Vous êtes sur la page 1sur 18

D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins : à propos d’un riff de

garçon fragile
Héctor Cavallaro, Michael Spanu
Dans Volume ! 2021/2 (18:2), pages 99 à 114
Éditions Éditions Mélanie Seteun
ISSN 2117-4148
ISBN 9782913169678
DOI 10.4000/volume.9722
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-volume-2021-2-page-99.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour Éditions Mélanie Seteun.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Volume !
La revue des musiques populaires
18 : 2 | 2021
Experts - Non Experts

D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins : à propos


d’un riff de garçon fragile
From Erik Satie to the Smashing Pumpkins: About a Fragile Boy’s RiffFrom Erik
Satie to the Smashing Pumpkins: About a Fragile Boy Riff

Héctor Cavallaro et Michaël Spanu

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/volume/9722
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
DOI : 10.4000/volume.9722
ISSN : 1950-568X

Éditeur
Association Mélanie Seteun

Édition imprimée
Date de publication : 15 décembre 2021
Pagination : 99-114
ISBN : 9782913169678
ISSN : 1634-5495

Distribution électronique Cairn

Référence électronique
Héctor Cavallaro et Michaël Spanu, « D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins : à propos d’un riff de
garçon fragile », Volume ! [En ligne], 18 : 2 | 2021, mis en ligne le 02 janvier 2024, consulté le 02
décembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/volume/9722 ; DOI : https://doi.org/10.4000/
volume.9722

L'auteur & les Éd. Mélanie Seteun


D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins
Abstract : May we speak of riff in Erik Satie’s music, of
Article impressionism in The Smashing Pumpkins? As a remix, today’s
pop music syntax results from the constant reuse of historical
sound materials whose substance serves to express particular
social relationships. From La Belle Époque to alternative rock
D’Erik Satie from the 1990s, we propose an experimental approach to
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
the archaeology of a “riff.” In the context of La Belle Époque,
aux Smashing Satie’s work reflects a dissolution of the classical music tonality
syntax as a rigid and limited compositional structure. But its
Pumpkins : experiential core also allows us to explore the meaning of an

à propos d’un riff de


emblematic riff in indie rock music, specifically in the song
“1979” by The Smashing Pumpkins, which we articulate to

garçon fragile
the expression of ambivalent masculinity. Finally, this article
aims not only to shed light on the music of The Smashing
Pumpkins thanks to Satie, but also to update Satie’s analysis
Par Héctor Cavallaro (Université Paris 8) by looking at it through the prism of the riff. Lastly, the article
& Michaël Spanu (Universidad Nacional combines a musicological approach with a more sociological
Autónoma de México) one, bridging different components of musical meaning.

Keywords: musical analysis / melody / composer/


Résumé : Pouvons-nous parler de riff chez Satie, d’impression-
18 composition/sheet music / diffusion/circulation/
nisme chez les Smashing Pumpkins ? Tel un remix, la syntaxe transfers / aesthetic
2 de la pop d’aujourd’hui n’est que le résultat d’une réutilisation
constante de matériaux sonores passés, dont la substance
permet d’articuler des rapports sociaux. De la Belle Époque « Au moment où l’on ne discerne plus dans un
au rock alternatif des années 1990, nous proposons, dans une accord ce qu’il y a en lui d’expression historique, cet
démarche expérimentale, une archéologie d’un « riff ». Dans accord exige impérieusement que son entourage tienne
le contexte de la Belle Époque, l’œuvre de Satie exprime une compte des implications historiques qui sont devenues
dissolution de la syntaxe tonale classique en tant que structure sa nature […] chaque accord renferme en lui le tout,
compositionnelle rigide et limitée. Mais son noyau expérientiel et aussi toute l’histoire. » (Adorno, 1979 : 44-47)
permet aussi d’explorer le sens d’un riff emblématique du
rock indie, celui de « 1979 » des Smashing Pumpkins, que Erik Satie, aujourd’hui compositeur
nous articulons à l’expression d’une masculinité ambivalente. reconnu, a longtemps été rejeté par le milieu
En conclusion, cet article prétend non seulement éclairer la musical parisien. Considéré comme trop
musique des Smashing Pumpkins grâce à Satie, mais aussi peu académique, trop expérimental, voire
réactualiser l’analyse de Satie en la passant par le prisme du ésotérique 1, il dédaignait la quête wagné-
riff. En dernier recours, l’article combine une démarche musi- rienne d’une musique grandiose et trouvait
cologique à une autre, plus sociologique, mettant en lumière davantage son inspiration chez les peintres

Article
différentes composantes du sens de la musique.

Mots-clés: analyse musicale / mélodie / compositeur/


composition/partition / diffusion/circulation/ 1 « Esotérik Satie », l’appelle-t-on. Pour ces
transferts / esthétique commentaires biographiques, voir Satie (2010). 99
Héctor Cavallaro & Michaël Spanu
français, notamment les impressionnistes. et que Brian Eno poursuivra (ou achèvera)
En dépit de quelques publications et colla- avec son album de musique d’ambiance Music
borations clés dont le ballet Parade (1917) for Airports en 1978. Nous pouvons alors
coécrit avec Jean Cocteau, ainsi que le ballet supposer que le monde de John Cale, tout
dadaïste Relâche (1924) avec Francis Picabia, comme celui de Cage, a aussi changé après
auxquelles s’ajoute son apparition dans le la longue nuit de Vexations.
film expérimental de René Clair intitulé En un sens, l’œuvre de Satie imprègne
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
Entr’acte (1924), l’image du vieux fou alcoo- u ne pa r t ie de la musique du Velvet
lique jouant dans les cabarets de Montmartre Underground qui, à son tour, distillera de
lui a collé à la peau durant la première moitié manière discrète et indirecte les vestiges
du siècle. Cela change dans le milieu musical de l’impressionnisme dans le rock, comme
d’après-guerre, en grande partie grâce au cherche à le montrer cet article. Il existe
compositeur expérimental nord-américain certes un rapport historique, fin mais précis,
John Cage qui découvre la musique de Satie non seulement entre l’impressionnisme et le
et la fait vivre sous un nouveau jour. Par minimalisme américain (Levaux, 2020), mais
exemple, l’œuvre Vexations (1893) n’a pas aussi entre l’impressionnisme et une certaine
été jouée du vivant de Satie, en partie car la frange du rock, permettant de parler de filia-
pièce consiste en un motif répété 840 fois, tion. Toutefois, dans cet article, c’est moins
pour une durée de plus de quatorze heures. Il la dimension historique que sonore et perfor-
faut attendre 1963, à New York, pour qu’un mative de cette filiation que nous souhaitons
groupe de dix pianistes rassemblés par John explorer. En effet, il nous semble qu’une des
Cage s’y attèle (Nyman, 1974 : 68). Parmi filiations les plus intéressantes entre ces deux
eux, un jeune de 21 ans, John Cale, fondera courants esthétiques si distants est celle
quelques mois plus tard, avec Lou Reed, le d’un matériau harmonique particulier, deux
groupe The Velvet Underground. accords utilisés en boucle, tant chez Satie,
Vexations et, plus généralement, l’œuvre dans la Gymnopédie Nº 1, que chez un groupe
de Satie ont eu un impact décisif sur la scène emblématique du rock des années 1990, les
new-yorkaise de musique contemporaine Smashing Pumpkins, dans le titre « 1979 ».
– « j’avais changé, et le Monde avait changé », Comment comprendre cette similitude ?
avoua Cage après la création de Vexations La comparaison est-elle seulement possible
(Levison et Farrer, 2010). Les dispositifs ? Une telle similarité harmonique pourrait
répétitifs de Satie anticipent ainsi les phase paraître anecdotique, mais grâce à l’élément
loops de Steve Reich, les arpeggios de Philip de la répétition – inhérent à sa manifestation
Glass et les fragments mélodiques dansants dans les œuvres en question – elle devient
de Terry Riley 2 . Ils nourrissent également d’autant plus audible et significative. Nous
le rêve d’une « musique d’ameublement » proposons de conceptualiser cette répétition
destinée aux scènes de la vie quotidienne en ayant recours à la notion de « riff », entendu
comme cadre du matériau musical, et celle

2 Nick Shave, « Erik Satie: Prepare yourself… », The


100 Guardian, 25 juin 2016.
de « noyau d’expérience 3 », compris comme par le prisme du riff. En dernier recours,

D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins


singularité esthétique contenue dans ce cadre. l’article articule une démarche musicologique
Le noyau d’expérience dont il est ques- à une autre, plus sociologique, mettant en
tion ici se caractérise par une certaine fragi- lumière différentes composantes du sens
lité. Nous verrons que le sens de celle-ci varie de la musique : matérielle et sociale – ou,
en fonction du contexte historique auxquels éventuellement, en regardant la matérialité
appartiennent les sujets créateurs 4 . Dans le comme lieu de jonction du sonore et du social.
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
contexte de la Belle Époque de Satie, une telle
fragilité exprime une dissolution de la syntaxe
tonale classique en tant que structure compo- Une archéologie
sitionnelle rigide et limitée. Dans le contexte
du rock indie, nous l’articulons à l’expression du riff
d’une certaine masculinité – ambivalente
vis-à-vis d’une masculinité hégémonique Certains termes participent plus
et virile – telle qu’elle est associée au rock que d’autres à l’archéologie des musiques
traditionnel. En conclusion, cet article pré- populaires. C’est le cas du riff qui paraît
tend non seulement éclairer la musique des être le dispositif matériel de prédilection
Smashing Pumpkins grâce à Satie, mais aussi pour nombreuses formes musicales du
réactualiser l’analyse de Satie en la passant xx e siècle. Toutefois, ses composantes, ses
particules élémentaires, peuvent renvoyer
18
à des époques musicales plus diverses et
2 3 Contrairement au musème qui renvoie à une forme ainsi relier des comportements musicaux
de signification musicale que l’on peut rapporter apparemment lointains. Issu de la com-
empiriquement à l’expérience d’un certain nombre
d’auditeurs-sujets (Seeger, 1960 ; Tagg, 2005 ; pression de l’expression de rythmic figure
Tagg & Clarida, 2003), le « noyau d’expérience » en anglais, le riff est défini comme « une
désigne l’expérience logée dans l’objet. Alors que le phrase, un fragment ou un thème mélodique
musème, en tant qu’unité de code musical, doit être
interprété comme une structure musicale seulement répété et doté d’une caractéristique ryth-
compréhensible au sein d’une culture spécifique mique prononcée » (Washburne & Fabbri,
(Tagg, 2004 : 3), les « noyaux d’expérience » sont
autant déterminés par l’expérience véhiculée par le
2003 : 592). Le chercheur anglais Richard
sujet – miroir d’une société à une époque donnée – Middleton ajoute à cela une dimension har-
que par les lois immanentes de l’œuvre (Olive, 2008 : monique – vecteur de la forme musicale
110). La notion d’« expérience » de l’œuvre se trouve
ainsi subvertie par une expérience dans l’œuvre, dans maintes musiques – faisant du riff un
sous forme d’agencements matériels qui dépassent « cadre structurel [structural framework] »
les seuls éléments compositionnels et peuvent aussi de l’œuvre pop (Middleton, 1990). D’autres
englober ses « traitements », c’est-à-dire les multiples
médiations qui acheminent l’œuvre au public sources, comme la New World Encyclopedia
(Gayraud, 2018). placent le riff du côté de « l’accompagne-
4 Certes, nous pourrons difficilement avoir accès
ment », mais en un sens particulier car non

Article
à l’intégralité du processus subjectif vécu par le nécessairement secondaire, c’est-à-dire
créateur. Cependant, nous pouvons tout de même comme une « figure ostinato (répétition
avoir accès dans la musique à un élément matériel
précis, minuscule, témoignant – telle une monade – d’une progression d’accords, d’un pattern
d’une de celle du matérialisme historique. ou d’un fragment mélodique) souvent jouée 101
Héctor Cavallaro & Michaël Spanu
par des instruments [...] tels que la guitare xx e siècle, nous souhaitons relire le riff dans
ou le clavier, et qui forme la base ou l’ac- un cadre temporel plus large, englobant des
compagnement d’une composition 5 ». Le esthétiques plus diverses et en approfondis-
plus souvent, dans les musiques populaires sant les caractéristiques sonores inhérentes
occidentales, il renforce le rôle de la voix, en au riff vers lesquelles semblent converger
la complétant : « Il fonctionne comme un hook la plupart des chercheurs.
(il capte l’attention) et comme contrepoint à D’un côté, il est largement admis que
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
la ligne vocale. Les chansons reposant sur un les éléments caractéristiques de la musique
riff sonnent et fonctionnent singulièrement, afro-américaine sont en fait le produit d’un
dans le sens où elles offrent un “schéma mélange de traditions nord-américaines,
d’interaction” dialectique entre mémoire africaines et anglo-celtiques (Van der Merwe,
et plaisir, s’ajoutant le plus souvent à celui 1989). Le call-and-response notamment,
du couplet-refrain 6 . » (Washburne et Fabbri, qui est certes une partie intégrante des
op. cit. : 592) Nous supposons donc que le messes dans les églises afro-américaines,
riff dispose d’une autre fonction, qui n’est aurait peut-être été importé en Amérique
pas simplement formelle, mais qui renvoie par les immigrés écossais illettrés qui appre-
à la mémorisation. naient les Saintes Écritures en les chantant
Le riff renvoie aussi à l’ère escla- de retour au prêtre lorsqu’il les leur lisait
vagiste nord-américaine, entre le xvii e et (Tagg, 2008 ; Frere-Jones, 2007 7). En fait,
le xix e siècles. Il dérive de la pratique du la pratique du call-and-response, bien que
call-and-response omniprésente dans les très remarquable dans la musique afro-amé-
musiques d’influence afro-américaine. En ricaine, est au moins aussi ancestrale que la
effet, nous pouvons retracer l’usage systé- pratique musicale elle-même. Nous savons
matique de ce dispositif répétitif jusqu’aux par exemple que les chants antiphoniques
premières heures des musiques afro-améri- de la liturgie chrétienne consistaient dans
caines (chants de travail, ring shouts, fields l’alternance responsoriale entre deux sec-
hollers, spirituals et premiers blues), même tions d’un même chœur humain. De la même
si les traces du terme ne remontent qu’au manière, nous pourrions critiquer l’idée que
tournant du xx e siècle, lorsque les musiciens
des premiers orchestres de cuivres de la
Nouvelle Orléans l’utilisaient pour décrire 7 Cela n’enlève rien au fait que les communautés
afro-américaines aient poussé la pratique du riff
les structures répétitives des refrains adop- de manière tout à fait singulière, au point d’en faire
tées à partir des formes blues (Schuller, 1976). un des héritages les plus marquants de la musique
Malgré l’évident ancrage étymologique dans populaire du xxe siècle. Mais notre but, ici, est
d’élargir le spectre de compréhension du riff pour le
le contexte nord-américain des débuts du faire dialoguer avec d’autres univers symboliques
– au-delà du jazz, de la pop et du rock – et ainsi
atteindre les terras incognitas d’une conception
« universelle » du riff. Autrement dit, sans renier
5 « Riff », 2015. URL : http://www. l’existence d’une filiation historique entre le riff et
newworldencyclopedia.org/entry/Riff (consulté le les musiques afro-américaines, nous souhaitons
15 octobre 2017). sortir d’une vision afro-centrée (ou essentialisée)
pour la faire dialoguer avec d’autres catégories
102 6 Notre traduction. sociohistoriques.
le riff serait un « dispositif systématique et cellule mélodique ne se répète quasiment

D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins


répétitif » qui remonterait seulement aux jamais plus de trois fois chez Bach), elle
premières musiques afro-américaines – à l’employait au niveau de l’accompagne-
savoir, les chants de travailleurs noirs – en ment (les basses obstinées par exemple) et
avançant, avec Middleton, que la compo- de la forme (les mouvements à variations,
sante répétitive du riff est un des éléments les rondos, etc.). Inversement, la musique
les plus rudimentaires et inséparables du populaire occidentale du xixe siècle se serait
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
phénomène musical en soi. Ce dernier écrit montrée plutôt ouverte à la tendance répé-
que « l’usage de processus de répétition dans titive au niveau des motifs (micro), bien que
une œuvre n’est pas, la plupart du temps, résistante au niveau de la forme (macro).
si différent de l’usage des formules dans un Middleton conclut ainsi que, pendant la
sens plus large, pour créer un répertoire. même période, « quelques genres afro-amé-
Toutes les deux [la répétition et la formule] ricains ont continué à poursuivre des tech-
ont été identifiées comme caractéristiques niques de répétition à petite échelle, souvent
des cultures musicales de pratique orale/ dans le cadre du call-and-response [...], ces
sonore 8 » (Middleton, 2003 : 512). Le musico- techniques ayant imprégné de plus en plus la
logue explique que, en tant que réitération de musique populaire occidentale mainstream
figures musicales – mélodico-harmoniques, au xx e siècle » (ibid. : 511-512).
rythmiques, d’unités structurelles, etc. – les Nous pouvons nuancer le propos de
processus de répétition sont « omniprésents Middleton avec le cas de certaines musiques
18
à travers la culture humaine (et au-delà), romantiques européennes, où la répétition
2 mais ils ont en effet une grande notoriété est un recours expressif commun. Pensons
dans la musique – et encore plus dans la par exemple à Chopin dont certains préludes
musique populaire 9 » (ibid. : 511). courts sont composés à partir de micro-cel-
Néanmoins, toute répétition n’est pas lules ou motifs en répétition constante 10 . Ou
riff. En fait, Middleton soutient que, tan- encore, plus radicalement, chez Schubert,
dis que la musique européenne écrite, dite dont la musique répétitive et fragmentaire 11
« savante », a eu tendance, au xviii e siècle se situe à l’opposé de l’organicité téléologique
(dans le baroque et le classicisme) à « éviter » d’un Beethoven (Adorno, 2003 :17). Quoi qu’il
la « répétition trop évidente » (une même

10 Voir l’article de Wojciech Oleksiak, « Breaking


8 Citation originale : « [...] the use of repetition Down Chopin’s 24 preludes », Culture, 28 mai 2014.
processes within a piece is often not completely URL : https://culture.pl/en/article/breaking-down-
distinct from the use of formula on a broader level chopins-24-preludes. Oleksiak considère la répétition
to create repertoire. Both have been identified as comme une caractéristique des préludes qu’il
especially characteristic of practice in orally/aurally qualifie d’« idylliques » (No 1, No 7, No 11 et No 23), bien
oriented music cultures. » qu’il s’agisse, d’après nous, d’un aspect aussi très

Article
remarquable dans les préludes No 2 et No 3, ainsi que
9 Citation originale : « Processes of repetition are, dans le célèbre No 4.
of course, pervasive throughout human culture (and
beyond), but they do seem often to have an especially 11 Voir par exemple le début de la Symphonie
high profile in music – and all the more so in popular inachevée ou des lieders tels que Erlkönig et le cyle
music […]. » Winterreise. 103
Héctor Cavallaro & Michaël Spanu
en soit, c’est bien cet enchevêtrement entre « Money » de Pink Floyd, tissant une gamme
le macro et le micro qui permet de penser de Si mineur. Mais, si l’on se permet de com-
le riff comme motif musical particulier, prendre le riff comme un élargissement de
dont la matérialité évoque et tisse des liens la catégorie de « motif », dont la répétition
avec des œuvres issues d’autres contextes serait devenue encore plus déterminante,
historiques. ce dont nous parlons est aussi valable pour
Suggérons ici une première formu- le début de la cinquième Symphonie de
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
lation de ce qu’il reste d’inhérent au riff Beethoven (1808) et son célèbre motif Sol-
selon nous, dès lors qu’on cherche à faire sol-sol-mib, Fa-fa-fa-ré (dessinant les accords
de sa matière le lien entre des esthétiques de tonique – Do mineur – et dominante
en apparence éloignées. Le riff se présente – Sol – respectivement). Y a-t-il un « riff »
comme une mélodie en quelque sorte pri- plus mémorable pour caractériser la musique
maire, souvent isolée en principe, capable symphonique du xix e siècle ?
de s’entrelacer avec une autre ligne mélo- Car en prolongeant ces principes,
dique en contrepoint, que ce soit la voix nous pourrions même identifier des échos
– comme le contrepoint entre la guitare et archaïques du riff dans des références
la voix dans « (I Can’t Get No) Satisfaction » lointaines, comme le baroque populaire
des Rolling Stones ou dans « Seven Nation des Quatre saisons de Vivaldi ou encore les
Army » des White Stripes – ou sous la Préludes de J.S. Bach. La puissance protéi-
forme d’autres types de lignes qui s’ajoutent forme du riff étant presque illimitée (dans
à la ligne principale (comme dans « In The notre acception du terme), elle se loge au
Mood » de Glenn Miller), créant une sorte sein du discours esthétique et centralise
de polyphonie. Dès lors, le riff peut se les forces capables de relier des motifs et
manifester, bien que jamais exclusivement, des harmonies qui structurent des thèmes.
comme l’accompagnement harmonique Dans la suite de ce texte, nous proposons
introductif dans une musique homopho- de prendre une étude de cas, un riff à obser-
nique (monodie accompagnée) avant que ver au moment de son transfert depuis un
la mélodie n’y apparaisse. Ceci est autant contexte donné vers un autre pour, de cette
valable pour le célèbre « Amor dicea » de façon, saisir ce qui reste d’immuable en son
Monteverdi, partie centrale de son Lamento intérieur, mais aussi ce qui se joue dans la
Della Ninfa (madrigal du xvii e siécle), que traduction vers d’autres publics.
pour « The Passenger » d’Iggy Pop en 1977.
Des hybrides mélodico-harmoniques sont
aussi possibles, si l’on pense à ces mélo-
dies dont le rôle est tout de même de tisser
un contexte harmonique, c’est-à-dire de
« dessiner » implicitement des accords, par
exemple, la ligne introductive de « Come
As You Are » de Nirvana qui dessine la
suite d’accords Fa# mineur-Mi. Le proces-
104 sus est semblable dans l’introduction de
D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
Exemple 1 : premières mesures de la Gymnopédie No 1 (1888). Première édition, domaine public.

18
Un riff de l’Exposition Universelle de Paris 1889.
D’après la seule indication présente sur la
impressionniste :
2
partition (« Lent et douloureux »), ces accords
aux couleurs cassées flottent de manière
correspondance instable. C’est le début de la musique dite
impressionniste 13 , marquée par un éloi-
des matériaux entre gnement de la syntaxe musicale classique de
type motivico-thématique et sa structura-
Satie et Smashing tion téléologique (de temps linéaire, causal,

Pumpkins 13 Terme autour duquel émergent de nombreux


12 . débats et questionnements enrichissants. Les
Sol majeur sept. Ré majeur sept Les plus solides et profondes seraient, d’après nous,
deux premiers accords caractéristiques de la les idées développées par Vladimir Jankélévitch
Gymnopédie No 1 d’Erik Satie ont été composés et André Boucourechliev des points de vue de la
philosophie et de la musicologie, respectivement
au crépuscule du xix e siècle, à peine quelques (quoique, par moments, inversement aussi).
mois avant que la Tour Eiffel ne soit inaugu- S’appuyant tous les deux principalement sur

Article
l’écriture musicale chez Debussy, et à plus grande
rée et présentée comme l’attraction ultime échelle sur l’impressionnisme ou le symbolisme,
entre autres, nous pouvons tout de même retenir ici,
de Boucourechliev, le fait que Debussy « renvoie à
Mallarmé et à la peinture – qu’on le veuille ou non, à
12 GMaj7, DMaj7, en nomenclature américaine. la peinture impressionniste » (1995 : 39). 105
Héctor Cavallaro & Michaël Spanu
directionnel, etc.) propre à la forme sonate éloigne celle-ci d’une vision fonctionnelle
(Cavallaro, 2020). Désormais, les agrégats de de l’harmonie, mais crée aussi une « spatia-
notes élargissent la sonorité de l’harmonie lisation » entre les sons qui devient absolue.
traditionnelle pour la rendre moderne en La dimension rythmique est très subtile
diluant la rigidité de leur fonctionnalité. dans la Gymnopédie No 1, la pièce ressemble
Car le moins que l’on puisse dire de l’im- à une sorte de valse à laquelle nous aurions
pressionnisme est que, au moment de son enlevé la troisième pulsation, comme pour
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
détachement de la logique romantique, le rendre impossible sa danse. Ce « manque
rapport entre les sons se trouve renouvelé, d’articulation rythmique » est précisément
comme l’a justement signalé Adorno : « Les l’un des traits rythmiques caractéristiques
sons qui autrefois coulaient les uns dans les de l’impressionnisme. En ce sens, ce n’est pas
autres sont maintenant devenus autonomes tant un « manque de rythme », mais plutôt une
dans un accord en quelque sorte anorga- subversion face à la rigidité rythmique de la
nique. » (1979 : 196) musique classique pour donner de la place à
Voici en partie ce qui permettra à des des structures « flottantes 14 ». Cela devien-
intervalles auparavant considérés comme dra aussi un trait distinctif de la musique de
dissonants ou de passage – comme la Debussy, dont les indications rubato invitent
7e majeure – de devenir des entités auto- à une certaine liberté de l’interprétation
nomes, des « noyaux d’expérience ». Certes, rythmique.
l’on pourrait dire que toute musique contient
un ou des « noyaux d’expérience ». Or, c’est
précisément le caractère non téléologique
introduit par l’impressionnisme d’un Satie
ou d’un Debussy – quoique déjà présent
partiellement dans l’écriture fragmentaire
du « cristal » schubertien par opposition au Exemple 2 : chiffrage et analyse harmonique des deux
« végétal » beethovenien – qui fait de ce noyau premiers accords de la Gymnopédie No 1.
un véritable élément autonome, indépendant
du phrasé fonctionnel téléologique, et donc,
en quelque sorte, transposable. C’est-à-dire
que la répétition, le fragmentaire, la boucle,
en somme, l’individuation des éléments
au-delà de leur fonctionnalité permettent
de saisir un « noyau d’expérience » comme
celui de la septième majeure des accords de
septième majeure de la Gymnopédie. Chacun
est présent tout au long de la pièce. Ils sont
l’axe principal de la progression harmonique 14 Il faut rappeler que Satie fut l’un des premiers à
et fonctionne, selon notre propre termino- écrire des partitions sans barres de mesure, comme
l’attestent des pièces telles que les Trois Sonneries de
logie, comme un riff. Cette autonomie de la Rose+Croix (1892), les Danses gothiques (1893), ou
106 sons cultivée par la musique impressionniste encore la célèbre Vexations (1893)
un basculement particulier des musiques

D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins


Noyau d’expérience populaires de l’époque. Sur le plan formel,
« 1979 » des Smashing Pumpkins est composé
de la septième d’un Mi bémol majeur sept, suivi d’un La bémol
majeur sept, les deux sont répétés en ostinato
majeure pour construire le riff et, par conséquent,
l’architecture sonore du morceau. Un tel
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
La septième majeure représente la note dispositif de deux accords en boucle s’appa-
sensible au sein de la gamme majeure. Sensible, rente à ce que Philip Tagg nomme des chord
elle l’est par sa résolution et son attirance shuttles. Ceux-ci se définissent par trois traits
« naturelle » pour la tonique, toutes les deux principaux : premièrement, par le fait que
n’étant séparées que d’un demi-ton, distance chaque accord peut être entendu en position
la plus infime du système musical tempéré. fondamentale ; deuxièmement, la durée des
Voilà ce qui constituerait en grande partie accords est proportionnelle entre eux 16 et,
le « noyau d’expérience » de cet intervalle : en dernier lieu, le dispositif du chord shuttle se
une sensibilité exprimée dans sa fragilité manifeste en tant que mouvement de « va-et-
tonale ; dans sa capacité à diluer la binarité vient » – to-and-fro movement – entre les
des harmonies majeures et mineures 15 , telle deux accords. Une conséquence de ces traits,
la brume « aqueuse » des toiles de Monet. écrit Tagg, est qu’« il n’y a plus de hiérarchie
Chez Satie, cette fragilité tonale témoigne tonale entre les deux accords d’un shuttle »
18
matériellement d’un moment de la moder- (2018 : 369 17).
2 nité à la fin du xix e siècle – crépuscule des Après une très courte introduction
certitudes de la philosophie positiviste –, d’une boîte-à-rythme samplée, apparaît à la
celui de la dissolution d’anciennes structures guitare une rythmique répétitive de croches
intellectuelles, y compris celle de la syntaxe constantes, dont les notes principales des-
tonale (Spampinato, 2011 : 94). sinent le « squelette » de ce riff. Ceci est peut-
Un motif semblable apparaît à de nom- être plus clairement visible si l’on observe les
breuses reprises, dans des tonalités diffé-
rentes et dans des styles musicaux apparem-
ment éloignés. Toutefois, son occurrence 16 Chose qui arrive dans les deux morceaux en
est selon nous significative dans l’un des question. Une mesure par accord en ce qui concerne
la Gymnopédie Nº1; deux mesures de 4/4 par accord
riffs les plus emblématiques du rock des dans 1979.
années 1990, et sa résonnance avec la fragi-
lité de l’œuvre de Satie nous semble révéler 17 Citation originelle: « The most reliable signs of a
complete two-chord shuttle are: [1] each chord can
be heard in root position for part of its duration; [2] a
similar amount of time is spent on each chord as long
as the shuttle is in operation; [3] it occurs as to-and-
15 Dans un accord de septième majeure (Maj7) se

Article
fro movement at least twice in immediate succession
trouvent imbriquées une triade majeure et mineure. and does not exceed the limits of the extended
L’on trouve une triade majeure depuis la racine present. One consequence of these three traits is
jusqu’à la quinte et une triade mineure depuis la that, like two equally heavy children each at opposite
tierce jusqu’à la septième. Ce serait, à partir de Do, ends of a seesaw, there need be no specific tonal
un Do majeur (do, mi, sol) et un Mi mineur (mi, sol, si). hierarchy between the two chords of a shuttle.» 107
Héctor Cavallaro & Michaël Spanu
notes jouées par la guitare (indépendamment La bémol majeur sept suivi d’un Mi bémol
de leur dimension rythmique). majeur sept, soit, IVMaj7 et IMaj7, comme
dans la Gymnopédie No 1. La dislocation du
rythme harmonique effectuée par la voix
de Billy Corgan renforce ainsi la filiation
de cette musique avec celle écrite par Satie
en 1888. Dans tous les cas, le type de chord
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
Exemple 3 : illustration harmonico-mélodique des shuttle I/IV et IV/I représente pour Tagg
premières mesures de 1979.
un même type de configuration, privilégiant
la sonorité majeure et/ou majeure plagale ;
Suite à l’installation en boucle du riff configuration extrêmement commune dans
à la guitare, se joint à elle la voix de Billy les musiques pop et rock (ibid : 373-374).
Corgan. Mélodiquement, la voix s’assure
d’effleurer la racine 18 de l’accord de La bémol
en descendant jusqu’à sa quinte, mib, pour
ensuite insister sur le sol qui sert de septième
majeure pour le premier accord et anticipe
la tierce majeure de l’accord suivant, comme
pour compléter l’accord joué à la guitare (sur
lequel il n’y a pas de tierce). Exemple 5 : chiffrage et analyse harmonique du riff
de 1979.

Avec seulement un demi-ton de diffé-


rence et un ordre inversé des deux accords,
« Gymnopédie No 1 » et « 1979 » partagent
tous les deux un air de joie vulnérable et
d’introspection délicate ; donc deux types
de fragilité particulière. Nous pouvons
Exemple 4 : illustration en bloc des deux accords com- attribuer cela à la présence constante de
posant le riff de 1979 et apparition de la ligne vocale.
la septième majeure – point de sensibilité
privilégié dans la grammaire tonale – en
Alors que le riff commence sur l’ac- tant que « noyau d’expérience ». En outre,
cord de Mi bémol, la voix de Corgan entre sur ce phénomène est accentué par l’usage spé-
l’accord de La bémol, ce qui donne l’impres- cifique des instruments qui est fait chez
sion de déplacer le rythme harmonique : en les Smashing Pumpkins, notamment de la
se fiant à la voix, nous écoutons désormais guitare qui joue le riff, tournant en boucle
autour des septièmes majeures : moins satu-
rée, plus réverbérée que dans le reste de
18 Impossible de discerner s’il chante exactement l’œuvre du groupe, donc plus proche d’un
un sol, un lab, quelque chose de microtonal entre
le deux ou si cela varie tout simplement selon son « impressionniste ».
108 l’interprétation.
Le contexte de Satie est encore profon- à ses similarités avec la musique de Satie.

D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins


dément marqué par le déclin de la syntaxe En ce sens, il prolonge l’éloignement histo-
tonale dans la musique écrite et par l’appa- rique d’une certaine frange du rock vis-à-vis
rition de nouveaux langages redéfinissant des sonorités blues et R’n’B (Frere-Jones,
les codes de la tonalité. Cela se passe d’une op.cit.). L’usage même du riff (en tant que
part subtilement, comme dans le cas de la cadre structurel) demeure, de fait, l’une
musique impressionniste, et plus violemment des rares traces de filiation sonique entre
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
d’autre part, dans le cas de l’atonalité libre l’œuvre des Smashing Pumpkins et les genres
de Schönberg d’abord, puis du dodécapho- musicaux afro-américains. Ce phénomène
nisme de la Seconde École Viennoise. Pour le est symptomatique de ce qui a été concep-
contexte pop des everyday tonalities dans lequel tualisé comme l’avènement, dans le rock,
s’inscrivent les Smashing Pumpkins, ce n’est d’une forme ambivalente de masculinité,
plus tout à fait le cas. La tonalité, en tant que blanche et introvertie (Bannister, 2017 ;
système rigide confectionné avec des règles Bannister, 2006 20). Elle est manifeste dans
précises de Bach à Wagner, est déjà « morte » la l’appellation indie qui désigne des groupes
en un sens 19 . Si, comme nous l’avons dit, la principalement masculins, souvent centrés
fragilité évoquée dans le « noyau d’expérience » sur l’usage de la guitare, qui « exaltent [des]
de la Gymnopédie No 1 peut être expliquée par émotions douloureuses avec une affection
une « fragilité tonale » liée à la dissolution d’un romantique » (Pirenne, 2011 : 465), et dont
type de syntaxe musicale, alors « 1979 », pour sa le rapport à la performance live est valorisé
18
part, semble évoquer un autre type de fragilité. de manière beaucoup moins démonstrative
2 et corporelle que dans le rock dit tradition-
nel 21. La musique indie s’inscrit, de fait, dans
De la Belle Époque une culture masculine plus large (Cohen,
1997), dérivée du rock’n’roll, du punk et des
au rock alternatif, courants post-punk (Pirenne, op. cit. : 466),
où l’on révère les anti-stars (Hibbett, 2005),
le son d’une
masculinité fragile 20 La masculinité hégémonique est ici comprise
comme une « configuration de pratiques », dont la
dimension « normative » (et non normale au sens
Comme nous l’avons montré précédem- statistique) renvoie à une « ascendance acquise par
ment, le riff principal de « 1979 » peut être le biais de la culture […] dans des environnements
qualifié « d’impressionniste », en référence sociaux spécifiques » (Connell et Messerschmidt,
2015 : 155-164). Dans notre cas, il s’agit de l’industrie
musicale populaire étatsunienne des années 1990.

21 Nous pouvons considérer ici que le rock dit

Article
19 Ici il ne s’agit pas de savoir si c’est Schönberg qui traditionnel va du rock’n’roll de Chuck Berry au
l’a tuée ou non, mais de constater que les querelles « cock rock » de Led Zeppelin (Frith & McRobbie,
autour de la mort d’un tel système, telles qu’elles 1978) et s’achève avec l’arrivée du punk. Smashing
existaient à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, Pumpkins entretient un rapport ambivalent avec ces
n’ont plus lieu d’être dans le contexte du rock des courants du rock, ambivalence qui se reflète dans ses
années 1990. performances live. 109
Héctor Cavallaro & Michaël Spanu
les hommes fragiles qui « débordent » de de 27 chansons qui oscillent entre ballades
la culture virile, telles des protubérances et effusions de guitares saturées.
capables d’intégrer, non sans contradic- Billy Corgan, leader du groupe, est un
tion ou controverse, la culture mainstream, enfant du heavy metal 24 , virtuose de la gui-
comme en atteste, entre autres, le succès des tare 25 doté d’un physique d’athlète 26 (donc
Smashing Pumpkins. Le riff « impression- porteur d’une certaine masculinité virile),
niste » de « 1979 » constitue selon nous un mais il projette dans sa musique et ses paroles
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
élément « aural » décisif dans cette reconfi- une personnalité fragile et torturée 27, en
guration des performances genrées au sein conformité avec l’ambiguïté de la masculi-
des musiques populaires, conjointement à nité indie décrite par Bannister et la fragilité
d’autres éléments visuels, instrumentaux ou harmonique du riff de « 1979 ». Les paroles de
techniques (Biddle et Jarman-Ivens, 2007 22). « 1979 » évoquent, avec tendresse, le fardeau
Pour étayer cette lecture particu- de la liberté des adolescents états-uniens, le
lière du riff de « 1979 », nous proposons de déni des responsabilités futures, mais aussi
la mettre en relation avec d’autres éléments l’ennui de la vie de banlieue. Dans le clip bien
contextuels. L’album dont est issue « 1979 » connu qui l’accompagne 28 , nous suivons un
sort en 1995, un an après le suicide de Kurt groupe de gamins qui subissent les frasques
Cobain, idole absolue du rock étatsunien des de l’adolescence blanche nord-américaine,
années 1990. Des paroles comme « I wish I entre parkings et supérettes. Au croise-
could eat your cancer when you turn black 23 » ment de la fiction, du documentaire et d’une
résonnent encore sur MTV, chaîne télévisée esthétique expérimentale (St Laurent, 2009),
privilégiée pour la diffusion du rock étatsu- ce récit juvénile sert de bande-image au riff
nien. Il s’agit donc d’une période marquée
par la figure du banlieusard blanc torturé
intérieurement, un moment d’expression 24 Voir son interview dans Rolling Stone (novembre
mélancolique presque indépassable au sein 1994) où il mentionne son goût précoce pour Black
Sabbath.
de l’esthétique rock et de la culture jeune
nord-américaine des années 1990. Le double 25 Certains de ses soli de guitares sont
régulièrement mentionnés dans les classements des
album Mellon Collie and the Infinite Sadness, plus grands soli du rock. Voir par exemple : « The
sur lequel paraît « 1979 », revendique plei- 25 Coolest Guitar Solos », Rolling Stone, août 2006.
nement et de manière très littérale (dans le
26 Il deviendra plus tard lutteur professionnel.
titre) son appartenance à ce moment, tout
en ayant recours à davantage de grandi- 27 Il décrira plus tard les agressions physiques et
loquence que Nirvana, à travers un ensemble émotionnelles subies durant sa jeunesse dans son
journal intime numérique. Voir « The Confessions
of Billy Corgan : Following the Moon », Billy Corgan
Live Journal, 1er juillet 2005. URL : https://billycorgan.
livejournal.com/2005/07/01/
22 Nous insistons sur le terme « reconfiguration »,
car il ne s’agit en aucun cas d’attribuer à certains 28 Bassett Jordan, « Smashing Pumpkins’ “1979”
musèmes des caractéristiques genrées immuables. is still the greatest music video of all time », NME,
15 mai 2018. URL : https://www.nme.com/blogs/nme-
23 Issues de la chanson « Heart-Shaped Box » de blogs/smashing-pumpkins-1979-is-still-the-greatest-
110 Nirvana. music-video-of-all-time-2315179
principal en septièmes majeures, accentuant indie (Pirenne, 2011 : 466). Pourtant, Billy

D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins


sa dimension sensible et nostalgique. Nous Corgan est connu pour superposer des pistes
retrouvons là un trait de la culture indie, de guitare à l’infini lors des enregistrements
celui d’une quête d’un passé fantasmé, voire studio 30 , entrant en contradiction avec le
d’un idéal perdu, qui se manifeste par la régime de valeurs indie. Il s’inspire pour cela
prolifération de références à l’innocence, à de Queen, d’une certaine théâtralité rock,
la candeur naturelle. souvent perçue comme ringarde à l’époque
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
Le rythme de « 1979 », quant à lui, (Pirenne, op. cit. : 479). Malgré tout, la pro-
s’il est toujours maintenu par une batte- duction du son de « 1979 » conserve une forme
rie comme dans le rock dit traditionnel, d’intimité, avec ses réverbérations qui diluent
ne semble guère vouloir animer les corps. les notes de guitare et renforce le caractère
La batterie est statique, binaire et répéti- impressionniste de son riff principal. C’est
tive. Sa droiture semble s’adresser à des sans doute ce caractère intimiste et impres-
corps maladroits. Nous retrouvons là une sionniste qui permet à Corgan d’affirmer qu’à
des dimension saillantes de la culture indie, l’écoute de « 1979 », « on entend littéralement
à savoir qu’elle exprime une subjectivité la fin du rock et le début de quelque chose
masculine blanche qui cherche à se distin- de nouveau 31 ». Nous pouvons évidemment
guer d’une forme exubérante de virilité, relativiser la dimension nouvelle de ce son,
mais rejette ou évite, d’un autre côté, tout mais la singularité du riff de « 1979 » – sculpté
ce qui pourrait passer pour des pratiques délicatement à partir de la vulnérabilité des
18
trop féminines ou afro-américaines, comme accords de septième majeure – illustre selon
2 la danse (Bannister, 2006a : 10 ; McClary & nous une évolution majeure de l’expression
Walser, 1994). Cette subjectivité s’exprime masculine au sein des musiques populaires :
par la retenue corporelle, par un ascétisme celle du garçon fragile érigé en icône pop.
rêveur qui contribue à une reconfiguration Cette masculinité indie, en faisant
de l’hégémonie masculine et que l’on retrouve mine de rejeter la masculinité hégémonique
dans de nombreux sous-genres, du shoegaze et virile, notamment dans l’articulation
au post-rock 29 . harmonique que nous avons établie à pro-
Enfin, dans la culture indie, l’innova- pos du riff impressionniste, constitue une
tion technologique est généralement perçue forme de masculinité « complice » (Connell,
avec méfiance, ambivalence, et n’a lieu qu’en 2005). Elle se distingue des masculinités
regardant le passé : réverbes scintillantes marginalisées qui renvoient quant à elles
des sixties, guitares vintages, amplificateurs
à lampe. Tout le reste n’est que fioriture,
superflu, voire tromperie, et ne pénètre 30 Reyes Matthew, « Smashing Pumpkins’ ‘Mellon
qu’avec parcimonie le noyau d’expérience Collie’ was Alt-Rock’s Swan Song », Medium,
3 octobre 2016. URL : https://medium.com/cuepoint/

Article
smashing-pumpkins-mellon-collie-was-alt-rock-s-
swan-song-7f6c52f10132
29 Genres dans lesquels les riffs comportant des
accords majeurs sept pleuvent parfois à n’en plus 31 « You’ve literally [heard] the end of the rock thing,
finir, et dont la fragilité tonale peine à masquer and the beginning of the new thing », dans Marks
l’omniprésence masculine. Craig, « Zero Worship », Spin, juin 1996. 111
Héctor Cavallaro & Michaël Spanu
plutôt au croisement de rapports de classe
et de race. Le statut emblématique du riff Conclusion
impressionniste de « 1979 » participe alors
d’une reconfiguration de l’hégémonie plutôt Si le riff peut être considéré comme
que d’une opposition à celle-ci, à l’instar le fils bâtard de la musique homophonique,
d’autres « crises de la masculinité » que l’on dans la mesure où un accompagnement har-
observe dans des sous-genres du punk et monique sert souvent de base à une mélodie
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
du rock, notamment le courant dit « emo » principale (tout en étant capable d’introduire
(De Boise, 2014 ; Ryalls, 2013). En effet, de une dimension polyphonique comme nous
telles crises ou reconfigurations occultent l’avons mentionné), il révèle également des
généralement des pratiques hétéronorma- filiations musicales inattendues. Avec sa
tives voire patriarcales, incarnées par une dynamique de resignification constante des
domination matérielle des hommes dans formes, le riff se place aux côtés d’autres
l’industrie musicale des années 1990 (pour notions majeures qui permettent d’appréhen-
le cas qui nous intéresse), mais aussi dans der la dimension protéiforme des musiques
de nombreuses scènes dites alternatives de populaires, telles que la reprise et le remix
la même époque (Cohen, 1997). Le riff de (Saladin, 2010). Ces notions entretiennent un
« 1979 » participe de l’ambivalence même
rapport de transversalité, voire d’universalité
du terme indie, puisque ce dernier désigne
avec la musique, dans le sens où elles créent
tour à tour une catégorie esthétique à contre-
des catégories hybrides et mitoyennes que
courant de certains canons pop, et une forme
l’on peut utiliser, configurer et articuler dans
d’indépendance structurelle de la production
le monde réel.
musicale (Hesmondhalgh, 1999). Dans le cas
Tout au long de cette étude de cas,
de « 1979 », c’est avant tout la première de ces
nous avons pu voir comment la force maté-
deux caractéristiques qui est à l’œuvre, l’al-
bum dont est issue la chanson ayant été pro- rielle d’un riff – ses composantes, ses inter-
duit par la maison de disque Virgin Records. valles – permet d’effectuer des croisements,
Ainsi, en restant dans le giron de l’industrie des dialogues entre différents contextes
mainstream, le riff impressionniste de « 1979 » sociohistoriques, pour donner du sens aux
renforce indirectement le biais masculin évolutions musicales. Dans notre cas, cela
qui existe dans le milieu indie rock, dans ses permet non seulement d’éclairer la musique
discours et son imaginaire (Leonard, 2007), des Smashing Pumpkins grâce à Satie, mais
en créant une sorte d’illusion de « nouvelle » aussi de réactualiser l’analyse de Satie en
masculinité 32 . la passant par le prisme du riff. Plus pré-
cisément, nous avons montré comment la
musique de Satie témoigne d’une fragilité qui
annonce la dissolution tonale des musiques
32 Ce faisant, nous pouvons supposer qu’il contribue savantes occidentales du xx e siècle ; tandis
à la marginalisation d’autres catégories sociales, que le riff « impressionniste » des Smashing
notamment les femmes, qui avaient acquis une forme
partielle d’autonomie dans ce même milieu indie Pumpkins transpire une masculinité certes
112 (Kruse, 1999 ; Leonard, op. cit.). renouvelée, fragile et nostalgique, mais
complice de l’hégémonie qui œuvre dans la mais que leur rapport à l’histoire peut être

D’Erik Satie aux Smashing Pumpkins


culture rock. déconstruit de manière dialectique afin de
Ainsi, nous considérons qu’une accep- les rendre valides pour analyser des phéno-
tion élargie des catégories formelles que nous mènes musicaux éloignés. En dernier lieu,
utilisons pour décrire la musique permet, puisqu’il repose sur le rapport universel
dans certaines conditions, de construire une qu’entretiennent diverses communautés
liaison qui, loin de neutraliser les conflits avec la matière – sonore, dans notre cas –,
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
propres à la différence de contexte où s’en- le riff n’est pas sans rappeler ces découvertes
gendrent les discours musicaux, ouvre de nou- archéologiques presque identiques chez deux
velles portes pour l’exploration symbolique populations éloignées dans le temps et dans
de la musique. Cela ne veut pas dire que les l’espace, toutes deux taillant, sans jamais
catégories formelles transcendent l’histoire avoir été en contact, des canoës similaires
et les forces sociales qui nous entourent, pour naviguer sur des rivières différentes.

Bibliographie Boy ! Masculinities and Popular De Boise Sam (2014), « Cheer Up


Music, Londres, Routledge, p. 1-20. Emo Kid : Rethinking the “Crisis
Adorno Theodor (2003), « Schubert of Masculinity” in Emo », Popular
(1928) » in Moments Musicaux, Boucourechliev André (1995), Dire Music, vol. 33, no 2, p. 225-242.
Genève, Contrechamps. la musique, Paris, Minerve.
Faris Marc (2004), « That Chicago
— (1979), Philosophie de la nouvelle Burnham Scott (2005), « Landscape Sound : Playing with (Local) Identity
18 musique, Paris, Gallimard. as Music, Landscape as Truth : in Underground Rock », Popular
Schubert and the Burden of Music & Society, vol. 27, no 4, p. 429-
2 — (2011), Théorie esthétique, Paris, Repetition », 19th Century Music, 454.
Klincksieck. vol. 29, no 1, p. 31-41.
Frere-Jones Sasha (2007), « A Paler
Bannister Matthew (2006a), Cavallaro Héctor (2020), « Un Shade of White : How Indie Rock
« ‘Loaded’ : Indie Guitar Rock, dispositif “liquide” : manières de Lost its Soul », The New Yorker.
Canonism, White Masculinities », diluer la téléologie chez Debussy »,
Popular Music, vol. 25, n°1, p. 77-95. in Jean-Paul Olive & Álvaro Oviedo Frith Simon et McRobbie Angela
(eds.), Manières d’être du musical, (1978), « Rock and Sexuality »,
— (2006b), White boys, White Noise : Paris l’Harmattan, p. 297-321. Screen Education, vol. 29, p. 3-19.
Masculinities and 1980s Indie Guitar
Rock, Aldershot, Ashgate. Cohen Sara (1997), « Men making Gayraud Agnès (2018), Dialectique
a scene », in Whiteley Sheila (ed.), de la pop, Paris, La Découverte/
— (2007), « Adorno is a Punk Sexing the Groove. Popular music Cité de la musique-Philharmonie de
Rocker - Negation and 80s and gender, New York, Routledge, Paris.
Alternative Rock Music », in Sounds p. 17-36.
and Selves : Selected Proceedings Hesmondhalgh David (1999),
from the 2005 IASPM Australia/New Connell Robert W. & Messerschmidt « Indie : the Institutional Politics
Zealand Conference. International James W. (2015), « Faut-il repenser and Aesthetics of a Popular Music
Association for the Study of Popular le concept de masculinité Genre », Cultural Studies, vol. 13,
Music, Sydney, New South Wales, hégémonique ? », Terrains travaux, no 1, p. 34-61.
Australia, p. 82-90. vol. 2, p. 151-192.

Article
Hibbett Ryan (2005), « What Is Indie
Biddle Ian & Jarman-Ivens Freya Connell Robert. W. (2005), Rock ? », Popular Music and Society,
(2007), « Introduction : Oh, Boy ! Masculinities, Polity, deuxième vol. 28, no 1, p. 55-77.
Masculinities and Popular Music », édition.
in Jarman-Ivens Freya (ed.), Oh,
113
Héctor Cavallaro & Michaël Spanu Kruse Holly (1999), « Indie Pop Nyman Michael (1974), Experimental réception et évocation picturales »,
Music in Champaign-Urbana », in Music : Cage and Beyond, Cahiers Debussy, no 35.
Koskoff (ed.), Garland Encyclopedia Cambridge, Cambridge University
of World Music, Vol. 3 : The United Press. St-Laurent Simon (2009), « Les
States and Canada, New York, particularités narratives et
Garland Press. Olive Jean-Paul (2008), Un son esthétiques des différents genres
désenchanté, Paris, Klincksieck. de vidéoclips », Mémoire, Montréal
Leonard Marion (2007), Gender (Québec, Canada), Université du
in the Music Industry : Rock, Pirenne Christophe (2011), Une Québec à Montréal, Maîtrise en
© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)

© Éditions Mélanie Seteun | Téléchargé le 12/10/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IP: 109.70.16.237)
Discourse and Girl Power, Londres, histoire musicale du rock, Paris, communication.
Routledge. Fayard.
Tagg Philip (2008), « Lettre ouverte
Levaux Christophe (2020), We Rey Anne (1995), Satie, Paris, Seuil. sur les musiques “noires”, “afro-
Have Always Been Minimalist. américaines” et “européennes” »,
The Construction and Triumph Ryalls Emily (2013), « Emo Angst, Volume ! La revue des musiques
of a Musical Style, Berkeley, The Masochism, and Masculinity in populaires, vol. 6, no 1-2, p. 135-161.
University of California Press. Crisis », Text and Performance
Quarterly, vol. 33, no 2, p. 83-97. — (2004), « Musical Meanings,
Levison Brian & Farrer Frances Classical and Popular », in Nattiez
(2010), Musique classique : 500 ans Saladin Matthieu (2010), « Play it Jean-Jacques (ed.), Enciclopedia
de concerts, artistes incroyables, again, Sam », Volume ! La revue des della musica, Rome, Giulio Einaudi,
compositeurs hors norme, chefs musiques populaires, vol. 7, no 1, p. 1-22.
d’orchestres déjantés, et autres p. 7-18.
bizarreries..., Le Rheu, LME. — (2014), Everyday Tonality II :
Satie Erik (2010), Mémoires d’un Towards a Tonal Theory of What
McClary S. & Walser, R. (1994), amnésique, Paris, Ombres. Most People Hear, New York, Mass
« Theorizing the Body in African- Media Music Scholars’ Press.
American Music », Black Music Schuller Gunther (1976), The History
Research Journal, p. 75-84. of Jazz. 1 : Early Jazz : its Roots and Tagg Philip & Clarida Bob (2003),
Musical Development, New York, Ten Little Title Tunes : Towards
Middleton Richard (1990), Studying Oxford University Press. a Musicology of the Mass Media,
Popular Music, Philadelphia, Open New York, Mass Media Music
University Press. Seeger Charles (1960), « On the Scholars’ Press.
Moods of a Music-Logic », Journal
— (2003), « Repetition », in of the American Musicological Washburne Chris & Fabbri Franco
Shepherd John et Horn David (eds.), Society, vol. 13, no 1/3, p. 224-261. (2003), « Riff », in Shepherd John &
Continuum Encyclopedia of Popular Horn David (eds.), Continuum
Music of the World, Londres, Spampinato Francesco (2011), Encyclopedia of Popular Music of
New York, Continuum. « Transparences et ombres dans the World, Londres & New York,
Reflets dans l’eau. Métaphores de la Continuum.

114

Vous aimerez peut-être aussi