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Introduction
Ce poème est l’avant dernier blason du 4 e et dernier livre des Epigrammes de C. Marot,
publié en 1635. Le blason est un genre inventé par Marot, qui célèbre un objet, souvent une
partie du corps féminin (Il n’existe quasiment pas de blason masculin, pour la bonne raison que
les femmes poètes, à l’époque où les blasons étaient à la mode, auraient été très mal vues de
parler de l’anatomie des hommes ! Seule Louise Labé en a fait - je vous en donnerai un exemple
– et encore, ils ne sont pas aussi « matériels » que ceux écrits par les hommes…).
Clément Marot est fameux pour sa poésie désinvolte, ludique, satirique, provocatrice, hors
norme. Il s’amuse avant tout quand il écrit. D’où ses Epigrammes, qui sont un genre satirique, et
qui sont pour lui « un moyen de sortir des vieilles cuisines du Moyen Age ». Donc, quand il
décide de célébrer le corps de la femme, il y va carrément et commence par le symbole même
de la féminité : le sein ! Le connaissant, on comprend tout de suite que cette description
anatomique ne sera qu’un prétexte pour laisser libre cours à l’imaginaire et évoquer le désir
amoureux, qui était un de ses thèmes favoris en poésie.
Mais attention ! Jamais de manière vulgaire ni grivoise. C’était sa devise en matière de
blason : « Arrière ! mots qui sonnent salement ! » (dit-il à un concours de blasons, à la cour, en
1636)
Problématique
Nous étudierons donc comment Marot réussit à faire d’un thème a priori grivois, le sein, un
poème tout à fait élogieux à la gloire de la femme.
Plan du texte
Etudiez la structure du poème : quelle progression distinguez-vous ?
deux strophes à peu près égales (18 et 16 vers). L’une traite du sein de la jeune fille,
l’autre de celui de la femme. La transition se fait par le désir de l’homme, évoqué au début de
la deuxième strophe.
= la structure, déjà, donne le ton : le poète se propose de faire un éloge exhaustif du tétin,
dans ses divers aspects !
Etude du texte
I. Un poème ludique, un texte-jeu :
car le ton reste celui de l’humour léger et ludique, en contradiction avec le registre : le
rythme rapide des vers courts (octosyllabes), renforcé par la parataxe et l’énumération
constante, crée un poème dynamique, enlevé, joyeux. On pourrait dire sautillant. De plus, ce
rythme n’est jamais lourd, car il est toujours en évolution : parfois les vers sont coupés
nettement à l’hémistiche, ce qui donne des unités rythmiques très courtes, parfois on a des
enjambement, qui allongent les unités rythmiques ; on a la suggestion érotique du début de la
deuxième strophe ; l’emploi de figures de style très variées : la comparaison, la métaphore, la
synecdoque, l’anaphore, l’énumération, la personnification, qui parle même au discours direct
(« mariez-moi tôt, mariez ! ») ! Bref, une diversité et une profusion de moyens qui rendent le
poème léger et comme foisonnant de vie.
On a donc un poème qui, en apparence, semble un simple jeu, aux règles subtiles et
virtuoses, sensuel, osé et provocateur… Mais en fait, il va bien au-delà, et son sens, son but,
sont beaucoup plus sérieux qu’on peut le croire. Pour étudier le but véritable de ce poème, il
faut l’étudier encore plus en détails :
CONCLUSION
A travers son blason du beau tétin, Clément Marot confirme tous ses talents : talent de
provocateur trublion, qui veut « sortir des vieilles cuisines du Moyen Age » en mêlant le
registre élégiaque au satirique, voire à l’érotique ; talents de poète virtuose qui sait créer, l’air
de rien, un poème dont la forme, la structure interne et le style révèlent tout son sens
profond ; talent d’humaniste, qui, loin d’objectiver la femme pour la satisfaction de l’homme, lui
rend respectueusement hommage dans ses attributs les plus personnels : ceux de sa maternité.
Ce qui fait sa grandeur est de savoir mêler tous ces talents sans se prendre au sérieux, ni son
sujet, comme il le montre en rédigeant son propre contre-blason avec le blason du laid tétin !
Commentaire écrit
Les Mains d’Elsa (Louis Aragon)
Introduction
Ce poème de Louis Aragon est extrait du Fou d’Elsa, long poème qui fait alterner des textes en prose et
des poésies versifiées, pour retracer la chute de Grenade, assiégée par les Chrétiens, entre les années
1490-1495. Publié en 1963, cet ouvrage vient clore le « cycle d’Elsa », qu’Aragon dédie à sa femme, Elsa
Triolet. Les Mains d’Elsa n’a que peu de rapport avec le thème principal de l’œuvre, puisqu’il est
clairement dédié à la gloire d’Elsa, sans référence à la culture arabo-musulmane. On y retrouve
néanmoins bien la ferveur religieuse qui imprègne toute la fin de l’œuvre et illustre ainsi « le mysticisme
tourné de Dieu à la femme » que voulait y exprimer Aragon. Poème d’amour donc, fervent, à la manière
des surréalistes dont Aragon est un chef de file, mais en même temps poème mystique, où le lecteur
perçoit les angoisses existentielles de son auteur. Nous étudierons alors en quoi ce poème d’amour
apparemment classique se transforme en véritable prière religieuse. Dans un premier temps nous en
verrons le registre lyrique, presque élégiaque, pour ensuite nous intéresser à sa dimension mystique.
Etude du texte
I. Un poème lyrique, presque élégiaque :
Introduction intermédiaire :
Il est à noter que ce poème, bien qu’écrit par un auteur surréaliste, paraît a priori très classique dans
sa forme comme dans son inspiration, particulièrement lyriques.
Conclusion intermédiaire :
Un poème d’amour lyrique, donc, dans la plus pure veine classique : où l’expression personnelle des
sentiments se mêle à l’hommage amoureux.
Introduction intermédiaire :
Néanmoins, on ne saurait réduire ce poème à la simple exaltation amoureuse, car il la dépasse bien vite
pour se transformer en véritable prière mystique à la femme aimée, alors divinisée.
c) Une tonalité religieuse qui transmute les mains d’Elsa en rédemption pour le poète :
mais l’idée va encore plus loin : on retrouve en effet dans ces deux strophes cadre le vocabulaire
religieux : « que je sois sauvé », « que mon âme y dorme », « y dorme éternellement [référence au
repos éternel du paradis] », sans parler de l’évocation omniprésente des mains qui se joignent, comme
en une prière.
= au-delà de la plénitude de l’amour, que ce geste de donner ses mains implique, on a ici l’idée, très
mystique, que ce don est rédempteur. Elsa, figure maintenant christique (ou prophétique, puisque nous
sommes dans Le Fou d’Elsa, qui traite de la religion musulmane), par le don de ses mains, donc de son
amour, sauve le poète des souffrances du monde : « s’y taise le monde au moins un moment », et
apporte l’apaisement transcendantal de l’âme : « que mon âme y dorme éternellement ». Seul l’amour
d’Elsa, librement donné, permet de transmuter « un moment » en une éternité : « éternellement ».
on remarque d’ailleurs que le poème possède une structure cyclique : la première et la dernière
strophe sont construites sur le même mode (anaphore du « donne-moi »), là où les autres strophes sont
centrées sur d’autres anaphores. De plus, on part de « l’inquiétude » dans la strophe 1, pour aboutir au
repos éternel : « que mon âme y dorme éternellement », dans la dernière.
= tout le poème s’enferme sur lui-même, comme entre les deux paumes des mains d’Elsa, auxquelles
l’auteur demande refuge et protection : image du cœur qui se forme à l’intérieur des mains (dernière
strophe), un rempart contre les agressions du monde, un lieu d’oubli de soi, de la douleur d’exister, où il
se dissoudrait, perdrait conscience, dans ce « monde où l’idée même de Dieu est absente », selon lui
(article dans Les Lettres Françaises).
Conclusion
Ainsi, on a pu voir que, plus qu’un simple poème d’amour, Les Mains d’Elsa est une prière fervente et
presque douloureuse à la femme aimée d’être un rempart entre le poète, meurtri, et le monde
extérieur, trop cruel. Le poète y semble donc davantage préoccupé de soi, de trouver un apaisement à
ses angoisses existentielles, que désireux de rendre hommage à celle dont il célèbre les mains, et dit
pourtant être « fou ». La tonalité mystique confère néanmoins une aura divine à la femme, dans ce
poème, et révèle les sentiments véritables d’Aragon pour Elsa, tout à fait révérencieux. On ne saurait
s’empêcher alors de penser à la sculpture de Rodin, la Cathédrale, qui relie ce même thème des mains
d’homme et de femme qui se joignent à leur dimension religieuse et spirituelle, conférant à l’union de
ces deux êtres le même caractère sacré que chez Aragon.
Travail préalable :
Remplir la fiche de préparation au commentaire écrit à partir du poème, à la maison. Aboutir à
une problématique, et, si possible, à un plan d’étude.
Introduction
Ce poème a vraisemblablement été composé entre 1934 et 1937. Il fut publié pour la première
fois en 1944, dans la revue L’Etudiant Noir de la France d’Outre-mer , puis dans le premier
recueil poétique de Senghor, Chants d’Ombre, en 1945. C’est sans doute le plus connu de
l’auteur, parce qu’il y célèbre pour la première fois la femme noire, sur un mode très moderne
et original, mais aussi parce que le poème va bien au-delà de l’éloge amoureux classique et
aborde magnifiquement la notion de Négritude chère à l’auteur.
A ce stade, demander aux élèves les résultats de leurs travaux à la maison, afin de dégager la
meilleure problématique.
Problématique
Nous nous demanderons comment, en partant d’un éloge amoureux classique à la beauté de la
femme, Senghor fait de son poème un véritable hymne à la Négritude.
Plan du texte
On note tout de suite que le poème ne se compose pas de manière classique « française » :
les strophes sont-elles des strophes, des versets ? Les vers sont libres, très souvent bien plus
longs que des alexandrins (vers fixe le plus long en français), on ne voit pas de rimes : poésie
versifiée ou poésie en prose ? Composition déroutante…
= c’est une esthétique africaine, pas française, alors que la langue, elle, est bien le français.
mélange des cultures, déjà.
on peut noter néanmoins une progression thématique, plus que formelle : on part de
l’évocation de la mère, au début de la première strophe, puis on passe à celle de l’amante, pour
aboutir, en fin de poème, aux cendres, qui sont tout ce qui reste de la femme noire, mais qui
nourrissent les racines de la vie = image du phénix, qui renaît de ses cendres : progression
cyclique, donc, de la mère à l’enfant, en passant par l’amante et la morte.
= on se rend donc tout de suite compte que l’hommage fait à la femme noire, ici, est un
hommage universel, à LA femme noire, pas une femme noire.
Etude du texte
I. Un éloge à la femme noire
a) LA femme noire : un portrait universel :
comme son titre l’indique, le poème est clairement un hommage à la femme africaine. Il en a
toutes les caractéristiques : le poète s’adresse directement à cette femme, en un long
apostrophe qui constitue tout le poème : la femme noire est désignée par le pronom « tu » ou
les adjectifs « ton », « ta », « tes », là où le poète est désigné par le pronom « je » = nous
sommes bien dans la poésie lyrique classique.
les métaphores qui la désignent sont toutes mélioratives : « ta couleur est vie », « ta forme
est beauté », « douceur de tes mains », « ta beauté me foudroie », « soleils profonds de tes
yeux », « fruit mûr à la chair ferme », « gazelle ».
mais il faut noter que le poète ne s’adresse pas à UNE femme, mais à LA femme noire, l’idée
de la femme, comme l’indique, dans le titre et le refrain « femme nue, femme noire/obscure »
l’absence d’article, défini ou indéfini = dans ce poème, Senghor célèbre toutes les femmes
noires, et, au-delà, la notion de femme noire.
d’ailleurs, cette femme qu’il célèbre change et se transforme tout au long du poème : au
début de la première strophe, c’est la mère : « j’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains
bandait mes yeux » = le poète est ici un enfant, qui jouit de la « douceur » des mains de sa
mère, qui l’aime, et protège son innocence d’enfant, qui ne voit en elle qu’une mère, pas une
femme (« bandait mes yeux » = m’empêchait de connaître la sensualité féminine).
Puis, « au cœur de l’été et de Midi », c'est-à-dire au moment où l’enfant devient un adulte
(« Midi », comme dans l’énigme d’Œdipe, est le milieu de la journée, le milieu de la vie. « l’été »,
le milieu de l’année, donc de la vie aussi. + la connotation chaude de l’été = sensualité de l’âge
adulte), le poète découvre la « Terre promise », la femme en tant qu’amante, dont la « beauté
[le] foudroie en plein cœur ». Cette femme-là est longuement évoquée dans le reste du poème,
comme la plus importante dans la vie du poète [Senghor a quitté son village natal à l’âge de sept
ans… Il n’a pas vécu avec sa mère très longtemps].
Jusqu’à l’évocation, dans la dernière strophe, de la fin de sa vie, où le « destin jaloux » la
« réduit en cendres », et où elle meurt.
Mais c’est pour mieux renaître de ses cendres ! Comme le phénix : « pour nourrir les racines de
la vie » = la mort n’est donc pas une fin, mais un recommencement pour cette femme noire. On
voit donc qu’il ne s’agit ici pas d’UNE femme, mais de la NOTION de femme noire, par
définition immortelle, puisque immatérielle.
Conclusion intermédiaire :
La femme noire évoquée par Senghor est donc l’essence même de tout ce qui fait une femme :
une mère, une amante, une protectrice, une déesse, etc. Bref, une femme idéale au sens
baudelairien du terme. Mais le poème ne s’arrête pas à la célébration de cette femme, il chante
également l’Afrique toute entière.
Conclusion intermédiaire :
Au-delà de l’hommage révérencieux à la femme noire, c’est à toute l’Afrique que Senghor dédie
son chant. Il la célèbre à sa manière, selon son esthétique, ce qui fait de ce poème un véritable
hymne à la notion de Négritude, qui lui est si chère.
CONCLUSION
Ce poème est donc bien plus qu’un simple hommage lyrique à la femme aimée par le poète. C’est
déjà un hommage à toutes les femmes noires ! Puis, par analogie, à toute l’Afrique, continent de
naissance de l’auteur, qu’il célèbre depuis une Europe qui a l’habitude de la dénigrer et l’a
colonisée. C’est enfin et surtout une revendication de la grandeur d’être Noir, une réponse
fière contre le racisme de l’époque, et enfin une proposition d’union des cultures, pour aller au-
delà de tout racisme. Un hymne, un manifeste et une main tendue tout à la fois ! Senghor
parvient en même temps à revendiquer son attachement à ses racines et à exhorter au mélange
des cultures et des pensées. C’est exactement le principe de l’Union Européenne, dont l’idée
est née juste après la parution de Chants d’Ombre, après la deuxième guerre mondiale. Et, de
nos jours, à la demande de plusieurs pays d’Afrique francophone, le Président de la République
française espère pouvoir étendre cette Communauté à ces pays : Senghor, poète ET
précurseur politique !
Lecture analytique
Approche du texte
Lire le texte.
En dégager le plan :
- Premier paragraphe : introduction au thème du roman : l’histoire de Jean-Baptiste
Grenouille, génie abominable dans le monde restreint des odeurs.
- Deuxième paragraphe : tableau olfactif de la société française au XVIIIe siècle : une
puanteur universelle tant géographiquement que socialement !
Introduction
Incipit du roman contemporain allemand Le Parfum, histoire d’un meurtrier, écrit pas P.
Süskind, et publié pour la première fois en 1985, puis en français en 1986. Toute l’histoire est
contenue dans le titre et son sous-titre, puisque Jean-Baptiste Grenouille, le héros, est en
effet un homme exceptionnel, doté d’un odorat surhumain, mais lui-même dépourvu d’odeur. A
la recherche du parfum absolu, parfait, qui le ferait aimer du monde entier et lui donnerait une
identité, il se fait le meurtrier de 27 jeunes filles aux parfums suaves qu’il veut s’approprier.
Tout se passe donc comme si l’auteur, pour entamer son œuvre, avait choisi d’entraîner son
lecteur exactement dans la direction opposée à celle qu’il attendait !
Nous nous demanderons donc en quoi l’on peut dire que cet incipit reflète déjà la volonté de
l’auteur de prendre dans le Parfum toutes les conventions romanesques à rebours.
Etude du texte
I. Un incipit paradoxal
a) Un texte placé sous le signe de l’antithèse
b) Un éloge du héros paradoxal
c) Un incipit qui en dit trop
Problématique
En quoi cette évidente parodie de mythe des origines peut éclairer la personnalité profonde de
Grenouille ?
Etude du texte
I. Une scène parodique de mythe des origines
Tout de suite on peut voir dans ce passage de nombreuses ressemblances avec un récit
mythique des origines, comme les récits grecs, par exemple, ou, encore plus, la Genèse judéo-
chrétienne. Mais toujours sous forme parodique, car détournées, ridiculisées :
Et, de manière incongrue, ce registre épique finit par être superposé par un registre lyrique
tout aussi forcé :
- l’emphase de la métaphore du « nuage à l’odeur d’or » sur lequel « trône » le GG, qui mêle des
notions de vue, d’odorat, de puissance et de richesse est typiquement lyrique, par sa richesse
évocatrice… trop riche, même ! Elle en devient lourde.
- les clichés tels que « le doux soleil de son sourire », ou « éclatait la splendeurs de ces
milliards de fleurs » ou encore le topos du Dieu cultivateur « jetant les graines à pleines
poignées »
- on retrouve le mot « parfum » trois fois dans la même phrase : « et les fleurs, mêlant leurs
myriades de parfum, en faisaient un seul parfum, un parfum d’adoration » = le lyrisme devient
lourd, mal maîtrisé, comme s’il s’emballait de lui-même.
Là encore, les moyens employés sont exagérés et sans originalité. Le style en devient mièvre
et fait sourire.
La parodie est évidente car le style est hyperbolique et, surtout, le ton dépréciatif :
l’insistance « très, très bien » est ridicule, par exemple. Tout comme la formule triviale et
populaire « que cela vous réjouissait le cœur » quand il est fait allusion à la Création qui pousse
et verdoie.
Mais c’est un Dieu de pacotille qu’on a là ! Il crée un jardin, mais il est rabaissé alors au rôle
de vulgaire « jardinier », qualifié d’ »impétueux » avec ça ! Une image incongrue qui donne
l’impression d’un jeune enfant qui ne sait pas contrôler ses impulsions, alors qu’il devrait
contrôler le monde !
D’ailleurs, plus haut, on nous le présente comme un gamin capricieux, qui joue littéralement
avec son monde : « qu’il dévastait quand il lui plaisait et reconstituait à nouveau ».
De même, l’image d’un GG qui brandit un glaive flamboyant… alors qu’il est tout seul, l’unique
habitant de ce royaume est ridicule ! (Se battrait-il contre des moulins, lui aussi ??). Ou
encore, l’image de G qui « allait à grands pas puissants par les campagnes en jachère » fait
penser aux ogres des contes, chaussés de bottes de sept lieues ! Bref, un Dieu grotesque.
un Dieu sans étincelle divine, également, puisque son « souffle » ne donne pas la vie, ici, il se
contente de faire du vent pour transporter les parfums des fleurs !
CONCLUSION
Peut-on alors voir dans cet extrait une certaine critique de l’influence néfaste de la société
sur les êtres qui ne lui appartiennent pas spontanément ? G. serait un « génie » par nature,
comme on le voit dans cette intrusion dans son inconscient, mais « abominable » car poussé par
une société qu’il ne comprend pas (il n’a pas conscience de commettre des meurtres, quand il
tue les jeunes filles) et qui le rejette ? Sa méchanceté serait alors un mécanisme de défense
contre les hommes trop cruels ? On pourrait le penser, quand on voit, par la suite, combien il
les déteste et combien leur commerce le dégoûte. Au point de vouloir se suicider. Mais rien
n’est moins sûr : l’auteur joue trop bien de la parodie, du paradoxe, dans cette scène comme
dans tout le roman, pour qu’on puisse l’assurer. Ici, il va jusqu’à déifier son héros… tout en le
ridiculisant en même temps ! Il nous le montre tel qu’il SE voit lui-même (un dieu tout puissant,
uniquement préoccupé de créer et gouverner), et tel que le narrateur le voit, lui (un être sub-
animal ridicule et inadapté). Comment devons-nous, nous lecteurs, le voir, alors ? Qui est dans
le vrai ? Impossible à dire ! Même après avoir percé les secrets de son inconscient, G. reste
une énigme… Bel exploit pour son auteur !
Lecture analytique
Le Parfum (P. Süskind), « la transe des notables » (p. 261-262)
Problématique
En quoi cette scène rejoint-elle la grande thématique du XVIIIe siècle : la critique de la
religion ?
ELEMENTS DE CONCLUSION
Dans cette scène presque à la fin du roman, le texte de Süskind rejoint enfin l’une des grandes
thématiques des auteurs du siècle des Lumières : la critique de la religion. Il s’amuse en effet
à désacraliser le clergé, à blasphémer la foi chrétienne et à en dénoncer l’hypocrisie et le vide
spirituel. On croirait presque entendre Diderot ou Voltaire !...