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Lecture analytique

Blason du beau tétin (Clément Marot)

Introduction
Ce poème est l’avant dernier blason du 4 e et dernier livre des Epigrammes de C. Marot,
publié en 1635. Le blason est un genre inventé par Marot, qui célèbre un objet, souvent une
partie du corps féminin (Il n’existe quasiment pas de blason masculin, pour la bonne raison que
les femmes poètes, à l’époque où les blasons étaient à la mode, auraient été très mal vues de
parler de l’anatomie des hommes ! Seule Louise Labé en a fait - je vous en donnerai un exemple
– et encore, ils ne sont pas aussi « matériels » que ceux écrits par les hommes…).
Clément Marot est fameux pour sa poésie désinvolte, ludique, satirique, provocatrice, hors
norme. Il s’amuse avant tout quand il écrit. D’où ses Epigrammes, qui sont un genre satirique, et
qui sont pour lui « un moyen de sortir des vieilles cuisines du Moyen Age ». Donc, quand il
décide de célébrer le corps de la femme, il y va carrément et commence par le symbole même
de la féminité : le sein ! Le connaissant, on comprend tout de suite que cette description
anatomique ne sera qu’un prétexte pour laisser libre cours à l’imaginaire et évoquer le désir
amoureux, qui était un de ses thèmes favoris en poésie.
Mais attention ! Jamais de manière vulgaire ni grivoise. C’était sa devise en matière de
blason : « Arrière ! mots qui sonnent salement ! » (dit-il à un concours de blasons, à la cour, en
1636)

Problématique
Nous étudierons donc comment Marot réussit à faire d’un thème a priori grivois, le sein, un
poème tout à fait élogieux à la gloire de la femme.

Plan du texte
 Etudiez la structure du poème : quelle progression distinguez-vous ?
 deux strophes à peu près égales (18 et 16 vers). L’une traite du sein de la jeune fille,
l’autre de celui de la femme. La transition se fait par le désir de l’homme, évoqué au début de
la deuxième strophe.
= la structure, déjà, donne le ton : le poète se propose de faire un éloge exhaustif du tétin,
dans ses divers aspects !

Etude du texte
I. Un poème ludique, un texte-jeu :

a) Un détournement satirique provocateur :


 Nous allons procéder comme si vous deviez faire un commentaire de ce texte : regardez-le
dans le détail, et étudiez la structure, dites quels registres il emploie, quels procédés
stylistiques vous paraissent évidents, etc.
 la structure est celle d’une description, qui énumère apparemment sans ordre une
quantité de détails anatomiques qui, mis bout à bout grâce à l’énumération en parataxe,
donnent une idée globale de l’objet décrit.
= a priori, ce n’est pas très « poétique », comme structure…
 le registre est clairement épidictique (= fait l’éloge), comme le montrent l’apostrophe
lyrique « ô » par laquelle le poète s’adresse directement et respectueusement au tétin, le
vocabulaire élogieux (« petite boule d’ivoire », « satin blanc », « beau », « la rose »), les
comparaisons, les métaphores connotées méliorativement (« petite boule d’ivoire (…) cerise,
fraise »), les superlatifs, les comparatifs (« plus beau que nulle chose », « plus blanc qu’un
œuf », « qui fait honte à la rose »).
Associé au thème du tétin, éminemment érotique, ce registre noble est une provocation
osée de la part de Marot. On peut parler de détournement, de satire. C’est la marque de
Marot.

 car le ton reste celui de l’humour léger et ludique, en contradiction avec le registre : le
rythme rapide des vers courts (octosyllabes), renforcé par la parataxe et l’énumération
constante, crée un poème dynamique, enlevé, joyeux. On pourrait dire sautillant. De plus, ce
rythme n’est jamais lourd, car il est toujours en évolution : parfois les vers sont coupés
nettement à l’hémistiche, ce qui donne des unités rythmiques très courtes, parfois on a des
enjambement, qui allongent les unités rythmiques ; on a la suggestion érotique du début de la
deuxième strophe ; l’emploi de figures de style très variées : la comparaison, la métaphore, la
synecdoque, l’anaphore, l’énumération, la personnification, qui parle même au discours direct
(« mariez-moi tôt, mariez ! ») ! Bref, une diversité et une profusion de moyens qui rendent le
poème léger et comme foisonnant de vie.

b) Un poème très sensuel en forme de clin d’œil :


 Si l’on regarde plus profondément, on aperçoit une constante dans la forme du poème, des
vers, des figures de style, qui va très bien avec le thème traité, et donc relève du choix
poétique : laquelle ?
 la constance du rapport binaire ! Il y a deux strophes, les vers sont des octosyllabes
(2x4), les strophes sont de 18 et 16 vers (2x9 et 2x8), beaucoup de vers sont construits sur
un rythme binaire (ex : « tétin gauche, tétin mignon »), souvent souligné par la construction :
« soit…, soit… » ; « ni…, ni… »), « nuit et jour », « deux bons pouces », répétition de sons (« de
te tâter, de te tenir »), de mots (« blancs », « mariez »), antithèse (« tétin de pucelle/tétin de
femme »).
= bref, tout est fait pour rappeler que les seins vont toujours par deux ! Nouveau clin d’œil
ludique et provocateur de la part de Marot, qui montre ici sa virtuosité stylistique.

 Quels sont les sens évoqués dans ce poème ?


 tous ! la vue, bien sûr (champ lexical des couleurs : « blanc », « rose » « rouge », verbe
« voir » deux fois, plus plein d’adjectifs descriptifs « grand », « petit », « mûr ») ; le toucher,
bien entendu aussi ! (champ lexical du soyeux : « satin », « ivoire », « rose », du ferme :
« dur », « œuf », « boule d’ivoire » ; plus verbes du toucher : « une envie dedans les mains de
te tâter de te tenir ») ; mais aussi l’ouïe (discours direct du tétin qui crie : « mariez-moi tôt !
mariez ! ») ; le goût, avec l’évocation de la « fraise » et de la « cerise » auxquelles font penser
le mamelon de ce « tétin d’appétit » ; l’odorat, également, avec l’évocation de la « rose ».
= bref, un poème très sensuel ! Osé, pour l’époque…

On a donc un poème qui, en apparence, semble un simple jeu, aux règles subtiles et
virtuoses, sensuel, osé et provocateur… Mais en fait, il va bien au-delà, et son sens, son but,
sont beaucoup plus sérieux qu’on peut le croire. Pour étudier le but véritable de ce poème, il
faut l’étudier encore plus en détails :

II. Un éloge respectueux de la femme elle-même :

a) Un éloge dans la plus pure tradition poétique :


 Etudions la structure du poème plus en détails : quelle progression distinguez-vous dans la
structure de la première strophe ?
 deux parties : d’abord description visuelle, physique (vers 1 à 10) puis description du
comportement du tétin. La transition se fait par les connecteurs logiques « mais » et « donc ».
 Quel genre de tétin est évoqué dans cette première strophe ? Quels en sont les attributs ?
 celui de la jeune fille. Il est « refait », « tout neuf », « blanc » comme le « satin » ou
« l’ivoire », « dur » comme l’ivoire aussi, rond comme une « boule ».
= une description qui emploie tous les clichés de la tradition épidictique. Ce sein ressemble à
celui d’une statue grecque !
 Mais Marot va plus loin : une autre dimension est étudiée également : laquelle ?
 celle du mouvement. La description est très dynamique, pleine de vie. Le mouvement est
partout.
 Etudiez ce qu’on en dit dans la première strophe :
 absence de mouvement du tétin, justement : « qui jamais ne se bouge »… au milieu d’un
déploiement de mouvements ! « soit pour venir, soit pour aller, soit pour courir, soit pour
baller » (on note la gradation des mouvements, d’ailleurs, qui tend vers un dynamisme
croissant). L’image produite est donc celle d’un tétin ferme et jeune, immobile.
 Cette immobilité vous semble être positive ou négative ?
 un peu des deux ! l’immobilité montre qu’il est jeune et ferme, mais ça lui enlève une
dimension dynamique, de plénitude. D’ailleurs, il est dit « mignon » seulement (= joli et petit),
et on note qu’il est « toujours loin de son compagnon » (pas assez gros !), et qu’on ne peut ni le
voir, ni le toucher. En revanche, il « témoigne du demeurant du personnage », c'est-à-dire qu’il
a une dimension spirituel.
= bref, le tétin de la jeune fille est beau, mais de la beauté des statues : inatteignable et idéal.

b) Un hymne à la féminité et à la maternité :


 Cela change complètement dans la deuxième strophe : étudiez-en la composition,
également :
 deux parties également : d’abord évocation du désir que le tétin fait naître chez l’homme
(on pourrait dire, sa première « fonction », ce pour quoi il est fait : inciter à l’accouplement)
(vers 19 à 24), puis évocation de sa deuxième et plus importante fonction : produire du lait
pour nourrir un bébé.
= c’est un tétin de femme, qu’on évoque ici.
 Est-il immobile, celui-là ?
 non, là, il se met à bouger : il « s’enfle et repousse le gorgias de deux bons pouces », il
« s’emplit de lait » : c’est un tétin de femme mariée, de mère, plus un tétin immobile de jeune
fille. Il vit… et donne la vie.
 Est-il uniquement « mignon » ?
 non, il rend la femme « entière et belle », ce qui est plus fort.
= On voit donc que la sensualité du thème et du style est au service d’une évocation très
élogieuse, du tétin de la femme, bien sûr, mais surtout de ce qu’il représente : l’attribut de la
maternité ! Marot évoque la beauté esthétique du « tétin mignon », mais immobile et stérile, de
la jeune fille dans la première strophe, puis célèbre dans la deuxième la « belle » plénitude
gonflée de celui de la femme mûre. Pas de regard lascif sur ce tétin, mais admiratif et
respectueux.
 Etudions alors le passage le plus « érotique » du poème : le début de la deuxième strophe :
comment est évoqué le désir de l’homme ?
 de façon suggérée : « une autre envie », et sur le ton de l’humour : jeu de mots sur la
première « envie » de toucher qui mène à la seconde « envie »… qu’on imagine !
 de plus, il est contrôlé, repoussé : « de s’en approcher il faut bien se garder » : pas
d’incitation à la débauche, ici !
 Qu’est-ce qui est nécessaire, pour qu’un homme ait le droit de s’en approcher et de
« l’emplir de lait » ?
 le mariage ! Entre le début de la deuxième strophe et la fin, où il est plein de lait, le tétin
crie « mariez-moi tôt, mariez ! ».
= Marot, sous ses dehors provocateur, respecte les valeurs morales de son temps.
 Quel est donc le rôle principal de l’homme, par rapport au tétin ?
 l’emplir de lait, c'est-à-dire enfanter avec la femme un bébé qui se nourrira au sein.
= on voit donc bien que le choix de ce thème n’est pas du tout grivois, ni prétexte à images
érotiques, puisque le poème entier tend vers cette conclusion : ce qu’il y a de plus beau dans le
sein d’une femme, c’est qu’il sert à donner la vie ! Le poème n’est en fait pas une description
d’un objet de désir, où le tétin sert à l’homme, mais un éloge à la femme, qui devient « entière
et belle » dans son rôle le plus éminemment féminin : enfanter.
Le passage par le désir de l’homme, à la charnière des deux strophes, est alors nécessaire,
puisque c’est l’intervention d’un homme qui transformera la jeune fille de la première strophe
en la mère de la deuxième. Cet homme est alors dit « heureux », même si le tétin n’est pas fait
pour lui, finalement (bon, il a quand même pu en profiter, vertueusement, une fois marié !)
Aucune grivoiserie, donc : la dimension sexuelle du tétin n’est évoquée que dans sa nécessité
pour engendrer une mère.

CONCLUSION
A travers son blason du beau tétin, Clément Marot confirme tous ses talents : talent de
provocateur trublion, qui veut « sortir des vieilles cuisines du Moyen Age » en mêlant le
registre élégiaque au satirique, voire à l’érotique ; talents de poète virtuose qui sait créer, l’air
de rien, un poème dont la forme, la structure interne et le style révèlent tout son sens
profond ; talent d’humaniste, qui, loin d’objectiver la femme pour la satisfaction de l’homme, lui
rend respectueusement hommage dans ses attributs les plus personnels : ceux de sa maternité.
Ce qui fait sa grandeur est de savoir mêler tous ces talents sans se prendre au sérieux, ni son
sujet, comme il le montre en rédigeant son propre contre-blason avec le blason du laid tétin !
Commentaire écrit
Les Mains d’Elsa (Louis Aragon)

Introduction
Ce poème de Louis Aragon est extrait du Fou d’Elsa, long poème qui fait alterner des textes en prose et
des poésies versifiées, pour retracer la chute de Grenade, assiégée par les Chrétiens, entre les années
1490-1495. Publié en 1963, cet ouvrage vient clore le « cycle d’Elsa », qu’Aragon dédie à sa femme, Elsa
Triolet. Les Mains d’Elsa n’a que peu de rapport avec le thème principal de l’œuvre, puisqu’il est
clairement dédié à la gloire d’Elsa, sans référence à la culture arabo-musulmane. On y retrouve
néanmoins bien la ferveur religieuse qui imprègne toute la fin de l’œuvre et illustre ainsi « le mysticisme
tourné de Dieu à la femme » que voulait y exprimer Aragon. Poème d’amour donc, fervent, à la manière
des surréalistes dont Aragon est un chef de file, mais en même temps poème mystique, où le lecteur
perçoit les angoisses existentielles de son auteur. Nous étudierons alors en quoi ce poème d’amour
apparemment classique se transforme en véritable prière religieuse. Dans un premier temps nous en
verrons le registre lyrique, presque élégiaque, pour ensuite nous intéresser à sa dimension mystique.

Etude du texte
I. Un poème lyrique, presque élégiaque :

Introduction intermédiaire :
Il est à noter que ce poème, bien qu’écrit par un auteur surréaliste, paraît a priori très classique dans
sa forme comme dans son inspiration, particulièrement lyriques.

a) Omniprésence du poète à l’intérieur du poème :


 le « je » lyrique est davantage le centre d’intérêt du poème que le « tu » auquel il s’adresse. Qu’il soit
objet dans les nombreux « donne-moi », les « ce qui me traverse », « ce qui me transperce », ou sujet
dans les non moins nombreux verbes d’action « j’ai tant rêvé », « je les prends », « j’ai trahi », « j’ai
tressailli », il est partout.

b) L’amour comme thème principal :


 Néanmoins, c’est bien d’un poème d’amour qu’il s’agit, puisque l’auteur s’adresse à un « tu » facilement
identifiable grâce au titre : « les mains d’Elsa », et emploie le vocabulaire amoureux traditionnel de ce
genre de poèmes : « je les [les mains] prends (…) dans mes mains à moi » « ce qui me bouleverse », « ce
frémir d’aimer », « que mon cœur s’y forme », « que mon âme y dorme ».
 amour à la fois charnel : « de hâte et d’émoi », « j’ai tressailli », « ce parler muet de sens animaux »,
« ce frémir d’aimer qui n’a pas de mot », et spirituel, puisque les « doigts pensent », et engendrent un
« éclair » (illumination de l’esprit). C’est son « cœur » et son « âme » que le poète offre à Elsa, et,
quand il prend ses mains dans les siennes, elles fusionnent comme une « eau de neige qui fond de
partout dans mes mains à moi ». L’amour ici présenté est un amour fou (cf. le titre de l’œuvre) dans le
sens de sublime, fusionnel, entier (corps et âme).

c) L’expression d’une inquiétude personnelle :


 pourtant, cet amour n’occulte pas une certaine inquiétude très visible dans tout le poème. Le mot
apparaît au premier vers, souligné par une diérèse (« in-qui-é-tude »), et annonce toute une série
d’autres, tout aussi négatifs : « ma solitude », « mon pauvre piège », « de paume et de peur » (jeu de
mot sur « paume et » et « paumé » ?? [« paumé » = mot argotique pour dire « perdu »]), « me
transperce », « me bouleverse », « une proie », « leur silence ». Et la dernière strophe semble appeler
le repos éternel, la fuite loin d’un monde trop bruyant qui fait souffrir.
= le poète semble perdu dans un monde qui l’agresse, où il craint la solitude et doit s’en remettre au
rêve (cf. première strophe) pour trouver du réconfort dans un réel qui en est dépourvu. On retrouve là
le souvenir douloureux de la guerre de 1939-1945, qui a beaucoup marqué Aragon : il a vécu les horreurs
de la guerre, s’est battu dans la Résistance, a vu ses camarades mourir, et, pendant tout ce temps, il
pensait à Elsa, dont il ne pouvait que « rêver » des mains, sans jamais les toucher… Il faut également
penser à la guerre d’Algérie, pendant laquelle Aragon a rédigé le Fou d’Elsa, et dont les ravages
n’étaient pas moins horribles, ou encore à la guerre de 1914-1018, qu’il a vécu également dans sa
jeunesse… Tant de guerres vécues par un seul homme créent forcément en lui un profond malaise qui le
laisse vulnérable aux cruautés du monde.

Conclusion intermédiaire :
Un poème d’amour lyrique, donc, dans la plus pure veine classique : où l’expression personnelle des
sentiments se mêle à l’hommage amoureux.

II. Une prière mystique :

Introduction intermédiaire :
Néanmoins, on ne saurait réduire ce poème à la simple exaltation amoureuse, car il la dépasse bien vite
pour se transformer en véritable prière mystique à la femme aimée, alors divinisée.

a) Litanie du rythme et des sonorités :


 le classicisme de la forme poétique est d’ailleurs tellement exacerbé qu’il en devient obsédant : le
rythme binaire des vers pairs (des décasyllabes), des strophes paires (des quatrains), de leur nombre
pair (6) crée une régularité tout à fait monotone.
 De même, l’omniprésence des anaphores (« donne-moi », « lorsque je les prends », « sauras-tu
jamais »), les répétitions (« dont j’ai tant rêvé » à la première strophe, et « que mon âme y dorme » à la
dernière), les rimes croisées, les rimes internes (« ce qui me traverse », « ce qui me bouleverse », ce
qui me transperce » à la troisième strophe), engendrent une musicalité hypnotique, extrêmement
régulière, comme une litanie [= prière formée d’une longue suite d’invocations à une divinité].
 les nombreuses allitérations renforcent cette impression, notamment celle en consonnes nasales [m]
et [n], dans tout le poème, qui donnent une impression de murmure sourd et ronronnant, comme une
litanie religieuse.

b) L’idée du don qui seul permet la communication :


 face à l’inquiétude évoquée en première partie, à la peur de la solitude, on trouve également l’idée que
seul le don de soi peut évacuer cette menace. On se rend compte en effet que, dans les strophes 2 à 5,
où le poète évoque les moments où il prend lui-même les mains d’Elsa : « lorsque je les prends », le
doute angoissant de l’incompréhension plane : « sauras-tu jamais… » est répété de manière entêtante.
= le poète semble craindre que sa compagne ne le comprenne pas, ne perçoive pas ses émotions intimes
pour elle : « sauras-tu jamais ce qui me transperce, ce qui me bouleverse, etc. », ne comprenne pas « ce
parler muet de sens animaux », le langage du corps, du toucher de leurs mains qui se passe des mots,
« ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots ».
 alors que dans les strophes 1 et 6, si Elsa consent à lui donner ses mains, délibérément,
volontairement et sans contrainte, alors il sera « sauvé » de « la solitude », et son cœur pourra se
« former » à l’intérieur de ses mains.
= l’amour ne peut être entier et paisible qu’à travers le don.

c) Une tonalité religieuse qui transmute les mains d’Elsa en rédemption pour le poète :
 mais l’idée va encore plus loin : on retrouve en effet dans ces deux strophes cadre le vocabulaire
religieux : « que je sois sauvé », « que mon âme y dorme », « y dorme éternellement [référence au
repos éternel du paradis] », sans parler de l’évocation omniprésente des mains qui se joignent, comme
en une prière.
= au-delà de la plénitude de l’amour, que ce geste de donner ses mains implique, on a ici l’idée, très
mystique, que ce don est rédempteur. Elsa, figure maintenant christique (ou prophétique, puisque nous
sommes dans Le Fou d’Elsa, qui traite de la religion musulmane), par le don de ses mains, donc de son
amour, sauve le poète des souffrances du monde : « s’y taise le monde au moins un moment », et
apporte l’apaisement transcendantal de l’âme : « que mon âme y dorme éternellement ». Seul l’amour
d’Elsa, librement donné, permet de transmuter « un moment » en une éternité : « éternellement ».
 on remarque d’ailleurs que le poème possède une structure cyclique : la première et la dernière
strophe sont construites sur le même mode (anaphore du « donne-moi »), là où les autres strophes sont
centrées sur d’autres anaphores. De plus, on part de « l’inquiétude » dans la strophe 1, pour aboutir au
repos éternel : « que mon âme y dorme éternellement », dans la dernière.
= tout le poème s’enferme sur lui-même, comme entre les deux paumes des mains d’Elsa, auxquelles
l’auteur demande refuge et protection : image du cœur qui se forme à l’intérieur des mains (dernière
strophe), un rempart contre les agressions du monde, un lieu d’oubli de soi, de la douleur d’exister, où il
se dissoudrait, perdrait conscience, dans ce « monde où l’idée même de Dieu est absente », selon lui
(article dans Les Lettres Françaises).

Conclusion
Ainsi, on a pu voir que, plus qu’un simple poème d’amour, Les Mains d’Elsa est une prière fervente et
presque douloureuse à la femme aimée d’être un rempart entre le poète, meurtri, et le monde
extérieur, trop cruel. Le poète y semble donc davantage préoccupé de soi, de trouver un apaisement à
ses angoisses existentielles, que désireux de rendre hommage à celle dont il célèbre les mains, et dit
pourtant être « fou ». La tonalité mystique confère néanmoins une aura divine à la femme, dans ce
poème, et révèle les sentiments véritables d’Aragon pour Elsa, tout à fait révérencieux. On ne saurait
s’empêcher alors de penser à la sculpture de Rodin, la Cathédrale, qui relie ce même thème des mains
d’homme et de femme qui se joignent à leur dimension religieuse et spirituelle, conférant à l’union de
ces deux êtres le même caractère sacré que chez Aragon.

Autre idée d’élargissement :


On retrouve donc bien ici cette idée chère à l’auteur selon laquelle « la femme est l’avenir de l’homme »,
qu’il avait inscrite sur la couverture de la première édition du Fou d’Elsa.
Lecture analytique
Femme Noire (Léopold-Sédar Senghor)

Travail préalable :
Remplir la fiche de préparation au commentaire écrit à partir du poème, à la maison. Aboutir à
une problématique, et, si possible, à un plan d’étude.

Introduction
Ce poème a vraisemblablement été composé entre 1934 et 1937. Il fut publié pour la première
fois en 1944, dans la revue L’Etudiant Noir de la France d’Outre-mer , puis dans le premier
recueil poétique de Senghor, Chants d’Ombre, en 1945. C’est sans doute le plus connu de
l’auteur, parce qu’il y célèbre pour la première fois la femme noire, sur un mode très moderne
et original, mais aussi parce que le poème va bien au-delà de l’éloge amoureux classique et
aborde magnifiquement la notion de Négritude chère à l’auteur.

Rappelons la définition de Négritude que donnait l’auteur lui-même : « La Négritude est la


simple reconnaissance du fait d'être Noir, et l'acceptation de ce fait, de notre destin de Noir,
de notre histoire et de notre culture. »

A ce stade, demander aux élèves les résultats de leurs travaux à la maison, afin de dégager la
meilleure problématique.

Problématique
Nous nous demanderons comment, en partant d’un éloge amoureux classique à la beauté de la
femme, Senghor fait de son poème un véritable hymne à la Négritude.

Plan du texte
 On note tout de suite que le poème ne se compose pas de manière classique « française » :
les strophes sont-elles des strophes, des versets ? Les vers sont libres, très souvent bien plus
longs que des alexandrins (vers fixe le plus long en français), on ne voit pas de rimes : poésie
versifiée ou poésie en prose ? Composition déroutante…
= c’est une esthétique africaine, pas française, alors que la langue, elle, est bien le français. 
mélange des cultures, déjà.
 on peut noter néanmoins une progression thématique, plus que formelle : on part de
l’évocation de la mère, au début de la première strophe, puis on passe à celle de l’amante, pour
aboutir, en fin de poème, aux cendres, qui sont tout ce qui reste de la femme noire, mais qui
nourrissent les racines de la vie = image du phénix, qui renaît de ses cendres : progression
cyclique, donc, de la mère à l’enfant, en passant par l’amante et la morte.
= on se rend donc tout de suite compte que l’hommage fait à la femme noire, ici, est un
hommage universel, à LA femme noire, pas une femme noire.
Etude du texte
I. Un éloge à la femme noire
a) LA femme noire : un portrait universel :
 comme son titre l’indique, le poème est clairement un hommage à la femme africaine. Il en a
toutes les caractéristiques : le poète s’adresse directement à cette femme, en un long
apostrophe qui constitue tout le poème : la femme noire est désignée par le pronom « tu » ou
les adjectifs « ton », « ta », « tes », là où le poète est désigné par le pronom « je » = nous
sommes bien dans la poésie lyrique classique.
 les métaphores qui la désignent sont toutes mélioratives : « ta couleur est vie », « ta forme
est beauté », « douceur de tes mains », « ta beauté me foudroie », « soleils profonds de tes
yeux », « fruit mûr à la chair ferme », « gazelle ».
 mais il faut noter que le poète ne s’adresse pas à UNE femme, mais à LA femme noire, l’idée
de la femme, comme l’indique, dans le titre et le refrain « femme nue, femme noire/obscure »
l’absence d’article, défini ou indéfini = dans ce poème, Senghor célèbre toutes les femmes
noires, et, au-delà, la notion de femme noire.
 d’ailleurs, cette femme qu’il célèbre change et se transforme tout au long du poème : au
début de la première strophe, c’est la mère : « j’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains
bandait mes yeux » = le poète est ici un enfant, qui jouit de la « douceur » des mains de sa
mère, qui l’aime, et protège son innocence d’enfant, qui ne voit en elle qu’une mère, pas une
femme (« bandait mes yeux » = m’empêchait de connaître la sensualité féminine).
Puis, « au cœur de l’été et de Midi », c'est-à-dire au moment où l’enfant devient un adulte
(« Midi », comme dans l’énigme d’Œdipe, est le milieu de la journée, le milieu de la vie. « l’été »,
le milieu de l’année, donc de la vie aussi. + la connotation chaude de l’été = sensualité de l’âge
adulte), le poète découvre la « Terre promise », la femme en tant qu’amante, dont la « beauté
[le] foudroie en plein cœur ». Cette femme-là est longuement évoquée dans le reste du poème,
comme la plus importante dans la vie du poète [Senghor a quitté son village natal à l’âge de sept
ans… Il n’a pas vécu avec sa mère très longtemps].
Jusqu’à l’évocation, dans la dernière strophe, de la fin de sa vie, où le « destin jaloux » la
« réduit en cendres », et où elle meurt.
Mais c’est pour mieux renaître de ses cendres ! Comme le phénix : « pour nourrir les racines de
la vie » = la mort n’est donc pas une fin, mais un recommencement pour cette femme noire. On
voit donc qu’il ne s’agit ici pas d’UNE femme, mais de la NOTION de femme noire, par
définition immortelle, puisque immatérielle.

b) Sensualité charnelle/mysticisme sacré : un syncrétisme idéal :


 cette femme noire est d’ailleurs décrite dans tous ses aspects les plus divers, et les plus
opposés, c’est la quintessence de la femme noire ! Comme l’indique le A majuscule de
« l’Aimée » à la fin de la première strophe = cette majuscule indique qu’on parle ici de l’idée
universelle de l’être aimé.
 Son corps est ainsi souvent évoqué : « ta couleur », « ta forme », « tes mains », « bouche »,
« ta voix grave de contralto », « ta peau », « ta chevelure », « tes yeux ». Sa nudité, souvent
soulignée par le refrain « femme nue, femme noire/obscure », est à prendre au sens de
« dépourvue d’artifice », « pure », la couleur noire suffit à habiller cette femme (cf. deuxième
vers) qui nous est présentée dans toute sa splendeur naturelle.
 l’évocation de ce corps est par ailleurs très sensuelle : sa « beauté » est soulignée trois fois,
elle est « nue », « obscure » (donc mystérieuse), on évoque sa « peau » deux fois, elle engendre
de « sombres extases », elle enivre comme un « vin noir ». Pour l’évoquer, tous les sens sont
sollicités : la vue : « vêtue de ta couleur », « femme noire », « délices (…) les reflets de l’or
ronge ta peau qui se moire », , « soleils prochains de tes yeux » ; le toucher : elle « frémis aux
caresses ferventes du Vent d’Est », elle est « sculpté », sa « forme » est évoquée deux fois,
pour la dire belle et éternelle, c’est une « huile aux flancs de l’athlète, (…) des princes du
Mali », le goût : c’est un « fruit mûr à la chair ferme », un « vin noir » ; l’ouïe : c’est un « tam-
tam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur », on évoque sa « voix de contralto ».
 mais on évoque également ses vertus morales : elle est protectrice avant tout : l’enfant
grandit protégé par son « ombre », on évoque « la douceur » de ses mains, sa sérénité
apaisante : « huile que ne ride nul souffle », « huile calme », elle apaise les angoisses du poète :
« s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux ».
 la description fait d’elle un être spirituel, même : sa voix est « le chant spirituel de
l’Aimée », elle participe des « délices des jeux de l’Esprit », une forme que le poète peut fixer
dans « l’Eternel » = tous ces concepts, cités avec une majuscule pour leur conférer
l’universalité, font de la femme noire un être spirituel.
 et même un être sacré, mystique : elle possède des « attaches [articulations des poignets et
des chevilles] célestes » (double jeu sur les sens de l’adjectif « célestes », qui peut signifier
« belles comme au Paradis », ou « qui vient du Paradis ») et elle est une « Terre promise » :
référence religieuse à la Bible, où Moïse guide le peuple Hébreux de l’Egypte vers Israël, la
terre promise par Dieu, mais aussi, par le T majuscule, elle devient LA Terre, terra mater, la
Terre mère qui donne la vie : « ta couleur qui est vie » (début première strophe), et ses
cendres nourrissent la vie (fin du poème) : elle est l’immortelle source de vie !

Conclusion intermédiaire :
La femme noire évoquée par Senghor est donc l’essence même de tout ce qui fait une femme :
une mère, une amante, une protectrice, une déesse, etc. Bref, une femme idéale au sens
baudelairien du terme. Mais le poème ne s’arrête pas à la célébration de cette femme, il chante
également l’Afrique toute entière.

II. Un chant d’amour à l’Afrique :


a) Un poème-continent :
 en filigrane de l’évocation de la femme, à travers les métaphores et les analogies, on a toute
l’Afrique : des paysages : « du haut d’un col calciné », « savane aux horizons purs (…) qui frémis
aux caresses du Vent d’Est » (ce vent est l’Harmattan, très important et redouté en Afrique
de l’Ouest, car il apporte la sécheresse), à sa culture : « tamtam sculpté, tamtam tendu », en
passant par ses habitants : « des princes du Mali », ses animaux : « aigle », « gazelle ».
= Senghor ne « chante » pas seulement la femme noire, mais la terre qu’elle habite et qu’elle
représente : l’Afrique.

b) Une esthétique africaine :


 si Senghor écrit en français, il n’emploie pas les outils poétiques français, il compose son
poème selon l’esthétique africaine. Certains analystes prétendent même que ce poème se
rapproche des chants de l’ethnie sérère (Sénégal), dont est issu Senghor. En tout cas,
l’essentiel de sa poésie ne repose pas sur la forme canonique [= conforme à la norme], comme la
poésie française traditionnelle, mais sur les sons, les rythmes, car c’est avant tout dans sa
musique que l’Afrique se retrouve. Senghor dit d’ailleurs qu’il « chante » la beauté de la femme
noire (dernière strophe), il évoque par deux fois le tamtam africain, dans la première strophe,
ainsi que sa « voix de contralto ». Dans un autre poème du même recueil, il demande ainsi un
accompagnement musical de son oeuvre avec des instruments de musique typiquement
sénégalais : « Que m’accompagnent koras et balafons ».
 on retrouve dans les sonorités du poème ce souci de musicalité africaine, faite de rythme
saccadé, parfois syncopé, mais répétitif, comme le tamtam : les strophes n’ont rien de régulier,
néanmoins, les quatre dernières semblent symétriques (3 + 1 // 1 + 3) ; on a un refrain qui
revient sans cesse : « femme nue, femme noire/obscure », lui-même fondé sur une répétition
lexicale (le mot « femme ») et phonique (homophonie de « femme » et du premier son de
« nue » et « noire » ou du [y] de « nue » et « obscure »), et mettant en valeur un rapport
binaire, comme le rythme régulier d’un tamtam ; les vers sont libres, mais on note une
prédominance des vers pairs ; il n’y a pas de rimes régulières à la française, mais des mots qui
se répètent : « haut… haut », « savane… savane », « huile… huile », « aux flancs… aux flancs »,
ta peau… ta peau », et des jeux d’allitérations : en consonnes occlusives (on les appelle aussi
explosives !) qui rappellent les sons du tamtam : [t], [d], [b], cf. première strophe surtout, et
en consonnes liquides [r] et [l] (dans tout le poème), plus sensuelles et paisibles, comme la
femme noire !

Conclusion intermédiaire :
Au-delà de l’hommage révérencieux à la femme noire, c’est à toute l’Afrique que Senghor dédie
son chant. Il la célèbre à sa manière, selon son esthétique, ce qui fait de ce poème un véritable
hymne à la notion de Négritude, qui lui est si chère.

III. La célébration de la Négritude :


a) Un hymne à la couleur noire :
 il faut noter que, si la beauté de la femme africaine est souvent soulignée, elle est toujours
indissociable de la couleur noire, omniprésente : l’adjectif « noire » est repris 5 fois, dans le
titre déjà, puis tout au long du poème. Lui sont associés les adjectifs synonymes : « obscure »
(deux fois), « sombre », le nom « ombre » (deux fois aussi), la métaphore « la nuit de ta
peau », et le jeu de sonorité « noire/moire ». Là où la tradition européenne connote cette
couleur de manière péjorative (le noir est la couleur du mal, de la mort), Senghor la transfigure
au contraire en couleur positive : le noir non seulement est beau, car il met en valeur la lumière,
par contraste : « ta beauté me foudroie (…) comme l’éclair », « les perles sont étoiles sur la
nuit de ta peau », « s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux », il a des notes
subtiles et changeantes : « ta peau qui se moire », qui reflète « l’or », mais en plus il donne la
vie : « ta couleur qui est vie », il protège : « j’ai grandit à ton ombre », « à l’ombre de ta
chevelure, s’éclaire mon angoisse », il promet des voluptés sensuelles : « la nuit de ta peau »,
« sombres extases du vin noir » (on voit ici qu’il accompagne toute la vie d’un homme, de
l’enfance à l’âge adulte).
= chez Senghor, le noir est hautement positif, source d’orgueil pour cette femme qu’il célèbre.
Elle semble d’ailleurs n’avoir de valeur que PARCE QU’elle est noire ! On voit percer ici le
concept de Négritude, inventé par Aimé Césaire et Senghor, entre autres.

b) La Négritude : entre enracinement et humanisme :


 Senghor chante donc la femme de son continent africain, qui représente LA femme, l’Eve A
CAUSE de sa couleur noire. Au-delà, tout est célébration de la culture noire dans ce poème, et
l’Afrique, symbolisée par cette femme noire, est présentée comme l’origine de toute vie (cf.
dernier vers) [rappelons-nous qu’en effet, l’être humain est né en Afrique !]. Ce n’est donc pas
un hasard si l’auteur parle des « racines » de la vie que la femme noire nourrit de ses cendres :
Senghor revendique très fortement ici son enracinement dans la culture noire africaine (choix
d’une esthétique africaine, voire sérère). Il revendique son appartenance à ce continent : « j’ai
grandit à ton ombre ».
 néanmoins, il écrit en français ! Il ne faut pas oublier qu’il a été toute sa vie un fervent
défenseur de la francophonie, s’efforçant de promouvoir l’idée d’une « communauté organique »
francophone, et d’un « commonwealth à la française ». De sorte que ce poème regorge
également de références à la culture française : ses origines chrétiennes avec la Bible et
Moïse qui aperçoit la terre promise du haut d’une montagne (cf. première strophe), ou la
référence au « fruit mûr », qu’Eve a croqué au commencement du monde, au « vin » de la
messe, peut-être aussi, puisqu’il confère « l’extase » mystique ; ses origines gréco-latines, avec
le mythe de Prométhée, que Zeus avait condamné à se faire éternellement dévorer le foie par
un aigle, enchaîné à une falaise (cf. première strophe), ou celui d’Œdipe (le « Midi » de la
première strophe), ou encore le phénix qui renaît de ses cendres (cf. dernière strophe) ; mais
également certains topos littéraires comme celui de la muse qui inspire le poète : « bouche qui
rend lyrique ma bouche », celui du poète qui rend la femme aimée immortelle par son chant :
« forme que je fixe dans l’Eternel » (rappelle Ronsard et son « Quand vous serez bien
vieille… »), ou encore celui du temps tragique qui entraîne la mort : « avant que le destin jaloux
ne te réduise en cendres ».
= Bref, Senghor [qui a fait toutes ses études littéraires en France, et de très brillantes !]
mêle la culture poétique africaine avec la française, parce que, s’il croit en la grandeur de la
Négritude, il croit également en une sensibilité « panhumaine » [le mot est de lui], syncrétique,
qui va au-delà des différences culturelles, comme il le dit dans une autre de ses œuvres,
intitulée très explicitement : Ce que je crois : négritude, francité et civilisation de l'universel .
La dernière image du poème en est un exemple parfait : la femme noire (donc l’Afrique, donc la
notion de Négritude) nourrit les « racines de la vie », c'est-à-dire les fondement même de la
culture noire, à laquelle Senghor se rattache, mais elle le fait en renaissant de ses
« cendres », référence au phénix, donc à la culture française (gréco-latine) : les deux cultures
sont intimement mêlées dans une même image poétique = la poésie est le pont entre elles deux !

CONCLUSION
Ce poème est donc bien plus qu’un simple hommage lyrique à la femme aimée par le poète. C’est
déjà un hommage à toutes les femmes noires ! Puis, par analogie, à toute l’Afrique, continent de
naissance de l’auteur, qu’il célèbre depuis une Europe qui a l’habitude de la dénigrer et l’a
colonisée. C’est enfin et surtout une revendication de la grandeur d’être Noir, une réponse
fière contre le racisme de l’époque, et enfin une proposition d’union des cultures, pour aller au-
delà de tout racisme. Un hymne, un manifeste et une main tendue tout à la fois ! Senghor
parvient en même temps à revendiquer son attachement à ses racines et à exhorter au mélange
des cultures et des pensées. C’est exactement le principe de l’Union Européenne, dont l’idée
est née juste après la parution de Chants d’Ombre, après la deuxième guerre mondiale. Et, de
nos jours, à la demande de plusieurs pays d’Afrique francophone, le Président de la République
française espère pouvoir étendre cette Communauté à ces pays : Senghor, poète ET
précurseur politique !
Lecture analytique

Le Parfum (P. Süskind), incipit (pages 5-6)

Approche du texte

 Lire le texte.
 En dégager le plan :
- Premier paragraphe : introduction au thème du roman : l’histoire de Jean-Baptiste
Grenouille, génie abominable dans le monde restreint des odeurs.
- Deuxième paragraphe : tableau olfactif de la société française au XVIIIe siècle : une
puanteur universelle tant géographiquement que socialement !

Recherche d’une problématique


 Quel est le type de texte ?
 incipit de roman.
 Quel est le propos de ce genre de passage, dans un roman ?
 introduire le roman : qui ? où ? quand ?
 Est-ce que c’est fait, ici ?
 oui, donc on peut dire que c’est un incipit traditionnel.
 Mais n’y a-t-il pas des éléments étonnants, beaucoup moins traditionnels ?
 si ! Le registre du texte, déjà : satirique, comique. Forte critique de la société du XVIIIe
siècle, qui est pourtant considéré d’habitude comme le siècle des Lumières ! Ici, pas de
connotations positives liées à la sagesse, au progrès, à l’ouverture intellectuelle, mais, au
contraire, que des connotations négatives entièrement limitées au domaine des odeurs.  le
contexte du XVIIIe siècle est pris ici à rebours, et, d’ailleurs, le terme « Lumières » faisant
partie du domaine de la vue, cette notion n’a aucun rapport avec le propos du livre, qui se limite
aux odeurs.
 de même, le héros est tout de suite présenté comme un des personnages « les plus géniaux
et les plus abominables » de l’histoire de France !  un héros connoté négativement (d’ailleurs,
il a un nom ridicule), bref, un anti-héros ! Ce n’est peut-être pas nouveau, mais, dans un incipit
qui semblait respecter les canons de la tradition, c’est étonnant. Paradoxal.
 Quelle est donc la visée de ce texte, selon vous ?
 Introduire le roman, de façon conventionnelle, pour permettre la compréhension de l’œuvre,
mais le faire de manière totalement originale, en prenant tous les canons à rebours, comme
pour s’en moquer, dans le but d’accrocher le lecteur par cette originalité et cette effronterie
d’auteur.
 Quelle problématique proposez-vous alors ?
 En quoi cet incipit reflète-t-il déjà la volonté de l’auteur de prendre dans son roman toutes
les conventions romanesques à rebours ?

Introduction
Incipit du roman contemporain allemand Le Parfum, histoire d’un meurtrier, écrit pas P.
Süskind, et publié pour la première fois en 1985, puis en français en 1986. Toute l’histoire est
contenue dans le titre et son sous-titre, puisque Jean-Baptiste Grenouille, le héros, est en
effet un homme exceptionnel, doté d’un odorat surhumain, mais lui-même dépourvu d’odeur. A
la recherche du parfum absolu, parfait, qui le ferait aimer du monde entier et lui donnerait une
identité, il se fait le meurtrier de 27 jeunes filles aux parfums suaves qu’il veut s’approprier.

Tout se passe donc comme si l’auteur, pour entamer son œuvre, avait choisi d’entraîner son
lecteur exactement dans la direction opposée à celle qu’il attendait !
Nous nous demanderons donc en quoi l’on peut dire que cet incipit reflète déjà la volonté de
l’auteur de prendre dans le Parfum toutes les conventions romanesques à rebours.

Etude du texte
I. Un incipit paradoxal
a) Un texte placé sous le signe de l’antithèse
b) Un éloge du héros paradoxal
c) Un incipit qui en dit trop

II. Le rapport à l’Histoire : provocation satirique


a) Une instance narrative qui s’amuse
b) Un jeu avec l’Histoire
c) Une critique qui fait long feu
Lecture analytique
Le Parfum (P. Süskind), « le royaume grenouillesque » (p. 141-
142)

Problématique
En quoi cette évidente parodie de mythe des origines peut éclairer la personnalité profonde de
Grenouille ?
Etude du texte
I. Une scène parodique de mythe des origines
Tout de suite on peut voir dans ce passage de nombreuses ressemblances avec un récit
mythique des origines, comme les récits grecs, par exemple, ou, encore plus, la Genèse judéo-
chrétienne. Mais toujours sous forme parodique, car détournées, ridiculisées :

a) Le « Grand Grenouille » : mi divin, mi ridicule :


Encore une fois, G apparaît comme un personnage paradoxal, ici : à la fois grandiose :
- « le Grand, l’Unique, le Magnifique Grenouille » (emphase de la gradation ternaire et des
majuscules),
- montré tout puissant dans un royaume qu’il a lui-même crée, dont il est l’unique habitant, à la
fois guerrier épique (qui porte un glaive flamboyant) et titan mythique (« il allait à grands pas
puissants », il rappelle aussi bien Prométhée qu’Hercule ou Atlas… ou Jéhovah !
- la triple exclamation du début donne un ton emphatique également, solennel, comme dans un
hymne à la gloire d’une divinité.

 mais à la fois ridicule :


- le suffixe « -esque » du néologisme « grenouillesque » est dépréciatif (comme « grotesque »)
- les majuscules au « Grand, Magnifique » etc. vont et viennent de façon fantaisiste : la
glorification n’a pas de cohérence
- il est à nouveau rabaissé au rang de son animal « totem » dans la formule très ambiguë : « sa
divine semence de Grenouille »,
- il est montré qui « filait » à travers les champs comme un voleur, ou « la narine dilatée »
comme un animal.

b) Mélange burlesque d’épique caricatural et de lyrisme mièvre :


 le style est clairement épique, ici :
- les trois exclamatives en gradation dès le début donnent immédiatement le ton =
grandiloquent, hyperbolique, donc satirique.
- La gradation ternaire « le grand, l’unique, le magnifique Grenouille » joue le même rôle,
d’autant qu’elle est répétée.
- Les longues phrases périodiques, emplies d’antithèses : « tantôt avec largesse, tantôt avec
parcimonie », « qu’il dévastait (…) et reconstituait à nouveau », « immenses plantations /
« petites plates-bandes », etc.
- les nombreuses hyperboles sur l’espace « infini », par exemple, ou sur les « myriades »
d’odeurs et de couleurs.
 Bref, c’est tellement forcé, comme trait, que ç’en devient caricatural.

Et, de manière incongrue, ce registre épique finit par être superposé par un registre lyrique
tout aussi forcé :
- l’emphase de la métaphore du « nuage à l’odeur d’or » sur lequel « trône » le GG, qui mêle des
notions de vue, d’odorat, de puissance et de richesse est typiquement lyrique, par sa richesse
évocatrice… trop riche, même ! Elle en devient lourde.
- les clichés tels que « le doux soleil de son sourire », ou « éclatait la splendeurs de ces
milliards de fleurs » ou encore le topos du Dieu cultivateur « jetant les graines à pleines
poignées »
- on retrouve le mot « parfum » trois fois dans la même phrase : « et les fleurs, mêlant leurs
myriades de parfum, en faisaient un seul parfum, un parfum d’adoration » = le lyrisme devient
lourd, mal maîtrisé, comme s’il s’emballait de lui-même.
 Là encore, les moyens employés sont exagérés et sans originalité. Le style en devient mièvre
et fait sourire.

c) Une parodie du style biblique :


 le « glaive flamboyant » que brandit G contre « tout intrus » ressemble à s’y méprendre au
flammeum gladium que Dieu a donné à ses anges, dans la Genèse, pour qu’ils empêchent Adam et
Eve de rentrer au jardin d’Eden, un fois chassés.
 certaines formules ressemblent énormément à celles de la Genèse : « et quand il voyait que
c’était bien », « et le Grand G voyait que c’était bien, très, très bien »  rappelle : « Et Dieu
vit que cela était bon ». Ou encore : « alors, le Grand G ordonnait à la pluie de cesser. Et elle
cessait »  rappelle : « Et Dieu dit : « que la lumière soit », et la lumière fut ».
 le style accumulatif : « alors, et, et, et » est typique du style de la Bible.
 les majuscules pour Grenouille, le Grand, etc. sont typiques du style biblique pour désigner
Dieu.
 l’allusion aux plantes qui se mettaient « à verdoyer, à pousser » rappelle le « croissez et
multipliez » lancé par Dieu à Adam et Eve dans la Genèse.

La parodie est évidente car le style est hyperbolique et, surtout, le ton dépréciatif :
l’insistance « très, très bien » est ridicule, par exemple. Tout comme la formule triviale et
populaire « que cela vous réjouissait le cœur » quand il est fait allusion à la Création qui pousse
et verdoie.

d) Une parodie du Dieu de la Genèse :


 C’est également en soufflant sur Adam et Eve, faits de glaise, que Dieu leur a donné la vie,
dans la Genèse. C’est le topos du souffle divin qui donne la vie.
 le Dieu de la Genèse a également créé un jardin magnifique, le fameux jardin d’Eden.

 Mais c’est un Dieu de pacotille qu’on a là ! Il crée un jardin, mais il est rabaissé alors au rôle
de vulgaire « jardinier », qualifié d’ »impétueux » avec ça ! Une image incongrue qui donne
l’impression d’un jeune enfant qui ne sait pas contrôler ses impulsions, alors qu’il devrait
contrôler le monde !
 D’ailleurs, plus haut, on nous le présente comme un gamin capricieux, qui joue littéralement
avec son monde : « qu’il dévastait quand il lui plaisait et reconstituait à nouveau ».
 De même, l’image d’un GG qui brandit un glaive flamboyant… alors qu’il est tout seul, l’unique
habitant de ce royaume est ridicule ! (Se battrait-il contre des moulins, lui aussi ??). Ou
encore, l’image de G qui « allait à grands pas puissants par les campagnes en jachère » fait
penser aux ogres des contes, chaussés de bottes de sept lieues ! Bref, un Dieu grotesque.
 un Dieu sans étincelle divine, également, puisque son « souffle » ne donne pas la vie, ici, il se
contente de faire du vent pour transporter les parfums des fleurs !

II. Mais qui donne la clé de l’inconscient du héros


a) Une scène unique : pause dramatique, poétique et psychologique :
 dans l’économie du roman, cette scène est une pause dramatique : le personnage s’est arrêté
dans son voyage, physiquement, durant sept ans. Pause dans l’espace, mais aussi dans le temps,
puisqu’on nous dit que, pendant ce temps, la guerre de sept ans a fait rage, mais que G ne s’en
est même pas aperçu. On peut même dire qu’il s’est arrêter d’exister au monde, puisqu’il ne
mange ni ne boit presque plus, ne sort plus de sa caverne que pour le stricte nécessaire. Il est
retourné à un état subconscient, sub-existant (la caverne est bien sûre symbolique ici du
ventre de la mère). Il s’est enfermé dans un univers minéral, dénué de toute végétation, donc
de vie, à part « des mousses grises et des buissons gris » (p. 133), peu représentatifs du vivant
à cause de leur couleur grise, justement.
 de la même manière, on peut dire que cette scène est une pause poétique, car son style, son
ton sont très différents du reste du roman, comme si l’auteur avait voulu précisément la
mettre en valeur, en relief : l’atmosphère macabre et sordide du début n’existe plus ici, où
tout est beau, agréable à l’œil comme à la narine. Même l’écriture se fait plus lyrique, grâce
aux métaphores, aux gradations ternaires et autres figures de style. Nous ne sommes plus
dans un univers puant où chacun n’est préoccupé que de son propre profit ou bien-être, mais
dans un univers de beauté et de générosité.
 c’est qu’en fait, nous ne sommes plus du tout dans l’univers réel, justement, dans la réalité
matérielle du XVIIIe siècle en France, mais dans l’univers imaginaire de G. Comme dans la
caverne de Platon, celle-ci représente le monde réel, physique, mais n’est que le pâle reflet du
vrai monde, celui des idées. Ici, le vrai monde de G, le plus beau, le plus pur, c’est celui qu’il
s’invente, à l’intérieur de cette caverne. Clin d’œil philosophique de l’auteur ? Nous sommes ici à
l’intérieur de l’inconscient de G. comme le suggère sa position dans un monde clos, noir et
minéral.

b) Une entrée directe dans l’inconscient du héros :


 plusieurs indices nous le prouvent :
- nous sommes dans un monde clos, mais immensément vaste, dont chaque recoin est imprégné
de la présence de G. (le montrer) = l’espace-temps n’a plus d’existence concrète, il est aboli :
les distances s’abolissent (grand/petit ; proche/lointain  le montrer) ; le temps ne suit plus
un cours normal (les fleurs poussent et éclosent en même temps  le montrer). La seule
constante, dans ce monde, c’est l’omniprésence de G. = nous sommes dans « son royaume », son
Moi.

c) Un paradis sans femmes :


 d’ailleurs, c’est un monde sans femme. Pour un paradis, une réplique du jardin d’Eden, c’est
étonnant ! Eve n’est pas là ! Elle est remplacée par les fleurs  cf. le registre très érotique
pour en parler : elles sont « caressées » par l’haleine de G. ; il sème des « graines », il porte
« un glaive flamboyant », le pays tout entier est imprégné de « sa divine semence de
Grenouille », le pays est « luxuriant » (double jeu sur « luxure ») = nous sommes bien dans
l’inconscient de G. qui, on le sait depuis le meurtre de la jeune fille rousse du Marais, n’a aucune
pulsion sexuelle, mais les a remplacées par des pulsions olfactives, si on peut dire. Nous
sommes ici dans les fantasmes les plus intimes de G. !

d) Le monde de Grenouille, génie sans être abominable :


 ce qui est intéressant alors de noter, puisqu’ici notre héros nous est révélé tel qu’il EST
vraiment, sans artifice, sans masque imposé par la société, c’est qu’il est toujours le « génie »
du début (il crée, il gouverne), mais il n’est pas du tout « abominable » ! Il ne tue pas, ici, il ne
vole pas leur arôme aux fleurs qu’il invente, il se contente de les respirer (citer) ! D’habitude,
lorsque G. s’occupe de fleurs, c’est pour les presser, les faire macérer, en extraire l’essence
précieuse, en les réduisant à l’état de cadavres. Ce qu’il fait également avec les jeunes filles,
puisque, pour lui, elles sont équivalentes : ce ne sont que des vecteurs de parfums, dont on peut
s’approprier « l’âme odorante » (p.110). Ici, au contraire, il crée, et il jouie de cette création
sans la détruire.

CONCLUSION
Peut-on alors voir dans cet extrait une certaine critique de l’influence néfaste de la société
sur les êtres qui ne lui appartiennent pas spontanément ? G. serait un « génie » par nature,
comme on le voit dans cette intrusion dans son inconscient, mais « abominable » car poussé par
une société qu’il ne comprend pas (il n’a pas conscience de commettre des meurtres, quand il
tue les jeunes filles) et qui le rejette ? Sa méchanceté serait alors un mécanisme de défense
contre les hommes trop cruels ? On pourrait le penser, quand on voit, par la suite, combien il
les déteste et combien leur commerce le dégoûte. Au point de vouloir se suicider. Mais rien
n’est moins sûr : l’auteur joue trop bien de la parodie, du paradoxe, dans cette scène comme
dans tout le roman, pour qu’on puisse l’assurer. Ici, il va jusqu’à déifier son héros… tout en le
ridiculisant en même temps ! Il nous le montre tel qu’il SE voit lui-même (un dieu tout puissant,
uniquement préoccupé de créer et gouverner), et tel que le narrateur le voit, lui (un être sub-
animal ridicule et inadapté). Comment devons-nous, nous lecteurs, le voir, alors ? Qui est dans
le vrai ? Impossible à dire ! Même après avoir percé les secrets de son inconscient, G. reste
une énigme… Bel exploit pour son auteur !
Lecture analytique
Le Parfum (P. Süskind), « la transe des notables » (p. 261-262)

Problématique
En quoi cette scène rejoint-elle la grande thématique du XVIIIe siècle : la critique de la
religion ?

Plan de l’étude du texte


I. Une scène burlesque
a) Le narrateur : un regard faussement naïf, à la Candide
b) Des personnages déshumanisés (des automates)
c) Une sexualité incontrôlée et grotesque

II. Une satire de la religion


a) Une parodie du style hymnique
b) L’évêque (représentant du clergé) : ridicule et masochiste !
c) Grenouille : sacrilège mi-ange/mi-démon

ELEMENTS DE CONCLUSION
Dans cette scène presque à la fin du roman, le texte de Süskind rejoint enfin l’une des grandes
thématiques des auteurs du siècle des Lumières : la critique de la religion. Il s’amuse en effet
à désacraliser le clergé, à blasphémer la foi chrétienne et à en dénoncer l’hypocrisie et le vide
spirituel. On croirait presque entendre Diderot ou Voltaire !...

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