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Chapitre 3 : Les événements génétiques

I. Introduction

Il. Grands réarrangements du génome

III. Les mutations de l'ADN

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Introduction

Dans une espèce donnée, le génome d'un individu n'est jamais identique à celui d'un
autre individu, à l'exception des jumeaux monozygotes.

Ces différences de génomes entre les individus peuvent avoir des conséquences
pathologiques si elles altèrent qualitativement ou quantitativement la fonction d'un gène.
Beaucoup de différences dans le génome sont cependant sans effet même dans certains cas
peuvent conférer un avantage sélectif.

Ces différences de génomes sont la conséquence de plusieurs phénomènes survenant


surtout au cours de la division cellulaire:
- la recombinaison homologue;
- l'activité des éléments transposables mobiles;
- la réplication de l'ADN;
- les agents mutagènes.

Selon le mécanisme mis en jeu, on distinguera:


- les grands réarrangements du génome et des gènes;
- les mutations ponctuelles.

Ces modifications du génome peuvent:


- affecter les gamètes et seront donc transmises à la descendance. a parle alors de modification
germinale;
- affecter un tissu ou un organe (cancer) sans transmission à la descendance. On parle alors de
modification somatique.

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Grands réarrangements du génome

Ils résultent le plus souvent d'anomalies au cours de la méiose. Certains de ces


réarrangements surviennent cependant au cours de la division cellulaire.

Ils sont le plus souvent la conséquence de la présence de séquences homologues dans le


génome :
- la simple duplication d'un gène ancestral peut être source de gr réarrangement ;
- mais le plus souvent des séquences répétées homologues (séquences LINE, SINE ou
transposons) sont en cause.

Les mécanismes en cause sont:


- non pas tant une anomalie de ségrégation des chromosomes à la méiose responsable de
trisomie, dont nous parlerons peu;
- que des phénomènes de recombinaison;
- ou de transposition.

A. Les trisomies
Elles sont les plus fréquentes des anomalies du génome.
Elles sont la conséquence d'anomalies de ségrégation des chromosomes au moment de la
méiose;
Elles sont identifiées par l'étude morphologique cytogénétique des chromosomes.

La trisomie 21, la plus fréquente, qui entraîne le mongolisme, peut être diagnostiquée
par la recherche d'un triple polymorphisme d'un ou plusieurs microsatellites du chromosome
21.

B. Les macro-délétions ou macro-insertions


Ces lésions de la molécule d'ADN sont le plus souvent la conséquence d'une
recombinaison entre deux régions homologues lors de la méiose, ou parfois d'une simple
mitose.
Les régions homologues en cause sont bien sûr des séquences répétées, qui sont dispersées
dans le génome. Nous avons vu qu'elles étaient fortement homologues mais pas identiques.

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Un phénomène de recombinaison homologue entre les deux molécules d'ADN va aboutir à
un échange de matériel qui peut être:
- simple avec échange de la séquence répétée;
- accompagnée d'un crossing-over. Il y a alors recombinaison inégale avec possibilité de perte
ou gain de séquences d'ADN (fig. 9.1).

1. Délétion génique
Elle procède du mécanisme que nous venons de voir.
Elle peut intéresser tout ou partie (un ou plusieurs exons) d'un gène. Elle conduit le plus
souvent à l'inactivation de ce gène.
Elle peut être diagnostiquée par:
- des méthodes d'hybridation in situ des chromosomes (FISH) par les cytogénéticiens si elle
touche un fragment important d'un chromosome;
- Southern blot ou plus récemment des techniques de PCR de fragments longs.

2. Duplication génique
Elle est la contrepartie sur l'autre allèle de la délétion génique. Cette duplication peut
toucher tout ou partie du gène.
Ses conséquences sur l'expression qualitative ou quantitative du gène sont très variables:

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• la duplication d'un ou plusieurs exons à l'intérieur du gène peut conduire à:
- inactiver le gène en décalant le cadre de lecture ou en créant une protéine anormale qui
sera rapidement dégradée,
- produire une nouvelle protéine aux fonctions nouvelles, si le cadre de lecture est conservé;

• la duplication du gène entier peut conduire à :


- augmenter l'expression du gène si le gène dupliqué s'exprime autant que le premier,
- ne pas modifier cette expression, si le gène dupliqué a perdu ses régions régulatrices et ne
s'exprime pas.

La duplication des gènes est d'ailleurs à l'origine:


- des familles multigéniques. Certains exemplaires d'un même gène subiront des mutations.
Une copie conserve sa fonction, tandis que les autres évoluent vers de nouvelles fonctions;
- des pseudogènes, gènes dupliqués inactifs, qui ne sont ni transcrits traduits, à la suite de
mutations ou autres altérations. Ils sont donc des duplicats mutés de gènes, qui sont eux restés
actifs. Les pseudogènes sont parfois situés à proximité d'autres gènes de la même famille, tous
produits à l'origine par duplication. Ce sont par exemple les pseudogènes de la globine
humaine.

3. Amplification génique
L’amplification d'un gène est la multiplication en tandem ou en tandem inversé d'une
séquence normalement unique.
Elle peut aboutir à une multiplication considérable du nombre de copies d'un gène (plusieurs
milliers ou plus).
Elle procède de mécanismes très complexes faisant intervenir réplication et recombinaison
avec des:
- recombinaisons inégales avec crossing-over décrites plus haut;
- réplications en boucle;
- voire même réplications extrachromosomiques avec réintégration du segment amplifié dans
le génome;
- ou transcription du gène en AR N, amplification, rétrotranscription et réintégration.
Ce phénomène d'amplification génique est surtout observé dans les cancers et dans les
résistances aux drogues (fig. 9.2). Dans les deux cas, il s'agit de modifications somatiques
du génome.
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4. Les insertions

Enfin un gène peut être interrompu par une insertion, qui inactive le gène. Ceci est le plus
souvent le fait d'un élément mobile (transposon) mais aussi d'un virus.

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Le virus ALV (virus de la leucose aviaire) ne possède pas d'oncogènes, mais il est cependant
capable de provoquer chez l'animal un lymphome B. Il agit dans ce cas uniquement par
l'intermédiaire de son promoteur. Il se produit en effet une activation du proto-oncogène
cellulaire mye par insertion du promoteur viral à proximité.

Il est possible que certains cancers humains soient liés au fait qu'un virus, quoique dépourvu
d'oncogène, s'intègre dans l'ADN d'une cellule, par hasard à proximité d'un proto-oncogène.
Le proto-oncogène se trouve alors sous le contrôle du promoteur viral et est transcrit
activement.

5. Les translocations chromosomiques


Les mêmes mécanismes de recombinaison inégale entre deux séquences homologues, le plus
souvent répétées, situées dans deux chromosomes peuvent conduire à des translocations
chromosomiques.

Ces translocations peuvent avoir de graves conséquences si elles intéressent deux gènes
pouvant alors créer une fusion de gènes. Ceci est observé dans certains cancers comme la
leucémie myéloïde chronique (fig. 9.4).

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Dans d'autres cas le gène va être transloqué dans une région de transcription active, ce qui
va augmenter considérablement son expression.

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6. La conversion génique
La conversion génique est aussi la conséquence d'une recombinaison. Dans ce cas, la
recombinaison a lieu entre deux gènes très homologues et contigus.
Ce mécanisme d'altération d'un gène par conversion génique implique donc:
• qu'un gène ancestral se soit dupliqué;
• que l'une des copies ait subi des mutations, l'inactivant et le transformant donc en
pseudogène.
L’événement de conversion génique consistera en un échange de tout ou partie de la
séquence pseudocodante du pseudogène dans le gène, conduisant à son inactivation.

L’exemple le plus classique est celui du gène de la 21 hydroxylase dont la conversion


génique entraîne une hyperplasie congénitale des surrénales (figure 9.6).

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Les mutations

A. Les causes des mutations :


1. Au cours de la réplication
Les mutations sont des accidents de copie de bases puriques ou pyrimidiques se produisant
le plus souvent au cours de la réplication de l’ADN.
L’ADN nouvellement synthétisé n'est plus alors l'exacte réplique de l’ADN parental.

Les mutations se produisant spontanément lors de la réplication sont rares et le haut degré de
fidélité de la réplication est dû :
- aux fonctions d'édition des polymérases ;
- aux systèmes de réparation.
Les ADN polymérases I et III sont douées de fonction « d'édition » (lecture d'épreuves +
correction des erreurs). Une ADN polymérase dénuée de fonction d'édition ferait, en
ajoutant des nucléotides, environ une erreur sur 10 000 et donc introduirait 300 000
mutations dans le génome à chaque réplication! Grâce à la fonction d'édition, l'erreur n'est
plus que de un sur un million de nucléotides, et même moins!

Ensuite, les systèmes post-réplicatifs de réparation de l'ADN réduisent encore ces mutations
à un sur un milliard de nucléotides, ce qui laisse environ trois mutations dans le génome
après chaque réplication chez l'homme.

Mais il existe des agents dits « mutagènes » qui introduisent aussi des mutations.

2. En dehors de la réplication
Dans d'autres cas, la mutation peut être la conséquence de dommages subits par l'ADN sous
l'effet d'agents chimiques ou d'agents physiques (UV, rayons X).

a. Agents chimiques
Les agents chimiques mutagènes sont:
- des substances chimiques qui transforment la base: ce sont par exemple des substances
chimiques qui peuvent désaminer la cytosine et transformer le NH2 en OH donnant alors
l'uracile;

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- des substances chimiques qui perturbent la réplication en s'intercalant entre les deux brins
d'ADN (par exemple le bromure d'éthidium [BET]) ;
- des substances chimiques qui se comportent comme des analogues de bases. Le 5-
bromouracile (5-BU) ressemble à la thymine (Br en 5 au lieu de CH3) et provoque des
transitions A vers G. Ajouté à des cellules en croissance, il est transformé en nucléoside
triphosphate et peut être incorporé dans l'ADN à la place de la thymine. Cependant, sous sa
forme énol, il s'apparie avec G (au lieu de s'apparier avec A), introduisant une mutation à
l'étape de la transcription et de la réplication suivante.

b. Agents physiques
Ce sont par exemple, des radiations comme les rayons X ou les rayons ultraviolets.
Les expositions excessives au soleil sont dangereuses, elles peuvent être responsables de
cancers de la peau. L’énergie des radiations ultraviolettes est absorbée principalement au
niveau des pyrimidines de l'ADN. Il en résulte des phénomènes d'excitation des électrons
aboutissant à une modification du type de liaison.
Ainsi, lorsque sur un brin d'ADN existent deux pyrimidines contiguës (en particulier deux
thymines, TT), ces deux bases, sous l'influence des rayons ultraviolets, vont se lier par des
liaisons covalentes: elles forment ainsi un dimère (fig. 9.7). Ces dimères de thymine
entraînent une distorsion locale sur l'ADN. L’ADN polymérase ne sachant pas recopier ces
deux thymines soudées, la réplication s'arrête.

Heureusement des systèmes de réparation de l'ADN assurent la correction de toutes ces


modifications de l'ADN à 99,9 %.

3. Les mutations de l’ARNm


Des accidents de copie peuvent également se produire au cours de la transcription. Mais,
dans ce cas, le problème est moins grave car:
- les molécules de l'ARNm modifiées restent peu nombreuses par rapport à celles qui ne le
sont pas;

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- il n'y a pas de transmission de ces erreurs à la génération suivante.

B. Mutations par substitution, délétion ou insertion


L’accident de copie au cours de la réplication de l'ADN peut être:
• une base mal copiée. Il s'agit d'une mutation par substitution:
- quand une purine est remplacée par une autre purine, ou une pyrimidine par une autre
pyrimidine, c'est une transition,
- quand une purine est remplacée par une pyrimidine ou inversement, c'est une transversion
• une base oubliée. Il s'agit d'une mutation par délétion ;
• une base ajoutée. Il s'agit d'une mutation par insertion.
Ces accidents de copie sont tout à fait analogues aux « coquilles» qui se produisent dans
l'imprimerie où une lettre peut être remplacée par une autre ou encore sautée ou ajoutée, ce
qui modifie parfois totalement le sens d'une phrase.
Ces accidents ne concernant qu'une seule base constituent des mutations ponctuelles.

C. Différents types de mutations


Si la mutation se produit au niveau d'un gène, l'ARNm transcrit à partir de ce gène sera
également modifié. Il faut bien comprendre que toute mutation sur une partie d'ADN qui
s'exprime entraîne automatiquement un changement au niveau du codon.
C’est pour cette raison que l'on examinera les différentes mutations possibles en raisonnant
au niveau du codon, donc de l'ARNm (même si origine de l'erreur est une mutation au
niveau de l’ADN).
Selon les cas, la protéine synthétisée sera ou non très différente de la protéine initialement
codée par le gène non muté.

On peut distinguer (fig. 9.9) :

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• Les mutations sans changement du cadre de lecture: :
- mutations silencieuses,
- mutations faux sens, qui incluent les mutations conservatrices,
- mutations non sens;

• Les mutations avec changement du cadre de lecture:


- mutations des jonctions intron-exon,
- mutations insertionnelles et délétionnelles.

1. Mutations silencieuses
La substitution de nucléotide est sans effet, le codon qui en résulte codant le même acide
aminé.
Par exemple, UUU est remplacé par UUC. Ces deux codons codent Phe. Cette substitution
n'a donc aucune conséquence.

2. Mutations faux sens


Un codon est remplacé par un codon donnant un acide aminé différent. Si l'acide aminé est
très différent, il en résulte une protéine le plus souvent anormale.
Par exemple, AAG (Lys) est muté en GAG (Glu). Lys est un acide aminé basique alors que
Glu est un acide aminé acide.

3. Mutations conservatrices
Un codon est remplacé par un codon donnant un acide aminé du même groupe.
Par exemple, AAA (Lys) est muté en AGA (Arg). Lys et Arg faisant partie du même groupe
d'acides aminés basiques, cette mutation est le plus souvent sans conséquence.
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4. Mutations non sens
La mutation transforme un codon codant un aminé en un codon stop. Par exemple, UGC qui
code Cys est muté en UGA qui est un codon stop. On parle alors de mutation non sens. Si
l'erreur se produit dès le début de la chaîne peptidique, les conséquences sont évidemment
graves. Mais si l'erreur se produit vers la fin de la chaîne, cela peut être négligeable.
Inversement, un codon stop peut être transformé en un codon codant un acide aminé. Il en
résultera alors une protéine plus longue.

5. Mutations au niveau des introns


Les introns d'un gène peuvent être affectés par des mutations.
Si la mutation a lieu à la jonction exon-intron (GT ... AG), l'intron ne pourra pas être
reconnu. On s'attendrait à trouver dans ce cas une protéine aberrante où l'intron serait traduit.
En fait, le plus souvent on ne retrouve pas le produit de traduction de ce gène:
• soit que l'ARNm soit rapidement dégradé;
• soit que la traduction n'ait pas lieu;
• soit qu'elle ait donné naissance à une protéine aberrante très rapidement dégradée.
Dans certains cas, une mutation à l'intérieur d'un intron peut empêcher le pliage correct de
l'intron et empêcher ainsi l'excision-épissage.

6. Mutations insertionnelles ou délétionnelles


Elles sont dues à l'insertion ou à la délétion d'une ou plusieurs bases qui entraînent un
décalage dans la lecture des triplets (fig. 9.10).
Ces mutations sont graves si le déphasage se produit dès le début du gène. On obtient en
effet dans ce cas une protéine complètement différente, ou pas de protéine du tout s'il y a des
codons stop.

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7. Mutations et modifications quantitatives de l'expression des gènes
D'autres mutations, moins bien connues peuvent modifier l'expression d'un gène:
•soit en modifiant une séquence régulatrice de la transcription située en amont (5') de la
séquence codante, mais aussi parfois dans un intron ou en aval (3') de la séquence codante ;
• soit en altérant le site d'initiation de la transcription;
• soit en modifiant les séquences 5' ou 3' non codantes des exons, qui pourraient être
impliquées dans la stabilité de l'ARNm.

D. Les points chauds de mutation : les îlots riches en CG ou « îlots HTF»


Les mutations ponctuelles ne sont pas régulièrement réparties dans le génome.
C’est ainsi que les dinucléotides CG sont considérés comme des « points chauds » (hot
spots) de mutation chez l'homme.
En effet, la méthylation des cytosines:
• touche essentiellement les C en amont de G ;
• est un mécanisme de blocage de la transcription d'un gène lorsqu'il toue la région
promotrice.
Les cytosines méthylées ont tendance, au cours de l'évolution, à disparaître et à être
remplacées par T.
En effet, nous avons vu que lors d'une désamination accidentelle, C non méthylée donne U
qui est reconnue et donc réparée, alors que C méthylée donne T normalement présent dans
un ADN et par conséquent non reconnue par le système de réparation et non réparée (fig.
9.11).

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