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Elasticité du Génome

Bactérien

Travaux Dirigés
TD 2 : Les Mécanismes de Résistance aux
Antibiotiques
Introduction

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, de nombreuses


molécules antibactériennes aux modes d’action variés sont utilisées en
thérapie. Pourtant, quelques années après la commercialisation des
premières molécules antibiotiques, les premières résistances
bactériennes ont été rapportées. En 1945, Alexander Flemming mettait
déjà en garde la communauté scientifique contre les conséquences
qu’aurait une utilisation inappropriée de la pénicilline. Aujourd’hui, le
long historique de l’utilisation abusive des antibiotiques a mené à
l’émergence de bactéries multirésistantes, voire totorésistantes, aux
antibiotiques, constituant, ainsi, un problème majeur de santé publique.
1- Définitions

• Une souche bactérienne est dite résistante lorsqu’elle peut se développer en


présence d’une concentration d’antibiotique qui permet habituellement
l’inhibition des souches apparentées.

• Ces dernières décennies ont été marquées par l’émergence de souches


bactériennes capables de résister à plusieurs antibiotiques à la fois. On parle
de bactéries multirésistantes lorsque celles-ci sont simultanément
insensibles à, au moins, trois antibiotiques.
2- Origine de la résistance

• 2-1- Résistance naturelle ou intrinsèque

Une résistance intrinsèque se définit comme une caractéristique fonctionnelle ou


structurelle conférant une insensibilité à tous les membres d’un groupe de bactéries vis-à
vis d’une molécule particulière ou vis à-vis d’une classe d’antimicrobiens. Ce type de
résistance concerne donc toutes les souches d’une même espèce et est stable et
transmissible à la descendance.
• 2-2- Résistance acquise
Au contraire, une résistance acquise touche quelques souches bactériennes d’une espèce ou d’un genre
donnés. Elle est secondaire à l’acquisition de gènes conférant à la bactérie sa capacité à résister à une ou
plusieurs molécules et est responsable de l’émergence et de la diffusion des résistances au sein des
populations bactériennes.

D’un point de vue génétique, il existe deux mécanismes majeurs par lesquels une bactérie peut acquérir
des gènes de résistance :

• La résistance acquise chromosomique :


Elle est le résultat d’une mutation spontanée, conséquence d’une altération de l’ADN ou d’une erreur
durant la réplication. Elle se produit naturellement et confère de nouvelles propriétés à la bactérie.

• La résistance acquise extra-chromosomique :


Les gènes de résistance aux antibiotiques sont fréquemment portés par des segments d’ADN extra-
chromosomiques transférables entre les bactéries de la même espèce ou d’espèces phylogénétiquement
éloignées. Ces structures ou éléments génétiques mobiles sont des plasmides, des transposons, des
intégrons et des gènes cassettes.
3- Phénomènes de sélection des mutants résistants

• L’utilisation abusive des antibiotiques a engendré l’émergence de souches résistantes à de


nombreux antibiotiques. Pourtant, il convient de préciser que les antibiotiques ne sont
pas des agents mutagènes et qu’ils ne sont pas responsables de l’acquisition de gènes de
résistance par les bactéries. Cependant, ils agissent en créant une pression de sélection
sur les communautés bactériennes.

• En effet, les mutations et les transferts génétiques permettant la résistance se font de


manière aléatoire. Le fait d’ajouter l’antibiotique sélectionne les bactéries mutantes et
élimine les non mutantes. Les gènes de résistance, une fois acquis, peuvent se
transmettre verticalement (à la population fille issue de la bactérie mutante) ou
horizontalement (à des bactéries de même espèce ou d’espèces différentes).
Phénomène de sélection
4- Mécanismes biochimiques de la résistance
4-1- Diminution de la perméabilité :
• Chez les bactéries Gram négatives, les antibiotiques hydrophiles pénètrent dans la bactérie via des
protéines transmembranaires appelées porines tandis que les molécules hydrophobes diffusent à travers la
couche phospholipidique de la membrane externe.

• Des mutations touchant les gènes codant pour les porines peuvent conduire à leur perte, à la réduction de
leur taille ou à une diminution de leur expression. Il en résulte une diminution de la perméabilité de la
membrane externe, empêchant la pénétration de l’antibiotique dans la cellule.

Diminution de la perméabilité de la membrane externe


4-2- Efflux actif :
Les bactéries peuvent résister aux antibiotiques par exportation active à l’aide des transporteurs membranaires appelés
pompes à efflux. Ce mécanisme (énergie dépendant) permet à la bactérie d’expulser, à l’extérieur, des métabolites et
des composés toxiques étrangers tels que les antibiotiques.
Selon leur spécificité, on distingue deux types de pompes à efflux :

 Les pompes SDR (Specific Drug Resistance) : Très spécifiques, elles confèrent une insensibilité à une seule classe de
molécules et leurs gènes sont souvent portés par des éléments génétiques mobiles.
 Les pompes MDR (Multiple Drug Resistance) : Non spécifiques, elles permettent le refoulement de plusieurs classes de
molécules. Les gènes responsables sont souvent chromosomiques.

• Remarque : Les systèmes d’efflux actifs peuvent également exporter des métaux lourds ou d’autres molécules
étrangères.

Efflux actif
4-3- Inactivation enzymatique :
• Ce mécanisme fait intervenir des enzymes capables de modifier le noyau actif de l’antibiotique par
clivage ou par ajout d’un groupement chimique.

• Les réactions catalysées par ces enzymes peuvent être de types hydrolyse, acétylation, phosphorylation,
nucléotidylation, estérifications, réductions ou addition d’un glutathion.

Inactivation enzymatique
• Exemple : Résistance aux β-lactamines par inactivation enzymatique (β-lactamases)
• Les β-lactamases sont des enzymes produites par les bactéries, capables d’inactiver les β-lactamines en hydrolysant leur
noyau β-lactame. Plusieurs classes de β-lactamases ont été décrites. Bien que très souvent codées par des gènes
plasmidiques, certaines ont pour support le chromosome (exemple : Klebsiella).

Pénicillinases des S.aureus Pénicillinases des Gram - Céphalosporinases B.L.S.E

Extracellulaire + - - -

Péri plasmique - + + +

Chromosomique - - + -

Plasmidique + + - +

Inductible + - + -

Constitutive - + + +

Inhibition par acide + + - +


clavulanique

L’émergence de souches Gram négatives productrices de BLSE (β-lactamases à spectre élargi) a conduit à l’utilisation de
l’imipénème (cf TD 1, appartenant à la sous classe des carbapénèmes) en dernier recours pour les infections à bactéries
Gram négatives multirésistantes.
Toutefois, depuis 2009, des résistances aux carbapénèmes, médiées par des métallo-β-lactamases sont rapportées. Ce
sont des enzymes codées par un gène plasmidique (NDM-1) touchant principalement les entérobactéries et les BGN
non fermentaires (Pseudomonas et Acinetobacter).
En 2009, une entérobactérie produisant une enzyme de type New Delhi métallo-bêta-
lactamase est identifiée pour la première fois chez un patient suédois ayant été
hospitalisé en Inde. En 2010, elle est retrouvée chez des patients résidant
au Royaume-Uni et dont certains ont effectué précédemment du tourisme
médical pour de la chirurgie esthétique en Inde ou au Pakistan.

Par la suite, six souches multirésistantes d’Acinetobacter baumannii NDM-1 originaires


d'Afrique du Nord émergent en mai 2013 en France. Les auteurs
concluent : « L'identification de plusieurs isolats d'A. baumannii qui possèdent le gène
bla NDM-1 originaires d'Afrique du nord, sans lien évident avec le sous-continent
indien, suggère fortement que le clone A. baumannii NDM-1 producteur est
probablement répandu en Afrique du Nord et qu'il pourrait jouer un rôle de réservoir
pour NDM-1. »
4-4- Modification de la cible :
• La reconnaissance de la cible est une étape clé dans l’activité d’un antibiotique. Si cette cible est
structurellement modifiée ou remplacée, le composé antibactérien ne peut plus exercer son activité. Ce
mécanisme de résistance peut être la conséquence de l’acquisition de matériel génétique mobile codant
pour une enzyme modifiant la cible de l’antibiotique (Figure A), ou peut résulter d’une mutation au niveau
de la séquence nucléotidique de la cible (Figure B).
• Exemples : -Modification des PLP (Résistance aux β-lactamines)
-Mutations des gènes gyrA et gyrB modifiant l’ADN gyrase (résistance aux quinolones)
-Méthylation d’une adénine au niveau de l’ARN ribosomal 23S (résistance au groupe MLS)

(A): Modification enzymatique de la cible (B): Remplacement de la cible


4-5- Surexpression de la cible ou piégeage :
• Les bactéries sont capables de piéger un antibiotique en augmentant la production de sa cible.

• Il en résulte une diminution de l’antibiotique à l’état libre au niveau de la cible.

Surexpression de la cible de l’antibiotique


4-6- Séquestration ou protection :
• Les bactéries sont capables de produire des protéines de protection de la cible des antibiotiques.
En se fixant à la cible, ces protéines empêchent la fixation de l’antibiotique par encombrement
stérique.

• Exemple : Protéines qnr (quinolone resistance) qui se fixent aux topoisomérases et réduisent
l’affinité des antibiotiques pour leur cible.

Protection de la cible
4-7- Voies métaboliques de secours :

• Il peut exister une certaine redondance des voies métaboliques chez la bactérie. Ainsi,
si l’antibiotique bloque une voie il y aura une autre isoforme de l’enzyme inhibée pour
assurer une voie alternative.

• Exemple : La synthèse directe de la thymine à partir de la thymidine (voie alternative


du métabolisme des bases azotées, inhibée par les diaminopyrimidines et les
sulfamides)
Schéma récapitulatif des mécanismes biochimiques de la résistance aux antibiotiques

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