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Licence 1ère année Semestre 1

Faculté de Sciences Economiques


Université de Poitiers

PRINCIPES D’ANALYSE ECONOMIQUE


Dominique Pépin

Plan du cours
CHAPITRE I. Objet et méthode de l’économie

CHAPITRE II. Les fondements de l’analyse économique : l’arbitrage et l’échange

CHAPITRE III. La demande, l’offre et l’équilibre de marché

CHAPITRE IV. L’effet des prix et des revenus sur les quantités

CHAPITRE V. L’intervention publique sur les marchés : le contrôle des prix et les taxes
indirectes

CHAPITRE VI. Préférences du consommateur et contrainte de budget

CHAPITRE VII. Le choix optimal du consommateur

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CHAPITRE I. Objet et méthode de l’économie

1. Origines et définitions du terme « économie »

« L'économie politique enseigne comment se forment, se distribuent et se consomment les richesses qui
satisfont aux besoins des sociétés. »
Jean-Baptiste Say

« La science économique est la science de l'administration des ressources rares. »


Raymond Barre

Issu du grec, le mot économie est formé à partir de oikos qui signifie maison, et de nomos qui signifie loi.
L'économie désignait il y a deux mille ans l'administration de la maison, du domaine (cette acception
existe encore aujourd’hui). Le terme économie a vu sa signification évoluer au cours des siècles pour
désigner aujourd’hui une branche des sciences sociales. Mais il possède de nombreuses autres acceptions.

Encadré. Les différentes acceptions du mot « économie ».


On trouve dans le dictionnaire de nombreuses définitions du mot économie. En voici quelques unes :
a) Ce qu'on épargne, qu'on évite de dépenser. Ex : J’ai dépensé toutes mes économies pour acheter ce
billet d’avion.
b) Gestion où on réduit ses dépenses, ses efforts. Ex : Par économie, il faisait le trajet à pied.
c) Organisation des parties d'un ensemble, d'un système ; structure. Ex : Ce trop long chapitre nuit à
l'économie de l'ouvrage.
d) Ensemble des activités d'une collectivité humaine relatives à la production, à la distribution et à la
consommation des richesses. Ex : L’économie française a été fortement touchée par la crise du
coronavirus.
e) Science sociale qui traite de la production, de la distribution et de la consommation de la richesse, des
biens et services dans une société. Ex : l’économie est une disciplinante passionnante.
f) Système de production, de distribution et de consommation. Ex : L’économie planifiée a fortement
reculé dans le monde au XXème siècle au profit de l’économie de marché.
g) Art de gérer une maison, d’administrer un bien, une entreprise. Ex : Une mauvaise économie l’a
conduit à perdre tous ses biens.
Et cette liste n’est pas exhaustive !!

Les définitions qui nous intéressent ici sont les définitions d) et e). L’économie est ainsi à la fois un objet
(définition d) et une discipline qui étudie cet objet (définition e).
Ainsi, l'économie peut être définie comme la discipline qui étudie la production, les échanges, la
monnaie, le chômage, la richesse, l'inflation, etc. Pendant des siècles, c’est de cette façon que les
économistes ont défini leur discipline. D'Aristote (IV ème siècle av. J.-C.) à Adam Smith (XVIII ème siècle)
en passant par Jean-Baptiste Say, la plupart des définitions font de l'économie une science de 1'acquisition
des richesses pour l'individu ou pour la nation. C’est encore de cette façon que les lexicographes
définissent aujourd’hui notre discipline. Les économistes contemporains soulignent cependant les limites
de cette définition, et lui en préfèrent une autre.
Aujourd'hui, les économistes s'accordent pour admettre que l'on ne peut définir l'objet de l'analyse
économique par un sujet ou une liste de sujets concrets. En effet, les phénomènes strictement
économiques n'existent pas. On ne peut extraire du réel une partie « économique » qui serait indépendante
des parties « psychologique », « politique » ou « sociologique ». L'inflation, par exemple, met en jeu des
mécanismes économiques, psychologiques et politiques, et intéresse tout autant l'économiste que le
psychologue, le politologue ou le sociologue. Toutes les sciences sociales ont le même domaine concret
d'étude : les causes et les conséquences individuelles ou collectives des comportements humains. La
spécificité d'une discipline ne peut donc être recherchée dans le domaine concret de son étude, mais dans
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la perspective selon laquelle elle observe la réalité et dans la façon dont elle mène son étude. Chaque
discipline sociale se donne en effet un objet abstrait en isolant dans la réalité un phénomène fondamental
qu'elle privilégie comme point de départ de toutes les questions qu'elle va ensuite analyser. Pour l'analyse
économique, ce phénomène essentiel est la rareté.
Ainsi, l'économie étudie la façon dont les individus ou les sociétés utilisent les ressources rares en vue de
satisfaire au mieux leurs besoins. C'est parce que nos besoins individuels sont potentiellement illimités
tandis que nos ressources sont limitées que l'on peut faire de la rareté la notion centrale de l'analyse
économique.

Encadré. La définition de l’économie par Lionel Robbins (1932)


Lionel Robbins est un économiste anglais du XXème siècle devenu célèbre pour sa définition de
l’économie :
« L'économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre des fins et des
moyens rares susceptibles d'être utilisés différemment. »
La quasi-totalité des économistes d’aujourd’hui ne connaissent Lionel Robbins que grâce à ces deux
lignes qu’il a écrites !!
On peut aussi adopter la définition de Raymond Barre, professeur d’économie qui fut Premier ministre de
1976 à 1981, qui a le mérite d’être plus simple à mémoriser :
« La science économique est la science de l'administration des ressources rares. »

On remarque que pour désigner leur discipline, les économistes utilisent diverses expressions. Ils parlent
d’économie, d’économie politique, ou encore de sciences économiques. Ces expressions peuvent être
utilisées de façon interchangeables.
D’un point de vue historique, l’expression la plus ancienne est celle d’ « économie ». « L’économique »
(en grec ancien « oikonomikόs ») est ainsi le titre d’un ouvrage de Xénophon, disciple de Socrate, écrit
quatre siècles avant notre ère. C’est la plus vieille trace écrite connue du mot économie. Cependant,
l’économie selon Xénophon ne désigne pas notre discipline mais fait référence à la définition g) ci-
dessus, puisqu’il s’agit d’un traité de gestion d’un grand domaine foncier.
Notre discipline a d’abord été appelée « économie politique » par Antoine de Montchrestien, qui publie
en 1615 son traité d’économie politique. Les économistes classiques (Adam Smith, Jean-Baptiste Say,
David Ricardo, Thomas Robert Malthus, John Stuart Mill …) se sont emparés par la suite de l’expression,
qui s’est ultérieurement simplifiée pour devenir « économie ».
Il n’est pas possible de dire quand est apparue précisément l’expression de « sciences economiques »
(« economics » en anglais), mais c’est sous l’impulsion de Lionel Robbins et de sa fameuse définition que
cette formulation s’est généralisée, conférant à notre discipline un statut scientifique.
Concrètement, face à un problème quelconque, l'économiste se distingue des spécialistes des autres
sciences sociales par la nature des questions qu’il se pose :
1°) Qui sont les décideurs – les individus ou les groupes d'individus qui font les choix déterminants?
2°) Quels sont les objectifs des décideurs (leurs « besoins ») ?
3°) Quels sont les moyens disponibles et les contraintes (« les ressources rares ») ?
4°) Quelle est la solution optimale, c'est-à-dire celle qui permet d'atteindre le maximum de satisfaction
pour le minimum de ressources utilisées?

Analyse du document
Quelle est l’origine étymologique du mot économie ?
Qu’est-ce que le mot économie désignait il y a deux mille ans ?
Comment les lexicographes définissent-ils l’économie (politique) ?
Quelle est la particularité des phénomènes purement économiques ?
Quel est l’objet abstrait, le mot clé, qui fonde l’analyse économique ?
Quel économiste anglais du XXème siècle est devenu célèbre pour sa définition de l’économie ?
Comment les économistes modernes définissent-ils l’économie ?
Quel disciple de Socrate a écrit « L’économique » ?
Avant de l’appeler « sciences économiques », comment les économistes nommaient-ils leur discipline ?
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2. Choix et rareté
2.1. Rareté des ressources et production des biens économiques
L'économie n'est pas enfermée dans un domaine réservé. De même que les autres disciplines (sociologie
et sciences politiques notamment) sont également concernées par les sujets qu'étudie l'économiste,
l'économie peut aborder des phénomènes que le sens commun ne reconnaît pas comme économiques: la
religion, la famille, la délinquance, la politique, etc. En effet, tous les comportements humains peuvent
être examinés d'un point de vue économique, c'est-à-dire comme la mise en œuvre raisonnée de moyens
limités par des individus qui cherchent à atteindre leurs objectifs.

Encadré. Quel est l’objet abstrait propre aux autres disciplines des sciences humaines et sociales ?
La rareté est l’objet abstrait qui fait la spécificité de l’économie parmi les sciences humaines et sociales.
C’est le mot clé de l’économie. Quels sont les mots clés à la base des autres disciplines des sciences
humaines et sociales, notamment en sociologie et en sciences politiques ? Pour la sociologie, le mot clé
est « relations », et pour les sciences politiques c’est le « pouvoir ».

Les questions que les économistes se posent impliquent toutes l'idée d'un choix. Cette nécessité de choix
découle directement de la rareté des ressources disponibles.
Ces ressources, ou facteurs de production, se répartissent en trois grandes catégories :
- Les ressources humaines : le travail. La quantité de main d’œuvre disponible dans une économie se
trouve limitée par le nombre d’individus en âge de travailler et par leurs compétences.
- Les ressources naturelles : la terre et les matières premières. La surface des terres du globe est limitée,
au même titre que les matières premières qu’elles abritent.
- Les ressources manufacturées ou conçues par l’Homme : le capital. Le capital réunit l’ensemble des
actifs produits par l’Homme et qui ne sont pas consommés entièrement au cours du processus de
production (usines, machines, outils, …, mais aussi le capital immatériel comme les connaissances
techniques et scientifiques). Ce stock de capital est lui aussi limité, car il dépend des actifs qui ont été
accumulés.
C’est bien entendu la rareté des ressources qui entraîne la rareté des biens et services disponibles à la
consommation. S'il n'y avait pas de rareté, on pourrait toujours produire tout, n'importe comment, jusqu'à
saturer tous les besoins de tous. Les questions de base seraient alors sans intérêt ; c'est ce qui se produit en
présence d'un bien libre.
Les économistes parlent d'un bien libre (parfois appelé aussi bien naturel) pour désigner un bien
disponible en quantité telle que tout le monde peut en bénéficier sans limite, sans coût et sans que
l'utilisation qu'en font les uns limite les possibilités d'utilisation par d'autres. Un bien libre ne présente pas
d'intérêt pour l'analyse économique. Mais les cas de biens libres sont très exceptionnels. Ainsi, on cite
souvent l'air comme exemple de bien libre. Les biens qui ne sont pas « libres » sont appelés biens
économiques.

Encadré. Les biens et services.


Les biens sont des marchandises tangibles, comme l’acier, les voitures ou des fraises. Les services sont
des activités telles que la coiffure, les transports, la sécurité. Les biens économiques sont des biens et des
services (on ne parle pas de services économiques). Les biens économiques peuvent être produits à
l’intention des consommateurs (biens de consommation) ou à l’intention des producteurs (biens de
production).

Analyse du document
Quel est le mot clé, le concept abstrait, qui est à la base de la sociologie ?
Quel est le mot clé, le concept abstrait, qui est à la base des sciences politiques ?
Quelles sont les trois grandes catégories de ressources ou facteurs de production ?
Qu’est-ce qu’un bien libre ?
Qu’est-ce qu’un bien économique ?

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2.2. La frontière des possibilités de production
Nous allons considérer dans ce paragraphe un premier exemple de modélisation qui permet de
comprendre que la rareté des ressouces implique de faire des choix.
Considérons une économie dans laquelle il n’existe que deux sortes de biens : les produits alimentaires et
les films cinématographiques. L’économie compte 4 travailleurs. Chacun d’eux peut exercer son activité
dans n’importe lequel des deux secteurs.
Le tableau 1.1. montre la quantité de chaque bien qui peut être produite (par semaine) en fonction de
l’affectation des travailleurs entre les deux secteurs.

Tableau 1.1. Les possibilités de production dans une économie hypothétique


Personnes Production Personnes Production de films
employées dans le alimentaire employées dans le
secteur alimentaire secteur
cinématographique
4 25 0 0
3 22 1 9
2 17 2 17
1 10 3 24
0 0 4 30

Dans chaque secteur, plus il y a de travailleurs, plus la production de biens fabriqués est grande.
De surcroît, dans chaque secteur, la production obéit à la loi des rendements décroissants. Chaque
travaille supplémentaire augmente la production du secteur d’une quantité inférieure à celle qu’a ajoutée
le travailleur précédent. Par exemple, dans le secteur alimentaire, la première personne employée (à temps
plein) produit 10 unités alors que la seconde n’en produit que 7 (pour faire un total de 17). La troisième
en produit encore moins (5). Le même constat est fait dans l’autre secteur.
D’où vient la loi des rendements décroissants ? Prenons par exemple le cas du secteur des films. On
suppose implicitement que les travailleurs employés dans ce secteur ont à leur disposition une quantité
fixe d’équipements. Le premier travailleur peut utiliser seul toutes les installations. Lorsqu’un deuxième
travailleur le rejoint, il partage avec lui ces installations. La quantité d’équipements par travailleur
diminue. Aussi la production par travailleur diminue-t-elle à mesure que l’emploi augmente. La même
chose se passe dans le secteur alimentaire, comme la quantité de ressources naturelles est fixe.
Chaque ligne du tableau 1 montre les combinaisons des deux biens qui peuvent être produites quand tous
les travailleurs sont employés. En transférant des travailleurs d’un secteur à l’autre, l’économie peut
produire plus d’un bien, mais elle se condamne ce faisant à produire moins de l’autre. Il existe un
arbitrage entre la production de denrées alimentaires et la production de films, du fait de la rareté des
ressources.
Sur la figure 1.1., nous montrons graphiquement les combinaisons maximales des deux biens qu’il est
possible de produire. Le point A correspond à la première ligne du tableau, le point B à la seconde, etc.
La courbe qui joint les points A à E s’appelle la frontière des possibilités de production.

Figure 1.1. La frontière des possibilités de production

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Définition : la frontière (ou courbe) des possibilités de production montre, pour chaque niveau de
production d’un bien, la quantité maximale de l’autre bien qui peut être produite.

Remarquons que la frontière est concave (le segment reliant les points B et D est sous la frontière ; et il en
est de même pour tout segment reliant n’importe quels points de la frontière). C’est le résultat de la loi
des rendements décroissants.
Les points situés sur et sous la frontière constituent des combinaisons dites réalisables ou accessibles.
Considérons d’abord les points situés sous la frontière. Par exemple, le point G correspond à 10 unités de
produits alimentaires et 17 films. En se reportant au tableau 1, on observe que cette combinaison
réalisable nécessite d’employer deux travailleurs dans le secteur des films et un travailleur dans le secteur
alimentaire. Mais la société gaspille alors des ressources rares, puisque le quatrième individu ne travaille
pas. Les points situés sous la frontière constituent des combinaisons dites inefficaces ou inefficientes.
Quant aux points situés sur la frontière, ils constituent des combinaisons dites efficaces ou efficientes. La
frontière des possibilités de production représente l’ensemble des combinaisons efficaces.
Les points situés à l’extérieur de la frontière , comme le point H, sont des combinaisons dites inacessibles
ou irréalisables.

Encadré. L’hypothèse de parfaite divisibilité des ressources et des biens


Les économistes font des hypothèses simplificatrices qui leur permettent de faire des calculs
mathématiques simples, même si ces hypothèses ne sont pas toujours réalistes. Par exemple, dans le cas
de ce modèle tout simple, on peut faire l’hypothèse que le temps de travail de chaque individu est
parfaitement divisible entre les deux secteurs, que les deux biens sont aussi parfaitement divisibles.
Chaque individu peut travailler à temps complet dans un secteur, ou à mi-temps dans un secteur et à mi-
temps dans l’autre, ou faire un tiers-temps et un deux-tiers-temps, etc… On peut produire un film, ou un
demi-film, etc. C’est parce qu’on autorise la parfaite divisibilité du temps de travail et des biens produits
que la frontière des possibilités de production est une courbe continue. Tout point situé sur la frontière est
alors réalisable, et pas seulement les combinaisons A, B, C, D et E.

C’est la rareté des ressources qui oblige la société à faire des choix. Parce qu’on ne peut pas tout avoir, la
société doit choisir si elle veut plus de films ou plus de produits alimentaires. Le mode de répartition des
ressources entre les secteurs dépend du type d’économie (au sens de la définition f) considérée.

Analyse de document
D’après le tableau 1, combien produit-on de films et de produits alimentaires si chaque secteur emploie
la moitié des travailleurs ?
D’après le tableau 1, combien produit-on de films et de produits alimentaires si le secteur
cinématographique emploie un travailleur et l’autre secteur les travailleurs restants ?
D’après le tableau 1, combien produit-on de films et de produits alimentaires si le secteur
cinématographique emploie 3 travailleurs et l’autre secteur le travailleur restant ?
Qu’est-ce que la loi des rendements décroissants décrit ?
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Qu’est-ce que la frontière des possibilités de production indique ?
La combinaison C est-elle réalisable ?
Dans un choix limité entre les combinaisons C, G et H, indiquez quelle est celle qui doit
constituer un objectif de production pour la société.
Parmi l’ensemble des combinaisons A à H, quelles sont celles entre lesquelles on ne peut choisir en
l’absence d’information complémentaire ?
Qu’est-ce qu’une combinaison efficiente ?
Qu’est-ce qu’une combinaison irréalisable ?
Qu’est-ce qu’une combinaison inefficace ?
Si on modifie le graphique en mettant la production de films sur l’axe des ordonnées et la production de
films sur l’axe des abscisses, la frontière des possibilités de production est-elle toujours concave ?
Vous rappelez-vous ce que vaut la dérivée seconde d’une fonction concave ?
La combinaison optimale pour la société est sur la frontière efficiente. Mais où précisément sur la
frontière ? D’après vous, quelle information manque-t-il pour identifier la combinaison optimale ?

2.3. Différents systèmes économiques


Les économies résolvent différemment le problème de répartition des ressources rares entre les secteurs
selon leur mode d’organisation. Ce mode d’organisation dépend du degré d’intervention de l’Etat dans
l’économie. On distingue ainsi trois grands types de systèmes économiques : les économies planifiées ou
dirigées, les économies de marché et les économies mixtes.
Dans une économie complètement planifiée, c’est le gouvernement qui décide de tout. C’est lui qui décide
de la combinaison efficiente qui doit être choisie. Il n’existe pas d’économie parfaitement planifiée.
L’économie qui s’en rapproche le plus aujourd’hui est la Corée du Nord.
L’économie de marché repose sur deux principes fondamentaux : la libre entreprise et la propriété privée.
Dans une économie de marché sans aucune intervention de l’Etat, ce sont les mécanismes de marché, à
travers les interactions de toutes les décisions individuelles des ménages et des entreprises, qui conduisent
à choisir une combinaison efficiente. Il n’existe pas non plus de pure économie de marché dans le monde,
car l’Etat intervient toujours dans la vie économique. On peut cependant dire que les Etats-Unis sont plus
proches que la France de ce modèle pur. On peut aussi dire que depuis le début des années 1980, il y a un
mouvement mondial des économies vers l’économie de marché.
En pratique, toutes les économies se situent entre ces deux extrêmes et constituent des économies mixtes.
Pour comprendre le mode d’allocation des ressources rares dans une économie mixte, il faut considérer
un modèle avec un nombre de secteurs plus grand que deux, par exemple égal à trois. L’Etat organise la
production dans un des trois secteurs (le secteur public). Il mobilise alors des ressources pour assurer la
production dans ce secteur. Les mécanismes de marché conduisent ensuite à répartir les ressources
restantes entre les deux autres secteurs. A cela, il faut ajouter que dans les économies mixtes les Etats
cherchent souvent à influencer les choix des marchés par le biais de nombreux instruments (subventions,
taxes, réglementation, etc.).
Il est important de comprendre que l’élément crucial qui permet de faire fonctionner les marchés libres
dans une économie de marché ou dans une économie mixte est le mécanisme des prix. Le mécanisme des
prix tente d’assurer que, sur chaque marché, l’offre est parfaitement égale à la demande. On appelle prix
d’équilibre le prix pour lequel cette égalité entre offre et demande se produit.

Encadré. Définition du marché


Le marché, au sens où l’entendent les économistes, est le processus par lequel les décisions des ménages
relatives à la consommation des différents biens, les décisions des firmes relatives aux biens à produire et
à la façon de les produire, et les décisions des travailleurs concernant la durée et la nature de leur travail
sont rendues compatibles grâce à un ajustement des prix.
Le marché n’est donc pas un endroit, un lieu. Il vaut mieux le considérer comme un réseau. Le marché
boursier français constitue l’exemple parfait pour le comprendre. Jadis, le marché boursier français était
situé dans un endroit bien spécifique : le Palais Brongniart, situé place de la Bourse, dans le deuxième
arrondissement de Paris. C’est en cet endroit que se réunissaient les traders, les courtiers et autres acteurs
du marché. Depuis 1987, la négociation des actions ne se fait plus au Palais, mais dans les locaux (appelés
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salles de marché) des banques. La salle de marché est l’endroit, dans une banque, où sont situés les postes
de travail des opérateurs de marché professionnels. Elle dispose évidemment d'importants moyens
informatiques et de communication, toutes les salles de marché étant reliées en réseau, sur le serveur
central de la Bourse. C’est donc ce réseau qui définit aujourd’hui le marché français des actions.

L’existence supposée du prix d’équilibre sur un marché provient du fait que l’offre et la demande sur ce
marché sont sensibles au prix du bien. Lorsque le prix varie, la demande et l’offre varient. Cette réaction
de l’offre et de la demande au prix illustre l’une des caractéristiques essentielles du fonctionnement de
l’économie, à savoir que les agents répondent à des incitations. Pour certains, l’économie n’est qu’une
question d’incitations.
Le fonctionnement « automatique » d’une économie de marché constitue l’un de ses principaux
avantages. Nul besoin en effet de mettre en place une coûteuse et complexe bureaucratie, chargée de
coordonner les décisions des agents.
L’autre avantage d’une économie de marché est que, même si les agents se préoccupent uniquement de
leurs propres intérêts, le mécanisme des prix les incite à répondre aux besoins des autres. Ainsi, la
recherche du gain personnel se révèle profitable à la société. C’est le principe de la « main invisible »
d’Adam Smith.

Encadré. La main invisible.


En 1776, paraît l’ouvrage majeur d’Adam Smith (1723-1790), Recherches sur la nature et les causes de
la richesse des nations, marquant pour nombre d’économistes la naissance de l’économie moderne, et
restant à ce jour l’un des ouvrages économiques les plus importants jamais publiés.
L’ouvrage, divisé en cinq tomes, couvre un large éventail de sujets, et notamment celui du
fonctionnement et des avantages des économies de marché. Au chapitre 2 du tome IV, Adam Smith écrit :
« Chaque individu (…) ne pense qu’à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d’autres cas, il est
conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions (…). Tout en ne
cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de
la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler. »

Le premier théorème de l’économie du bien-être, développé par Kenneth Arrow en 1951, stipule que
l’économie de marché constitue un mode d’organisation optimal de l’allocation des ressources sous
certaines conditions bien précises (notamment l’hypothèse de concurrence pure et parfaite). Lorsque ces
conditions sont remplies, l'allocation des ressources est optimale au sens de Pareto (ou Pareto-optimale)
lorsque les marchés sont à l’équilibre. Ce premier théorème est souvent vu comme une confirmation
analytique de la main invisible d’Adam Smith.

Encadré. Optimum de Pareto


Une allocation est un optimum de Pareto (ou est Pareto-optimale) quand il est impossible de réaffecter
les ressources de façon à améliorer le sort de quelqu’un sans dégrader simultanément celui d’autres
personnes. Une allocation Pareto-optimale conduit à une combinaison de biens qui se situe
nécessairement sur la frontière des possibilités de production. Mais pour être Pareto-optimale, l’allocation
doit se situer sur un point bien particulier de la frontière qui concilie les désirs de tous les consommateurs
et producteurs.
Une économie de marché, lorsqu’elle fonctionne de façon équilibrée, est Pareto-optimale. C’est
l’argument théorique le plus puissant pour défendre le fonctionnement des économies libérales
(économies de marché). Cependant, les conditions restrictives nécessaires à l’obtention du premier
théorème de l’économie du bien-être ne sont jamais vérifiées en pratique, ce qui justifie l’intervention de
l’Etat dans la vie économique. Par ailleurs, le point d’équilibre n’est pas unique au sens où il dépend de la
répartition initiale des richesses entre les individus. L’optimum de Pareto n’est donc pas unique lui non
plus.

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En pratique, les marchés ne conduisent jamais à une efficience maximale dans l’allocation des ressources,
c’est pourquoi les Etats jugent nécessaire d’intervenir dans la vie économique. Une économie de marché
peut présenter (notamment) les problèmes suivants :
- La concurrence est souvente limitée, voire inexistante.
- Le pouvoir et la propriété des ressources est inéquitablement répartie.
- Certaines entreprises ont des pratiques condamnables (par exemple la pollution), insuffisamment prises
en compte par les marchés.
- Certains biens et services pourtant socialement souhaitables ne seront pas produits (ou insuffisamment)
par les marchés (par exemple les routes, un phare maritime, l’enseignement scolaire, etc).
- L’économie de marché est susceptible de dérives, car elle encourage l’égoïsme, la cupidité, le
matérialisme et la soif de pouvoir.
- Les marchés sont instables, et sans intervention de l’Etat, nombre d’économistes pensent que la
production nationale serait beaucoup plus volatile, fluctuante.

Analyse du document
Qu’est-ce qu’une économie complètement planifiée ?
Qu’est-ce que l’économie de marché ?
Qu’est-ce qu’une économie mixte ?
Quel mécanisme fondamental permet de faire fonctionner les marchés dans une économie de marché ?
Qu’est-ce que le prix d’équilibre ?
Qu’est-ce qu’un marché ?
Quel auteur est à l’origine de la parabole de « la main invisible ».
Qu’est-ce que la « main invisible » décrit ?
Qu’est-ce qu’une allocation Pareto-optimale ?
Qu’est-ce que le premier théorème de l’économie du bien-être stipule ?
Quels problèmes les économies de marché présentent-elles ?

3. Penser comme un économiste


3.1. Une démarche scientifique
L’économie fait partie des sciences sociales. Or l’essence de la science, c’est la méthode scientifique :
développer des théories pour comprendre comment le monde fonctionne, puis collecter des données pour
tenter de confirmer ou d’infirmer la théorie. La plupart du temps en économie, la collecte des données
provient d’observations (comme par exemple en astronomie) et non pas d’expérimentations (comme par
exemple en chimie).
Souvent, l’observation précède le développement théorique, ou légitime le développement de nouvelles
théories. Ainsi, des observations peuvent infirmer une théorie et être ensuite utilisées pour soutenir le
développement d’une théorie alternative.

3.1.1. Les modèles économiques et l’importance des hypothèses


Comme dans beaucoup d’autres disciplines scientifiques, les économistes utilisent des modèles pour
comprendre le monde.
Le modèle est une représentation simplifiée du réel qui permet d’expliquer et de prédire des phénomènes.
La frontière des possibilités de production exposée au paragraphe 2.2. est un exemple de modèle.
Pour construire un modèle et expliquer un phénomène réel, l’économiste doit faire des hypothèses.
Imaginons qu’un économiste s’intéresse aux comportements de consommation du cinéma et des
plateformes de vidéo en ligne (du genre Netflix, Dysney +, …). Le cinéma et les services de vidéo en
ligne sont-ils des biens de consommation « complémentaires » ou « substituables » ? Autrement dit, ceux
qui consomment l’un le font-ils aux dépens de l’autre, ou consomment-ils l’un en complément de l’autre ?
De façon arbitraire, un économiste peut supposer que les deux types de services sont complémentaires. Il
fait alors une hypothèse qui a vocation à être testée, c’est-à-dire à être confrontée aux données collectées.
Pour tester cette hypothèse, l’économiste construit un modèle qui va pouvoir être estimé et évalué. Mais
pour y parvenir, l’économiste va devoir faire d’autres hypothèses, qui vont venir s’ajouter à l’hypothèse
qu’il veut tester. Il peut faire des hypothèses simplificatrices (par exemple, au paragraphe 2.2.,
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l’hypothèse que le temps de travail et les biens sont parfaitement divisibles pour constuire une frontière
continue). Son modèle repose aussi sur des hypothèses fondamentales parfois appelées axiomes. Les
axiomes sont des hypothèses que l’on ne cherche pas à remettre en cause, car elles correspondent aux
fondations du modèle1. Une hypothèse fondamentale que l’on retrouve dans les modèles du courant
dominant en économie est l’hypothèse de rationalité des agents, sur laquelle nous reviendrons.
Les modèles utilisent deux catégories de variables : les variables exogènes et les variables endogènes.
Comme leur nom l’indique, les variables exogènes ont une origine extérieure au modèle : elles sont
introduites dans le modèle et servent d’inputs. Les variables endogènes, au contraire, sont générées par le
modèle lui-même : ce sont des outputs. En d’autres termes, les variables exogènes conservent la valeur
qu’elles ont au moment où elles sont introduites dans le modèle, tandis que les variables endogènes sont
déterminées au sein du modèle.
L’objet du modèle est de montrer comment les variables exogènes affectent les variables endogènes.

L’affirmation selon laquelle une variable est exogène est-elle-même une hypothèse. Considérons par
exemple les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. La pandémie peut être vue comme
un choc exogène, et les économistes analysent alors l’impact de ce choc sur la vie économique. Ils font
alors l’hypothèse d’exogénéité du choc. Mais sommes-nous sûr que le déclenchement de la pandémie est
exogène et n’a pas elle-même été provoquée ou facilité par l’activité économique humaine ?

Il ne faut pas juger de la qualité d’un modèle sur la base du réalisme de ses hypothèses mais sur sa
capacité à produire des résultats cohérents avec les faits. Construire une représentation simplifiée du réel
implique de faire des hypothèses irréalistes. Un modèle moins réaliste mais plus simple qu’un autre ne
peut pas être jugée moins bon. Le manque de réalisme est le prix à payer pour la simplicité. Par contre, un
modèle à la fois moins réaliste et plus compliqué qu’un autre peut clairement être rejeté.
Dans ce cours, les modèles considérés sont basés sur un certain nombre d’hypothèses (sauf mention du
contraire) :
a) Les agents sont rationnels.
b) Les prix sont parfaitement flexibles. C’est une caractéristique des modèles d’équilibre. L’hypothèse
opposée consisterait à poser que les prix sont parfaitement rigides (ne s’ajustent pas).
c) Il y a une seule période. Les modèles intertemporel ou multipériodiques seront étudiés plus tard.
Comme il n’y a pas de futur ou d’avenir dans ce type de modèles, il n’y donc pas de risque ou
d’incertitude.

Analyse du document
D’où proviennent les données collectées en économie ?
Qu’est-ce qu’un modèle ?
Qu’est-ce qu’un axiome ?
Quelles sont les deux catégories de variables qui composent un modèle ?
Qu’est-ce qu’une variable exogène ?
Qu’est-ce qu’une variable endogène ?

3.1.2. Microéconomie/Macroéconomie
Il existe en économie deux niveaux de modélisation, selon que l’on se situe à un niveau individuel ou à un
niveau agrégé.
La microéconomie s'intéresse aux comportements individuels. Elle est le produit de la théorie
néoclassique, qui s’inscrit dans la perspective de ce qu’on appelle l’individualisme méthodologique, qui
correspond à une approche ascendante, les phénomènes collectifs s’expliquant à partir des propriétés et
1
Cela dit, même les axiomes peuvent être remis en cause. Par exemple, l’hypothèse du « Big Bang » est fondamentale dans
l’ensemble des théories cosmologiques qui décrivent notre univers comme étant le produit d’une dilatation rapide. Mais
l’hypothèse du Big Bang est contestée par certains cosmologistes, qui réfutent l’idée que l’univers puisse avoir un début.
10
des actions des individus ou agents2. La macroéconomie traite des relations au niveau agrégé, considérant
les comportements globaux comme de nature sociale et irréductibles aux comportements individuels. Elle
s’inscrit dans une démarche holistique (l’holisme est la démarche qui vise à expliquer un phénomène
globalement).
Le microéconomiste utilise des concepts applicables à l’analyse des marchés, comme le prix d’un bien
particulier, l’offre d’un bien particulier, alors que le macroéconomiste utilise des concepts applicables à la
description d’une économie (au sens d) comme le taux de chômage, le taux d’inflation.

Encadré. La théorie néoclassique


C’est Thorstein Veblen (1857-1929), économiste et sociologue, qui est le premier à avoir parlé de théorie
néoclassique. Veblen était un des adversaires les plus farouches de la théorie néoclassique, et il a choisi
de la désigner ainsi pour la tourner en dérision (un peu comme on le fait à propos de l’architecture
néoclassique). Peu à peu, les partisans de cette théorie ont progressivement adopté cette dénomination, en
ignorant la part d’ironie qu’elle contient.
Avant cette adoption du terme néoclassique, on parlait de marginalisme par allusion au calcul à la marge.
Ceux que l’on considère comme les fondateurs de la théorie néoclassique et donc de la microéconomie
sont Carl Menger (1840-1910), Stanley Jevons (1835-1882) et Léon Walras (1834-1910).

La démarche holiste du macroéconomiste présente des limites importantes. L’économiste Robert Lucas
(prix Nobel d’économie en 1995) explique par exemple qu’on ne peut pas comprendre l’échec de
certaines politiques économiques si on ne se place pas au niveau des individus. Sa critique de l’utilisation
des modèles macroéconomiques est connue sous le nom de critique de Lucas. Les modèles
macroéconomiques sans fondements microéconomiques reposent implicitement sur des comportements
figés des agents (puisque ces comportements sont ignorés). Lors d’un changement de politique
économique, les individus vont dans les faits s’adapter, et la somme des variations individuelles va alors
produire des effets au niveau agrégé, qu’un modèle purement macroéconomique ne peut prévoir.
La démarche ascendante du microéconomiste présente ses propres limites, qui sont plus évidentes.
L’agrégation de comportements individuels est une opération extrêmement complexe, voire impossible si
on ne fait pas l’hypothèse d’une certaine homogénéité des comportements individuels. L’existence de lois
comportementales au niveau des individus n’implique pas l’existence de lois comportementales au niveau
du groupe. On peut construire des modèles simplifiés décrivant le mouvement des nuages en fonction de
l’interaction des milliards de goutelettes qui le composent et de leur interaction avec leur environnement,
mais ces modèles simplifiés ne sont d’aucune utilité pour la météorologie.

Encadré. Le paradoxe de Condorcet


En 1785, Nicolas de Condorcet publie un essai montrant la difficulté (ou l’impossibilité) d’agréger les
préférences individuelles. Pour illustrer ce paradoxe, considérons des individus capables de classer trois
projets A, B et C . Chaque individu est supposé avoir un ordre de préférence. Il y a ainsi les individus qui
ont des préférences du type A>B>C (les individus pour qui A est le meilleur projet et C le pire), ceux qui
ont des préférences du type A>C>B (A est le meilleur projet et B le pire), etc. Il y a au total 6 groupes
d’individus, définis par les 6 classements A>B>C, A>C>B, B>A>C, B>C>A, C>A>B et C>B>A.
Considérons une assemblée de 60 individus devant choisr un projet parmi les trois. Les préférences de ces
60 individus se répartissent comme suit : 23 ont des préférences A>B>C ; 17 ont des préférences
B>C>A ; 2 ont des préférences B>A>C ; 10 ont des préférences C>A>B et 8 ont des préférences C>B>A
(aucun individu n’a de préférences A>C>B).
Si les propositions sont confrontées paire par paire, on observe que :
33 individus sont du type A>B contre 27 du type B>A (A est préféré à B) ;
42 individus sont du type B>C contre 18 du type C>B (B est préféré à C) ;

2
C’est Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950), l’un des plus grands économistes du XX ème siècle, qui a forgé l’expression
d’individualisme méthologique.
11
35 individus sont du type C>A contre 25 du type A>C (C est préféré à A) ;
Cela conduit à la contradiction A>B>C>A. Globalement, l’assemblée préfère le projet A au projet B, le
projet B au projet C, mais le projet C au projet A !
Quel est alors le meilleur projet et quel est le pire ? Si les individus votent à la majorité simple et que
chacun vote pour le projet qu’il considère comme le meilleur, alors 23 individus votent pour A, 19 pour B
et 18 pour C. C’est donc A qui est choisi. Mais peut-on dire que A est le meilleur projet, dans la mesure
où les individus préfèrent le projet C au projet A ?
Le paradoxe de Condorcet énonce que, même quand tous les individus savent classer des projets qui leur
sont soumis, il n’existe généralement pas de projet qui puisse être considéré de façon indiscutable par la
collectivité comme étant le meilleur.
Ce paradoxe s’est trouvé parfaitement illustré lors des élections présidentielles françaises de 2007. Au
premier tour, il y avait alors 3 candidats principaux : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François
Bayrou. Les sondages montraient que les français préféraient Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal,
Ségolène Royal à François Bayrou, et François Bayrou à Nicolas Sarkozy.

Analyse du document
A quoi la microéconomie s’intéresse-t-elle ?
Sur quelle approche la microéconomie repose-t-elle ?
Qu’est-ce que l’individualisme méthodologique ?
A quoi la macroéconomie s’intéresse-t-elle ?
Sur quelle approche la macroéconomie repose-t-elle ?
Qu’est-ce que le holisme ?
Quel nom donne-t-on à l’école (ou courant) qui a posé les bases de la microéconomie ?
Qu’est-ce que la critique de Lucas ?
Quelle limite (évidente) présente la microéconomie ?
Qu’est-ce que le paradoxe de Condorcet énonce ?

A, B et C représentent des projets. 5 individus ont des préférences A>B>C ; 20 ont des préférences
A>C>B ; 10 ont des préférences B>C>A ; 20 ont des préférences B>A>C ; 5 ont des préférences
C>A>B, et 15 ont des préférences C>B>A.
1) Si on compare les projets par paire, peut-on dire que A est préféré à B ?
2) Si on compare les projets par paire, peut-on dire que B est préféré à C ?
3) Si on compare les projets par paire, peut-on dire que A est préféré à C ?
4) Les individus votent (scrutin majoritaire simple à un tour) pour le projet qu’ils préfèrent. Combien de
personnes votent respectivement pour les projets A, B et C ? Quel projet est choisi ?
5) Peut-on dire que le projet choisi est indiscutablement préféré aux deux autres ?

3.2. De l’expertise à la recommandation


Il existe deux attitudes possibles de l’économiste : celui-ci peut être un expert (approche positive) ou
celui-ci peut être un conseiller qui fait des recommandations (approche normative).
L’économie positive a trait aux explications objectives ou scientifiques de l’économie. Elle décrit ce qui
est.
L’approche positive est celle du scientifique dépassionné, qui énonce des propositions du type : si cela
change, ceci se produira. Par exemple, si l’Etat diminue suffisamment les cotisations salariales sur les
salaires, alors le salaire net augmentera. C’est un énoncé positif. Mais un Etat a-t-il intérêt a réduire ces
cotisations ? Un conseiller qui fait cette recommandation adopte une approche normative.
L’économie normative donne des prescriptions ou recommandations fondées sur des jugements de valeur
personnels.
Evidemment, la plupart des désaccords entre économistes relèvent de l’économie normative. Il ne faut pas
oublier que la science économique est une science pour l’action. Elle a pour vocation de guider les choix
au niveau individuel mais aussi au niveau de la société. Les choix de politique économique peuvent avoir
des conséquences positives pour les uns et négatives pour les autres. L’apparition de désaccords n’a donc

12
rien d’étonnant. Par exemple, il existe d’importantes dissenssions parmi les économistes sur la nécessité
d’appliquer un impôt sur la fortune.
Cependant, il existe aussi des désaccords portant sur l’économie positive, car il y a des questions
techniques et scientifiques non résolues sur lesquelles un désaccord persiste.

ANNEXE. Rationalité et théorie des jeux : le dilemme du prisonnier


Est-il rationnel d’être rationnel ? Les individus rationnels s’en tirent-ils mieux que les individus
irrationnels ? Cette question mérite réflexion, car la rationalité est une hypothèse fondamentale de la
microéconomie. On peut énoncer les propositions suivantes.
Proposition 1 : un individu irrationnel en interaction avec des individus rationnels prend des décisions
sous-optimales.
L’exemple typique est celui d’une table de Poker où un joueur inexpérimenté (irrationnel) joue contre des
joueurs expérimentés (rationnels) qui prennent des décisions optimales. Dans ces conditions, l’individu
inexpérimenté va se faire « plumer ». Cette proposition justifie cette exhortation à la rationalité que l’on
rencontre en microéconomie.
Proposition 2 : des individus en interaction les uns avec les autres s’en tireront parfois (mais pas
toujours) mieux s’ils se conduisent tous de façon irrationnelle.
On peut illustrer cette proposition à l’aide d’un modèle simple de la théorie des jeux, connu sous le nom
de « dilemme du prisonnier », analysé par John Von Neumann et Oskar Morgenstern dans leur ouvrage
« théorie des jeux et comportements économiques » (1944).
La théorie des jeux cherche à rendre compte des stratégies et des décisions des individus rationnels en
interaction dans un cadre défini par un certain nombre de règles.
Chaque joueur doit résoudre un problème d’optimisation dont la solution dépend de celle que son
adversaire adopte pour son propre problème. Les jeux sont non coopératifs (chaque individu prend sa
décision indépendamment des autres) ou coopératifs (les différents joueurs coopèrent pour prendre la
meilleure décision). Les jeux sont à information complète (chaque joueur connaît ses possibilités d’action,
celles des autres joueurs, la motivation ou préférences des autres joueurs, et les gains de tous les joueurs
dans toutes les situations) ou à information incomplète (il manque au moins une information à un joueur).
Les jeux sont simultanés (tous les joueurs prennent leur décision en même temps) ou séquentiels (les
joueurs prennent leurs décisions les uns après les autres dans un ordre prédéterminé).
Le cadre du dilemme du prisonnier est le suivant : deux individus, A et B, sont accusés d’avoir commis
ensemble un délit et sont interrogés dans des pièces séparées (le jeu est non coopératif, à information
complète et simultané). L’inspecteur expose la situation à chacun d’entre eux de la façon suivante :
 si ton complice avoue mais que tu nies, il aura coopéré et toi non : il sera libéré tandis que tu feras
10 ans de prison.
 si vous avouez tous les deux, la justice sera compréhensive et vous n’aurez qu’une peine de 5 ans.
 si vous refusez de parler tous les deux, vous ferez un an de prison chacun.
Quelle décision chacun des deux individus doit prendre et quelle situation en résulte-t-il ?
Le croisement des décisions possibles de A et B conduit au tableau 1.2. suivant :

Tableau 1.2. Le dilemme du prisonnier


Prisonnier A
NIE AVOUE
NIE 1 an de prison Libéré
Prisonnier B 1 an de prison 10 ans de prison
AVOUE 10 ans de prison 5 ans de prison
Libéré 5 ans de prison
Note : la peine du prisonnier A est en italique dans le tableau.

Si les individus sont rationnels, ils choisissent la stratégie dominante (c’est la stratégie qui donne les
meilleurs résultats, indépendamment des choix des autres joueurs).
Dans le dilemme du prisonnier, chaque individu est dans la même situation. La stratégie dominante est
donc la même pour les deux joueurs. Considérons le joueur A. La stratégie dominante est la stratégie
13
« AVOUE », car elle fait toujours mieux que la stratégie « NIE » (quand le joueur A avoue, il est libéré si
le joueur B nie alors qu’il aurait pris 1 an de prison s’il avait nié ; et il prend 5 ans de prison si le joueur B
avoue alors qu’il aurait pris 10 ans s’il avait nié. Il s’en tire donc toujours mieux en avouant).
Chaque individu opte donc pour la stratégie « AVOUE » et ils sont condamnés tous les deux à 5 ans de
prison. La situation qui en résulte (correspondant à la case inférieure droite du tableau) est un équilibre de
Nash.
L’équilibre de Nash, appelé aussi équilibre non coopératif, correspond à une configuration de stratégies
telles qu’aucun joueur n’a intérêt à modifier sa propre stratégie. Lorsque chaque joueur dispose d’une
stratégie dominante, il choisit cette stratégie et la situation qui en résulte est forcément un équilibre de
Nash (car aucun joueur ne va regretter d’avoir choisi sa stratégie).
Dans la configuration du dilemme du prisonnier, les individus qui se conduisent de façon rationnelle
écopent tous deux d’une peine de cinq ans, ce qui correspond à un équilibre sous-optimal, car l’optimum
de Pareto est représenté par la case supérieure gauche (chacun des joueurs fait 1 an de prison).
Imaginons à présent que les deux individus facent un choix irrationnel et nient. Alors ils font un an de
prison, et sont dans une meilleure situation (Pareto-optimale) que s’ils s’étaient conduits tous deux de
façon rationnelle. Dans ce cas de figure, deux individus irrationnels s’en tirent mieux que deux individus
rationnels !
Malheureusement, cet optimum de Pareto n’est pas un équilibre, car chacun des deux individus qui aura
pris la décision de nier va ensuite le regretter. En effet, l’individu A qui aura pris 1 an de prison va se dire
que s’il avait avoué, il aurait été libéré. Et l’individu B fera le même raisonnement. Avant de prendre leur
décision, les individus, s’ils sont rationnels, sont conscients qu’ils vont regretter ensuite leur décision et
modifient donc leur stratégie pour décider finalement d’avouer. Il faut bien comprendre que la stratégie
qui consiste à nier est irrationnelle, et qu’il faut que les deux joueurs soient irrationnels pour prendre
simultanément cette même décision.

Analyse du document
Quelles sont les deux attitudes possibles de l’économiste ?
Qu’est-ce que l’économie positive ?
Qu’est-ce que l’économie normative ?
Gagne-t-on forcément à être rationnel ?
Qu’est-ce que la théorie des jeux décrit ?
A quelle catégorie de jeux le dilemme du prisonnier appartient-il ?
Qu’est-ce qu’une stratégie dominante ?
Dans le dilemme du prisonnier, pourquoi la stratégie « AVOUE » est-elle la stratégie dominante de
chaque joueur ?
Qu’est-ce qu’un équilibre de Nash ?
Dans le dilemme du prisonnier, l’équilibre de Nash est-il Pareto-optimal ?
Quelle est la situation Pareto-optimale dans le dilemme du prisonnier ?
La situation Pareto-optimale dans le dilemme du prisonnier est-elle un équilibre de Nash ?
Vous devez régler vos comptes avec une personne que vous détestez. Vous vous donnez rendez-vous dans
un endroit discret. Vous avez le choix d’y aller désarmé ou d’y aller avec une arme à feu. Vous tenez le
raisonnement suivant : si j’y vais désarmé et qu’il arrive lui aussi désarmé je cours un risque limité. Si
j’y vais armé et qu’il arrive désarmé, je ne cours aucun risque. Si c’est le contraire, le risque que cela se
passe mal pour moi est maximal. Si nous arrivons armés tous les deux, le risque que cela se passe mal
pour moi est important. L’autre individu tient le même raisonnement et vous le savez. En l’absence de
coopération, qu’avez-vous intérêt à faire pour limiter les risques et quelle situation en résulte-t-il ?
Répondez en contruisant un tableau qui croise les stratégies des deux individus.

14
CHAPITRE II. Les fondements de l’analyse économique :
l’arbitrage et l’échange

1. L’arbitrage : une comparaison avantages/coûts


La décision économique est fondée sur un principe simple connu de tous : la comparaison
avantages/coûts.

1.1. Le coût d'opportunité


La notion de coût est essentielle pour les économistes qui ont coutume de dire qu’« il n’existe pas de
repas gratuit ». Cet adage signifie que toute activité économique à un coût. C’est la conséquence logique
du mode d’appréhension du réel prôné par l’analyse économique qui met en exergue la contrainte de
rareté.

Encadré. L’origine des « repas gratuits » : le « couvert vacant » de Robert Malthus


Thomas Robert Malthus (1766-1834) est un économiste anglais de l’école « classique » et prêtre de
l’Eglise anglicane. C’est la lecture d’Adam Smith qui l’a attiré vers l’économie politique. Malthus est un
économiste pessimiste, pour qui la population croît à un rythme bien plus rapide que la production
(notamment des biens alimentaires). Dans son essai sur le principe de population (1798), Malthus écrit :
« Si elle n’est pas freinée, la population s’accroît en progression géométrique. Les subsistances ne
s’accroissent qu’en progression arithmétique ».
Il pose les bases du principe du contrôle des naissances dans un monde où les ressources alimentaires sont
de plus en plus rares. Il ajoute, avec le fameux passage du banquet (qu’il a supprimé dans les dernières
éditions de son ouvrage) :
« Un homme qui est né dans un monde déjà possédé, s’il ne lui est pas possible d’obtenir de ses parents
les subsistances qu’il peut justement leur demander, et si la société n’a nul besoin de son travail, n’a
aucun droit de réclamer la moindre part de nourriture, et, en réalité, il est de trop. Au grand banquet de
la nature, il n’y a point de couvert vacant pour lui (…). »

L’allocation des ressources rares implique de faire des choix. Pour obtenir quelque chose, il faut donc
renoncer à autre chose. Le coût d’opportunité mesure la valeur de ce à quoi on a renoncé (lorsqu’il y a
plus de deux options possibles, le coût d’opportunité est la valeur de la meilleure des autres options
auxquelles on a renoncées).
Si une entreprise est capable, au choix, d’embaucher un salarié à temps complet ou de louer un local, le
coût d’opportunité associé à l’embauche du salarié est le local auquel l’entreprise a renoncé.
Les prix relatifs des biens et des ressources permettent de mesurer assez simplement les coûts
d’opportunité auxquels font face les consommateurs et les producteurs (c’est la raison pour laquelle en
microéconomie on s’intéresse aux prix relatifs, ou rapports de prix, et non pas aux prix monétaires). Si un
café vaut 0,75 € et un soda 1,50 €, alors l’individu qui choisit de prendre un soda renonce du même coup
à deux cafés. Le prix relatif du soda en termes de café, égal à 2 (1,50/0,75), peut s’interpréter comme le
coût d’opportunité associé à la consommation du soda. Le coût d’opportunité associé à la consommation
de café vaut bien sûr 0,5.
Attention : l’inverse d’un coût d’opportunité est aussi un coût d’opportunité !! Il faut donc faire très
attention à la façon dont on mesure le coût d’opportunité.

1.2. Le raisonnement à la marge


Les choix ne sont généralement pas entre tout et rien. Le plus souvent, il s’agit plutôt de
déterminer jusqu’où aller dans une activité : quelle quantité consommer ou produire ? La décision
économique revient alors au choix de faire un peu plus ou un peu moins. La comparaison se fait
entre le supplément de coûts et le supplément d’avantages liés à une inflexion du choix. C’est le
principe du raisonnement à la marge qui joue un rôle directeur dans l’analyse des comportements
économiques.
15
Le raisonnement à la marge est un calcul « variation du gain /variation du coût » associé à la
modification marginale (de faible importance) d’une allocation. La variation du gain est appelée gain
marginal, alors que la variation du coût est appelée coût marginal (à la place du gain, on peut aussi parler
de revenu).
Si la modification marginale d’une allocation implique un gain marginal plus grand que le coût marginal,
alors cette modification est adoptée. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque le coût marginal est plus
grand que le gain marginal, cette modification est rejetée. Lorsque les ressources sont infiniment
divisibles, toutes les modifications marginales profitables (gain marginal > coût marginal) sont
entreprises jusqu’à atteindre un optimum où le gain marginal est égal au coût marginal.
L’optimum est donc caractérisé par l’égalité : gain marginal = coût marginal.

Encadré. Malthus versus Mao Zedong


Mao zedong (1893-1976) ou 毛泽东 en chinois simplifié, le fondateur de la République populaire de
Chine, avait pour coutume de dire « qu’une bouche à nourrir, c’est deux mains de plus au travail ». La
croissance de la population a ainsi un gain : le travail que chaque individu peut accomplir (les deux mains
au travail), mais aussi un coût : les frais de subsistance (la bouche à nourrir).
Pour Mao zedong, le gain marginal associé à une vie supplémentaire l’emporte sur son coût marginal. Il
eut ainsi (au moins) douze enfants. Pour Malthus, le coût de subsistance va devenir de plus en plus élevé,
car les ressources alimentaires vont devenir de plus en plus rares. Pour lui, le coût marginal d’une vie
supplémentaire est supérieur à son gain marginal, et il faut donc contrôler les naissances. Lui-même n’eut
que trois enfants, ce qui était assez peu pour son époque.
Après la mort de Mao zedong, la Chine est devenue malthusienne, puisqu’elle a mis en place de 1979 à
2015 la politique de l’enfant unique. Le contrôle des naissances était ainsi devenue une politique
fondamentale de la Chine, dans un pays où la croissance alors très rapide de la population impliquait un
coût marginal très élevé. Après 2015, la politique de planification des naissances fixe le nombre de
naissances à deux par famille.

Analyse de document
Quel est le type de ressources qui devait devenir de plus en plus rare d’après Malthus ?
Qu’est-ce que le coût d’opportunité ?
Qu’est-ce qu’un prix relatif ?
Si un café vaut un euro et un croissant deux euros, quel est le coût d’opportunité associé à la
consommation d’un croissant (en termes de café) ?
Si un bien vaut plus cher qu’un autre, son coût d’opportunité associé à la consommation de l’autre bien
est-il supérieur à 1 ou inférieur à 1 ?
Qu’est-ce que le raisonnement marginal ?
Qu’est-ce que le revenu marginal ?
Qu’est-ce que le coût marginal ?
Un producteur a déjà produit 20 000 paires de gants, vendues à 10 euros la paire sur le marché. Le
producteur a la possibilité de produire 10 paires de gants supplémentaires, mais le coût marginal associé
à cette production de 10 paires de gants est de 120 euros. Le producteur doit-il produire ces 10 paires de
gants supplémentaires ?
Lorsque les ressources sont infiniment divisibles, à quoi le revenu marginal est-il égal lorsqu’on a épuisé
toutes les possibilités de gains et qu’on ne fait pas de perte ?
Pourquoi d’après-vous la Chine a-t-elle renoncé à la politique de l’enfant unique en 2015 ? Répondez à
cette question en utilisant les concepts économiques adéquats.

1.3. Application : la frontière des possibilités de production


Considérons une économie qui ne peut produire que de l’essence ou du fioul industriel.
Les points bleus apparaissant dans la figure 2.1. appartiennent à la frontière des possibilités de production
(les quantités d’unités produites sont précisées dans le tableau de droite).

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Figure 2.1. Un exemple de frontière des possibilités de production

Exercice.
1) Si l’économie concentre toutes ses capacités dans la production d’essence, quel point de la frontière
atteint-elle ? A quelle combinaison de biens ce point correspond-t-il ?
2) Cette combinaison est-elle efficace ?
3) Si l’économie concentre toutes ses capacités dans la production de fioul, quel point de la frontière
atteint-elle ? A quelle combinaison de biens ce point correspond-t-il ?
4) Cette combinaison est-elle efficace ?
5) Laquelle des deux combinaisons précédente vaut-il mieux produire ?
6) La combinaison A est-elle réalisable ? Et la combinaison C ?
7) Quelles sont les combinaisons inefficaces ?
8) Considérons la combinaison efficace E (première ligne du tableau) et la combinaison efficace
correspondant à la deuxième ligne du tableau (10 unités de fioul et 121,5 unités d’essence). Lorsqu’on
passe de la combinaison 1 (ou E) à la combinaison 2, on produit combien de fioul en plus et combien
d’essence en moins ?
9) A partir des valeurs calculées à la question précédente, on forme le rapport 3,5/10. Ce rapport s’appelle
un taux marginal de transformation (TMT). D’un point de vue mathématique, à quoi correspond ce
rapport (connaissance de mathématiques de niveau collège sur les droites) ? Et d’un point de vue
économique, à quoi peut-il correspondre ?
10) D’après vous, sans faire aucun calcul, le TMT correspondant au passage de la combinaison efficace
n°2 à la combinaison efficace n°3 (troisième ligne du tableau) va-t-il être plus grand ou petit que le TMT
précédent ? A quoi cela est-il dû (explication mathématique) ?
11) D’un point de vue économique, comment s’explique le signe de la variation du TMT que vous avez
observé à la question précédente ?
12) Supposons que le prix d’une unité de fioul soit de 51 euros et celui d’une unité d’essence de 68 euros
(on remarque que 51/68 = 0,75). Placez-vous sur la combinaison n°1 et demandez-vous : cela vaut-il le

17
coût de passer à la combinaison n°2 ? Pour répondre à la question, vous devez calculer ce que ce passage
vous fait gagner (revenu marginal) et ce qu’il vous fait perdre (coût marginal).
13) Le calcul que vous avez fait à la question précédente revient en fait à comparer le TMT (3,5/10) au
prix relatif (0,75). Expliquez pourquoi.
14) Est-il avantageux de passer de la combinaison n°2 à la combinaison n°3 ? Répondez en comparant le
TMT au prix relatif.
15) Est-il avantageux de passer de la combinaison n°3 à la combinaison n°4 ? Répondez en comparant le
TMT au prix relatif.
16) Est-il avantageux de passer de la combinaison n°4 à la combinaison n°5 ? Répondez en comparant le
TMT au prix relatif.
17) Notons x la quantité produite de fioul et y la quantité d’essence. Le revenu national tiré de la
production d’une combinaison (x,y) est donc 51x + 68y. D’après vous, sans faire aucun calcul, quelle est
la particularité de ce revenu quand on le calcule en prenant les valeurs de x et y correspondant aux
combinaisons 3 et 4 ?
18) Supposons que les quantités produites de fioul et d’essence soient parfaitement divisibles (ainsi que
les ressources) de sorte que la frontière des possibilités de production soit continue. Cette frontière
continue passe alors par les combinaisons indiquées dans le tableau et représentées par des losanges bleus
sur le graphe. Elle comprend une infinité de points qui sont autant de combinaisons efficaces. D’après
vous, dans quelle zone de la frontière la combinaison optimale se trouve-t-elle (la combinaison qui
maximise le revenu) ?
19) Si le prix du fioul augmente (alors que celui de l’essence reste le même), quel effet cela va-t-il avoir
sur la combinaison optimale (dans quel sens se déplace-t-elle le long de la frontière) ?
20) Notons x le nombre d’unités de fioul produites et y le nombre d’unités d’essence produites. La
frontière des possibilités de production est le graphe de la fonction y = f(x) définie sur le domaine D
délimité par x ≥ 0 et f (x)≥ 0 (dans notre exemple D correspond à [0 ; 100]). La fonction f est supposée
dérivable. Considérons un point ( x 0 , y 0 ) quelconque de la frontière. Si vous vous déplacez de façon infime
sur la frontière (peu importe si c’est vers la droite ou la gauche), à quoi correspond mathématiquement le
TMT associé au passage d’une combinaison à l’autre ?
21) La frontière de cet exercice est en fait construite à l’aide de la fonction f suivante :
2
f ( x )=−0 , 01 x −0 , 25 x+ 125
Déterminez la dérivée f ' ( x ) de cette fonction sur le domaine D et déduisez-en le TMT.
22) Si l’économie produit x = 24 unités de fioul, combien d’unités d’essence y peut-elle produire au
maximum ?
23) La combinaison identifiée à la question précédente est-elle optimale ? Dans le cas contraire, produit-
on trop ou pas assez de fioul ?
24) Déterminez la combinaison optimale d’essence et de fioul qu’il faut produire dans cette économie
compte tenu des prix observés.

Encadré. La frontière des possibilités de production : les résultats à connaître


Soient x et y les quantités de deux biens qu’il est possible de produire. La fonction y = f(x) définie sur le
domaine D délimité par x ≥ 0 et f (x)≥ 0 permet de définir la quantité maximale y qu’il est possible de
produire du second bien quand on produit la quantité x du premier bien. On suppose que la fonction f est
dérivable. Le graphe de cette fonction dans le plan (x, y) est la frontière des possibilités de production.
On note p x le prix d’une unité du bien x et p y le prix d’une unité du bien y.
Le Taux Marginal de Transformation (TMT) défini en un point de la frontière correspond à la valeur
absolue de la pente de la frontière en ce point. D’un point de vue économique, le TMT désigne le nombre
d’unités (infimes) du bien y qu’il faut sacrifier pour produire une unité (infime) supplémentaire du bien x.
On peut aussi dire que c’est le nombre d’unités du bien y que l’on produit en plus en renonçant à la
production d’une unité du bien x.
Le TMT du bien x en bien y est défini mathématiquement par :
TMT( x , y ) = −f ' ( x ) où x ∈ D .

18
La valeur du TMT est de plus en plus élevée à mesure que x augmente (en raison de la concavité de la
frontière).
Définissons la combinaison optimale (x*, y*) comme la combinaison de biens réalisables qui permet de
maximiser le revenu national p x x + p y y .
px
Propriété : la combinaison optimale (x*, y*) est caractérisée par l’égalité TMT(x*, y*) = .
py

Analyse du document
Qu’est-ce que le taux marginal de transformation (définition économique) ? Comment est-il défini
mathématiquement ?
Que vaut le TMT de la combinaison optimale (qui maximise le revenu) ?

Exercice.
On reprend les données de l’exercice précédent où x est le fioul et y l’essence. Le prix d’une unité de
fioul est p x =¿51 et celui d’une unité d’essence p y = 68. Le revenu national vaut donc R = 51x + 68y. On
rappelle que la frontière des possibilités de production est donnée par :
2
y=f ( x )=−0 , 01 x −0 ,25 x +125.
1) Le revenu R peut être calculé pour n’importe quelle valeur de (x, y). Expliquez pourquoi cela n’a pas
de sens de calculer R pour des combinaisons inaccessibles.
2) Expliquez pourquoi la combinaison qui maximise le revenu est forcément efficace.
3) Réécrivez le revenu R en utilisant le fait que les ressources sont utilisées efficacement.
4) Le graphe de la fonction R(x) prend quelle forme ?
−b
5) On rappelle que l’extremum d’une fonction de second degré a x 2 +bx +c est atteint en x= . Pour
2a
quelle valeur de x le revenu est-il maximisé ?

Exercice.
On peut produire dans une économie les quantités x et y de deux biens, dont les prix sont p x =100et p y =5
. La frontière des possibilités de production est donnée par la fonction : y=f ( x )=−x 2−10 x+ 115, définie
sur le domaine D délimité par x ≥ 0 et f (x)≥ 0.
1) Que vaut la dérivée f ' (x)?
2) La production de 10 unités (pour x) est-elle optimale ?
3) Quelle est la valeur de x qui égalise le TMT au rapport des prix ?
4) Déduisez-en la combinaison optimale.
5) Ecrivez le revenu R en utilisant le fait que les ressources sont utilisées efficacement.
6) En utilisant les propriétés d’une fonction de second degré, montrez que la combinaison qui maximise le
revenu est bien la combinaison identifiée à la question 4.

2. Spécialisation et échange
L’histoire économique des échanges de biens et services entre pays montre que le commerce profite
potentiellement à toutes les nations participantes, même si c’est de manière différenciée, même si le
commerce international est susceptible d’engendrer des déséquilibres et de créer des problèmes pour des
pays ou des groupes de personnes dans ces pays. Ces flux commerciaux existent en raison de la
spécialisation des pays dans certaines activités.
Il y a deux raisons pour lesquelles les pays peuvent se spécialiser. D’abord, la spécialisation peut être
en soi un facteur d’amélioration des capacités productives : « c’est en forgeant que l’on devient
forgeron». Si les coûts de production diminuent lorsqu’on produit davantage, alors les pays ont intérêt à
exploiter l’avantage qui en résulte et à se spécialiser. Cependant, dans de nombreux secteurs, les coûts de
production ne diminuent pas quand on produit davantage, et pourtant certains pays acceptent de se
spécialiser dans ces activités. C’est parce que ces pays disposent d’un avantage « inné » dans ces
activités. C’est ce qu’explique la loi de l’avantage relatif.

19
2.1. La loi de l’avantage relatif (ou de l’avantage comparatif)
Les pays ont différentes dotations en facteurs de production (ils n’ont pas les mêmes terres, les mêmes
travailleurs, etc), n’ont pas les mêmes ressources naturelles (comme le pétrole) et sont soumis à des
conditions exogènes différentes (comme les conditions climatiques). Cela implique que les coûts de
production d’un même bien varient d’un pays à un autre.
Quand un pays peut produire un bien à moindre coût qu’un autre (pays), on dit qu’il a un avantage absolu
dans la production de ce bien.
Adam Smith développe la loi de l’avantage absolu dans La richesse des nations en expliquant que les
pays ont intérêt à se spécialiser dans l’activité où ils ont un avantage absolu. Considérez deux pays A et B
qui produisent deux biens x et y. Si A a l’avantage absolu dans la production de x et B l’avantage absolu
dans la production de y, alors A se spécialise dans la production de x et B dans la production de y, et le
pays A exporte le bien x vers B et importe de B le bien y.
Le problème de la théorie (ou loi) de l’avantage absolu est qu’elle ne permet pas de comprendre ce que
l’on observe pourtant dans la réalité : un pays qui a l’avantage absolu dans tous les secteurs sur un autre
pays échange avec celui-ci. De surcroît, les deux pays se spécialisent dans un secteur. C’est David
Ricardo, dans son ouvrage Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817), qui donne l’explication
de ce phénomène en développant la loi de l’avantage relatif (ou comparatif).
Le tableau 2.1. considère deux pays (Angleterre et Portugal) capables de produire deux biens (drap et
vin), comme dans l’exemple originel considéré par David Ricardo. Il décrit les conditions de production
en indiquant le nombre d’heures de travail pour produire une unité de chaque bien dans chaque pays.

Tableau 2.1. Coûts de production du drap et du vin en Angleterre et au Portugal


Bien Drap (à l’unité) Vin (baril de 50l)
Pays
Angleterre 100 200
Portugal 80 40
Note : le coût de production d’un bien correspond au nombre d’heures de travail pour produire une unité du bien.

Dans l’exemple du tableau 2.1., le Portugal a l’avantage absolu sur l’Angleterre dans la production de
drap et dans la production de vin. Pourtant l’Angleterre a l’avantage relatif dans la production d’un des
deux biens.
Effectivement, le coût (d’opportunité) du drap par rapport au vin est de 0,5 (100/200) en Angleterre alors
qu’il est de 2 (80/40) au Portugal. Ainsi, l’Angleterre possède un avantage relatif (ou comparatif) sur le
Portugal dans la production de drap, car le drap y est relativement meilleur marché.
Par ailleurs, le coût d’opportunité du vin par rapport au drap est de 0,5 (40/80) au Portugal alors qu’il est
de 2 (200/100) en Angleterre. Ainsi, le Portugal possède un avantage relatif sur l’Angleterre dans la
production de vin.
Un pays a un avantage relatif dans la production d’un bien sur un autre pays si son coût d’opportunité est
inférieur.
Dans le cas de deux pays et deux biens, chaque pays dispose forcément d’un avantage relatif dans la
production d’un des deux biens. Sur cette base, nous pouvons établir la loi de l’avantage relatif (certains
auteurs préfèrent parler de théorie de l’avantage relatif) : chacun des deux pays a intérêt à se spécialiser
dans la production du bien où le coût d’opportunité est plus faible que celui de l’autre pays.

Analyse du document
Quelles sont les deux raisons pour lesquelles les pays ont intérêt à se spécialiser dans la production de
certains biens et services ?
Pourquoi les coûts de production d’un même bien varient-ils d’un pays à un autre ?
Sous quelle condition un pays présente-t-il un avantage absolu sur un autre pays dans la production d’un
bien ?
Quel auteur a développé la théorie de l’avantage absolu ?
Qu’est-ce que préconise la loi de l’avantage absolu ?
20
Quelle limite présente la théorie de l’avantage absolu ?
Quel auteur a développé la théorie de l’avantage comparatif ?
Qu’est-ce que la loi de l’avantage relatif ?
Considérons le tableau 2.1. Le coût du drap en termes de vin est de 0,5 en Angleterre. Mais qu’est-ce que
cela signifie concrètement ?
Considérons deux pays et deux biens. Si un pays a l’avantage absolu dans un secteur mais pas dans
l’autre, mais qu’il a l’avantage relatif dans les deux secteurs, dans quel secteur a-t-il intérêt à se
spécialiser (attention question piège !) ?
Considérons deux pays et deux biens. Si un pays a l’avantage absolu dans un secteur mais pas dans
l’autre, a-t-il aussi l’avantage relatif dans ce secteur ?

Exercice.
Le tableau 2.2. présente les coûts de production de deux pays dans le secteur du blé et du tissu.

Tableau 2.2. Coûts de production du blé et du tissu dans deux pays


Bien Blé (en Kg) Tissu (en m)
Pays
Pays A 2 10
Pays B 4 6
Note : le coût de production d’un bien correspond au nombre d’heures de travail pour produire une unité du bien.

1) Quel pays a l’avantage absolu dans la production de blé ? Et dans la production de tissu ?
2) Combien vaut le coût d’opportunité du tissu en termes de blé dans le pays A ? Combien ce coût
d’opportunité vaut-il dans le pays B ?
3) D’après les réponses données au 2), quel pays a l’avantage relatif dans la production de blé ? Et lequel
a l’avantage relatif dans la production de tissu ?
4) Qu’observe-t-on en rapprochant les réponses données aux questions 1 et 3 ?

Attention à la présentation des données : parfois les statistiques se présentent sous la forme de
productivités et non pas de coûts. Si dans un pays, la productivité dans un secteur y est plus grande qu’à
l’étranger, alors ce pays dispose d’un avantage absolu dans ce secteur. De la même façon, l’avantage
relatif dans un secteur revient au pays qui présente la productivité relative la plus grande. Considérons le
tableau 2.3. qui présente la productivité de deux pays dans deux secteurs.

Tableau 2.3. Productivité horaire du travail en Angleterre et au Portugal dans deux secteurs
Bien A (à l’unité) B (à l’unité)
Pays
Angleterre 50 300
Portugal 40 120
Note : la productivité horaire du travail correspond à la quantité de biens que l’on peut peut produire en une heure de travail.

1) Quel pays a l’avantage absolu dans la production du bien A ? Et dans la production du bien B ?
2) Combien vaut, en Angleterre, la productivité dans le secteur du bien B relativement à la productivité
dans le secteur du bien A ? Et au Portugal ?
3) D’après les réponses données au 2), quel pays a l’avantage relatif dans la production du bien A ? Et
lequel a l’avantage relatif dans la production du bien B ?
4) Combien vaut en Angleterre le coût d’opportunité du bien B (en termes de bien A) ? Combien vaut ce
même coût au Portugal ?

2.2. Les gains de l’échange


La spécialisation et l’échange répondent aux intérêts des différents pays à condition que le prix des
marchandises ne soit pas trop élevé pour ceux qui vont les importer et pas trop faibles pour ceux qui vont
les exporter.
21
Reprenons les données du tableau 2.2. Dans le pays A, le coût du tissu en termes de blé vaut 5, alors qu’il
vaut 1,5 dans le pays B. C’est le pays B qui doit donc se spécialiser dans la production de tissu (et le pays
A se spécialise dans la production de blé). Le pays B doit donc exporter du tissu et importer du blé et
inversement pour le pays A. Mais à quel prix (relatif) l’échange pourra-t-il se faire et profiter aux deux
pays ?
Notons p le prix du tissu en termes de blé (égal au rapport « prix du tissu/prix du blé »). La spécialisation
et l’échange sont profitables aux deux pays à condition que le prix relatif soit dans l’intervalle : 1,5 < p <
5.
Un prix relatif supérieur à 5 est exclu, car le pays A qui doit importer du tissu le paierait alors à un prix
relatif supérieur à son coût d’opportunité. Imaginons que le prix p soit de 10. Alors le pays A doit
renoncer à 10 unités de blé pour acheter une unité de tissu, alors que si le pays A décide de produire lui-
même son tissu il ne doit renoncer qu’à 5 unités de blé pour disposer d’une unité de tissu.
Un prix relatif inférieur à 1,5 est exclu, car le pays B qui doit exporter du tissu le vendrait alors à un prix
relatif inférieur à son coût d’opportunité. Imaginons que le prix p soit de 1. Alors le pays B lorsqu’il vend
une unité de tissu ne reçoit qu’une unité de blé, alors que si le pays B décide de produire lui-même son
blé, il obtient 1,5 unité de blé lorsqu’il renonce à une unité de tissu.
Pour être profitable, l’échange doit donc se faire à un prix relatif p compris entre 1,5 et 5. Plus p et proche
de 5, et plus l’échange est profitable à B (et moins il l’est à A). A la limite, si p = 5, le pays B capte tous
les gains de l’échange (nés de la spécialisation des deux pays), et le pays A n’est ni perdant, ni gagnant.
Au contraire, plus p est proche de 1,5 , et plus l’échange est profitable à A (et moins il l’est à B). A la
limite, si p = 1,5, le pays A capte tous les gains de l’échange (nés de la spécialisation des deux pays), et le
pays B n’est ni perdant, ni gagnant.

2.3. Les limites de la spécialisation et du commerce


La théorie de l’avantage comparatif possède une première limite évidente : elle néglige les coûts de
transaction qu’implique le commerce international. Un pays qui possède par exemple l’avantage relatif
dans la production de parpaings ne va sans doute pas pouvoir se spécialiser dans sa fabrication, en raison
des coûts de transport importants liés au caractère pondéreux du bien.
En l’absence de tels coûts de transaction, la loi de l’avantage comparatif suggère-t-elle que les pays
doivent se spécialiser entièrement dans le secteur où ils ont l’avantage relatif ? La réponse est négative,
pour au moins deux raisons.
D’abord, en raison de coûts croissants, la plupart des pays perdent leur avantage s’ils produisent trop du
bien pour lequel ils ont un avantage. Si on considère le tableau 2.3., les coûts croissants impliquent que la
productivité est décroissante. Donc si l’Angleterre déplace des heures de travail du secteur A vers le
secteur B, alors la productivité va baisser dans le secteur B et augmenter dans le secteur A. Et si le
Portugal fait l’inverse, sa productivité augmente dans le secteur B et diminue dans le secteur A. Les
réallocations de facteurs de production entre les secteurs ont ainsi tendance à faire disparaître les
avantages comparatifs. Cette seule raison explique que la spécialisation soit partielle.
Ensuite, il est possible qu’un pays de taille modeste possède l’avantage relatif pour la production d’un
bien qui est très demandé à l’échelle mondiale. Si ce pays n’a pas les ressources pour produire tout ce qui
est demandé à l’échelle mondiale, les autres pays n’auront pas d’autre choix que de continuer à produire
ce bien et donc à ne pas se spécialiser complètement.

2.4. Quel rôle pour la monnaie ?


Les pays se spécialisent et échangent entre eux en raison du profit qu’ils en retirent. Pour la même raison,
les individus se spécialisent et échangent entre eux. A l’échelle de la nation ou des individus, les biens ne
s’échangent cependant pas contre d’autres biens ; ils s’échangent contre de la monnaie.
La monnaie peut être définie comme un moyen de paiement accepté par tous comme contrepartie dans
l’échange (marchand).
Depuis Aristote, les économistes ont l’habitude de dire que la monnaie remplit trois fonctions. La
monnaie sert d’abord d’intermédiaire dans les échanges. C’est sa fonction essentielle, celle de moyen de
paiement. La monnaie possède aussi une fonction d’unité de compte ou d’étalon des valeurs (on parle
aussi de numéraire). Tout comme le mètre sert d’unité de mesure des distances, la monnaie sert d’unité de
22
mesure de la valeur des marchandises. Enfin, la monnaie remplit une troisième fonction : c’est une
réserve de valeur. Si vous retirez 50 euros à un distributeur automatique, ce n’est pas forcément pour les
dépenser immédiatement.
Cette troisième fonction est extrêmement importante car elle permet de comprendre que si vous vendez
une marchandise, vous n’êtes pas obligé d’en racheter une autre immédiatement avec le produit de votre
vente. La monnaie vous permet de reporter votre achat. Ainsi, l’irruption de la monnaie dans la vie
économique introduit une rupture dans cette vision qui veut que les marchandises s’échangent contre des
marchandises.
Alors que la monnaie occupe une place primordiale dans le fonctionnement de nos économies, elle est
absente des modèles de base de la microéconomie. Comment justifier cette absence ?
On peut d’abord justifier cette absence à la façon des économistes classiques, en disant qu’à long terme la
monnaie est dépensée et donc que les marchandises s’échangent contre des marchandises. Pour Jean-
Baptiste Say, la monnaie est un voile, et son existence ne modifie pas l’échange. La monnaie n’aurait
alors aucune influence sur la vie économique réelle. Elle est dite neutre.

Encadré. La loi des débouchés de Jean-Baptiste Say


Jean-Baptiste Say (1767-1832), économiste classique français, publie la première édition de son Traité
d’économie politique en 1803. Ayant refusé de réécrire certains chapitres de son ouvrage à la demande de
Napoléon Bonaparte, son ouvrage n’est édité qu’à un faible nombre d’exemplaires. C’est après la
première abdication de Napoléon en 1814 que Jean-Baptiste Say publie la seconde édition de son
ouvrage, remaniée, et qui est la plus connue. Il y énonce la fameuse loi des débouchés, connue aussi sous
le nom de « loi de Say ». C’est John Maynard Keynes, grand détracteur de Say, qui a donné ce nom de
« loi des débouchés » à la théorie de Say.
Cette loi des débouchés affirme simplement que toute offre crée sa propre demande. Ainsi, tout ce qui est
produit est consommé (ou investi), ou selon les mots de Say : « C’est la production qui ouvre des
débouchés aux produits ». Pour Say, l’économie s’autorégule et les flux de demande et d’offre
s’équilibrent à long terme.
John Maynard Keynes a fortement critiqué Say, en indiquant que les crises sont possibles si les individus
épargnent trop, l’épargne constituant une fuite à court terme dans le système économique, puisqu’on peut
l’assimiler à de la non-consommation. Cependant, les banques et les marchés financiers vont faire circuler
l’épargne financière et bancaire (l’argent placé sur les marchés financiers ou sur des comptes dits
« d’épargne »). L’épargne des uns va ainsi servir à terme à financer la consommation et les
investissements des autres. Quant à l’épargne monétaire (l’argent liquide ou l’argent disponible sur un
compte-chèque), elle a vocation à être dépensée. Ainsi, l’épargne (financière, bancaire ou monétaire)
n’est que de la consommation différée, et à long terme il ne peut pas y voir de crise.

L’hypothèse de neutralité de la monnaie est acceptée par la plupart des économistes si on se place dans
une perspective de long terme. Comme les modèles d’équilibre de la microéconomie sont des modèles de
long terme (au premier sens défini dans l’encadré qui suit), il est cohérent de simplifier l’analyse en
faisant disparaître la monnaie de ces modèles et en supposant que les marchandises s’échangent contre
des marchandises.

Encadré. L’opposition court terme/long terme


Les économistes parlent souvent de « court terme » ou de « long terme ». Mais à quoi se réfèrent-ils
lorsqu’ils emploient ces expressions ? L’idée générale est que certains ajustements réalisables à long
terme ne le sont pas à court terme. Selon la nature de ces ajustements, les économistes donnent (au moins)
deux définitions (1 et 2) du long terme et du court terme.
1. Le long terme est la période nécessaire pour que les ajustements nécessaires à la restauration (ou
instauration) de l’équilibre se réalisent. Par opposition, le court terme est une période trop courte pour que
ces ajustements se réalisent. Ainsi, à court terme, des déséquilibres peuvent apparaître, alors qu’à long
terme les marchés sont forcément à l’équilibre.

23
C’est en ce sens que l’économiste le plus célèbre du XX ème siècle (John Maynard Keynes) opposait le
court terme (marqué par d’importants déséquilibres) au long terme (le temps de l’équilibre). La théorie de
l’équilibre développée par les classiques était selon Keynes d’un intérêt minime pour comprendre les
problèmes de court terme de son époque. C’est le sens de sa célèbre citation : « À long terme, nous
sommes tous morts. Les économistes s’adonnent à une tâche trop facile, trop primitive, si, dans la saison
des tempêtes, ils nous annoncent seulement que, lorsque l’orage sera terminé, l’océan retrouvera son
calme » (tiré de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936).
2. Le long terme est la période nécessaire pour que tous les ajustements à une variation de prix se
produisent ; à long terme les entreprises peuvent modifier la quantité de capital disponible (grâce à
l’investissement)3 et les ménages peuvent modifier la quantité (et le type) de biens durables à leur
disposition. A court terme, tous les ajustements nécessaires à une variation de prix ne se produisent pas.
Les quantités de capital et de biens durables ne peuvent pas être ajustés (ou imparfaitement).
Par exemple, si le prix du pétrole augmente considérablement, à court terme les individus ne peuvent pas
tous changer de voiture et les producteurs de pétrole ne peuvent pas immédiatement exploiter de
nouveaux gisements, car les investissements nécessaires demandent du temps. A long terme, si le prix du
pétrole augmente, les ménages optent pour des véhicules plus économiques et les producteurs de pétrole
exploitent de nouveaux gisements.
La microéconomie, qui est essentiellement une théorie de l’équilibre, entend l’opposition court
terme/long terme au sens 2. On oppose ainsi en microéconomie l’équilibre de court terme à l’équilibre de
long terme.

Il existe une seconde façon de justifier l’absence de la monnaie dans les modèles (de base) de la
microéconomie : c’est de considérer qu’il existe un marché de la monnaie tout comme il existe un marché
pour chaque bien. Alors la monnaie n’est pas absente de ces modèles, mais elle y joue un rôle qui est
minimisé, la fonction de la monnaie étant ramené aux services qu’elle rend à ses utilisateurs. La monnaie
vous rend un service de liquidité tout comme votre brosse à dents vous rend un service hygiénique. Vous
détenez alors la monnaie pour ce service qu’elle vous rend, comme tout autre bien économique. Il existe
alors un marché de la monnaie, avec ses offreurs (le système bancaire) et ses demandeurs (tous les agents
non bancaires qui l’utilisent). Et ce marché co-existe aux côtés de tous les autres marchés de biens et
services. Les marchés s’autorégulent, de façon qu’il y ait égalité de l’offre et de la demande sur tous les
marchés, y compris sur le marché de la monnaie.

Analyse du document
Pour que l’échange soit profitable aux deux pays qui se spécialisent selon la théorie de l’avantage relatif,
comment doit être fixé le prix relatif d’un bien en termes d’un autre bien ?
Quelle limite « évidente » la théorie de l’avantage relatif présente-t-elle ?
Pourquoi les pays ne se spécialisent-ils pas entièrement dans la production du bien pour lequel ils ont
l’avantage relatif ?
Qu’est-ce que la monnaie ?
Quelles sont les trois fonctions de la monnaie ?
Quel économiste est à l’origine de la « loi des débouchés » (loi qui porte aussi son nom) ?
Qu’indique la loi des débouchés ?
Qu’est-ce que l’hypothèse de neutralité de la monnaie ?
Qu’est-ce que le court terme et le long terme ?
Comment justifier l’absence de la monnaie dans les modèles microéconomiques de base ?

Exercice
Reprenons les données du tableau 2.3. On considère que chaque semaine, un milliard d’heures sont
travaillées au Portugal et en Angleterre. Lorsqu’ils vivent en autarcie, le temps travaillé est partagé dans
chaque pays à égalité entre les deux secteurs.

3
Il faut ajouter que les ménages peuvent aussi accumuler du capital physique grâce à des achats immobiliers (pour leur
résidence principale, secondaire ou dans le cadre d’une opération d’investissement résidentiel).
24
1) Construisez un tableau où vous indiquez la quantité de chaque bien produit chaque semaine par chaque
pays en Autarcie (un tableau croisé 2 × 2 comme le tableau 4).
2) Calculez ensuite la production « mondiale » de chacun des deux biens.
3) On rappelle que le coût du bien B en termes du bien A est de 1/6 en Angleterre et 1/3 au Portugal.
L’Angleterre a donc l’avantage relatif dans la production du bien B et le Portugal a l’avantage relatif dans
la production du bien A. On suppose que les coûts de production restent constants. Le Portugal se
spécialise entièrement dans la production de bien A, et l’Angleterre décide de consacrer 900 millions
d’heures de travail au bien B (et les 100 restants au bien A). Construisez un nouveau tableau où vous
indiquez la quantité de biens produits par les deux pays lorsqu’ils se spécialisent de cette façon.
4) La production « mondiale » des deux biens a-t-elle augmenté ?
5) Dans la suite de cet exercice, on suppose à chaque fois que l’Angleterre importe 20 milliards d’unités
du bien A. Si le prix relatif du bien B en termes de bien A est égal à 1, l’Angleterre doit exporter combien
d’unités de biens B pour obtenir en échange 20 milliards d’unités de A ?
6) Après les échanges commerciaux définis à la question précédente, l’Angleterre et le Portugal se
retrouvent chacun avec combien d’unités de chaque bien ? La situation des deux pays s’est-elle améliorée
(par rapport à l’autarcie) ?
7) Si le prix relatif du bien B en termes de bien A est à présent égal à 0,1 (une unité de B pour 0,1 unité de
A), l’Angleterre doit exporter combien d’unités de biens B pour obtenir en échange 20 milliards d’unités
de A ?
8) Répondez à nouveau à la question 6 avec ce nouveau prix relatif.
9) Répondez à nouveau à la question 7 en prenant un prix relatif de 0,25.
10) Répondez à nouveau à la question 6 avec ce nouveau prix relatif.
11) Sans faire aucun nouveau calcul, quelle est la situation si le prix relatif est de 1/6 ou de 1/3 ?

25
CHAPITRE III. La demande, l’offre et l’équilibre de marché

Nous nous intéressons dans ce chapitre au fonctionnement de marchés concurrentiels, c’est-à-dire de


marchés en situation de concurrence pure et parfaite.

Encadré. La concurrence pure et parfaite.


La concurrence pure et parfaite est une situation de marché idéalisée qui est réalisée lorsque plusieurs
hypothèses sont vérifiées :
- L’atomicité : les acheteurs et vendeurs sur un marché sont en grand nombre, de sorte qu’aucun
individu ne peut avoir seul une influence significative sur l’équilibre ; offreurs ou demandeurs sont
dits preneurs de prix (price takers) considérant le prix comme une donnée et se bornant à décider de la
quantité qu’ils sont prêts à offrir ou à demander à ce prix.
- L’homogénéité des produits : sur un marché donné les produits échangés sont identiques,
homogènes et substituables, quels que soient leurs offreurs et demandeurs.
- La libre entrée et sortie du marché : les acteurs peuvent librement aller et venir sur le marché pour
acheter ou vendre, sans discrimination sous quelque forme que ce soit.
- La transparence de l’information : tous les acteurs disposent d’une information identique et
complète sur les éléments significatifs du marché.
Même si les hypothèses définissant ce cadre théorique ne sont jamais parfaitement réalisées dans la
réalité, ce modèle permet de mettre en évidence et de comprendre les mécanismes qui sont à la base de
l’échange marchand.

Lorsque les offreurs et/ou les demandeurs peuvent peser sur le prix du bien proposé à l’échange, ils
n’opèrent pas en situation de concurrence pure et parfaite. On parle dans ce cas de concurrence
imparfaite, car ces agents disposent d’un pouvoir de marché.
Nous allons nous concentrer sur l’analyse d’un marché, en ignorant les interactions mutuelles qui peuvent
exister entre tous les marchés d’une économie. Ce type d’analyse est dite en équilibre partiel (par
opposition à une analyse d’équilibre général où on considère simultanément l’équilibre de l’ensemble des
marchés d’une économie). Cela n’exclut pas que d’autres variables puissent exercer un rôle dans le
fonctionnement du marché analysé ; cependant leur influence reste exogène à l’analyse.
Pour illustrer l’analyse nous raisonnerons sur le cas du marché d’un bien de consommation. La demande
sera donc liée à un comportement de consommation tandis que l’offre sera liée à un comportement de
production. Il existe d’autres marchés, comme le marché du travail, le marché des biens de productions
(équipements, biens capitaux), le marché des matières premières, qui fonctionnent de la même façon si les
mêmes hypothèses sont posées (concurrence pure et parfaite).

1. La demande
La quantité demandée par un consommateur correspond à la quantité de bien qu’il désire acheter et qu’il
est capable de se procurer à un prix donné. Elle dépend des préférences du consommateur mais aussi de
sa contrainte de budget.

1.1 La relation entre demande et prix


Généralement, lorsque le prix d’un bien augmente, la quantité demandée par les consommateurs diminue.
Les biens qui obéissent à cette règle sont appelés biens ordinaires.
Un bien ordinaire est un bien dont la demande diminue lorsque son prix augmente (et dont la demande
augmente lorsque son prix diminue).
26
Deux effets permettent d’expliquer la raison pour laquelle la plupart des biens sont des biens ordinaires :
- Effet revenu. À la suite d’une modification de prix, les consommateurs voient leur pouvoir d’achat
modifié, et modifient en conséquence leur plan de consommation. Si par exemple le prix du bien
augmente, le pouvoir d’achat des consommateurs est réduit, et leur demande diminue en général (mais
pas toujours !).
- Effet substitution. À la suite d’une modification de prix, les consommateurs arbitrent entre le bien et un
bien « voisin » dit substituable (par exemple ils arbitrent entre la viande rouge et la viande blanche). Si
par exemple le prix du bien augmente, les ménages consomment plus du bien devenu relativement moins
cher et moins du bien devenu relativement plus cher.
L’effet substitution pousse toujours le consommateur a diminuer sa demande du bien dont le prix
augmente, alors que l’effet revenu le pousse généralement (mais pas toujours) dans le même sens. Du
coup, il y a trois possibilités :
1) L’effet revenu va dans le même sens que l’effet substitution. Le bien est un bien ordinaire.
2) L’effet revenu ne va pas dans le même sens que l’effet substiution, mais l’effet substitution domine
l’effet revenu. Le bien est un bien ordinaire.
3) L’effet revenu ne va pas dans le même sens que l’effet substitution, et l’effet revenu domine l’effet
substitution. Le bien n’est pas un bien ordinaire. Ce cas reste assez rare. Dans ce cas, la consommation du
bien est plus importante lorsque son prix augmente (ou moins importante si son prix baisse).

La loi de la demande repose sur l’hypothèse que le bien est un bien ordinaire, puisqu’elle stipule que
lorsque le prix d’un bien augmente, la quantité demandée diminue (et bien entendu que la quantité
demandée augmente lorsque le prix baisse).
La loi de la demande n’est cependant pas toujours vérifiée car tous les biens ne sont pas des biens
ordinaires.
Les biens de Giffen et les biens de Veblen sont des biens dont la demande augmente lorsque leur prix
augmente, mais pour des raisons complètement différentes (en raison de ce que l’on appelle
respectivement l’effet Giffen et l’effet Veblen). Les biens de Giffen sont des biens essentiels pour les
ménages alors que les biens de Veblen correspondent à de la consommation ostentatoire, de luxe.
L’effet Giffen correspond à la possibilité 3) mentionnée ci-dessus où l’effet revenu domine l’effet
substitution et amène l’individu à consommer plus du bien dont le prix augmente parce que son pouvoir
d’achat a baissé suite à cette augmentation de prix. Les biens de Giffen sont des biens essentiels que vous
consommez encore plus lorsque vous perdez du pouvoir d’achat (parce que vous vous passez alors des
autres biens qui sont secondaires à vos yeux).

Encadré. Robert Giffen et l’effet Giffen


Robert Giffen (1837-1910) est un économiste écossais qui a observé un « paradoxe » lors d’une famine
en Irlande. Alors que le prix de la nourriture de base (comme le pain) avait augmenté suite à la pénurie,
les familles irlandaises s’étaient mises à consommer encore plus de ce bien. La raison est que les
ressources des ménages étaient très limitées et qu’une portion importante allait à l’achat de pain. Lorsque
le prix du pain était faible, les ménages pouvaient consommer un peu de pain et d’autres biens (comme la
viande, le lait, les œufs). Mais, lorsque le prix du pain augmentait, les ressources disponibles pour
d’autres aliments devenaient plus limitées et les ménages devaient substituer viande, lait, œufs, à plus de
pain, bien que son prix ait augmenté.

L’effet Veblen provient du fait qu’un prix élevé augmente la satisfaction du consommateur. Par exemple,
rouler en Porsche peut offrir un plaisir supplémentaire lié au fait que c’est un véhicule cher et donc
inaccessible au plus grand nombre. Certaines personnes riches achètent des biens de luxe uniquement
parce qu’ils coûtent chers, ce qui leur permet d’étaler leur richesse. Ils en tirent une satisfaction. Si ces
biens coutaient moins chers, à qualité égale, ils ne les achèteraient pas !

27
Encadré. Thorstein Veblen et l’effet Veblen
Thorstein (Bunde) Veblen (1857-1929) est un économiste et sociologue américain, d’origine norvégienne.
Dans un ouvrage satirique écrit en 1899, la théorie de la classe de loisir, il s’est intéressé à ce qu’il a
appelé la « classe de loisir », c’est-à-dire la classe sociale à l’abri des besoins matériels immédiats et de la
contrainte du travail pour gagner sa vie. Dans son ouvrage, il décrit la vanité de cette classe de loisir,
marqué par le désir de se démarquer de son voisin par sa consommation ostentatoire. Comme l’a si bien
écrit Veblen dans son ouvrage, « pour s'attirer et conserver l'estime des hommes, il ne suffit pas de
posséder simplement richesse ou pouvoir ; il faut encore les mettre en évidence ». L’ouvrage de Veblen
est un ouvrage très bien écrit, qui se lit avec plaisir et qui avait fait dire à Albert Einstein que Veblen était
« le plus grand écrivain scientifique » qu’il avait lu.
L’effet Veblen est observé chez des individus qui ont des préférences atypiques, qui dépendent des prix.
C’est sur ce point que l’effet Veblen se distingue de l’effet Giffen.

Si on sort du cadre des hypothèses qu’on a faites au début du chapitre (hypothèses de la concurrence pure
et parfaite), il est possible de trouver d’autres types de biens dont la demande s’accroît lorsque le prix
augmente. C’est le cas des biens de qualité inconnue.
Il existe en effet des contextes d’information imparfaite pour lesquels le prix donne des informations sur
la qualité. Par exemple, si je ne connais pas la qualité de deux vins mais que certains consommateurs la
connaissent, je peux imaginer que le prix reflètera sa qualité. Dans ce cas, si je préfère fortement les bons
vins aux moins bons, ma demande sera plus forte pour les vins de prix plus élevés. Si le prix du vin
baisse, je pourrais m’imaginer que c’est parce que sa qualité est faible et donc ne pas l’acheter.
Dans un contexte d’information imparfaite, la consommation d’un bien peut ainsi augmenter avec son
prix dans la mesure où le consommateur croît que le prix donne des informations sur la qualité. Mais ce
type de bien ne peut exister en situation de concurrence pure et parfaite en raison de l’hypothèse de
transparence de l’information.

Analyse du document
Quelles sont les conditions de la concurrence pure et parfaite ?
Comment peut-on qualifier la concurrence lorsque les offreurs et/ou les demandeurs disposent d’un
pouvoir de marché ?
Qu’est-ce qu’une analyse d’équilibre partiel ?
Qu’est-ce qu’un bien ordinaire ?
Qu’est-ce que l’effet revenu ?
Qu’est-ce que l’effet substitution ?
Quel est le résultat de la combinaison de l’effet revenu et de l’effet substitution ?
Que stipule la loi de la demande ?
La loi de la demande est-elle toujours vérifiée ?
Quelle caractéristique commune ont les biens de Giffen et les biens de Veblen ?
A quoi est dû l’effet Giffen ?
Qu’est-ce que l’effet Veblen ?
Quel rôle particulier joue le prix dans le cas des biens de qualité inconnue ? Quelle conséquence cela a-
t-il ?

1.2. La courbe de demande


Considérons les données du tableau 3.1. Elles représentent un plan de demande, c’est-à-dire la quantité
demandée d’un bien (ici un cône glacé au chocolat) pour différents niveaux de prix. Le bien est un bien
ordinaire.

28
La colonne 2 décrit la demande individuelle de Jules et la colonne 3 celle de Clara. La colonne 4 décrit la
demande agrégée ou demande du marché, c’est-à-dire la demande totale des consommateurs (ici au
nombre de deux).

Tableau 3.1. Demande mensuelle de cône glacé au chocolat


Prix du cône (en euros) Demande de Jules Demande de Clara Demande du marché
0.00 12 7 19
0.50 10 6 16
1.00 8 5 13
1.50 6 4 10
2.00 4 3 7
2.50 2 2 4
3.00 0 1 1
Note : les éléments de la colonne 4 correspondent à la somme des éléments des colonnes 2 et 3. Par exemple, 19 = 12 + 7.

La demande agrégée d’un bien ou demande du marché correspond à la somme des demandes inviduelles
de ce bien, calculée pour tous les niveaux de prix. La demande se calcule pour un intervalle de temps et
non pas à un instant dans le temps. On parle de demande quotidienne, mensuelle, annuelle…
La courbe de demande est la représentation graphique du plan de demande. On peut représenter des
courbes de demande individuelle ou une courbe de demande agrégée. La courbe de demande est tracée
dans le plan (prix, quantité).
Si on suppose que le bien est parfaitement divisible, la courbe de demande est continue. La courbe de
demande permet alors de représenter la demande pour tous les prix, et pas seulement ceux figurant dans le
plan de demande. La figure 3.1. représente la fonction de demande du marché (correspondant au tableau
3.1.) en supposant que le bien est parfaitement divisible.

Figure 3.1. Courbe de demande agrégée du cône glacé au chocolat


20
18
16
14
Quantité demandée

12
10
8
6
4
2
0
0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5
Prix

La plupart du temps, les économistes ne représentent pas la courbe de demande mais la courbe de
demande inverse, appelée aussi abusivement courbe de demande. La courbe de demande inverse
représente le prix que le marché (si on considère la demande agrégée) est prêt à payer pour différents
niveaux de quantité demandée. C’est la représentation graphique du plan de demande, mais dans le plan

29
(quantité, prix). La figure 3.2. représente la fonction de demande inverse du marché (correspondant au
tableau 3.1.) en supposant que le bien est parfaitement divisible.

Figure 3.2. Courbe de demande inverse (agrégée) du cône glacé au chocolat


3.5

2.5

2
Prix

1.5

0.5

0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Quantité demandée

Lorsque le bien est un bien ordinaire, la courbe de demande et la courbe de demande inverse représentent
une fonction décroissante (c’est l’illustration graphique de la loi de la demande). Cette courbe n’est pas
nécessairement une droite.

Analyse du document
Qu’est-ce que la demande du marché ?
Reprenons les données du tableau 3.1. Supposons à présent qu’il y a 200 consommateurs. 100
consommateurs sont semblables à Jules et les 100 autres sont semblables à Clara. Dans ce cas, que vaut
la demande du marché pour un prix de 1,50 euro ?
Qu’est-ce qu’une courbe de demande individuelle ? Et une courbe de demande agrégée ?
Qu’est-ce qu’une courbe de demande inverse ?
Quelle propriété possèdent la courbe de demande et la courbe de demande inverse lorsque la loi de la
demande est vérifiée ?

1.3. La fonction de demande


Le prix des biens n’est pas le seul déterminant de la demande des biens. Bien d’autres éléments viennent
affecter cette demande, comme par exemple le revenu des consommateurs. En supposant que tous ces
autres élements ne varient pas, on fait apparaître le lien entre quantité demandée et prix comme on l’a fait
dans le paragraphe précédent sous la forme d’un plan de demande ou d’une courbe de demande. Il est
aussi possible de faire apparaître cette relation sous la forme d’une équation. On parle alors de fonction de
demande.
La fonction de demande d’un bien est la fonction qui, à chaque prix du bien, associe la quantité demandée
du bien. La fonction de demande peut être exprimée à un niveau individuel ou à un niveau agrégé
(demande du marché). Le graphe de la fonction de demande dans le plan (prix, quantité) est la courbe de
demande.

30
Notons Qd la quantité demandée d’un bien et P le prix de ce bien. La fonction de demande est définie par
l’application f, qui à chaque valeur positive P associe une valeur positive Q d : Qd = f(P). Si le bien est un
bien ordinaire, elle vérifie la condition f ' ( P ) <0 .
Exemple de fonction de demande : Qd = a – bP, avec b > 0 si le bien est un bien ordinaire et la condition a
> 0 (qui assure que la quantité demandée est positive quand le prix est nul). La courbe de demande
associée à cette fonction affine est bien sûr une droite. En fait, comme la quantité demandée ne peut pas
être négative, la fonction de demande est définie plus rigoureusement par Q d = a – bP pour 0 ≤ P≤ a /b et
pour un prix plus élevé la quantité demandée est nulle : Qd = 0 pour P > a/b.
La fonction de demande de Jules (tableau 3.1.) est une fonction affine avec a = 12 et b = 4. Elle s’écrit
ainsi Qd = 12 – 4P, pour 0 ≤ P≤ 3.
Très souvent, les économistes préfèrent définir la fonction de demande inverse (appelé abusivement
fonction de demande).
La fonction de demande inverse d’un bien est la fonction qui, à chaque quantité demandée du bien,
associe le prix du bien. La fonction de demande inverse peut être exprimée à un niveau individuel ou à un
niveau agrégé (demande du marché). Le graphe de la fonction de demande inverse dans le plan (quantité,
prix) est la courbe de demande inverse.
La fonction de demande inverse est définie par l’application inverse u = f -1, qui à chaque valeur positive
Qd associe une valeur positive : P = u(Qd). Si le bien est un bien ordinaire, elle vérifie la condition
'
u ( Q d ) < 0.
Exemple de fonction de demande inverse : P = c – dQd, avec d > 0 si le bien est un bien ordinaire. La
courbe de demande (inverse) associée à cette fonction affine est bien sûr une droite. En fait, comme le
prix ne peut pas être négatif, la fonction de demande inverse n’est définie que pour 0 ≤ Qd ≤ c /d .

Encadré. De la fonction de demande à la fonction de demande inverse


Considérons la fonction de demande définie par Qd = a – bP, avec a > 0 et b > 0.
L’équation Qd = a – bP peut être réécrite bP = a - Qd, ou encore P = (a/b) – (1/b) Qd.
En rapprochant cette dernière équation de la fonction de demande inverse P = c – dQ d, on observe que le
passage de la fonction f à la fonction inverse u = f-1 se fait en posant c = a/b et d = 1/b.
La fonction de demande inverse est donc définie par P = c – dQd pour 0 ≤ Qd ≤ c /d où c /d = a.
Ainsi, la fonction de demande Qd = 12 – 4P de Jules s’écrit sous sa forme inverse par P = 3 – 0,25Q d pour
0 ≤ Qd ≤12.
La fonction de demande inverse de Jules n’est pas définie pour une quantité supérieure à 12 car c’est la
quantité maximale de cônes que Jules peut acheter (quand le prix est nul).

Une autre fonction de demande très utilisée est la fonction de demande Qd =β P−α définie sur [0, +∞ ¿, où
β > 0 et α ≠ 0 sont les deux paramètres de la fonction. Dans le cas d’un bien ordinaire, le paramètre α
vérifie la condition plus restrictive α > 0 (la fonction est décroissante pour α > 0). La courbe de demande
associée à la fonction de demande Qd =20 P−0 , 5 est présentée sur la figure 3.3.
La fonction de demande inverse associée à la fonction de demande Qd =β P−α est donnée par
1 /α −1/ α
P=β ( Qd ) définie sur [0, +∞ ¿. Par exemple, la fonction de demande inverse associée à la fonction
−2
de demande Qd =2 0 P−0 ,5 est P=400 ( Qd ) . La courbe de demande inverse qui lui est associée est
présentée sur la figure 3.4.

31
Dans la suite du cours, suivant la pratique de la quasi-totalité des économistes, nous représenterons la
fonction de demande dans le plan (quantité, prix) et nous appellerons son graphe « courbe de demande »
au lieu de « courbe de demande inverse ».

Figure 3.3. Courbe de demande associée à la fonction de demande Qd =20 P−0 , 5


70

60

50
Quantité

40

30

20

10

0
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45
Prix

−2
Figure 3.4. Courbe de demande inverse associée à la fonction de demande inverse P=400 ( Qd )
45

40

35

30

25
Prix

20

15

10

0
0 10 20 30 40 50 60 70
Quantité

Analyse du document
Qu’est-ce que la fonction de demande d’un bien ?
Comment s’appelle le graphe de la fonction de demande ?
Quelle propriété mathématique possède la fonction de demande lorsque la loi de la demande est
vérifiée ?
Qu’est-ce que la fonction de demande Qd = 10 + 2P a de particulier ?

32
Tracez dans le plan (prix, quantité) la courbe de demande correspondant à la fonction définie par Q d =
10 – P pour 0 ≤ P≤ 10.
Qu’est-ce que la fonction de demande inverse d’un bien ?
Comment s’appelle le graphe de la fonction de demande inverse ?
Quelle propriété mathématique possède la fonction de demande inverse lorsque la loi de la demande est
vérifiée ?
Considérons la fonction de demande Qd = 10 – P pour 0 ≤ P≤ 10. Trouvez la fonction de demande inverse
qui lui est associée et tracez son graphe dans le plan (quantité, prix).
Montrez que la fonction de demande inverse associée à la fonction de demande Qd =2 0 P−0 ,5 est
−2
P=400 ( Qd ) .
Montrez que la fonction de demande inverse associée à la fonction de demande Qd =β P−α est donnée par
1 /α −1/ α
P=β ( Qd ) .

1.4. Les déplacements de la courbe de demande


Le prix des biens n’est pas l’unique déterminant de la demande de ces biens. Celle-ci est affectée par de
nombreux facteurs, qui sont susceptibles de connaître des évolutions, et donc d’affecter la demande.
Les préférences des individus sont par exemple susceptibles de varier dans le temps. Les gestionnaires
spécialistes du marketing savent par exemple que la publicité peut permettre de modifier les « attentes »
et la satisfaction des consommateurs par rapport à un produit. Après une campagne publicitaire, la
quantité de demandée d’un bien peut être plus élevée et cela pour tout niveau de prix. La courbe de
demande s’est ainsi déplacée.
De la même façon, en raison de l’effet substitution, si une maladie touche les oliviers et que le prix de
l’huile d’olive s’envole suite à la raréfaction du produit, la demande de l’huile de colza (un substitut de
l’huile d’olive) va être plus importante. La courbe de demande se déplace (la fonction de demande est
modifiée).
On peut faire le même type de remarque dans le cas de biens dits complémentaires. Si par exemple le prix
du diesel augmente considérablement à cause de l’instauration d’une nouvelle taxe sur le diesel, alors la
demande de véhicule diesel va diminuer, et la courbe de demande va se déplacer. Dans ce cas, la demande
de véhicule diesel va devenir plus faible pour n’importe quel niveau de prix.
Une augmentation ou une baisse du revenu des ménages affecte aussi leur demande de biens. Par
exemple, en temps de crise, avec la baisse des revenus, les ménages et les entreprises consomment
beaucoup moins de carburant.
Bien d’autres variables exogènes peuvent venir influencer la demande de biens, comme la météorologie,
le climat social, … Une autre variable importante concerne les anticipations des agents. Si vous anticipez
que le prix futur d’un bien va baisser, vous allez différer votre consommation présente de ce bien si vous
le pouvez. La demande du bien par les consommateurs va alors être plus faible pour tout niveau de prix
présent.
On appelle choc de demande toute perturbation exogène qui vient modifier la relation entre la quantité
demandée et le prix d’un bien. Tout choc de demande entraîne un déplacement de la courbe de demande.
Un choc de demande peut être positif, s’il accroît la demande pour tout niveau de prix, ou négatif, s’il la
réduit. Dans le cas d’un choc de demande positif, la courbe de demande (inverse) se déplace vers la droite
comme le montre la figure 3.5.
La nouvelle courbe indique que, pour un niveau de prix identique, la quantité demandée est supérieure.
Pour un prix égal à P, la quantité demandée (avant le choc) était Q0, mais après le choc positif de
demande, la quantité demandée à ce prix est Q1 >Q0.
33
Dans le cas d’un choc de demande négatif, la courbe de demande se déplace vers la gauche, indiquant
que, pour un prix équivalent, la demande a diminué. En prenant la figure 3.5. pour l’illustrer, on a dans ce
cas un déplacement de la courbe D1 vers la courbe D0 .
Il est fondamental de bien distinguer un déplacement de la courbe de demande d’un déplacement le long
de la courbe de demande. La figure 3.5. représente un déplacement de la courbe de demande. Si à présent
on reprend la figure 3.2 correspondant aux données du tableau 3.1., une baisse du prix passant de 2,50
euros à 1 euro induit un mouvement le long de la courbe de demande, la quantité demandée passant de 4 à
13.

Figure 3.5. Déplacement de la courbe de demande suite à un choc positif

Analyse du document
Qu’est-ce qu’un choc de demande ?
Considérons à nouveau la fonction de demande agrégée du cône au chocolat. Imaginez quelques
exemples de choc de demande, pour expliquer une variation de la demande à prix constant.
Considérons une fonction de demande du type Qd =2 0 P−0 ,5. Suite à un choc, la fonction de demande est
modifiée et devient Qd =18 P−0 ,5 . Est-ce un choc de demande positif ou négatif ? Comment la courbe de
demande (inverse) se déplace-t-elle dans le plan (quantité, prix) ?
Si on considère la « vraie » courbe de demande (et non pas l’ « inverse ») tracée dans le plan (prix,
quantité), dans quelle direction se déplace la courbe de demande suite à un choc positif ?

2. L’offre
La quantité offerte par un producteur correspond à la quantité de bien qu’il désire vendre et qu’il est
capable de produire.

2.1. La relation entre offre et prix


Considérons un producteur de céréales qui possède des terres, dont certaines sont très fertiles, et d’autres
moins. Si le prix des céréales est faible, il aura intérêt à exploiter les terres les plus fertiles et à laisser en
jachère les autres. En effet, leur exploitation lui coûterait plus que le revenu qu’il pourrait retirer de la
vente des céréales. Mais au fur et à mesure que le prix des céréales augmente, le producteur à intérêt à
exploiter plus de terres, même si elles sont moins rentables (car moins fertiles). Pour un prix
suffisamment élevé, il sera prêt à exploiter toutes ses terres.
34
Nous venons d’illustrer la relation entre le prix d’un bien et la quantité de ce bien que les producteurs
choisissent d’offrir. Plus le prix d’un bien est élevé (toutes choses étant égales par ailleurs), et plus l’offre
de ce bien est (généralement) importante. C’est la loi de l’offre.
Elle s’explique en raison d’un coût marginal croissant, un terme technique qui indique que l’augmentation
du coût « accélère » quand la quantité produite augmente. Chaque unité coûte plus cher à produire que la
précédente. Les producteurs n’acceptent alors de produire une quantité plus importante d’un bien que si
son prix est plus élevé.

2.2. La courbe d’offre


La quantité offerte pour différents niveaux de prix peut être représentée par un plan de production. Le
tableau 3.2. indique la quantité mensuelle de pommes de terre offerte par un producteur (X) en particulier,
et aussi par le marché.
L’offre agrégée d’un bien ou offre du marché correspond à la somme des quantités offertes par tous les
producteurs de ce bien, calculée pour tous les niveaux de prix. L’offre se calcule pour un intervalle de
temps. On parle d’offre quotidienne, mensuelle, annuelle…
Attention : l’offre du marché est définie de façon analogue à la demande du marché mais il y a cependant
une différence importante entre ces deux quantités agrégées : le nombre de producteurs varie avec le prix
du produit, ce qui n’est pas le cas des consommateurs4. La demande agrégée est la somme des demandes
individuelles d’un nombre fixé d’individus, dont certains peuvent ne pas consommer le bien. L’offre
agrégée est la somme des offres individuelles de producteurs, dont le nombre varie avec le prix du
produit.
La courbe d’offre est la représentation graphique du plan de production. On peut représenter des courbes
d’offre individuelle ou une courbe d’offre agrégée.

Tableau 3.2. Offre mensuelle de pommes de terre

Figure 3.6. Courbe d’offre agrégée (inverse) mensuelle de pommes de terre

4
Bien sûr, si le prix d’un bien diminue suffisamment, des individus qui ne consommaient pas d’un bien peuvent à présent
l’acheter. Leur consommation passe alors de zéro à une quantité strictement positive. Cependant, ces consommateurs existaient
avant la baisse du prix, et il ne sont pas nés grâce à la baisse du prix ! Au contraire, si le prix d’un bien augmente
suffisamment, de nouvelles entreprises peuvent naître, apparaître sur le marché de ce bien. Ces entreprises n’existaient pas
avant la hausse du prix. Inversement, une baisse du prix peut conduire à la disparition d’entreprises.
35
La « vraie » courbe d’offre est tracée dans le plan (prix, quantité). Les économistes préfèrent cependant
tracer la courbe d’offre inverse (et omettent le qualificatif « inverse ») dans le plan (quantité, prix).
Si on suppose que le bien est parfaitement divisible, la courbe d’offre est continue. La courbe d’offre
permet alors de représenter l’offre pour tous les prix, et pas seulement ceux figurant dans le plan de
production. La figure 3.6. représente la courbe d’offre (inverse) mensuelle de pommes de terre du marché
en supposant que le bien est parfaitement divisible.
Lorsque la loi de l’offre est vérifiée, la courbe d’offre (comme la courbe d’offre inverse) représente une
fonction croissante. Cette courbe n’est pas nécessairement une droite.

Analyse du document
Qu’est-ce que la loi de l’offre ?
Qu’est-ce qui justifie la loi de l’offre ?
Qu’est-ce que l’offre du marché ?
Le prix d’un bien sur un marché est de 5 euros. Les producteurs de ce bien sont alors au nombre de 100.
Chacun produit 1000 unités du bien lorsque le prix est de 5 euros. Combien vaut l’offre du marché ? Si
le prix du bien passe à 10 euros, chacun des 100 producteurs précédents produit 2000 unités du bien.
Peut-on dire que l’offre agrégée est alors de 200 000 unités ?
Qu’est-ce qu’une courbe d’offre individuelle ? Et une courbe d’offre agrégée ?
Qu’est-ce qu’une courbe d’offre inverse ?
Quelle propriété possèdent la courbe d’offre et la courbe d’offre inverse lorsque la loi de l’offre est
vérifiée ?

2.3. La fonction d’offre


Le prix des biens n’est pas le seul déterminant de l’offre de ces biens. Tout élément qui influence les
coûts de production affecte aussi cette offre. En supposant que tous ces autres élements ne varient pas, on
fait apparaître le lien entre quantité offerte et prix comme on l’a fait dans le paragraphe précédent sous la
forme d’un plan de production ou d’une courbe d’offre. Il est aussi possible de faire apparaître cette
relation sous la forme d’une équation. On parle alors de fonction d’offre.
La fonction d’offre d’un bien est la fonction qui, à chaque prix du bien, associe la quantité offerte du bien.
La fonction d’offre peut être exprimée à un niveau individuel ou à un niveau agrégé (offre du marché). Le
graphe de la fonction d’offre dans le plan (prix, quantité) est la courbe d’offre.

36
Notons Qo la quantité offerte d’un bien et P le prix de ce bien. La fonction d’offre est définie par
l’application g, qui à chaque valeur positive P associe une valeur positive Q o : Qo = g(P). Si la loi de
l’offre est vérifiée pour ce bien, la fonction g vérifie la condition g' ( P )> 0.
Exemple de fonction d’offre : Qo = a +bP, avec a ≤ 0 et la condition b > 0 si la loi de l’offre est vérifiée.
La courbe d’offre associée à cette fonction affine est bien sûr une droite.
Nous avons imposé la négativité de l’ordonnée à l’origine, car pour P = 0, Q o = a. Si a > 0, cela implique
une quantité offerte strictement positive pour un prix nul, ce qui n’a pas de sens car aucun producteur
n’accepterait de produire un bien pour le « vendre » à un prix nul.
En fait, comme la quantité offerte ne peut être négative, la fonction doit être définie par Q o = a +bP (avec
a ≤ 0 et b > 0) pour P ≥−a /b ; pour un prix plus faible la quantité offerte est nulle : Qo = 0 pour P < -a/b.
On peut aussi définir la fonction d’offre inverse (appelé abusivement fonction d’offre).
La fonction d’offre inverse d’un bien est la fonction qui, à chaque quantité offerte du bien, associe le prix
du bien. La fonction d’offre inverse peut être exprimée à un niveau individuel ou à un niveau agrégé
(demande du marché). Le graphe de la fonction d’offre inverse dans le plan (quantité, prix) est la courbe
d’offre inverse.
La fonction d’offre inverse est définie par l’application inverse v = g -1, qui à chaque valeur positive Q o
'
associe une valeur positive : P = v(Qo). Si la loi de l’offre est vérifiée, elle vérifie la condition v ( Qo ) > 0.
Exemple de fonction d’offre inverse : P = c + dQo, avec c ≥ 0 et d > 0 en supposant que la loi de l’offre
est vérifiée. La courbe d’offre (inverse) associée à cette fonction affine est bien sûr une droite.

Encadré. De la fonction d’offre à la fonction d’offre inverse


Considérons la fonction d’offre définie par Qo = a + bP, avec a ≤ 0 et b > 0.
L’équation Qo = a + bP peut être réécrite -bP = a – Qo, ou encore P = (-a/b) + (1/b) Qd.
En rapprochant cette dernière équation de la fonction d’offre inverse P = c + dQ d, on observe que le
passage de la fonction g à la fonction inverse v = g-1 se fait en posant c = -a/b et d = 1/b.
Par exemple, la fonction d’offre définie par Q o = -10 +2P pour P ≥ 5 et Qo = 0 pour P < 5 s’écrit sous la
forme inverse P = 5 + Qo/2 pour Qo ≥ 0.

Figure 3.7. Courbe d’offre associée à la fonction d’offre Qo =20 P 0 ,5


100
90
80
70
60
Quantité

50
40
30
20
10
0
0 5 10 15 20 25
Prix

2
Figure 3.8. Courbe d’offre inverse associée à la fonction d’offre inverse P=(1/400) ( Qo )

37
25

20

15

Prix
10

0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Quantité

Une autre fonction d’offre très utilisée est la fonction Qo =β Pα définie sur [0, +∞ ¿, où β > 0 et α ≠ 0 sont
les deux paramètres de la fonction. Si la loi de l’offre est vérifiée, le paramètre α vérifie la condition plus
restrictive α > 0 (la fonction est croissante pour α > 0). La courbe d’offre associée à la fonction d’offre
0 ,5
Qo =20 P est présentée sur la figure 3.7.
1/ α
La fonction d’offre inverse associée à la fonction d’offre Qo =β Pα est donnée par P=( Qo / β ) définie sur
[0, +∞ ¿. Par exemple, la fonction d’offre inverse associée à la fonction d’offre Qo =20 P0 , 5 est
2
P=(1/400) ( Qo ) . La courbe d’offre inverse qui lui est associée est présentée sur la figure 3.8.
Dans la suite du cours, suivant la pratique de la quasi-totalité des économistes, nous représenterons la
fonction d’offre dans le plan (quantité, prix) et nous appellerons son graphe « courbe d’offre » au lieu de
« courbe d’offre inverse ».

Analyse du document
Qu’est-ce que la fonction d’offre d’un bien ?
Quelle propriété mathématique possède la fonction d’offre lorsque la loi de l’offre est vérifiée ?
Qu’est-ce que la fonction d’offre Qo = 10 - 2P a de particulier ?
Tracez dans le plan (prix, quantité) la courbe d’offre correspondant à la fonction définie par Q 0 = -10
+2P pour P ≥5 et Q0 = 0 pour P < 5.
Qu’est-ce que la fonction d’offre inverse d’un bien ?
Quelle propriété mathématique possède la fonction d’offre inverse lorsque la loi de l’offre est vérifiée ?
Considérons la fonction d’offre Q0 = -10 +2P pour P ≥5 . Trouvez la fonction d’offre inverse qui lui est
associée et tracez son graphe dans le plan (quantité, prix).
2
Montrez que la fonction d’offre inverse associée à la fonction d’offre Qo =20 P0 , 5 est P=(1/400) ( Qo ) .
Montrez que la fonction d’offre inverse associée à la fonction d’offre Qo =β Pα est donnée par
1/ α
P=( Qo / β ) .

2.4. Les déplacements de la courbe d’offre


Le prix des biens n’est pas l’unique déterminant de l’offre de ces biens. L’offre peut être affectée par une
variation du prix des facteurs de production. Si les salaires augmentent, chaque producteur va être amené
à réviser son plan de production. L’offre peut aussi être affectée par une évolution technologique qui
augmente la productivité et fait baisser les coûts. A niveau de prix égal, l’offre augmente dans ces
38
conditions. Bien d’autres variables exogènes peuvent venir influencer l’offre de ces biens, comme la
météorologie, le climat social, …
On appelle choc d’offre toute perturbation exogène qui vient modifier la relation entre la quantité offerte
et le prix d’un bien. Tout choc d’offre entraîne un déplacement de la courbe d’offre.
Un choc d’offre peut être positif, s’il accroît l’offre pour tout niveau de prix, ou négatif, s’il la réduit.
Dans le cas d’un choc d’offre positif, la courbe d’offre (inverse) se déplace vers la droite, et dans le cas
d’un choc négatif, la courbe d’offre se déplace vers la gauche, comme le montre la figure 3.9.
Sur la figure 3.9., la courbe O 0 (au milieu) reflète la situation de départ, et la courbe O 1(à droite)
représente une augmentation de l’offre (pour chaque niveau de prix, la quantité offerte est plus élevée sur
O1 que sur O0). Le déplacement de O0 à O1 est dû à un choc d’offre positif. A l’inverse, un choc d’offre
négatif conduit la courbe O0 à se déplacer vers la gauche : la courbe O2 (en clair, tout à gauche)
correspond à une diminution de l’offre.
Il est fondamental de bien distinguer un déplacement de la courbe d’offre d’un déplacement le long de la
courbe d’offre. La figure 3.9. représente un déplacement de la courbe d’offre. Si à présent on reprend la
figure 3.6 correspondant aux données du tableau 3.2., une hausse du prix passant de 40 euros à 60 euros
induit un mouvement le long de la courbe d’offre, la quantité offerte passant de 200 à 350.

Figure 3.9. Déplacement de la courbe d’offre suite à un choc d’offre

Pour finir, il faut noter qu’un choc exogène peut à la fois constituer un choc de demande et un choc
d’offre, et qu’il est possible que les deux courbes d’offre et de demande se déplacent suite à un même
choc exogène (qui aura des effets différents sur l’offre et la demande). Par exemple, la crise du
coronovirus a constitué un choc exogène puissant sur tous les marchés, prenant à la fois la forme d’un
choc de demande (l’épargne forcée en raison du confinement) et un choc d’offre (les travailleurs malades
ou qui restent à la maison en raison du confinement).

Analyse du document
Qu’est-ce qu’un choc d’offre ?
Considérons une fonction d’offre du type Qo =20 P0 , 5. Suite à un choc, la fonction d’offre est modifiée et
devient Qo =25 P 0 ,5. Est-ce un choc d’offre positif ou négatif ? Comme la courbe d’offre (inverse) se
déplace-t-elle dans le plan (quantité, prix) ?
Si on considère la « vraie » courbe d’offre (et non pas l’ « inverse ») tracée dans le plan (prix,
quantité), dans quelle direction se déplace la courbe d’offre suite à un choc positif ?

39
3. L’équilibre de marché
Nous allons présent combiner les analyses de la demande et de l’offre pour montrer de quelle manière les
prix et les quantités offertes et demandées sont déterminés à l’équilibre sur les marchés.

3.1. La détermination de l’équilibre


Considérons l’exemple du marché des pommes de terre (tableau 3.3.). Si le prix est de 20 cents le kilo, la
demande excède l’offre de 600 000 tonnes. Une grande partie de la demande n’est pas satisfaite. Les
consommateurs sont prêts à payer plus cher pour être servis. Si le prix passe à 40 cents le kilo, l’offre est
plus élevée et la demande moins forte, mais la demande excède toujous l’offre. Les prix doivent donc
encore monter. Tant que la demande est supérieure à l’offre, il y a des pressions à la hausse sur le prix
du produit.
Si au contraire le prix est fixé à un niveau trop élevé comme 100 cents le kilo, alors c’est l’offre qui
excède la demande de 600 000 tonnes. Les prix doivent alors diminuer pour que les producteurs écoulent
leurs excédents. La même chose se produit pour un prix de 80 cents. Tant que la demande est inférieure à
l’offre, il y a des pressions à la baisse sur le prix du produit.

Tableau 3.3. Offre et demande mensuelle de pommes de terre

La seule situation stable correspond à une égalité de l’offre et de la demande, qui est atteint pour un prix
de 60 cents : la quantité offerte est alors égale à la quantité demandée (350 000 tonnes). Dans ce cas,
l’offre est égale à la demande et il n’y a pas de pression sur les prix, ni à la baisse, ni à la hausse.
Le mécanisme régulateur des prix assure que cet équilibre est atteint, les lois de l’offre et de la demande
faisant converger le prix du bien vers le prix d’équilibre (ici 60 cents).
Graphiquement, l’équilibre de marché correspond à l’intersection des courbes de demande et d’offre. La
figure 3.10 montre ces courbes et leur intersection correspondant aux données du tableau 3.3.

Figure 3.10. Détermination de l’équilibre sur le marché des pommes de terre

40
On voit sur cette figure que l’équilibre est atteint pour un prix d’équilibre P e égal à 60 cents, et qu’à ce
prix la quantité échangée Qe est égale à 350 000 tonnes. Pour tout prix supérieur à 60 cents, il y a un
surplus ou un excédent d’offre. On voit sur la figure que ce surplus est 330 000 tonnes pour un prix de 80
cents. Pour tout prix inférieur à 60 cents, il y a une pénurie ou un excès de demande. On voit sur la figure
que cette pénurie est de 300 000 tonnes pour un prix de 40 cents.
Considérons la fonction de demande Q d = f(P) avec f ' ( P ) <0 (loi de la demande), et la fonction d’offre
Qo = g(P) avec g' ( P )> 0 (loi de l’offre). Le prix d’équilibre Pe est le niveau de prix qui assure l’égalité de
l’offre Qo et de la demande Qd : f(Pe) = g(Pe). Si P = Pe, le marché est à l’équilibre, et la quantité échangée
de bien (offerte et demandée) à l’équilibre est Qe = f(Pe) = g(Pe).
Considérons une fonction de demande affine : Qd = ad – bdP pour 0 ≤ P≤ a d /b d et Qd = 0 pour P>a d /b d
(avec ad > 0 et bd > 0), ainsi qu’une fonction d’offre affine : Qo = ao +boP pour P ≥−a o /b o et Qo = 0 pour P
< -a o /bo (avec ao ≤ 0 et bo > 0). On suppose que −a o /bo < a d /b d, de sorte qu’il existe bien un point
ad −a o
d’équilibre (voir la figure 3.11). Le prix d’équilibre vaut alors Pe = > 0 et la quantité échangée à
b o + bd
ad bo +a o bd
l’équilibre vaut Qe = >0 . La figure 3.11 présente cet équilibre dans le plan (prix, quantité).
b o +b d

Figure 3.11. L’équilibre de marché avec des fonctions affines dans le plan (prix, quantité)

41
Note : la courbe de demande et la courbe d’offre sont deux fonctions affines par morceaux représentées
en pointillés. On observe que le prix d’équilibre P e est entre −a o /bo et a d /b d et que les deux droites se
croisent en un point tel que Qe > 0. Ce résultat est dû à la condition −a o /bo < a d /b d.
Considérons la fonction de demande : Qd = 20 – P pour 0 ≤ P≤ 20 et Qd = 0 pour P>20, et la fonction
d’offre : Qo = -2 +10P pour P ≥ 0 ,20 et Qo = 0 pour P < 0,20. Le prix d’équilibre vaut alors Pe =2 et la
quantité échangée à l’équilibre vaut Qe =18.

A long terme (au premier sens tel que nous l’avons défini à la fin du chapitre II), les marchés sont à
l’équilibre. Mais à court terme, ils peuvent être en situation de déséquilibre. Il peut alors exister des
pénuries sur les marchés, ou au contraire des excédents d’offre. Ainsi, lorsque le premier restaurant
McDonald a ouvert ses portes à Moscou en 1990, l’offre était totalement insuffisante face à la demande
des Moscovites, et il s’est formé une énorme file d’attente !

Analyse de document
42
Comment le prix d’un bien varie-t-il sur un marché concurrentiel lorsque la demande est plus forte que
l’offre ?
Comment le prix d’un bien varie-t-il sur un marché concurrentiel lorsque l’offre est plus forte que la
demande ?
Comment l’équilibre d’un marché est-il déterminé graphiquement ?
Quel est le prix d’équilibre du kilo de pommes de terre et quelle est la quantité échangée à l’équilibre,
d’après le tableau 3.3. ?
Quel nom donne-t-on à la situation de marché caractérisée par une offre supérieure à la demande ?
Quel nom donne-t-on à la situation de marché caractérisée par une demande supérieure à l’offre ?
Qu’est-ce que le prix d’équilibre d’un bien ?
Sur le graphe représentant l’équilibre d’un marché, où lit-on le prix d’équilibre et la quantité échangée à
l’équilibre ?
Considérons la fonction de demande : Qd = 20 – P pour 0 ≤ P≤ 20 et Qd = 0 pour P>20 , et la fonction
d’offre : Qo = -2 +10P pour P ≥ 0 ,20 et Qo = 0 pour P < 0,20. Montrez que le prix d’équilibre vaut
Pe =2 et que la quantité échangée à l’équilibre vaut Qe =18 .
Considérons la fonction de demande Qd = ad – bdP pour 0 ≤ P≤ a d /b d et Qd = 0 pour P>a d /b d (avec ad >
0 et bd > 0) , et la fonction d’offre Qo = ao +boP pour P ≥−a o /b o et Qo = 0 pour P < -a o /bo (avec ao ≤ 0
et bo > 0). On suppose que la condition −a o /bo < a d /b d est vérifiée. Montrez que le prix d’équilibre vaut
ad −a o ad bo +a o bd
Pe = > 0 et que la quantité échangée à l’équilibre vaut Qe = >0 .
b o + bd b o +b d
Reprenons les deux fonctions de la question précédente, et supposons à présent que la condition −a o /bo <
a d /b d n’est pas vérifiée. Combien vaut la quantité échangée à l’équilibre ? Et le prix d’équilibre ?
Représentez graphiquement l’équilibre dans le plan (prix, quantité).
Considérez la fonction de demande (inverse) P = 5 – 0,25Qd pour 0 ≤ Qd ≤20 et la fonction d’offre
(inverse) P = 3 +0,25 Qo pour Qo ≥ 0. Trouvez la quantité échangée à l’équilibre et le prix d’équilibre.

3.2. Le surplus du consommateur et du producteur


Nous avons vu, au chapitre II, que l’échange était générateur de gains pour les participants. On peut
montrer dans ce paragraphe que les offreurs et les demandeurs retirent un gain de l’échange, appelé
surplus. Le surplus du producteur, comme celui du consommateur, est une évaluation monétaire du gain
retiré de l’échange.
La figure 3.12. montre comment le surplus du producteur est déterminé. Il est mesuré par l’aire hachurée
située au-dessus de la courbe d’offre et délimitée par le prix et la quantité échangée à l’équilibre. Lors de
l’échange sur le marché, toutes les unités sont vendues au même prix (p*) qui correspond au prix accepté
par le producteur pour la dernière unité cédée. Or ce dernier aurait accepté de vendre les autres unités à un
prix plus faible, surtout les premières. Le producteur fait donc un gain sur ces unités. C’est précisément ce
gain que mesure le surplus du producteur. Le surplus du producteur peut être défini comme la somme des
profits ou gains marginaux réalisés sur l’ensemble des unités vendues (il s’agit en fait du surplus de
l’ensemble des producteurs).
Figure 3.12. Le surplus du producteur

43
La figure 3.13. montre comment le surplus du consommateur est déterminé. Il est mesuré par l’aire
hachurée située en-dessous de la courbe de demande et délimitée par le prix et la quantité échangée à
l’équilibre. Le consommateur achète toutes les unités au même prix (p*), qui correspond au prix qu’il
accepte pour la dernière unité acquise. Or il aurait accepté d’acheter les autres unités à un prix plus élevé,
notamment les premières, comme l’indique la courbe de demande. Le consommateur enregistre donc un
gain sur ces unités. C’est précisément ce gain que mesure le surplus du consommateur. Le surplus du
consommateur peut être défini comme la somme des gains marginaux réalisés par le consommateur sur
l’ensemble des unités achetées. Il s’agit d’une mesure du bien-être du consommateur (en fait de
l’ensemble des consommateurs).

Figure 3.13. Le surplus du consommateur

Dans la mesure où les surplus des producteurs et des consommateurs proposent des évaluations
monétaires directement comparables, on en fait la somme pour définir le surplus collectif. Le libre jeu de
la concurrence pure et parfaite conduit alors à maximiser ce surplus.
Propriété : le surplus collectif est maximal pour p = p*, où p* est le prix d’équilibre.

3.3. Changement d’équilibre


Suite à des chocs d’offre et de demande, les courbes d’offre et de demande se déplacent. Le déplacement
d’une courbe (ou des deux) conduit à un changement d’équilibre.
Le premier graphe de la figure 3.14 représente un choc d’offre positif (la courbe d’offre S se déplace vers
S’). La comparaison du nouveau point d’intersection avec l’ancien montre que le changement d’équilibre
se traduit par une baisse du prix d’équilibre et une augmentation de la quantité échangée à l’équilibre.

44
Le deuxième graphe de la figure 3.14 représente un choc d’offre négatif (la courbe d’offre S se déplace
vers S’). La comparaison du nouveau point d’intersection avec l’ancien montre que le changement
d’équilibre se traduit par une hausse du prix d’équilibre et une diminution de la quantité échangée à
l’équilibre.
Le troisième graphe de la figure 3.14 représente un choc de demande positif (la courbe de demande D se
déplace vers D’). La comparaison du nouveau point d’intersection avec l’ancien montre que le
changement d’équilibre se traduit par une augmentation du prix d’équilibre et de la quantité échangée à
l’équilibre.
Le quatrième graphe de la figure 3.14 représente un choc de demande négatif (la courbe de demande D se
déplace vers D’). La comparaison du nouveau point d’intersection avec l’ancien montre que le
changement d’équilibre se traduit par une diminution du prix d’équilibre et de la quantité échangée à
l’équilibre.

Figure 3.14. Changement d’équilibre suite à un choc d’offre et de demande

Note : la courbe d’offre est ici notée S (Supply en anglais).

On remarque qu’en cas de choc de demande, le prix d’équilibre et la quantité échangée à l’équilibre
varient dans le même sens (ils augmentent tous les deux ou ils diminuent tous les deux), alors qu’en cas
de choc d’offre, le prix d’équilibre et la quantité échangée à l’équilibre varient dans des sens opposés.
Bien entendu, il est aussi tout à fait possible d’envisager un déplacement simultané des deux courbes
d’offre et de demande.

Analyse du document
Tracez dans le plan (quantité, prix) une courbe de demande décroissante et une courbe d’offre
croissante.
Faites apparaître le prix d’équilibre p* et la quantité échangée à l’équilibre Q*. Considérez à présent un
prix p > p*. Indiquez sur le graphe le surplus du consommateur et celui du producteur correspondant à
ce prix p. Montrez que le surplus collectif associé à p est inférieur à celui associé à p*.
Le prix d’équilibre d’un bien est de 10 euros et la quantité échangée à l’équilibre est de 1 million
d’unités. Suite à un choc, le prix d’équilibre passe à 12 euros et la quantité d’équilibre passe à 1,5
million d’unités. Quelle est la nature de ce choc ?
Le prix d’équilibre d’un bien est de 10 euros et la quantité échangée à l’équilibre est de 1 million
d’unités. Suite à un choc, le prix d’équilibre passe à 12 euros et la quantité d’équilibre passe à 0,9
million d’unités. Quelle est la nature de ce choc ?
La crise sanitaire du coronavirus a touché tous les marchés. Sur de nombreux marchés, ce choc sanitaire
a constitué à la fois un choc d’offre et un choc de demande. Montrez ce qui se passe en faisant un graphe
(du même type que les graphes de la figure 3.14) lorsqu’un marché est touché à la fois par un choc
d’offre négatif et un choc de demande négatif.
45
La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de noix de cajou. Une grande partie de sa production
est traditionnellement exportée vers l’Asie. Pendant la crise sanitaire liée au coronavirus, le volume de
ces exportations vers l’Asie s’est effondré. Les producteurs ivoiriens de noix de cajou ont-ils fait face à
un choc d’offre ou un choc de demande ? Quel a été l’effet de ce choc sur le prix d’équilibre et la
quantité échangée à l’équilibre ? Faites un graphe représentant le changement d’équilibre.
Comment évolue le surplus du consommateur, celui du producteur, et le surplus collectif suite à un choc
d’offre positif ?

46
CHAPITRE IV. L’effet des prix et des revenus sur les quantités

Dans le chapitre précédent, nous avons appris à nous servir des fonctions de demande et d’offre pour
analyser l’influence du prix d’un bien sur les quantités demandées et offertes de ce bien. Dans ce chapitre,
nous allons procéder à un examen plus détaillé de cette influence en introduisant le concept d’élasticité.
L’élasticité mesure la sensibilité d’une variable (par exemple l’offre ou la demande d’un bien) aux
variations d’une autre variable (par exemple le prix du bien ou le revenu du consommateur).

1. L’élasticité prix de la demande


Si la loi de la demande est vérifiée, la quantité demandée d’un bien diminue quand son prix augmente.
Mais quelle est l’ampleur de cette diminution ?

1.1. L’effet du prix sur la quantité demandée


La sensibilité de la demande aux changements de prix est appréciée à l’aide de l’élasticité prix de la
demande (ou élasticité de la demande par rapport au prix). L’élasticité prix de la demande est le rapport
entre la variation en pourcentage de la quantité demandée d’un bien et la variation en pourcentage de son
prix. Le principe consiste à mesurer la variation de la demande (en %) suite à une variation de prix
(mesurée en %).
Les économistes utilisent souvent le symbole grec ε (epsilon) pour nommer une élasticité. L’élasticité
prix de la demande, notée ε dP, est définie par :
d ∆Q d (% )
ε P=
∆ P(%)
où ∆ Q d (% ) est la variation en pourcentage de la quantité demandée et ∆ P(%) est la variation en
pourcentage du prix.
Par exemple si une augmentation du prix de l’essence de 40% conduit à une réduction de la quantité
demandée de 10%, alors l’élasticité prix de la demande d’essence vaut :
d −10 %
ε P= =−0 , 25
40 %
Propriété : un bien ordinaire est caractérisé par une élasticité prix de la demande négative ; un bien de
Giffen ou un bien de Veblen est caractérisé par une élasticité prix de la demande positive.
Comme la plupart des biens sont des biens ordinaires, la plupart des économistes ont tendance à
confondre l’élasticité prix de la demande avec sa valeur absolue. Ainsi, dans l’exemple ci-dessus de
l’essence, ils auront tendance à dire que l’élasticité prix de la demande est de 0,25.
L’élasticité prix de la demande est très utile pour prédire l’effet d’un choc d’offre sur les quantités
échangées et sur les prix.
La figure 4.1. illustre l’effet d’un choc d’offre sur l’équilibre de marché avec deux courbes de demande
très différentes (D et D’). D’ est dite plus élastique que D, car pour tout changement de prix, la quantité
diminue plus le long de D’ que le long de D.
Au départ la courbe d’offre est O 1. L’équilibre de marché est alors le même (caractérisé par le point a),
que la courbe de demande soit D ou D’. La quantité échangée à l’équilibre est alors Q 1 et le prix
d’équilibre P1. Considérons un choc d’offre négatif, provoquant un déplacement de la courbe d’offre de
O1 à O2. Pour la courbe de demande la plus élastique (D’), le nouveau prix d’équilibre est P 3 et la quantité
d’équilibre Q3 ; tandis que pour la courbe la moins élastique (D), le nouveau prix d’équilibre est P 2 et la
quantité d’équilibre Q2. Or Q2 > Q3.

47
Plus la demande est élastique et plus un choc d’offre négatif provoque une diminution importante des
quantités échangées. Inversement, un choc d’offre positif provoque une augmentation de la quantité
échangée d’autant plus importante que la demande est élastique.

Figure 4.1. L’effet d’un choc d’offre et l’élasticité prix de la demande

1.2. Propriétés de l’élasticité


L’élasticité prix de la demande n’est pas en général une constante. Elle dépend de l’ampleur de la
variation de prix. Pour une variation de prix plus importante, l’élasticité peut être plus élevée, plus faible,
ou égale.
Supposons que suite à un choc d’offre, le prix d’un bien passe de 10 euros à 10,10 euros et que la quantité
d’équilibre passe de 1 000 000 d’unités à 995 000. Le prix a donc augmenté de 1% et la quantité
d’équilibre a baissé de 0,5%. L’élasticité est alors égale à ε dP=−0 ,5 % /1 %=−0 , 5. Supposons que suite à
un choc d’offre plus important, le prix du bien passe de 10 à 15 euros et que la quantité d’équilibre
diminue de 1 000 000 d’unités à 500 000. Le prix a donc augmenté de 50% et la quantité d’équilibre a
baissé de 50%. L’élasticité est alors égale à ε dP=−1% /1 %=−1. On a alors deux valeurs différentes de
l’élasticité correspondant à des variations de prix différentes.
L’élasticité prix de la demande dépend aussi du niveau de prix. Pour un prix de départ plus élevé,
l’élasticité peut être plus élevée, plus faible, ou égale. Supposons que suite à un choc d’offre, le prix d’un
bien passe de 10 euros à 11 euros et que la quantité d’équilibre passe de 1 000 000 d’unités à 990 000. Le
prix a donc augmenté de 10% et la quantité d’équilibre a baissé de 1%. L’élasticité est alors égale à
d
ε P=−1% /10 %=−0 , 1. Suite à un nouveau choc d’offre, le prix passe de 11 euros à 12,10 euros et la
quantité échangée passe de 990 000 unités à 940 500. Le prix a alors encore augmenté de 10% et la
quantité d’équilibre a baissé de 5%. L’élasticité est alors égale à ε dP=−5 %/10 %=−0 , 5. On a alors deux
valeurs différentes de l’élasticité correspondant à des niveaux de prix différents.

Analyse du document
Qu’est-ce que l’élasticité prix de la demande ? Donnez-en une définition ainsi qu’une formule.
Si le prix de la viande rouge augmente de 1% et que la quantité échangée sur un mois baisse de 3%,
combien vaut l’élasticité prix de la demande de viande rouge ?
L’élasticité prix de la demande d’un bien est de 0,8. Quelle est la particularité de ce bien ?
Si la demande d’un bien est très élastique (au prix), l’impact d’un choc d’offre (positif ou négatif) sur les
quantités échangées est-il important ou modéré ?

48
L’élasticité prix de la demande est-elle moins élevée (en valeur absolue) pour une variation de prix plus
faible ?
L’élasticité prix de la demande est-elle moins élevée (en valeur absolue) si le prix de départ du bien est
plus faible ?

∆Y
La variation en pourcentage ∆ Y (%) d’une variable Y peut s’exprimer sous la forme × 100 %, où ∆ Y
Y
est la variation et Y la valeur de départ.
Par exemple, si Y passe de 10 à 11, alors Y = 10 et ∆ Y =1. La variation en pourcentage ∆ Y (%) vaut à
∆Y 1
l’évidence 10% et on peut retrouver cette valeur avec le calcul suivant : × 100 %= ×100 % = 10%.
Y 10
Si on applique ce raisonnement à ∆ Q d (% ) et ∆ P(%), alors on peut réécrire l’élasticité prix de la
demande sous la forme :
d ∆Q d (% ) ∆ Q d P
ε P= =
∆ P(%) ∆ P Qd
∆ Qd ∆ Qd
× 100 %
d ∆ Qd (%) Q d Qd ∆ Qd P ∆ Qd P
Démonstration :ε P= = = = =
∆ P( %) ∆P ∆P Qd ∆ P ∆ P Qd
×100 %
P P
Or, à la limite, lorsqu’on considère des variations de prix de plus en plus petites, qui tendent vers 0 (
∆ P → 0 ¿, la variation de quantité tend elle aussi vers 0 ( ∆ Q d → 0 ¿, et le rapport de ces deux infiniment
petits est égal à la dérivée de Qd par rapport à P :
∆Q d d Qd
lim =¿ =f '(P)¿
∆ P →0 ∆ P dP
La formule de l’élasticité prix de la demande en un point (pour une variation de prix infime) est alors
donnée par :
d d Qd P
ε P=
dP Qd
En comparant cette formule avec celle présentée quelques lignes plus haut, il apparaît que cette formule
est un cas particulier de la précédente obtenue pour des variations infimes notées d.
Il est aussi possible de définir l’élasticité en point comme une dérivée logarithmique. Effectivement, si on
peut écrire lnQd en fonction de lnP, alors l’élasticité prix de la demande en un point peut aussi être
calculée à l’aide de la formule :
d dln Qd
ε P=
dlnP
Cette formule est équivalente à la précédente.
Considérons la fonction de demande Qd =β P−α définie sur [0, +∞ ¿, où β > 0 et α ≠ 0 . Pour cette
fonction, l’élasticité prix de la demande est une constante (ne dépend pas de la valeur de P) et vaut
d
ε P=−α . Pour cette raison, on dit que la fonction est à élasticité constante.
Par exemple, la fonction de demande Qd =2 0 P−0 ,5 (figure 3.3.) a une élasticité égale à -0,5.

Analyse du document
Si la quantité échangée d’un bien passe de 10 000 unités à 12 000 unités lorsque le prix baisse de 5
euros à 4,5 euros, combien vaut l’élasticité prix de la demande ?

49
Soit la fonction de demande affine Qd = a – bP pour 0 ≤ P≤ a /b avec a > 0 et b > 0. Montrez que la
d Qd d d Qd P
dérivée vaut –b. Entrez ensuite ce résultat dans la définition ε P= de l’élasticité pour
dP dP Qd
d −b P
montrer qu’elle vaut : ε P= < 0.
Qd
Soit la fonction de demande Qd = 10 – P pour 0 ≤ P≤ 10. Combien vaut l’élasticité prix de la demande
pour P = 5 ?
d d Qd P
Considérons la fonction de demande Qd =2 0 P−0 ,5 . Montrez à l’aide de la formule ε P= que
dP Qd
l’élasticité vaut -0,5.
Considérons la fonction de demande Qd =2 0 P−0 ,5 . Montrez à l’aide de la dérivée logarithmique que
l’élasticité vaut -0,5.

1.3. Interprétation et déterminants de l’élasticité prix de la demande


La valeur de l’élasticité permet de dire si la demande est élastique ou inélastique (on dit aussi rigide).
La demande est dite élastique lorsque |ε P| > 1. La demande est rigide ou inélastique lorsque |ε P| < 1.
d d

Dans le cas d’une demande élastique, un changement de prix entraîne une variation de la demande
proportionnellement plus importante. Au contraire, dans le cas d’une demande rigide, un changement de
prix entraîne une variation de la demande proportionnellement moins importante.
Lorsque l’élasticité prix de la demande est nulle, la demande est dite parfaitement rigide ou parfaitement
inélastique. Dans le plan (quantité, prix), la courbe de demande prend la forme d’une droite verticale
(figure 4.2.). Dans le cas d’une demande parfaitement rigide, l’équation de demande s’écrit Qd = a, avec
a > 0.
Au contraire, lorsque l’élasticité devient infinie, la demande est dite parfaitement élastique. Dans ce cas
(figure 4.2.), la courbe de demande prend la forme d’une droite horizontale dans le plan (quantité, prix).
Dans le cas d’une demande parfaitement élastique, l’équation de demande s’écrit P = c, avec c > 0.

Figure 4.2. Les cas particuliers d’une demande parfaitement rigide


et d’une demande parfaitement élastique

Le cas intermédiaire est celui de l’élasticité unitaire : |ε dP| = 1. Dans ce cas, la demande et le prix varient
dans les mêmes proportions. Dans le cas d’une élasticité unitaire, la fonction de demande s’écrit
−1
Qd =β P avec β > 0.
L’élasticité prix de la demande varie énormément d’un bien à un autre, en fonction des éléments
suivants :
- Le nombre et la proximité des substituts. Plus un bien possède de substituts proches, plus sa demande
est élastique, car en cas de hausse des prix, les consommateurs peuvent se tourner vers les substituts.
50
- La part du revenu consacré au bien. Plus les consommateurs consacrent une fraction importante de leur
revenu à la consommation d’un bien et plus ils sont obligés de diminuer leur consommation lorsque son
prix augmente. Donc plus la demande de ce bien est élastique.

- La période de temps considéré. Lorsque le prix d’un bien évolue, cela oblige les consommateurs à
changer leurs habitudes de consommation, à trouver une alternative. Ainsi, toutes choses égales par
ailleurs, plus la période de temps considérée est longue et plus l’élasticité prix de la demande est forte.

Analyse de document
Sous quelle condition la demande est-elle dite élastique ?
Sous quelle condition la demande est-elle dite rigide ?
Quelle est l’équation de demande associée à une demande parfaitement rigide ?
Quelle forme prend la courbe de demande dans le plan (quantité, prix) lorsque la demande est
parfaitement rigide ?
Quelle est l’équation de demande associée à une demande parfaitement élastique ?
Quelle forme prend la courbe de demande dans le plan (quantité, prix) lorsque la demande est
parfaitement élastique ?
Quels sont les éléments qui influencent l’élasticité prix de la demande ?

1.4. Elasticité prix de la demande et dépense totale des consommateurs


La dépense totale des consommateurs consacrée à un bien, c’est-à-dire P ×Qd , est liée à l’élasticité prix
de la demande. Si les consommateurs achètent 3 millions d’unités d’un bien au prix de 2 euros, la dépense
totale consacrée à ce bien est de 6 millions d’euros. Ce montant correspond aussi forcément au chiffre
d’affaire des producteurs. Il est alors pour eux important de comprendre comment la dépense totale va
évoluer si le prix du bien varie.

1.4.1. Le cas d’une demande élastique


Propriété d’une demande élastique : si la demande du bien est élastique, alors lorsque P augmente, la
dépense totale P ×Qd diminue.

Figure 4.3. Demande élastique et dépense totale des consommateurs

Ce résultat est visible à la figure 4.3., qui illustre l’effet d’une hausse des prix de 4 euros à 5 euros sur la
demande d’un bien dans le cas où celle-ci est élastique. On voit que la quantité demandée Qd passe alors
51
de 20 millions à 10 millions. Lorsque P = 4, la dépense totale P ×Qd =80 millions et correspond à la
surface du rectangle de sommet a. Lorsque P = 5, la dépense totale P ×Qd =50 millions et correspond à la
surface du rectangle de sommet b. Comme la demande est élastique, une hausse du prix se traduit par une
baisse de la dépense totale. Evidemment, si on considère une diminution du prix de 5 à 4 euros, la
conclusion inverse s’impose : une baisse du prix s’accompagne alors d’une hausse de la dépense totale.

1.4.2. Le cas d’une demande rigide


Propriété d’une demande rigide : si la demande du bien est rigide, alors lorsque P augmente, la dépense
totale P ×Qd augmente.
Ce résultat est visible à la figure 4.4., qui illustre l’effet d’une hausse des prix de 4 euros à 8 euros sur la
demande d’un bien dans le cas où celle-ci est rigide. On voit que la quantité demandée Qd passe alors de
20 millions à 15 millions. Lorsque P = 4, la dépense totale P ×Qd =80 millions et correspond à la surface
du rectangle de sommet a. Lorsque P = 8, la dépense totale P ×Qd =120 millions et correspond à la
surface du rectangle de sommet c. Comme la demande est rigide, une hausse du prix se traduit par une
hausse de la dépense totale. Evidemment, si on considère une diminution du prix de 8 à 4 euros, la
conclusion inverse s’impose : une baisse du prix s’accompagne alors d’une baisse de la dépense totale.

Figure 4.4. Demande inélastique et dépense totale des consommateurs

1.4.3. Cas particuliers


La figure 4.5. présente 3 cas particuliers : (a) le cas d’une demande parfaitement rigide ; (b) le cas d’une
demande parfaitement élastique ; (c) le cas d’une demande à élasticité unitaire.

Figure 4.5. Demande et dépense totale des consommateurs dans trois cas particuliers

(a) Dans le cas d’une demande parfaitement rigide, la quantité demandée est la même quelle que soit la
valeur du prix. Dans ce cas, lorsque le prix du bien augmente, la dépense totale des consommateurs
52
augmente aussi, et dans les mêmes proportions. Si le prix augmente de 10%, la dépense totale augmente
de 10%. On fait le constat inverse si les prix baissent.
(b) Dans le cas d’une demande parfaitement élastique, la demande est nulle pour un prix supérieur à P 1.
La dépense totale devient donc nulle en cas d’augmentation du prix. Au prix P 1, les producteurs peuvent
écouler toute la quantité qu’ils sont capables de produire ; et donc plus ils produisent, plus leurs recettes
s’accroissent.
(c) Dans le cas d’une demande à l’élasticité unitaire, prix et quantités varient (dans des sens opposés)
dans les mêmes proportions. Du coup, la dépense totale des consommateurs est indépendante du niveau
des prix. On le voit sur la figure 4.5. où la dépense totale est la même (égale à 800), que le prix soit soit
de 8 euros ou de 20 euros. En fait, quel que soit le prix, la dépense totale est toujours de 800.

Analyse du document
Comment varie la dépense totale des consommateurs suite à une baisse du prix si la demande est
élastique ?
Comment varie la dépense totale des consommateurs suite à une hausse du prix si la demande est
rigide ?
Comment varie la dépense totale des consommateurs suite à une hausse du prix si la demande est
parfaitement élastique ?
Comment varie la dépense totale des consommateurs suite à une baisse du prix si la demande est
parfaitement rigide ?
Comment varie la dépense totale des consommateurs suite à une baisse du prix si la demande est à
élasticité unitaire ?

2. L’élasticité prix de l’offre


Si la loi de l’offre est vérifiée, la quantité offerte d’un bien augmente quand son prix s’élève. Mais quelle
est l’ampleur de cette hausse ?

2.1. L’effet du prix sur la quantité offerte


La sensibilité de l’offre aux changements de prix est appréciée à l’aide de l’élasticité prix de l’offre (ou
élasticité de l’offre par rapport au prix). L’élasticité prix de l’offre est le rapport entre la variation en
pourcentage de la quantité offerte d’un bien et la variation en pourcentage de son prix.

Figure 4.6. Courbe d’offre et élasticité prix de l’offre

53
L’élasticité prix de l’offre, notée ε oP, est définie par :
o ∆Q o (%)
ε P=
∆ P (%)
où ∆ Q o (%) est la variation en pourcentage de la quantité offerte et ∆ P(%) est la variation en
pourcentage du prix.
Par exemple si une augmentation du prix du blé de 10% conduit à une augmentation de la quantité offerte
de 5%, alors l’élasticité prix de l’offre de blé vaut :
o 5%
ε P= =0 , 5
10 %
Propriété : si la loi de l’offre est vérifiée, l’élasticité prix de l’offre est positive.
La figure 4.6. illustre deux courbes d’offre O 1 et O2. O2 est plus élastique que O1 pour tous les niveaux de
prix. Si le prix augmente et passe de P1 à P2, on voit que la quantité offerte augmente plus le long de O 2,
passant de Q1 à Q3, que le long de O1, passant de Q1 à Q2.

Analyse du document
Qu’est-ce que l’élasticité prix de l’offre ? Donnez-en une définition ainsi qu’une formule.
Si le prix du maïs augmente de 2% et que la quantité offerte sur un mois monte de 4%, combien vaut
l’élasticité prix de l’offre du maïs ?

2.2. Propriétés de l’élasticité prix de l’offre


L’élasticité prix de l’offre possède des propriétés similaires à l’élasticité prix de la demande. Aussi nous
contentons-nous de les indiquer sans plus de développements. D’abord, l’élasticité prix de l’offre n’est
pas en général une constante. Elle dépend de l’ampleur de la variation de prix. Ensuite, l’élasticité prix de
l’offre dépend aussi du niveau de prix.
A l’instar de l’élasticité prix de la demande, on peut reformuler l’élasticité prix de l’offre de la façon
suivante :
∆Q o (%) ∆ Qo P
ε oP= =
∆ P (%) ∆ P Qo
La formule de l’élasticité prix de l’offre en un point (pour une variation de prix infime) est donnée par :

54
od Qo P
ε P=
dP Qo
On peut aussi définir l’élasticité en point comme une dérivée logarithmique :
o dln Qo
ε P=
dlnP
α
Considérons la fonction d’offre Qo =β P définie sur [0, +∞ ¿, où β > 0 et α ≠ 0 . Pour cette fonction,
l’élasticité prix de l’offre est une constante (ne dépend pas de la valeur de P) et vaut ε oP=α . Pour cette
raison, on dit que la fonction est à élasticité constante.
Par exemple, la fonction d’offre Qo =20 P0 , 5 (figure 3.7.) a une élasticité égale à 0,5. Il existe un cas
particulier de fonction à élasticité constante : c’est la fonction à élasticité unitaire obtenue en posant α =1 :
Qo =βP où β > 0. Il s’agit d’une équation d’offre linéaire, dont la représentation graphique est une droite
passant par l’origine. L’écriture « inverse » de la fonction à l’élasticité linéaire est donnée par
P=(1/ β)Q0.
La figure 4.7. représente des courbes d’offre à élasticité unitaire correspondant à différentes valeurs de β .
Toutes ces courbes d’offre correspondant à des droites passant par l’origine ont une élasticité égale à 1,
quelle que soit leur pente. Les 3 courbes O 1, O2 et O3 de la figure 4.7. ont des pentes différentes mais
reflètent toutes des offres à élasticité unitaire.

Figure 4.7. Courbes d’offre à élasticité unitaire

On considère sur la figure 4.8. deux fonctions d’offre affines tracées dans le plan (quantité, prix) qui ont
la même ordonnée à l’origine (non nulle), qui est donc aussi leur point d’intersection. Comme O 2 est
moins pentue que O1, elle présente en ce point d’intersection une élasticité plus élevée (car en cas de
hausse du prix de P0 à P1, la quantité offerte augmente plus sur O2 que sur O1 : Q2 > Q1). Ce résultat se
généralise aux fonctions d’offre affines sécantes en tout point différent de l’origine (comme sur la figure
4.6).

Figure 4.8. Courbes d’offre affines

55
La figure 4.9. présente deux cas particuliers de courbe d’offre. Le premier graphe représente une fonction
d’offre parfaitement rigide (ou parfaitement inélastique). La fonction d’offre associée s’écrit : Qo =a avec
a > 0. La quantité offerte est alors indépendante du prix.
Le second graphe de la figure 4.9. représente une fonction d’offre parfaitement élastique. La fonction
d’offre associée s’écrit P = c, avec c > 0. Cela signifie qu’il existe un niveau de prix auquel l’agent
est indifférent à vendre une quantité quelconque du bien. Au-dessous de ce niveau, l’offre
s’annule. Au-dessus elle devient potentiellement infinie. Une telle situation peut être associée à
une production à coûts constants. Dans ce cas, le coût unitaire de production est le même pour chacune
des unités produites, de la première à la dernière. Pour un prix inférieur à ce coût unitaire,
aucune production n’est possible puisque la rentabilité n’est pas assurée. Pour un prix supérieur, toute
vente d’une unité supplémentaire est source de gain supplémentaire, d’où une incitation à offrir
une quantité potentiellement sans limite.
La valeur de l’élasticité prix de l’offre dépend de la capacité des producteurs à réagir à des variations de
prix du bien. Naturellement, à court terme l’offre est beaucoup plus rigide qu’à long terme.

4.9. Offre parfaitement rigide et offre parfaitement élastique

Analyse du document
56
Montrez que l’élasticité prix de l’offre de la fonction Qo =β P2 est bien égale à 2.
Quelle propriété ont les fonctions d’offre qui ont pour graphe dans le plan (quantité, prix) une droite qui
passe par l’origine ?
Quelle forme prend la courbe d’offre parfaitement rigide dans le plan (quantité, prix) ?
Quelle forme prend la courbe d’offre parfaitement élastique dans le plan (quantité, prix) ?
Sur un marché concurrentiel, le coût total de production d’une unité d’un bien est de 5 euros. Ce coût de
production est le même quel que soit le volume de production. Comment s’écrit l’équation d’offre de ce
bien ?

3. L’élasticité revenu de la demande


Un élément important de la demande des consommateurs est le montant de leur revenu R. On peut
examiner la sensibilité de la demande au revenu, ce qui revient à calculer l’élasticité revenu de la
demande.
L’élasticité revenu de la demande, notée ε R , mesure la variation en % de la quantité demandée d’un bien
suite à une variation du revenu des consommateurs mesurée en %. L’élasticité revenu de la demande peut
sans risque d’ambiguïté être nommée élasticité revenu en abrégé, dans la mesure où le concept d’élasticité
revenu de l’offre n’est guère utilisé.
La formule de calcul de l’élasticité revenu de la demande est la suivante :
∆Q d (% ) ∆Q d R
ε R= =
∆ R(% ) ∆ R Qd
En pratique, le revenu pris en compte est général un revenu moyen. Si par exemple la demande d’un bien
s’accroît de 8% lorsque le revenu augmente de 2%, alors l’élasticité revenu est égale à 4.

Si on raisonne à prix constant et qu’on identifie une fonction u telle que Qd =u(R), alors on peut définir
l’élasticité revenu de la demande en un point ε R:
d Qd R
ε R=
dR Qd
d Qd
où =u ' (R). Cette élasticité peut aussi s’écrire sous la forme d’une dérivée logarithmique
dR
(dlnQd/dlnR).
La valeur de l’élasticité revenu permet de classer les biens.
Un bien est appelé bien normal si ε R > 0 (l’élasticité revenu de la demande du bien est strictement
positive). Lorsque le revenu augmente, la demande du bien augmente.
Un bien est appelé bien inférieur si ε R < 0 (l’élasticité revenu de la demande du bien est strictement
négative). Lorsque le revenu augmente, la demande du bien diminue.
Les biens normaux sont divisés en deux sous-catégories. Un bien normal est un bien de luxe (ou bien
supérieur) si ε R > 1. Un bien normal est un bien de nécessité (ou encore bien prioritaire ou bien de
première nécessité) si 0 < ε R < 1.
Lorsque le revenu augmente, si la consommation du bien augmente plus que proportionnellement par
rapport au revenu, alors le bien est un bien de luxe. Si elle augmente moins que proportionnellement,
c’est un bien de nécessité.
Il existe par ailleurs deux autres types de biens correspondant à des valeurs très spécifiques de l’élasticité
revenu. Ainsi, un bien invariant est un bien dont la quantité consommée reste la même quel que soit le
revenu. Son élasticité-revenu est donc nulle ( ε R = 0). Un bien homothétique est un bien dont la quantité
consommée augmente proportionnellement à la hausse du revenu. Son élasticité revenu vaut 1 (ε R =1¿ .

57
Les biens normaux et inférieurs ont des propriétés dues aux relations existant entre l’élasticité revenu et
l’élasticité prix de la demande.
Propriété : les biens normaux sont tous des biens ordinaires (si on exclut l’existence de préférences
atypiques qui dépendent des prix, comme dans le cas de biens Veblen). Les biens de Giffen sont tous des
biens inférieurs.
Premièrement, l’élasticité revenu de la demande est importante car elle permet de prédire la variation de
la quantité demandée en fonction de la variation du revenu. Ainsi, en cas de crise qui provoque une baisse
des revenus, les économistes ont une idée des secteurs (de biens de consommation) qui seront les plus
touchés.
Secondement, l’élasticité revenu de la demande est importante car elle permet de comprendre comment
va se modifier la structure de la consommation des ménages lorsque leur revenu va varier.
Lorsque le revenu des ménages augmente, la consommation des biens normaux augmente. Mais la part
ou proportion du revenu allouée à différents biens normaux évolue distinctement selon que le bien normal
est un bien de nécessité, un bien homothétique, ou un bien de luxe. Ainsi, lorsque que le revenu
augmente, toutes choses étant égales par ailleurs (sous-entendu on raisonne à prix constants), la part du
revenu alloué aux biens de nécessité diminue, celle allouée aux biens homothétiques reste constante, et
celle allouée aux biens de luxe augmente.
Il faut noter que la nature d’un bien peut très bien n’être qu’une propriété « locale » du bien, c’est-à-dire
au voisinage d’un revenu donné. Les propriétés du bien peuvent évoluer au cours de l’expansion du
revenu : il peut exister des seuils de revenu qui font changer un bien de nature. Par exemple, un bien peut
être un bien de nécessité pour une première tranche de revenu, et ensuite devenir un bien inférieur pour
une seconde tranche de revenu.

Encadré. Les lois d’Engel.


Le statisticien allemand Ernst Engel a étudié la part de la consommation des différents biens en fonction
du revenu et a établi en 1857 plusieurs « lois » qui sont en fait des régularités empiriques :
1. La part des besoins alimentaires dans le revenu (appelée coefficient d’Engel) diminue quand le revenu
augmente. Les biens de consommation alimentaire sont donc des biens de nécessité.
2. La part des dépenses dédiée aux vêtements, au chauffage, à l’habitation et l’éclairage est indépendante
du revenu. Ces « biens » (qui sont en fait des services) de consommation sont donc des biens
homothétiques.
3. La part des dépenses liées à l’éducation, à la santé et aux voyages augmente avec le revenu. Ces biens
de consommation sont donc des biens de luxe.
Les lois d’Engel sont remarquables pour leur stabilité empirique. Ces lois comportementales établies il y
a plus de 150 ans restent vérifiées de nos jours.

Pour finir, il faut bien garder en tête qu’un choc de revenu positif constitue un choc de demande positif
pour les biens normaux et un choc de demande négatif pour les biens inférieurs. Si les revenus
augmentent, la demande des consommateurs pour les biens normaux augmente (pour chaque niveau de
prix), ce qui correspond à la définition d’un choc de demande positif ; et la demande des consommateurs
pour les biens inférieurs diminue (pour chaque niveau de prix), ce qui correspond à la définition d’un
choc de demande négatif.

Analyse du document
Qu’est-ce que l’élasticité revenu de la demande ? Donnez une définition et une formule.
Vous avez un revenu de 2000 euros sur une période. Sur cette période, vous achetez 20 bouteilles de
Bordeaux. On estime que si votre revenu augmente de 20 euros, vous allez acheter une bouteille de
Bordeaux supplémentaire. Quelle est votre élasticité-revenu pour ce bien ?
58
Qu’est-ce qu’un bien normal ?
Qu’est-ce qu’un bien inférieur ?
Imaginez un individu qui ne consomme que deux biens et qui a une épargne nulle (il consomme tout son
revenu). Ces deux biens peuvent-ils être des biens inférieurs ?
Qu’est-ce qu’un bien de luxe ?
Qu’est-ce qu’un bien de nécessité ?
On vous indique que l’élasticité revenu des croissants à la margarine est de -0,15 ; que l’élasticité-
revenu du lait demi-écrémé est de 0,47, et que l’élasticité-revenu de la bavette d’aloyau est de 1,53.
Veuillez classer chaque bien dans la typologie connue des biens.
Comment appelle-t-on un bien dont le montant consommé ne varie pas avec le revenu ? Que vaut son
élasticité-revenu ?
Comment appelle-t-on un bien dont la part consommée dans le revenu est constante ? Que vaut son
élasticité-revenu ?
En vous servant des concepts d’effet revenu et d’effet prix, expliquez pourquoi les biens normaux sont
nécessairement des biens ordinaires.
Les biens ordinaires sont-ils tous des biens normaux ?
En vous servant des concepts d’effet revenu et d’effet prix, expliquez pourquoi les biens de Giffen sont
nécessairement des biens inférieurs.
Les biens inférieurs sont-ils tous des biens de Giffen ?
Un bien normal peut-il être un bien de Veblen ?
Lorsque le revenu augmente, comment évolue la part du revenu consacrée aux biens de nécessité ? Et
celle consacrée aux biens de luxe ?
D’après Engel, la part des besoins alimentaires dans le revenu diminue-t-elle, augmente-t-elle ou est-elle
constante quand le revenu augmente ? Comment classer ce type de bien dans la typologie des biens ?
D’après Engel, la part dans le revenu des dépenses de vêtements, de chauffage, d’habitation et
d’éclairage diminue-t-elle, augmente-t-elle ou est-elle constante quand le revenu augmente ? Comment
classer ce type de bien dans la typologie des biens ?
D’après Engel, la part dans le revenu des dépenses d’éducation, de santé et de voyage diminue-t-elle,
augmente-t-elle ou est-elle constante quand le revenu augmente ? Comment classer ce type de bien dans
la typologie des biens ?
Supposons qu’à prix constant, on peut établir la fonction suivante qui donne la quantité consommée d’un
bien en fonction du revenu : Qd =0 , 1 R 2. Quelle est la nature du bien ?
Suite à une crise économique, les revenus des consommateurs baissent. Représentez l’impact de ce choc
de revenu dans le plan (quantité, prix) sur la demande de jambon blanc, en supposant que le jambon
blanc est un bien normal.

Exercice.
P × Qd
On note ω= la part du revenu consacrée à la consommation d’un bien. Le prix P est ici une
R
constante, égale à une valeur fixée (par exemple 1 euro). La quantité demandée est une fonction du
d Qd
revenu Qd =u ( R ), avec =u ' (R).
dR
d Qd
dw P× × R−P× Qd
1) Montrez d’abord que la dérivée
dR
vaut : dw
dR
=
dR
R
2
= ×
R (
P d Qd Qd .
dR

R )
2) Montrez ensuite que cette dérivée peut se réécrire : = ×
dR R R dR Qd(
dw P Qd d Qd R
× −1 = ×
)P Qd
R R R
( ε −1 ) .
3) Concluez sur le lien existant entre la part du revenu alloué à la consommation d’un bien et l’élasticité
revenu de la demande pour ce bien.

59
4) Pour un prix P = 1 et un revenu R = 1000, combien vaut la part ω du revenu consacrée à la
consommation d’un bien si Qd =0,00001 R2 et comment cette part va-t-elle évoluer si le revenu
augmente ?

4. L’élasticité prix croisée de la demande


Imaginez un individu qui aime autant le jus de pomme que le jus de raisin, au point qu’il lui est
indifférent de consommer l’un ou l’autre. Le jus de pomme et le jus de raisin sont des substituts parfaits
pour cet individu.
Deux biens de consommation sont des substituts parfaits (ou des biens parfaitement substituables) pour
un individu si l’individu ne fait aucune différence entre ces deux biens (qui sont pour lui parfaitement
interchangeables) et s’il peut consommer indifféremment une unité de l’un ou de l’autre.
Bien entendu, en pratique, ce qui intéresse les producteurs, c’est de connaître le degré de substituabilité de
deux biens non pas pour un individu en particulier mais pour l’ensemble des consommateurs (la demande
globale). Si deux biens sont parfaitement substituables pour tous les consommateurs, alors les deux biens
sont des substituts parfaits (sans plus de précision, ce qui signifie que cette propriété est vérifiée aux yeux
de tous les consommateurs). Les producteurs des deux biens sont alors en situation de concurrence les uns
avec les autres comme les deux biens sont identiques aux yeux de tous les demandeurs.
Imaginez à présent un individu qui boit son café sucré, et qui ne consomme de sucre qu’avec son café.
Alors pour lui le sucre et le café sont des compléments parfaits.
Deux biens de consommation sont des compléments parfaits (ou des biens parfaitement complémentaires)
pour un individu si cet individu consomme ces deux biens ensembles. La consommation de l’un entraîne
la consommation de l’autre, et l’un ne peut être consommé sans l’autre.
Si deux biens sont parfaitement complémentaires aux yeux de tous les consommateurs, alors ils sont dits
parfaitement complémentaires (sans autre précision).
Dans la quasi-totalité des cas, les biens ne sont ni parfaitement substituables, ni parfaitement
complémentaires mais sont plus ou moins substituables, ou plus ou moins complémentaires. On
s’intéresse alors à leur degré de substituabilité ou de complémentarité. A cet effet, on définit l’élasticité
prix croisée de la demande (appelée aussi élasticité croisée de la demande), qui mesure la sensibilité de la
demande d’un bien au prix d’un autre bien.
Q
L’élasticité prix croisée de la demande, notée ε P , mesure la variation de la quantité demandée d’un bien
A

A mesurée en % suite à la variation du prix d’un bien B mesurée en %.


La formule de calcul de l’élasticité prix croisée de la demande est la suivante :
Q ∆Q A (% ) ∆ Q A P B
εP =
A
=
B
∆ P B (% ) ∆ P B Q A
Si par exemple une augmentation du prix du jus d’orange de 8% entraîne une augmentation de la
demande de jus de pomme de 2%, alors l’élasticité prix croisée de la demande est égale à 0,25.
Si on raisonne en gardant fixée la valeur de P A, et si on identifie une fonction u telle que Qd =u( P B) , alors
on peut définir l’élasticité prix croisée de la demande en un point :
Q d QA PB
εP =
A

B
d PB Q A
d QA
où =u '( R). Cette élasticité peut aussi s’écrire sous la forme d’une dérivée logarithmique (dlnQ A/dln
d PB
PB ).
Le signe de l’élasticité prix croisée de la demande permet de classer les produits en biens
complémentaires ou biens substituables.
Propriété : l’élasticité prix croisée de deux biens ordinaires substituables est positive ; l’élasticité prix
croisée de deux biens ordinaires complémentaires est négative. Plus la valeur de l’élasticité est grande en
valeur absolue, et plus le degré de substituabilité ou de complémentarité est important.
60
Supposons que la viande rouge et la viande blanche soient deux biens ordinaires substituables. Quel est
l’effet sur la demande de viande blanche d’une augmentation du prix de la viande rouge (provoquée par
un choc d’offre négatif) ? Les consommateurs vont substituer de la viande blanche à la viande rouge, et
consommer plus de viande blanche. L’élasticité prix croisée est alors positive (à la hausse du prix de la
viande rouge est associée une augmentation de la demande de la viande blanche).
Supposons que le pain et le fromage soient deux biens ordinaires complémentaires. Quel est l’effet sur la
demande de pain d’une baisse du prix du fromage (provoquée par un choc d’offre positif) ? Dans ce cas,
la baisse du prix du fromage entraîne une augmentation de la demande de fromage à laquelle le
consommateur associe une augmentation de la demande de pain. L’élasticité prix croisée est alors
négative (à la baisse du prix du fromage est associée une augmentation de la demande de pain).
Tout choc d’offre sur le marché d’un bien peut être perçu comme un choc exogène venant perturber le
marché d’un autre bien. Si l’on reprend nos exemples précédents, l’augmentation du prix de la viande
rouge est par exemple provoquée par une augmentation des coûts d’abattage des animaux, ce qui perturbe
ensuite l’équilibre du marché de la viande blanche. De la même façon, la baisse du prix du pain est
provoquée par exemple par une baisse du prix de la farine, qui vient aussi perturber l’équilibre du marché
du fromage.
Dans cette perspective, si deux biens ordinaires sont substituables, la hausse du prix de l’un (provoquée
par un choc d’offre sur son marché) provoque un choc de demande positif sur le marché de l’autre (et
inversement en cas de baisse de prix) ; et si deux biens ordinaires sont complémentaires, la hausse du prix
de l’un (provoquée par un choc d’offre sur son marché) provoque un choc de demande négatif sur le
marché de l’autre (et inversement en cas de baisse de prix).

Analyse de document
Que sont des biens parfaitement substituables ?
Que sont des biens parfaitement complémentaires ?
Trouvez un exemple de deux biens qui sont substituables à vos yeux.
Trouvez un exemple de deux biens qui sont complémentaires à vos yeux.
Il existe aujourd’hui un débat dans le monde autour de l’impact des services de vidéo à la demande
(Netfix, Amazon Prime…) sur la fréquentation des salles de cinéma. Du point de vue des exploitants de
salles de cinéma, vaut-il mieux que les deux types de service (vidéo à la demande et cinéma) soient
substituables ou complémentaires ?
Qu’est-ce que l’élasticité prix croisée de la demande ? Donnez une définition et une formule.
Si l’élasticité prix croisée de deux biens est égale à -0,5 (suite à une variation de 1% du prix d’un des
deux biens), qu’est-ce que cela signifie ?
Quel est le signe de l’élasticité prix croisée de la demande dans le cas de deux biens substituables ? Et
dans le cas de deux biens complémentaires ?
On observe que deux biens ordinaires (hamburger et frites) sont complémentaires. Le marché des frites
est touché par un choc d’offre négatif (la production de pommes de terre chute à cause de problèmes
climatiques). Représentez graphiquement dans le plan (quantité, prix) l’impact de ce choc sur le marché
des frites, et ensuite sur le marché des hamburger (il faut donc faire deux graphes).
On observe que deux biens ordinaires (coca ou fanta) sont substituables. Le marché du coca est touché
par un choc d’offre positif (une diminution du prix d’un ingrédient entraîne une baisse des coûts de
production). Représentez graphiquement dans le plan (quantité, prix) l’impact de ce choc sur le marché
du coca, et ensuite sur le marché du fanta.
On observe que deux biens normaux (hamburger et frites) sont complémentaires. Un choc de revenu
positif perturbe l’équilibre des marchés. Représentez graphiquement dans le plan (quantité, prix)
l’impact de ce choc sur le marché des frites et sur le marché du hamburger.

61
5. Quelques précisions supplémentaires sur les élasticités
5.1. Les graphes avec échelle logarithmique
Parfois, les économistes tracent les courbes de demande et d’offre dans le plan (lnP, lnQ), c’est-à-dire
avec une échelle logarithmique. Dans ce cas, la pente de la courbe d’offre en chaque point correspond à
l’élasticité prix de l’offre, et de même la pente de la courbe de demande en chaque point correspond à
l’élasticité prix de la demande.
−α
Dans le cas particulier des fonctions de demande et d’offre à élasticité constante : Qd =β d P d
et
−α
Qo =β o P o
définies sur[0, +∞ ¿, où β d ,α d , β o, α o sont tous strictement positifs, les courbes d’offre et de
demande sont simplement des droites dans le plan (lnP, lnQ), et cette fois-ci de vraies droites (et non pas
des demi-droites), définies pour lnP et lnQ positifs comme négatifs (figure 4.8.).

Figure 4.8. Courbes d’offre et de demande de fonctions à élasticité unitaire dans le plan (lnP, lnQ)

La pente de chacune de ces droites correspond à l’élasticité prix corespondante (de l’offre et de la
demande). Les ordonnées à l’origine de ces droites peuvent être positives ou négatives, et le point
d’équilibre peut se situer dans n’importe quel quadrant (et pas seulement le quadrant correspondant à des
valeurs positives de lnP et lnQ).
Si on trace les graphes de ces fonctions à élasticité unitaire dans le plan inverse (lnQ, lnP), alors les pentes
des droites sont égales aux inverses des élasticités prix.

5.2. Les fonctions de demande à plusieurs variables


Précédemment, nous avons considéré que la quantité demandée d’un bien pouvait être une fonction du
prix de ce bien, en ignorant l’influence des autres variables pouvant affecter la demande (comme le
revenu ou le prix d’un autre bien), ou alors qu’elle pouvait être une fonction du revenu, ou alors une
fonction du prix d’un autre bien. Plus généralement, la quantité demandée d’un bien est une fonction de
toutes ces variables à la fois (et éventuellement d’autres variables).
Soit Q A la quantité demandée d’un bien A, P A son prix, R, le revenu et P B le prix d’un autre bien. On peut
alors définir une fonction de demande à plusieurs variables : Q A = f(PA, R, PB).
Dans la mesure où les quantités, les prix et le revenu sont positifs, on peut procéder à un changement de
variables et définir la fonction de demande comme une application expliquant le logarithme de la quantité
demandée en fonction du logarithme des arguments de la fonction : lnQ A = g(lnPA, lnR, lnPB).
62
Une spécification très simple d’un très modèle est le « modèle log-log » :
ln Q A =a+ b ln P A +c lnR+ d ln P B
Le modèle log-log indique comment les différents arguments de la fonction (le revenu et les deux prix)
influencent conjointement la quantité demandée.
L’ordonnée à l’origine a prend une valeur quelconque. Par définition, le paramètre b correspond à
l’élasticité prix de la demande, le paramètre c est l’élasticité revenu de la demande, et le paramètre d
correspond à l’élasticité prix croisée de la demande.
Dans le cadre d’une fonction à plusieurs variables, la dérivée logarithmique est une dérivée partielle :
Q
∂ ln Q A d ∂ ln Q A ∂ ln Q A A

b= =ε P , c= =ε R , d= =ε
∂ ln P A ∂lnR ∂ ln PB B P

L’impact d’une variation (infinitésimale) simultanée des trois arguments de la fonction est mesurée à
l’aide de la différentielle totale :
dln Q A=b dln P A + c dlnR +d dln P B
où les paramètres b, c et d correspondent aux élasticités.
La différentielle totale donne l’effet total sur lnQ A d’une variation simultanée de ln P A , de lnR et de ln P B.
L’effet total sur lnQ A est la somme des effets des trois variables. Si on prend par exemple la première
variable, l’effet induit est donné par b dln P A, où b correspond à la dérivée partielle. Il en est de même
pour les deux autres variables. Ainsi, l’effet de chaque variable correspond à la variation de la variable
multipliée par un coefficient multiplicateur égal à la dérivée partielle première.
En fait, dans la mesure où le modèle log-log est linéaire, l’équation peut aussi être écrite pour une
variation quelconque Δ (et pas seulement infinitésimale) :
∆ lnQ A=b ∆ ln P A + c ∆ lnR +d ∆ ln P B

Encadré. La différentielle totale


Considérons la fonction à deux variables f ( x , y )=3 x 2 lny définie sur R × R+¿ .
Lorsqu’on dérive la fonction f(x,y) par rapport à x, on traite y comme une constante (puisqu’on considère
l’effet d’une variation infime de x sur f lorsque y ne varie pas). De même, lorsqu’on dérive la fonction
f(x,y) par rapport à y, on traite x comme une constante (puisqu’on considère l’effet d’une variation infime
de y sur f lorsque x ne varie pas).
On obtient alors les deux dérivées partielles premières :
2
∂ f ∂3 x
= lny=6 xlny
∂x ∂x
2
∂f 2 ∂ lny 3x
=3 x =
∂y ∂y y
La différentielle totale de la fonction peut alors s’écrire :
2
∂f ∂f 3x
df ( x , y ) = dx+ dy =6 xlny dx + dy
∂x ∂y y
Cette différentielle indique comment change la fonction f(x,y) pour des variations infimes dx et dy des
deux variables x et y. La valeur de la différentielle peut être calculée en chaque point (x, y). Par exemple,
2
3x
au point (1, 1), on a 6 xlny=0 et =3 ; la différentielle vaut alors en ce point df(1,1) = 3 dy.
y
Dans le cas où la fonction f(x,y) est linéaire : f(x,y) = a +bx +cy, la différentielle totale prend la forme très
simple df(x,y) = b dx + c dy. Dans le cas général, la différentielle totale dépend de variations infimes dx
et dy. Mais lorsque la fonction f est linéaire, la formule reste valide pour des variations d’une ampleur
quelconque, et on peut l’écrire Δf(x,y) = b Δx + c Δy.
63
Le calcul de la différentielle totale se généralise sans problème au cas de fonctions ayant plus de deux
variables.

Analyse du document
A quoi sont égales les pentes des courbes d’offre et de demande dans le plan (lnP, lnQ) ?
Soient l’équation de demande lnQ d=−6−2 lnP et l’équation d’offre lnQ o=4 lnP. Montrez que le prix
d’équilibre Pe vérifie lnPe = -1. Déduisez-en lnQe. Si on trace les courbes d’offre et demande dans le plan
(lnP, lnQ), dans quel quadrant les deux courbes se croisent-elles ?
Considérons le modèle log-log suivant pour décrire la fonction de demande d’un bien A :
ln Q A =−2−1 , 5 ln P A +2 lnR+ 0 ,5 ln P B. Quel type de bien est le bien A ? Les biens A et B sont-ils
substituables ou complémentaires ?
On reprend le même modèle log-log qu’à la question précédente. Si le prix du bien A augmente de 10%,
que le prix du bien B baisse de 5%, et que le revenu augmente de 20%, comment varie la demande du
bien A ?
Considérons le modèle log-log suivant pour décrire la fonction de demande d’un bien A :
ln Q A =−1+2 ln P A +1 , 5lnR +0 , 5 ln PB . Quel type de bien est le bien A ? Les biens A et B sont-ils
substituables ou complémentaires ?

6. L’importance du temps
6.1. Ajustements à court terme et à long terme
Le temps est un élément important de la capacité d’ajustement du marché suite à un choc. On renvoie à
l’encadré « L’opposition court terme/long terme » du chapitre II. Il en résulte que les élasticités prix de
l’offre et de la demande dépendent de la période de temps considérée, l’offre et la demande étant toujours
plus élastiques à long terme qu’à court terme.
Considérons d’abord l’effet d’un choc de demande (figure 4.9). Suite à un choc positif la demande passe
de D1 à D2. L’équilibre initial résulte de l’intersection de la courbe de demande D 1 et de la courbe d’offre
de court terme : c’est le point a. Suite au choc de demande, l’équilibre se déplace au point b. Il en résulte
que la quantité échangée passe de Q 1 à Q2 et que le prix d’équilibre passe de P 1 à P2. A long terme les
offreurs s’adaptent et la courbe d’offre se déplace vers la courbe d’offre de long terme, caractérisée par
une élasticité prix plus importante (revenez à la figure 4.6. si vous ne comprenez pas). Suite au
déplacement de long terme de la courbe d’offre, il résulte un nouvel équilibre (équilibre de long terme) :
c’est le point c. Si vous comparez le déplacement à court terme de l’équilibre (de a vers b) avec le
déplacement à long terme (de a vers c), vous remarquez qu’à court terme l’ajustement se fait surtout par
les prix qui varient plus qu’à long terme, alors qu’à long terme l’ajustement se fait surtout par les
quantités qui varient plus qu’à court terme, le prix revenant vers son niveau initial (quand on passe de b à
c).

Figure 4.9. Adaptation du marché à un choc de demande

64
Considérons ensuite l’effet d’un choc d’offre (figure 4.10). Suite à un choc positif l’offre passe de O 1 à
O2.

Figure 4.10. Adaptation du marché à un choc d’offre

L’équilibre initial résulte de l’intersection de la courbe d’offre O 1 et de la courbe de demande de court


terme : c’est le point a. Suite au choc d’offre, l’équilibre se déplace au point b. Il en résulte que la quantité
échangée passe de Q1 à Q2 et que le prix d’équilibre passe de P 1 à P2. A long terme les demandeurs
s’adaptent et la courbe de demande se déplace vers la courbe de demande de long terme, caractérisée par
une élasticité prix plus importante. Suite au déplacement de long terme de la courbe de demande, il
résulte un nouvel équilibre (équilibre de long terme) : c’est le point c. Si vous comparez le déplacement à
court terme de l’équilibre (de a vers b) avec le déplacement à long terme (de a vers c), vous remarquez
qu’à court terme l’ajustement se fait à nouveau surtout par les prix, alors qu’à long terme l’ajustement se
fait surtout par les quantités.
La conclusion à tirer est qu’à court terme l’ajustement du marché à un choc d’offre ou de demande se fait
surtout par les prix, alors qu’à long terme il se fait surtout par les quantités.

Analyse du document
Suite à un choc d’offre ou demande, l’ajustement se fait-il à court terme surtout à travers une variation
des prix ou à travers une variation des quantités ?

65
Suite à un choc d’offre ou demande, l’ajustement se fait-il à long terme surtout à travers une variation
des prix ou à travers une variation des quantités ?
Considérons l’adaptation du marché à court terme et à long terme suite à un choc de demande négatif.
Reprenez la figure 4.9. en modifiant le déplacement de la courbe de demande (considérez une baisse et
non une hausse). Comparez le déplacement à court terme de l’équilibre avec le déplacement à long
terme.
Le pétrole est un bien normal à l’échelle mondiale, ce qui veut dire que la croissance du revenu ou du
PIB mondial tire la demande de pétrole à la hausse. Expliquez comment le marché du pétrole s’ajuste à
court terme du fait de la croissance mondiale et comment il s’ajuste à long terme.

6.2. Anticipations et spéculation


Si les acheteurs anticipent une hausse des prix 5, ils préféreront acheter plus aujourd’hui et moins demain.
S’ils anticipent une baisse des prix, ils risquent de limiter leur consommation aujourd’hui pour
consommer plus demain. Les vendeurs qui anticipent une baisse des prix essaieront quant à eux de vendre
le plus possible aujourd’hui. S’ils prévoient une hausse des prix, ils préféreront attendre pour céder leur
marchandise.
L’attitude consistant à parier sur l’évolution du prix d’une marchandise ou d’un actif est appelé
spéculation. La spéculation sur les marchés financiers est un phénomène que tout le monde connaît, mais
il est en fait possible de spéculer sur tous les marchés. Si vous attendez l’année prochaine pour vendre
votre maison parce que vous anticipez qu’elle se vendra à un meilleur prix pour vous, alors vous spéculez.
Les comportements spéculatifs sur les marchés peuvent avoir des effets stabilisateurs ou déstabilisateurs,
selon la nature (supposée) des chocs qui perturbent l’équilibre des marchés. Si les marchés sont perturbés
par un choc que les agents perçoivent comme temporaire, alors les comportements spéculatifs vont
permettre de compenser l’effet du choc en exerçant une influence stabilisatrice. Au contraire, si les
spéculateurs anticipent un choc avant qu’il ne se produise, ou si un choc se produit et que les agents
anticipent qu’il va s’aggraver, alors les comportements spéculatifs vont exacerber l’effet du choc en
exerçant une influence déstabilisatrice.
D’abord, la spéculation a un effet stabilisateur sur les prix lorsque les agents supposent que le choc
n’exerce qu’un effet temporaire. La figure 4.11. illustre ce qui se passe en cas de choc de demande
négatif. L’équilibre initial (le point a) résulte de l’intersection des courbes O 1 et D1. Suite à un choc de
demande, la courbe de demande se déplace en D 2, provoquant un déplacement de l’équilibre du point a au
point b. Il en résulte une baisse du prix conséquente, le prix diminuant de P 1 à P2. Si les spéculateurs
anticipent que le choc de demande est temporaire, alors d’une part les acheteurs qui spéculent vont
accroître leur demande dès aujourd’hui pour profiter des bas prix avant qu’ils ne remontent, faisant se
déplacer la courbe de demande en D3 ; et d’autre part les vendeurs qui spéculent vont réduire leur offre
pour ne pas vendre à bas prix (et constituer des stocks), faisant se déplacer la courbe d’offre en O 2. Le
point c reflète alors le nouvel équilibre. Il se caractérise par un prix P 3 plus bas que le prix de départ (P 1),
mais plus élevé que le prix P2 qui équilibrerait le marché s’il n’y avait pas de spéculateurs. C’est en ce
sens que la spéculation est dite stabilisatrice, car elle compense partiellement le choc originel.

Figure 4.11. Spéculation stabilisatrice suite à un choc de demande (négatif)

5
On considère dans cette section que les biens ou marchandises sont stockables, et qu’ils présentent donc une propriété de
durabilité.
66
La spéculation est déstabilisatrice quand les agents parient que l’effet du choc va persister et s’aggraver.
La figure 4.12. illustre ce qui se passe en cas de choc de demande négatif. L’équilibre initial est toujours
donné par le point a. Suite à un choc de demande, la courbe de demande se déplace en D 2, provoquant un
déplacement de l’équilibre du point a au point b. Il en résulte une baisse du prix, qui passe de P 1 à P2. Si
les spéculateurs anticipent que l’effet du choc va s’aggraver, alors d’une part les acheteurs qui spéculent
vont réduire leur demande pour attendre que les prix baissent encore, faisant se déplacer la courbe de
demande en D3 ; et d’autre part les vendeurs qui spéculent vont augmenter leur offre pour vendre avant
que les prix ne chutent encore plus, faisant se déplacer la courbe d’offre en O 2. Le nouvel équilibre (le
point c) se caractérise par un prix P 3 encore plus bas que le prix P 2. C’est en ce sens que la spéculation est
dite déstabilisatrice, car elle vient exacerber l’effet du choc originel.

Figure 4.12. Spéculations déstabilisatrices suite à un choc de demande (négatif)

Pour finir, il faut noter que la spéculation est aussi déstabilisatrice quand les agents anticipent un choc qui
ne s’est pas encore produit. Dans ce cas, aucun choc ne se produit initialement (il n’y a pas de
déplacement d’une courbe suite à un choc exogène), mais néanmoins les courbes de demande et d’offre se
déplacent en raison des comportements spéculatifs.

Analyse du document
Qu’est-ce que la spéculation ?
67
Qu’est-ce qui différencie la spéculation stabilisatrice de la spéculation destabilisatrice ?
Dans quels cas la spéculation est-elle stabilisatrice ?
Construisez un graphe dans le plan (quantité, prix) montrant l’effet stabilisateur de la spéculation en cas
d’un choc d’offre positif supposé temporaire.
Dans quel cas la spéculation est-elle déstabilisatrice ?
Construisez un graphe dans le plan (quantité, prix) montrant l’effet déstabilisateur de la spéculation
lorsque les agents anticipent que l’effet d’un choc de demande positif va s’aggraver.
L’existence de tensions au Moyen Orient fait craindre aux spéculateurs que l’offre de pétrole pourrait
baisser. Faites un graphe représentant le déplacement de l’équilibre qui résulte de la spéculation. La
spéculation est-elle stabilisatrice ou déstabilisatrice dans ce cas ?

68
CHAPITRE V. L’intervention publique sur les marchés :
le contrôle des prix et les taxes indirectes

Les économies modernes du monde entier sont aujourd’hui toutes des économies mixtes, composées de
marchés libres et de secteurs d’activité plus ou moins contrôlés par l’Etat. Les gouvernements
interviennent de différentes manières sur les marchés :
- Ils fixent parfois des prix planchers et des prix plafonds sur certains marchés.
- Ils taxent les marchandises vendues sur les marchés, ou parfois les subventionnent.
- Ils produisent et distribuent des biens et services publics, du fait d’une insuffisance de l’offre de ces
biens et services par les producteurs privés.
- Ils réglementent les activités économiques, en interdisant certains marchés (comme celui de certaines
drogues), ou au contraire en créant de nouveaux marchés (comme le marché des droits à polluer).
Nous allons dans ce chapitre nous intéresser aux deux premiers types d’intervention publique sur les
marchés.

1. Le contrôle des prix


Lorsque le marché est à l’équilibre, il n’y a ni pénurie, ni excédent d’offre. Néanmoins, l’équilibre du
marché ne correspond pas toujours à une situation équitable, ou à une situation acceptable au regard des
contraintes politiques des gouvernements élus. Les gouvernements peuvent alors imposer des prix
planchers ou des prix plafonds sur certains marchés.

1.1. La fixation d’un prix plancher


Le gouvernement peut imposer un prix minimal pour un bien. Les producteurs n’ont alors pas le droit de
vendre leur produit à un prix inférieur à ce prix minimal, appelé prix plancher.
L’instauration d’un prix plancher ne modifie la situation de marché qu’à la condition qu’il soit supérieur
au prix d’équilibre qui prévaut en son absence. Le prix plancher est alors dit effectif.
La figure 5.1. présente la situation qui résulte de l’instauration d’un prix plancher (effectif). Il en résulte
un surplus ou excès d’offre Qo – Qd. Il y a surproduction car le prix est supérieur au prix d’équilibre P e.
Sur un marché libre, le prix baisserait pour ramener l’équilibre. Mais l’instauration du prix plancher
empêche cet ajustement de se produire.

Figure 5.1. La fixation d’un prix plancher

Les gouvernements peuvent instaurer des prix planchers pour plusieurs raisons :

69
- Pour assurer un revenu minimal aux producteurs. Si le secteur est sujet à de fréquentes fluctuations de
prix et si la demande est inélastique, les prix sont alors très sensibles aux chocs d’offre (c’est le cas
notamment de l’agriculture). Le prix plancher empêche alors les producteurs de pâtir d’une situation où
les prix de marché tomberaient à un très bas niveau sans son instauration.
- Dans les secteurs où la production est très fluctuante en raison de chocs exogènes fréquents et
importants, l’instauration d’un prix plancher permet, lors d’une période où la production est très
importante, de générer un excès d’offre qui sera stocké en prévision des périodes où la production sera
très faible. Bien sûr cela n’est possible que pour les produits qui ne sont pas trop rapidement périssables.
- L’instauration d’un prix plancher peut aussi permettre d’assurer un salaire minimal aux employés.

Hormis dans le cas de la seconde situation ci-dessus, l’instauration d’un prix plancher conduit les
producteurs à se retrouver avec un excédent dont ils doivent supporter le coût. Si l’objectif est de protéger
les producteurs et/ou les salariés, le gouvernement peut acheter ces excédents ou éviter qu’ils ne se
forment en imposant des quotas aux producteurs.
A long terme, la fixation d’un prix plancher conduit à une aggravation du déséquilibre. La demande de
long terme, plus élastique qu’à court terme, peut d’abord conduire les consommateurs à se détourner du
bien devenu trop cher. Avec une baisse de la demande, l’excédent devient encore plus important. L’offre
de long terme, plus élastique elle aussi qu’à court terme, peut conduire les producteurs à vouloir
augmenter leur offre, si des quotas ne leur sont pas imposés et que le gouvernement leur rachète leur
excédent. L’excédent devient alors encore plus important.

Analyse de document
De quelle façon les gouvernements interviennent-ils dans la vie des marchés ?
Qu’est-ce qu’un prix plancher ?
Si le prix plancher n’est pas effectif, quel est son infuence sur l’équilibre de marché ?
Que résulte-t-il de l’instauration d’un prix plancher (effectif) ?
Que se passe-t-il à long terme si un prix plancher est instauré ?
A long terme la demande est plus élastique. Les consommateurs peuvent alors s’ajuster pour réagir à
l’augmentation du prix provoquée par l’instauration d’un prix plancher. Reprenez le graphe 5.1. en
ajoutant une courbe de demande de long terme (faites pivoter la courbe de demande autour du point
d’équilibre initial pour produire une courbe plus applatie). L’excédent est-il à long terme plus ou moins
important qu’à court terme ?

1.2. La fixation d’un prix plafond


Le gouvernement peut imposer un prix maximal pour un bien. Les producteurs n’ont alors pas le droit de
vendre leur produit à un prix supérieur à ce prix maximal, appelé prix plafond.
L’instauration d’un prix plafond ne modifie la situation de marché qu’à la condition qu’il soit inférieur au
prix d’équilibre qui prévaut en son absence. Le prix plafond est alors dit effectif.
La figure 5.3. présente la situation qui résulte de l’instauration d’un prix plafond (effectif). Il en résulte
une pénurie Qd - Qo. Il y a sous-production car le prix est inférieur au prix d’équilibre P e. Sur un marché
libre, le prix monterait pour ramener l’équilibre. Mais l’instauration du prix plafond empêche cet
ajustement.

70
Figure 5.3. La fixation d’un prix plafond

Les gouvernements fixent des prix plafonds pour certains biens afin d’empêcher les prix d’être trop
élevés. Cela peut par exemple être le cas des loyers (le contrôle des loyers). L’existence d’un prix plafond
se justifie en général par des considérations d’équité, afin de permettre à tout le monde, même les plus
pauvres, d’avoir accès à un bien.
Les pénuries qui résultent de l’instauration de ce genre de mesure peuvent se régler de deux façons. La
première est la moins organisée et la plus coûteuse : c’est l’instauration de la règle « premier arrivé,
premier servi » qui entraîne la formation de longues files d’attente devant les commerces. La seconde
permet de mieux gérer la pénurie mais ne règle pas le problème du manque de bien : c’est la distribution
de tickets de rationnement, qui permet à chaque consommateur d’avoir droit à une certaine quantité du
bien6.
Contrairement au cas des quotas de production, il faut noter que la mise en place de tickets de
rationnement ne fait pas disparaître la pénurie. Alors qu’avec des quotas de production, l’offre diminue,
avec des tickets de rationnement, la demande ne diminue pas. Ce qui diminue, c’est seulement la capacité
des consommateurs à formuler cette demande sur un marché.
A long terme, la fixation d’un prix plafond conduit à une aggravation du déséquilibre. La demande plus
élastique de long terme peut d’abord conduire les consommateurs à accroître leur demande du bien
devenu moins cher. Avec une hausse de la demande, la pénurie devient encore plus importante. L’offre
plus élastique de long terme peut conduire les producteurs à diminuer leur offre. La pénurie devient alors
encore plus importante.

Encadré. Les files d’attente en Russie Soviétique


L’existence d’une file d’attente peut modifier l’équilibre du marché, et même faire disparaître la pénurie
qui l’a créée ! Le temps perdu dans une file d’attente constitue en effet un coût supplémentaire pour le
consommateur, qui vient s’ajouter au prix du produit. Plus il faut attendre, et plus nombreux sont les
consommateurs qui vont renoncer à acheter la marchandise convoitée à cause du temps perdu. La courbe
de demande se déplace alors, ce qui permet de réduire la pénurie. Il est possible de rencontrer des
situations où les individus qui attendent dans la file sont tous servis. Par définition, il n’y a alors plus de
pénurie. Dans ce cas, c’est le temps d’attente dans la file qui a permis l’ajustement, à la place du prix.
Si les autorités compliquent la procédure d’achat d’un bien, le temps d’attente dans la file s’allonge et la
demande diminue. Du temps de l’Union Soviétique, la vente au détail dans les magazins d’Etat était
6
On suppose ici que le consommateur doit payer préalablement le prix du produit auprès d’un vendeur pour obtenir le ticket. Il
ne s’agit pas ici d’un ticket gratuit et donc d’une distribution gratuite de biens.
71
particulièrement compliquée en Russie. Il fallait tout d’abord faire la queue au rayon pour pouvoir passer
commande. Ensuite, il fallait faire la queue à la caisse pour payer l’article commandé. Et ensuite il fallait
retourner faire la queue au rayon pour prendre livraison de la marchandise contre le ticket de caisse !! On
pouvait très vite atteindre un temps d’attente global d’une demi-heure pour un seul article de
consommation !! Car bien évidemment, au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, cette demi-heure
n’était que le temps perdu pour acheter un produit ! Si vous vouliez acheter un autre produit, il fallait
recommencer toute la procédure ! Pensez-y la prochaine fois que vous allez au supermarché et que vous
trouvez que la file d’attente est trop longue.

Analyse du document
Qu’est-ce qu’un prix plafond ?
Que résulte-t-il de l’instauration d’un prix plafond (effectif) ?
Pourquoi les gouvernements fixent-ils des prix plafonds ?
Quel est l’intérêt du ticket de rationnement par rapport à la file d’attente pour gérer une pénurie ? Quel
est son inconvénient ?
Un gouvernement impose un prix plafond effectif sur un bien. D’importantes files d’attente se forment,
poussant certains consommateurs à renoncer à acheter le bien en question. Faites un graphe dans le plan
(quantité, prix) pour expliquer pourquoi la file d’attente conduit à une réduction de la pénurie.
Que se passe-t-il à long terme si un prix plafond est instauré ?
A long terme l’offre est plus élastique. Les offreurs peuvent alors s’ajuster pour réagir à la baisse du prix
provoquée par l’instauration d’un prix plafond. Reprenez le graphe 5.2. en ajoutant une courbe d’offre
de long terme (faites pivoter la courbe d’offre autour du point d’équilibre initial pour produire une
courbe plus applatie). La pénurie est-elle à long terme plus ou moins importante qu’à court terme ? A la
lumière de ce résultat, que produit le contrôle des loyers à long terme ?

2. Les impôts indirects


2.1. Taxe ad valorem/ Taxe unitaire
Un autre cas d’intervention publique sur les marchés concerne la taxation (il vaudrait mieux dire
l’imposition comme expliqué dans l’encadré qui suit) des biens échangés.

Encadré. Taxe, impôt, redevance ou cotisation ? Comment s’y retrouver ?


Le droit fiscal français fait une différence entre l’impôt et la taxe. L’impôt est un prélèvement sans
contrepartie directe, alors que la taxe est payée en contrepartie d’un service rendu. Ce qui signifie par
exemple que la TVA, malgré son nom, est un impôt et non une taxe. La taxe d’habitation elle aussi est un
impôt, et non pas une taxe, car il n’y a pas de service rendu spécifique en contrepartie de cet impôt.
Tout comme la taxe, la redevance est aussi payée en contrepartie d’un service rendu d’après le droit fiscal
français. Mais quelle est alors la différence entre une redevance et une taxe ? Tout dépend en fait du
montant dont le contribuable s’acquitte par rapport au coût du service public rendu. Dès lors que le
prélèvement est inférieur à la moitié du coût du service, il s'agit d'une taxe et s'il est supérieur, il s'agit
d'une redevance.
La différence entre cotisations sociales et impôts constitue une autre source de confusion. On appelle
cotisations sociales les versements à caractère obligatoire effectués au bénéfice des régimes obligatoires
de sécurité sociale, dès lors qu’ils ouvrent droit au bénéfice des prestations et avantages servis par ces
régimes. La cotisation sociale a une contrepartie individualisée sous la forme d’une assurance (vieillesse,
maladie, chômage). Ainsi la CSG (contribution sociale généralisée) n’a de cotisation que le nom puisqu’il
s’agit en fait d’un impôt !

72
En ce qui concerne les impôts indirects (collectés par les commerçants comme la TVA), l’usage en
économie est de les appeler taxes, même si d’un point de juridique ce sont la plupart du temps des impôts.
Nous suivrons cet usage par la suite.

Ces taxes ou impôts indirects peuvent prendre plusieurs formes.


La taxe sur la valeur ou taxe ad valorem applique une taxe dont le montant est proportionnel au prix du
produit. Si t est le taux de la taxe (avec t ≥ 0 ), le prix TTC (toutes taxes comprises) est relié au prix HT
(hors taxe) par la relation : PTTC =(1+ t) P HT . La TVA est un exemple de taxe ad valorem.
La taxe unitaire applique une taxe dont le montant est constant, quel que soit le prix du produit. Si t u est
une taxe unitaire (avec t u ≥ 0), alors PTTC =P HT +t u. La TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) est
un exemple de taxe unitaire.
Bien évidemment, l’imagination des fiscalistes est sans limite et on peut concevoir des situations plus
compliquées. Ainsi, il est possible d’appliquer sur un même bien une taxe unitaire et une taxe sur la
valeur. La relation entre PTTC et PHT est alors : PTTC =(1+ t) ( P HT + t u ). C’est par exemple en France le cas du
carburant, puisqu’en plus de la TIPP, les consommateurs paient aussi la TVA (ils paient donc aussi de la
TVA sur la TIPP !).
Par définition, la fonction de demande exprime la quantité demandée en fonction du prix payé. Si le prix
P considéré dans la fonction de demande est le prix toutes taxes comprises PTTC , l’introduction d’une taxe
ne change rien à la fonction de demande du consommateur, car peut lui importe que le prix payé P ne sera
pas entièrement reversé au producteur7.
Par contre, l’introduction d’une taxe change la fonction d’offre si on l’écrit en fonction de PTTC .
Effectivement, ce qui compte aux yeux du producteur, c’est le prix qu’il reçoit pour la vente de son
produit, c’est-à-dire le prix hors taxe P HT . La fonction d’offre, écrite en terme de P HT , est donc inchangée
si on l’écrit sous sa forme inverse : P HT = v(Qo). Si une taxe vient s’ajouter au prix hors taxe, la fonction
d’offre est alors modifiée quand on l’écrit en fonction de PTTC = P. Cette modification dépend du type de
taxe.
Lorsque la taxe est une taxe unitaire, la fonction d’offre se réécrit : P=P HT +t u=¿ v(Qo) +t u. Dans le plan
(Q, P), cela signifie que la courbe d’offre s’élève vers le haut d’un montant égal à la taxe. Si la fonction
d’offre de départ est une droite, cela signifie que l’ordonnée à l’origine s’accroît d’un montant égal à la
taxe.
Lorsque la taxe est une taxe sur la valeur, alors la fonction d’offre se réécrit : P= (1+t ) PHT =( 1+t ) v(Qo).
L’augmentation est donc proportionnelle à l’offre de départ. Dans le plan (Q, P), cela signifie que la
courbe d’offre s’élève vers le haut d’un montant de plus en plus en important dans la mesure où la
fonction d’offre est croissante. Si la fonction d’offre de départ est une droite, cela signifie que l’ordonnée
à l’origine et la pente sont mutipliées par (1 + t).
Quelle que soit la courbe d’offre de départ, l’introduction d’une taxe (unitaire ou sur la valeur) entraîne
une diminution de la quantité offerte pour chaque niveau de prix, dans la mesure où la courbe d’offre se
déplace vers le haut dans le plan (Q, P).

2.2. L’effet de la taxe sur la courbe d’offre et sur l’équilibre


La figure 5.4. représente le déplacement vers le haut de la courbe d’offre dans le plan (Q, P) lorsque P
désigne PTTC. La fonction d’offre considérée est une fonction d’offre à élasticité unitaire.
7
Cela ne veut pas dire que la quantité demandée n’est pas sensible à l’instauration d’une taxe. Si le prix d’un bien ordinaire
passe de 5 euros à 6 euros en raison d’une taxe, la quantité demandée diminue. Mais on utilise la même fonction de demande
pour trouver la quantité demandée, que le prix soit de 5 ou 6 euros. La fonction de demande, elle, est inchangée. On considère
un déplacement le long de la courbe de demande.
73
Quelle que soit le type de taxe, on voit bien qu’il en résulte une baisse de la quantité offerte pour chaque
niveau de prix.

Figure 5.4. L’effet d’une taxe sur la courbe d’offre

Note : P désigne le prix toutes taxes comprises

La figure 5.5 représente l’effet d’une taxe unitaire sur l’équilibre du marché. La conséquence essentielle
de l’instauration d’une taxe est l’augmentation du prix ( P2 > P1 ¿et la réduction des quantités échangées
( Q2 <Q1 ). Cependant, le prix d’équilibre n’augmente pas d’un montant égal à la taxe ( P2 < P1 +taxe ), en
raison de la réduction de la quantité demandée puisque le prix augmente. Au final, le prix d’équilibre
après taxation ( P2) est entre le prix d’équilibre avant la taxe ( P1) et ce même prix plus le montant de la
taxe ( P1 +taxe ). Le fardeau de la taxe est ainsi réparti entre les consommateurs qui voient les prix
augmenter, et les producteurs qui voient leurs ventes diminuer. La question de savoir qui, des producteurs
ou des consommateurs, supporte la taxe dans sa plus grande partie est appelée « incidence fiscale ».

Figure 5.5. L’effet d’une taxe unitaire sur l’équilibre du marché

Note : P désigne le prix toutes taxes comprises

Analyse de document
D’après le droit fiscal français, quelle différence y a-t-il entre un impôt et une taxe ?
Si le prix d’un bien est de 5 euros et qu’on applique une taxe unitaire de 1 euro, quel est le prix TTC du
bien ?
74
Si le prix d’un bien est de 10 euros et qu’on applique une taxe ad valorem de 10%, quel est le prix TTC
du bien ?
Si le prix d’un bien est de 5 euros, qu’on applique une taxe unitaire de 1 euro et ensuite une taxe ad
valorem de 10%, quel est le prix TTC du bien ?
Qu’est-ce que l’introduction d’une taxe change à la fonction de demande (si on l’exprime en fonction du
prix toutes taxes comprises) ?
Qu’est-ce que l’introduction d’une taxe change à la fonction d’offre (si on l’exprime en fonction du prix
toutes taxes comprises) ?
Le gouvernement décide de diminuer le montant de la taxe unitaire sur un bien. Montrez, en faisant un
graphe à l’appui dans le plan (Q,P) où P est le prix TTC, comment varient le prix et la quantité échangée
à l’équilibre suite à cette baisse de taxe.
Considérons deux biens substituables. Que se passe-t-il sur le marché de chacun des deux biens si le
gouvernement décide de taxer l’un d’entre eux ? En appui à votre réponse, faites un graphe dans le plan
(Q,P) où P est le prix TTC.

2.3. Qui paie vraiment la taxe, le consommateur ou le producteur ?


La figure 5.6. montre l’effet d’une taxe sur les comportements d’offre et de demande en fonction de
l’élasticité des fonctions.

Figure 5.6. Incidence fiscale et élasticités prix de l’offre et de la demande

Sur chacun des quatre graphes, le montant de la taxe unitaire est le même (sur les quatre graphes le
déplacement vers le haut de la courbe d’offre est le même). A chaque fois, le prix d’équilibre passe de P 1 à
P2, et la quantité d’équilibre de Q1 à Q2.
Par ailleurs, on mesure sur chaque graphe le montant des recettes fiscales perçu par l’Etat, égal à t × Q2,
c’est-à-dire le montant de la taxe multiplié par la quantité échangée de bien. Sur chaque graphe, ces
75
recettes sont représentées par une surface rectangulaire grisée (qui réunit les zones grisées claire et
foncée).
Le montant des recettes fiscales peut être décomposé comme une somme de deux termes :
t × Q2=(⏟ P2−P1 ) ×Q 2+ (⏟
P1−( P2−t ) ) × Q2
consommateurs producteurs

Le premier terme correspond à la part des recettes fiscales payée par les consommateurs, du fait de
l’augmentation du prix du bien. La part payée par les consommateurs correspond à la surface en gris clair
sur les graphes. Le second terme correspond à la part des recettes fiscales payée par les producteurs, du
fait de la baisse du prix perçu par les producteurs. La part payée par les producteurs correspond à la
surface en gris foncé sur les graphes.
L’observation des quatre graphes conduits à faire les remarques suivantes :
- Plus les élasticités prix de l’offre et/ou de la demande sont faibles (cas 1 et 3), moins les quantités
échangées diminuent après l’instauration d’un taxe. La taxation de tels biens génère des recettes fiscales
importantes pour les Etats dans la mesure où elle réduit peu les quantités échangées. C’est le cas par
exemple des cigarettes et de l’alcool.
- Plus l’élasticité prix de la demande est faible et/ou l’élasticité prix de l’offre est forte (cas 1 et 4), plus
les prix augmentent, et donc plus la part des recettes fiscales supportée par les consommateurs est
importante. C’est à nouveau le cas des cigarettes et de l’alcool.
- Plus l’élasticité prix de la demande est élevée et/ou l’élasticité prix de l’offre est faible (cas 1 et 4),
moins les prix augmentent, et donc plus la part des recettes fiscales supportée par les producteurs est
importante.

Ainsi, le fardeau de la taxe repose principalement sur le côté du marché (offre ou demande) qui a
l’élasticité prix la moins élevée.

3. Les aides financières à la consommation


Pour encourager l’activité économique dans un secteur, un gouvernement a la possibilité de verser des
subventions aux producteurs ou de verser des aides financières aux consommateurs. Imaginons un Etat
qui verse 2000 euros à chaque producteur qui vend une automobile ou qui verse 2000 euros à chaque
consommateur qui en achète une. Les deux procédés (aides aux producteurs ou aux consommateurs) ont
les mêmes effets, s’il n’y a pas de condition d’éligibilité des consommateurs pour obtenir l’aide. En
général, de tels conditions existent (généralement des conditions de ressources) et tous les ménages n’ont
pas le droit à cette aide. Verser l’aide au consommateur plutôt qu’au producteur permet alors de
concentrer l’aide sur une partie de la population.
Imaginons une aide financière qui soit accordée à tous les consommateurs. Le prix de marché du bien est
P (c’est le montant que chaque producteur du bien reçoit quand il vend une unité), mais chaque
consommateur reçoit un montant A pour chaque unité achetée, de sorte que sa facture nette s’élève à P-A
pour chaque unité. Dans ce cas, la fonction d’offre (fonction de P) du producteur reste inchangée. La
fonction de demande (fonction de P) est modifiée. Pour chaque niveau de prix P, la demande augmente
après instauration de l’aide puisque le consommateur se voit rembourser une partie du montant payé. Si
un consommateur est prêt à acheter 5 unités d’un bien au prix de 10 euros et 6 unités au prix de 8 euros, et
que le prix du bien (avant l’instauration d’une prime à l’achat) est de 10 euros, alors il achète 5 unités. Si
à présent il peut percevoir une prime de 2 euros pour chaque unité achetée, il achète 6 unités alors que le
prix P (hors aide) est toujours de 10 euros. La quantité qu’il demande s’est donc accru pour un même
niveau de prix.

76
La courbe de demande dans le plan (Q, P) se déplace ainsi vers la droite (figure 5.7.). Si l’aide est
accordée à tous les consommateurs, la hauteur verticale entre les deux courbes de demande est égale au
montant A de l’aide (dans notre exemple précédent, on passe d’un prix de 8 euros demandé pour 6 unités
à un prix de 10 euros pour 6 unités ; la différence est alors égale au montant de l’aide de 2 euros). Dans le
cas où seule une partie des consommateurs est éligible à l’aide financière, la courbe de demande se
déplace aussi vers la droite, mais dans une moindre mesure, et la distance verticale qui sépare les deux
courbes est alors inférieure à A.
Figure 5.7. Aide financière à la consommation et équilibre du marché

L’aide financière a pour effet d’accroître la quantité demandée ( Q2 >Q1) mais aussi le prix d’équilibre (
P2 > P1). Au final, les consommateurs bénéficient d’une réduction du prix plus faible que prévu, puisque
le prix (hors aide) augmente. Plus la courbe d’offre est élastique (plus elle tend vers l’horizontale), et plus
la hausse de prix est faible, et donc plus le mécanisme d’aide bénéficie aux consommateurs. Au contraire,
plus l’offre est rigide, et plus le prix du bien augmente, limitant le bénéfice que retirent les
consommateurs de l’aide qui leur a été accordée. Dans le cas extrême d’une fonction d’offre parfaitement
rigide, l’augmentation du prix équivaut au montant de l’aide, et les consommateurs ne retirent aucun
bénéfice du mécanisme d’aide.

Analyse du document
Quel est l’effet d’une taxe (unitaire) sur l’équilibre de marché ?
Dans quels cas l’introduction d’une taxe rapporte-t-elle le plus de recettes fiscales ?
Dans quels cas les taxes sont-elles surtout supportées par les consommateurs ?
Dans quels cas les taxes sont-elles surtout supportées par les producteurs ?
Quel est l’effet d’une aide financière à la consommation d’un bien sur l’équilibre de marché de ce bien ?
Si une aide financière d’un montant de A euros est accordée à tous les consommateurs pour l’achat
d’une unité d’un bien, cela implique-t-il que le prix du bien net de l’aide (P - A) va baisser de A euros ?
Refaites la figure 5.7. avec une fonction d’offre parfaitement rigide. Quel est l’effet de l’introduction
d’une aide financière à la consommation sur l’équilibre du marché ?

Exercice

77
Soit la fonction de demande d’un bien Qd =P−0 , 5 et la fonction d’offre Qo =P 2, où la quantité est mesurée
en million d’unités.
1) Déterminez le prix d’équilibre et la quantité échangée à l’équilibre du bien.
2) Déterminez les fonctions de demande et d’offre inverses.
3) Une taxe ad valorem de 10% est appliquée sur le bien. Réécrivez les fonctions de demande et d’offre
obtenues à la question précédente en intégrant cette taxe.
4) Trouvez le prix d’équilibre (TTC) et la quantité échangée à l’équilibre après instauration de la taxe.
5) A l’équilibre, le prix TTC a-t-il augmenté de 10% ? Pourquoi ?
6) Calculez le montant des recettes fiscales, puis les parts supportées par les producteurs et les
consommateurs. Commentez ces résultats au regard des élasticités prix de la demande et de l’offre.

78
CHAPITRE VI. Préférences du consommateur
et contrainte de budget
Nous allons commencer par étudier dans ce chapitre les préférences d’un consommateur qui reflètent ses
goûts et correspondent à sa façon de comparer différentes combinaisons de biens. Puis, nous introduirons
les contraintes liées aux prix des biens et au budget du consommateur afin de caractériser son choix
optimal dans le chapitre suivant. Il est important de rappeler que nous allons découvrir un modèle, qui est,
par essence, une représentation simplifiée de la réalité. Ce modèle repose sur un certain nombre
d’hypothèses qui, tout en étant empiriquement fondées pour la plupart, restent simplificatrices. Ainsi, le
fait de ne pas se reconnaître parfaitement dans le consommateur de la théorie microéconomique ne doit
pas nous amener à remettre trop vite en cause cette approche. Comme il s’agit d’une première
modélisation des comportements individuels, nous simplifierons au maximum l’analyse en ne considérant
que des choix à une date donnée, sans futur ou passé : nous parlerons de choix statiques. Par ailleurs, nous
raisonneront la plupart du temps avec seulement deux biens, ce qui suffit pour comprendre le
raisonnement du consommateur.

1. Les préférences du consommateur : la représentation par les courbes


d’indifférence
Les choix des individus en matière de consommation dépendent de leurs goûts (ou préférences) qui sont
par essence subjectifs. Pour comprendre ces choix, il suffit de connaître les principales propriétés des
préférences des individus.

1.1. La comparaison des paniers de biens


Nous allons supposer que les individus sont capables de classer (comparer) différents paniers de biens.
Par exemple, préférez-vous obtenir le dernier smartphone, 3 jours à New York et 10 places de cinéma ou,
pour le même prix, la dernière tablette tactile, 1 séjour d’une semaine au ski et 5 places de cinéma ?

Un panier de biens est un ensemble composé d’un ou de plusieurs biens dont les quantités sont précisées.
On note (Q1, Q2 , …, Qn ) un panier de n biens composé d’un nombre Q 1 de bien 1, d’un nombre Q 2 de
bien 2, etc. Les biens dans le panier sont ordonnés arbitrairement.

Considérons par exemple quatre biens : des pommes, des litres d’essence, des livres et des places de
cinéma.
A = (4, 1, 5, 3) est un panier composé de 4 pommes, 1 litre d’essence, 5 livres et 3 places de cinéma.
B = (2, 4, 8, 1) est un autre panier composé de 2 pommes, 4 litres d’essence, 8 livres et 1 place de cinéma.
La théorie du consommateur est fondée sur l’hypothèse que tous les individus sont capables de comparer
deux paniers de biens du point de vue de la satisfaction que chacun de ces paniers leur procure. Nous
pouvons formaliser cette idée en utilisant le concept de relation de préférence.
Prenons deux paniers de biens composés de deux biens, les livres et les places de cinéma. Le panier A est
composé de 20 livres et 3 places de cinéma et le panier B est composé de 10 livres et de 5 places de
cinéma.
Alexandre préfère (faiblement) le panier A au panier B, on note A ≽ B, c’est-à-dire que le panier A
procure à Alexandre plus ou autant de satisfaction que le panier B.
Alexis est indifférent entre A et B, on note A ∼ B, c’est-à-dire que les deux paniers lui procurent la même
satisfaction.
Enfin, Cléia préfère strictement A à B, on note A ≻ B, c’est-à-dire que A lui procure strictement plus de
satisfaction que B.

1.2. Hypothèses fondamentales sur la relation de préférence


Les économistes supposent que les relations de préférence des consommateurs vérifient certaines
hypothèses : les axiomes du consommateur. Ces axiomes sont souvent appelés axiomes « de rationalité ».
Le consommateur est alors supposé rationnel si son comportement obéit à ces axiomes.
79
Les axiomes du consommateur stipulent que les préférences des consommateurs sont :
1. Complètes : quels que soient les paniers de biens A et B, le consommateur est toujours capable de dire
s’il préfère A à B (A ≽ B) ou B à A (B ≽ A) ou s’il est indifférent entre A et B (A ∼ B). Cet axiome
exclut l’incomparabilité.
2. Réflexives : un panier est toujours équivalent à lui-même (A ∼ A).
3. Transitives : si le panier A est préféré ou indifférent au panier B et si le panier B est préféré ou
indifférent au panier C, alors le panier A est préféré ou indifférent au panier C. Cette condition de
transitivité s’écrit : si A ≽ B et B ≽ C alors A ≽ C.
4. Monotones : tous les biens sont désirables pour l’individu, et quelle que soit la quantité d’un bien dont
il dispose, il préfère toujours en avoir plus (hypothèse dite de non-saturation).

Les propriétés 1 à 3 impliquent que si A ∼ B et B ∼ C alors A ∼ C. Cela implique d’autre part que si
A ≻ B et B ≻ C alors A ≻ C.

Encadré. Controverse sur les axiomes du consommateur


Certains axiomes, comme la complétude et la transitivité, ont été remis en cause et relâchés par des
économistes. Prenons l’axiome de préférences complètes (n° 1). Un consommateur doit être capable de
comparer n’importe quelle paire de paniers. Or, certains paniers peuvent comporter des biens que le
consommateur connaît mal. Préférez-vous passer 10 jours à Koh Tao ou 10 jours à Key West ? Si je vous
laisse le temps de vous renseigner sur ces deux îles, vous pourrez peut-être exprimer une préférence pour
l’une d’entre elles, ou considérer que les deux vous attirent autant. Mais si vous devez choisir en un temps
limité, sans savoir où ces lieux se situent, cela peut être difficile ! Vos préférences entre les destinations
de vacances peuvent être incomplètes. L’axiome de complétude a été rejeté dans un article de 1962 par
Robert J. Aumann (prix Nobel d’économie en 2005). Malheureusement, ce rejet rend la tâche de
l’économiste modélisateur beaucoup plus compliquée.

Analyse du document
Qu’est-ce qu’un panier de biens ?
Si un individu est indifférent entre deux paniers de biens, cela signifie-t-il qu’il n’est pas capable de les
comparer ?
Quels sont les axiomes du consommateur ?
Que signifie l’axiome de réflexivité ?
Considérons un consommateur « rationnel », c’est-à-dire dont les préférences obéissent aux axiomes du
consommateur. On considère des paniers de 2 biens (nombre de pommes et litres de vin). Soient les
paniers A = (3 , 1) , B = (1 , 3), et C = (2 , 2). On sait que B ≻ A et que C ≻ B. Expliquez ce que cela
signifie et ce que cela implique.
Considérons un consommateur « rationnel ». Soient les paniers de deux biens : A = (1, 1), B = (2, 1), C
= (1, 2), D = (2, 2), E = (3, 2), F = (2, 3), G = (2, 0) et H = (3, 1). On vous indique que pour ce
consommateur rationnel on a B ∼ C et F ≻ E. Veuillez comparer les paniers A et C, C et G, puis F et H.
Pourquoi R.J. Aumann a-t-il rejeté l’axiome de complétude ?

1.3. Les courbes d’indifférence


Une représentation graphique appelée courbe d’indifférence permet d’identifier facilement quels sont les
paniers de biens que le consommateur préfère à un panier donné, quels sont ceux qu’il considère comme
moins intéressants pour lui, et aussi dans quelle mesure il considère les biens en question comme plus ou
moins substituables.
Julien est un consommateur (du début des années 2000) qui achète uniquement deux biens, les DVD (ou
Blu-ray) et les places de cinéma. Comment pouvons-nous représenter ses préférences et donc les
satisfactions que lui procurent les différents paniers possibles ? Dans le cas de deux biens, on peut
représenter les paniers de biens dans un plan avec, par exemple, en abscisse, les DVD et, en ordonnée, les
80
places de cinéma (figure 6.1.). Pour déterminer ou comparer les satisfactions des paniers possibles, nous
allons utiliser les propriétés et axiomes sur les préférences.

Figure 6.1. Représentation graphique de la courbe d’indifférence de Julien

Une première étape dans la représentation des préférences consiste à construire des courbes qui
regroupent les paniers qui procurent la même satisfaction à un individu.
La courbe d’indifférence, associée à un panier quelconque A, regroupe tous les paniers qui procurent au
consommateur la même satisfaction que A. Elle est notée IA sur la figure 6.1.
5 paniers, notés de A à F, sont représentés sur la figure 6.1. Par exemple, le point A correspond à un
panier avec 20 DVD et 3 places de cinéma. Nous voulons construire la courbe d’indifférence I A associée
au panier A (passant par le point A). Pour ce faire, nous devons localiser tous les paniers qui sont
considérés par Julien comme indifférents à A.
Cherchons d’abord les paniers préférés à A et les paniers auxquels A est préféré en utilisant l’axiome de
monotonie introduit précédemment. D’après cet axiome, A sera préféré à tous les paniers avec un nombre
de DVD inférieur ou égal à 20 et un nombre de places de cinéma inférieur ou égal à 3. Ces paniers
correspondent à la zone en gris de la figure. Ainsi, A est préféré à E. Toujours par l’axiome de monotonie,
tous les paniers avec un nombre de DVD supérieur ou égal à 20 et un nombre de places de cinéma
supérieur ou égal à 3 seront préférés à A. Ces paniers correspondent à la zone en orange. Ainsi, D est
préféré à A. Les zones grise et orange sont communes à tous les individus ayant des préférences
monotones.
Notons que les paniers B, C et F n’appartiennent ni à la zone grise, ni à la zone orange. La comparaison
de A avec ces paniers va dépendre des préférences et des goûts de l’individu. Dans le cas spécifique de
Julien, il s’avère qu’il est indifférent entre A, B et C et qu’il préfère A à F. Dans ce cas, la courbe
d’indifférence IA de Julien qui passe par A passera aussi par B et C.
Cette courbe divise le plan en deux zones qui apparaissent dans la figure 6.2. :
– la zone des paniers préférés à ceux de la courbe (zone en orange) ;
– la zone des paniers non préférés (zone en gris).

La courbe d’indifférence tracée sur les figures 6.1. et 6.2. est une courbe continue. Si on suppose qu’il
n’est pas possible de diviser les biens (de consommer une demi-place de cinéma ou un demi-DVD), la
81
courbe n’est pas vraiment continue. En général, de façon à simplifier l’analyse, les économistes font
l’hypothèse simplificatrice que les biens sont parfaitement divisibles, de sorte que les courbes
d’indifférence sont bien continues. Nous adoptons dans la suite du cours cette hypothèse simplificatrice.

Figure 6.2. Paniers préférés et non préférés (d’après les préférences de Julien)

Analyse du document
Qu’est-ce que la courbe d’indifférence associée à un panier permet-elle d’identifier ?
Considérez les 6 paniers de la figure 6.1. Comparez le panier E avec chacun des autres paniers. Refaites
la même chose avec le panier F puis le panier D.

1.4. Propriétés des courbes d’indifférence


Un individu ne possède pas une courbe d’indifférence mais une infinité de courbes d’indifférence, qui
correspondent à des niveaux différents de satisfaction. Le graphe b de la figure 6.3. représente une carte
d’indifférence avec trois courbes d’indifférence d’un individu quelconque, mais il est possible d’en faire
apparaître bien plus. Chaque individu possède en fait une infinité de courbes d’indifférence.

Figure 6.3. Propriétés des courbes d’indifférence

La configuration visible sur le graphe a est impossible car deux courbes d’indifférence ne peuvent se croiser ; plus une courbe
d’indifférence est éloignée de l’origine plus elle correspond à un niveau de satisfaction élevée (graphe b).

82
La figure 6.3. permet d’illustrer trois propriétés des courbes d’indifférence. Les courbes d’indifférence
d’un même individu construites à partir de ses préférences pour deux biens donnés vérifient les propriétés
suivantes.
i. Les courbes d’indifférence sont décroissantes.
On le voit sur le graphe b de la figure 6.3. Si on considère n’importe laquelle des trois courbes
d’indifférence, on voit bien que pour compenser une diminution de la consommation « cinéma », il faut
augmenter la consommation « DVD » pour garder le même niveau de satisfaction (rester sur la même
courbe).
ii. Les courbes d’indifférence ne peuvent pas se croiser.
Chaque courbe d’indifférence représente les paniers qui offrent le même niveau de satisfaction. Si deux
courbes sont distinctes, c’est qu’elles correspondent par définition à des niveaux de satisfaction différents.
Si deux courbes d’indifférence se croisaient en un panier A comme dans le graphe a, cela signifierait que
ce panier correspondrait à deux niveaux de satisfaction distincts, ce qui est impossible.
iii. Une courbe d’indifférence située au-dessus (à droite) d’une autre correspond à un niveau de
satisfaction plus important.
Cette propriété est aussi une conséquence directe de l’axiome de monotonie (partie b de la figure 6.3).

Enfin, les économistes pensent que, pour la majorité des biens, les courbes d’indifférence ont une forme
particulière : elles sont convexes. C’est ce qu’illustre la figure 6.4.

Figure 6.4. La convexité de la courbe d’indifférence

La corde reliant les points A et B est au-dessus de la courbe. Cette dernière est donc convexe.

La convexité de la courbe d’indifférence est la conséquence d’un axiome supplémentaire que l’on ajoute
généralement aux axiomes de base. Il s’agit de l’axiome de préférence pour la diversité.
Axiome 5. Le consommateur présente une préférence pour la diversité. S’il est indifférent entre deux
paniers A et B (A ∼ B), alors un nouveau panier C composé en mélangeant une moitié de A et une moitié
de B sera (strictement) préféré à A et à B (C ≻ A et C ≻ B).
C’est le cas du panier C de la figure 6.4. qui correspond à un mélange des paniers A et B. Comme il est à
mi-distance de A et B, il est obtenu en mélangeant la moitié de A avec la moitié de B. On voit que C est
dans la zone des paniers préférés. L’individu préfère donc ce panier diversifié aux paniers d’origine A et
B.

Analyse du document
Pourquoi une courbe d’indifférence ne peut-elle être croissante ?
Expliquez, en comparant les paniers B et C du graphe a de la figure 6.3., pourquoi il est impossible que
deux courbes d’indifférence se croisent.
En comparant les paniers A’, B’ et C du graphe b de la figure 6.3., expliquez pourquoi plus une courbe
d’indifférence est éloignée de l’origine, plus elle correspond à un niveau de satisfaction élevé.
83
Comparez le panier A avec le panier B’ du graphe b.
Qu’est-ce que la préférence pour la diversité signifie ?
Quelle est la conséquence de l’hypothèse de préférence pour la diversité sur la courbe d’indifférence ?
Fabrice, qui éprouve de la préférence pour la diversité, est indifférent entre le panier A contenant
uniquement 100 DVD et le panier B contenant uniquement 50 places de cinéma. Proposez un autre
panier, qui contient moins de 100 DVD et moins de 50 places de cinéma, que Fabrice préfère aux paniers
A et B.

1.5. Le taux marginal de substitution


1.5.1. L’échange d’un bien contre un autre
Une baisse du prix des DVD a-t-elle une conséquence sur la fréquentation des salles de cinéma? Cette
question est liée à la question suivante : consommer plus de DVD compense-t-il le fait d’aller moins
souvent au cinéma ? Pour répondre à cette question, il faut s’interroger sur la substituabilité entre les
biens. Cette substituabilité peut être mesurée à partir des préférences individuelles entre les paniers de
biens à l’aide du taux marginal de substitution. Le taux marginal de substitution (TMS) est à la courbe
d’indifférence exactement ce que le taux marginal de transformation est à la frontière des possibilités de
production.
Le taux marginal de substitution (TMS) du bien 2 au bien 1 est le taux auquel un individu peut échanger
du bien 1 contre du bien 2 tout en gardant le même niveau de satisfaction. Si on met la consommation du
bien 1 (DVD) en abscisse et la consommation du bien 2 (cinéma) en ordonnée, le TMS défini en un point
de la courbe d’indifférence correspond à la valeur absolue de la pente de la courbe en ce point. On peut
alors le définir de deux façons équivalentes, selon que l’on remonte la pente (de la droite vers la gauche)
ou qu’on descende la pente (de la gauche vers la droite). Si on remonte la pente, on définit le TMS en un
point de la courbe comme le nombre d’unités (infimes) de bien 2 que l’individu réclame pour compenser
la perte d’une unité (infime) de bien 1. Si on descend la pente, on peut le définir comme le nombre
d’unités de bien 2 auquel l’individu est prêt à renoncer pour avoir une unité supplémenaire de bien 1.
Propriété : du fait de la convexité de la courbe d’indifférence, le TMS est de plus en plus faible au fur et à
mesure que l’on descend le long de la courbe. On voit sur la figure 6.5. que la pente (mesurée en valeur
absolue) est élévée au voisinage du point A, qu’elle est moins élevée au voisinage du point B et qu’elle
est nulle au voisinage du point C. Le TMS est de plus en plus petit quand on descend le long de la courbe
d’indifférence.

Figure 6.5. Convexité de la courbe d’indifférence et TMS

Encadré. Le taux de substitution : une analyse de l’échange « frites contre des potatoes »
Imaginons que vous vous rendiez dans un restaurant d’une célèbre de chaîne de restauration rapide avec
un ami. Après avoir acheté votre menu, vous disposez d’une certaine quantité de frites et de « potatoes ».
On suppose que vous éprouvez de la préférence pour la diversité, et que vous voulez consommer à la fois
des frites et des potatoes. Combien de frites seriez-vous prêt à donner à votre ami pour avoir en échange 1
84
potatoe supplémentaire ? Le nombre de frites cédées en échange d’une potatoe est un taux de substitution.
Evidemment, la valeur de ce taux est personnelle, puisqu’elle dépend de vos préférences. Ensuite, la
valeur de ce taux dépend du nombre de frites et de potatoes que vous avez au départ dans votre menu. Si
vous avez acheté un menu avec plein de frites et peu de potatoes, vous serez prêt à renoncer à un plus
grand nombre de frites pour avoir une potatoe supplémentaire que si vous aviez acheté un menu avec peu
de frites et plein de potatoes. Si on met dans un plan les potatoes en abscisse et les frites en ordonnée,
votre taux marginal de substitution (frites contre potatoes) est élevé quand vous avez peu de potatoes et il
est faible quand vous avez beaucoup de potatoes. Votre courbe d’indifférence est donc bien convexe.

Nous allons voir à présent que le TMS mesure le degré de substituabilité entre deux biens et permet de
distinguer les biens substituables des biens complémentaires.

1.5.2. Biens substituables


Guillaume aime autant le jus de pomme que le jus de raisin (figure 6.6.). Les jus de pomme et de raisin
sont des substituts parfaits pour Guillaume. Deux verres de jus de pomme lui procurent la même
satisfaction que deux verres de jus de raisin ou qu’un verre de jus de pomme et un verre de jus de raisin.
Ces trois paniers se situent donc sur la même courbe d’indifférence. Il est facile de vérifier que la courbe
d’indifférence passant par ces paniers est une droite de pente égale à – 1, puisqu’il faut toujours un bien
supplémentaire de type 2 pour compenser la perte d’un bien de type 1. Cela signifie que le TMS est égal à
1 en tout point de la courbe.

Figure 6.6 Courbes d’indifférence dans le cas de biens parfaitement substituables

On peut alors donner la définition suivante de substituts parfaits en fonction du TMS.


Deux biens sont des substituts parfaits si, pour ces deux biens, le TMS est constant en tout point de la
courbe d’indifférence.
Dans le cas de Guillaume, ce TMS est égal à 1. Mais ce qui compte pour définir des substituts parfaits,
c’est que les deux biens soient échangeables dans un rapport constant.

1.5.3. Biens complémentaires


Considérons deux nouveaux biens : les enveloppes et les timbres. Pour envoyer un courrier, un individu a
besoin d’un timbre et d’une enveloppe. 3 timbres et 5 enveloppes ne permettent d’envoyer que 3 lettres.
Ainsi, si on veut représenter (figure 6.7) les courbes d’indifférence d’un individu pour ces deux biens (en
supposant que le bien 1 corresponde aux enveloppes), il est raisonnable de penser qu’il sera indifférent

85
entre (1,1), (2,1), (5, 1), (1, 2), (1, 5). Ainsi la courbe d’indifférence qui passe par le point (1,1) se
compose d’une demi-droite verticale et d’une demi-droite horizontale qui partent du point (1,1).
Dans le cas de compléments parfaits, le TMS est donc soit infini (égal à la pente de la demi-droite
verticale) soit nul (égal à la pente de la demi-droite horizontale)8.

Figure 6.7. Courbes d’indifférences dans le cas de biens parfaitement complémentaires

Analyse de document
Qu’est-ce que le taux marginal de substitution d’un bien à un autre ?
Quelle est la propriété du taux marginal de substitution d’un bien à un autre d’un individu qui a une
préférence pour la diversité ?
Sous quelle condition relative au TMS deux biens sont-ils des substituts parfaits ?
Sous quelle condition relative au TMS deux biens sont-ils des compléments parfaits ?
Considérez la courbe d’indifférence qui passe par le point (1,1) de la figure 6.7. Pourquoi le TMS est-il
infini pour toute combinaison située sur la « courbe » au-dessus du point (1,1) ?
Considérez la courbe d’indifférence qui passe par le point (1,1) de la figure 6.7. Pourquoi le TMS est-il
nul pour toute combinaison située sur la « courbe » à droite du point (1,1) ?
Si deux biens sont parfaitement substituables, peut-on dire que l’individu éprouve de la préférence pour
la diversité ?
Si deux biens sont parfaitement complémentaires, peut-on dire que l’individu éprouve de la préférence
pour la diversité ?

2. Les préférences du consommateur : la représentation par la fonction


d’utilité
Nous allons introduire un nouveau concept, l’utilité, qui permet de représenter mathématiquement les
préférences du consommateur. Ce concept d’utilité est ancien, puisqu’on le retrouve chez Aristote, qui
parlait de valeur-utilité. Nous allons montrer qu’il est possible de retrouver les propriétés des choix des
individus vus précédemment grâce à ce concept d’utilité. Il faut comprendre que ce concept n’est rien
d’autre qu’un objet abstrait et mathématique qui reflète les préférences des individus. La fonction d’utilité
est un concept abstrait inventé par les économistes pour présenter de façon plus simple les préférences des
agents. Les individus ne sont pas supposés prendre consciemment leurs décisions sur la base d’une
fonction d’utilité ; ils ne sont d’ailleurs même pas censés connaître leurs propres fonctions d’utilité. Mais
pourtant s’ils obéissent aux axiomes de rationalité que nous avons définis, il est possible de trouver pour
chaque individu une fonction mathématique qui représente ses préférences !

8
Au point (1,1) qui est à la jonction des demi-droites il y a deux pentes, une à gauche (infinie) et une à droite (nulle).
86
2.1. L’utilité : une mesure ordinale de la satisfaction
Chaque courbe d’indifférence correspond à un niveau de satisfaction. Plus la courbe est élevée dans le
plan, plus la satisfaction associée à la consommation d’un panier sur cette courbe est importante. Ainsi, il
suffit d’associer une valeur numérique à chaque courbe d’indifférence, d’autant plus grande que la courbe
est élevée dans le plan, pour construire un indice d’utilité (figure 6.8.)
La figure 6.8. représente une carte d’indifférence associée à la consommation de deux biens x et y. Nous
avons représenté 4 courbes d’indifférence sur cette carte. A chaque courbe nous avons associé un indice
d’utilité, dont la valeur est d’autant plus grande que la courbe est élevée.

Figure 6.8. Indice d’utilité associée aux courbes d’indifférence

Ainsi l’utilité associée à la courbe la plus élevée sur la figure 6.8. vaut 7, ce qui est supérieur à l’utilité de
la troisième courbe (qui vaut 4). Cela traduit la préférence du consommateur pour les paniers associés à la
courbe la plus élevée.
Propriété : l’utilité associée à une courbe d’indifférence est une mesure ordinale de la satisfaction du
consommateur, et non pas cardinale. Cela signifie que la valeur particulière de l’utilité associée à un
panier ou à la courbe qui passe par ce panier n’a aucune signification. Seul compte le classement des
paniers que l’on peut opérer grâce à l’utilité.
Ainsi, le fait que l’utilité associée à la courbe la plus basse de la figure 6.8. vaut 1 n’a aucun sens en soi.
Ce qui a du sens, c’est d’observer que cette valeur est inférieure à l’utilité des courbes qui sont plus
élevées.
De même, l’utilité associée à un panier ou à une courbe peut être négative. Le signe de l’utilité n’a aucune
signification, car seul compte le classement qui découle de la comparaison de l’utilité des différents
paniers.

Sous certaines conditions mathématiques assez peu restrictives 9, il existe une fonction de x et y (où x et y
désignent aussi les quantités consommées des deux biens) notée U(x, y) qui mesure l’utilité associée à
chaque panier (x, y). C’est la fonction d’utilité du consommateur. Nous admettrons par ailleurs que cette
fonction possède des dérivées du premier et second ordre.
Par exemple, il existe une fonction U telle que U(x, y) = 1 pour x et y appartenant à la première courbe
d’indifférence de 6.8., telle que U(x, y) = 3 pour x et y appartenant à la deuxième courbe …
Chaque courbe d’indifférence correspond alors à un niveau de la fonction d’utilité. Pour cette raison, les
courbes d’indifférence sont aussi appelées courbes d’iso-utilité.

9
Pour cela, les axiomes de rationalité présentés au début du chapitre précédent doivent être vérifiés. De surcroît, l’ensemble
des paniers doit former un ensemble continu et fermé. Cette dernière condition assure que si deux paniers diffèrent de façon
infime par leur composition et que l’un est préféré à un troisième panier, alors l’autre doit aussi l’être. Cela exclut l’existence
de « ruptures » dans les préférences, c’est-à-dire qu’une modification infime de la composition d’un panier puisse provoquer
un changement notable de satisfaction.
87
Propriété : d’après l’axiome de monotonie, la fonction d’utilité est croissante par rapport à chacun de ses
∂ U (x , y ) ∂ U (x , y)
arguments x et y. Les dérivées partielles sont donc positives : >0, >0.
∂x ∂y
C’est bien sûr en raison de cette hypothèse qu’une valeur plus importante de l’utilité est associée aux
courbes d’indifférence les plus élevées.
Par définition la fonction d’utilité U(x, y) est une fonction de deux variables x et y. Si on voulait
représenter cette fonction dans un graphe, il faudrait faire un graphe en 3 dimensions (un axe pour x, un
axe pour y et un axe pour la valeur résultante de U). La courbe d’indifférence ou courbe d’iso-utilité
représente en fait ce qu’on appelle une courbe de niveau de cette fonction.
La fonction d’utilité Cobb-Douglas U ( x , y ) =x α y β avec α >0 , β> 0 est un exemple de fonction d’utilité
très utilisée. Par exemple on peut avoir pour certains individus une fonction U ( x , y ) =x0 , 5 y 0 ,5.
Dans la mesure où la valeur de l’utilité constitue seulement une mesure ordinale de la satisfaction, toute
transformation monotone croissante de la fonction d’utilité fournit une nouvelle fonction d’utilité qui
représente aussi les préférences du même consommateur. Toute fonction V croissante permet d’obtenir
une fonction d’utilité équivalente à U en appliquant la fonction V à la valeur de l’utilité : V(U).
Si on reprend l’exemple de la figure 6.8., on peut appliquer la transformation croissante V = -2 + 5U.
Ainsi, les valeurs 1, 3, 4 et 7 associées aux 4 courbes deviennent après calculs 3, 13, 18 et 33. Ces quatre
valeurs font le « même job » que les quatre précédentes puisqu’elles conservent le même classement entre
les paniers.
Si on reprend l’exemple de la fonction U ( x , y ) =x0 , 5 y 0 ,5, on peut appliquer une transformation
logarithmique : V = lnU, dans la mesure où ln est une fonction monotone croissante. On trouve ainsi une
nouvelle fonction d’utilité V(x, y) = 0,5lnx + 0,5lny qui représente les mêmes préférences que la fonction
U(x,y). En fait, on peut même se débarrasser des « 0,5 » en définissant la fonction d’utilité W = 2V = lnx
+ lny, qui représente les mêmes préférences que U et V.
Il n’y a donc pas une, mais une infinité de fonctions d’utilité qui peuvent être utilisées pour représenter les
préférences d’un consommateur rationnel.

Analyse du document
Peut-on dire que les individus possèdent réellement une fonction d’utilité ?
Qu’est-ce que la fonction d’utilité ?
Si l’utilité d’un panier vaut 10, que peut-on en tirer ?
L’utilité peut-elle être négative ?
Quel autre nom donne-t-on aux courbes d’indifférence ?
Quelle particularité présente la fonction d’utilité en raison de l’axiome de monotonie ?

2.2. L’utilité marginale


L’utilité marginale mesure l’augmentation d’utilité qui découle de l’augmentation infime de la quantité
d’un des biens consommés. On associe ainsi à la fonction d’utilité U(x, y) l’utilité marginale du bien x et
l’utilité marginale du bien y, qu’on notera Ux (x, y) et Uy (x, y), ou en abrégé Ux et Uy.
D’un point de vue mathématique, l’utilité marginale d’un bien est la dérivée partielle première de l’utilité
∂U ( x , y ) ∂ U (x , y)
calculée par rapport à la quantité consommée de ce bien : U x (x , y )= , U y (x , y )= .
∂x ∂y
Si on considère par exemple la fonction d’utilité U(x, y) = lnx + 0,5lny, alors les utilités marginales sont
1 1
définies par U x (x , y )= ,U y (x , y )=0 , 5 .
x y
L’utilité marginale est elle-même une fonction, puisqu’elle dépend des quantités consommées. L’utilité
étant une fonction ordinale, il ne faut pas chercher à donner une interprétation cardinale à ses dérivées, les
utilités marginales. Par exemple, si on considère un consommateur qui possède un panier caractérisé par x
1
= 5 et y = 5, et qu’on intègre x = 5 dans U x = , on trouve U x =0 , 2. Cette valeur de 0,2 n’a aucune
x
signification en soi. Par contre, on peut la comparer à l’utilité marginale de y, obtenue en intégrant 5 dans

88
1
U y =0 ,5 . On trouve alors U y =0 ,1. On en tire alors qu’accroître la consommation du bien x augmente
y
deux fois plus la satisfaction qu’accroître la consommation du bien y.
1 1
La figure 6.9. trace le graphe des utilités marginales U x = ,U y =0 , 5 associées à la fonction U(x, y) =
x y
lnx + 0,5lny. Comme on peut le constater, l’utilité marginale de chaque bien est une fonction décroissante
de la quantité consommée.
La décroissance de l’utilité marginale est connue sous le nom de principe ou loi de l’utilité marginale
décroissante. Cette loi énonce que plus un individu consomme un bien, plus ses besoins de ce bien sont
satisfaits et moins la consommation supplémentaire de ce bien lui apportera d’utilité supplémentaire. En
fait, malgré son nom, il ne s’agit pas d’une loi, mais d’une hypothèse.

Figure 6.9. Décroissance de l’utilité marginale

.....Ux ___ Uy
12

10

0
Note : la quantité consommée de chaque bien est en abscisse, et son utilité marginale en ordonnée.

Cette hypothèse est basée sur l’idée que la première bouchée est toujours la meilleure ! Si vous mangez
des frites, la première frite est la meilleure. La deuxième vous satisfait toujours, mais moins que la
première. On peut dire la même chose de la troisième, qui vous satisfait, mais moins que la deuxième …
Cette hypothèse est étendue à tous les biens de consommation, et pas seulement les biens alimentaires.
Mathématiquement, la loi de l’utilité marginale décroissante revient à postuler que les dérivées partielles
2 2 2 2
∂ U (x , y ) ∂ U (x , y ) ∂ U (x , y ) ∂ U (x , y )
secondes 2 et 2 de la fonction d’utilité sont négatives : 2
<0 , 2
<0 .
∂x ∂y ∂x ∂y
Comme indiqué précédemment, l’utilité est supposée croissante par rapport à chacun de ses arguments en
raison de l’axiome de monotonie. De surcroît, on suppose généralement que la fonction d’utilité est
concave, ce qui implique que le consommateur éprouve de la préférence pour la diversité.
Une fonction à deux variables U(x, y) est (strictement) concave si :

( )
2 2 2 2
∂ U (x , y ) ∂ U (x , y ) ∂ U (x , y ) ∂2 U (x , y ) ∂2 U (x , y )
<0 , <0 et − > 0.
∂ x2 ∂ y2 ∂ x2 ∂ y2 ∂x∂ y
La concavité de la fonction d’utilité implique ainsi que la loi de l’utilité marginale décroissante est
vérifiée. Bien que cela soit un peu plus compliqué à démontrer, on pourrait aussi prouver que la concavité
de la fonction d’utilité implique que les courbes d’indifférence sont convexes.

Encadré. Les cinq hypothèses usuelles relatives à la fonction d’utilité.


Usuellement les économistes font les cinq hypothèses suivantes relatives à la fonction d’utilité :

89
2 2 2
∂ U (x , y ) ∂ U (x , y ) ∂ U (x , y ) ∂ U (x , y ) ∂ U (x , y )
1. > 0; 2. >0 ; 3. <0 ; 4. <0 ; 5.
∂x ∂y ∂ x2 ∂ y2 ∂ x2

( )
2 2 2
∂ U (x , y ) ∂ U (x , y )
− > 0.
∂ y2 ∂x∂ y
Les hypothèses 1 et 2 découlent de l’axiome de monotonie. L’individu rationnel est d’autant plus satisfait
que sa consommation d’un bien est grande. Les hypothèses 3, 4 et 5 sont suffisantes (mais pas
nécessaires) pour garantir la validité de l’axiome de préférence pour la diversité. Les hypothèses 3 et 4
correspondent à la loi de l’utilité marginale décroissante. Sans ce principe, les individus ne
manifesteraient pas de préférence pour la diversité. En effet, chaque dérivée partielle seconde indique
l’effet d’une augmentation de la consommation d’un bien sur la dérivée partielle première, c’est-à-dire sur
l’utilité marginale. Comme cette dérivée seconde est négative, alors l’augmentation de la quantité
consommée d’un bien réduit son utilité marginale. Imaginez que cela ne soit pas le cas et qu’un des biens
soit au contraire à satisfaction marginale croissante (dérivée seconde positive). Alors l’individu rationnel
serait tenté de ne consommer que ce bien, puisque plus il consommerait de ce bien, et plus son utilité
marginale augmenterait. L’hypothèse 5 est plus subtile à comprendre. Elle pose en fait une condition sur
la valeur de la dérivée partielle seconde croisée10. Cette dérivée ne doit pas être trop forte (en valeur
absolue). L’utilité marginale d’un bien ne doit pas augmenter ou baisser trop fortement quand la
consommation de l’autre bien augmente.
La concavité de la fonction d’utilité est une hypothèse suffisante, qui garantit que la formule du choix
optimal du consommateur (établie au chapitre VII) correspond bien à un maximum global de la fonction
d’utilité sous contrainte. Elle n’est cependant pas nécessaire. De nombreuses fonctions d’utilité vérifient
les hypothèses 1 à 4 mais pas l’hypothèse 5. Il faut alors vérifier au cas par cas que la formule
d’optimisation conduit bien à un maximum global (ce qui n’est pas nécessaire quand l’hypothèse 5 est
vérifiée).

Analyse du document
Qu’est-ce que l’utilité marginale ?
Soit la fonction d’utilité U =xy+ 2 √ x +6 √ y . Déterminez l’utilité marginale de x et celle de y.
Si l’utilité marginale de x vaut 2 et celle de y vaut 4 lorsque vous consommez le panier (1,1), qu’est-ce
que cela indique ?
Reprenons les éléments de la question précédente. D’après vous, de quelle information avez-vous besoin
pour savoir s’il vaut mieux augmenter la consommation du bien x ou celle du bien y (lorsque vous avez
consommé le panier (1,1))?
Qu’indique le principe de l’utilité marginale décroissante ?
Quelles sont les hypothèses relatives à l’utilité que les économistes font usuellement ?
Montrez que la fonction d’utilité U(x, y) = lnx + 0,5lny est bien concave.

2.3. La détermination du TMS


Considérons n’importe laquelle des courbes d’indifférence de la figure 6.8. D’après ce que nous avons
expliqué au paragraphe 1.5.1., le TMS défini en un point d’une courbe d’indifférence de 6.8. correspond à
la valeur absolue de la pente de la courbe en ce point.
Par définition, chaque courbe d’indifférence correspond à une utilité U(x, y) constante. Si l’utilité est
constante, alors cela signifie que la différentielle (totale) de l’utilité, notée dU, est nulle : dU = 0. Il n’y a
pas de variation de satisfaction le long d’une courbe d’indifférence.

10
Les hypothèses 3, 4 et 5 garantissent que la fonction est concave. En fait, les mathématiciens définissent généralement la
concavité avec seulement une des deux hypothèses 3 et 4, et en ajoutant l’hypothèse 5. En effet, si vous faites l’hypothèse 3
ainsi que l’hypothèse 5, alors l’hypothèse 4 est garantie du fait des deux précédentes. Ce n’est donc pas vraiment une
hypothèse mais une implication des deux autres.
90
dy
La pente d’une courbe d’indifférence en un point quelconque est alors déterminée par sous la
dx
contrainte dU = 0. Pour le comprendre, prenez n’importe quel point du plan (x,y) ; par exemple le point
(5,5). Vous appliquez la contrainte dU = 0 calculé en ce point (5,5). Cela signifie que vous considérez
dy
alors la courbe d’indifférence qui passe par le point (5,5). Et ensuite vous déterminez la dérivée en ce
dx
point de la courbe, c’est-à-dire vous calculez la pente de la courbe en ce point. Comme cette dérivée est
forcément négative (puisque la courbe d’indifférence est décroissante), il faut alors prendre la valeur
absolue de cette pente pour obtenir le TMS.
dy
Concrètement, comment calculer sous la contrainte dU = 0 ? Il suffit pour cela de calculer la
dx
différentielle totale de la fonction d’utilité.
Par définition, la différentielle totale de la fonction d’utilité U(x,y) est :
∂U (x , y ) ∂ U (x , y )
dU = dx + dy
∂x ∂y
La différentielle totale permet de déterminer l’effet sur U (dU) d’une variation (infime) de x (dx) et de y
∂ U (x , y )
(dy). La dérivée partielle correspond à l’effet de la variation de x sur U, et la dérivée partielle
∂x
∂ U (x , y )
correspond à l’effet de la variation de y sur U.
∂y
Littéralement, la différentielle totale se lit ainsi : « la variation de U (dU) correspond à la somme de la
variation de x (dx) multiplié par son effet sur U ( ∂x )
∂ U (x , y)
et de la variation de y (dy) multiplié par son

effet sur U ( ∂y )
∂ U (x , y)
».

Or les dérivées partielles ( ∂x ) (


∂ U (x , y)
et
∂y )
∂ U (x , y)
correspondent aux utilités marginales Ux et Uy des
deux biens. La différentielle totale peut alors s’écrire de façon plus compacte :
dU =U x dx +U y dy
Or le long d’une courbe d’indifférence les variations de x et de y se compensent puisque dU = 0.
Si vous intégrez dU = 0 dans la différentielle totale, vous obtenez :
U x dx +U y dy =0
dy
Cette équation peut être réécrite pour faire apparaître le rapport , la pente de la courbe d’indifférence :
dx
dy −U x
=
dx U y
Comme les deux utilités marginales sont positives, la pente est bien sûr négative. Le TMS, qui correspond
à la valeur absolue de la pente, est alors tout simplement donné par :
Ux
TMS (x , y )=
Uy
où TMS(x, y) désigne le TMS calculé au point (x,y).

En résumé : la formule du TMS à connaître


Le TMS calculé en un point ou panier quelconque (x,y) est simplement égal au rapport des utilités
marginales :
Ux
TMS (x , y )=
Uy
Si le TMS vaut 2, cela vaut donc dire qu’un accroissement de la consommation du bien x donne deux fois
plus de satisfaction qu’un accroissement de même ampleur de la consommation du bien y. On peut

91
interpréter cette valeur du TMS en disant qu’une réduction de la quantité consommée de x est compensée
par une augmentation deux fois plus importante de y.

Uy
Bien entendu, le rapport inverse définit aussi un TMS, celui associé à l’inversion des axes. Si le TMS
Ux
vaut 2 en un point, le TMS « inverse » vaut ½ : s’il faut 2 unités de y pour remplacer 1 unité de x, alors il
faut une demi-unité de x pour remplacer une unité de y.

Considérons par exemple la fonction d’utilité U(x, y) = lnx + 0,5lny. Que vaut alors le TMS calculé au
point (10, 10) ?
1 1
Nous avons vu précédemment que les utilités marginales sont données par U x = ,U y =0 , 5 .
x y
La formule du TMS donne donc :
1
Ux x 2y
TMS ( x , y )= = =
Uy 1 x
0 ,5
y
L’application de cette formule au point (10, 10) donne : TMS (10 , 10 ) =2. Une réduction (infime) de la
quantité consommée de x est compensée par une augmentation deux fois plus importante de la quantité
consommée de y.

Analyse du document
Quelle propriété présente la fonction d’utilité associée à une courbe d’indifférence ?
dy
Expliquez pourquoi la pente d’une courbe d’indifférence dans le plan (x,y) est donnée par sous la
dx
contrainte dU = 0.
∂U (x , y ) ∂ U (x , y )
En partant de la différentielle totale de la fonction d’utilité U(x,y) : dU = dx + dy ,
∂x ∂y
Ux
expliquez pourquoi le TMS en un point quelconque vaut : TMS (x , y )= .
Uy
Considérons la fonction d’utilité U ( x , y ) =√ x + √ y croissante (par rapport à x et y) et concave. Calculez
le TMS au point (4, 9). Donnez une interprétation de la valeur obtenue.

3. Contrainte budgétaire et droite de budget


3.1. Définitions
Le choix du consommateur est déterminé par ses préférences mais aussi par les contraintes financières
auxquelles il est soumis. En effet, le consommateur ne peut pas acquérir tous les biens qu’il souhaite car il
est limité par le revenu dont il dispose.
Julien dispose d’un budget de 120 euros par mois pour acheter des places de cinéma et des DVD. Pour
déterminer sa contrainte budgétaire, nous avons besoin de connaître son revenu ou budget, mais
également les prix des biens considérés, la place de cinéma et le DVD.
L’ensemble budgétaire est l’ensemble des paniers de biens qu’un consommateur peut acheter pour des
prix et un revenu donnés.
Si le bien x coûte Px et le bien y Py, l’ensemble budgétaire est défini par toutes les quantités x et y des
deux biens telles que Px x + Py y ≤ R, où R est le revenu.
Nous nous intéressons dans ce cours aux comportements de consommation à un instant donné sans nous
préoccuper du passé et de l’avenir. Par conséquent, le revenu alloué aux biens étudiés qui ne serait pas
utilisé serait « gaspillé » dans la mesure où le consommateur n’a pas de possibilité de report (pas de futur
donc pas d’épargne). Aussi, un consommateur rationnel utilise entièrement son revenu.

92
La droite de budget (ou droite budgétaire) délimite les paniers de biens qu’un consommateur peut acheter
étant donnés les prix et son revenu (ou budget) qu’il est supposé dépenser entièrement. C’est la frontière
(supérieure) de l’ensemble budgétaire.
Ainsi, l’équation de la droite budgétaire est Px x + Py y = R.
Construisons l’ensemble budgétaire et la droite de budget de Julien. Le prix d’une place de cinéma est
supposé égal à Py = 6 euros et le prix d’un DVD est Px = 10 euros. La figure 6.10 représente la droite de
budget et l’ensemble budgétaire de Julien. La droite de budget a pour équation 10 x + 6 y = 120, où x
représente ici le nombre de DVD et y représente le nombre de places de cinéma.
L’ensemble budgétaire regroupe tous les paniers que le consommateur peut acheter étant donnés les prix
et son revenu : ce sont des paniers accessibles pour ce consommateur. Ils sont représentés par l’aire qui se
situe sous la droite de budget. Les autres paniers, situés au-dessus la droite de budget, correspondent aux
paniers inaccessibles.

Figure 6.10. Ensemble budgétaire et droite de budget de Julien

Pour tracer la droite de budget, il suffit de connaître deux points. Il suffit de connaître le point situé sur
l’axe des abscisses, qui correspond à un budget entièrement consacré à x, et le point situé sur l’axe des
ordonnées, qui correspond à un budget entièrement consacré à y. Le premier point correspond au panier
(12, 0) et le second au panier (0,20), avec R/Px = 120/10 = 12 et R/Py = 120/6 = 20.
Un point important concerne le calcul et l’interprétation de la pente de la droite de budget. La droite de
budget peut se réécrire :
R px
y= − x
py p y
−p x
La pente de la droite de budget est donc égale à .
py
−p x −10
Dans le cas de la figure 6.10 elle vaut : = .
py 6
La pente de la droite de budget est d’abord évidemment négative, car à revenu et prix constants,
l’augmentation de la consommation de x ne peut se faire qu’au détriment de la consommation de y.
On note aussi que la valeur absolue de la pente de la droite de budget mesure le prix relatif des deux
biens. En effet, cette pente (en valeur absolue) est égale au rapport entre les prix des deux biens et indique
le taux auquel les deux biens peuvent être substitués sans changer la dépense totale. Si par exemple Julien
diminue sa consommation de DVD (x) de 3 unités, il pourra augmenter sa consommation de cinéma (y)
d’un nombre de places égal à 3px/py = 5 en conservant la même dépense.
Alors que le taux marginal de substitution constitue un taux d’échange personnel (combien de places de
cinéma supplémentaires vous faut-il pour compenser la perte d’un DVD), le rapport des prix mesure le
taux d’échange des biens sur les marchés (sur les marchés, le DVD vaut 10/6 = 1,666 places de cinéma).

Analyse du document
Qu’est-ce que l’ensemble budgétaire d’un individu ?
93
Un individu dispose d’un budget de 100 euros pour acheter et consommer de la bavette d’aloyau au prix
de 20 euros le kilo et des pommes de terre au prix de 1 euro le kilo. Comme s’écrit l’ensemble budgétaire
de cet individu ?
Qu’est-ce que la droite budgétaire ou droite de budget d’un individu?
Si on reprend les données de l’individu précédent, comme s’écrite sa droite budgétaire ?
Tracez dans le plan (bavette, pommes de terre) la droite de budget de l’individu précédent, où les
quantités consommées sont mesurées en kilogrammes. Indiquez l’ensemble budgétaire.
Considérons l’équation de la droite budgétaire Px x + Py y = R. A quoi est égale la pente de cette droite
dans le plan (x, y) ?
Qu’indique la pente de la droite de budget ? Veuillez raisonner numériquement en reprenant les données
de l’individu précédent ?

3.2. Effets d’un changement de prix et de revenu


Nous allons à présent examiner ce qui se passe lorsque les prix des biens ou le revenu du consommateur
varient. Evidemment cela a un impact sur la droite de budget.

Figure 6.11. La réduction de l’ensemble budgétaire lorsque le revenu baisse

Lorsque le revenu augmente, l’ensemble budgétaire s’élargit, car le consommateur pourra acheter plus de
biens (l'ensemble des paniers de biens accessibles au consommateur augmente) et inversement lorsque le
revenu baisse (figure 6.11).
Lorsque le revenu baisse, la droite de budget se déplace vers l’origine. La nouvelle droite de budget est
parallèle à l’ancienne : sa pente n’est pas modifiée car le prix relatif ne bouge pas.
Evidemment, en cas de hausse du revenu, la droite de budget se déplace vers la droite, comme l’ensemble
des paniers accessibles s’élargit.
Lorsque le prix d’un bien est modifié, cela modifie évidemment la contrainte budgétaire. Par exemple, si
le prix d'un bien diminue (figure 6.12), ce bien devient relativement moins cher et l'ensemble des paniers
de biens accessibles augmente. La droite de budget se déplace alors vers la droite, mais la nouvelle droite
ne sera pas parallèle à l’ancienne, car le prix relatif est modifié. La droite de budget va en fait pivoter.

Figure 6.12. L’élargissement de l’ensemble budgétaire lorsqu’un prix baisse

94
Dans le cas où le prix d’un bien augmente, c’est l’inverse : l’ensemble budgétaire se réduit et la droite de
budget pivote vers la gauche.
Lorsque les prix des deux biens sont modifiés dans les mêmes proportions (tous les deux à la hausse ou à
la baisse), l’effet est le même que celui d’une variation du revenu à prix constants.
Dans le cas où les deux prix sont multipliés par deux (figure 6.13), le prix relatif ne change pas et donc la
droite se déplace parallèlement vers la gauche. On a alors exactement le même résultat que si le revenu
est divisé par deux à prix constants (figure 6.11).

Figure 6.13. L’effet d’une hausse proportionnelle des deux prix

Ce résultat justifie ce qu’on appelle l’absence d’illusion monétaire ou nominale. Les agents rationnels
sont indifférents entre les situations suivantes : a) leur revenu est doublé à prix constants ; b) les prix sont
divisés par deux à revenu constant ou entre les situations suivantes (correspondant aux figures 6.11 et
6.13) : a) leur revenu est divisé par deux à prix constants ; b) les prix sont multipliés par deux à revenu
constant.

Analyse du document
Comment l’ensemble budgétaire et la droite budgétaire se modifient-ils lorsque le revenu varie ?
Comment l’ensemble budgétaire et la droite budgétaire se modifient-ils lorsque le prix du bien y
diminue ? Faites un graphe dans le plan (x, y) pour répondre à la question.
Comment l’ensemble budgétaire et la droite budgétaire se modifient-ils lorsque les prix des deux biens
augmentent simultanément dans les mêmes proportions ?
Comment la droite budgétaire se déplace-t-elle si le prix du bien y augmente et celui du bien x diminue ?

95
CHAPITRE VII. Le choix optimal du consommateur
Le consommateur choisit le panier de biens qui maximise sa satisfaction sous sa contrainte de budget. Ce
panier optimal peut être déterminé soit graphiquement grâce aux courbes d’indifférence, soit
mathématiquement en maximisant (sous contrainte) la fonction d’utilité.

1. Le panier optimal
1.1. Détermination graphique
Le panier optimal de consommation est le panier de biens choisi par un consommateur étant donné ses
préférences et sa contrainte budgétaire.
Intéressons-nous à nouveau aux choix de Julien. Il a un revenu de 120 euros qu’il souhaite consacrer à
l’achat de DVD (Px = 10) et de places de cinéma (P y = 6). Représentons quelques courbes d’indifférence
de Julien dans le même graphique où est aussi représentée sa droite de budget (figure 7.1.). Quel est le
panier optimal, sachant que c’est un des trois paniers indiqués sur le graphe (A, B ou C) ?

Figure 7.1. Le choix optimal de consommation

Le panier optimal est le panier B. Des trois paniers, ce n’est pas le panier qui donne la satisfaction la plus
élevée. Le panier C donne effectivement plus de satisfaction à Julien que le panier B puisqu’il est situé
sur une courbe d’indifférence plus élevée. Mais malheureusement pour Julien, le panier C est inaccessible
puisqu’il est situé au-delà de la droite de budget. Julien n’a pas les moyens d’acheter le panier C. Les
paniers A et B sont sur la droite de budget. Julien peut donc les acheter tous les deux et il dépense tout
son budget en les acquérant. Mais Julien préfère le panier B au panier A car il est situé sur une courbe
d’indifférence plus élevée. Le panier B est bien le panier optimal de Julien, car compte tenu de sa
contrainte de budget matérialisée par la droite de budget, il lui est impossible d’atteindre un panier situé
sur une courbe d’indifférence plus élevée que celle qui passe par B. On remarque que le point B
correspond au point de tangence entre la courbe d’indifférence de Julien et sa droite de budget.
Ainsi, le panier optimal de consommation est le panier accessible situé sur la courbe d’indifférence la plus
élevée possible. Il correspond au point de tangence entre la droite de budget et la courbe d’indifférence.

Rappelons que la pente (en valeur absolue) de la courbe d’indifférence est égal au TMS, et que la pente
(en valeur absolue) de la droite de budget est égal au rapport des prix. Au point de tangence, la courbe
d’indifférence et la droite de budget ont la même pente. Il en découle que le panier optimal est caractérisé
par l’égalité du rapport des prix et du TMS.

px
Propriété : le panier optimal (x*, y*) est caractérisé par TMS(x*, y*) = .
py

Au point optimal, l’individu égalise donc son taux d’échange personnel entre les deux biens, le TMS, au
taux d’échange sur le marché, le rapport des prix.
96
Rappelons qu’en n’importe quel point du plan (x, y) le TMS est égal au rapport des utilités marginales.
¿ ¿
U x (x , y )
Cette égalité est vraie aussi pour le panier optimal, d’où l’égalité : TMS (x*, y*) ¿ .
U y (x ¿ , y ¿ )
px Ux
En rapprochant les deux égalités TMS(x*, y*) = et TMS (x*, y*) ¿ on obtient l’une des équations
py Uy
les plus emblématiques de l’analyse économique.
Le panier optimal (x*, y*) est caractérisé par l’égalité du rapport des utilités marginales et du rapport des
prix :
¿ ¿
U x (x , y ) p x
=
U y (x ¿ , y ¿ ) p y
¿ ¿ ¿ ¿
où U x (x , y ) et U y (x , y ) désignent les utilités marginales de x et y évalués au point (x*, y*).

Pour des raisons purement mnémoniques, le choix optimal du consommateur est souvent défini de cette
façon, comme l’égalité du rapport des prix et du rapport des utilités marginales. Il est cependant possible
de réécrire ce résultat sous une forme qui permet de retrouver une propriété fondamentale de la
microéconomie, à savoir qu’à l’optimum le gain marginal est toujours égal au coût marginal (chapitre II).
De façon équivalente, on peut réécrire l’équation précédente :
px
U x ( x , y ) = U y (x , y )
¿ ¿ ¿ ¿
py
px
U y ( x , y ) est le coût marginal.
¿ ¿ ¿ ¿
où U x ( x , y ) est le gain marginal et
py
Le terme de gauche représente l’utilité marginale associée à la consommation d’une unité supplémentaire
du bien x : c’est le gain marginal. Le terme de droite est le coût d’opportunité de cette consommation
px
supplémentaire. Pour acheter une unité de x, Julien doit renoncer à unité(s) du bien y. Le bien x
py
(DVD) vaut 10 euros et le bien y (place de cinéma) 6 euros. Quand Julien achète un DVD à 10 euros, il
doit renoncer à 10/6 places de cinéma. Or chacune de ces 10/6 places de cinéma lui aurait procuré une
utilité marginale U y, à laquelle il doit renoncer. Son coût marginal est donc de (10/6) U y. Dans le cas
px
général il est de U .
py y

Analyse du document
Qu’est-ce que le panier optimal d’un consommateur ?
Comment peut-on graphiquement déterminer le panier optimal de consommation ?
¿ ¿
Expliquez l’égalité : Gain marginal = coût marginal, où le gain marginal est U x ( x , y ) et le coût
px ¿ ¿
marginal est U (x , y ).
py y
Vous disposez d’un budget de 20 euros que vous consacrez à la consommation de tasses de café (au prix
d’un euro) et à l’achat de croissants (au prix d’un euro). On suppose que vous êtes un consommateur
rationnel ayant de la préférence pour la diversité. Considérons le panier composé de 10 cafés et 10
croissants. Lorsque vous consommez ce panier, votre taux marginal de substitution du café au croissant
est de 2 (2 cafés pour un croissant).
a) Ce panier est-il votre panier optimal ?
b) La composition de votre panier optimal, en comparaison avec ce panier, est-elle composée de plus de
cafés ou composée de plus de croissants ?

1.2. La maximisation sous contrainte de la fonction d’utilité


Le consommateur recherche le panier, c’est-à-dire les valeurs de x et y, qui lui permettent de maximiser
sa fonction d’utilité U(x, y) tout en respectant sa contrainte de budget Px x + Py y = R.

97
Le consommateur contrôle ainsi deux variables x et y pour maximiser son utilité tout en respectant sa
contrainte de budget. Il existe deux techniques mathématiques d’optimisation pour traiter ce type de
problème. La première méthode est basée sur l’utilisation d’un Lagrangien (construit à partir d’un
multiplicateur de Lagrange) ; la seconde méthode que nous allons employer est basée sur la réduction du
nombre de variables contrôlées grâce à la contrainte.
Effectivement, comme nous l’avons indiqué, le consommateur décide du choix des deux variables x et y
soumises à son contrôle, mais il doit cependant respecter la contrainte de budget P x x + Py y = R où les
prix et le revenu sont des valeurs fixées. Compte tenu de cette contrainte, une fois que le consommateur a
R px
choisi la valeur de x, il n’a plus le choix de la valeur de y qui est forcément égale à y= − x . Compte
py p y
tenu de la contrainte de budget, y est donc une fonction (linéaire) de x, qu’on peut noter y(x) pour faire
apparaître la dépendance de la valeur de y vis-à-vis de celle de x.
R px
Compte tenu de la contrainte de budget , la fonction d’utilité est réécrite U c ( x , y (x ) ) où y(x) ¿ − x .
py py
c
On note cette fonction contrainte U à la place de U pour insister sur le fait qu’une contrainte a été
intégrée dans la fonction. Mathématiquement, la fonction U c est différente de U parce qu’on a éliminé y
du fait de la contrainte. La fonction U c est une fonction à une seule variable (elle ne dépend que de x)
alors que U est une fonction à deux variables (x et y).
Par exemple, si la fonction d’utilité est U(x, y) = lnx + 2lny, alors la fonction contrainte est
c
U ( x , y ( x ) )=lnx+2 ln
(R px
− x .
p y py ) c
∂ U (x , y )
L’optimisation de la fonction U c ( x , y (x ) ) requiert le calcul de la dérivée qui se décompose en
∂x
deux parties. D’abord, x influence directement l’utilité (à travers lnx dans l’exemple) ; ensuite, x
influence indirectement la valeur de l’utilité (à travers 2lny).
c c
∂ U (x , y ) ∂ U (x , y ) ∂ U (x , y) ∂U (x , y ) ∂ y
La dérivée se décompose alors en deux termes : = + .
∂x ∂x ∂x ∂y ∂x
∂ U (x , y ) ∂ lnx
Le premier terme correspond à l’effet direct. Dans l’exemple ci-dessus, cela correspond à
∂x ∂x
∂ U (x , y )
. Par définition, la dérivée correspond à l’utilité marginale Ux.
∂x
∂ U (x , y ) ∂ y
Le second terme correspond à l’effet indirect. La variable contrôlée x influence y (c’est la
∂y ∂x
∂y ∂ U (x , y ) ∂ 2lny
dérivée ) qui ensuite influence elle-même U(x, y) (c’est la dérivée ,qui correspond à
∂x ∂y ∂y
∂y − p x ∂ U (x , y )
dans l’exemple ci-dessus). D’après la contrainte de budget = . Quant à , cette dérivée
∂x py ∂y
∂ U (x , y ) ∂ y px
correspond à l’utilité marginale Uy. Le second terme peut donc se réécrire −U y .
∂y ∂x py
La dérivée de la fonction contrainte se réécrit alors :
c
∂ U (x , y ) ∂ U (x , y) ∂U (x , y ) ∂ y p
= + =U x −U y x .
∂x ∂x ∂y ∂x py
Il en résulte le résultat mathématique décrit dans l’encadré ci-dessous, qui décrit le choix optimal.

Encadré. Le choix optimal du consommateur

98
c
∂ U (x , y )
La condition de premier ordre11 =0, correspondant au choix optimal du consommateur,
∂x
s’écrit :
px
U x− U =0
py y

ou
U x px
=
Uy py

Lorsque l’individu maximise son utilité, il égalise le rapport de ses utilités marginales au rapport des prix.
Pour en terminer avec ce problème de maximisation sous contrainte, notons que nous avons éliminé y
grâce à la contrainte pour en tirer une utilité contrainte qui n’était fonction que de x, mais il aurait été
possible de faire le contraire, c’est-à-dire d’éliminer x grâce à la contrainte pour en tirer une utilité
contrainte qui n’aurait été fonction que de y. Cela mène évidemment au même résultat.

Encadré. Le consommateur est-il un « maximisateur » ?


Le consommateur rationnel maximise son utilité sous sa contrainte de budget. Est-ce un comportement
qui vous paraît réaliste ? Procédez-vous de la sorte pour faire vos propres choix de consommation ?
De nombreux économistes font un mauvais procès à la théorie du consommateur, en invoquant le fait que
les individus ne sont pas des « maximisateurs » et donc que la théorie fondée sur ce postulat n’a que peu
d’intérêt.
En fait, on ne postule pas ici que l’individu maximise intentionnellement une fonction d’utilité. Le
postulat de la théorie réside dans les axiomes du consommateur que nous avons posés au début du
chapitre précédent. Et comme nous l’avions alors indiqué, un individu qui agit en respectant ces axiomes
se comporte comme s’il possédait une fonction d’utilité. Rappelez-vous que la fonction d’utilité n’est
qu’un outil développé par les économistes pour représenter plus simplement les préférences des agents.
Ainsi, si vous vous comportez en respectant les axiomes du consommateur, vous agissez comme si vous
maximisiez une fonction d’utilité sous contrainte de budget. La théorie microéconomique du
consommateur n’affirme donc pas que l’individu fait ses choix en faisant des calculs. Elle se contente
d’expliquer que si ces choix respectent les axiomes du consommateur, alors ils peuvent de façon
remarquable être représentés sous la forme d’une équation mathématique qui est solution d’un problème
de maximisation.
Le consommateur est-il alors un maximisateur ? La réponse est une question de point de vue. De son
propre point de vue, le consommateur n’est pas un maximisateur, car il n’a même pas conscience de
« posséder » une fonction d’utilité, mais du point de vue de l’économiste, il l’est (mais sans même le
savoir !).

Exercice
Considérons la fonction d’utilité U(x,y) = lnx + lny.
1) Que valent les utilités marginales Ux et Uy ?
R px
2) Intégrez la contrainte de budget y= − x dans U(x,y) pour faire apparaître la fonction contrainte
py p y
U ( x , y ( x ) ).
c

c c
∂U ∂ U ∂ U ∂U ∂ y
3) Calculez la dérivée =0 , en utilisant le fait que = + .
∂x ∂x ∂x ∂ y ∂ x

11
La concavité de la fonction d’utilité U implique que la condition de second ordre est forcément vérifiée. Si x* est la solution
c
∂U
de la condition de premier ordre =0, alors ∂2 U c ¿ ¿ , et la solution x* correspond au maximum (global) de U c .
∂x
99
∂U
c
y px
4) Montrez que la condition de premier ordre =0 peut se réécrire = .
∂x x py
5) Quel est le panier optimal si R = 100, p x =1 et p y =4 ?

Analyse du document
Peut-on vraiment dire que le consommateur maximise son utilité ?

2. L’effet d’un changement de revenu sur la consommation


Julien obtient une augmentation de revenu, qui passe à 162 € (au lieu des 120 € initiaux). Les prix
restent à 10 € pour le DVD et 6 € pour la place de cinéma. Son ensemble budgétaire s’élargit donc
(graphe de gauche de la figure 7.2.). Si les DVD et les places de cinéma sont des biens normaux, il
achètera plus de DVD et ira également plus souvent au cinéma, ce que l’on voit sur le graphe de droite de
la figure 7.2. Effectivement, le nouveau point de tangence (correspondant au nouveau panier optimal)
correspond au panier (9, 12). Si l’on compare au panier initial (6, 10), on voit que la quantité demandée
des deux biens a augmenté avec le revenu. Ce sont donc des biens normaux.

Figure 7.2. Cas de deux biens normaux

La figure 7.3. illustre le cas où un des deux biens est un bien inférieur. Le bien B (bière) correspond à un
bien inférieur tandis que le bien C est un bien normal. Lorsque le revenu augmente, la comparaison du
nouveau point de tangence (P2) avec l’ancien (P1) laisse apparaître que la consommation de C augmente
avec le revenu tandis que celle de B diminue.

Figure 7.3. Le cas d’un bien inférieur

100
La figure 7.4. illustre la différence, dans le cas de biens normaux, entre un bien de luxe et un bien de
nécessité. Ce n’est pas évident à percevoir mais le bien B (en ordonnée) est un bien de nécessité alors que
le bien C (en abscisse) est un bien de luxe. Arrivez-vous à le percevoir ?

Figure 7.4. Le cas d’un bien de luxe et d’un bien de nécessité

Analyse du document
Dans le cas de deux biens normaux, comment se caractérise le nouveau point de tangence entre la
fonction d’utilité du consommateur et sa droite de budget (en cas d’accroissement du revenu) par rapport
à l’ancien ?
Dans le cas d’un bien normal et d’un bien inférieur, comment se caractérise le nouveau point de
tangence entre la fonction d’utilité du consommateur et sa droite de budget (en cas d’accroissement du
revenu) par rapport à l’ancien ?
Comprenez-vous pourquoi le bien C de la figure 7.4. est un bien de luxe et le bien B un bien de
nécessité ?

3. L’effet d’un changement de prix sur la consommation des biens


Dans toute section nous faisons une hypothèse supplémentaire : l’hypothèse d’indépendance de l’utilité
par rapport au prix des biens.
Rappelons qu’il est possible d’envisager une dépendance aux prix des préférences des agents. C’est par
exemple l’effet Veblen. Lorsque le prix d’un bien varie, nous avons vu à la fin du chapitre précédent que
l’ensemble budgétaire se modifie et que la droite de budget pivote. Lorsque l’un des biens considérés est
un bien Veblen, la variation du prix implique aussi une modification des préférences, et donc de la
fonction d’utilité, qui prend une nouvelle forme. Si au contraire on reste dans le cas de préférences
standard (indépendance de l’utilité par rapport aux prix), alors la fonction d’utilité n’est pas affectée par
une modification des prix.

3.1. Le cas de biens ordinaires


101
La figure 7.5. illustre l’effet de la baisse d’un prix sur la consommation du bien lorsque ce bien est un
bien ordinaire. Lorsque le prix de C diminue, la droite de budget pivote vers la droite. Plus le prix est
faible, et plus l’abscisse du point de tangence est élevée : la consommation du bien C augmente donc
lorsque son prix diminue, ce qui est caractéristique d’un bien ordinaire.
Obsvervons que l’on peut dire la même chose de l’autre bien (B). Sa consommation augmente lorsque le
prix du bien C diminue. La figure 7.5. illustre donc le cas où C est un bien ordinaire et les deux biens sont
sont complémentaires.

Figure 7.5. L’effet d’une baisse du prix du bien C sur sa consommation (cas d’un bien ordinaire) et
sur la consommation du bien B (cas de biens complémentaires)

La figure 7.6. illustre à nouveau l’effet de la baisse d’un prix sur la consommation du bien lorsque ce bien
est un bien ordinaire, mais où cette fois les deux sont substituables. On voit que la consommation du bien
C augmente lorsque son prix diminue (bien ordinaire) et que la consommation du bien B diminue (les
deux biens sont substituables).

Figure 7.6. L’effet d’une baisse du prix du bien C sur sa consommation (cas d’un bien ordinaire) et
sur la consommation du bien B (cas de biens substituables)

Rappelons que les propriétés des biens sont locales. Ainsi, pour des niveaux de prix importants, il est
possible que des biens soient substituables, et qu’une fois les prix devenus plus faibles, les biens
deviennent complémentaires. La figure 7.10, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement, illustre ce
genre de phénomène (ne prêtez pas attention à la courbe « prix-consommation » sur laquelle nous
reviendrons plus loin). Sur cette figure on considère une suite de baisses du prix du bien x, qui
provoquent un élargissement de plus en plus important de l’ensemble budgétaire. Au départ, le panier
optimal est le panier a. Après une première baisse de prix, le panier optimal est b. Après une nouvelle
102
baisse, le panier optimal est c, et après une ultime baisse c’est d. Sans conteste le bien x est un bien
ordinaire, puisqu’à chaque diminution de son prix, la consommation de x augmente. Mais qu’en est-il de
la consommation du bien y ? Entre a et b, la consommation de y diminue. Pour un niveau de prix du bien
x suffisamment élevé, les deux biens sont donc substituables. Mais ensuite, entre b et c, on voit que la
consommation de y augmente. Ainsi, une fois que le prix de x a suffisamment baissé, les deux biens
deviennent complémentaires.
Le degré de substituabilité/complémentarité de deux biens peut donc dépendre des prix des biens. Il peut
aussi dépendre du revenu du consommateur.

3.2. L’effet substitution et l’effet revenu


Rappelons que lorsque le prix d’un bien varie, deux effets se conjuguent pour expliquer la variation
consommée du bien : l’effet substitution et l’effet revenu (chapitre III).
La figure 7.7. explique la baisse de la consommation d’un bien normal (le bien x) suite à une hausse de
son prix comme la somme de ces deux effets. Comme le bien x est un bien normal, l’effet revenu va dans
le même sens que l’effet substitution, et le bien x est un donc un bien ordinaire.

Figure 7.7. L’effet substitution et l’effet revenu suite à l’augmentation du prix du bien x :
le cas d’un bien normal)

B1 est la droite de budget initiale, et B 2 la nouvelle droite de budget après augmentation du prix du bien x.
I1 est la courbe d’indifférence la plus élevée qui possède un panier dans l’ensemble budgétaire défini par
B1. Le panier optimal initial est donc le panier a. I 2 est la courbe d’indifférence la plus élevée qui possède
un panier dans l’ensemble budgétaire défini par B 2. Le panier optimal après augmentation du prix de x est
donc le panier c.
Le passage du panier a au panier c après augmentation du prix de x peut se décomposer en deux parties.
Effectivement, le déplacement de la droite de budget de B 1 en B2 se fait en deux temps. D’abord, la droite
de budget pivote en s’ajustant sur la courbe d’indifférence I 1 jusqu’à présenter une pente égale à la droite
B2 pour devenir la droite de budget intermédiaire B' (en pointillés). Ensuite la droite de budget B' se
déplace parallèlement vers l’origine jusqu’en B2, rétrécissant ainsi l’ensemble budgétaire.
Il faut bien comprendre la signification de cette droite de budget B' pour saisir les effets substitution et
revenu. La droite B' a la même pente que la droite finale B 2. Or la pente (en valeur absolue) correspond au
rapport des prix. La droite B' correspond donc aux mêmes prix que B2 mais avec un revenu plus élevé
(qui explique l’élargissement de l’ensemble budgétaire quand on compare B' avec B2). Ce revenu plus
élevé compense la hausse du prix du bien x puisque le point de tangence b est sur la même courbe
d’indifférence I1 que le panier optimal initial a.
Ainsi, quand on passe de B1 à B' , on augmente le prix du bien x et on augmente le revenu pour
compenser (à utilité constante) cette hausse de prix. Ensuite on passe de B' à B2 en ramenant le revenu à
son niveau initial. Le déplacement de B' à B2 représente l’effet revenu (puisque le déplacement correspond
à une baisse de revenu) et le déplacement de B 1 à B' correspond à l’effet substitution (on élimine la perte

103
de pouvoir d’achat du consommateur en augmentant son revenu et on ne considère que l’effet induit par
la modification du prix relatif).
En passant du panier a au panier b, la consommation de x diminue (c’est toujours le cas), du fait de l’effet
substitution. En passant de b à c, la consommation diminue aussi du fait de l’effet revenu, ce qui est
caractéristique d’un bien normal. Dans ce cas l’effet revenu va dans le même que l’effet substitution et le
bien est un bien ordinaire.
La figure 7.8. illustre la situation où le bien x est un bien inférieur, mais où pourtant il reste un bien
ordinaire. Dans ce cas, l’effet revenu joue en sens inverse de l’effet substitution, mais l’effet substitution
domine et la consommation de bien x diminue quand son prix augmente.

Figure 7.8. L’effet substitution et l’effet revenu suite à l’augmentation du prix du bien x :
le cas d’un bien inférieur, mais qui reste ordinaire

En passant du panier a au panier b, on voit sur la figure 7.8. que la consommation de x diminue du fait de
l’effet substitution, et ensuite que la consommation de x augmente en passant du panier b au panier c, du
fait de l’effet revenu. Le bien x est donc un bien inférieur puisque sa consommation augmente lorsque le
revenu baisse, mais il reste un bien ordinaire car l’effet substitution domine l’effet revenu. On voit bien
que la consommation de x baisse quand son prix augmente.
La figure 7.9. illustre la situation où le bien x est un bien inférieur, mais où cette fois l’effet revenu
domine domine l’effet substitution de sorte que le bien est un bien de Giffen. Cette fois, la consommation
de x augmente quand son prix augmente, dans la mesure où l’effet revenu est plus fort que l’effet
substitution.

Figure 7.9. L’effet substitution et l’effet revenu suite à l’augmentation du prix du bien x :
le cas d’un bien inférieur, qui est aussi un bien de Giffen

104
Analyse de document
A quoi voit-on, sur la figure 7.5, que le bien C est un bien ordinaire et que les deux biens sont
complémentaires ?
A quoi voit-on, sur la figure 7.6, que le bien C est un bien ordinaire et que les deux biens sont
substituables ?
Sur les figures 7.7. à 7.9. la droite de budget se déplace en deux temps : de B1 à B' puis de B' à B2. A quoi
correspondent ces deux « temps » ?
A quoi voit-on, sur la figure 7.7., que le bien x est un bien normal ?
A quoi voit-on, sur la figure 7.8., que le bien x est un bien inférieur, mais ordinaire ?
A quoi voit-on, sur la figure 7.9., que le bien x est un bien de Giffen ?

4. La construction de la courbe de demande


Nous allons dans cette section voir comment nous pouvons déduire, à partir de l’analyse graphique ainsi
qu’à partir de l’analyse mathématique du choix optimal du consommater, la courbe de demande d’un
individu.

4.1. La construction graphique de la courbe de demande


La figure 7.10 présente la courbe de prix-consommation dans le cas d’un bien ordinaire. Nous avons déjà
commenté cette figure au paragraphe 3.1. Au fur et à mesure que le prix du bien x diminue, l’ensemble
budgétaire s’élargit et la consommation de x augmente. En reliant les différents points de tangence
correspondant aux différents paniers optimaux, on fait apparaître une courbe de « prix-consommation ».
En repositionnant ces points de tangence (panier optimaux) a, b, c, d (et tous les autres) dans le plan
(quantité consommée de x, prix de x), on fait apparaître la courbe de demande individuelle du bien x
(figure 7.11).
Cette courbe de demande est décroissante, conformément à la loi de la demande, ce qui découle du fait
que le bien est un bien ordinaire.

Figure 7.10. La courbe de prix-consommation

Figure 7.11 La courbe de demande individuelle

105
4.2. La détermination de la fonction de demande à partir de la condition de premier ordre
Pour tracer la courbe de demande, il est aussi possible de tracer le graphe de la fonction de demande que
l’on déduit de la condition de premier ordre de maximisation sous contrainte de l’utilité. Rappelons que
¿ ¿
U x (x , y ) p x
cette condition établit que = où (x*, y*) est le panier optimal. En intégrant la contrainte de
U y (x ¿ , y ¿ ) p y

¿ R px ¿
budget y = − x dans cette équation, on obtient l’équation
( ¿ R
Ux x , − x
px ¿
py p y ) p
= x qui ne dépend

( )
p y py R p py
U y x¿ , − x x¿
p y py
que de la seule variable x*. Si on résout cette équation par rapport à x*, on obtient une solution qu’on
peut écrire : x* = f( p x, p y ,R). En faisant varier p x, p y ou R dans cette fonction f, on fait alors varier la
consommation optimale x*. Cette consommation optimale correspond à la quantité demandée : x* = Qd et
on a alors la fonction de demande Qd = f( p x, p y ,R). Si on garde fixées les valeurs de p y et R, et qu’on fait
seulement varier p x, la fonction de demande peut s’écrire plus simplement Qd = f( p x).

Analyse de document
Qu’est-ce la courbe de « prix-consommation » ?
Comment obtient-on la courbe de demande individuelle à partir de la courbe de prix-consommation ?

Exercice.
Considérons la fonction d’utilité U(x,y) = lnx + lny qu’on avait considérée à la fin de la section 1. On
y px
avait alors montré que la condition de premier ordre peut s’écrire = .
x py
Intégrez la contrainte de budget dans cette condition pour exprimer la consommation optimale x* en
fonction seulement de p x, p y et R. Montrez que la quantité demandée de bien x est alors définie par :
R
Qd ¿ .
2 px

5. Généralisation à un nombre quelconque de biens


Les résultats que nous avons démontrés dans ce chapitre, en raisonnant dans le cas où le choix du
consommateur porte sur des paniers de 2 biens, est généralisable sans problème au cas où le choix du
consommateur porte sur un nombre quelconque de biens.
Dans le cas de 3 biens x, y et z, l’analyse graphique par les « courbes » d’indifférence et la « droite » de
budget reste possible. Il faut alors construire un graphe à 3 dimensions (un axe pour chaque bien). Dans
ce graphe en 3 dimensions, la « droite » de budget Px x + Py y + Pz z = R est en fait un plan, et la
« courbe » d’indifférence est une surface. Le panier optimal est alors le point de tangence entre le plan et
la surface.

106
Pour plus de 3 biens, la représentation graphique devient illisible ou impossible. L’hyper-plan défini par
la « droite » de budget est alors tangent au point optimal à l’hypersurface définie par la « courbe »
d’indifférence.
L’analyse mathématique est bien plus facilement généralisable au cas de plusieurs biens que l’analyse
graphique. Dans le cas d’un panier de n biens ( x 1 , x 2 , x 3 ,.. x n−1 , x n ) le panier optimal est toujours défini
comme le panier qui maximise la fonction d’utilité U( x 1 , x 2 , x 3 ,.. x n−1 , x n ) sous la contrainte de budget :
p1 x 1 + p2 x2 + p3 x 3+ …+ pn−1 x n−1 + pn x n=R
Du fait de cette contrainte de budget, on peut « éliminer » n’importe lequel des n biens. On peut par
exemple choisir d’éliminer x1 :
p2 p3 p n−1 pn
x 1=R− x 2− x 3−…− x n−1− x n
p1 p1 p1 p1
Du fait de la contrainte de budget, la valeur de x 1 est déterminée par celles des n-1 autres quantités. Si on
intègre cette contrainte dans la fonction d’utilité, on obtient la fonction contrainte U c qui ne dépend plus
que de n-1 variables x 2 , x 3 ,.. x n−1 , x n. On maximise alors la fonction contrainte par rapport à chacune de
ces n-1 variables. On obtient ainsi n-1 conditions du premier ordre. Par exemple, si on optimise par
rapport à x 2 , on peut décomposer la dérivée de Uc en deux parties :
∂ U ∂U ∂ U ∂ x 1
c
= +
∂ x2 ∂ x2 ∂ x1 ∂ x2
∂U ∂ U ∂ x1
où correspond à l’effet direct et à l’effet indirect.
∂ x2 ∂ x1 ∂ x 2
∂U ∂ x1 − p2
Chaque dérivée partielle correspond à l’utilité marginale U x et = d’après la contrainte de
∂ xi i
∂ x2 p1
budget. On peut donc réécrire :
∂ U ∂U ∂ U ∂ x 1 p2
c
= + =U x −U x
∂ x2 ∂ x2 ∂ x1 ∂ x2 2
p11

∂U
c
p2
Ainsi, la condition du premier ordre =0 se réécrit U x −U x =0 , ce qui conduit à l’équation
∂ x2 2
p1 1

U x p2
familière
2
= .
U x p1
1

On peut procéder ainsi avec chacune des n-1 variables controlées, ce qui permet d’obtenir n-1 conditions
du premier ordre :
U x p 2 U x p3 Ux p U x pn
= ,
2 3
= ,… , n−1
= n−1 , = n

U x p 1 U x p1
1 1
Ux1
p1 U x p1 1

Ces n-1 conditions du premier ordre et la contrainte de budget forment un ensemble de n équations qui
¿ ¿ ¿ ¿
doivent être résolues pour trouver les 10 inconnues x 1 , x 2 ,… , x n−1 , x n qui forment le panier optimal.
Il faut par ailleurs remarquer que les n-1 conditions du premier ordre suffisent à garantir que la condition :
U x pi
i
= ∀ i, j
Ux p j
j

est vérifiée pour tous les biens.


U x p2 U x pn
Par exemple, en prenant la première condition = et la dernière
2
= , et en divisant la dernière
n

U x p1
1
U x p1 1

U x pn
par la première, on obtient : = .
n

U x p22

Dans le cas de n biens, l’égalité du rapport des utilités marginales au rapport des prix est donc vérifiée
pour toutes les paires de biens possibles.

Exercice.
Considérons la fonction d’utilité à 3 biens : U( x 1 , x 2 , x 3 ) =ln x1 +0 , 5 ln x 2+ 2 ln x 3.
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1) Ecrivez la contrainte de budget dans le cas de ces trois biens.
∂U
2) Calculez les 3 dérivées partielles .
∂ xi
3) Eliminez ensuite x 3 grâce à la contrainte de budget. Intégrez la contrainte de budget dans U pour
obtenir la fonction contrainte U c , où U c ne dépend plus que de x 1 et x 2 .
∂U
c
∂U
c
1 2 p1
4) Montrez que les conditions du premier ordre =0 et =0 peuvent se réécrire − =0 et
∂ x1 ∂ x2 x1 x 3 p3
0 ,5 2 p 2 ∂ U ∂U ∂ U ∂ x 3 ∂ U ∂U ∂ U ∂ x 3
c c
− =0. Utilisez pour cela le fait que = + et = + .
x2 x3 p3 ∂ x1 ∂ x1 ∂ x3 ∂ x1 ∂ x2 ∂ x2 ∂ x3 ∂ x2
5) On suppose que p1=1 , p 2=2, p3=4 et R = 100. Trouvez le panier optimal à l’aide des deux conditions
de premier ordre que vous venez d’obtenir et de la contrainte de budget.

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BIBLIOGRAPHIE

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