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Les grands du numérique, Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA) sont dans la mire des
législateurs et des autorités de la concurrence aux États-Unis. Les dirigeants de ces
multinationales ont comparu le 29 juillet devant la commission judiciaire de la Chambre des
représentants à Washington, qui enquête depuis un an sur de possibles pratiques
anticoncurrentielles.
La commission devrait remettre son rapport d’ici quelques semaines. Un rapport qui va
intéresser grandement les autorités de la concurrence, soit le ministère américain de la Justice
et la Federal Trade Commission (FTC), selon Pierre Larouche, vice-doyen et professeur à la
Faculté de droit de l'Université de Montréal.
« Il va y avoir vraiment beaucoup de belles choses qui vont ressortir [de l’audience]. Et ça
va directement dans les tiroirs de l'autorité de la concurrence. »
Il faut rappeller que le Congrès américain a des pouvoirs d’enquête considérables. Et il s’en
est servi pour forcer les dirigeants des GAFA à s'expliquer sous serment devant les élus
américains. C'est puissant; ils ne peuvent pas mentir. Puis, pendant un an, on leur a demandé
de faire sortir toutes sortes de documents, et ils ne peuvent pas refuser de produire les
documents.
L’important dossier sur les GAFA constitué par la commission judiciaire servira aux autorités
de la concurrence, croit l’expert.
Mais cette audience, souligne-t-il, aura surtout été l’occasion pour ces autorités de voir d’où
vient le vent, sur le plan politique. Les dirigeants des GAFA ont été poussés dans leurs
derniers retranchements tant par les élus républicains que par les démocrates, explique le
professeur. En voyant cela, les autorités de la concurrence se disent qu’elles n’ont pas à
craindre de représailles d’un parti ou de l’autre, si elles décident de sévir contre les géants du
numérique, ajoute-t-il.
Si j'arrive avec une décision qui dit qu’Amazon fait des choses qui sont contraires à la loi,
Facebook s'est comportée de manière contraire à la loi, j'ai la couverture politique. Je ne me
ferai pas appeler par quelqu'un du Congrès qui dit : "Hé, qu'est-ce que tu fais là?"
Les républicains et les démocrates sont disposés à regarder de plus près ce qui se passe puis à
dire que ces entreprises-là ne se comportent pas de manière exemplaire. Donc, ça change la
donne pour les gens qui sont juste en dessous, et qui font le travail au jour le jour de mise en
application de la loi.
Le couperet de la loi Sherman
Lorsqu'une compagnie en achète une autre, au-dessus d'un certain seuil, ça prend une
autorisation, parce qu'il faut vérifier que ce n'est pas mauvais pour le marché. Cette
réglementation joue un rôle seulement dans le cas de Facebook,
ajoute-t-il. Il fait ici référence aux achats par Facebook d’Instagram
et de WhatsApp.
Et il y a l’article 5 de la loi sur la Commission fédérale du commerce
(Federal Trade Commission, FTC), sur les pratiques commerciales
fausses ou trompeuses, une disposition plus obscure, selon l’expert,
et qui joue un rôle limité.
Trois lois fédérales, certaines révisées au fil du temps, sont au coeur, encore aujourd’hui, de la
réglementation antitrust du gouvernement américain.
La loi Sherman adoptée en 1890 par le Congrès a pour objet de protéger la libre concurrence,
au bénéfice du consommateur. Deux autres lois s’ajoutent en 1914 : la loi Clayton, qui régule
les concentrations, et la loi sur la Commission fédérale du commerce (FTC), qui interdit
notamment les pratiques commerciales fausses ou trompeuses (article 5).
« Ça a été un gros succès, mais ça a été un succès parce que ça a été fait de manière
intelligente. Chaque morceau avait son rôle à jouer et avait son plan d'affaires qui était
gérable. »
« Ces quatre entreprises ont toutes des plateformes, et on les accuse, dans l'opération des
plateformes, de favoriser leurs services connexes par rapport aux services des concurrents.
On voit ça dans tous les cas. »
Ce qui rend le dossier difficile, c'est qu'on ne veut pas tuer la poule aux oeufs d'or. On veut
que ces entreprises continuent à dépenser des milliards en recherche, tout ça, et qu’elles
corrigent certains aspects moins reluisants de leurs comportements.