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1. Le système économique :
Qu’est-ce qu’un système ? Pour Joël de Rosnay (1975), « un système est un ensemble d’éléments en interaction
dynamique, organisés en fonction d’un but ». Pour Edgar Morin, « un système est un tout qui prend forme en même
temps que ses éléments se transforment ».
La complexité1 d’un système et donc de sa régulation dépend d’un certain nombre de facteurs :
- Nombre et diversité des éléments du système
- Diversité de ses interactions, présence de rétroactions
- Dynamique interne qui conduit à la transformation des éléments et du système lui-même
- Ouverture du système sur son environnement
- Sensibilité à la divergence (instabilité)
- Incertitude (imprévisibilité) de l’environnement (cygne noir, Nicholas Taleb)
- Etc.
En l’absence d’innovations majeures, le système économique a été marqué pendant des siècles par une certaine
stabilité (homéostasie2). David Ricardo parle à ce sujet d’état stationnaire. L’économie est alors largement autarcique
(système fermé) et soumise aux cycles (et aux caprices) de la nature. La révolution industrielle, marquée à la fois par
l’essor du commerce (ouverture du système) et l’introduction d’innovations (transformation du système) bouleverse
cet ordre établi depuis la nuit des temps. Le système économique entre alors (pour la première fois dans son histoire)
dans une dynamique (processus) de changement, mais qui sera marquée par une succession de phases de croissance
(second empire, 30 glorieuses) et de crises (1929, 2008, 2020) plus ou moins marquées. A la régulation imposée par les
cycles de la nature (cf. physiocratie), le capitalisme industriel est soumis à des cycles et des ruptures d’un genre
nouveau, qui ont progressivement imposé de nouvelles formes de régulation (dont le keynésianisme dans les années
30 est une figure emblématique).
1
Complexité vient de complexus qui signifie « Tisser ensemble ». Edgar Morin affirme que la reliance est la réponse à la question
posée par la complexité du monde
2
Caractéristiques d'un système qui résiste aux changements (perturbations) et qui conserve son état
Culture économique – IAE/M1 – Jaunet Philippe – octobre 2020 Page 1
III - La régulation de l’économie
Il existe différentes formes de régulation, qui ne sont pas exclusives les unes des autres :
Dans toute boucle de rétroaction, les informations sur le résultat d’une transformation sont renvoyées à l’entrée du
système (Action en retour d’un effet sur la cause). La rétroaction est nécessaire à l’apprentissage et à l’adaptation
du système.
La boucle positive : L’accroissement des divergences risque de conduire à une explosion ou un blocage total : « le plus
entraîne le plus » (réaction en chaîne, croissance démographique, croissance d’une entreprise, inflation, prêt à intérêts
composés), ou « le moins entraîne le moins » (faillite, crise économique, déflation, krach boursier, etc.).
La boucle négative : Elle traduit la convergence vers un but : maintien d’une vitesse, d’un cap, d’une température,
politiques économiques contracycliques dites de « stop and go », etc.
.
. Effet stabilisateur
Système convergent - (+) + (-)
Boucle < 0
La boucle autoréalisatrice est une prophétie qui modifie des comportements de telle sorte que ces derniers font
advenir ce que la prophétie annonce. Ce qui n'était qu'une possibilité parmi d'autres devient réalité, par la focalisation
des esprits sur cette possibilité. L'inverse, la prophétie autodestructrice ou paradoxe du prophète ou encore paradoxe
du prévisionniste, est une prédiction qui, au contraire, détruit les possibilités de réalisation de la prédiction.
Dans les deux cas, le fait d'énoncer la prédiction et de trouver des gens pour y croire (par mimétisme) modifie les
anticipations et donc les comportements.
Système
divergent (+/+)
Système
convergent
(+/- ou -/+)
Système
divergent (-/-)
La stabilité dynamique (oxymore) s’exprime par une succession de boucles > 0 et < 0 pour assurer la convergence du
système. L’objectif est alors d’atteindre un nouvel équilibre qui garantisse la pérennité du système. La stabilité
dynamique n’exclut pas qu’il y ait évolution, mais celle-ci (hausse ou baisse) est dans ce cas régulée.
Dans un environnement stable, cette convergence est assurée sans difficulté majeure, les systèmes étant dans
ce cas plutôt conservateurs (homéostatiques). L’autorégulation du système peut alors suffire.
Dans un environnement ouvert et dynamique, turbulent voire hostile, le système doit paradoxalement
changer pour durer, sans quoi il serait rapidement menacé d’entropie (perte d’énergie à l’intérieur du
système synonyme de désordre, voire de chaos). A l’inverse, la néguentropie traduit la capacité du système à
produire de l’ordre et de l’organisation.
2. La régulation externe
A un certain niveau de divergence cependant, l’autorégulation n’est plus possible, il convient alors de faire appel à des
outils de régulation extérieurs au système. Ex : intervention massive des états (et de l’Union Européenne) pour
soutenir l’activité et relancer la croissance (politique monétaire et/ou budgétaire) au moment de la crise sanitaire du
printemps.
vigueur depuis les années 80, sur fond de réchauffement climatique. Un mouvement de « slowbalisation » préconise
aujourd’hui de ralentir ce processus, de favoriser le localisme et de retrouver davantage de sens aux activités
humaines.
Conclusion
La réussite (ou non) d’un changement vers de nouveaux équilibres (même provisoires) dépend de la qualité de la
régulation, donc du pilotage du système. Il peut y avoir une certaine indétermination a priori sur la capacité du
système à s’autoréguler par le marché, ou même à être régulé par la politique économique.
Ces équilibres sont néanmoins toujours plus ou moins instables, précaires, ils sont susceptibles d’évoluer soit de
manière progressive (ouverture de l’économie chinoise), soit de manière convulsive (révolutions arabes de 2011).
Pour qu’un système puisse se maintenir et s’adapter au cours du temps, il faut donc que des boucles de rétroaction
négatives contrôlent l’exubérance des boucles positives (contrôle des naissances, planning familial).
Si la stabilité est assurée par les boucles de rétroaction négative, le changement repose sur les boucles de rétroaction
positive. Tout système a plus ou moins besoin des deux (stabilité et mouvement).
Le processus de transformation du système dépend donc du rapport de forces entre les forces dynamiques du
changement, et les forces conservatrices de maintien, entre les forces internes et externes.
L’extraversion du système accroît sa complexité, et donc sa sensibilité à la divergence, ce qui rend plus difficile et plus
incertain son pilotage et son contrôle. On l’observe aujourd’hui dans le cadre de la mondialisation.
(1) Le marché : Selon les libéraux, l’autorégulation du système par le marché permet d’atteindre l’optimum et la
meilleure allocation des ressources. Pour Adam Smith, il faut « laisser faire » l’économie de marché. C’est le fameux
concept de la main invisible selon lequel le marché permet de coordonner de façon optimale les actions égoïstes des
agents économiques, bien que ces derniers ne recherchent que leur intérêt personnel (parabole du boucher). Toute
intervention de l’état est au mieux inutile, au pire nuisible.
Pour Milton Friedman (1912-2006, prix « Nobel » 1976), la clé du développement repose :
1) sur la présence d'un État de droit ;
2) le respect de la propriété privée ;
3) l'existence d'un régime de libre entreprise (c'est-à-dire, fondamentalement, la liberté des prix, des salaires et
des contrats) ;
4) et la capacité à contenir les pouvoirs de l'État.
État de droit, propriété privée, marchés libres et État limité sont les ingrédients nécessaires pour qu'un processus
durable de croissance et de développement puisse s'enclencher. L’économiste libéral français Pascal Salin (1939)
considère ainsi qu’un libéralisme authentique repose sur 3 piliers : la liberté, les droits de propriété et la responsabilité.
La politique économique (régulation externe) est inefficace pour les économistes libéraux, car les anticipations des
agents économiques sont rationnelles, c’est à dire que les effets des politiques économiques sont toujours intégrés «
rationnellement » par ces derniers, annihilant son efficacité.
Même si les crises ne sont pas exclues pour les libéraux, elles sont nécessairement provisoires et autorégulatrices, à
condition que les mécanismes du marché ne soient pas entravés par les interventions intempestives de l’état.
Exemple : Friedrich Hayek s’est toujours opposé à Keynes, considérant que les interventions de l’état en matière de
politique économique (monétaire et budgétaire), perturbaient les lois du marché, et aggravaient le problème plutôt
que de le résoudre.
Baisse de Baisse de
l’activité l’activité
Baisse du prix du Baisse des taux Baisse du prix du Baisse des taux
travail d’intérêt travail d’intérêt
Retour à Accentuation
l’équilibre de la crise
(2) L’état : Pour Keynes (1883-1946), « la crise engendre la crise », il ne croit pas au mécanisme vertueux d’un retour
automatique à l’équilibre. Cela justifie donc à ses yeux l’intervention des pouvoirs publics : « j’introduis l’état,
J’abandonne le laissez-faire », écrit-il dès 1924. C’est le rôle de la politique économique.
Définition : On peut définir la politique économique comme l'ensemble des moyens mis en œuvre par les
administrations publiques (et en particulier l'Etat) pour atteindre les objectifs qu'elles se fixent dans le but d'améliorer
la situation économique générale du pays. Plusieurs raisons peuvent justifier l'intervention de l'État dans la sphère
économique, parmi lesquelles la nécessité de maintenir la cohésion sociale, les défaillances des marchés (market
failures), la relance de l’activité, etc.
A - Politique conjoncturelle :
La politique conjoncturelle est une politique de court terme (conjoncture : situation d’ensemble à un moment donné),
son action est donc limitée dans le temps. Les politiques conjoncturelles sont généralement associées aux outils
keynésiens, et consistent en un réglage fin de l’économie (fine-tuning). Elles ont connu leur apogée en Europe de la
fin des années 50 (courant néokeynésien) au milieu des années 70.
On peut donc définir la politique conjoncturelle comme l’ensemble des interventions de l’Etat susceptibles de
modifier à court terme (au plus à moyen terme) l’évolution de l’économie dans un sens plus favorable.
Elles ont donc une fonction de régulation de la conjoncture à travers la poursuite de différents objectifs :
Niveau d’emploi élevé (faire baisser le chômage)
Stabilité des prix (contenir l’inflation)
Croissance soutenue (hausse du PIB)
Équilibre extérieur (balance commerciale équilibrée)
Ces différents objectifs ont été regroupés dans la représentation que l’on doit à l’économiste britannique keynésien
Nicholas Kaldor (1908 – 1986), appelée carré magique (1956).
En rejoignant les points des différents indicateurs, on obtient un quadrilatère qui représente une situation économique
d’autant plus favorable qu’il se rapproche de ce carré magique.
NB : A noter que ces objectifs ne sont pas tous compatibles entre eux, et qu’il convient de les hiérarchiser.
A- La politique de relance :
Elle a pour but de dynamiser l’économie en période de crise : la hausse du PIB devant favoriser la croissance et réduire
le chômage. Il existe deux types de politiques de relance : la relance par la demande d'optique keynésienne, et la
relance par l’offre d’optique plutôt libérale.
Pour Keynes, le plein-emploi n’est pas nécessairement atteint : on parle dans ce cas d’équilibre de sous-emploi.
Lorsque cette demande est insuffisante, l’Etat peut intervenir en activant les leviers suivants :
La politique monétaire : baisse des taux d’intérêt
La politique budgétaire : augmentation des dépenses publiques, investissements publics (« grands travaux »)
La politique fiscale : baisse des impôts (TVA par exemple)
La politique sociale : augmentation des revenus de transferts
La politique de revenus : Salaire minimum, indexation des salaires sur les prix (abandonnée en France en 1983
sauf pour le smic).
Lorsque l’économie de marché est défaillante et qu’aucun retour à une situation d’équilibre n’est possible, l’Etat doit
donc intervenir. Pour Keynes, le déficit budgétaire est le moyen privilégié dont dispose l’Etat pour relancer l’économie.
Ce déficit devra cependant être résorbé en haut de cycle, notamment par une augmentation des rentrées fiscales :
plus de revenus distribués = plus de IRPP (impôt sur le revenu)
plus de revenus distribués = hausse de la consommation = plus de TVA
plus d’investissement par les entreprises = relance de l’activité économique = plus de profits = plus d’IS
La contrainte extérieure : En économie ouverte, la relance par la demande peut entraîner une hausse des
importations, et donc un déficit de la balance commerciale. La France s’est ainsi de plus en plus ouverte depuis
les années 70, et les plans de relance ont souvent généré une détérioration du solde commercial (Ex : le plan
de relance « Mauroy » de 1981 a ainsi contribué à un déficit commercial de 92 milliards de francs en 1982).
L’inflation : Plus de revenus entraîne plus de demande (plus de consommation et plus d’investissement), et si
les entreprises n’augmentent pas leur offre face à cette nouvelle demande, l’inflation augmente (boucle de
rétroaction positive), au risque qu’elle ne soit plus maîtrisée (inflation de 14% en France au début des années
80).
L‘effet boule de neige et le déficit budgétaire : Il faut que la richesse créée soit suffisante pour payer les
intérêts de la dette sinon ces derniers seront de plus en plus lourds et la dette va s’aggraver. Pour éviter l’effet
boule de neige de la dette, il faut donc que le taux de croissance de l’économie soit supérieur au taux d’intérêt
de l’emprunt. Si la dette n’était pas un problème au moment de la crise de 29, elle atteint aujourd’hui un
niveau très élevé dans la plupart des pays de l’OCDE.
A noter cependant que du fait de la faiblesse actuelle des taux d’intérêt (quasi nuls en France) et la dépression
économique que nous traversons, la question de la dette publique est passée au second plan, alors même
qu’elle a fortement augmenté depuis le début de l’année (de 100 à 120% PIB).
RAPPEL THEORIQUE :
1. Le précurseur de cette politique est le libéral français Jean-Baptiste Say (1767-1832), théoricien de l’offre et
de l'équilibre. Il est à l’origine de la loi des débouchés : "l’offre créé sa propre demande". En termes plus
modernes, cela revient à dire que la croissance dépendant d’abord de l’entreprise (approche
microéconomique), il convient donc d’orienter la politique économique en sa faveur (« ce sont les entreprises
qui créent la richesse et l’emploi »).
2. La courbe de Laffer : Cette théorie allait dans le sens des revendications américaines contre l’impôt. Laffer
(économiste libéral américain opposé aux préceptes keynésiens, et conseiller de Ronald Reagan) considère
qu’au-delà d’un certain niveau, l’impôt n’est plus accepté par les contribuables, et devient confiscatoire et
contreproductif (les recettes fiscales diminuent). En effet, lorsque le taux augmente jusqu’au point T, les
recettes fiscales augmentent et atteignent un maximum M. Au delà du point T, le taux devient dissuasif et les
agents économiques sont incités à travailler moins ou à recourir à des activités non déclarées (baisse des
recettes de l’Etat). Le point M est le point de retournement de la courbe, il correspond aux recettes maximales
de l’Etat. Ce n’est pas un taux de pression fiscale immuable. On peut résumer cette théorie ainsi : “trop
d’impôt tue l’impôt” ou “les hauts taux tuent les totaux”.
L’économie de l’offre repose donc sur une incitation à travailler et à investir et donc sur une baisse de la pression
fiscale. Parallèlement, les prestations sociales doivent diminuer pour rétablir l’incitation au travail (trappe à inactivité).
Un taux d’imposition trop élevé entraîne :
une baisse de l’investissement = baisse de l’activité économique = baisse des profits = baisse de l’IS = baisse
des recettes fiscales
une baisse du travail = baisse de l’activité économique = baisse des salaires = baisse de l’IRPP = baisse des
recettes fiscales
En théorie, les libéraux critiquent l’intervention de l’Etat et ne sont pas favorables à l’Etat-providence (ils ne sont
pas pour une protection sociale socialisée, mais individualisée). Ils préconisent donc une politique de l’offre couplée à
un strict équilibre budgétaire (orthodoxie budgétaire), au risque cependant d’aggraver les inégalités sociales
(dégradation des services publics, hausse des inégalités, de la pauvreté et de l’exclusion).
En pratique, les USA ont le plus souvent été en situation de déficit budgétaire (y compris sous Ronald Reagan), et leur
croissance a été largement financée depuis les années 2000 par l’endettement public et privé (ce qu’a révélé la crise
des subprimes en 2008). La politique économique américaine, tant sur le plan budgétaire que monétaire, continue
d’être actuellement très « laxiste », ce qui est également le cas pour la France où le soutien de l’état a été fortement
plébiscité par le MEDEF, pourtant très critique sur son efficacité (Public Choice).
En Europe, l’Allemagne est partisane d’une certaine orthodoxie budgétaire, et préconise un retour à l’équilibre
budgétaire (ordolibéralisme), c’est la fameuse règle d’or budgétaire (le pays a même été ces dernières années en
situation d’excédent budgétaire).
De même, lors de ses vœux à la presse le 14 janvier 2014, en déclarant que « l'offre crée la demande », le président
français François Hollande a explicitement fait référence à la théorie controversée de Jean-Baptiste Say. Cette
déclaration a marqué une inflexion social-libérale de la politique économique menée en France à partir de cette date.
On peut également dire que la baisse de 20 milliards sur 2 ans des impôts de production s’inscrit dans cette politique
de l’offre.
B - Politique de rigueur :
Leurs objectifs peuvent être :
La lutte contre l’inflation (monétaristes) en cas de surchauffe de l'économie (Chine dans les années 2000)
L’amélioration du solde de la balance commerciale en cas de déficit structurel
L’assainissement des finances publiques (baisse de la dette publique) en situation d’endettement
insoutenable (Liban, Argentine aujourd’hui)
Leurs moyens :
La rigueur salariale : freiner la croissance des salaires (voire déflation salariale : Espagne, Grèce après la crise
de 2008) ;
La rigueur budgétaire : réduire les dépenses de l’Etat (et/ou augmenter les impôts) : Privatisations, Règle d'or
budgétaire ;
La rigueur monétaire : augmenter les taux d’intérêt.
Les politiques de rigueur, à l’inverse des politiques de relance fondées sur l’offre, ne cherchent pas à soutenir la
croissance, mais à assainir l’économie (inflation, réduction des déficits public et commercial). Ces politiques ont
cependant en commun d’être plutôt d’obédience libérale.
La règle d’or de l’équilibre budgétaire adoptée en France en novembre 2012 par une loi organique, peut être
considérée comme une illustration de cette politique. La France s’y est engagée, et a obtenu dès 2013 de la commission
européenne un report de 2 ans pour un retour du déficit budgétaire sous la barre des 3%. Le respect de la règle d’or
(pour cause de mouvement des gilets jaunes) a ensuite été renvoyé à la fin du mandat d’Emmanuel Macron, en 2022.
Il n’est aujourd’hui tout simplement plus d’actualité.
B - Politique structurelle :
Ces politiques visent à modifier à long terme et de manière profonde les structures de l’économie et les
comportements des agents économiques. 2 visions d’une politique structurelle s’opposent cependant : l’une passe
par la « main visible » de l’état dans l’économie (années 50 - 70), l’autre – d’obédience plus libérale – se méfie une
nouvelle fois de tout interventionnisme de l’état, et vise plutôt à créer, par le jeu de la concurrence, les conditions
d’un environnement favorable à une croissance de LT (années 80 jusqu'au début des années 2000).
Histoire récente : Après la seconde guerre mondiale, le gouvernement devient l’acteur principal des politiques
structurelles pour reconstruire l’économie détruite (infrastructures) mais aussi pour pallier aux défaillances du
marché. C’est ainsi qu’en France (et ailleurs) se met en place une planification indicative (commissariat général au
plan, J. Monnet, 1947), la nationalisation des grandes entreprises (Renault, EDF, etc.), l’aménagement du territoire,
les politiques sectorielles (énergie, aéronautique, etc.), les politiques sociales (état providence), les politiques de
l’emploi pour réduire le chômage.
A noter la nomination récente par Emmanuel Macron de François Bayrou en tant que haut-commissaire au plan. Il
aura pour mission de réfléchir à la France de ces prochaines années, il va pouvoir s'appuyer sur l'institution France
Stratégie et ses 200 collaborateurs. Ce qui traduit le retour de l’esprit (mais peut-être pas de la lettre) du commissariat
général au plan d’après-guerre.
La crise de années 1970-80, la mondialisation, les mutations technologiques et idéologiques (renouveau de la doctrine
libérale) entraînent le déclin des politiques structurelles nationales et réactivent le jeu du marché à travers la
déréglementation (la politique de la concurrence plutôt que la politique industrielle). C’est à ce moment qu’on assiste
à un vaste mouvement de privatisation (à partir de 1986 en France).
Les années 2000 marquent cependant le retour de l’Etat dans les affaires économiques (fin de la « mondialisation
heureuse » selon Alain Minc). En France surgit l’idée du « patriotisme économique » (rapport Beffa sur la politique
industrielle, 2005) : l’Etat intervient pour réorganiser les activités de certains groupes (ex : Arcelor-Mittal, groupe
Alstom, Chantiers de l’Atlantique/STX, etc.). La crise financière à partir de l’été 2007 accentue cet interventionnisme
avec le lancement d’investissements structurants dans le cadre des plans de relance nationaux (grand emprunt) :
énergies renouvelables, logement, enseignement supérieur, etc. La France affiche également à nouveau un
volontarisme sur le plan industriel (définition de 34 secteurs stratégiques, 2013).
L'idée de développer des projets d'investissements structurants au niveau européen dans des secteurs d'avenir
(économie de la connaissance, "green business", santé..) a également été évoquée (Plan Juncker), même si
l’enveloppe consacrée reste modeste.
Eclairage théorique : Contrairement à une idée trop répandue (« A long terme, nous serons tous morts »), Keynes
inscrivait également sa réflexion sur le LT. Si la violence de la crise exigeait selon lui de privilégier les « affaires
courantes », c’était aussi pour assurer une perspective de LT à l’économie. Considérant qu’il n’était pas possible de
dissocier courte et longue période, Keynes était donc de ce point de vue un structuraliste, il ne faut donc pas réduire
sa théorie au keynésianisme hydraulique et au "fine tuning", et ce d’autant moins qu’il a surtout été mis en œuvre
après sa mort par les néokeynésiens (années 50-70).
- Dès les années 60, les économistes keynésiens considèrent que l’Etat a un rôle à jouer dans l’évolution des structures
économiques. Ces politiques structurelles sont notamment justifiées par l’existence de biens publics (dont la
production est utile mais non rentable à court terme), d’externalités, ainsi que par les défaillances du marché (II.
L’économie publique et ses enjeux). Des considérations en termes d’intérêt général et d’influence dans la compétition
et la géopolitique mondiale justifient également la mise en œuvre de politiques structurelles.
Pour que sa politique économique soit complète, l’Etat se doit donc d'intégrer des considérations de long terme. Un
développement favorable (et durable) de l’activité économique suppose d’abord des investissements dans les
infrastructures matérielles (nouvelles lignes TGV) et immatérielles (autoroutes de l’information, plan numérique et
fibre optique, 5G). Il suppose aussi de prendre en compte l’impact environnemental, écologique, immédiat (et à venir)
de la vie économique, afin de préserver nos ressources fondamentales (eau, air, énergie…). Cette dimension est
aujourd’hui réactivée sous la pression de « l’urgence climatique ».
Enfin, au sein des économies occidentales, il est également primordial de se préoccuper du développement du savoir.
Il s’agit d’abord de la formation de travailleurs suffisamment qualifiés pour contribuer à une économie fondée de plus
en plus sur les technologies avancées et la connaissance. Il s’agit aussi du soutien à la recherche-développement, à la
formation et à l'éducation. Dans cette économie (société) de la connaissance, le retard structurel de l’Europe dans ce
domaine est avancé comme la première explication de ses difficultés actuelles. C’est pourquoi les Etats membres de
l’Union Européenne ont lancé à Lisbonne en mars 2000 un ambitieux programme en faveur d’une « société de la
connaissance » afin de permettre une véritable politique de plein-emploi au sein de l’Union, mais cet ambitieux projet
a été un échec, et a été remplacé en 2010 par un nouveau programme : « Europe 2020 »).
- Pour les libéraux, la gestion de la conjoncture immédiate est davantage en phase avec le cycle politique et électoral,
la politique conjoncturelle est ainsi souvent privilégiée par les pouvoirs publics pour des raisons purement
électoralistes (école du « public choice »). A l’inverse, la politique structurelle, qui se déploie dans un horizon long (sur
plusieurs cycles économiques, voire sur plusieurs générations) est plus incertaine, et de ce fait souvent négligée. Les
hommes politiques seront donc naturellement portés à privilégier les politiques de court terme afin d'assurer leur
réélection.
Or, d’une part, la politique conjoncturelle ne peut seule permettre le déploiement optimal de l’activité économique.
Les problématiques nouvelles de « développement durable » soulignent de plus en plus les insuffisances de politiques
uniquement centrées sur le court terme.
D’autre part, le champ de la politique économique s’est élargi : l’efficacité conjoncturelle de la politique monétaire est
sérieusement réduite par la BCE qui en a la charge, et par la pression croissante de marchés financiers libéralisés et
mondialisés. De même, le déploiement de politiques budgétaires conjoncturelles est limité par l’importance des coûts
fixes de l’Etat social moderne, l’ouverture accrue des économies, et les contraintes imposées au niveau européen par
la consolidation budgétaire (règle d’or).
Nous sommes donc face à un dilemme : Les démocraties sont de plus en plus enfermées dans des cycles politiques
courts (quinquennat en France), alors même que leurs politiques conjoncturelles sont de plus en plus contraintes, et
qu’elles ont paradoxalement de plus en plus besoin d’une vision longue pour mettre en œuvre des politiques
structurelles (réchauffement climatique) !
« L'Etat n'a pas à se substituer à l'initiative privée car ce sont les industriels qui connaissent les marchés, les clients, les
technologies. Il lui revient de définir un cadre, d'accompagner et de stimuler ». (François Hollande)
Site gouvernement.fr
La crise sanitaire est aujourd’hui l’occasion d’un retour de la politique industrielle, au niveau national et plus encore
au niveau européen (autonomie en matière de santé : production de masques, de respirateurs, relocalisation des
grands labos pharmaceutiques pour la production de médicaments et de la R&D, etc.).
- La politique de concurrence peut être définie de manière générale comme l’ensemble des moyens que les pouvoirs
publics (et économiques) se donnent afin de favoriser la concurrence. Elle s’inscrit (comme la politique de lutte contre
l’inflation) dans un cadre plutôt libéral, et vise à créer les conditions d’un environnement favorable à une compétition
dite « libre et non faussée » entre les pays. Elle considère que cette politique est favorable au consommateur, à
l’innovation et au bien-être général. Elle s’oppose à toute forme de protectionnisme. Elle repose sur la théorie des
avantages comparatifs de Ricardo, encadrée par le droit de la concurrence afin de lutter contre les atteintes qui
pourraient lui être portées : accords entre entreprises visant à limiter la concurrence, concentrations d'entreprises
pouvant conduire à des positions dominantes, professions protégées et réglementées (loi Macron), concurrence
déloyale (« Uberisation » de l’économie), travailleurs détachés, etc. Cette politique a été largement promue et mise
en œuvre par l’Europe à partir des années 80.
- La politique de lutte contre l’inflation vise à rétablir un environnement favorable à la concurrence et à la croissance
par la stabilité des prix. A ce titre, on peut la considérer comme un prolongement de la politique de la concurrence.
- Au niveau de la demande, il s’agit de veiller à une maîtrise des coûts salariaux : les hausses de salaires ne sont plus
indexées sur l’inflation (désindexation, 1983 en France), non revalorisation de certaines prestations sociales. Ces
mesures pèsent cependant sur le pouvoir d’achat des ménages et peuvent donc freiner la demande.
- Du côté de la politique de l’offre, les pouvoirs publics cherchent également à favoriser la compétitivité des firmes :
- Réduction des contraintes financières qui pèsent sur elles : allègements de charges sociales (TVA « sociale »),
incitations fiscales, CICE (novembre 2012), baisse des impôts de production (2020), etc.
- Restauration du rôle du marché en introduisant plus de concurrence, ce qui doit permettre en théorie de lutter contre
la hausse des prix : déréglementations, privatisations, ouverture à la concurrence de secteurs autrefois protégés
(téléphonie, énergie, professions réglementées…) et de favoriser l’innovation, action de l’Autorité de la Concurrence
contre les ententes sur les prix, les cartels et les abus de position dominante (en 2015, elle a établi un record d’amendes
délivrées pour un montant de 1,25 milliards d’euros, intégralement reversé à l’Etat).
- Assouplissement des contraintes légales et réglementaires qui encadrent le droit du travail et le droit social (loi El
Khomri – 2016, loi travail – Muriel Pénicaud, 2017).
- Etc.
Au cours des deux dernières décennies du 20ème siècle, les interdépendances (interactions) se sont approfondies et
diversifiées entre les principales régions du monde. La mondialisation a donc sensiblement accru la complexité du
système économique (adhésion de la Chine à l’OMC en 2001) : Les échanges commerciaux se sont intensifiés, les
firmes multinationales se sont déployées par les investissements directs à l'étranger (IDE) et l’éclatement de leurs
chaînes de valeur, la mobilité des capitaux a favorisé l'intégration financière. La crise financière de 2008 a cependant
révélé le caractère systémique de la crise et renforcé la vulnérabilité du système dans son ensemble. Ces
interdépendances nouvelles s’accompagnent également de préoccupations nouvelles avec l’émergence de biens
publics mondiaux (BPM). Ces derniers ne sont pas (ou mal) assumés dans le cadre de la régulation internationale
existante. A cela s’ajoute la menace des risques globaux dans l'environnement (réchauffement climatique) et dans la
finance (« shadow banking » = trous noirs de la finance).
La question de la régulation sort donc du cadre strictement national, et nécessite d’être (au moins en partie)
appréhendée à un niveau supranational. Pour Edgar Morin, la régulation d’un système ne peut être efficace que si elle
est mise en œuvre au niveau de la complexité du système. Ce qui pose la question d’une gouvernance partagée au
niveau régional (zone euro, Union Européenne) et même mondial.
En conclusion au niveau d’un pays comme la France, la politique conjoncturelle apparait donc aujourd’hui de plus en
plus contrainte :
- La politique monétaire est du ressort d’une BCE indépendante depuis la création de l’euro en 1999 ;
- La politique budgétaire s’inscrit (en théorie) dans le cadre de la règle d’or budgétaire imposée par la
zone euro. Celle-ci obligeait à l’origine les pays membres de la zone euro à atteindre l’équilibre
budgétaire à horizon 2017. Cette échéance a cependant été une nouvelle fois repoussée du fait des
conséquences économiques de la pandémie du Covid-19.
Ces contraintes ont jusqu’à présent conduit la France – comme les autres pays de la zone euro – à privilégier les
politiques structurelles centrées sur l’offre : Réforme du marché du travail (plus de flexibilité), réforme de la
protection sociale (baisse des coûts sociaux, réforme des retraites), réforme de la formation professionnelle pour
favoriser l’employabilité des salariés, etc. Cette politique qui a été menée depuis la crise de 2008 dans de nombreux
pays du sud de l’Europe (Grèce, Espagne, Portugal) a cependant produit de nombreuses externalités négatives : remise
en cause du modèle social, déflation salariale, montée du chômage et de la pauvreté, etc. En impactant fortement le
système social sans résultats convaincants au niveau économique, elle menace les équilibres politiques, voire la
démocratie, avec la montée actuelle des populismes et de la xénophobie en Europe sur fond de Brexit, et de migrations
venues d’autres continents.
Ces politiques structurelles sont aujourd’hui entre parenthèses. Nous vivons un nouveau « moment keynésien ». Le
soutien sans précédent des états dans le contexte de la crise sanitaire actuelle montre que le retour à une gestion plus
rigoureuse (et structurelle) des finances publiques n’est plus à l’ordre du jour, mais jusqu’à quand ?
La récession mondiale devrait être moins sévère que prévu en 2020 grâce à la réaction "rapide et conséquente" des
États, a estimé mercredi l'OCDE, qui enjoint aux gouvernements de prolonger leurs plans de soutien en 2021, au
moment où la reprise plafonne.
"Moins de consommation, moins d'investissement, moins de production, moins d'échanges commerciaux, moins
d'emploi» : c'est ainsi que Laurence Boone, la chef économiste de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) a résumé la situation économique mondiale.
Les chiffres donnent le tournis : entre la fin 2019 et la fin 2021, l'économie mondiale pourrait avoir perdu 7.000
milliards de dollars, "soit le PIB cumulé de l'Allemagne et de la France". Une chose est sûre : "le niveau d'incertitude
demeure extrêmement élevé" et le Covid-19 "va nous accompagner dans les 12 à 18 mois qui viennent".
Entre la fin 2019 et la fin 2021, l'économie mondiale pourrait avoir perdu 7.000 milliards de dollars.
Un chiffre qui masque des "différences considérables" selon les pays, entre l'Inde dont le PIB devrait plonger de 10,2%
et la Chine qui devrait être la seule économie du panel à afficher une croissance cette année, de 1,8%. L'autre bonne
surprise vient des États-Unis, qui devraient faire mieux que la moyenne mondiale avec un recul du PIB estimé à 3,8%
en 2020. L'Allemagne (-5,4%) devrait, elle, faire mieux que la zone euro (-7,9%). En revanche, la France (-9,5%), l'Italie
(-10,5%) et le Royaume-Uni (-10,1%) devraient accuser fortement le coup.
Pour 2021, l'OCDE se montre un peu moins optimiste, tablant sur un rebond de 5% en 2021 (contre +5,2% anticipé en
juin). En effet, "le rythme de la reprise mondiale a perdu de son élan au cours des mois d'été, en particulier dans les
économies les plus avancées", constate-t-elle. Surtout, "clé de la reprise", la confiance demeure "faible", déplore la
chef économiste.
Aussi, "ne répétez pas les erreurs de 2008, n'interrompez pas votre soutien budgétaire trop tôt", a-t-elle dit à l'adresse
des gouvernants. Enfin, "cette crise offre une opportunité de changer" de modèle de croissance. Or, pour l'instant,
"les ambitions sont très élevées mais les engagements concrets trop rares" en matière de transition écologique, a-t-
elle pointé du doigt.