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réalités pédiatriques # 177_Mars 2013

Revues générales
ORL

L’examen du tympan :
ce qu’il faut voir

RÉSUMÉ : Le tympan est la vitrine de l’oreille moyenne. Son examen permet d’apporter un diagnostic
lésionnel à une symptomatologie otologique. Malgré sa relative petite taille, la sémiologie le concernant
est riche. L’otoscopie doit donc être rigoureuse et méthodique, afin d’établir un diagnostic précis menant si
besoin à une prise en charge spécialisée.

[ un
Comment examiner
tympan ?
du tympan. Même si ce dernier permet
d’apporter le plus souvent un diagnostic
lésionnel à une symptomatologie otolo-
1. Comment regarder gique, l’examen premier du conduit est
indispensable.
L’absence de mouvement de l’enfant exa-
miné est un prérequis, souvent difficile Nous rechercherons donc eczéma, plaie,
à obtenir chez le tout-petit, mais indis- otorrhée et coulée cérumineuse prove-
pensable à la réalisation d’une otoscopie nant du tympan. Pour ce faire, il doit
de bonne qualité. L’examen sera facilité dans l’idéal être nettoyé, sans provoquer
par une contention douce mais ferme, si de saignement, grâce à l’utilisation d’un
possible par les parents, ou par une autre porte-coton, d’une micro-pince, voire de
aide quand cela est possible. canules d’aspiration.

Si le microscope est l’instrument idéal L’otorrhée claire est le signe d’une otite
➞ B. THIERRY, M. BLANCHARD, de par son éclairage puissant, sa mania- séreuse avec perforation tympanique
N. LEBOULANGER
bilité et le fait qu’il permette de libérer associée (ou en cas d’aérateur transtym-
Service d’ORL et de Chirurgie
Cervico-faciale, les deux mains, l’otoscope n’en reste pas panique en place).
Hôpital Armand-Trousseau, moins un très bon outil qui permet de réa-
PARIS.
liser un examen otoscopique de qualité. L’otorrhée purulente fébrile témoigne
L’utilisation de l’otoscope macroview est d’une otite moyenne aiguë perforée.
un très bon compromis. Des spéculums L’otorrhée purulente peut être le témoin
de plusieurs tailles sont disponibles et d’un cholestéatome. Elle peut alors être
sont choisis en fonction de la taille du associée à des polypes inflammatoires
conduit auditif externe (CAE) du patient. du conduit.
En pratique pédiatrique, les plus utilisés
sont les tailles 2, 3 et 4. Les spéculums de Le fond du CAE peut être le siège d’un
taille 1 sont utilisés chez les nouveau-nés. dépôt de couleur marron semblant pro-
venir du tympan et tapissant la peau du
2. Ce qu’il faut regarder CAE. Ces dépôts sont tout à fait diffé-
rents des dépôts de cérumen avec les-
● Le conduit auditif externe quels ils ne doivent pas être confondus.
Ils sont nommés “coulées de lave” et
Il est important de rappeler que l’otosco- sont le signe d’un processus otitique
pie ne doit pas se limiter au seul examen chronique évolutif.

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● Le tympan cérumen sur le tympan est pathologique de la caisse du tympan. Le seul relief
et doit faire suspecter un processus oti- visible sur la membrane tympanique
La sémiologie tympanique étant riche, tique chronique. est le manche du marteau (dépression
l’examen doit être méthodique quadrant de l’umbo au centre, manche et saillie de
par quadrant, afin de rendre compte d’un >>> La présence ou non d’une poche de l’apophyse externe). Le reflet de lumière
diagnostic topographique et lésionnel rétraction. On s’efforcera, le cas échéant, de l’otoscope sur le quadrant antérieur
précis. de caractériser leur localisation, et de d’un tympan normal donne un aspect
vérifier la visibilité ou non du fond de la triangulaire brillant.
3. Ce qu’il faut voir poche (contrôlable ou non contrôlable).
2. Otite séromuqueuse (OSM) (fig. 2)
● Modifications tympaniques

On analysera sur la membrane tympa-


[ Les entités nosologiques La membrane tympanique est normale
mais l’épanchement rétrotympanique
nique : 1. Le tympan normal (fig. 1) donne un aspect terne et le reflet lumi-
neux n’est plus présent. La couleur
>>> La transparence : si le tympan est Le tympan est constitué d’une mem- peut varier : jaune citrin, jaune opaque
transparent, l’examinateur peut déter- brane fibreuse transparente grisée. La trouble, gris bleuté. On peut mettre en
miner si la caisse du tympan contient caisse du tympan étant aérée, par trans- évidence des bulles rétrotympaniques.
de l’air ou un épanchement rétro-tym- parence on peut apercevoir les reliefs
panique. 3. Otite moyenne aiguë (OMA) (fig. 3)

>>> La couleur : un épanchement rétro- >>> Au stade initial de l’OMA, la vas-


tympanique peut être clair, trouble ou cularisation tympanique est augmen-
jaune (purulent). Un aspect bleu doit tée, accentuant la visibilité et la couleur
faire suspecter une otite séromuqueuse rouge des vaisseaux sur une membrane
chronique ou un trajet vasculaire aber-
rant (golfe jugulaire ou carotide dans
la caisse du tympan par exemple). Des
plaques blanches sur le tympan sont des
dépôts de calcaire bénins appelés tym-
panosclérose. La couleur blanche rétro-
tympanique est évocatrice de cholestéa-
tome. Un état inflammatoire accentue la
visibilité des vaisseaux et donc la cou-
leur rouge.
Fig. 1 : Oreille droite., tympan normal.
>>> Les reliefs : les seuls reliefs d’un tym-
pan normal sont les reliefs du manche
du marteau. La visualisation d’un autre
relief que l’apophyse externe du mar-
teau, en haut, et que la dépression due à
l’insertion du tympan sur l’extrémité du
manche du marteau (umbo), au centre,
est pathologique. En cas de rétraction
tympanique sévère, le tympan moule
les structures de l’oreille moyenne dont
le relief va être mis en évidence : cochlée,
enclume et étrier… La présence ou non
d’une perforation.
Fig. 2 : Oreille droite. Otite séromuqueuse. Fig 3 : Oreille gauche. OMA. Visibilité excessive de
Epanchement rétrotympanique clair associé à la vascularisation de la membrane tympanique.
>>> Le caractère autonettoyant : un tym- une rétraction tympanique (bords de la rétraction Présence d’un épanchement rétrotympanique puru-
pan normal est propre. La présence de indiqués par les pointes). lent. Bulle à la surface du tympan sur l’image du bas.

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tympanique pouvant être encore trans- chronique et d’une faiblesse localisée de la brane tympanique normale. Des poches
parente. membrane tympanique. Leur potentielle de rétraction ou des séquelles de pose
gravité réside dans leurs capacités à s’insi- d’aérateurs sont mises en évidence. Le
>>> Au stade congestif, le tympan perd nuer dans les cavités de l’oreille moyenne tympan est toujours pathologique.
sa transparence. et à s’autonomiser en cholestéatome.
Le cholestéatome est une tumeur arron-
>>> Au stade suppuratif, on voit essen- Les prodromes de l’autonomisation sont die, blanchâtre, nacrée, molle et friable
tiellement la couleur jaune de l’épan- visibles : absence de contrôle du fond de rétrotympanique. Sa surinfection, le plus
chement rétrotympanique purulent. Le la poche de rétraction, perte du caractère souvent à Pseudomonas Æruginosa,
tympan est bombé, prêt à se rompre sous autonettoyant de la poche de rétraction, peut être responsable d’otorrhée fétide.
la poussée de l’épanchement. présence sur le conduit auditif externe Ainsi, toute otorrhée nauséabonde chro-
d’une coulée de lave, lyse du cadre nique doit être considéré comme haute-
>>> Au stade perforé, le CAE est rempli osseux. En présence de ces signes oto- ment suspecte.
de pus. scopiques, la poche de rétraction est à la
frontière nosologique du cholestéatome. 6. Perforation (fig. 8)
3. Cholestéatome congénital (fig. 4)
5. Cholestéatome acquis (fig. 7) La taille, la localisation (dans quel qua-
Une opacité blanche arrondie, rétrotym- drant ?), l’aspect régulier ou déchiqueté
panique (derrière une membrane tympa- Il n’y a pas de cholestéatome acquis (par
nique intacte) du quadrant antéro-supé- invagination de la membrane tympanique
rieur, chez un enfant jeune, en l’absence dans les cavités de l’oreille moyenne) sans
de tout antécédent otitique, est très évo- antécédent otitique, ni avec une mem-
catrice de cholestéatome congénital. Si
le diagnostic est clinique, on en précisera
néanmoins l’extension par un scanner des
rochers avant l’intervention chirurgicale.

4. Rétraction tympanique (fig. 5 et 6)

Il faut distinguer la rétraction globale du


tympan, des poches de rétraction. Bien
qu’elles témoignent toutes les deux d’un
Fig. 7 : Oreille droite. Cholestéatome acquis com-
déséquilibre pressionnel chronique, elles pliquant une poche de rétraction dyskératosique.
Fig. 5 : Oreille gauche. Rétraction postérieure
n’ont pas le même potentiel évolutif. Les moulant la branche descendante de l’enclume
Masse mal limitée à tympan ouvert (pointe).
poches de rétraction sont la résultante (flèche) et son articulation avec le bouton de l’étrier
d’une dépression de l’oreille moyenne (pointe). Poche de rétraction contrôlable, propre.

Fig. 8 : Oreille gauche. Perforation tympanique de


l’hémitympan inférieur, non marginale. Les reliefs
Fig. 4 : Oreille gauche. Cholestéatome congéni- Fig. 6 : Oreille gauche. Poche de rétraction posté- du fond de la caisse du tympan sont visibles au tra-
tal. Masse blanche, arrondie, localisée dans le rieure non contrôlable (invagination vers les cavi- vers de la perforation. La muqueuse ici est saine.
quadrant antéro-supérieur (pointe), derrière une tés postérieures de l’oreille indiquée par la flèche) La partie non perforée du tympan est le siège de 2
membrane tympanique normale. avec coulée de lave. plaques de tympanosclérose (pointes).

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paracentèse. Ils servent à faire commu-


POINTS FORTS
POINTS FORTS
niquer l’oreille moyenne avec le milieu
extérieur et ainsi à assurer le drainage
d’un épanchement chronique ou la réé-
û L’examen otoscopique ne doit pas se limiter à l’examen du tympan ; quilibration des pressions permettant
l’examen du conduit auditif externe est également important. parfois la régression d’une poche de
û Une masse blanche rétrotympanique, à tympan normal, sans antécédent rétraction. En pratique, plusieurs formes
otologique, est évocatrice de cholestéatome congénital. et couleurs sont disponibles sur le mar-
û Une masse blanche à tympan perforé, une coulée de lave sur le conduit
ché. Leur durée d’efficacité dépend de
leur forme et leur principal risque est la
auditif externe, une otorrhée chronique nauséabonde, des polypes dans
le conduit auditif externe doivent faire suspecter un cholestéatome. perforation tympanique séquellaire.

û Les perforations, poches de rétraction et cholestéatomes doivent être


adressés à l’ORL, leur traitement étant le plus souvent chirurgical.
[ Conclusion
L’examen du tympan et à travers lui de
certains éléments de l’oreille moyenne
doit être rigoureux et systématique.
des bords, la situation par rapport au L’examen à l’otoscope permet d’obtenir
rebord osseux (persiste-t-il une colle- beaucoup d’informations dont l’analyse
rette de tympan entre le cadre osseux et plus précise sera au mieux réalisée en
le bord de la perforation ?), l’aspect de la consultation spécialisée d’otorhino-
muqueuse de la caisse du tympan (écou- laryngologie à l’aide d’un microscope
lement ?), la date de la dernière otorrhée binoculaire ou d’un oto-endoscope.
spontanée sont des éléments essentiels à
l’examen d’une perforation tympanique. Les perforations, poches de rétraction
et cholestéatomes doivent être adressés
7. A part, les aérateurs à l’ORL, leur traitement étant le plus
transtympaniques (fig. 9) souvent chirurgical : pose d’aérateur ou
renforcement tympanique.
Les aérateurs transtympaniques sont
Fig. 9 : Oreille gauche. Aérateur transtympanique de petits cylindres creux en plastique L’auteur a déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts
en place dans le quadrant antéro-supérieur. insérés dans le tympan grâce à une concernant les données publiées dans cet article.

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