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LECTURE LINEAIRE N°9 : EDMOND ROSTAND, CYRANO DE BERGERAC, ACTE III,

SCENE 10 , extrait, 1897.

INTRODUCTION :

ENTREE EN -Présentée comme une comédie héroïque, pièce singulière


MATIERE rompant avec le théâtre de la fin du XIXème siècle et
AUTEUR rencontrant un immense succès.
-une des 2 pièces a=à succès (avec L’Aiglon) du poète et
dramaturge Edmond Rostand
ŒUVRE -intrigue de la pièce inspirée du cadet et homme de lettres du
XVIIème siècle Cyrano de Bergerac, aussi redoutable par son
épée que par sa plume.
Pièce mettant en avant amours malheureuses et cachées de
Cyrano pour Roxane, une Précieuse à laquelle n’a pu se
déclarer. Celle-ci sous le charme de Christian, beau mais
incapable de bien s’exprimer. Dans cet amour, Cyrano va donc
lui prêter sa voix et ses mots de poète habile.
EXTRAIT ETUDIE Dans acte III, séquence de plusieurs scènes sous le balcon de
Roxane, celle-ci déçue de Christian. Cyrano l’aide à la
reconquérir en lui soufflant les mots à dire, puis en prenant sa
place. Mais trop pressé, Christian réclame trop directement
un baiser à Roxane. Cyrano s’efforce dans la scène de
rattraper l’erreur de Christian, mais va se prendre au jeu.

PROBLEMATIQUE En quoi cette scène constitue-t-elle une triste comédie pour


Cyrano ? / En quoi Cyrano se laisse-t-il prendre à son propre
jeu ?
PLAN V 1 à 22 : maîtrise, habileté de Cyrano face à une Précieuse
2 parties hésitante.
V 23 à 32 : Cyrano pris au piège de son propre jeu

DEVELOPPEMENT/ EXPLICATION

PARTIE 1 : L’HABILETE DE CYRANO FACE À UNE PRECIEUSE HESITANTE.

Idées/ Remarques importantes Procédés analysés à l’appui


-Rox précieuse, choquée par demande
trop franche et directe d’un baiser.
Mais, didascalie « s’avançant… » ,
traduisant son intérêt, relance l’échange
+ « balcon », appartenant au lexique du
théâtre (dans ce passage, chacun voit
avoir plusieurs rôles, : Cyr metteur en
scène, puis joue le rôle de Chr, puis
simple spectateur ; Rox enfermée dans
son rôle de Précieuse et Christian
spectateur, puis protagoniste.
V1 :pronom « vous renvoyant à cette
situation de comédie (= Cyr et Christian)
-v2 : trouble de Roxane : points de
suspension et allitération en [d]
soulignant cette hésitation, comme si
impossible de redire ce mot trop cru
pour elle.
V 11 et 20 : « taisez-vous » : impératif,
mais point d’exclamation révélant que
troublée, en proie aussi à une vive
crainte ; de même adverbe « alors ! »
avec même ponctuation semblant
traduire son impatience (mais ambigu)
-par contraste , longueur des répliques
de Cyrano, montrant que Roxane
l’écoute.
Habileté et éloquence de Cyrano.
-v 2 à 10 : rassurer Roxane.
-présence de tout un lexique de la peur
(« ose », « épouvantement »,
« alarmes », « qu’un frisson ») : effet
d’atténuation de la peur à travers la
gradation, passe des hyperboles à la
tournure restrictive.
+lexique de la peur associée à la négation
pour effacer celle-ci.
« ose » : idée d’audace, de transgression
de codes et règles qui seraient celles
d’une Précieuse.
-polysémie de « frisson » (v10) :
trahissant une certaine émotion,
sensualité (pas seulement idée de peur)
-v 4 : question rhétorique cherchant à
susciter la curiosité de Rox : avec la
périphrase « la chose » , désignation
vague volontairement et la métaphore
« brûle » soulignant ce désir déjà présent
chez la jeune femme.
+ rime suffisante « ose »/ »chose » : cf
forme des lèvres.
-les adverbes montrant que rien de
brutal dans ce baiser : « déjà »,
« tantôt », « presque insensiblement »
« encore un peu » , au contraire étapes
(comme pour la Carte du Tendre)
-cf de même, reprise du verbe « glissez »
à l’impératif injonctif , invitant à Roxa à
quitter cette attitude pleine de raideur
en tant que Précieuse.
-des vers 8 à 10 : anadiplose avec le
lexique des émotions = là encore, aller
progressivement vers le baiser.
-noter la ponctuation expressive,
trahissant l’émotion aussi de Cyrano à
l’évocation de ce baiser.
V 11 à 19 : nouvelle réplique de Cyrano,
où après interruption de Roxane, et une
approche assez audacieuse, va
réemprunter un langage plus précieux.
= tenter Roxane.
V11 : question rhétorique (jeu des
énigmes et des définitions)
-va proposer une définition du baiser où
lexique de la confiance (« serment »,
« promesse », « aveu », « secret » )
-lexique de la spiritualité aussi :
« serment », « aveu », « infini »,
« communion », « âme » : baiser
présenté aussi comme sacré
= emprunt habile aux codes précieux.
-accumulation de périphrases (comme
dans le langage précieux) pour définir le
baiser :
V12 : un serment… : avec idée
d’engagement et allitération en [p]
montrant ce rapprochement progressif
V12-13 : avec le rejet pour suscitant
l’intérêt, la curiosité ;
V14 : « un point rose… » : douceur avec
la couleur + baiser = preuve d’amour car
associé au verbe
Dès V15 : lexique du corps, plus sensuel
V16 : oxymore « instant d’infini »
insistant là encore sur la dimension
spirituelle et sur l’engagement
-V16-17 : métaphore filée où lèvres de
jeune femme = une fleur
V18 et 19 : les verbes pronominaux
réciproques = baiser, un moment
d’échange intense et doux. : un lien des
esprits et partage des sentiments
« âme » à la fin = baiser pas vulgaire,
mais moment d’élévation
-noter de nouveau le point d’exclamation
( Cyr gagné par ses émotions, là encore)
V20 à 22 : réplique flatteuse de Cyrano
Anaphore d’ »un baiser » , comme pour
les r »pliques précédentes = un procédé
d’insistance, plus habituer R à cette
réalité initialement choquante.
-rime suffisante « âme »/ « Madame » =
rapprochement élogieux
-comparaison avec la reine de France ;
« le plus heureux des lords » : périphrase
pour Buckingham, mais périphrase car
amour secret (comme Cyrano
justement…)
-lexique de la noblesse, éloignant le
baiser de toute vulgarité.
TRANSITION = DONC, maîtrise de Cyrano, déployant toute la force de son
éloquence et son habileté pour séduire Rox et adapter son propos à son statut de
Précieuse. Mais, pas seulement maîtrise : traces d’émotion de Cyrano gagné aussi
par ses émotions.

PARTIE 2 : CYRANO PRIS À SON PROPRE JEU.

Idées/ Remarques importantes Procédés analysés à l’appui


-didascalie « s’exaltant », = hyperbole,
montrant que s’est laissé transporté,
s’est enflammé, donc porté par ses
émotions, ne joue pas seulement un rôle,
parle de ce qu’il ressent)
-pronom perso « je » renvoyant bien à
lui-même
Comparaison de Buckingham cruelle et
crainte de vérité pour Cyr, renvoie à sa
situation, ainsi que oxymore
« souffrances muettes »
-v 24 : hyperbole « adore » = lexique
précieux, mais aussi de l’amour
Anaphore de « comme » souligne ce
glissement de Cyr dans l’imaginaire
pathétique, car pas d’amour entre Rox et
Cyr dans la réalité
-les 2 adjectifs « fidèle » et « triste »
définissant bien situation de Cyr,
renvoyant notamment son double
serment
-points de suspension car ne peut aller
jusqu’au bout de sa déclaration
-donc, préparation ici de son
désenchantement
-effet de chute avec la réplique de
Roxane , souligné par le rejet
+ l’antithèse « s’exaltant »/ « dégrisé » :
fin de son ivresse, son enthousiasme,
retour à la réalité au vers 26 : le verbe
« j’oubliais » souligne que Cyr pris à son
jeu et le pronom « je » dans « je suis
beau », le ramenant à son rôle.
-Roxane séduite : tutoiement
(mouvement de rapprochement accepté)
et point d’exclamation
Montre son impatience et le fait que
Cyrano l’a laissée rêveuse avec ses
paroles : cf reprise de ses mots sous
formes de métaphores « cette fleur sans
pareille », « ce goût de fleur » et les
points de suspension montrant qu’attend
son baiser et déjà songeuse
-décalage comique entre la reprise de
ces paroles poétiques et la rudesse de
Cyrano par rapport à Christian
-en même temps, moment pathétique
pour Cyra qui aide son rival
Impatience de Cyrano : conjonction de
coord « donc » et apostrophe « animal »
péjorative et contrastant avec la
délicatesse des paroles reprises par Rox
-longue didascalie avec énumération : on
suit la progression de Christ jusq balcon à
travers sans doute le regard de Cyr, tout
comme la dernière didascalie
Christian alors prononçant les paroles
que Cyr aurait dû dire
Conclusion bien pathétique pour Cyr :
-onomatopée : cri de douleur, douleur
concrète, physique cf « pincement »
Points d’exclamation soulignant cette
douleur
-allitération en [k] : comme si a reçu un
coup à la poitrine
-dernière métaphore pour définir le
baiser pathétique et cruel pour Cyrano :
avec « festin », idée que n’est pas de la
fête, n’obtient rien après ses efforts d’o
assimilation à Lazare, le côté religieux
soulignant que Cyr s’est sacrifié.

TRANSITION : =DONC, le jeu s’arrêt pour Cyrano, qui sort ici de son illusion
passagère de partager une conversation amoureuse avec Roxane. Retrouve son rôle
de simple spectateur ici et laisse Christian reprendre son rôle de protagoniste.

CONCLUSION

BILAN Cette scène donc bien une triste comédie pour Cyrano :
comédie en empruntant le propos des Précieuses et
leur langage, comédie en conquérant habilement ce
baiser pour Christian. Mais, dans ce rôle , que Cyrano
finit par oublier pour explorer ses propres sentiments
avant d’être rattrapé par la réalité brutalement à la fin
de la scène. Cyrano condamné à n’être qu’un amant
imaginaire.
OUVERTURE Avec Le Malade Imaginaire : comme Roxane ici, Argan
enchanté par les mots des médecins, mais pour lui pas
de retour à la réalité , enfermement dans son illusion à
la fin de la pièce.
Ambiguïté du théâtre qui dit la vérité comme avec la
scène avec Toinette médecin.

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