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Droit des sociétés
Année 2015-2016

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Auteur : Jérôme LE DILY

EXERCICE 1 : CAS PRATIQUE (16 POINTS)

La société anonyme Naturabio exploite une activité de vente de produits alimentaires biologiques, dans
le cadre de ses 18 magasins implantés en région parisienne ainsi qu’en Bretagne. Elle a été immatriculée
au RCS de Paris en mars  1996. Son capital social est d’un montant de 78 000 €, se composant de
780 actions d’une valeur nominale de 100 €. Son siège social se situe désormais à Rennes. Le capital
social de cette société est détenu par 12 actionnaires, dont 6 sont membres du conseil de surveillance
(conformément aux exigences statutaires) :
• Amina, qui détient environ 6 % du capital social ;
• Barbara, qui détient environ 5 % du capital social ;
• Cécile, qui détient environ 4 % du capital social ;
• David, qui détient environ 3 % du capital social ;
• Éric, qui détient environ 7 % du capital social ;
• Fabien, qui détient environ 8 % du capital social.
Le conseil de surveillance ne comporte pas d’autres membres.
Le directoire de la société est composé de trois membres, tous actionnaires :
• Gladys, qui détient environ 28 % du capital social ;
• Houria, qui détient environ 22 % du capital social ;
• Inès, qui détient environ 7 % du capital social.
Gladys est la présidente du directoire depuis 5 ans. Elle a été désignée à cette fonction en mars 2010,
pour un mandat de 6 ans.
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Tout en étant actionnaire et membre du conseil de surveillance, Fabien est salarié de la société Naturabio.
Il occupe depuis 2 ans, à mi-temps, les fonctions de Webmaster et gère, à ce titre, le site Internet de la
société.
Une clause statutaire dispose que le président du directoire ne peut pas signer seul des accords de par-
tenariat avec de nouveaux fournisseurs. Il doit, pour cela, obtenir l’accord des deux autres membres du
directoire ainsi que de tous les membres du conseil de surveillance. Cette même clause prévoit que le
directoire ne peut pas accomplir des actes dépassant les limites de l’activité sans avoir obtenu au préa-
lable l’accord de la majorité des membres du conseil de surveillance (hormis pour les acquisitions immo-
bilières se rattachant à l’activité de la société).
Houria est également associée d’une SNC dont elle détient 5 % du capital social.
Le siège social de la société Naturabio se situe dans des locaux que la SA loue depuis deux ans à une
SAS. Les trois membres du directoire souhaitent que la société devienne propriétaire des locaux du siège
social. La SNC, dont Houria est associée minoritaire, détient plusieurs immeubles à usage professionnel
dans la région de Rennes et cherche à vendre quelques lots de son patrimoine immobilier. Houria a pré-
venu ses co-associés que la SA Naturabio cherchait de nouveaux locaux à acquérir. Les associés de la
SNC sont d’accord pour vendre un lot à la SA. La vente est sur le point de se conclure.
Par ailleurs, Cécile veut conclure un contrat de travail avec la SA Naturabio. Elle estime que ses compé-
tences en matière de développement commercial pourraient être utilement exploitées par la SA. Elle
profite alors de la démission de l’attaché commercial de la SA pour présenter sa candidature aux autres
membres du conseil de surveillance et aux membres du directoire.
Le mois dernier, Gladys, la présidente du directoire, a acquis, au nom de la SA, un studio dans une sta-
tion de ski des Alpes. Le vendeur de ce bien immobilier connaissait l’existence de la clause statutaire

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limitative de pouvoirs (car Gladys lui en avait rapidement parlé au détour d’une conversation), mais n’y
avait pas accordé une grande importance. Les autres actionnaires ont appris par hasard l’existence de
cette acquisition immobilière. Ils apprécient peu l’initiative de Gladys et aimeraient pouvoir la sanctionner
à ce titre.
Amina, Barbara et David sont très mécontents, depuis plusieurs mois, de la gestion exercée par le direc-
toire, et en particulier par Gladys. Indépendamment de l’éventuelle sanction de Gladys au titre de l’acqui-
sition du studio, Amina, Barbara et David aimeraient qu’un expert extérieur à la société intervienne et
analyse les différentes opérations de gestion effectuées par Gladys au cours des 12 derniers mois.
Amina, Barbara et David sont intimement convaincus de l’incompétence de Gladys et espèrent que
l’intervention d’un tiers permettra aux autres actionnaires d’ouvrir les yeux. À cette fin, Amina, Barbara et
David entendent se déplacer la semaine prochaine au tribunal de commerce d’Évry pour solliciter la
nomination d’un expert.
Éric a brutalement décidé, hier matin, de démissionner de ses fonctions de membre du conseil de sur-
veillance. La question de son remplacement se pose. Les membres du directoire pensent faire voter les
actionnaires sur plusieurs candidatures lors de la prochaine assemblée générale d’approbation des
comptes.

TRAVAIL À FAIRE
1. Le contrat de vente immobilière avec la SNC peut-il être conclu librement par le président du direc-
toire ? (3 points)
2. Cécile peut-elle devenir salariée de la SA tout en restant membre du conseil de surveillance ?
(1,5 point)
3. L’acte d’acquisition du studio dans une station de ski des Alpes engage-t-il la SA ? (2,5 points)
4. Comment Gladys pourrait-elle être sanctionnée (d’un point de vue civil uniquement) ? (4 points)
5. La démarche qu’Amina, Barbara et David sont sur le point d’entreprendre vous paraît-elle régu-
lière ? (2 points)
6. Comment sera décidé le remplacement d’Éric au sein du conseil de surveillance ? (3 points)

EXERCICE 2 : ANALYSE D’UNE DÉCISION DE JUSTICE (4 POINTS)

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Après avoir lu la décision de justice reproduite ci-après, vous traiterez les questions suivantes :

TRAVAIL À FAIRE
1. Résumez les faits. (0,5 point)
2. Identifiez le problème de droit. (0,5 point)
3. Le même problème se poserait-il s’il s’agissait d’un membre du conseil de surveillance ? (1 point)
4. Présentez et analysez la solution de la Cour de cassation. (2 points)

Cass. com., 3 mars 2015, n°14‑11.840


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 30 janvier 2014), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commer-
ciale, financière et économique, 20 novembre 2012, pourvoi n° 11‑28. 888), que lors de la séance du conseil
de surveillance de la société Norbert Dentressangle (la société) du 24 juillet 2008, M. X… a été révoqué de
ses fonctions de membre et de président du directoire ; que la société a, en outre, mis fin, le 5 août 2008,
au contrat de travail de M. X…, ce licenciement ayant donné lieu à une transaction du 8 septembre 2008 ;
que, faisant notamment valoir que la révocation de ses fonctions de membre du directoire était intervenue
sans juste motif, M. X… a assigné la société en paiement de dommages-intérêts ; que celle-ci a soutenu
que la révocation litigieuse était conforme à l’intérêt social ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que si la révocation du mandat d’un membre du directoire est fondée sur de justes motifs lorsque le
maintien de ce mandat est de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, il •••/•••

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•••/••• appartient à la société de rapporter la preuve de ce que la révocation du membre du directoire s’expliquait
par des considérations objectives ; qu’il appartient corrélativement au juge de s’assurer que la preuve de ce
que la révocation n’est pas simplement discrétionnaire mais effectivement et strictement justifiée par la
poursuite de l’intérêt social est rapportée ; qu’en se bornant à se fonder, pour considérer que la révocation
de M. X… s’appuyait sur de justes motifs, sur le seul fait que le courrier annonçant à M. X… sa future révo-
cation faisait état de la volonté du conseil de surveillance de promouvoir, dans l’intérêt social, d’autres
personnes que la société GND aurait « estimé plus aptes » que M. X… à porter le développement de l’entre-
prise, et, surtout, qu’il n’appartenait pas à la société GND « de faire une quelconque preuve de la pertinence
des choix stratégiques alors faits » ni de faire la preuve « de ce que Jean-Claude X… n’était plus l’homme
de la situation », cependant qu’il appartenait à la société GND de démontrer que le maintien de M. X…, dans
les termes de son mandat, était effectivement contraire à l’intérêt social ou était nuisible au fonctionnement
de la société et qu’il ne lui suffisait pas, en l’état des fortes contestations élevées par M. X… sur ce point,
de prétendre que le maintien de M. X… dans ses fonctions était de nature à contrarier l’intérêt social pour
révoquer son mandat, la cour d’appel a violé les articles L. 225‑61 du Code de commerce et 1135 du Code
civil ;
2°/ qu’en l’espèce, M. X… avait attiré l’attention de la cour d’appel sur le fait que la société GND n’avait pas
pris la peine de produire la moindre preuve de ce que son maintien dans le directoire était de nature à
contrarier l’intérêt social ; qu’il ajoutait que cette simple allégation était démentie par les bons résultats
accusés sous sa direction en 2008, par la réussite de l’opération, de dimension internationale, visant à
l’acquisition de la société Selversen, par le renouvellement de son mandat peu de mois avant son éviction,
mais encore par l’allocation, à cette même époque, d’une prime d’objectif et de bons de souscription
d’actions ; qu’en statuant comme elle l’a fait, à la faveur des motifs susvisés et sur la base des simples
allégations de la société GND, sans jamais s’interroger, comme elle y était invitée, sur le point de savoir si
les motifs avancés par la société GND reposaient sur des considérations objectives et si le maintien de
M. X… était effectivement de nature à contrarier l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, la cour
d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 225‑61 du Code de commerce ;
[…]
4°/ que la simple éventualité d’une mésentente ou d’un blocage ne constitue pas un juste motif de révoca-
tion ; en se fondant sur une situation de blocage tout à fait potentielle, déduite du seul fait que M. X… avait
refusé de participer à une seule séance – à savoir celle devant conduire à sa révocation – et du fait que la
composition du directoire allait être modifiée, la cour d’appel, qui a statué par un motif tout à fait impropre
à établir que le maintien du mandat de M. X… créait une situation de blocage dans la société ou une mésen-
tente entre les organes de la société qui serait effectivement nuisible à l’intérêt social, a violé l’article  L.  225‑61
du Code de commerce ;
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5°/ qu’aux termes de l’article L. 225‑61 du Code de commerce, qui pose un principe d’indépendance du
contrat de travail du dirigeant et de son mandat de membre du directoire, le licenciement du dirigeant n’est
pas en soi un juste motif de révocation du mandat de membre du directoire dont il est titulaire ; qu’en consi-
dérant cependant que le licenciement de M. X… justifiait la révocation de son mandat de membre du direc-
toire, la cour d’appel a violé l’article L. 225‑61 du Code de commerce ;
6°/ qu’en affirmant que le licenciement de M. X… rendait difficile le maintien de son mandat de membre du
directoire, sans rechercher, comme elle y était invité si le licenciement de M. X… n’était pas postérieur à la
révocation de son mandat de sorte que ce licenciement ne pouvait par nature être la cause de la révocation
du mandat de l’exposant au mois de juillet 2008, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard
de l’article L. 225‑61 du Code de commerce ;
7°/ que la simple éventualité d’une mésentente ne constitue pas un juste motif de révocation ; qu’en déci-
dant cependant que le licenciement de M. X… constituait un juste motif de révocation de son mandat dans
la mesure où « il apparaît difficile pour un salarié qui a été licencié et dont le licenciement a fait l’objet d’un
accord transactionnel afin de régler les différends entre les parties, d’être maintenu à la direction de ladite
société ne serait-ce qu’en simple qualité de membre du Directoire », la cour d’appel, qui a statué par des
motifs impropres à caractériser l’existence d’un juste motif de révocation du mandat de M. X… de membre
du directoire, a violé l’article L. 225‑61 du Code de commerce ;
Mais attendu, […] que l’arrêt relève, par motifs adoptés, que tandis que la société, qui connaissait une forte
croissance et une internationalisation liées à l’intégration de la société Christian Salvesen, se devait de réor-
ganiser sa structure, M. X… avait montré ses limites dans l’accompagnement de la croissance du nouvel
ensemble ; qu’il relève encore que ce dernier a fait le choix de ne pas se présenter devant le conseil de
surveillance réuni le 24 juillet 2008 tandis qu’un courrier du 17 juillet 2008 lui avait rappelé, sans équivoque,
l’ordre du jour et la nécessité affirmée de promouvoir deux autres personnes, l’une à la tête du directoire,
l’autre à celle de la division « transports », celles-ci étant estimées plus aptes à porter le développement et •••/•••

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•••/••• l’expansion de l’entreprise ; que l’arrêt ajoute que le maintien de M. X… dans un directoire aux contours
totalement différents était de nature à générer des difficultés dans le fonctionnement de cet organe social,
son absence de comparution à la réunion du conseil de surveillance manifestant une situation de blocage
potentiel ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, qui ne se limitent pas à celles mentionnées par
la première branche, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la dernière branche, la cour
d’appel, qui n’a pas dit que le licenciement de M. X… justifiait la révocation de son mandat social, a pu
décider que celle-ci reposait sur un juste motif ;
D’où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n’est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui
n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

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