Vous êtes sur la page 1sur 10

Chapitre 3 : L’Oxydation

I. Définition

Le dioxyde de silicium, SiO2, forme un écran lors des opérations de diffusion ou


d’implantation ionique contre l’introduction des impuretés dans les régions dont on désire
garder inchangé le type de conductivité. Ceci est possible à cause d’un coefficient de diffusion
des impuretés beaucoup plus faible pour l’oxyde que pour le silicium. Dans le processus de
fabrication, chaque étape de diffusion est suivie d’une oxydation. Le tableau 3.1 donne les
constantes de diffusion dans l’oxyde et dans le silicium pour les impuretés les plus utilisées, le
bore (B), le phosphore (P), l’arsenic (As) et l’antimoine (Sb).

L'oxyde peut servir :

- de masque d'implantation ou de diffusion de dopants,

- de couche passivante à la surface du silicium,

- de zones d'isolation entre différents composants d'une structure intégrée,

- de couche active dans les transistors MOS (oxyde de grille),

- d'isolation électrique entre des couches adjacentes pour améliorer


l'intégration et la diminution des dimensions ("espaceur" par exemple, cf. plus
loin),

- d'isolation électrique entre les différents niveaux de métallisation ou de


couches conductrices en silicium polycristallin fortement dopé,

D (cm2s-1) D (cm2s-1)
Elément dopant dans la silice dans le silicium
-15
B ~ 10 ~ 2x10-13
-14
P ~ 10 ~ 10-12
As ~ 5x10-15 ~ 2x10-14
Sb ~ 9x10-17 ~ 4x10-14
Tableau 3.1 : Coefficient de diffusion de dopants dans le silicium et dans l’oxyde de silicium à
1100°C

II. Les types et techniques d’oxydation

Il existe deux techniques pour obtenir une couche oxyde, soit par oxydation directe
(oxydation thermique), soit par le dépôt d’une couche d’oxyde (CVD), ou le dépôt à basse
pression ou assisté par plasma, low pressure CVD ou plasma-assisted CVD.
II.1 Oxydation thermique

L’oxydation thermique est obtenue dans un four chauffé dans lequel les plaquettes de
silicium, maintenues debout dans un tube de quartz, sont portées à des températures de 900 à
1200 °C.

Un gaz responsable de l’oxydation est envoyé dans le four. Ce gaz peut être de l’oxygène et
c'est l’oxydation sèche, ou de la vapeur d’eau et c’est l’oxydation humide. La figure 3.1
montre le schéma d’une installation d’oxydation thermique.

Fig. 3.1: Schéma d’une oxydation thermique de plaquettes de silicium.

Le système d’oxydation est contrôlé par un ordinateur qui règle le débit du gaz, l’introduction
et le retrait automatique des plaquettes de silicium, l’augmentation et la diminution de la
température à 1 °C près. Ces précautions sont nécessaires pour éviter que les plaquettes ne
subissent des chocs thermiques.

L'opération d'oxydation consiste donc à oxyder le Silicium depuis la surface du substrat. Les
réactions principales sont les suivantes :

Si solide + O2 −−− SiO2 solide (3.1)

Si solide + 2 H2O −−− SiO2 solide+ 2H2 (3.2)

Pour obtenir un oxyde de qualité électronique satisfaisante, on préfère l'oxydation thermique


soit avec de l'oxygène, soit en présence de vapeur d'eau. En général, la croissance de l'oxyde
avec de l'oxygène pur donne une croissance plus lente de l'oxyde qui lui confère de bonnes
propriétés électroniques (peu de défauts électriquement actifs). La croissance avec de l'eau
donne une croissance plus rapide mais plus de défauts électriques. Cette méthode sera donc
préférée pour réaliser des oxydes épais (quelques milliers d'Angström) de masquage ou
d'isolation.

Par ailleurs, le Silicium s'oxyde à température ambiante en présence de l'atmosphère (qui


contient de l'oxygène) ; mais dès que la couche d'oxyde atteint 2 ou 3 couches atomiques, le
phénomène d'oxydation se bloque. On dit que la couche est passivante. Pour obtenir une
oxydation sur une "grande épaisseur", il faudra activer le phénomène par une élévation de
température.
La couche de Silicium initiale réagit avec l'élément oxydant pour former le SiO2 ; on va ainsi
consommer du Silicium. L'interface Si/SiO2 va donc se retrouver "au-dessous" de la surface
initiale. Un calcul simple montre que la fraction d'épaisseur située "au-dessous" de la surface
initiale représente 46% de l'épaisseur totale de l'oxyde ; la fraction "au-dessus" représente
donc 54% (figure 3.2).

Figure 3.2 : Oxydation du Silicium. Une partie du substrat a été


consommée lors de l'oxydation

II.2 Déposition de couches isolantes

Les couches d'oxyde de silicium déposées ont l'avantage de donner un plus grand taux de
croissance que l'oxydation thermique. Elles servent à isoler les contacts multi-niveaux les uns
des autres, à constituer un écran dans l'implantation ionique ou à augmenter l'épaisseur d'une
couche obtenue par oxydation thermique.

On utilise, pour obtenir ces couches, la méthode de croissance chimique en phase vapeur,
CVD ou des méthodes qui en sont dérivées. L'installation de principe pour la déposition des
couches par CVD ressemble au schéma de la figure 3.1.

Par la méthode CVD, on peut déposer à des températures basses (350 °C) des couches
épaisses qu'on appelle Silox et qui sont amorphes et poreuses. Aux basses températures,
l'oxyde est obtenu par décomposition du silane suivant la réaction :

SiH4 + O2 SiO2 + 2H2 (3.3)

Cette réaction peut avoir lieu par CVD à la pression atmosphérique ou à basse pression
(LPCVD). La température de déposition est basse et ne provoque pas de dégâts en cas de
dépôt de couche d'oxyde sur les contacts en aluminium.

A des températures plus élevées on a recours à la décomposition du tétraéthylorthosilicate,


Si(OC2H5)4, (TEOS, en abrégé). La réaction a lieu vers 700 °C, le TEOS vaporisé à partir de
source liquide se décompose suivant la réaction:

Si(OC2H5)4 SiO2 + des sous-produits. (3.4)

Ce type de couche est souvent utilisé pour couvrir des grilles en polysilicium, il forme une
couche homogène avec une bonne couverture des marches.
III Modélisation de l'oxydation

Le modèle de base de l'oxydation est représenté sur la figure Fig. 3.3 qui distingue les deux
domaines dans lesquels il faut considérer des mécanismes différents : l'atmosphère ambiante
contenant l'élément oxydant (soit de l'oxygène soit de la vapeur d'eau soit une combinaison de
ces deux éléments,

- l'oxyde qui est traversé par l'élément oxydant par phénomène de diffusion.
Notons que cette diffusion est négligeable à température ambiante mais
fortement activée thermiquement,

- le Silicium, à la surface duquel se produit la réaction chimique d'oxydation.

Le calcul est basé sur l'analyse des flux de l'espèce oxydante dans les différentes zones. Si on
raisonne en régime stationnaire, les deux flux sont égaux :

Fig. 3.3 : Schéma de la couche d'oxyde servant au modèle de calcul de l'épaisseur d.

Soit F1 le flux de l'agent oxydant à travers la surface extérieure de l'oxyde et F2 son flux à
travers la surface du semi-conducteur (Fig. 3.3). La concentration Co des molécules de cet
agent à la surface de l'oxyde est proportionnelle à sa pression partielle à la température
d'oxydation. Soit Cs leur concentration à la surface du semi-conducteur. Le flux F1 peut être
écrit :

(3.5)

D représente le coefficient de diffusion de l'agent oxydant dans l'oxyde de silicium et x


l'épaisseur de l'oxyde déjà présent. On suppose que F2 est proportionnel à Cs à la surface du
semi-conducteur :

F2 = k Cs (3.6)

où k est la constante de réaction de la surface à l'oxydation. Dans l'état stationnaire F1 = F2 =


F. En combinant les deux équations précédentes on obtient :
(3.7)

Soit C1 le nombre de molécules d'agents oxydants responsables de la formation de 1 cm3 de


SiO2 (C1 = 2.2x1022 cm-3 pour l'oxydation sèche et 4.4x1022 cm-3 pour l'oxydation humide).
Ainsi, le taux de croissance de l'épaisseur de la couche d'oxyde est donné par :

(3.8)

Cette équation différentielle peut être résolue moyennant la condition initiale x(0) = do, où do
représente l'épaisseur initiale (ou l'épaisseur due à une oxydation précédente). Pour une
première oxydation, l’épaisseur do est très faible pour une oxydation humide et de l’ordre de
25nm pour une oxydation sèche. La solution donne la relation suivante :

(3.9)

Dans cette équation τ représente un décalage dans le temps qui correspond à l'épaisseur de la
couche initiale do. τ est donné par :

(3.10)

Au bout d'un temps t l'épaisseur de l'oxyde est donnée par :

(3.11)

Pour des petites valeurs de t, cette équation se réduit à :

(3.12)

et pour les grandes valeurs de t :

(3.13)

Ainsi, au début, quand la réaction de la surface domine l'oxydation, l'épaisseur de l'oxyde


varie linéairement avec le temps. Mais quand l'épaisseur devient importante, c'est la diffusion
des agents oxydant dans l'oxyde qui domine l'oxydation, puisque l'agent doit d'abord traverser
la couche d'oxyde avant d'atteindre la surface du silicium.

L'équation 3.9 s'écrit souvent sous la forme :

x2 + Ax = B(t + τ) (3.14)

où A = 2D/k, B = 2DCo/C1 et B/A = kCo/C1. Les équations 3.11, 3.12 et 3.13 deviennent alors

𝐴 4𝐵(𝑡+𝜏)
𝑥 = 2 [√1 + − 1] (3.15)
𝐴2

(3.16)

x2 = B(t + τ) (3.17)

Les paramètres A et B sont très sensibles à la température et dépendent de l'orientation du


cristal. Ils sont donnés par :

et

où k est la constante de Boltzmann (8.617 10-5 eV/K) et T la température absolue. K1, K2, E1
et E2 sont donnés dans le tableau 3.2.

Silicium (111) Silicium (100)


Paramètre Humide Sec Humide Sec
K1 (µm) 2.39 10−6 1.2310− 4.02 10−6 2.08 10−4
K2 (µm2/h) 214 772 214 772
E1 (eV) 1.34 0.77 1.34 0.77
E2 (eV) 0.71 1.23 0.71 1.24
do (µm) 0 0.02 0 0.02

Tableau 3.2 : Valeurs numériques des paramètres servant au calcul de la couche d'oxyde

T 1000/T B sec B humide A sec A humide


(°C) (K-1) 2
(µm /hr) 2
(µm /hr) (µm) (µm)
900 0.85251 0.00401 0.19045 0.25022 1.36745
950 0.81766 0.00659 0.25381 0.18326 0.79529
1000 0.78555 0.01042 0.3307 0.13754 0.48265
1050 0.75586 0.01592 0.42234 0.10549 0.30418
1100 0.72833 0.02358 0.52986 0.08249 0.19826
1150 0.70274 0.03398 0.65424 0.06563 0.13317
1200 0.67889 0.04776 0.79634 0.05303 0.0919

Tableau 3.3 Valeurs numériques des paramètres A et B pour le silicium orienté (111)
Entre 1000 et 1200°C Les données sont aussi valables pour l’orientation (100)

IV Calcul des épaisseurs des couches d'oxyde

L'oxydation thermique du silicium sous diverse conditions est montrée par les figures 3.4
et 3.5. La figure 3.4 montre l'épaisseur de l'oxyde en fonction du temps que dure l'oxydation
et de la température sous condition sèche alors que la figure 3.5 montre la même chose sous
condition humide. La prévision des épaisseurs d'oxyde dans la fabrication des circuits intégrés
peut se faire en utilisant ces figures comme abaques.

En cas de deuxième ou de troisième oxydation, on suppose que l'épaisseur précédente est


obtenues dans les mêmes conditions que celle en cours.

Fig. 3.4 : Epaisseur de l'oxyde de silicium en condition sèche pour l'orientation (111) et pour
diverses températures.
Fig. 3.5 : Epaisseur de l'oxyde de silicium en condition humide pour l'orientation (111) et
pour diverses températures.

V Redistribution de dopants en cours d'oxydation

Lors de l'oxydation de couches dopées, cette opération s'effectuant à haute température, les
dopants se redistribuent dans le substrat. De plus, étant donné la consommation de Silicium
lors de l'oxydation, une partie des atomes dopants se retrouvent dans l'oxyde. Mais les
coefficients de diffusion des atomes dopants, à une température donnée, dans le Silicium et
dans l'oxyde sont en général différents. Il se crée alors une discontinuité de concentration de
dopant à l'interface Si/SiO2.

Lors de l'oxydation, les impuretés dopantes peuvent ou bien être repoussées par l'oxyde et
voir leur concentration augmenter dans le silicium, ou bien être attirées par l'oxygène et
causer une déplétion dans la région adjacente à la couche d'oxyde. Cela dépend de chaque
espèce. La figure 3.6 montre la concentration du phosphore (a) et du bore (b) dans la couche
d'oxyde et dans le silicium. Le phosphore est plutôt repoussé par l'oxydation tandis que le
bore semble avoir une meilleure solubilité dans l'oxyde de silicium, sa concentration diminue
dans le voisinage de la couche d'oxyde

Le rapport des coefficients de diffusion à l'interface s'appelle "coefficient de ségrégation". Ce


coefficient dépend des éléments diffusants et des matériaux considérés. Ce phénomène de
ségrégation de dopants sera bien sûr à prendre en compte dans la simulation technologique de
l'oxydation.
Notons que les atomes dopants qui diffusent dans l'oxyde ne sont pas en général activés, ce
qui signifie qu'ils ne créent pas de charges électriques dans cet oxyde et n'affectent pas en
général les propriétés électriques telles que la tension de seuil d'un transistor MOS.

La concentration de départ CB reste constante loin de l'interface. La ligne au milieu de la


couche d'oxyde indique la surface originelle du silicium avant oxydation.

Figure 3.6 : Redistribution des dopants dans une couche de silicium en cours d'oxydation.
L'interface du coté Silicium s'enrichit en Phosphore ou s'appauvrit en Bore
Exercices

3.1/ En quelle matière sont fabriqués les tubes dans les fours d'oxydation?

3.2/ Quels sont les agents responsables de l'oxydation du silicium ?

3.3/ Dans l'oxydation du silicium où est-ce que l'oxydation a lieu (entre l'oxyde et le semi-
conducteur) ?

3.4/ Quelles sont les propriétés des couches d'oxydes déposées par CVD ?

3.5/ On oxyde une plaquette de silicium (111) à 1200 °C en oxydation humide. Calculer
l’épaisseur de l’oxyde

a) après 6 mn,
b) après 48 mn.

3.6/ On place une plaquette d'orientation (100) dans un réacteur d'oxydation sèche pour faire
croître une couche d'oxyde de 6000 Å à 1050 °C.

a) Calculer le temps nécessaire pour une telle oxydation.


b) On pratique sur la même plaquette une deuxième oxydation humide à 1200 °C pendant 25
mn. Calculer la nouvelle épaisseur d'oxyde.

16 -3
3.7/ On oxyde une plaquette de silicium de type p dopée à 5.10 cm . L'oxydation a lieu à
1000°C en milieu humide pendant 20 mn.

a) En utilisant les abaques, déterminer l'épaisseur de la couche de SiO2 après oxydation.


b) Déterminer le dopage à l’interface Si-SiO2.

Vous aimerez peut-être aussi