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METHODE POUR LA DISSERTATION

I Analyse du sujet : travail préparatoire

Avant toute chose, il s'agit de comprendre le sens de la question : de savoir ce qu'il est demandé.
Le sujet de dissertation est un sujet qui se présente sous la forme d'une question. Mais à cette
question, il n'est pas attendu que l'on réponse en faisant état de ses opinions, de ses convictions, de
ses croyances...
L'analyse de la question doit nous permettre de comprendre le problème implicite posé par la
question. Il s'agira par la suite d'essayer de résoudre le problème, d'amener une solution.
Le premier travail est donc un travail de problématisation : passer de la question au problème.

Retenez bien : la question n'est pas le problème ; la réponse (à la question) n'est pas une
solution (du problème) Ne confondez jamais les deux.

Pour accomplir ce travail de problématisation, des démarches de méthode sont à mettre en œuvre.
Elles constituent les différents points ci-dessous. Ils ne sont pas indépendants les uns des autres,
doivent s'appuyer les uns sur les autres.

1. Analyser les termes du sujet, compte tenu de l'ensemble du libellé (= définir)

Prendre chaque terme et chercher sa signification dans le contexte du sujet.


ATTENTION : tous les termes du sujet doivent être interrogés, et pas seulement les
notions philosophiques. Même les termes les plus simples, dont le sens vous paraît a priori
évident (verbes, articles -définis ou indéfinis ?-, adverbes,...), méritent d'être étudiés, car
ils vous aident à obtenir une compréhension précise du sujet et à trouver quel problème
précis il soulève.
Essayer de formuler une définition générale.
On s'aidera pour cela:
a) de l'étymologie si on la connaît,
b) des synonymes possibles, tout en songeant aux nuances qui séparent les différentes
valeurs impliquées dans les mots,
c) des termes apparentés avec lesquels on pourrait faire des relations,
d) de l'opposé, quand le terme possède un contraire, Il est très important de ne jamais oublier
le contraire, la plupart des concepts fonctionnent par paire, il sont duels. : plaisir/douleur,
jour/nuit, espoir/désespoir, réussite/échec,
e) des expressions communes du langage qui utilisent le mot dans un sens assez proche du
sujet.

• Soit, à titre d'exemple, le sujet suivant: « Faut-il renoncer à l'idée que l'homme a une
nature ? »
Renoncer : abandonner, se passer de, renier...Renoncer signifie ici rejeter volontairement
une idée que l'on avait auparavant admise, ne pas la garder à l'esprit, ne pas en faire usage.
Idée : ce terme est à comprendre ici dans son sens usuel : pensée, acte de l'esprit. Mais il
faut se demander quel est le statut de cette idée : invention de l'imagination humaine ?
Opinion ? Hypothèse ? Connaissance rationnelle ?
L'homme : l'être humain en général ou universel (cf. l'article défini singulier : « le »), et
donc sans distinction de sexe, de culture,...
Nature : expressions courantes : c'est dans sa nature ; par nature les hommes sont plus
violents que les femmes ; étouffer en soi la nature ; il est d'une nature peureuse...
Le terme de nature a ici deux sens :
- premier sens : essence, définition. Ensemble des caractères permettant de définir une
chose ou un phénomène. La nature humaine désigne alors l'ensemble des caractères
fondamentaux de tous les êtres humains, sans distinction de cultures, de races, d'époques,...
- second sens : caractère, tempérament. Ensemble des éléments innés propres à un individu
particulier, singulier. La nature d''un homme désigne ses traits de caractère, considérés
comme permanents (être timide, bavard, courageux...)
Falloir : « Faut-il ». Deux sens doivent être ici pris en compte :
Faut-il = est-il nécessaire. La question renvoie au problème de la vérité de
l'affirmation « l'homme a une nature » .
Faut-il = doit-on. Cette question renvoie aux conséquences morales et/ou juridiques
de l 'affirmation « l'homme a une nature ».

2. Déterminer la notion thématique et la notion opératoire.

Il faut repérer sur quoi porte le sujet, quel est son centre et aussi avec quelles notions il est
mis en rapport:
- la notion thématique: c'est la notion principale du sujet, c'est elle qui détermine et oriente
tout le sens et toute la réflexion qu'exige la question posée.
- La notion opératoire: c'est la deuxième notion importante du sujet. La notion opératoire
est celle par l'intermédiaire de laquelle la notion thématique va être analysée et discutée. La
notion opératoire délimite le cadre de réflexion du sujet, ne pas la repérer correctement
constitue un risque de hors sujet.

Parfois, ces notions sont explicites et il y a peu de marge d'interprétation, parfois (c'est le cas
de l'exemple ci-dessous), l'une au moins est implicite et laisse place à une liberté
d'interprétation du sens du sujet.

• Dans le sujet qui nous sert d'exemple :


- la notion thématique est celle de « nature de l'homme », de « nature humaine » (voir les
définitions en 1)
- la notion opératoire est implicite : elle renvoie à l'idée de renoncement, aux raisons qui
conduisent à renoncer (voir 1 et ci-dessous 4). On pourra proposer par exemple que la
notion opératoire est celle de culture, opposable à celle de nature (on renoncerait à l'idée
que les hommes ont une nature, au premier sens-cf 1- parce que les cultures toujours
particulières empêcheraient de trouver un universel, ou parce que, au second sens,
l'éducation par laquelle nous intégrons un monde humain fait que nos caractéristiques
innées sont modifiées...

3 Reformuler la question

Rassembler les résultats de l'analyse du sujet précédente :


prendre un peu de recul devant ce que l'on a trouvé et essayer d'en inclure l'essentiel pour effectuer
une reformulation du sujet. En d'autre termes essayer de réécrire le sujet en incorporant ce que l'on a
découvert. Il faut essayer de faire apparaître les implications du sujet.
Trouver aussi un fait concret, des exemples auxquels se rapporte le sujet, en choisir un et disposer
ce que l'on a trouvé autour de l'exemple.
ATTENTION : cette reformulation de la question n'est toujours pas la formulation du problème !

• Dans le sujet précédent, on en viendra à une reformulation comme : Est-il nécessaire ou


souhaitable de rejeter l'idée selon laquelle on pourrait définir les hommes par des caractéristiques
immuables, permanentes, d'en fixer la définition?

Un exemple possible : la controverse de Valladolid.


- on se souviendra de cette controverse relative à l'humanité des indiens d'Amérique centrale et du
sud, sur arrière fond d'esclavage. Il apparaît que, d'un côté, la définition d'une « nature humaine »
peut être l'instrument par lequel on exclut des peuples de la commune humanité (justifiant ainsi
moralement et juridiquement la tenue en esclavage). D'un autre côté, une définition peut être à
l'inverse « intégrative » : c'est parce qu'ils sont, par delà toute différence jugée non essentielle,
accidentelle, jugés participer à une commune humanité, que les êtres sont protégés, reconnus dans
leur dignité.

4 Rechercher les présupposés du sujet et son enjeu

Les sujets comportent des présupposés. Un présupposé, c'est ce qui est par avance admis, sans quoi
la question ne se poserait pas (si je demande à quelqu'un « quand viendras-tu ? », je présuppose
qu'il est acquis qu'il viendra, seule la question de l'heure de passage se pose. Mais ce présupposé
est-il correct, vrai?)
Se demander : que faut-il admettre pour poser une question pareille ? Qu'est ce qui est sous-entendu
dans cette question ?

Classer les différents sous-entendus qui sont implicites dans la formulation même du sujet.
Questionnez-les pour cerner l'enjeu du sujet.

• Dans le sujet précédent,


– on présuppose que l'idée que « l'homme a une nature » est d'abord admise.
Mais quel est le statut de cette idée ? (cf ci-dessus 1 : définition de la notion d'idée)
Pour quelles raisons, sur quel fondement aurait-elle été « adoptée » ? (cf ci-dessus 1:
définitions de « falloir » : enjeu de vérité ? Enjeu moral et/ou juridique ?...)
– On présuppose qu'il existerait des raisons conduisant à l'abandonner ou à s'en passer.
Quelles seraient ces raisons ? A quels enjeux renvoient-elles ?
Un enjeu de vérité ? Au premier sens de nature (ci-dessus 1), est-il possible de
définir l'homme comme on définit on objet ? De l'enfermer dans une définition
figée ?
Un enjeu moral ? Au deuxième sens de nature (ci-dessus 1) N'est-ce pas enfermer
l'homme dans une forme de fatalité – il ne peut rien y changer, c'est son caractère- et
finalement le déresponsabiliser- ce n'est pas sa faute, il est comme ça ?

Mettre sur le papier ensuite l'enjeu du sujet, tel que l'on va le formuler dans l'introduction. Se
demander : qu'est-ce qui nous conduit dès lors à formuler une telle question? Le problème précis du
sujet sera dégagé ici. Cette démarche revient à déterminer en fait le sens exact de la question posée.
Cela revient à trouver une formulation qui complète: "Tout bien compris, au fond une telle question
revient à se demander si...."

Dans notre exemple :


Si l'on considère que l'homme a une nature, cette définition devra être valable pour tous les
hommes, de toutes les époques, de toutes les cultures. Ce qui exige de mettre de côté les différences
culturelles. Est-ce souhaitable ? Est-ce seulement possible ? Affirmer l'idée d'après laquelle
l'humanité est définie par des caractères universels, c'est, figeant cette définition, prendre le risque
de faire abstraction des infinies variétés culturelles qui distinguent les hommes les uns des autres à
travers l'histoire et l'espace ; c'est prendre le risque d'exclure de l'humanité ceux qui, en raison de
particularités culturelles, ne présentent pas les caractères retenus pour la définition
A l'inverse, renoncer à cette idée n'est pas sans danger : ne risque-t-on pas de refuser à certains le
statut d'hommes, ou du moins de les juger inférieurs ?Renoncer à elle, au nom de l'infinie diversité
des cultures et des existences humaines, n'est-ce pas prendre un risque qui n'est pas moins grand :
rendre les différences indifférentes (qu'importe que ces indiens -cf ci-dessus 3- soient cannibales,
pratiquent des sacrifices humains...) ? Si tout est possible et également légitime dans l'indéfinie
variété des cultures et des existences, ne renonce-t-on pas à condamner les pratiques qui offensent
la dignité humaine (esclavage, mutilations,...) ?

Exercice :
Soit le sujet suivant :
« Prendre conscience de soi, est-ce devenir étranger à soi ? »
Sur le modèle du travail d'analyse présenté :
1. Reformuler la question. (étape 3)
2. Dégagez les présupposés du sujet et questionnez les (étape 4)
3. Formulez l'enjeu du sujet.

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