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Les quatre premiers livres

de l’Éthique à Nicomaque
Résumé

Livre I

Le livre s’ouvre sur une réflexion sur le bien. Platon (voir fiche sur les universaux) enseignait qu’il
existe une unique Idée du Bien, immuable et éternelle, qui constitue le modèle de tout bien relatif et
provisoire. Aristote conteste cette idée. Le bien se dit de plusieurs manières très différentes. Le bien
recherché par la médecine, c’est la santé, le bien recherché par l’art militaire, c’est la victoire au
combat, le bien recherché par la science de l’économie, c’est la richesse, etc.

Tous ces biens sont très divers, ils ont seulement en commun d’être la finalité, le but (telos en grec),
de la volonté et de l’action dans chaque domaine.

Cependant, un bien peut être recherché pour lui-même ou bien en vue d’un autre bien. Par
exemple : la stratégie militaire vise la victoire qui est un bien, mais la victoire elle-même est un
moyen en vue d’un autre bien, par exemple mettre fin à la menace d’un ennemi agressif et garantir
la paix, mais la paix est un moyen en vue d’une autre fin : la stabilité, la prospérité, la tranquillité,
etc.

Question d’Aristote : existe-t-il un bien suprême (≠ bien unique platonicien) ? C’est à dire un bien
qui est recherché pour lui-même et non en vue d’autre chose ? Un bien tel qu’il est la finalité
« finale » de toutes nos actions et de toute notre volonté. Ce bien suprême ou Souverain bien est
manifestement : le bonheur car tout ce que nous faisons, nous le faisons en définitive en vue du
bonheur, mais nous recherchons le bonheur pour lui-même et non en vue d’autre chose. Donc
réfléchir à la morale (bien et mal), c’est réfléchir à la manière de vivre et d’agir pour être réellement
heureux.

La morale est subordonnée à la politique car le bien de tout un peuple vaut plus que celui d’un seul.
La politique doit donc se préoccuper du bonheur des citoyens, on verra en quel sens.

A chaque discipline son mode d’argumentation, on ne peut demander en morale la rigueur des
mathématiques. En morale on ne produit pas de déductions et on n’obtient jamais que des
approximations assez grossières. L’approximation est inacceptable en mathématiques, la rigueur
mathématique est inacceptable en morale.

Diversité des opinions sur le bonheur : tout le monde s’accordera à faire du bonheur le bien
suprême mais en quoi consiste le bonheur ?

Le plaisir – mais peut-on faire d’un bien aussi vulgaire et animal le bonheur ?
L’honneur – mais il dépend du regard d’autrui et non de la personne, de sorte que l’honneur
n’appartient pas à une personne.
La vertu – finalement si on veut être honorable, c’est parce qu’on veut être considéré comme bon.
Au fond du désir d’honneur, il y a donc le désir de vertu. Mais la vertu, si elle importe grandement,
ne suffit pas à faire le bonheur car un homme vertueux accablé par le sort n’est pas heureux. Il y a
donc une dimension extérieure au bonheur donc nul n’est le maître absolu (les philosophes stoïciens
s’opposeront à Aristote sur ce point).
La réflexion – à voir (ce sera l’objet du livre X).
La richesse – mais la richesse ne vaut pas pour elle-même mais seulement en vue d’autre chose,
donc elle n’est pas le bien suprême.

Le bonheur est en fait un composé. Il implique au premier chef la vertu, c’est à dire un ensemble de
qualités stables qui disposent l’individu à bien agir et à réussir dans ses actions. Mais le bonheur
inclut aussi le plaisir qui accompagne l’action réussie, l’honneur qui résulte de la vertu et aussi des
biens extérieurs dont l’absence, sans détruire absolument le bonheur, lui nuit : comme une certaine
mesure de richesse, une famille digne, la beauté.

Livre II Théorie de la vertu

Vertu se dit arètè en grec, mot signifiant excellence, perfection (même famille qu’aristos → le
meilleur qui a bien entendu donné aristocratie en français). Le tranchant d’une lame ou la rapidité
d’un cheval de course sont des excellences, des perfections.
Deux types de vertus :

Des vertus intellectuelles transmises par l’instruction et l’apprentissage. Ces vertus ne consistent
pas seulement à apprendre mais à savoir se positionner par rapport à la connaissance. Ainsi Aristote
range la sagesse, la compréhension et la sagacité au rang de ces vertus. On pourrait en ajouter bien
d’autres : ouverture d’esprit, humilité, droiture, etc.

Des vertus morales acquises par l’entraînement. Le lien établi par Aristote entre vertu morale et
bonheur est un des points qu’il faut impérativement comprendre et retenir. Prenons une
comparaison : si je désire jouer du piano, il me faudra apprendre : à positionner mes mains sur les
touches, les notes du clavier, à lire des partitions, les gammes et les accords, le rythme, etc. Mais
surtout, il me faudra pratiquer, pratiquer et encore pratiquer durant des années jusqu’à ce que je
sache jouer correctement, avec précision, facilité, plaisir et même une dose de créativité. Aristote
considère le rapport entre vertu morale et bonheur de la même façon : il s’agit de développer un
certain caractère, une certaine disposition qui nous assure que nous rencontrions le bonheur dans
notre vie et nos actions courantes.

Comment déterminer ce que sont ces vertus ? Dans le caractère et dans les actions, il peut exister un
manque, un excès et une perfection médiane = juste milieu ou juste mesure. La vertu sera donc cette
perfection, ce sommet. Ainsi le courage est-il une moyenne parfaite entre un manque de courage =
lâcheté et un excès de courage = témérité. La modération, capacité à user raisonnablement des
plaisirs, est une juste mesure entre l’insensibilité (incapacité à apprécier les plaisirs) et débauche
(incapacité à se réfréner).

Livres III La volonté

La vertu se rapporte aux actions (ce qu’on fait) et aux passions (ce qu’on subit et qu’on ne choisit
pas : désir, amour, plaisir, haine, etc.). Il faut immédiatement remarquer qu’Aristote ne condamne
pas les passions. La philosophie nous invite à placer la passion sous le commandement de la raison
et de la volonté et non à l’exclure comme une maladie.

Pour savoir ce qui est louable ou condamnable, il faut distinguer les actes accomplis volontairement
et les actes accomplis involontairement. Il existe deux types d’actions involontaires.
1) Les actions accomplies par ignorance (encore faut-il que cette ignorance soit invincible et qu’on
ne puisse pas reprocher à l’individu d’avoir négligé de s’informer).
2) Les actions accomplies sous la contrainte.

Pour le reste, l’homme est responsable de ce qu’il devient par ses actions. Le vertueux est
responsable de sa vertu, le vicieux est responsable de son vice. Car la nature n’oblige pas la volonté
(contrairement à l’instinct animal par exemple). Si je me suis laissé aller à mentir, c’est précisément
moi qui l’ai fait. Et si j’ai répété des actes de mensonge, alors je me suis moi-même rendu menteur.
Puis-je changer ? Sans doute. Mais difficilement. Car l’habitude possède une force d’inertie qu’il
n’est pas facile de modifier. Si j’ai l’habitude d’avoir recours au mensonge pour me sortir d’une
situation embarrassante, j’ai pris un certain « pli » moral qui me dispose à agir de la même façon
dès que je rencontrerai une situation semblable. La malhonnêteté, comme l’honnêteté, relève donc
d’une forme d’entraînement.

Retenons enfin un point capital de la doctrine morale d’Aristote : la vertu est l’accomplissement de
la nature humaine mais la nature n’oblige pas l’homme à devenir vertueux (sans quoi il n’y aurait
aucun mérite à l’être). Il y a donc à la fois une disposition naturelle à la vertu et une indétermination
radicale : l’homme sera ce que ses actions le feront être. D’où la question fondamentale de
l’éducation. Tout est là : le courage, la sincérité, l’honnêteté, la justice, la modération doivent
s’apprendre. C’est le rôle des parents bien entendu mais c’est aussi le rôle de la loi que de réprimer
le vice.

Livre IV Étude de quelques vertus

Ce livre est assez « digeste », je vous invite à le lire pour mieux comprendre la démarche morale
d’Aristote et l’idée de juste milieu.

Le courage comme perfection moyenne entre la lâcheté (défaut) et la témérité (excès).


La tempérance comme perfection moyenne entre l’insensibilité au plaisir (défaut) et l’excès
(débauche).
La générosité comme perfection moyenne entre l’avarice (défaut) et la prodigalité (excès).
La magnanimité comme perfection moyenne entre pusillanimité ou mépris de soi (défaut) et vanité
(excès).
La douceur comme perfection moyenne entre insensibilité et irascibilité.
L’amabilité comme perfection moyenne entre complaisance et esprit querelleur.
L’enjouement comme perfection moyenne entre morosité et bouffonnerie.

La pudeur enfin n’est pas véritablement une vertu mais plutôt une passion, un sentiment de crainte
et de honte à l’idée de commettre des actes déshonorants. On voit que ce sentiment est ambigu.
Deux types de personnes n’éprouvent donc pas de pudeur : celles qui se complaisent dans des actes
déshonorants et n’en ont pas honte, celles qui sont sûres de ne pas sombrer dans des actes honteux
et donc ne le redoutent pas.

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