifie que la demande doit être
fondée sur la même cause, sur le même fondement juridique pour que puisse 
être  opposée  l’autorité  de  la  chose  jugée. Si la cause n’est pas
la même, le juge peut  examiner  la  demande.  Ainsi,  après  avoir  échoué
dans une demande en divorce sur  demande acceptée, il 
est  possible  de  demander  au  juge de prononcer  un divorce  pour faute ou
une simple  séparation  de   corps.
–  Il faut qu’il y ait identité des parties  . Cela signifie que l’autorité de la  chose 
jugée  est,  en principe, relative. La chose jugée n’est opposable qu’aux
parties aux  procès.  Pour  invoquer  l’autorité de la
chose jugé, il faut en principe que « la demande soit  entre  les  mêmes 
parties  et formée  par elles ou contre elles en la même     qualité ».

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