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mais plus il évolue, plus il se détache de cette idée et plus il s’y oppose.

Il reconnaît qu’il y a quand même des lieux où le débat politique est


Benedikte Zitouni
plus facile parce qu’il y existe une communauté de vues. C’est à cette
échelle-là que doivent se concrét iser les formes républicaines de
politique, qui vont pacifiquement, selon lui, entrer en rapport les unes
avec les autres. On voit là le géographe qui pense, qui prend acte de
l’existence de nations. D onc, d’une certaine façon, il semble proche de
L’écologie urbaine :
F ichte d’une certaine façon ; mais plutôt que de faire comme lui et
d ’e n fe rmer tout le politique dans la nation, Kant considère que celle-
ci constitue seulement un niveau dans lequel la politique républicaine
mode d’existence ?
peut s’épanouir de façon privilégiée.

E ntretien animé par Jacques Lolive.


mode de revendication ?
L’écologie urbaine des écoles de Chicago et de Los Angeles oblige à
penser une science de la maisonnée fondée sur les attachements,sur
les solidarités de fait entre les vies,ni animales ni humaines,qui com-
posent un territoire.

L
e 27 juin 1969, les Young L ord s 1 lancent leur pre m iè re offensive à
N ew York : armés de balais, ils nettoient l’el barrio, ghetto Port o
Ricain du E ast Side, dont les rues regorgent de saletés, de déchets
non collectés, de vitres et de décombres éparpillés et dont l’air est envahi
«d’une odeur de poubelles, aux arômes et puanteurs variés» (Gandy, 2002, 165).
Lorsque la lutte s’emballe, les ord u res devien-
1 Les Young Lords sont affi-
nent des mascottes et des alliées : barricades et liésau mouvement du même
batailles de poubelles ont lieu tout au long de nom (initialement un gang)
l’été jusqu’à ce que la municipalité accepte de et aux Panthères Noires à Chi-
remplir ses obligations. cago.Leur action à New York
Quand un homme montre du doigt une porte de 1969 à 1972. Voir :
1971, Palant e, photos de
poubelle, se lie à elle et dit « voilà ce que je Michael Abramson et essais
d e vie n s», c’est la pensée écologique elle-même desYoung Lords;1971,El Pue-
qui se radicalise : (1) l’environnement, l’el barrio, blo se Levanta,documentaire
n ot re enveloppe urbaine nous composent, corps de Newsreel ; 1973, Pedro
vivants que nous sommes ; (2) l’identification Pietri, Puerto Rican Obituary;
1996,Palante,Siemper Palante!
« poubelle – homme » met en scène un proce s- The Young Lords, documen-
sus de vie et de mort, d’épanouissement e t taire de Iris Morales.

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d’aliénation, de croissance et de déchéance. La Nécrologie Porto Ricaine distributions et interactions des entités mobiles que sont les hommes,
(1973), poème de Pedro Pietri, témoignage célèbre de la lutte N ew eux-mêmes pris dans les liens avec les objets et territ oires qui façonnent
Yorkaise, trace, elle aussi, ce processus pour cinq habitants fictifs du el leurs actions. Chaque gang de Chicago est dès lors nécessairement un
barrio: « gangland » ou « complexe situationnel » ; chaque « hobo» (ouvrier des
chantiers américains à la fron t iè re) trace dès lors le « hobohemia »,
Juan système reliant certaines rues, pratiques et lieux de re n con t re s ; chaque
Miguel q u artier est dès lors traversé de territ oires hétérogènes, invisibles ou
Milagros indifférents les uns vis-à-vis des autres.
Olga Mais on ignore souvent l’existence de la « toile des vies », perspective
Manuel altérée que Robert Park, figure de proue de l’E cole de Chicago, élabore
From the nervous breakdown streets pendant les dern iè res années de sa vie, de 1936 à 1942 2. L e geste est
Where the mice live like millionaires sim p le : descendre d’un cran le point de vue sur la ville, passer des
And the people do not live at all mouvements et interactions entre hommes, objets et territ oires à toutes
Are dead and were never alive les associations entre organismes vivants. Source d’inspiration ? D arwin .
(idem 151) Evénement instigateur ? L a crise de l’ord re mondial.
P lus que jamais, Park est convaincu que l’ancien monde disparaît :
E nvisager une voie « b iot iq u e » dans l’écologie urbaine ouvre des hori- l’E m p ire Britannique agonise et les relations politiques européennes se
zons insoupçonnés à l’action et à la re ch e rche. Car s’y configurent un plan gât e n t ; la guerre qui s’annonce semble totale, psychologique, utilisant
de revendication radical (la justice est affaire de déploiement et d’épa- la propagande et ciblant même les citoyens ; les mobilités globales
nouissement de corps vivants exigeants) ; un mode d’existence re n ou ve lé augmentent en flèche mais les E tats-Unis se replient sur eux-mêmes et
(les citadins pensent explicitement leurs agencements au reste du bio- fe rment leurs fron t iè re s ; les technologies de communication et de
t op e ) ; une re ch e rche académique osée (les chercheurs embarquent dans mobilité retissent les liens entre les hommes et les re -t e rrit orialise n t ; les
la ville tous les organismes vivants et leurs enveloppes). Cette ville bio- inventions scientifiques se succèdent sans que leur apport soit mesuré
tique, d’autres que les Young L ords, d’autres que nous, l’ont exploré, ou débattu. C’est l’avènement de la Société Moderne dont les villes
dans l’arène académique, et lui ont donné des noms variés: «toile des sont l’épicentre, pense Park. Mais quelle est la nature humaine qui
vie s », « ville trans-espèces», « zoöp olis »,… é m e rgera de ces changements d’environ n e- 2 Six articles de Park, tous
J’e xp lorerai deux aventures intellectuelles qui ont accouché de ces ments (rappelons ici le credo de Chicago – en repris dans The Collected
notions, l’une à C hicago la veille de la D euxième Guerre Mondiale, créant la ville, l’homme s’est recréé lui-même) Papers(voir Œuvrescitées),sont
l’au t re à L os Angeles aujourd’hui. « Ave n t u re s » parce qu’elles sont et à quelles fins seront mobilisées les avancées concernés:1936,«Succession,
motivées par des ambitions intellectuelles, suscitées par des préoccu- matérielles et scientifiques ? Comment créer an ecological concept»,Ameri-
can Sociological Review;1936,
pations politiques et inspirées par l’actualité médiatique. Mais aussi les conditions d’une action commune et tenir «Human ecology», American
p arce qu’elles perm e t t ront, je l’espère, d’envisager des nouvelles possi- ensemble les diverses parties de la modern it é Journal of Sociology; 1939,
bilités pour l’écologie urbaine. sans cadenasser les énergies créatrices et «Symbiosisand Socialization»,
émancipatrices que celle-ci a libérées ? American Journal of Sociology;
La toile desvies: une notion oubliée F inalement, comment créer une solidarité qui 1940, «Physics and Society»,
E n sociologie, les termes « écologie urbaine » renvoient directement à ne s’arrime pas aux accords politiques, trop Canadian Journal of Economics
l’E cole de Chicago de l’entre -d e u x-gu e rres, un corpus de re ch e rch e s fragiles pour la soutenir, ou aux injonctions and Polit ical Science; 1941,
«War and Polit ics», American
qui parvient à filer entre la mécanique physique et l’artifice politique et morales, trop artificielles pour la remplir (car
Journal of Sociology; 1942,
à envisager la ville comme celle dont les agencements ne peuvent être on sait en 1942 que « la liaison de l’argent n’a pas «Modern Society»in:Biolog-i
refaçonnés au seul gré des bonnes volontés, des savoirs objectifs ou des suffi, ni celle du « v ote» d’ailleurs, pour garantir la cal Symposia,Lancaster,Penn:
d é crets politiques. La ville « organ iq u e » est créée dans les mouvements, solidarité» (Park, vol. 3, 327) ? The Jacques Cartell Press.

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D ’ab ord Park se tourne vers l’anthropologie. Celle-ci permet d’envisager solid arit é indifférente et amorale qui s’étend sur le globe entier: «Un système
un « tout intégré » dont les parties sont interdépendantes, caractéristique relationnel (…) se répand, une forme d’association qui est probablement plus
p re m iè re de la société moderne naissante. Elle permet de re con n aît re la intime et personnelle entre voisins et plus impersonnel et moins intime entre ceux
force d’agencement des superstitions, sentiments, croyances et imagina- qui sont totalement inconscients de leur interdépendance biotique ou économique
tions et ainsi de compre n d re les modernes qui se lient « non pas seulement ou ceux qui ne le savent que de manière médiatisée ou reléguée. » (idem, 59).
par des objectifs rationnels ou par des lois, constitutions et contrats, mais par des
sentiments et loyautés, sentiments qui, à force d’être employés et répétés, se sont La volonté d’exister
matérialisés dans les habitudes des individus» (idem, 318). F inalement, elle D ans les villes, il faut dès lors att acher une attention part icu liè re aux
p e rmet de développer un type de connaissance qu’on acquiert lorsqu’on techniques car ce sont elles qui re sse rrent et redéfinissent sans cesse les
est en prise avec le monde, baigné dans celui-ci, une connaissance liens d’interd é p e n d an ce : selon Park, la voiture et l’avion sont les
d ’«observateurs curieux des interactions entre les hommes» (idem, 317) capable traceurs de liens renouvelés entre les hommes, les terres et autre s
de saisir la complexité moderne et de refaçonner les agencements qui vivants; la radio, le cinéma, le téléphone, le télégraphe et le phonogra-
résistent aux sciences sociales mécanistes et spécialisées. phe définissent la réciprocité socio-psychologique dans et entre les
villes; l’horloge et l’horaire mettent en mesure un concert d’actions de
Une théorie élargie desassociat ions plus en plus dense;… Mais si l’écologie urbaine que prône Park à la fin
Park veut donc fonder une science sociale «inclusive» qui serait située de sa vie peut nous aider à ouvrir des voies légèrement décalées dans la
au niveau des associations pre m iè res entre les hommes, là où existe une re ch e rche et l’action urbaine, si l’écologie de Park peut faire écho aux
solidarité quasi organique. Cette ambition, que l’anthropologie seule actions des Young L ords N ew Yorkais, c’est parce qu’elle (1) est une
n’est pas capable de re le ve r, trouvera son envol grâce aux sciences de la science de la maisonnée ou de la niche, (2) met en avant « la volonté
vie darwinistes, auxquelles Park emprunte la notion de la « toile des d ’e xist e r » (struggle for mere existence) (Park vol 2, 262) comme pre m ie r
vies» (web of life), « un vaste système de vies interconnectées et interdépendan- moteur et droit de la vie citadine.
tes, liant entre eux tous les organismes vivants, aussi bien les plantes que les L a science de la maisonnée est celle qui sait que lorsqu’on dérob e
animaux » (Park, vol. 2, 145). l’homme de son enveloppe, de ses habitudes, familiarités et autres choses
« Dans ce monde moderne et mobile où le temps et l’espace sont en partie abolis, «p op u laire s», y compris toutes les associations qu’elles tissent, alors «c’est
tout semble, comme jamais auparavant, en mouvement, hommes certes mais aussi comme si tout ce qui rend le départ de chez «soi » [leaving home] si difficile avait
l’ensemble des organismes mineures jusqu’au plus petit microbe. » (idem, 149). disparu » (Park, vol 3, 320). L’homme doit donc être étendu à son «oikos»,
M icrobes qui voyagent, comme les hommes, en avion. Avions qui répan- aux relations qui le tiennent dans la toile des vies, au biotope qui l’enve-
dent la guerre sur tous les continents. « E t dès lors la toile des vies qui tient loppe. Le biotope du quartier Porto Ricain, ce sont les «nerv ousbreakdown
dans ses fils tous les organismes vivants, se resserre de plus en plus, et l’interdé- streets», rues à dépression, dont parle Pedro Pietri ; ce sont les souris qui
pendance de toutes les créatures vivantes augmente dans chaque partie du monde; vivent « like millionaires» ; c’est la puanteur des poubelles qui envahit
une interdépendance vitale qui, aujourd’hui, est plus extensive et plus intime l’at m osp h è re. L’oikos du citadin comprend toutes ces choses dans lesquel-
qu’elle ne l’a jamais été au cours du long processus historique. » (idem, 253). les chaque vie singulière – Juan, Miguel, Milagros, Olga, Manuel – se
Ainsi « le prix du caoutchouc sur le marché de Londres peut profondément affec- déploie ou s’achève. E t c’est là – aux carrefours de la vie et de la mort, des
ter la vie des natifs en Afrique Centrale et celle enfouie sur les rives de l’Amazone. corps et de leurs potentialités – que nous touchons peut-être ce qui diffé-
(…) [Et] une grève à Shanghai, à Bombai ou à San Francisco peut se répercu- rencie le plus l’écologie que prône Park à la fin de sa vie de celle plus
ter sur toutes les autres villes situées le long de l’autoroute mondiale maritime.» communément attribuée à l’Ecole de Chicago: la volonté d’exister.
(Park, vol. 3, 328). L’anthonome du cotonnier, lorsqu’il surgit, peut « La première et la plus fondamentale est la liberté nécessaire à l’existence de
chambouler les rapports de force de tout un continent. Et l’arrivée d’un chaque forme de vie dès qu’elle dépasse le stade végétal, la liberté de se mouvoir,
artéfact perfectionné, l’automobile, le bateau à vapeur ou la locomotive, de bouger, d’explorer et de voir le monde» (idem, 338). Vagab on d s,
peut défoncer les re p è res au sol, libérer des forces créatives et inaugure r voyageurs, autostoppeurs, touristes, campeurs et tous les hommes qui
une période d’effe rvesce nce et de changements. Il existe donc une m igrent sont les porteurs modernes de cette liberté. E nsuite, selon

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Park, l’homme ou le citadin veut une « p lace » dans le monde, il re ch e r- est revendiquée par les académiques, pour la plupart des femmes, et la
che la sécurité certes mais aussi la reconnaissance, une niche dont les « zoöp olis » est inaugurée, notion qui signifie la toile d’appare n t é s
fils lui permettent d’exister en tant que personne sociale. E t au-delà de (kinships) et de diffé rences dans laquelle sont inéluctablement situés les
tout, l’homme veut et a le droit à l’« e xp ression de soi » (self-expression) hommes et autres animaux vivants d’une ville (Wolch & E mel, 1998,
qu’on peut compre n d re comme un droit de s’e xprimer mais aussi 122). L a zoöpolis est en partie l’œ uvre de la ville « à penser », de la
comme un droit de se déployer et de constru ire ses capacités e t lib e rté et expérime ntation conceptuelles qui caractérisent l’école de
am bitions (exprimer un « soi »), un droit de devenir un être « vivan t » L os Angeles, mais elle est aussi et surtout suscitée par les « faits divers »
digne de ce nom. Selon Park, le cinéma, la littérature, l’e ffe rve sce n ce et «actualités» de la ville.
intellectuelle mais aussi les autobiographies, histoires vraies ou récits de
voyages auxquels s’adonnent tant d’Américains sont peut-être le signe 26 août 1981, dans un jardin coyote tue petite fille. E st début de
d’une révolte des «masses», révolte composée d’autant de singularités saga « coyot e s ». Attaques (non fatales) se poursuivent, présence
qu’il y a de vies, d’autant de horizons qu’il y a de récits. coyotes s’intensifie à L .A., surtout avec
4 En ce qui concerne le
« La société moderne est celle des émancipés. » (idem, 338). Après la révolu- sè ch e resse 1987-1992. Coyotes s’adaptent coyo te: Davis, Ecology of Fear
tion française, celle des Américains et puis des Russes, « [d ’au t re s] et vivent dorénavant de la chaîne alimen- (Vintage 1999) pp. 237-240,
peuples du monde sont conscients de leur esclavage et se rebellent» (idem, 337- t aire suburbaine des « ch ie n s-ch at s-e t - 246, 248-249, 268-271 et
338). D ans l’avènement d’une nouvelle modernité, c’est peut-être la d é ch e t s » (pet-and-garbage ecology of the Wolch & Pincetl & Pulido
(2002). Pour une analyse du
lib e rté de se mouvoir et celle d’exister qu’il faut faire valoir, un droit à suburbs). puma en relation au tissu
la vie qui s’étend à l’oikos. urbain: Davis (idem) pp. 199-
1986, puma défigure fille 5 ans puis autre 208,228-249 et l’article d’And-
Quand le coyote et le puma obligent à penser la «zoöpolis» attaque garçon 6 ans. 1992, puma blesse rea Gullo & Unna Lassiter &
Jennifer Wolch «The Cougar’s
Los Angeles, ville à penser, ville qui fait penser, que les académiques homme 9 ans. 1993, puma chasse dans Tale» in Wolch & Emel (1998),
étudient parce qu’elle défie les catégories communes de «la» ville, parce camping. 1994, pumas attaquent (tuent) pp.139-161.Pour une analyse
qu’elle annonce les temps nouveaux et permettra, pour ces deux raisons, homo sapiens 6 ans, 40 ans, 10 ans, 56 ans deshiboux et la question terri-
toriale:Proctor &Pincetl (1996);
de déceler des avenirs diffé rents dans les autres villes à condition, et deux couples d’adultes (un doigt en
Proctor,«The Spotted Owl and
évidemment, que des nouveaux mots et concepts soient inventés pour moins). 1995, puma chasse homme à vélo the Contested Moral Lands-
d ire L os Angeles. On peut qualifier ainsi l’ambition proclamée d’une 1m95. Pumas semblent changer de point cape of the Pacific Northwest »
in Wolch & Emel (1998) pp.
3 Les recherches urbaines sur école composée de géographes et d’historiens de vue, intégrant homme et périphérie
191-217; Wolch & Pincetl &
le biotope sont :1995,Jennifer qui se réunit pour la pre m iè re fois en 1986. D es urbaine dans leur territ oire . Pulido (2002) (ibidem). Pour
Wolch & Jacques Emel,«Brin- re ch e rches menées depuis lors se dégage une l’ours noir et son comporte-
ging the animals back in»
ap p roche de «syn ch ronicité totale » (Keil, 1998, Il y a aussi le hibou (spotted owl) qui nécessite ment «déviant »:Davis (idem)
Environment and Planning D , pp.241,246-247;Wolch & Pin-
13,632;1996,James Proctor & 7), une ville composée de fragments et liens pour vivre un territ oire circu laire et des couloirs
cetl & Pulido (2002) p.392.Pour
Stephanie Pincetl,«Nature and h é t é rogènes que le chercheur recoud en une de passage à travers les tissus urbains; l’ours noir les enjeux posés par une poli-
the reproduction of endange- entité à l’aide d’un fil rouge toujours diffé re n t , dont un spécimen a été découvert se baignant tique des aigles: Suzanne
red space», Environment and chaque étude empirique déployant ainsi une dans un jacuzzi en plein air; les cervidés qu’on Michel «Golden Eagles and
Planning D,14,683-708;1998, the Environmental Politics of
Mike Davis,Ecology of Fear:Los nouvelle perspective sur L os Angeles sans re n con t re également dans les « oasis » (perce p-
Care» in Wolch & Emel (1998)
Angeles and the Imagination of jamais la vider de son contenu. Rien qui tion coyote) suburbains ; les aigles (golden eagles) pp.162-189;Wolch & Pincetl &
Disaster (1999,New York:Vin- compose la ville ne peut être exclu a priori, dont les territ oires sont envahis et détruits par le Pulido (2002). A propos des
tage Books); 1998, Jennifer même pas ce que la pensée moderne ou les « d é ve lop p e m e n t » immobilier californ ie n ; les cervidés:Davis (idem) pp.204,
Wolch & Jody Emel (voir Œuv- 206, 233-234, 240; Wolch &
res citées);2002,Jennifer Wolch
sciences sociales y avaient éliminé : le climat, le abeilles africaines, introduites au Brésil par un
Emel (1998) pp.75-76.Et finale-
& Stephanie Pincetl & Laura bâti, les animaux… E merge alors Los Angeles, généticien en 1956, dont le mouvement vers le ment à propos des abeilles:
Pulido (voir Œuvres citées). ville biotope3. Une théorie urbaine trans-espèces n ord ne peut être arrê t é ; … 4 Davis (idem) pp.260-267.

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Ces animaux, qui transgressent le s démarcations et rôles qu’on avait La zoöpolis érode ainsi un des fondements sur lequel, et au nom duquel,
prévus pour eux, mettent tous en échec la planification urbaine dont les tant de dominations, de violences et de colonisations ont été perpétrées :
ch e rcheurs découvrent dès lors le caractère catégoriel, fragmenté et le sujet unitaire, unique, homme moderne et occidental, « d é sh u m an i-
décousu d’une part, et l’incapacité, d’autre part, à faire valoir les interre- san t » ce qui ne lui correspond pas. Constru ire une politique radicale-
lations et interdépendances des écosystèmes ou à aménager des cycles ment « in clu sive » nécessite qu’on décentre l’homme en faveur d’une
de vie superposés. Une terre « p rivé e » n’est pas une simple prop rié t é h é t é rogénéité d’existences et qu’on cesse de déshumaniser pour appre n-
mais plutôt un bout d’écosystème qu’on « p rive » ou dont on nie la d re à re -b iot ise r, les hommes notamment. « C’est sur le corps des animaux
densité d’usages, de traversées et d’occupations. Ce n’est qu’au prix que s’inscrivent aujourd’hui les luttes à propos de ce qui est humain, de ce qui
d’une telle cécité et rigidité que l’urbanisme actuel peut découper et est saisi dans l’agencement humain, de ce qui est et sera possible.» (idem, 19).
affecter les terres à des fonctions (humaines). Et, deuxième composante
des plans d’urbanisme, une frontièren’est pas une simple ligne de démar- D es hommes, la zoöpolis fait redécouvrir la fragilité de l’existence et le
cation mais une terre hybride ayant sa prop re consistance et économie. caract è re relationnel de la subsistance. E lle sort de l’ombre les dépen-
E n l’occurrence l’interface de plus en plus immédiate entre L os Angeles dances des hommes entre eux et au reste du monde, elle retisse une toile
et les montagnes ou déserts (d’ailleurs une des plus longues interface s là ou la modernité avait créé un piédestal solitaire et violent. « Dans
« ville /t e rres sauvages » dans le monde après celles des villes trop icale s) l’apparente maîtrise de la nature urbaine, nous semblons protégés de tous les
est une terre limitrophe et mixte (borderland) où se joue la coexistence dangers naturels mais nous y perdons une capacité d’étonnement et d’interroga-
renouvelée entre puma, coyote, citadin, ours, etc. Aux chercheurs il ne tion vis-à-vis des non humains. La perte du risque, de l’humilité et de la dignité
reste plus qu’à annoncer : « N otre projet politique est la création de différentes que celui-ci entraîne, donne à croire que la survie de jour en jour est pure
formes d’espaces partagés. » (Wolch & E mel, 1998, xii). banalité. Cette croyance est profondément néfaste aux relations à l’environnement
et aux relations entre classes, entre genres, entre le Nord et le Sud.» (idem, 123-
Ni hommes, ni animaux,lesviesurbaines 124). Plutôt que d’affaiblir le citadin, la symétrie de la zoöpolis est telle
Mais afin que le partage puisse avoir lieu, il ne suffit pas de proclam e r qu’elle l’émancipe, lui permettant de s’associer aux non humains et de
la coexistence ou même d’éduquer et dresser les hommes et animaux revendiquer une justice plus inclusive et dès lors plus exigeante. Voici
pour accorder leurs points de vue territoriaux, encore faut-il que les quelques slogans, paraphrases extraites des re ch e rches sur la zoöpolis :
définitions que les hommes donnent d’eux-mêmes et des animaux
abandonnent l’anthropocentrisme. L es chercheurs de L os Angeles Comme des animaux, nous souffrons de la pollution urbaine
p roposent une perspective « b ioce n t riq u e » (Wolch & Pincetl & Pulido, et de la dégradation d’habitats!
2002, 391) c’est-à-dire axée sur lesv ies plutôt que l’homme. A la question
qui fonde notre supériorité – les animaux peuvent-ils faire ce que font N on pas parce que je suis pauvre, ni parce que je suis N oir,
les hommes? – elles rajoutent d’un geste simple mais efficace l’interro- mais parce que je suis un corps humain, je souffre de la dégradation
gation inverse « et puis, les hommes peuvent-ils faire ce que font les animaux?» de ce qui m’entoure. Même cela ne m’est pas accordé,
(Wolch & Emel, 1998, 121). Ainsi elles abolissent la boîte noire de « la l’existence en tant que corps…
n at u re » extérieure à l’homme et à la ville, en font sortir des êtres singu-
liers capables d’intelligence, de sensibilité et d’intentionnalité, rajoutent Un animal dans l’Amérique de l’Ouest a plus de droits
des présences, corps et points de vue au malstrom de la vie urbaine, et que moi car il a accès à l’eau.
habillent tout organisme et particule, hommes y compris, d’une part de
n at u re qui, dès lors, devient synonyme d’« u b iq u it é » (idem, 386). E n L a radicalité de la zoöpolis tient aux quelques mots « like» ou « as », «
d ’au t res mots, à la dichotomie opposant les hommes aux animaux, inter- comme» l’animal ou «en tant que» corps. L e citadin étend sa capacité
disant d’ailleurs toute porosité entre liberté humaine et nécessité à revendiquer l’injustice ou le mal perpétré dans son oikos, dans l’enve-
animale ou tout partage d’attributs communs, succède un éventail d e loppe qui en partie le compose. Mais la zoöpolis contient aussi une
d iffé rences et de similitudes. radicalité qui fait déjà histoire dans les luttes sociales américaines : cette

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Bibliographie radicalité consiste à re t ou rner en accusations des une solidarité de fait et inéluctable, ou la fécondité de penser l’écologie
Gandy,M., 2002,Concreteand associations discriminatoires d’attributs, le plus comme une science de la maisonnée. Aurait-on pu se passer de la zoöpo-
Clay – Reworking Nature in souvent entre vermines, pauvres, noirs, lis alors ? D ifficilement car la toile des vies que propose L os Angeles est
New York City, Cambridge,
Mass.&London:MITPress. immigrés, saletés, odeurs, ghettos, etc. L es beaucoup plus aboutie que celle de la fin des années 30 dans la mesure
Keil, R., Los Angeles – luttes de «la justice environ n e m e n t ale »5 au lieu où elle crée un plan symétrique, se défait de l’anthropocentrisme et
Globalization,Urbanizationand de se détourn e r, se saisissent des verm in e s, ou vre ainsi les possibilités de revendications, surprenantes certes mais
Social Struggles, Chichester: odeurs et saletés pour démontrer que les loin d’être insensées 6.
JohnWiley&Sons. q u artiers des pauvres sont souvent le dépotoir
Park,R.,1950(vol.1),1952(vol. des villes et états américains, que ceux-ci y
2), 1955 (vol. 3), The Collected L’École de Los Angeles est autour de questions suivan- pour cela:Cenzatti (1993) Los
t olè rent volontiers la pollution, la maladie et la peu connue dans la recher- tes: à l’instar de l’École de Angeles and the L.A.School:
Papers of Robert Ezra Park,
Glencoe,Illinois:TheFreePress. ve rmine et vont jusqu’à installer leurs infras- che urbaine francophone. Chicago, de Manchester ou Postmodernism and Urban
Jennifer Wolch & Jody Emel t ru ct u res nocives à proximité ou dans ces Excepté City of Quartz de de Francfort et vu les travaux Studies; Dear & Shockman &
q u artiers. L a troisième et dern iè re forme de Mike Davis (traduit par La entrepris par les chercheurs, Hise (1996) Rethinking Los
(ed.),1998,Animal Geographies:
Découverte en 1996,six ans ceux-ci font-ils «école» et Angeles; Soja & Scott (1996)
Place,Politics,andIdentityinthe radicalité qui nous est proposée par la zoöpolis
après son apparition aux quel est leur apport aux The City: Los Angeles and
Nature-Culture Borderlands, est l’identification possible aux marginaux, ainsi «urban studies»aujourd’hui? Urban Theory at the end of the
États-Unis),aucun des ouvra-
London&NewYork:Verso. qu’en témoigne une géographe «é cofé m in ist e »: La même année,un numéro Twentieth Century ; Dear &
ges qui tissent sa trame de
Wolch,J.,Pincetl,S., et Pulido, «E n tant que jeune fille blanche de la classe ouvrière, recherche n’a été traduit en de Environment and Planning Dishman (2002) From Chicago
L., 2002, «Urban Nature and français.Pourtant ceux-ci sont D: Society and Space est to Los Angeles:Making Sense
the Nature of Urbanism» in: je ne pouvais m’identifier au héro du Western, au
nombreux: Dear & Wolch consacré à «l’École»: on y of UrbanTheory.Des descrip-
Dear & Dishman (ed), From rancher ou à mon voisin chasseur. Je m’identifiais au
(1987) Landscapes of Desp air; trouve des contributions de tions et définitions de l’École
Chicago toL.A.:Making Sense loup, au bétail, aux Indiens [Native Americans], et Scott (1988) Metropolis; Soja Soja, Scott, Wolch et Dear de Los Angeles sont égale-
of Urban Theory, Thousands autres marginaux [Outsiders]. (…) C’est peut-être (1989) Postmodern geogr a- mais aussi des Storper et de ment données dans:Waldin-
Oaks& London & New Delhi: pour cela que je suis devenue une environnementaliste phies;Sorkin (1992) Variat ions Christopherson,deux auteurs ger & Bozorgmehr (1996)
SagePublications,pp.369-402. radicale(…) » (idem, 111-112) on a Theme Park; Gooding- dont les travaux ont suscité Ethnic Los Angeles;Keil (1998)
Williams (1993) Reading Rod- les questions autour de l’É- Los Angeles(préface et pp.5-
5 Lut tes qui débutent dans ney King; Jencks (1993) cole en première instanc. 8); Dear & Leclerc (1999) La
lesannées 70 et dont certains Mode d’existence?Mode de revendicat ion? Heteropoli;sScott (1993) Tech- Pour une description des pre- vida latina en L.A.
auteurs retracent les origines L e titre de cet article veut dès le départ attirer nopolis; Soja (1996) mières réunions et ambitions Los Angeles a toujours fait
dans les contestations les plus de l’École de Los Angeles, figure d’exception ouvrant
l’attention sur la portée politique que peut Thirdspace; Keil (1998) Los
radicales de la «civil right s voir l’article de Mike Davis dès lors des possibilités nou-
avoir l’écologie urbaine e n tant que façon de Angeles;Davis (2000) Magical
movement»notamment dans «Home owners and home- velles pour penser la ville:voir
Urbanism; Dear (2000) The
celles des Young Lords. concevoir et d’étudier nos vies citadines. Mais boys: urban restructuring in notamment Mc William
postmodern urban condition;
6 Cet article est le point de vue ce n’est que dans les dernie rs paragraphes Dear (2002), The spaces of Los Angeles»paru dans Encli- (1946),Southern California:an
d’un chercheur sur lespossibili-
qu’on voit apparaître les slogans et qu’on postmodernity; et j’en passe tic en 1989 et l’article de Island on the Land; Fogelson
tés qu’offrent les «urban
renoue les liens avec l’homme qui pointe du encore… La réputation de Roger Keil «Urban Future (1967) The Fragmene t d Metro-
studies». Les deux aventures,
certains ouvrages a traversé Revisited» paru dans Strate- polis; Banham (1971) Los
Chicago et Los Angeles, doigt la poubelle au début. Aurait-on pu passer
l’Atlantique mais peu de cher- giesen un plus tard. Angeles: the Architecture of
m’étaient nécessairespour dire des Young L ords à L os Angeles sans faire le
ce dont les Young Lords cheurs savent que ses auteurs Les années 90 vont voir se Four Ecologies;Garreau (1991)
m’avaient donné une intuition:
détour par Chicago ? Peut-être mais alors on se proclament comme faisant multiplier les ouvrages collec- Edge Cities; ou même en
il est fécond de penser la ville n’aurait pas eu la possibilité de penser une partie,ou en tous cas comme tifs dans lesquels Los Angeles France, Jean-Luc Nancy
comme lieu de vie et de mort volonté d’exister comme premier moteur de contribuant, explicitement à est présentée comme une (1993) «La ville au loin » dans
ou comme un biotope dont une «École de Los Angeles». ville à penser,dont la restruc- Le sens du monde .Mais il fallait
l’agencement urbain, ni de découvrir le droit
nous pouvons exiger qu’elle En 1986 plusieurs chercheurs, turation économique et peut-être la conjonction
permette à nos corps et à nos
premier à bouger et à tisser des liens. E t serait pour la plupart des géogra- sociale oblige les chercheurs d’une restructuration postfor-
potentialités, à nos «soi» passé inaperçu le caractère part icu liè re m e n t phes des universités de la à transformer les préceptes diste de la ville et de l’avène-
comme dit Park,de se déployer. non moraliste de la voie « b iot iq u e » fondant Californie, se réunissent des «urban studies». Voir ment des théories et critiques

146 Cosmopolitiques no7 août 2004 Aimons la ville! Benedikte Zitouni L’écologie urbaine… p.136-148 147
postmodernes pour que les faire un bilan sur les recher- peu totalitaire:«Authors like
chercheurs de Los Angeles ches à Los Angeles ou qui Michael Dear and Edward Gilles Sénécal
voient dans la ville une veulent proclamer l’École de Soja have deconstructed Los
opportunité plus générale Los Angeles (voir ci-dessus) Angeles into a fragmented
pour réfléchir d’autres avenirs –mais j’ai aussi voulu attirer pattern of places and tempo-
dans les villes,pour penser les
écueils à éviter,et pour ébau-
cher un nouveau paradigme
à inventer.
l’attention sur le caractère
immanent des descriptions
empiriques faites par l’École
de Los Angeles. C’est-à-dire
ralities in a way that suggests
the existences of a total (ita-
rian) synchronicity. This syn-
chronicity is presented as the
Nature métropolitaine :
Dans ma description de l’É-
cole de Los Angeles,j’ai voulu
ces descriptions enfile un fait
après l’autre dans une causa-
lité qui se distribue à travers
future of ”the city”incarnated
in Los Angeles.»(Keil,1998,6-
7). Mais en termes de
une écologie sous
mettre l’accent sur la «ville à tous les éléments urbains méthode de description, la
penser» qu’est Los Angeles
au yeux de ses chercheurs
–idée qu’on retrouve dans
évoqués.Roger Keil (1998,voir
ci-dessus) parle pour sa part
de synchronicité totale et en
synchronicité est un des élé-
ments les plus intéressants
peut-être de l’École de Chi-
tension
tous les textes qui tentent de critique même une dérive un cago.

L’École de Chicago. pourrait alors aussi rajouter la Remy & Voyé (1974) La ville et
génération qui la précède: l’urbanisation pp. 156-192; La métropole est désormais l’espace de référence pour penser
Les trois exemples sur les sai- William Thomas,Albion Small, Bertaux (1976) Histoie r s de vie
sonniers,les gangsters et les Floran Zaniecki. Mais en et récits de pr
at iques;Hannerz l’urbain, la périphérie prend une nouvelle dimension. La nat ure y
quartiers sont tirésdes mono- sociologie urbaine, l’EC est (trad.1983),Exploe r r la villepp.
graphies les plus célèbres de prend des statuts différents selon que l’on pense en termes d’écologie
bien celle de l’entre-deux- 7-16, 36-83; Peneff (1990) La
l’EC: Nels Anderson (1923),
The Hobo:the Sociology of the
guerres.Aux livres précités,il mét hode biographiquepp.35- végétale,d’architecture du paysage ou d’écologie du paysage.
faudrait rajouter :Park & Bur- 69;Grafmeyer (1994),Sociolo-
Homeless Man;Frederic Thras-
gess (1921) Int roduction to the gie urbaine; Fijalkow (2002)
her (1926), The Gang:a Study
Science of S ociology; Park & Sociologie de la villepp.44-52;
of 1,313 gangs in Chicago;Har-

L
vey Zorbaugh (1929), The Burgess & McKenzie (1925) Rea &Tripier (2003) Sociologie a forme des métropoles est le reflet d e la tension perm an e n t e
Gold Coast and the Slum: a The City; Wirth (1928) The de l’Immigration. Les livres e n t re le d évelop pemen t urbain et le maintien d’une nature de
sociologiacl study of Chicago’s ghetto (trad. 1980, Grenoble, entièrement consacrés à l’EC p roximité. Une telle affirmation ne pèche pas par son originalité
Near North Side.Tous publiés Champ Urbain); McKenzie sont : Grafmeyer & Joseph
(1933) The Metropolitan Com- (1979) L’École de Chicago:
tant il existe toute une littérature affectée à discuter du phénomène
par les presses de l’Université
de Chicago et respective- munity.Et la publication des Naissance de l’écologie d’urbanisation et de la perte des espaces naturels, verts ou agricoles.
ment republiés en 1961,1963, travaux de Burgess (1974),de urbaine;les actes du colloque D e L ewis Mu mford à Peter Calthorpe, le prob lème de l’étalement
1976. Une traduction fran- Park (1950-1955),de McKen- École de Chicago hier et urbain est évoqué pour indiquer q ue cette perte d e nature tiendrait
çaise du Hobo apparaît en zie (1968) et de Wirth (1964). aujourd’hui (1998, Université autan t d es forces économiques et sociales qui supportent le mou ve-
1993 chez Nathan,Paris. En France, l’EC a intéressé de Versailles-Saint-Quentin-
L’EC est parfois appelée la Halbwachs (article 1932 in: en Yvelines); Chapoulie ment d’urbanisation que d’un e sort e de d éficit de p lanification
«première» école parce Grafmeyer & Joseph,1979) et (2001), La tradition sociolo- urbaine et régionale. Une pléthore d ’auteurs oppose alors la ville
qu’elle est suivie d’une plus tard Chombard de gique de Chicago 1892-1961 . ve rticale, ap propriée et vécu e, encore au contact de la n ature et des
deuxième génération de Lauwe qui s’inspire de l’EC Pour une critique virulente de milieux ruraux et agricoles, à un e ville moderne fonctionnelle,
sociologuesplus célèbres tels pour Paris et l’agglomération l’EC, voir Castells, La question
horizontale et en constante expansion, don t l’effet premier est l’éro-
Howard Becker, Erving Gof- parisienne(1952).Des aperçus urbaine,pp.104-116,152-169.
mann et Everett Hughes.On de l’EC sont donnés dans: sion des lien s sociaux et la perte du contact avec la n ature. Ainsi
s’exprime le re gret d’une nature perdue et, du même souffle, de la fin
des communautés.
Il s’agit donc de clarifier le débat sur la forme urbaine et la place de la
nature.

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