Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
La théorie de la décision telle qu'elle a été développée par ailleurs en science politique
et en sociologie fournit un premier ensemble de repères analytiques, de modèles de
raisonnement. Il s'agit d'expliquer comment une décision est prise. Ces modèles peuvent
être classés selon deux paramètres. La décision est essentiellement le produit de
l'activité d'un décideur, individuel ou collectif. Ou bien elle est l'aboutissement de
facteurs relativement indépendants du décideur formel, celui-ci était une sorte de
ratificateur de choix déjà présélectionnés.
L'approche qui met l'accent sur le travail du décideur sert de fondement à trois
modèles différents :
-la décision résulte d'un calcul visant à choisir, compte tenu de l'objectif à attendre, la
meilleure solution, celle qui est la plus adaptée, la plus rationnelle. C'est l'intelligence
du décideur qui importe, ou la qualité des critères techniques de choix;
-la décision traduit des critères de choix où le décideur s'arrête à la première solution qui le
satisfasse, qui soit convenable à ses yeux, compte tenu des contraintes de temps, de
manque d'informations que rencontre le décideur. Le décideur fait du mieux qu'il peut dans
la situation où il se trouve;
-L'alternative qui est retenue s'impose car elle est le produit d'un certain nombre de
procédures à travers lesquelles l'élaboration passe. Ces procédures sont des routines
organisationnelles ou bureaucratiques, des modes de division des tâches entre les
unités qui participent à l'élaboration, des circuits d'information. Elles imposent leur
logique propre de fonctionnement à la solution qui est finalement choisie. Le décideur
est le prisonnier d'un système : c'est le système, ses règles, ses rigidités qui font la
décision;
lui et qui est issu d'un champ de rapports de force entre des acteurs différents : tout au
plus peut-il faire quelques inflexions de détail ou éviter des erreurs trop graves
compte tenu de la faible marge de liberté dont il dispose en réalité;
-La décision est un processus aléatoire qui résulte du fait que le processus de son
élaboration se caractérise par une grande ambiguïté et par un niveau élevé de
confusion. Beaucoup de gens interviennent à divers moments, les objectifs visés ne
sont pas clairs, les solutions restent peu précises, et il n'est pas évident que la décision
sera prise à tel moment par tel décideur. Bref, la décision se prend dans un contexte
d'anarchie organisée, sans que personne ne s'en rende vraiment compte, ou par
substitution en cours de route d'un autre problème au problème initial. Les décisions
peuvent résulter de malentendus. A la limite plus personne ne décide vraiment. C'est après
coup que l'on s'aperçoit que quelque chose comme une décision a été prise; mais quand et
par qui, la chose n'est pas très claire;
La décision fait ici aussi intervenir plusieurs acteurs qui, chacun, poursuivent une
perspective qui leur est propre. Le choix d'une solution procède d'une suite d'interactions
principalement marquées par les objections que les acteurs font à une solution qui leur est
proposée. En même temps l'objectif à atteindre est découvert et défini progressivement à
travers ces interactions. L'important pour les acteurs est d'éviter des erreurs insupportables
pour eux, non pas de résoudre le problème en soi.
L'étude des politiques publiques a apporté une contribution notable qui replace la décision
dans le contexte de l'action gouvernementale.
L'analyste peut tirer avantage de la discussion qui oppose par ailleurs un certain nombre
des politistes entre eux quant au statut à donner à la décision comme indicateur de pouvoir
dans une collectivité politique. Pour l'école pluraliste, seule est pertinente la décision que
prend une autorité publique. Cette conception positive est jugée erronée car jugée trop
étroite par d'autres auteurs.
La non-décision est à leurs yeux un fait tout aussi révélateur. Par non-décision, il faut
entendre des actes qui servent à soutenir la mobilisation de valeurs, de procédures, de
rites, de façon à légitimer la non-action d'une autorité publique, cette mobilisation étant
utilisée pour le bénéfice de certains intérêts au détriment d'autrui. En d'autres termes, le
pouvoir politique ne se manifeste pas seulement par le fait de résoudre des problèmes,
des conflits, par la prise de décision, il est aussi exprimé par le fait d'esquiver des
demandes de changement : ne pas prendre une décision est une forme de décision.
Bachrach et Baratz distinguent quatre types relevant de ce genre : l'usage de la force,
les menaces de sanctions contre le réformateur, la production de normes sociales et
politiques, le changement des procédures de travail gouvernemental.
Méthodologiquement cette approche est stimulante. La non-décision cache autre
chose: la capacité pour un système politique ou une autorité publique de faire en sorte
que des enjeux ne soient pas débattus ou ne débouchent pas sur un processus de
recherche de solutions. La politique, c'est aussi une action consistant, par des
techniques diverses, à empêcher qu'un problème ne se pose comme problème public ou
n'alimente le travail d'une autorité publique : il y a des non-politiques publiques.
doit accompagner et traduire cette substance en impacts concrets. Les buts et les
moyens progressent le plus souvent en même temps dans leur explication et dans leur
découverte. On recherche, par l'appel à l'expérience, par la routine, par la créativité ou
par l'étude, des solutions au nom de l'efficience et de l'efficacité, mais on considère en
même temps l'univers de ce qui est faisable. Une solution est un calcul social qui
mélange de la faisabilité politique et de la rationalité technique, qui dessine une carte
du possible et un scénario de résultats.