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Annie Jézégou
DOI 10.3166/ds.6.343-364
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Annie Jézégou
sorely lacking.
MOTS-CLÉS : apprentissage autodirigé, contrôle pédagogique, autodirection de l’apprenant,
contrôle psychologique, présence.
KEYSWORDS: self-directed learning, pedagogical control, learner's self-direction,
psychological control, presence.
DOI:10.3166/DS.6.343-364 © Cned/Lavoisier
Introduction
1. Tout au long de cet article, nous entendons par « dispositif de formation » : « une
organisation de ressources (humaines, pédagogiques, matérielles, etc.) au service d’une action
finalisée; une construction sociale qui, jouant des contraintes et de la variété des ressources,
agence des situations susceptibles d’entrer en résonance avec les dispositions des
apprenants » (Lameul, Trollat, Jézégou, 2009, à paraître).
Apprentissage autodirigé et formation à distance 345
mettre en œuvre les stratégies de formation adéquates, d’évaluer les résultats de leur
formation » (Knowles, 1975, p. 18).
Bien qu’outre atlantique, l’apprentissage autodirigé soit aujourd’hui un objet
scientifique largement partagé par la communauté scientifique anglophone travaillant
sur les problématiques de formation formelle et informelle, il n’est pas toujours
appréhendé de la même manière. Par conséquent, il apparaît souvent comme un objet
multiforme et polysémique. Pour Hiemstra (2000), la principale raison réside dans le
fait que l’apprentissage autodirigé a été le plus souvent réduit à sa dimension
psychologique, c'est-à-dire à l’autodirection de l’apprenant.
Depuis plus de 30 ans, les recherches sur l’apprentissage autodirigé ont toujours
accordé une place prédominante à l’étude de l’autodirection de l’apprenant. Par
conséquent, elles ont fortement contribué à réduire l’apprentissage autodirigé à des
dynamiques psychologiques individuelles. Elles ont ainsi laissé de côté d’autres
travaux2 montrant le rôle joué par le dispositif de formation pour que l’autodirection
de l’apprenant puisse s’exercer et se développer. Nous pensons notamment ici aux
travaux de Garrison et Baynton (1986) sur « le contrôle de la transaction éducative »
ou encore à ceux de Hiemstra et Brockett (1991) sur « le modèle de la responsabilité
personnelle ». Ces travaux ont notamment montré que l’apprentissage autodirigé
résulte des interactions existantes entre l’autodirection de l’apprenant et le dispositif
Dispositif Autodirection
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de formation de l’apprenant
Apprentissage
autodirigé
2. Mocker et Spear, 1984 ; Brookfield, 1987 ; Garrison et Baynton, 1986; Hiemtra et Sisco,
1990 ; Hiemstra et Brockett, 1991; Carré, 1992 ; Jézégou, 1998 ; Staka, 2000 ; Carré et
Moisan, 2002.
346 Distances et savoirs. Volume 6 – n° 3/2008
Long (1989) est certainement l’auteur qui a le plus contribué à affiner le concept
d’apprentissage autodirigé en l’étayant par la notion de contrôle. Cette notion revêt
deux dimensions. La première renvoie à l’autodirection de l’apprenant ou au
contrôle psychologique qu’il exerce sur sa formation et sur ses apprentissages. La
seconde dimension se réfère au contrôle pédagogique exercé par le dispositif sur les
situations d’apprentissage.
Motivation Autorégulation
sur les stratégies3 que la personne met en œuvre ; ces stratégies ayant elles-mêmes
un effet sur les résultats obtenus (Carré, 2003 ; Fenouillet, 2008).
La seconde dynamique du contrôle psychologique est l’autorégulation
(Zimmerman, 2000, 2002 ; Jézégou, 2005). Elle s’appuie sur des stratégies de
surveillance, de pilotage et d’évaluation de ses propres apprentissages. D’une
manière plus spécifique, ses stratégies d’autorégulation concernent tout aussi bien le
contrôle de ses états émotifs, socio-affectifs et motivationnels (autorégulation
interne), le contrôle de ses comportements d’apprentissage (autorégulation
comportementale) que le contrôle des différentes composantes de son environnement
d’apprentissage (autorégulation environnementale). Ces trois formes
d’autorégulation agissent également sur la motivation notamment au cours de la
formation (Fenouillet, 2008).
Les recherches (Zimmerman et Schunk, 1989) ont révélé, qu’à la différence des
personnes qui obtiennent des résultats médiocres, celles qui obtiennent de très bons
résultats sont plus motivées à l’égard de la formation et utilisent davantage des
stratégies d’autorégulation. De plus, elles se sentent efficaces et personnellement
responsables du contrôle de leurs apprentissages. Ainsi, une personne fortement
motivée et autorégulée présente un niveau élevé de contrôle psychologique (Carré et
Moisan, 2002). Par conséquent, elle est hautement autodirigée.
Dans ses travaux, Long (1988, 1989) a toujours accordé un poids prépondérant
au contrôle psychologique au point d’affirmer qu’il constitue la condition nécessaire
et suffisante de l’apprentissage autodirigé. Cette position de Long explique
notamment la forte mobilisation des recherches ultérieures sur l’autodirection de
Trois grandes logiques peuvent se présenter ici (Jézégou, 2006). Dans la première,
l’apprenant peut structurer lui-même ses situations d’apprentissage. Ici, le dispositif lui
ouvre des libertés conséquentes pour choisir ses propres objectifs et méthodes
d’apprentissage, les conditions spatio-temporelles ou encore les moyens5 et les
personnes-ressources nécessaires à ses apprentissages. Dans la deuxième logique, les
situations d’apprentissage sont entièrement conçues et prédéterminées par le dispositif ;
cette logique correspond à une démarche d’hétéro-structuration de ces situations. Ici, le
dispositif n’accorde aucune liberté de choix à l’apprenant ; ses situations
d’apprentissage lui sont imposées. Dans la troisième logique, les situations
d’apprentissage sont structurées conjointement par l’apprenant et par les agents
éducatifs, dans le cadre d’une négociation régie par les ressources et les contraintes des
deux parties en présence ; elle correspond à une démarche de co-structuration de ces
situations à partir de libertés de choix négociées (Jézégou, 2006 ; Paquelin, 2006).
Dans la première logique, le dispositif est hautement ouvert car il exerce un
faible degré de contrôle pédagogique en offrant à l’apprenant des libertés de choix
conséquentes (Jézégou, 2005, 2007). En revanche, dans la deuxième logique, le
dispositif peut être qualifié de « fermé » car il exerce un contrôle pédagogique élevé
en n’ouvrant pas de libertés de choix à l’apprenant.
Entre ces deux extrêmes, il existe des niveaux intermédiaires d’ouverture – ou de
contrôle pédagogique – qui varie selon le degré de liberté de choix ouvert par le
dispositif à l’apprenant dans la détermination des différentes composantes de ses
situations d’apprentissage (Jézégou, 2005).
ou ou
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transactionnelle
apprenants mais aussi entre les apprenants. Les relations qu’entretiennent la structure et
le dialogue permettent d’estimer le degré de distance transactionnelle d’un dispositif de
formation (Moore, 1993 ; Saba et Shearer, 1994 ; Bouchard, 2000 ; Jézégou, 2007).
Ces relations peuvent se résumer à deux dynamiques : le dialogue et la distance
transactionnelle varient de façon inverse : lorsque l’un augmente, l’autre diminue (1).
L’augmentation de la structure8 diminue les possibilités et l’ampleur du dialogue qui, à
son tour, augmente la distance transactionnelle (2).
Parallèlement, Moore ajoute à ces deux variables de la distance transactionnelle
un autre paramètre : l’autonomie de l’apprenant. C’est-à-dire le fait que « c’est
plutôt l’apprenant que le formateur qui détermine les objectifs, les expériences
d’apprentissage et les décisions d’évaluation » (Moore, 1993, p. 26). Il renvoie ici
l’autonomie aux caractéristiques de l’apprentissage autodirigé (Moore, 1993, Moore
et Kearsley, 1996). Mais il utilise le terme d’apprentissage autodirigé de façon
générique. En effet, il ne précise pas si ce terme renvoie à l’autodirection de
l’apprenant (contrôle psychologique), au contrôle pédagogique exercé par le
dispositif de formation ou encore aux relations existantes entre ces deux niveaux de
contrôle de l’apprentissage autodirigé. Tout au moins, il stipule qu’il existe un lien
entre le degré de distance transactionnelle du dispositif et l’autonomie en formation,
sans vraiment développer davantage la nature et les mécanismes de ce lien.
La théorie de la distance transactionnelle fait l’objet, depuis près de quinze ans, de
plusieurs recherches empiriques visant à vérifier sa validité (Saba et Shearer, 1994 ;
Bunker et al, 1996 ; Bischoff et al, 1996 ; Chen et Willits, 1998 ; Faust, 1999 ;
Garrison, 2000 ; Jung, 2001 ; Chen, 2001). Suite à un important travail d’analyse des
publications liées à ces recherches, plusieurs auteurs (Garrison, 2000 ; Power, 2002 ;
par chacun des participants. Chaque participant engagé dans le dialogue est un auditeur
respectueux et actif ; chacun contribue au dialogue et s’appuie sur les contributions des
autres» (Moore, 1993, p. 24).
8. Ou la diminution de son niveau de flexibilité.
Apprentissage autodirigé et formation à distance 351
dans les recherches anglophones nord américaines. En 2006, lors d’une conférence9,
Moore affirma que le principal effet de sa théorie est d’avoir fait émerger, aux Etats-
Unis, un mouvement de prise en compte du champ de la formation à distance, ouvrant
ainsi la voie à toute une lignée de recherches. Selon Saba (2003), cette théorie a plus
spécifiquement incité la communauté scientifique, au début des années 2000, à orienter
ses efforts de conceptualisation de la formation à distance vers la perspective
transactionnelle issue de la philosophie du pragmatisme.
référence explicite aux messages des autres, le questionnement vers les autres, l’expression de
son accord avec les autres ou le contenu de leurs messages, etc.
14. S’adresser ou faire référence aux autres en utilisant leur prénom, s’adresser ou faire
référence au groupe en utilisant des expressions inclusives, salutations, etc.
15 Émergence du problème à résoudre, expression des convergences/divergences au regard de
ce problème.
16. Échanges d’informations et de connaissances, suggestions, brainstorming, confrontations
des points de vue, etc.
17. Ajustements mutuels, convergences de points de vue, synthèses, solutions.
18. Application, test, argumentation.
19. Présenter au collectif d’apprenants le cadre général et les méthodes de travail, faire des
commentaires généraux sur l’organisation à mettre en place, leur donner des repères
temporels, etc.
20. Aider les apprenants à identifier leurs points d’accord et/ou de désaccords, à atteindre le
consensus et/ou la compréhension mutuelle ; encourager, reconnaître et renforcer les
contributions de chaque apprenant, etc.
21. Orienter les échanges vers des dimensions spécifiques, apporter des connaissances issues
de diverses sources, etc.
354 Distances et savoirs. Volume 6 – n° 3/2008
selon nous, sur trois grands leviers. Le premier résulte du croisement entre les deux
dimensions – pédagogique et psychologique – de l’apprentissage autodirigé. Ces
deux dimensions sont abordées ici sous l’angle du degré de contrôle exercé par
chacune d’entre-elles. Il met à jour quatre configurations plus ou moins favorables à
l’apprentissage autodirigé. Ces configurations peuvent exister dans tous les
dispositifs de formation, notamment ceux de formation à distance. Le deuxième
levier est issu du croisement entre le degré de contrôle pédagogique exercé par un
dispositif de formation à distance donné et le niveau de présence existant au sein de
ce dispositif. Au stade actuel de nos travaux sur ce levier, nous identifions plus
particulièrement deux configurations : l’une favorable à l’apprentissage autodirigé et
l’autre lui étant défavorable. Enfin, le troisième levier lie le degré de contrôle
psychologique exercé par chaque apprenant et le niveau de présence existant au sein
du dispositif de formation.
Apprentissage autodirigé et formation à distance 355
Jézégou (2006, 2007) et de Dron (2007) ont montré qu’une telle flexibilité dépend
du degré de liberté de choix ouvert aux apprenants dans la structuration de leurs
situations d’apprentissage. D’une manière plus spécifique, elle dépend du degré de
contrôle pédagogique exercé par le dispositif sur ces situations22.
Dans la lignée de l’ensemble de ces auteurs, nous pouvons déduire que plus le
contrôle pédagogique exercé par le dispositif est faible, plus ce dispositif offre des
possibilités de présence sociale, cognitive et éducative.
Nos travaux sur le modèle de la présence (Jézégou, 2007, 2009) montrent qu’il
peut exister un écart important entre les possibilités de présence offertes par le
dispositif et le niveau effectif de cette présence. Ils montrent aussi et surtout que ce
dernier est lié à l’implication des participants engagés dans ces interactions. Garrison
et Anderson (2003) confirment également ce phénomène. Mais l’apport majeur du
Configuration favorable à
l’apprentissage autodirigé
Configuration défavorable à
l’apprentissage autodirigé
présence23. Lorsque cette présence est effective et d’un niveau significatif alors on
assiste à une configuration favorable à l’apprentissage autodirigé.
En revanche, un dispositif exerçant un fort contrôle pédagogique sur les
situations d’apprentissage offre de faibles possibilités de présence. Il serait donc
étonnant que cette présence puisse être d’un niveau significatif. On assiste alors à
une configuration défavorable à l’apprentissage autodirigé.
Malgré la reformulation et l’étayage conceptuel du modèle de la présence que
nous proposons ici, ce dernier comporte une limite importante. En effet, il exclut de
son analyse le rôle fondamental joué par le degré de contrôle psychologique exercé
par l’apprenant sur sa formation et sur ses apprentissages à distance.
apprenants d’un collectif donné génère, selon nous, un niveau plus ou moins
conséquent de présence sociale et cognitive.
Toutefois, un autre niveau de présence intervient également ici. Il s’agit du niveau
de présence éducative du formateur qui, selon les cas, permet de dynamiser et de
soutenir la présence sociale et cognitive (Garrison et Anderson, 2003). Pour que la
présence éducative soit significative, le formateur doit gérer simultanément deux
grands aspects complémentaires. Le premier consiste à aider la communauté
d’apprentissage à s’installer et à se développer (Dillenbourg et al, 2003). Il lui donne
notamment des conseils pour s’organiser et collaborer, tout en veillant à ne pas imposer
des règles trop formelles. De plus, il favorise les échanges et les modes d’interactions
spontanées, tout en reconnaissant les contributions de chacun des apprenants. Le
second aspect lié à la présence éducative du formateur est d’encourager l’exercice et le
développement de l’autodirection de chaque apprenant du collectif. D’une part, le
formateur peut l’inciter à s’engager et à persévérer dans les interactions sociales et
cognitives avec ses pairs. D’autre part, il peut, si besoin, le conseiller pour améliorer
ses stratégies afin de réguler les interactions. Ces deux activités ne sont pas dénuées de
risques car, comme pour tout projet d’agir sur la motivation et sur l’autorégulation,
elles peuvent mener à des erreurs méthodologiques, à des désillusions pédagogiques ou
encore à des dérives éthiques (Carré, 1999). De plus, elles sont limitées par le caractère
intentionnel de la motivation de l’apprenant à l’égard de la formation et par son niveau
de compétences à l’autorégulation.
Ainsi, l’articulation entre « contrôle psychologique » et « présence » se joue non
seulement dans la mise en synergie des dynamiques individuelles liées à
l’autodirection de chacun des apprenants du collectif mais aussi dans la présence
4. Conclusion
Comme nombre d’auteurs l’ont déjà souligné (Garrison, 2003 ; Moore, 2003 ;
Saba, 2003), l’articulation entre la théorie de l’apprentissage autodirigé et la
perspective transactionnelle de la formation à distance permettrait d’ouvrir une voie
prometteuse à l’élaboration d’une théorie de la formation à distance qui fait
actuellement défaut.
Face à l’ampleur d’un tel chantier, cet article est à la fois modeste et ambitieux.
Modeste dans la mesure où il essaie de contribuer à ce chantier tout en n’ayant
qu’une vocation heuristique. Modeste également car il ne peut pas, à lui seul, couvrir
et développer les multiples aspects liés à chacune des notions abordées et se limite
donc à une macroanalyse.
Ambitieux parce qu’il contribue à combler le vide existant, depuis plus de trois
décennies, entre deux courants importants de recherche en Amérique du Nord : celui de
360 Distances et savoirs. Volume 6 – n° 3/2008
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