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Patrice CLÉMENT
La formation des spermatozoïdes qui se met en place à partir de la puberté, est un processus de
multiplication et de différenciation cellulaire à partir des cellules souches.
• Une phase de multiplication des cellules souches par des mitoses successives.
• La spermatogénèse elle-même qui est un mécanisme méiotique permettant le passage
à partir des cellules souches diploïdes à des spermatides haploïdes.
• La spermiogénèse qui est la transformation morphologique des spermatides en
spermatozoïdes.
Causes intrinsèques.
Causes extrinsèques.
Les différentes causes d’augmentation du stress oxydant entrainent l’apparition de radicaux
libres qui sont des entités chimiques possédant un ou plusieurs électrons non appariés sur leur
couche externe. Ils induisent une augmentation de la fragmentation de l’ADN spermatique
par activation des caspases et des endonucléases, mais aussi génèrent des sites abasiques
souvent au niveau de la guanine, la base de l’ADN la plus sensible à l’oxydation. Le
mécanisme est simple, les ADN glycosylase créent un site abasique en reconnaissant une base
oxydée et en l’excisant de l’ADN entraine une cassure de l’ADN. Ce mécanisme est aussi actif
quand une base (modifiée) désaminée ou alkylée est reconnue.
Il a même été décrit que certains antidépresseurs (Tanrikut C et col, 2010) ou certains vaccins
chez l’animal (Gosalves J et col, 2008) ont un effet négatif sur la qualité de l’ADN spermatique :
Ces EDC sont dorénavant retrouvés partout dans les fluides humains, baignant les gamètes
(liquide folliculaire, plasma séminal) et l’embryon (placenta). Il s’agit surtout, au-delà des
pesticides, de plastifiants utilisés régulièrement dans la vie de tous les jours (Bisphenol, phtalates
etc…). D’une façon simplifiée, ils se fixent, sur les Androgenes receptor (AR) et/ou les Estrogène
Receptors (ER).
La présence de ces EDC stimule de façon pathologique permanente ces récepteurs qui, en
réponse, stimulent les voies de signalisation et entrainent une activation inappropriée des
cellules générant un stress oxydant (action directe sur l’ADN, et peroxydation des lipides
membranaire) aboutissant à une apoptose des cellules avec fragmentation de l’ADN.
Tous ces causes extrinsèques nécessitent qu’un examen clinique et un interrogatoire complet
soient faits pour interpréter un résultat du taux de fragmentation de l’ADN
spermatique.
• Durée d’abstinence : une durée trop courte ou trop longue interfère avec le niveau de
fragmentation (Gonzalez-Marin C et col, 2012). La bonne pratique est d’accepter une
abstinence de 2 à 7 jours (recommandation du guide de l’OMS) afin d’obtenir la meilleure
standardisation des résultats.
• Technique de préparation du sperme en vue d’AMP : les techniques de préparation du
sperme en vue d’AMP (centrifugation sur gradient, swim up, etc …) peuvent
artificiellement minimiser le taux de fragmentation de l’ADN du sperme, ou au contraire
l’accroitre, si les conditions de manipulation ne sont pas parfaites. Afin d’essayer de
standardiser au mieux les résultats il est préférable que l’analyse du taux de
fragmentation de l’ADN soit faite sur le sperme éjaculé, après liquéfaction.
• Température de conservation du sperme avant analyse : une température trop
élevée (> 15°C) peut altérer l’ADN spermatique Il est conseillé de conserver le sperme
éjaculé congelé après liquéfaction du sperme dans l’heure qui suit l’éjaculation si l’analyse
n’est pas faite le jour du recueil.
• Réalisation de la technique. Il faut rappeler que les manipulations se font en présence
d’air, donc en présence d’oxygène. Il est donc conseillé de réaliser la technique peu de
temps après la décongélation du sperme ou peu de temps après la liquéfaction si on
travaille sur du sperme frais.
Différentes techniques d’analyse de la fragmentation de l’ADN spermatique.
Il faut en premier lieu noter qu’il n’y a pas de méthode de référence, ni de contrôle interne,
ni de moyen d’une évaluation externe de la qualité de ces techniques, ce qui rend leurs
réalisations difficiles et nécessite une certaine expérience pour l’interprétation des résultats.
Afin de palier à ces manques, des comparaisons de méthodes peuvent être réalisées (Hamidi J,
Clement P, Menezo Y, 2013), ainsi que des échanges inter-laboratoires afin de corréler les
résultats, mais on se retrouve face au problème de techniques parfois différentes et de la
dépendance/operateur.
Les techniques les plus utilisées en France sont la technique TUNEL, la technique à
l’acridine orange et la technique SCD.
Le SCD a un inconvénient, il est une mesure à la fois fragmentation et décondensation de l’ADN,
alors que ce sont des paramètres indépendants.
Le COMET distingue théoriquement les cassures double brin et les cassures monobrin. La
cassure double brin est plus compliquée à réparer (et donc plus pathogène) qu’une cassure
monobrin, mais dans la mesure où l’approche thérapeutique sera la même, l’intérêt de connaitre
cette différence est peu utile.
La technique avec anticorps 8 oxo-desoxy-guanosine est trop spécifique du stress, alors que la
fragmentation de l’ADN peut être liée à d’autres causes.
Les techniques TUNEL et à l’acridine orange (SCSA) analysent les cassures monobrins et doubles
brins sans les séparer, et peuvent être réalisées sur un cytomètre de flux, ce qui permet une
lecture d’un nombre important de spermatozoïdes (jusqu’à 10 000 spermatozoïdes) et ainsi une
meilleure sensibilité.
Il est difficile de donner des valeurs usuelles pour les taux de fragmentation de l’ADN
spermatique pour deux raisons principales :
D’autre part sur quels critères (absence de grossesses naturelle, absence de grossesses après
protocoles d’AMP avec des critères qui différent entre IAC et FIV/ICSI) doivent être mis en place
ces valeurs normales ou pathologiques ?
Néanmoins, en fonction des différentes études, nous pouvons considérer les valeurs suivantes
Valeurs « normales et pathologiques » :
Dans tous les cas le facteur féminin associé sera d’une importance majeure (âge de la patiente,
qualité de l’ovocyte et notamment sa capacité de réparation de l’DNA).
(Shen H et col, 2000).
Il est également important de comprendre que ces valeurs « normales » doivent être interprétées
en fonction de la technique d’AMP qui va être utilisée ou si c’est dans un contexte de recherche
de grossesses spontanées. Par exemple, les IAC ne donnent pas de bons résultats quand la
fragmentation est élevée par rapport à l’ICSI, car la dégradation de l’ADN continue dans les voies
génitales femelles alors que ce n’est pas le cas en ICSI quand l’injection est réalisée rapidement.
(Bungum M et col, 2007). Le même raisonnement est vrai en FIV où la dégradation de la qualité
de l’ADN se poursuit plus longtemps qu’en ICSI.
Ainsi dans un contexte d’infertilité du couple, il est inutile d’attendre les résultats du
spermogramme pour demander une analyse du taux de fragmentation de l’ADN. La recherche
du taux de fragmentation de l’ADN spermatique doit faire partie du bilan d’exploration du
couple infertile.
(Evaluation of sperm DNA structure, fragmentation and decondensation: an essential tool in the
assessment of male infertility. Yves Menezo, Patrice Clement, Edouard Amar. Transl Androl
Urol http://dx.doi.org/10.21037/tau.2017.03.11)
6) Traitements possibles
Avant toute mise en place d’un traitement, il est fondamental de réaliser un interrogatoire
complet du patient afin de rechercher une cause extrinsèque de l’augmentation de la
fragmentation de l’ADN spermatique et d’essayer d’éliminer cette cause (Argawal A et col,
2020) :
Il est important de garder à l’esprit qu’un cycle de spermatogénèse dure à peu près 70 jours, et
qu’un contrôle d’une fragmentation élevée de l’ADN spermatique devra se faire à distance de la
fin du traitement ou de l’élimination de la cause extrinsèque.
L’ovocyte possède des systèmes de réparation de l’ADN redondants mais pas « infinis », de plus
leur efficacité diminue avec l’âge ; phénomène courant et général des cellules qui correspond à
une diminution de la quantité et de la qualité de la totalité du stockage des ARNs
messagers. Ainsi, est-il tentant de proposer tant à la femme qu’à l’homme, des vitamines
« antioxydantes » et des « oligoéléments » pour « renforcer » la capacité de défense. Ce
concept est théoriquement bon, il se heurte frontalement aux connaissances modernes du stress
oxydant.
Deux « croyances » sont notamment complètement contreproductives :
• Le sélénium (Se++) : Il n’existe pas de carence en sélénium en Europe. Par ailleurs le taux
de Se doit être régulé dans des limites étroites, c’est par exemple le cas du plasma
séminal (Bleau et al, 1984). Trop de sélénium peut induire des thyroïdites.
• Le Cuivre et le Fer : Tous deux sont générateurs de stress oxydant, contraire à la
protection recherchée. A ne prescrire qu’en cas de carence réelle.
• Le Zinc est un élément intéressant ; il n’est correctement absorbé que sous forme
chelatée. C’est le rapport Cu/Zinc qui doit être analysé car c’est est un bon marqueur de
stress oxydant.
• Le Chrome et le Manganèse : il n’y a pas de référence sérieuse connue, même quant à
l’existence d’une carence de ces éléments.
• Le Magnésium : une controverse existe quant à l’impact du ratio Ca/Mg.
Les vitamines :
Elles agissent comme anti-oxydant en piégeant les radicaux libres, mais elles peuvent devenir
pro-oxydantes.
• Le meilleur exemple est celui de la vitamine E (Tocophérol), pour laquelle les carences
sont extrêmement rares dans les pays développés, qui se transforme elle-même en
radical pro-oxydant si elle est en trop grande quantité (El Djouher Naouel, 2020) et qui
devra être neutralisé par la Super Oxyde Dismutase (SOD) et la catalase. On se trouve
dans la situation paradoxale où la qualité de l’activité de la vitamine E dépendra, de
façon majeure de la qualité de la SOD et la catalase déjà présente dans
l’organisme. En résumé elle sera active si les défenses antioxydante endogènes sont
correctes. Dans le cas contraire, le statut red-ox pourra être aggravé. Par ailleurs la
vitamine E est fournie sous forme de tocophérol Alpha qui provoque un effondrement de
Tocophérol Gamma, le composé naturel actif.
• La vitamine C a un pouvoir réducteur extrêmement fort mais elle a aussi un effet
délétère car elle est capable de scinder les ponts disulfures. Or en fin de
spermatogénèse, le noyau spermatique est protégé par les protamines qui sont très
riches en ponts disulfures. Ceci induit donc un « relâchement » de la structure nucléaire
de l’ADN ou décondensation de l’ADN. Cette anomalie pouvant conduire à des
infertilités.
Ainsi, les compléments alimentaires qui contiennent les trois vitamines A, C et E, utilisée
pour réparer la fragmentation de l’ADN spermatique peuvent avoir l’effet pervers de
décondenser l’ADN du spermatozoïde. Or si l’ovocyte est équipé pour réparer les
fragmentations de l’ADN spermatique, il ne l’est pas pour réparer la décondensation de l’ADN.
(Menezo et col, 2007 ; Menezo et col, 2014).
Toutes ces anomalies de structure tertiaire aussi minimes soient elles induisent immédiatement
des retards dans les premières divisions embryonnaires.
Au final, les compléments alimentaires, qui contiennent des vitamines réductrices, peuvent avoir
l’effet pervers de décondenser l’ADN du spermatozoïde (Menezo et col 2014).
• La N acetyl cystéine (précurseur du glutathion) a un effet positif sur le sperme, via une
protection de la qualité mitochondriale (Gallo et al. 2018), il s’agit là de l’un des seuls
composés a efficacité scientifiquement prouvée.
• Le Co-enzyme Q10 sous forme Ubiquinone n’est peu ou pas absorbé efficacement. La
forme Ubiquinol semble meilleure sans toutefois avoir de démonstration scientifique
claire.
• La carnitine présentée comme une molécule antioxydante, ne l’est pas. Elle a un effet
bénéfique en favorisant le métabolisme des lipides et évite ainsi leur peroxydation.
• Les folates sont également présentés comme antioxydant à travers le cycle des folates et
de l’homocystéine et la production de glutathion (Menezo et col, 2022). Ils sont également
des effecteurs de la méthylation de l’ADN et assurent sa stabilité, et la régulation des
informations épigénétiques (empreinte génomique). Cependant, l’acide folique a forte
dose n’est pas une réponse appropriée car il provoque l’apparition de l’UMFA (acide
folique non métabolisé) qui exacerbe les défauts de méthylation du noyau du
spermatozoïde (Menezo Y, Clement P, Elder K, 2022) et diminue l’effet anti-oxydant. Ce
phénomène existe aussi en cas de mutation du gène MTHFR, même en cas de prise
de folates à doses faibles. Ce problème peut être réparé par l’utilisation du 5 MTHF (5
methylTetrahydrofolate) à la place de l’acide folique.
Les traitements antioxydants sont le plus souvent basés sur de fausses évidences. Les carences
sont en réalité assez rares (Brack et al ; Advances in Bioscience and Biotechnology, 2013, 4, 331-
339) et les traitements, dont la composition n’est pas, le plus souvent basés sur des études
scientifiques, sont généralement prescrits sans réel recul.
D’une façon globale, même si certains traitements semblent montrer une réelle efficacité, ils
restent controversés.
Conclusion
L’étude de la qualité de l’ADN spermatique doit faire partie du bilan d’exploration d’un
couple infertile au même titre que le spermogramme. En effet, nous avons vu qu’une
altération de l’ADN spermatique n’est pas corrélée avec les paramètres du spermogramme. Il est
donc inutile d’attendre les résultats de celui-ci pour demander une analyse de la qualité de l’ADN.
L’interprétation de ce résultat est délicate et les valeurs usuelles retenues seront
interprétées en fonction du but recherché (grossesse spontanée ou après AMP) mais aussi de
l’âge de la conjointe dont les ovocytes ont potentiellement des capacités de réparation d’un ADN
spermatique fragmenté.
La mise en place d’un traitement devra d’abord commencer par un interrogatoire soigné
du patient à la recherche d’une cause extrinsèque que l’on pourrait éliminer.
Certains traitements anti-oxydants pourront être mis en place en gardant à l’esprit qu’un produit
anti-oxydant peut devenir dans certains conditions pro-oxydant. Il faudra donc se méfier des
composés multi-vitaminiques qui peuvent faire plus de mal que de bien et pour cela connaître
leurs compositions.
Enfin ne pas oublier qu’un cycle de spermatogénèse dure 3 mois, et qu’il est inutile de
contrôler l’efficacité de l’arrêt d’un toxique ou de la mise en place d’un traitement moins
de trois mois après la fin de celui-ci.
Références :