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D. SOMMAIN
Résumé
Le ciment prompt naturel d’une composition chimique proche des ciments Port-
land se distingue de ceux-ci de par une composition minéralogique spécifique.
Cette dernière formée à une température comprise entre 800 et 1200 °C procure
à ce ciment naturel une prise rapide de l’ordre de quelques minutes. La prise est
suivie immédiatement d’une montée en résistance qui s’effectue en deux temps:
rapide de la fin de prise à quelques heures puis continue dans le temps pendant
de nombreux mois. Cette composition minéralogique spécifique avec une quasi
absence de portlandite confère une bonne tenue aux eaux agressives et à la pol-
lution urbaine prouvée sur plus de 150 ans.
Mots-clés
ATTAQUE SULFATIQUE, BÉLITE, CHAUX ROMAINE, CIMENT NATUREL, CIMENT ROMAIN,
CUISSON BASSE TEMPÉRATURE, EAUX AGRESSIVES, HYDRATATION RAPIDE, MAYÉNITE,
POLLUTION URBAINE.
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
Le ciment prompt naturel (CNP) ne se distingue pas des ciments Portland par sa
composition chimique mais par sa composition minéralogique spécifique lui con-
férant un temps de début de prise très rapide (2 minutes) suivi une minute après, dès
la fin de prise, par un durcissement immédiat, rapide et progressif dans le temps.
Les applications qui découlent de ces propriétés de rapidité sont celles qui récla-
ment une remise en service tout aussi rapide, telles que : des mortiers de scellement,
de réparation et de maçonnerie rapide, d’étanchéité, d’arrêt de venue d’eau…
Ces propriétés ont donné satisfaction aux utilisateurs au cours du temps. Ce ci-
ment est fabriqué depuis plus de 150 ans; de nombreux ouvrages anciens à base
de ce liant sont encore en service et visitables à l’heure actuelle. À une époque où
il est souvent exigé une durée de service de 100 à 120 ans, le ciment prompt na-
turel est une solution originale de durabilité.
Dans ce chapitre, il sera abordé la composition minéralogique assurant les pro-
priétés de rapidité et de durabilité du CNP. Un exemple de comportement sur plus
de 120 ans face aux agressions urbaines sera explicité. La tenue aux eaux agres-
sives sera développée. Nous verrons que pour une application de qualité durable
des dosages spécifiques doivent être utilisés.
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La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
1 500
ciment
chaux faiblement prompt
1 300 ciment Portland
hydraulique naturel
naturel
1 100
ciment naturel
chaux chaux chaux
900 grasse moyennement
hydraulique
700
chaux éminemment chaux limite
hydraulique
500
0 5 10 15 20 25 30 35
Argile (%)
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10 90
20 80 Pouzzolanes
30 70
O
Ca
60
SiO
Al2O2
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La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
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La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Cristaux
de gypse
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La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
qui provient certainement d’un apport de soufre externe probablement causé par
la pollution urbaine ;
• zone 2: zone très microfissurée d’environ 500 µm d’épaisseur localisée en sub-
surface, les cristallisations de gypse sont localisées dans des microfissures paral-
lèles à la surface. Ce gypse est de type palissadique avec une croissance perpen-
diculaire à la surface ;
• zone 3: zone plus compacte d’environ 2,5 mm d’épaisseur, de nombreuses
cristallisations de gypse ont été observées dans les microporosités de la pâte ;
• zone 4: elle correspond au béton carbonaté. Sa morphologie est représentative
des zones non écaillées. Les cristallisations de gypse ne sont plus détectées sauf
dans le cas de fissures se propageant depuis la surface.
Ces formes cristallines du gypse ainsi que leurs localisations présentent de nom-
breuses similitudes avec les mécanismes d’altération des pierres liés à la présence
de croûte noire [BRO 96]. Cette dernière correspond à un dépôt de surface cons-
titué de gypse cimentant d’autres particules apportées par l’environnement exté-
rieur telles que les cendres volantes, des suies. Les cristallisations internes de
remplissage de type palissadique constatées dans les microfissures et les porosités
des pierres altérées sont du même type que celles observées dans la zone 2.
3.2.2. Les phénomènes d’érosion
(exemple de l’église Saint-Bruno datant de 1874)
Bien qu’un faible enrichissement en soufre ait été constaté sur les 5 premiers mil-
limètres, sans doute lié à un apport externe causé par la pollution urbaine, le phé-
nomène d’érosion semble principalement lié à une dissolution associée à l’eau de
pluie.
3.2.3. Carbonatation
Les différentes mesures ont montré une profondeur de carbonatation variant de 15
à 30 mm seulement.
Sur une soixantaine d’édifices recensés (en béton âgé de plus d’une centaine
d’années), quelques-uns présentent une altération conséquence d’une attaque
sulfatique due à la pollution urbaine. Ces altérations, qui n’affectent le béton
que sur quelques millimètres, sont tout à fait comparables à celles observées sur
les pierres d’après [BRO 96]. Étant donné l’âge plus que centenaire des bétons
étudiés, leur faible profondeur de carbonatation confirme leur bonne tenue dans
le temps.
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1 000
Expansion (μm/m)
800
600
400
200
0
0 50 100 150 200 250 300 350
Jours
n° 1 n° 2 n° 3 n° 4
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La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
Perméabilité
1,E-10
1,E-11
Coefficient 1,E-12
de perméabilité
(m/s) 1,E-13
1,E-14
1,E-15
CEM II 42.5 1/3 CNP 1/1
Composition
28 jours 3 mois 6 mois 12 mois
Le ciment prompt naturel est utilisé dans les mortiers et bétons. Le maximum de
compacité pour une bonne durabilité est obtenu comme avec les autres liants en
optimisant le squelette granulaire des granulats (voir le chapitre 3).
4.1. Un dosage spécifique et compatibilité de l’adjuvantation
Afin que les résistances aux jeunes âges se développent de manière optimale et
que la durabilité soit maximum, il est conseillé d’utiliser un rapport eau/ciment
inférieur à 0,5, idéalement à 0,4. Afin d’avoir une maniabilité acceptable par les
utilisateurs, cela implique des dosages recommandés [VIC 03, BAR 96] plus éle-
vés que ceux des ciments Portland, de l’ordre de 600 à 900 kg/m3 pour les mor-
tiers et de 400 à 600 kg/m3 pour les bétons.
Même à ces dosages élevés, le retrait du ciment prompt naturel n’est pas supérieur
à ceux des ciments Portland à leur dosage usuel. Il est possible d’utiliser le ciment
prompt naturel à des dosages inférieurs et des E/C supérieurs à ceux recomman-
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LA DURABILITÉ DES BÉTONS
dés pour des usages peu sollicités mécaniquement et ne nécessitant pas une dura-
bilité maximum.
L’emploi d’adjuvant réducteur d’eau peut permettre de baisser ces dosages re-
commandés en respectant le rapport eau/ciment optimum. Les familles de plasti-
fiant et superplastifiant adaptées sont par ordre d’efficacité : les polycarboxylates
spécifiques aux liants rapides, les lignosulfonates, les polynaphtalènes sulfonates
et les polymélamines sulfonées. Pour les autres adjuvants, leur compatibilité avec
le ciment prompt naturel doit être vérifiée par des essais préalables.
4.2. Maîtrise du temps de prise, emploi
La prise rapide du ciment prompt naturel ne laisse du temps disponible que
pour mettre en œuvre de faibles quantités (de l’ordre de quelques litres). L’em-
ploi de retardateur devient donc évident pour gâcher de grands volumes de bé-
tons.
Le retardateur le plus efficace est l’acide citrique. Comme autre facteur influant
sur le temps de prise, la température est à prendre en considération (tableau 15.3).
Tableau 15.3 : facteurs modifiant le temps de prise (pâte pure, E/C = 0,36).
Température (°C) 5 10 20 30
5. CONCLUSION
Fabriqué depuis plus d’un siècle et demi, le ciment prompt naturel offre des réfé-
rences sur toute cette période. Son comportement vis-à-vis des agressions indus-
trielles et urbaines a été étudié. L’attaque sulfatique due aux ambiances urbaines
n’affecte que la peau du béton sur quelques millimètres. En profondeur le béton
reste sain. Cela explique que de nombreux ouvrages et édifices soient encore en
service à l’heure actuelle.
Bien qu’ayant une composition chimique proche des clinkers de ciment Portland,
il en diffère au niveau de sa composition minéralogique du fait de sa cuisson à une
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La durabilité des bétons de ciment prompt naturel
Bibliographie
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