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Leçon 2 Complément 2: Deux conceptions de la Vertu et deux physiques

entre les entre les Epicuriens et les Stoïciens

1. Epicurisme et Stoïcisme= le bonheur comme plaisir ou comme vertu: deux


eudémonismes irréconciliables
Tandis que le bonheur se définit par le plaisir chez Epicure, il se définit par la
vertu chez Epictète et les Stoïciens.
La vertu = l'action de bien se conduire en quoi consiste le développement d'une
puissance (= d'une aptitude) qui est également une excellence. Pour les Grecs, la
vertu (arétè) c'est l'excellence= le développement de qualités (aussi bien
physiques que morales) que chaque être porte en lui-même: tout être naturel
possède une vertu particulière, une excellence propre, qu'il réalise en
accomplissant sa nature propre.
La vertu du couteau c'est de couper, la vertu d'un médicament est de soigner,
c'est là leur excellence= en tant qu'ils sont conformes à ce qu'ils sont: la vertu
d'un couteau n'est pas de planter un clou avec par exemple. La vertu de l'homme
c'est d'accomplir sa nature propre et de vivre et d'agir humainement.
Les stoïciens précisent: l'excellence en l'homme c'est la raison, la vertu de
l'homme c'est de vivre selon sa nature rationnelle afin de se conformer à la
Nature, i.e. à ce que la Nature a voulu qu'il soit en le dotant de raison. Réaliser
sa nature propre c'est réaliser son devoir - bien interpréter son rôle (naturel1): si
la nature m'a fait rationnel je dois utiliser ma raison, et bien interpréter mon rôle
en utilisant ma raison. Cela afin d'accomplir mon devoir qui est pour tout vivant
l'appropriation. Mon devoir donc c'est de vivre en accord avec la Nature, au
sens (1) de réaliser ma nature propre et (2) c'en est la conséquence de vivre
en accord avec le destin, de l'accepter totalement. En agissant par devoir
l'homme agit conformément à sa nature rationnelle: il accomplit ainsi sa vertu
en réalisant sa nature rationnelle et réalise ainsi son bonheur. L'homme qui ne
vit pas en conformité avec la Nature est un insensé là où l'homme qui vit en
conformité avec la Nature est un sage. Entre les deux: ce qu'Epictète appelle le
"progressant" - celui qui progresse vers la sagesse.

Chaque être dispose d'une vertu spécifique= la vertu consiste pour tout être à
développer son excellence propre par le fait de vivre en conformité avec sa
nature propre. La nature de l'homme est une nature rationnelle= vivre en
conformité avec sa nature propre = vivre selon la raison, l'homme ne vit pas
d'emblée en conformité avec sa nature rationnelle= il ne trouve pas
1
Notre devoir est de bien interpréter notre rôle naturel (rationnel) et social (d'accepter notre place dans la société).
spontanément son bien à la différence de l'animal. Vivre selon la raison pour
l'homme= la vertu. L'homme qui raisonne est vertueux= il ne désire plus
comme des biens les indifférents= il s'est donc libéré des passions (plus de
contraintes dans son âme= liberté) qui naissent systématiquement du fait qu'il ne
désire pas spontanément comme il faut. L'homme vertueux (=le sage) désire
comme il faut= il ne désire plus ce qui ne dépend pas de nous= il a cessé
d'espérer= l'espérance est le contraire de la vertu= c'est un vice.
Les Stoïciens rejettent le plaisir comme une passion (= qui trouble l'âme) dont
l'âme libre est débarrassée (elle est sans trouble= ataraxie): le plaisir naît
lorsqu'un événement qui ne dépend pas de nous est considéré (jugé) par l'âme
comme un bien. Le plaisir, comme toute passion, résulte d'un mauvais désir
(fondé sur un mauvais usage de nos représentations) = d'une espérance. C'est
donc une passion que n'éprouve pas l'homme vertueux. L'homme vertueux
désire comme il faut= la vertu= l'action de vouloir le destin comme il est=
l'action d'accorder sa raison à la Raison (Logos) du monde= de vouloir tout ce
que le dieu veut= d'aimer le destin= amor fati= d'où procède ce sentiment de
l'homme libre, sentiment qui n'est pas une passion, qu'est la joie constante
que le sage qui veut tout ce que le dieu veut, ressent devant tout ce qui arrive=
produit un consentement serein et joyeux au monde tel qu'il est. Car tout ce qui
arrive, arrive maintenant exactement comme il le veut, ce qui est source de
joie et de plénitude car il a fait disparaître tout obstacle en lui (les passion) et
hors de lui (les maux) = le coefficient d'adversité des choses procède de notre
libre jugement sur elles jamais des choses en elles-mêmes 2. Nous ne
rencontrons des obstacles hors de nous qu'à la mesure du fait que nous avons
mal désiré un indifférent comme un bien (= mauvais usage de nos
représentations). Exemple d'Epictète: l'insulte vécue comme un outrage
provoquant la colère = je désire être respecté = je juge comme un bien le fait de
l'être et comme un mal le fait de ne pas l'être= on m'insulte= mon
opinion/jugement considère l'insulte comme un outrage qui provoque (cause) ma
colère (= passion qui agite mon âme). Je suis seul cause et responsable de ma
propre colère. Le sage vit sans troubles ni passions, son bonheur est dans sa
vertu et son bonheur dépend de sa vertu = bon usage de ses représentations qui
lui fait accorder sa volonté à la volonté du dieu, sa raison à la Raison universelle
(Logos) : "il ne faut pas demander que les événements soient comme tu le veux,
mais il faut les vouloir comme ils arrivent; ainsi ta vie sera heureuse" (Epictète,
Manuel). Il s'agit d'accorder son désir à la nécessité, d'approuver et de vouloir la
loi du réel, de lui dire oui. Grâce à la compréhension rationnelle (usage de ma
2
Thèse que l'on retrouvera dans la philosophie de la liberté de Sartre influencé en cela par les Stoïciens.
raison= vivre selon la raison) j'ai pu agir sur mes désirs et les modifier (au lieu
vainement de chercher à modifier l'ordre du monde) en les accordant à la
nécessité du monde: "vivre en accord avec la Nature"= précepte majeur des
Stoïciens. Par là je suis parvenu à conquérir la sérénité.
Le bonheur des Stoïciens (à la différence des Epicuriens) est dans la vertu qui
est source de joie (qui est un sentiment né de la vertu) pas dans le plaisir (qui
est une passion née du vice). Nietzsche se réclamera de l'amor fati des Stoïciens
(Cf. Chap. VI. Complément 2).

2. Retenir l'exemple dans le carnet d'exemples: Rapport heureux et rapport


malheureux au destin: l'image chez les Stoïciens du chien attaché à une
charrette: « Eux aussi Zénon et Chrysippe3, affirmaient que tout est destin avec
l’exemple suivant. Quand un chien est attaché à une charrette, s’il veut la suivre,
il est tiré et il la suit, faisant coïncider son acte spontané avec la nécessité ; mais
s’il ne veut pas la suivre, il y sera contraint dans tous les cas. De même en est-il
des hommes : même s’ils ne le veulent pas, ils seront dans tous les cas contraints
de suivre leur destin » Hippolyte, Réfutations de toutes les hérésies, (I, 21)
L'homme malheureux= il luttera vainement contre le mouvement de la charrette,
ce qui l'épuisera et le forcera à aller là où il ne veut pas aller= souffrance tandis
que l'homme heureux accompagne de bon gré le mouvement de la charrette= il
veut ce mouvement= il s'accorde avec lui en quoi consiste sa vertu et son
bonheur.

3. Epicurisme et Stoïcisme: Deux physiques irréconciliables: Epicure dans la


Lettre à Ménécée contre le providentialisme. Providentialisme=nature gouvernée
par la providence divine= tout est gouverné selon la loi du destin= tout arrive
nécessairement parce que le destin en a décidé ainsi = mon rôle est mon destin,
le destin ou le dieu l'a voulu: il est nécessaire (= ça n'aurait pas pu arriver
autrement) car le destin ou le dieu l'a voulu ainsi. Là contre Epicure: "Quant au
destin que certains regardent comme le maître de tout, le sage en rit" (Lettre à
Ménécée). Pour Epicure et les Epicuriens, la nature n'est pas gouvernée par le
destin ou la providence, il n'y a pas dans la nature de nécessité divine, (de
"souffle divin" intérieur à la nature comme pensent les Stoïciens). Pour les
Stoïciens, tout événement est nécessaire (= cela ne pouvait pas arriver
autrement par opposition à contingent= cela pouvait arriver autrement) parce
que le dieu l'a voulu ainsi. Les dieux d'Epicure n'interviennent pas dans le
cours des choses. De plus, chez Epicure, il y a de l'aléatoire et du hasard dans
3
Deux philosophes stoïciens.
la nature (là où le providentialisme s'oppose à la notion de hasard). Chez les
Epicuriens: tout n'obéit pas à une nécessité stricte : doctrine du clinamen ou
déviation des atomes que l'on trouve chez Lucrèce (disciple romain d'Epicure)
et qu'il attribue à Epicure.

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