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de l'impression de l'article : Bilirubines EM|Premium
Imprimé par ALGERIE CERIST le jeudi 11 décembre 2014
Biologie médicale
[90100205]
Bilirubines
Anne Myara : Biologiste
service de biochimie, hôpital SaintJoseph, 185, rue RaymondLosserand, 75674 Paris cedex 14 France
Résumé
La bilirubine non conjuguée, issue de la dégradation de l'hème, est une molécule potentiellement toxique (encéphalopathie bilirubinique) en raison de sa
liposolubilité. Elle est biotransformée dans l'hépatocyte en mono et diglucuronides polaires éliminés dans la bile. L'accumulation de bilirubine dans
l'organisme se traduit par un ictère. Différentes méthodes permettent de mesurer la bilirubinémie (diazoréaction, spectrométrie directe, oxydation,
chromatographie liquide haute performance) afin d'apprécier l'intensité de l'ictère et d'en préciser l'étiologie par la distinction des formes conjuguées et
non conjuguées. Les ictères à bilirubine conjuguée résultent d'une cholestase à de rares exceptions près. Les ictères à bilirubine non conjuguée, les plus
dangereux chez le nouveauné, sont dus à une surproduction de bilirubine et/ou à une anomalie de la glucuronoconjugaison. Les ictères mixtes associent
plusieurs de ces mécanismes à des degrés divers.
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INTÉRÊT PHYSIOPATHOLOGIQUE
La bilirubine résulte de la dégradation de l'hème contenue dans l'hémoglobine principalement, et les hémoprotéines telles que les cytochromes, les
catalases et la myoglobine musculaire. Elle est produite (environ 500 μmoles/j chez l'adulte) par le système réticuloendothélial. En raison de nombreuses
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liaisons hydrogènes internes, masquant les groupements hydrophiles, la molécule native non conjuguée est très peu soluble en milieu aqueux. Elle est
par ailleurs très sensible à l'action de la lumière (isomérisation, oxydation), propriété utilisée lors du traitement de l'ictère à bilirubine non conjuguée par
photothérapie. Transportée par l'albumine jusqu'au foie, où a lieu sa biotransformation chez l'homme, elle est glucuronoconjuguée par la bilirubine UDP
glucuronosyltransférase (BGT), enzyme du réticulum endoplasmique. Cette enzyme catalyse l'estérification par l'acide glucuronique d'une ou deux
chaînes propioniques, formant des dérivés plus polaires, les mono et diglucuronides éliminés dans les voies biliaires. La BGT n'est mature qu'à partir de
l'âge de 3 mois. Dans l'intestin, la bilirubine conjuguée subit une série de réduction par les bactéries, en uro, méso et stercobilinogènes ou une
déconjugaison puis une réabsorption (cycle entérohépatique négligeable chez l'adulte normal) [16]. Dans les cholestases, la bilirubine conjuguée reflue
dans le courant sanguin, et peut se lier à l'albumine par des liaisons covalentes, formant la bilirubine delta. Au total, pourront être mesurées dans le sang
les bilirubines non conjuguée et conjuguée (mono + diglucuronides + bilirubine delta). La bilirubine non conjuguée est la fraction potentiellement
dangereuse en raison de sa liposolubilité, elle se fixe sur les noyaux gris centraux si sa capacité de transport par l'albumine est dépassée, provoquant
l'ictère nucléaire.
L'augmentation de la concentration de bilirubine circulante se traduit par un ictère clinique dont la gravité dépend de la nature de la fraction de bilirubine
augmentée, de l'importance de cette élévation et de l'âge du patient (maturité de la barrière hématoencéphalique).
La détermination de la bilirubinémie est intégrée au bilan d'exploration hépatobiliaire. Elle permet d'une part d'apprécier l'intensité de l'ictère clinique et
d'autre part d'orienter les investigations étiologiques en différenciant les formes conjuguées (appelées parfois directes) et non conjuguées (appelées
indirectes).
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ÉTAPE PRÉANALYTIQUE
Milieu biologique et modalités de recueil
Aucune précaution particulière pour les modalités de prélèvement, cependant pour une suspicion d'anomalie de la glucuronoconjugaison (maladie de
Gilbert), un jeûne d'au moins 12 heures accentue l'hyperbilirubinémie et facilite le diagnostic [4].
La bilirubinémie peut être dosée dans le sérum ou le plasma. Éviter les sels de potassium, comme anticoagulants, qui sont des inhibiteurs de la
diazoréaction.
Dans les urines, seule la bilirubine conjuguée hydrosoluble peut être recherchée.
La bilirubine peut être dosée dans le liquide d'ascite, le liquide céphalorachidien, la bile, le liquide amniotique.
Conditions de transport et de conservation
La grande sensibilité de la molécule de bilirubine à la lumière est limitée par sa liaison aux protéines et par la présence des globules rouges. Il faut éviter
la lumière vive. Le sérum ou le plasma doivent être analysés dans un délai de 6 heures, ou conservés à +4 °C pendant 24 heures.
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Pour les autres liquides biologiques pauvres en protéines, il faut impérativement protéger l'échantillon de la lumière (tubes bruns, papier aluminium) dès
le prélèvement.
Les échantillons peuvent être congelés et conservés à 20 °C pendant au moins 6 mois.
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TECHNIQUES DE DOSAGE ET PERFORMANCE DES TECHNIQUES
Les méthodes de référence décrites [3, 6] utilisent la diazoréaction.
Méthodes par diazoréaction
Très employées, elles sont basées sur la formation de deux azobilirubines à partir d'une molécule de bilirubine [8, 17]. Les différentes techniques varient
en fonction :
de l'agent diazotant (le plus courant est l'acide sulfanilique diazoté);
de l'emploi et la nature de l'accélérateur, qui permet de différencier les formes conjuguées (appelées directes car mesurées sans accélérateur)
des non conjuguées appelées aussi indirectes (= bilirubine totale bilirubine directe);
du pH de la diazoréaction;
du pH du milieu de lecture.
L'étalonnage est délicat en raison de la forte instabilité de la molécule de bilirubine. Les techniques de validation doivent être étalonnées avec des
solutions préparées par solubilisation de bilirubine dont les critères de pureté sont bien définis (matériel de référence n° 916 du National Bureau of
Standards), dans une matrice protéique, le plus souvent de l'albumine bovine. Depuis 1992, un dérivé conjugué de synthèse, le ditaurate de bilirubine
permet de calibrer le dosage de la bilirubine directe.
Méthodes par spectrométrie directe
Index ictérique
Spectrométrie directe de la molécule de bilirubine à plusieurs longueurs d'onde, afin d'éliminer l'interférence de l'hémoglobine. Valable uniquement pour
les échantillons contenant de la bilirubine non conjuguée, la méthode est réservée aux applications en néonatologie [9].
Spectrométrie directe en chimie sèche
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®
Cette technique, appliquée à l'analyseur Vitros (Ortho Clinical Diagnostic), permet, par réflectométrie à deux longueurs d'onde différentes, la mesure des
bilirubines conjuguées et non conjuguées.
Spectrométrie directe après séparation par chromatographie liquide haute performance
Après méthanolyse alcaline [13], les bilirubines non conjuguées, mono et diglucuronoconjuguées peuvent être séparées et quantifiées. Cette technique
sera utilisée pour le diagnostic de la fréquente maladie de Gilbert, trouble mineur de la glucuronoconjugaison. Une autre technique par perméation sur gel
[11]
permet en plus le dosage de la bilirubine delta.
Méthodes par oxydation
La bilirubine peut être oxydée par voie chimique. Une technique récente basée sur une oxydation chimique avec lecture à des longueurs d'onde proches
de l'infrarouge permet de mesurer les bilirubines totales et conjuguées sans interférence spectrale de l'hémoglobine. Une technique d'oxydation
enzymatique par la bilirubine oxydase est aussi commercialisée.
Performance des techniques
Domaine de mesure : la linéarité varie en fonction des techniques, réactifs et systèmes utilisés.
La SFBC recommande une technique [6] dont le seuil de linéarité est 680 μmol/L. Audelà, les échantillons doivent être dilués dans une solution de NaCl
0,15 mol/L.
Interférences : certains agents interférents détruisent une partie du diazoréactif, entraînant une erreur par défaut. D'autres surestiment la bilirubine
(triglycérides, hémoglobine) [6]. Les dérivés de photothérapie, isomères polaires de bilirubine non conjuguée [5], peuvent réagir directement avec le
diazoréactif et être dosés comme de la bilirubine conjuguée.
Les techniques faisant appel à une diazoréaction sont suffisantes dans la grande majorité des cas. Cependant, les techniques plus fines et discriminantes
telles la chromatographie, peuvent être utilisées dans certains cas précis comme le diagnostic de maladie de Gilbert [13].
En néonatologie, la mesure de la bilirubine transcutanée avec les appareils récents à longueurs d'onde multiples, est utilisée en complément des dosages
sanguins dans la surveillance du risque d'ictère nucléaire [2]. Enfin, les dosages de bilirubine non conjuguée non liée à l'albumine (dosage direct ou
mesure de la capacité de fixation des transporteurs sériques) permettent de déterminer le seuil critique afin d'évaluer le risque d'encéphalopathie
bilirubinique [14].
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INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
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Valeurs usuelles
Nouveauné (tableau I)
Certains nouveaunés (30 à 50 %) développent à 2 ou 3 jours de vie un ictère isolé modéré appelé « ictère simple du nouveauné à terme » ou « ictère
physiologique ». La bilirubinémie est rarement supérieure à 250 μmol/L. Cet ictère régresse avant 10 jours de vie. L'ictère néonatal est fréquent chez le
prématuré (persistance 2 à 3 semaines) et implique une surveillance particulière en raison des pathologies associées accentuant le risque
d'encéphalopathie bilirubinique (hypoxie, acidose, infection, hypoalbuminémie) [14].
Enfant et adulte (tableau II)
La valeur couramment admise est ≤ 17 μmol/L. Des techniques plus sensibles apportent des précisions utiles pour affiner certains diagnostics.
Variations en fonction du sexe (tableau II)
La bilirubinémie est en moyenne 20 % plus élevée chez l'homme, l'extraction du pigment du sang par l'hépatocyte étant plus efficace chez la femme
(rôle des estrogènes sur les transporteurs du pôle sinusoïdal de l'hépatocyte) [15].
Variations lors de la grossesse
La bilirubinémie diminue jusqu'à la 24 e semaine, en raison de l'hémodilution [1].
Variations pathologiques (tableau III)
Déterminer la valeur de la bilirubinémie permet :
de confirmer l'ictère clinique et son intensité;
d'orienter vers l'étiologie de cet ictère, selon que la bilirubine est non conjuguée, partiellement conjuguée ou à prédominance conjuguée.
L'ictère conjonctival est visible dès 25 μmol/L.
Ictères à bilirubine conjuguée prédominante
Cholestases
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Lors d'un ictère à bilirubine conjuguée, une cholestase est retrouvée dans la quasitotalité des cas. L'augmentation des activités des phosphatases
alcalines (PAL) et gammaglutamyltransférase (GGT), ainsi que celle de la concentration des acides biliaires objectivent le diagnostic. L'étiologie de la
cholestase, extrahépatique, intrahépatique mécanique ou métabolique, doit être recherchée. Noter cependant qu'il existe des cholestases anictériques.
La valeur de la bilirubinémie est très variable, dépassant cependant rarement 500 μmol/L, car la bilirubine conjuguée refluant dans le sang est éliminée
par le rein. La bilirubine conjuguée peut représenter plus de 80 % de la bilirubinémie avec présence de bilirubine delta. Cette dernière ne disparaît qu'avec
la dégradation de l'albumine. L'ictère clinique peut persister même si la cholestase a disparu. Les diminutions de concentration sanguine de bilirubine
delta au cours de certaines insuffisances hépatocellulaires en pédiatrie, et dans le suivi des greffes de foie sont associées à un pronostic péjoratif [7].
Anomalies constitutionnelles
Une augmentation isolée de la bilirubine conjuguée, sans augmentation de la PAL, de la GGT et des acides biliaires sanguins peut révéler une anomalie
(rare) de l'excrétion de la bilirubine conjuguée au pôle canaliculaire de l'hépatocyte (maladies de DubinJohnson et de Rotor).
Ictères à bilirubine non conjuguée quasi exclusive (fig 1)
Ce sont les ictères potentiellement les plus dangereux en raison de la toxicité neurologique de la bilirubine non conjuguée. Tout ictère apparaissant avant
24 heures de vie est d'emblée considéré comme pathologique, de même que les hyperbilirubinémies non conjuguées prolongées audelà du 10 e jour de
vie, souvent plus graves.
Surproduction de bilirubine consécutive à l'hémolyse
Devant une suspicion d'ictère hémolytique, un profil de l'hémolyse (CRP et haptoglobine) confirme le diagnostic. Chez le nouveauné, le diagnostic
étiologique d'une hémolyse (origine infectieuse, immunologique par incompatibilité fœtomaternelle, ou constitutionnelle) est une véritable urgence. La
bilirubinémie peut être modérée à très élevée, nécessitant des dosages parfois pluriquotidiens. Toute résorption d'hématome s'accompagne aussi d'une
hyperbilirubinémie. Chez l'adulte, la bilirubinémie dépasse rarement 80 μmol/L au cours d'une hémolyse, car le foie est apte à conjuguer plus
efficacement la bilirubine formée.
Anomalies de la glucuronoconjugaison
Les étiologies à rechercher sont différentes selon l'âge du patient à la découverte de l'ictère et les valeurs de bilirubinémie sont variables. Chez l'adulte, la
bilirubinémie dépasse rarement 60 μmol/L. Il s'agit le plus souvent d'une maladie de Gilbert, pathologie bénigne se traduisant par un ictère fruste
souvent inconstant. Le diagnostic phénotypique positif se fait par chromatographie liquide haute performance, et le diagnostic génotypique est également
possible (anomalie de la partie régulatrice du gène) [12].
Chez le nouveauné et le nourrisson, la bilirubinémie peut être très élevée et faire apparaître un risque d'encéphalopathie bilirubinique. La bilirubinémie
peut être évaluée plusieurs fois par jour pour surveiller l'évolution de l'ictère et l'efficacité d'une thérapeutique telle que la photothérapie. Le seuil admis
pour déclencher un traitement préventif est, pour un nouveauné présentant une albuminémie normale, autour de 340 μmol/L, ce seuil étant abaissé
chez un enfant affaibli ou prématuré. L'étiologie est variable : immaturité du système de conjugaison dans les jours qui suivent la naissance, ictère au lait
de mère disparaissant quelques jours après sevrage, hypothyroïdie, ou déficit constitutionnel, allant de la fréquente maladie de Gilbert à l'exceptionnelle
maladie de CriglerNajjar (déficit complet de glucuronoconjugaison de la bilirubine insensible au traitement par le phénobarbital dans la forme 1) [10].
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Ictère mixte
Dans ce cas, l'augmentation concerne à la fois les formes conjuguées et non conjuguées de la bilirubine. Ce tableau d'ictère se rencontre au cours d'une
cirrhose alcoolique ou métabolique, d'un choc septique ou d'une hépatite virale ou toxique. Il résulte de l'association à des degrés variables d'une
cholestase, d'une insuffisance hépatocellulaire et d'une hémolyse.
Références
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Fig. 1 :
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Fig. 1 :
Principales étiologies des ictères exclusivement à bilirubine non conjuguée.
Tableaux
Tableau I
Tableau I Évolution de la bilirubinémie chez le nouveauné.
Nouveauné à terme Nouveauné prématuré
[Bilirubine] jusqu'à j3 [Bilirubine] jusqu'à j5j7
[Bilirubine] à partir de j3j5 [Bilirubine] peut rester forte jusqu'à 1 mois
Stabilisation à environ 35 mol/L j5 à j15
Tableau II
Tableau II
Tableau III
Tableau III
Ictères à bilirubine conjuguée Ictères à bilirubine non conjuguée
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Cholestase +++ Surproduction de bilirubine
Dysfonctionnement au pôle canaliculaire de l'hépatocyte ( maladies de DubinJohnson, de Rotor) Anomalies de la glucuronoconjugaison
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