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Université Blida 1

Institut des Sciences Vétérinaires


Microbiologie Générale (2e année) 2020/2021
Dr AKLOUL K.

CHAPITRE 7 La résistance aux antibiotiques (Antibiorésistance)

Qu’est-ce qu’un antibiotique ?


Les antibiotiques sont des médicaments ayant la capacité de tuer les bactéries et d’empêcher
leur multiplication. Ils sont utilisés dans les traitements des infections dues aux bactéries
pathogènes. Ils sont donc sans effet contre les infections parasitaires et virales ni sur les
mycoses.

Les antibiotiques peuvent être d’origine synthétique, semi-synthétique, ou naturelle, produits


par des bactéries ou des champignons.

En 1945, c’est-à dire 16 ans après la découverte de la Pénicilline (découvert par Flemming en 1929),
l’antibiothérapie a véritablement débuter dans le traitement de maladies infectieux.
En 1941, la pénicilline a été utilisée pour la 1ère fois pour Staphylocoque. L’euphorie de cette année
est bien vite tempéré, Flemming prévoit déjà la résistance des bactéries à la pénicilline. Deux années
suffisent à confirmer ses craintes. Et donc c’est en 1947, qu’on repérait déjà les premières souches
de staphylocoques capables de dégrader la pénicilline.
Depuis le nombre de souches résistantes aux ATB n’a cessé d’augmenter à cause de l’introduction
successive de différents antibiotiques en thérapeutique.

a) Fonctionnement des Antibiotiques


Les antibiotiques s’attaquent à certaines parties de la bactérie mais ils ont différents moyens
d’action. Certains antibiotiques inhibent la formation des enveloppes protectrices (membrane
et paroi). Il y a aussi ceux qui bloquent les réactions chimiques permettant à la bactérie de se
former. Et d’autres empêchent la traduction de leurs gènes en protéines.

Action sur la paroi :


L’action des antibiotiques permet d’empêcher la synthèse du peptidoglycane et donc de la
paroi bactérienne. La famille des bêta-lactamine fonctionne selon ce mode d’action.

Action sur la membrane plasmique :


Cela entraine une perturbation de la perméabilité membranaire avec une augmentation
anormale, ce qui permet une diffusion de substances hydrosolubles à l’extérieur de la bactérie
qui se détruira. Les polymyxines fonctionnent selon ce mode d’action.

Action sur l’ADN :


Les antibiotiques peuvent se fixer sur l’ADN et donc empêcher la formation de l’ADN
polymérase. Cela entraine une inhibition de la réplication de l’ADN ce qui est indispensable à
la formation de nouvelles bactéries et à la transcription. Les fluoroquinolones agissent suivant
ce mode d’action.

Action par inhibition compétitive :


L’acide tétrahydrofolique est présent dans plusieurs voies métaboliques et est indispensable à
la synthèse des purines. Les sulfamides empêchent la synthèse de l’acide tétrahydrofolique,
entrainant un arrêt des voies métaboliques.
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Action sur la synthèse protéique :
L’antibiotique réagit avec la synthèse protéique de la bactérie en s’attaquant aux ribosomes.
Les aminosides et les macrolides s’attaquent aux ribosomes bactériens ce qui permet
d’empêcher la formation de nouvelles protéines.

b) Effet des antibiotiques


En laboratoire, on mesure l’activité d’un antibiotique sur une culture d’une souche
bactérienne à des concentrations croissantes de ce même antibiotique. Après observations, on
peut voir deux effets :

* L’effet bactériostatique de l’antibiotique c’est sa capacité à arrêter le développement de


plusieurs bactéries, on mesure cet effet par la concentration à laquelle l’antibiotique fait cesser
la croissance des bactéries.

* L’effet bactéricide de l’antibiotique c’est sa capacité d’exterminer les bactéries ; on le


mesure par la concentration à laquelle il tue 99,9% des bactéries en 6 heures.

c) Types de résistance
On peut parler d’une résistance d’une bactérie à un antibiotique lorsque celui-ci est inefficace
contre cette bactérie et que celle-ci peut continuer son développement.
Il existe deux types de résistances : la résistance naturelle et la résistance acquise.

c1) Résistance « naturelle »


La résistance naturelle est une caractéristique présente chez toutes les souches d'une espèce de
bactéries liée à son « fond » génétique. Ces bactéries sont naturellement insensibles à l'action
de l'antibiotique.
Exemple, les streptocoques sont résistants aux aminosides, les bactéries à Gram négatif aux
glycopeptides, les bactéries a Gram positif aux polymixines.

On trouvera généralement ce type de résistance chez les souches bactériennes sauvages, qui
n’ont jamais rencontré d’antibiotiques.

Pour un antibiotique donné, l’ensemble des espèces bactériennes qui y sont sensibles
représente son spectre d’activité.

c2) Résistance « acquise »


La résistance acquise est une caractéristique propre à une souche de bactéries appartenant à
une espèce habituellement sensible à l'antibiotique.
L’origine de cette résistance est la mutation dans les gènes de la bactérie, ce qui permet à cette
bactérie de résister partiellement ou totalement à l’antibiotique qui devait être efficace.
Ces facteurs de résistances acquise peuvent se transmettre entre bactéries, c’est pourquoi ce
phénomène pose énormément de problème.

Les antibiotiques ne provoquent pas les mutations directement mais les favorisent.

Les antibiotiques n’induisent pas la résistance mais, grâce à leur pression de sélection, ils
permettent l’émergence des souches résistantes qui, au sein d’un biotope, seront favorisées
par rapport aux souches sensibles.

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Ces processus de sélection et de transfert sont d’autant plus efficaces que l’antibiotique est
présent en concentration trop faible ou pendant un temps trop court. Les bactéries, même
faiblement résistantes, peuvent alors se multiplier plus aisément. C’est pourquoi les médecins
insistent pour que les prescriptions d’antibiotiques soient respectées à la lettre, c’est-à-dire à
la dose et pendant la durée indiquées sur l’ordonnance, même si les symptômes s’améliorent.

Il ne s’agit pas de dire que les bactéries se mettent à produire des adaptations leur permettant
de résister (dans le sens où les bactéries contrôleraient de façon consciente la façon dont elles
évoluent), mais simplement de dire que c’est parce qu’il y a utilisation massive
d’antibiotiques que les bactéries deviennent résistantes (celles qui ne le sont pas meurent et ne
reste plus dans la population que les bactéries résistantes).

c3) Bactéries multi-résistantes


Les bactéries sont multi-résistantes aux antibiotiques lorsque l’accumulation de résistance
acquise a plusieurs familles d’antibiotiques. Elles ne sont donc sensibles qu’à un petit nombre
d’antibiotique.

Les souches multirésistantes se sont multipliées. En 2014, 22 % des souches de


pneumocoques (Streptococcus pneumoniae) sont résistantes aux pénicillines et 24 % sont
résistantes aux macrolides. Escherichia coli ou Klebsiella pneumoniae, après avoir développé
une résistance à l'amoxicilline, sont devenues résistantes aux céphalosporines de troisième
génération. La situation est également préoccupante pour les infections à entérocoques dont
les souches multirésistantes provoquent des infections nosocomiales sévères, voire mortelles.

d) Modalités de résistance
L’acquisition d’une résistance passe par des modifications du patrimoine génétique des
bactéries. Ces changements peuvent être interne ou par incorporation externe.

Quatre grands mécanismes de résistance sont décrits :


1. imperméabilité
2. phénomènes d’efflux actif
3. modifications de la cible
4. sécrétion d’enzymes d’inactivation.

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Plusieurs de ces mécanismes peuvent co-exister dans une même souche.

d1. Imperméabilité
Modification de la perméabilité membranaire (altération des porines). Ce mécanisme est
spécifique des bactéries à Gram négatif.
Les bactéries à Gram négatif sont résistantes naturellement aux Macrolides et à la Pénicilline
M, car les molécules de ces antibiotiques sont trop encombrantes et ne peuvent pas passer à
travers les porines.

d2. Phénomènes d’efflux actif


Mise en place un système de pompe dites d’efflux pour expulser l’antibiotique de la bactérie.
Pseudomonas aeruginosa, dont les parois sont naturellement très peu perméables par les
antibiotiques, est capable de produire des pompes d’efflux, ce qui augmente d'autant plus sa
résistance aux antibiotiques.

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d3. Modifications de la cible
L’antibiotique agit sur une cible précise. Lors de ce type de résistance, la bactérie modifie
cette cible ou lui substitue une autre cible qui n’aura pas d’affinité avec l’antibiotique. Ainsi
l’antibiotique sera inefficace.
Ce type de résistance est employé par exemple par Staphylococcus aureus, les entérocoques,
S. pneumoniae et les Pseudomonas aeruginosa pour lutter contre les Bêtalactamines.
Certaines bactéries sont capables de modifier leurs ribosomes pour lutter contre les
antibiotiques de la famille des macrolides.

d4. Sécrétion d’enzymes d’inactivation


Production par la bactérie d’enzymes qui modifient l’antibiotique et l’inactivent.
C’est le cas par exemple pour la résistance aux Bêtalactamines de bactéries qui produisent de
la «Bêta-lactamase», une enzyme capable d’ouvrir le cycle bêta-lactame (structure de base de
la molécule des Bêtalactamines) entraînant l’inactivation de l’antibiotique.

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e) Acquisition de cette résistance
La résistance bactérienne peut être acquise de plusieurs manières.

Il y a d’abord l’acquisition chromosomique, elle peut être acquise par mutagenèse.


Cependant ce phénomène de mutation est un évenement rare. L’antibiobtique n’est pas l’agent
mutagène, il sélectionne seulement les mutants devenus résistants ce qui peut entrainer une
résistance a toute une famille d’antibiotiques.

Ensuite on peut aussi trouver l’acquisition plasmidique. Les bactéries ont la capacité de
transférer l’information génétique contenue dans leur plasmide, les bactéries ont la capacité de
transférer les éléments mobile de leur matériel génétique (génome). Ce qui arrive
fréquemment est que les bactéries concentrent plusieurs gènes de résistance dans leur
plasmide et l’échangent.

f) Résistance croisée
Résistance d'un microorganisme à un médicament, souvent un antibiotique, auquel il n'a pas
été exposé, résultant d'une résistance acquise envers un autre médicament.

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On parle de résistance croisée lorsqu'une bactérie est résistante à deux ou plusieurs
antibiotiques de la même famille ou du même sous-groupe par le même mécanisme de
résistance.
La conséquence majeure de la résistance croisée est la sélection croisée : n’importe quel
antibiotique de la classe peut sélectionner des bactéries résistantes à tous les autres membres.

g) Co-résistance
Dans la co-résistance, plusieurs mécanismes de résistance sont associés chez la même
bactérie, parfois stabilisés par intégration dans le chromosome. Chacun confère (par résistance
croisée) la résistance à une classe d’antibiotiques, ce qui entraîne in fine un large phénotype
résistant de la bactérie hôte. Là encore, la conséquence de cette organisation génétique est la
co-sélection.
Dans ce cas, une classe d’antibiotiques à laquelle la bactérie est résistante pourra sélectionner
la résistance à des classes d’antibiotiques non reliées. Ceci est par exemple le cas chez les
pneumocoques

h) Alternatives à l’antibiothérapie
Afin de contourner les problèmes posés par la résistance aux antibiotiques et la pénurie de
nouveaux médicaments, on recherche des manières radicalement différentes de traiter les
infections.

-La « phagothérapie » repose sur l’utilisation de bactériophages (des virus pouvant avoir été
génétiquement modifiés, ou non) ou d’enzymes de phages afin de détruire les bactéries.

A chaque type de bactériophage est alloué un type bien précis de bactérie à détruire. C'est la
raison pour laquelle, contrairement aux antibiotiques qui attaquent un spectre de bactéries
sans faire de distinction entre les bonnes et les mauvaises bactéries, le bactériophage (ou
phage) ne va détruire que la bactérie incriminée sans faire aucun autre dommage. C'est
pourquoi, il n'y a pas d'effets secondaires à cette thérapie.
Elle est aujourd'hui la seule solution connue pour soigner des bactéries multi résistantes.

-Les stratégies basées sur les « probiotiques » – mobilisation, augmentation ou


renouvellement de notre flore naturelle avec des bactéries bénéfiques afin de garder les
bactéries pathogènes sous contrôle – représentent également une solution envisageable.

-En infectiologie, certaines huiles essentielles sont capables de rivaliser avec


l’antibiothérapie, et même de la surpasser souvent. Ces huiles essentielles contiennent des
molécules suffisamment agressives comme les phénols, pour détruire en un tournemain des
populations entières de bactéries, de parasites ou de champignons.

-La plupart des bactéries utilisent un système de communication, le quorum sensing, qui leur
permettent d’adapter leur comportement en fonction de la taille de la population. Les bactéries
mutualisent ainsi leurs efforts de survie en synchronisant entre elles la régulation de gènes
impliqués notamment dans la virulence, la résistance aux antimicrobiens ou la formation du
biofilm. Des inhibiteurs chimiques, des anticorps ou encore des enzymes capables d’interférer
avec les autoinducteurs ont été développés et se sont montrés efficaces pour diminuer la
virulence des bactéries à la fois in vitro et in vivo. Cette stratégie, appelée quorum
quenching, a également montré des effets synergiques avec des traitements antibactériens
classiques. Il permettrait notamment d’augmenter la sensibilité des bactéries aux
antibiotiques.

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