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Cours de droits de

l’Homme

Introduction

 La conception des droits de l’Homme ‫تصور أو مقاربات حقوق اإلنسان‬:

La conception des droits de l’Homme signifie la vision ‫ الرؤيا‬ou, pour


simplifier, le point de vue‫وجهة النظر‬ à partir duquel vont être envisagés les droits
de l’Homme. Il existe en effet plusieurs conceptions qui se sont attachées à
l’Homme et à ses droits et pas qu’une seule. Toutes ces conceptions s’accordent
pour considérer que l’Homme en tant que tel doit être titulaire de droits
(subjectifs) uniquement parce qu’il est un être humain, indépendamment de tout
autre élément. Toutes ces conceptions ont donc établi des droits propres à
l’Homme, en raison de sa nature humaine, des droits qui lui sont spécifiques et qui
le distinguent de tous les autres êtres vivants, parce que dans toutes ces
conceptions l’être humain en tant que tel est titulaire de droits.

Ces conceptions diffèrent cependant sur l’idée de l’Homme et de ses droits


quant à leur objet ou contenu (c’est-à-dire quels droits doivent être considérés
comme des droits humains naturellement liés à sa nature humaine). L’idée de
l’Homme et de ses droits a été différemment perçue donc à travers l’évolution des
cultures et des civilisations. Il y a eu diverses approches et visions des droits de
l’Homme depuis l’antiquité jusqu’à ce jour. Ainsi, la conception de ces droits dans
l’antiquité grecque ou romaine n’est pas la même que celle dans les sociétés
asiatiques ou arabo-musulmanes.

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La conception des droits de l’Homme qui sera adoptée dans ce cours est la
conception onusienne, c’est-à-dire celle qui procède de l’ONU (l’Organisation des
Nations Unies) et qui fut consacrée dans la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme adoptée le 10 décembre 1948. Le choix de cette conception trouve sa
justification dans deux raisons principales :

 La conception onusienne est la conception dominante aujourd’hui sur le


plan international. C’est la conception qui s’est imposée au lendemain de
la deuxième guerre mondiale et c’est de cette conception que procèdent
presque toutes les conventions internationales en vigueur relatives aux
droits de l’Homme.

 La conception onusienne est aujourd’hui présentée et considérée par ses


auteurs et par la majorité de la doctrine comme la conception la plus
fédératrice, celle qui présente une vision permettant la coexistence
pacifique la plus générale, celle qui permet à tous de vivre tout en se
respectant les uns les autres et qui, de ce fait, constitue la meilleure
conception dont l’Homme dispose aujourd’hui, la conception la plus
avancée et la plus évoluée jamais atteinte à ce jour, celle qui protège et
qui réalise le plus l’humanité de l’être humain. C’est pour cela qu’elle
doit être et qu’elle est universelle, c’est-à-dire qu’elle doit constituer
« l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations »
(dernier paragraphe du préambule de la DUDH).

La conception onusienne des droits de l’Homme est marquée ainsi par deux
caractéristiques qui l’opposent notamment à la conception particulariste ou
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spécifique des droits de l’Homme : il s’agit de l’universalité et de
l’interdépendance.

Le caractère universel des droits de l’Homme signifie que les droits figurant
dans la déclaration universelle ainsi que dans les différentes conventions qui en
sont l’application (la DUDH étant la source matérielle fondamentale de toutes les
conventions internationales relatives aux droits de l’Homme) doivent être
généralisés à tous les peuples et toutes les nations, ils doivent bénéficier à tous
sans exception, quelles que soit leur culture ou leurs traditions (contrairement à la
conception spécifique des droits de l’Homme qui considère que ces droits doivent
épouser la spécificité culturelle des peuples et des sociétés auxquels ils
s’appliquent et les respecter). Dans la conception onusienne, les spécificités
culturelles ne doivent pas être opposées pour empêcher l’adoption et l’application
de ces droits.

Les droits de l’Homme sont aussi des droits interdépendants en ce sens qu’il
n’est pas possible d’en adopter seulement une partie et d’en rejeter une autre. Ce
sont des droits qui sont liés les uns aux autres, ils sont indivisibles, ils doivent être
adoptés dans leur globalité, sans distinction car ils sont interdépendants,
c’est-à-dire que l’existence de chacun de ces droits dépend de l’existence des
autres, ils doivent donc être adoptées comme un package, dans leur totalité.

 Définition des droits de l’Homme :

 Définition de l’Homme :

L’Homme dont il est question dans la matière des droits de l’Homme

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s’entend de tout être humain, tout individu humain né vivant est titulaire des
droits prévus dans cette matière sans nulle autre condition. Aucune importance
n’est donc accordée à son âge ou sexe ou langue ou nationalité ou religion ou état
civil ou psychique ou son état de santé ou sa situation économique ou sociale ou
ses opinions politiques ou religieuses ou personnelles ou ses convictions morales
ou mœurs privées. Il s’en suit que tout individu qualifié d’être humain est titulaire
de ces droits même s’il s’agit d’un délinquant ou d’un hors la loi et quelle que soit
la gravité des actes criminels qu’il a pu commettre. Il peut s’agir du plus horrible
des criminels, et quelle que soit l’inhumanité qu’il a su montrer dans les crimes
qu’il a perpétré, il doit cependant bénéficier de ses droits en sa qualité d’être
humain. Les détenus et les prisonniers bénéficient par conséquent de ces droits
comme tout être humain.

Cette définition de l’Homme, désigné par la matière des droits de l’Homme,


trouve sont fondement juridique dans l’article 2 de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme de 1948 qui prévoit que « Chacun peut se prévaloir de tous les
droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans
distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion,
d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de
fortune, de naissance ou de toute autre situation.

De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique,


juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est
ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non
autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté ».

De même et conformément à l’ article 2 du Pacte international relatif aux droits

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civils et politiques et à l’article 2 alinéa 2 du pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, adoptés tous les deux le 16 décembre 1966,
tous les individus se trouvant sur le territoire des Etats signataires des deux pactes
doivent bénéficier des droits humains qui y figurent sans distinction aucune. Ce
qui rejoint la définition de l’Homme telle que prévue par la DUDH (Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme).

 Définition des droits de l’Homme :

C’est « l’ensemble des droits qui conditionnent à la fois la liberté de


l’Homme, sa dignité et l’épanouissement de sa personnalité ». C’est l’ensemble
des droits qui permettent de préserver la dignité de l’Homme et lui permette de
se réaliser et de vivre sa personne, de s’accomplir. Ce sont donc des droits
nécessaires pour que tout être humain puisse bénéficier du principal droit lié à sa
qualité d’être humain à savoir le droit à la dignité ‫الحق في الكرامة‬. C’est par respect
à cette dignité que l’Homme a besoin de sa liberté comme l’un des principaux
droits humains.

Ceci dit, les droits de l’Homme ne sont pas tous des libertés. Les droits de
l’Homme doivent en effet être distingués d’une notion très proche mais qui n’en
constitue qu’une partie et qui consiste en les « libertés publiques ». Les libertés
publiques peuvent en effet être définies comme « des pouvoirs
d’autodétermination, reconnus et organisés par l’Etat, par lesquels l’Homme,
…choisit lui-même son comportement ». Le Professeur Jean Morange les présente
comme étant des libertés qui « supposent que l’Etat reconnaisse aux individus le
droit d’exercer, à l’abri des pressions extérieures, un certain nombre d’activités
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déterminées. Elles sont donc des libertés car elles permettent d’agir sans
contrainte, et des libertés publiques car c’est aux organes de l’Etat, titulaire de la
souveraineté juridique, qu’il revient de réaliser de telles conditions ».

Les libertés publiques font ainsi partie des droits accordés à l’être humain
au milieu d’autres droits qui ne sont pas forcément des libertés. Les libertés
publiques sont diverses. Elles peuvent être économiques (liberté du commerce et
de l’industrie par exemple), individuelles (liberté de conscience, de pensée,
d’expression ou de circulation) ou collectives (liberté d’association, de réunion ou
de manifestation…).

Cependant, en plus des libertés publiques, l’Homme dispose d’autres droits


qui ne sont pas qualifiés de libertés mais qui sont tout aussi importants pour
préserver sa dignité humaine. Il s’agit des droits créances. Ce sont des droits qui
lui permettent d’exiger de la société la satisfaction de besoins vitaux tels que le
droit au travail, à la sécurité sociale, à la santé, à la culture ou à l’instruction…etc.
Dans ces derniers cas par exemple, nous sommes face à des droits qui font partie
des droits de l’Homme sans qu’il ne s’agisse de libertés ; « leur reconnaissance par
le droit positif donne à l’Homme un pouvoir d’exiger une créance, mais ne fonde
pas une liberté publique ». C’est pourquoi, cette deuxième catégorie de droits est
qualifiée de « droits-créances », c’est-à-dire des droits qui appellent une
intervention positive de la part de l’Etat pour préparer les moyens et les
infrastructures nécessaires à la réalisation de ses droits et à leur exercice (tels que
les établissements scolaires ou universitaires ou hospitaliers). De plus, et outre les
droits-créances, l’Homme dispose d’autres droits qui ne sont pas considérés
comme des libertés, tels que le droit à l’égalité, le droit à un procès équitable, le

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droit au bénéfice de la présomption d’innocence…etc.

 Caractéristiques des droits de l’Homme :

Certains éléments permettent de distinguer les droits de l’Homme de tous


les autres droits subjectifs que l’on retrouve en droit positif, ils permettent donc
de les caractériser. En effet, en plus de leur conception et de leur objet, les droits
de l’Homme sa caractérisent par trois signes distinctifs :

 Ce sont des droits extrapatrimoniaux, ils ne peuvent être évalués en


argent et ne peuvent donc faire partie du patrimoine financier d’une
personne.

 Ce sont des droits inaliénables. Ils ne peuvent être vendus ou échangés


ou prêtés ou faire l’objet d’une transaction ou d’un don.

 Ce sont des droits imprescriptibles. Ils n’expirent pas au bout d’un certain
temps, ils sont liés naturellement à tout être humain depuis sa naissance
jusqu’à sa mort même s’il n’en fait aucun usage.

 Histoire des droits de l’Homme :

Tels qu’ils sont reconnus aujourd’hui, les droits de l’Homme sont apparus
suite à une lente maturation de la pensée politique et philosophique occidentale.
Leur proclamation solennelle débute en Europe aux 17éme et 18éme siècles. Leurs
véritables origines remontent cependant plus loin dans le temps pour se retrouver
notamment dans les théories du Droit naturel. Plus précisément, les origines
théoriques et idéologiques des droits de l’Homme se retrouvent dans certaines

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théories du Droit naturel qui ont cherché à faire montrer la notion
de dignité comme inhérente à la personne humaine, permettant ainsi de
considérer que l’être humain est, à lui seul, en tant qu’individu et
indépendamment du groupement social ou de la collectivité à laquelle il
appartient, titulaire de droits.

L’apport de Saint Thomas d’Aquin est à cet égard non négligeable puisqu’il a
révolutionné en quelque sorte la pensée chrétienne au 13è siècle pour prôner la
nécessité du recours à la raison humaine et enclencher l’air du début de la
rationalisation de la vie humaine.

L’évolution historique des droits humains sera par la suite accélérée grâce à
l’apport des penseurs et philosophes des 16è, 17è et 18è siècle. Cette évolution
sera examinée d’un double point de vue :- juridique textuel d’une part

 Philosophique et conceptuel de l’autre

 L’évolution juridique et textuelle :

Nombre d’analystes et d’historiens soutiennent aujourd’hui que l’un des


premiers textes à avoir consacré les droits humains dans leur signification
contemporaine fût non pas la Magna Carta ou la Grande Charte de 1215 en
Angleterre mais fût plutôt La Charte des Libertés ou Charte de couronnement
signée par le roi Henry 1er ou Henry Beauclerc, arrivé au pouvoir en l’an 1100. La
Charte des libertés obligeait le roi à respecter certaines règles concernant le
traitement des nobles et des chefs religieux en faisant allusion au traitement qui
était réservé aux barons et dignitaires de l’église anglaise par son prédécesseur,

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son frère Guillaume le Roux, lequel abusait de sa puissance royale notamment en
imposant excessivement les barons et en disposant des biens, revenus et sièges
épiscopaux.

Ce document est considéré comme une étape importante dans l’histoire des
libertés en Angleterre dans la mesure où il fut généralement ignoré par les
monarques anglais jusqu’en 1213, lorsque l’archevêque Étienne Langton en rappela
l’existence aux nobles. La charte des libertés, où leurs libertés avaient été garanties
plus d’un siècle auparavant, constitue, à ce titre, un document précurseur de
la Magna Carta.

La Magna Carta ou la Grande Charte, signée en 1215 par Jean sans Terre, a
été elle aussi l’un des tous premiers textes à avoir reconnus des droits et des
libertés individuelles. Rédigé par des barons anglais en révolte contre le roi, ce
texte énumère les privilèges accordés par le roi à plusieurs composantes de la
société anglaise. Il a néanmoins prévu des garanties concernant la liberté
individuelle des sujets : « Aucun Homme libre ne sera arrêté ou emprisonné ou
dépouillé ou mis hors la loi ou exilé et il ne lui sera fait aucun dommage, si ce n’est
en vertu du jugement légal de ses pairs ou en vertu de la loi du pays ». La Magna
Carta énumère ainsi les privilèges accordés à l’église d’Angleterre, aux dignitaires
du royaume ou aux marchands tels que le consentement à l’impôt, le droit de
propriété, la liberté de circulation, les garanties du procès pénal telles que la
nécessité de la proportionnalité de la peine ou l’impartialité du jury…

On dénombre également en Angleterre la pétition des droits Petition of


Rights (1628), qui garantissait certaines libertés telles que : l’interdiction des
arrestations abusives et des exécutions arbitraires, le droit de se défendre dans
une procédure régulière, l’interdiction des tribunaux d’exception…De même, le
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Habeas Corpus qui est une loi votée par le Parlement anglais en 1679 en vertu de
laquelle toute personne arrêtée doit être présentée dans les trois jours devant un
juge qui peut décider de sa libération. Cette loi visait ainsi à protéger contre les
arrestations arbitraires et à garantir le respect des droits de l’inculpé. Enfin, le Bill
of Rights de 1689 intervient à l’issue de la révolution anglaise de 1688 pour
consacrer certains droits tels que la liberté des élections ou l’interdiction d’infliger
des peines cruelles ou des amendes excessives.

Au 18éme siècle, ce sont les déclarations américaine et française des droits


de l’Homme qui sont les plus connues. Ce fut tout d’abord la Virginie qui adopta le
12 juin 1776 la Déclaration des droits de l’Etat de Virginie. D’autres Etats
américains adopteront des déclarations de droits tels que le Massachusetts en
1780 ou le New Hampshire en 1783. La déclaration de la Virginie demeure
cependant la plus importante car elle servira de référence pour rédiger la
déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776 puis les 10 premiers amendements
de la constitution américaine du 17 septembre 1787. Ce sont ces amendements
qui permettront de consacrer un certain nombre de droits de l’Homme et de
libertés publiques dans la constitution des Etats-Unis tels que le libre exercice de
la religion, la liberté d’expression et de presse, le droit de s’assembler
paisiblement, le droit du peuple de détenir et de porter des armes, la sûreté de la
personne et du domicile, le droit à un procès équitable en matière pénale…Ceci
dit, la prohibition (c’est-à-dire l’interdiction) de l’esclavage ne sera proclamées
qu’en 1865 (lors du 13éme amendement), l’égalité devant la loi ne sera reconnue
qu’en 1868 (14éme amendement) et les limites concernant le droit de vote fondées
sur la race ne seront interdites qu’en 1870 (15éme amendement).

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Quant à la France, les droits de l’Homme ont fait l’objet de plusieurs
déclarations et ont été consacrés dans plusieurs constitutions. De tous ces
documents, le texte le plus important est incontestablement La Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Le premier des droits de
l’Homme et du Citoyen consacrés par cette déclaration est la liberté (article 2). La
déclaration elle-même définit la liberté qui, selon elle, « consiste à pouvoir
faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » et dont les limites « ne peuvent être
déterminées que par la loi » (article 4).

La déclaration garantit également la liberté d’opinion (article 10) et


d’expression (article 11) ainsi que la sûreté, c’est-à-dire le droit de ne pas être
emprisonné arbitrairement (article 7), la présomption d’innocence (article 9) et le
principe de la légalité des délits et des peines (article 8). De même le droit à la
propriété a été consacré par l’article 17 de la déclaration qui le considère comme
un « droit inviolable et sacré ». Par la suite, la liberté du commerce et de
l’industrie sera consacrée par la Déclaration du 24 juin 1793.

Aujourd’hui, tous les Etats européens et nord américains ainsi que la plupart
des Etats du monde consacrent plusieurs de ces droits, soit dans un chapitre
spécifique, soit de manière éparpillée dans toute la constitution.

Ainsi, et à travers ce bref aperçu historique, il ressort que les premiers droits
de l’Homme consacrés à travers le monde dans un texte positif ont été les droits
libéraux basés sur une conception individualiste des droits de l’Homme, dans
laquelle la liberté sous toutes ses formes, a constitué une revendication
essentielle. Aujourd’hui les droits de l’Homme ne cessent d’évoluer vers une
conception de plus en plus hétérogène.

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B -L’évolution conceptuelle des droits de l’Homme

Les divers documents constitutionnels puis internationaux dans lesquels ont


été affirmés les droits de l’Homme, traduisent, dans le temps, l’évolution de la
conception des droits, reconnus en tant que droits de l’Homme. Cette évolution se
trouve dans tous les cas marquée par les changements qui affectent les sociétés
contemporaines et qui ne sont eux-mêmes que la traduction au plan politique des
diverses cultures et divers courants idéologiques qui s’imposent à des moments
divers de l’histoire de ces sociétés. Trois étapes se dégagent de l’évolution des
droits de l’Homme. Ces étapes coïncident avec l’évolution de la conception de
l’Homme lui-même qui s’est vu accorder des droits en fonction des besoins
nouveaux qu’il avait:

 Jusqu’au début du 20éme siècle, les conceptions libérales issues de 1789


se consolident en France et s’étendent à plusieurs pays. Elles marquent la
première génération des droits de l’Homme à savoir les droits de l’Homme civils
et politiques, construits autour de l’individualisme libéral et de la réalisation du
bonheur privé. Dans cette conception, l’Etat doit garantir la sécurité des individus
sans empiéter sur leurs libertés. Ces individus doivent en effet avoir la faculté
d’organiser leur vie comme ils le veulent, de poursuivre leur bonheur privé à l’abri
des ingérences du pouvoir, même s’il est démocratique. Le rôle des pouvoirs
publics se limite donc à protéger l’exercice de ces droits sans aucune restriction
sauf pour des considérations d’intérêt général.
C’est cette conception libérale que l’on retrouve dans les
déclarations des droits américains (principalement celle du 4 juillet 1776) et
françaises (surtout celle du 26 août 1789). C’est également cette conception des
droits de l’Homme qui se trouve consacrée au plan international dans le Pacte
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international des droits civils et politiques, ‫العهد ال ّدولي للحقوق المدنيّة و السّياسيّة‬adopté
le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976.

Font partie de cette catégorie de droits : la sûreté, la liberté d’aller


et de venir, la liberté de conscience, de religion et de culte, la liberté d’expression,
la liberté d’association, la liberté de réunion, l’égalité devant la loi et les charges
publiques, la propriété et les garanties pénales essentielles. L’ensemble de ces
droits se caractérise avant tout par la nature et la qualité de leurs titulaires : tout
Homme en dispose dès sa naissance et a normalement le droit d’en jouir, sous des
conditions et dans des limites elles-mêmes bien définies. Seul l’individu est
concerné même si certaines libertés s’exercent en commun (telle que la liberté de
réunion ou d’association).

Notons également que la plupart des droits de la première génération


consistent en des libertés. Face à ces droits, le rôle de l’Etat se limite à garantir ces
libertés et à les protéger sans pouvoir les restreindre ou leur porter atteinte, sauf
dans les cas exceptionnels que le législateur aura défini.

 Un important changement va avoir lieu au début du 20éme siècle,


notamment après la première guerre mondiale, et qui va donner lieu à un
nouveau genre, une nouvelle catégorie de droits de l’Homme, située à l’opposé de
la conception libérale des droits de l’Homme. Ces droits trouvent leur origine
conceptuelle dans l’idéologie marxiste qui a réussi à s’imposer dans plusieurs pays
d’Europe depuis la fin de la première guerre mondiale.
Dans l’idéologie marxiste en effet, l’existence d’une nature de
l’Homme, abstraite et métaphysique est impossible, car elle échappe à toute
constatation scientifique. Se trouve ainsi contesté le premier fondement de la

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conception libérale des droits de l’Homme, à savoir leur aspect naturel et abstrait,
c’est-à-dire d’être des droits liés à la nature humaine.

De plus, la conception marxiste, étant basée sur le


matérialisme historique, elle considère que l’Homme et la société sont, à chaque
moment, le reflet et le produit de l’histoire. Dans ce cadre, l’existence de droits
permanents, donnés une fois pour toutes, et soustraits au mouvement de
l’histoire (‫( حقوق منفصلة عن تط ّور التاريخ‬, est inacceptable. Les droits de l’Homme au
sens libéral ne sont que le reflet des infrastructures économiques, l’expression du
pouvoir de la classe dirigeante qui les utilise comme moyen pour imposer sa
domination aux classes exploitées. Se trouve ainsi contesté le caractère universel
des droits de l’Homme tels que conçus aux 18éme et 19éme siècles.

Les droits de l’Homme dans l’idéologie marxiste vont ainsi


avoir une autre conception, basée sur « les droits-créance ». Ces droits ne
concernent plus l’individu isolé mais l’individu en groupe ; ils ne visent plus un
Homme abstrait mais des Hommes concrets (ouvriers, femmes, malades …) ; ils ne
s’adressent plus à une nature humaine éternelle mais s’adressent à des personne
concrètes en tenant compte des besoins d’individus situés en fonction d’un
contexte social déterminé. De là sont nés les droits économiques et sociaux qui
vont constituer les droits de la 2éme génération. Ces droits supposent une
intervention active de la part de l’Etat pour être mis en œuvre. Leur réalisation
repose en effet avant tout sur la réalisation de moyens matériels et la mise en
place de services publics (écoles, hôpitaux, établissements de sécurité sociale…).
Les plus connus de ces droits sont le droit au travail, le droit à la protection
sociale, le droit à l’instruction et à la culture, le droit de grève, les droits de la

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famille …Ces droits se trouvent consacrées dans le Pacte international des droits
économiques, sociaux et culturels ‫العهد ال ّدولي للحقوق االقتصاديّة و االجتماعيّة و الثقافيّة‬
adopté le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976.

 Le mouvement d’internationalisation des droits de l’Homme et la


volonté de prendre en compte les nouvelles aspirations sociales et politiques des
peuples, notamment après la fin de la 2éme guerre mondiale, ont permis de
consacrer des droits de l’Homme d’un type différent des deux précédents. En
effet, l’expérience des deux guerres mondiales ont fait naître chez plusieurs
populations l’aspiration vers un nouveau genre de droits ; un genre qui prend en
considération l’Homme dans son universalité, c’est-à-dire en tant que citoyen du
monde.
Dans cette conception, il n’est plus possible de raisonner en terme de pluralité
d’Etats ou d’intérêts, dans la mesure où plusieurs des dangers auxquels l’Homme
fait face aujourd’hui ne sont plus liés à un Etat en particulier ou à un peuple de
manière spécifique ; ils concernent tous les peuples du monde et mettent en
danger non plus seulement leurs intérêts économiques ou politiques ou
stratégiques mais constituent un danger pour leur survie même. A partir de là, de
nouveaux droits sont nés. Ils visent à préserver l’espèce humaine des menaces
que font peser les guerres et les atteintes provenant de l’évolution technologique
sur l’équilibre environnemental et sur le patrimoine naturel et culturel de
l’Homme. C’est suite à ces craintes que sont nés les droits de la 3éme génération
appelés également droits de la solidarité. Ces droits se préoccupent,
indépendamment de la condition individuelle et socio-économique de l’Homme,
de la solidarité entre les Hommes qu’impose la sauvegarde de l’espèce humaine.
C’est dans cette perspective que s’inscrivent les quatre piliers fondamentaux des

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droits de la troisième génération : 1- le droit à la paix,
 le droit au développement,
 le droit à un environnement sain et équilibré
 le droit au patrimoine commun de l’humanité.
L’émergence de ces nouveaux droits est en liaison étroite avec l’activité de
certaines organisations internationales dont notamment l’ONU et l’UNESCO.

De ce qui précède, il est clair que le concept de droits de l’Homme est un


concept ouvert à plusieurs catégories de droits qui ne répondent pas aux mêmes
besoins mais qui permettent ensemble de préserver l’être humain dans sa dignité
et dans sa spécificité. Ces droits sont le fruit d’une évolution historique et
conceptuelle multiséculaire qui répondait à chaque besoin nouveau de l’Homme
par la consécration des droits nécessaires à la réalisation de ces besoins.

Introduction préliminaire à l’étude des droits de

l’Homme

La matière des droits de l’Homme est l’une de ces matières dont on entend
parler tous les jours, notamment dans les pays où il y a une liberté d’expression, mais
dont le commun des gens et les simples citoyens connaissent peu ou pas assez. C’est
une matière qui nécessite, pour sa compréhension, une bonne connaissance du Droit
en général et du droit constitutionnel ainsi que du Droit international public en
particulier.

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Le présent cours se propose de présenter sommairement la matière, sans trop
entrer dans les détails. A cet effet, une introduction préliminaire est nécessaire. Elle
permettra de comprendre quelques notions de base en Droit, notions nécessaires pour
la compréhension de la matière.
Le Droit :
Le droit est une discipline indépendante ‫مادة مستقلة بذاتها‬. Certains diront que
c’est une discipline scientifique ‫مادة علمية‬. D’autres considèrent que c’est une
discipline simplement technique, qui concerne les techniques et les modalités
d’organisation de la vie en société. Ce qui est commun à ces deux conceptions du
Droit, et à d’autres, c’est que c’est une discipline fortement liée à la vie en société,
c’est-à-dire la vie des gens, des individus dans un groupe social déterminé.
Dans la langue juridique française (c’est-à-dire la langue du Droit en
français), le terme « Droit » a au moins deux significations (il a d’autres définitions
quand on l’envisage d’autres points de vues, non juridiques) : soit qu’il désigne le
Droit objectif ‫القانون‬, soit qu’il désigne les droits subjectifs ‫الحقوق‬.

 Le droit objectif

Le droit objectif peut être défini de deux manières au moins, et toutes les
deux sont différentes: soit qu’il est envisagé en tant que science qui a pour objet
l’étude des règles d’organisation de la vie en société, soit en tant que technique,
un moyen ou une manière d’organiser la vie en société (technique, moyen,
manière sont pris ici pour des synonymes même si leurs significations ne sont pas
exactement les mêmes). On va envisager tout d’abord sa définition en tant que
technique avant de voir sa définition en tant que science.

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1. Le Droit en tant que technique :

Défini en tant que technique d’organisation de la vie en société, le Droit


objectif est un ensemble de règles juridiques établies pour régir la vie des
personnes à l’intérieur d’un Etat. Il est important de prime abord de s’arrêter ici
sur ce qui compose le Droit objectif à savoir : les règle juridiques. En effet, parler
du Droit en tant que technique c’est parler d’un ensemble de règles juridiques : Le
Droit est un ensemble de règles juridiques. Pour comprendre le Droit (dans son
sens technique) il faut donc comprendre ce qu’est une règle juridique ‫القاعدة‬
‫القانونية‬.

 La règle juridique :
La règle juridique est une règle de conduite humaine (‫ )قاعدة سلوكية‬, c’est-à-dire une
règle qui impose un comportement déterminé aux être humains, ou bien leur
interdit une conduite déterminée, ou alors leur donne le choix de suivre un
comportement déterminé. Elle peut être définie juridiquement comme une
prescription (dans le sens de commandement), généralement (mais pas toujours)
sanctionnée par le Droit, qui indique ce qui doit être fait, ou ce qu’il est interdit de
faire ou ce qu’il est permis de faire. Elle prescrit par conséquent les droits subjectifs
‫ الحقوق‬et les obligations ‫االلتزامات‬, que ces obligations soient un ordre ou une
interdiction de faire quelque chose.

La règle juridique est générale, permanente et obligatoire. Ce sont là ses


caractéristiques même si elle les partage avec d’autres règles de conduite

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humaine telles que les règles morales et religieuses et en diffère par son caractère
juridique.

Il faut dire en effet que toute règle est par définition une prescription générale,
permanente et obligatoire, sinon, elle ne serait pas une règle. Toute règle est par
définition générale car toute règle (morale, religieuse ou autre) s’adresse aux
individus en général sans les nommer personnellement ; elle s’adresse à toute
personne qui répond aux conditions d’application de la règle indépendamment de
son nom.

Toute règle est aussi, par définition, permanente (‫ )دائمة‬ce qui ne veut pas dire
qu’elle est éternelle (‫)أزلية‬. Elle est permanente dans le sens où elle demeure
applicable, c’est-à-dire que l’on continue à l’appliquer tant qu’aucune autre règle
ne l’a abrogée. Autrement dit, tant qu’elle n’a pas été abrogée, la règle reste
toujours en vigueur.

Enfin, toute règle est par définition obligatoire sinon elle ne serait plus qualifiée
de règle mais serait plutôt un conseil ou un simple avis ou une opinion. Une règle
est toujours obligatoire et impose le respect à son destinataire.

Pour revenir à la règle juridique spécifiquement, ce qui la distingue des autres


règles de conduite (les règles morales et religieuses surtout), ce n’est donc pas
qu’elle est générale, permanente et obligatoire car les autres règles le sont aussi
(sinon elles ne seraient plus qualifiées de règles), mais que son caractère général,
permanent et obligatoire comporte des spécificités que l’on ne retrouve que dans
la règle juridique, spécificités liées à la source de la règle juridique, à savoir, l’Etat
‫الدولة‬.

19
Plus précisément, être générale signifie tout d’abord que la règle juridique
s’applique sur tout le territoire de l’Etat (maritime, terrestre et aérien). Cela
signifie ensuite que la règle juridique est impersonnelle, elle s’applique en effet à
toute personne qui répond aux conditions de la règle et qui se trouve sur le
territoire de l’Etat, sans viser une personne nommément désignée. C’est en ce
sens que la règle juridique est générale du point du territoire et du point de vue
des personnes.

Etre permanente signifie que la règle juridique demeure en vigueur jusqu’à


son abrogation ‫ نسخ القاعدة‬par une règle de sa même valeur juridique ‫قاعدة من نفس‬
‫ القيمة القانونية للقاعدة المنسوخة‬ou d’une valeur supérieur ‫أو من قاعدة أعلى قيمة قانونية منها‬
(L’abrogation étant l’acte juridique qui met fin à l’existence juridique de la règle).
L’abrogation de la règle juridique se fait donc par l’une des autorités officielles de
l’Etat. Aucune autorité religieuse par exemple ou autre que l’autorité de l’Etat ne
peut abroger une règle juridique.

Etre obligatoire ou coercitive signifie que la règle doit s’appliquer toutes les
fois où ses conditions d’application se trouvent réunies, indépendamment de son
acceptation par le destinataire (celui auquel s’adresse la règle) ; le non respect de
la règle pouvant entraîner l’application d’un certain nombre de sanctions ‫عقوبات‬
pénales, financières ou autres, vis-à-vis de celui qui a refusé de l’appliquer (c’est
en ce dernier sens qu’elle est coercitive c’est-à-dire qu’elle oblige les personnes à
la respecter à travers les sanctions qu’elle prévoie en cas de non respect). Toute
personne visée par la règle doit par conséquent l’appliquer même si elle n’en est
pas convaincue.

Sur ce point, la règle juridique diffère des règles morales ou religieuses non pas

20
par leur caractère obligatoire (les autres règles non juridiques sont aussi
obligatoires), mais par la nature de l’obligatoriété (le caractère obligatoire) et la
nature de la sanction appliquée aux personnes qui refusent de se soumettre à la
règle. En effet, la sanction est prévue par le Droit et appliquée par les autorités de
l’Etat. Elle peut être financière, pénale ou administrative et seul l’Etat décide de sa
nature et de sa proportion, contrairement aux règles morales ou religieuses dont
la sanction n’a rien à voir avec l’Etat, elle dépend de la source de ces règles ( ‫مصدر‬
‫)القاعدة‬.

Pour résumer, définir le droit objectif par les règles juridiques qui le
composent permet de le distinguer d’autres modes d’organisation de la vie sociale
qui coexistent avec le Droit mais qui en sont très différents par leurs règles, leur
logique interne et leurs finalités tels que la Morale ou la Religion. Ces deux
derniers concepts sont constitués en effet de règles similaires sur beaucoup de
points à celles du Droit objectif mais qui en diffèrent fondamentalement par leur
philosophie, source et raison d’être : Du point de vue de leurs sources, les règles
morales proviennent de la société et sont établies par elle, elles tendent vers le
Bien et la vertu et c’est là leurs finalité et leur raison d’être. Les préceptes
religieux trouvent leur source dans la volonté divine et tendent vers le Paradis
promis dans l’au-delà. Les règles juridiques quant à elles trouvent leur source dans
l’autorité de l’Etat (‫)سلطة الدولة‬et ont pour objectif de faire régner l’ordre( ‫فرض‬
‫ )النظام‬afin de permettre la coexistence pacifique(‫ )التعايش السلمي‬des personnes à
l’intérieur d’une même société.

Il importe de préciser que la forme de la règle juridique peut être écrite ou


coutumière, elle est obligatoire dans les deux cas. La règle juridique est écrite

21
lorsqu’elle figure dans un document officiel, c’est-à-dire un document établi par
l’une des autorités de l’Etat (par le Parlement, par le ministre, par le juge…). La
règle juridique est coutumière lorsqu’elle n’est pas écrite, c’est-à-dire qu’elle ne
figure dans aucun document officiel, mais elle consiste en un comportement suivi
en pratique par certaines personnes et appliqué dans les mêmes conditions et de
la même manière par les personnes concernées, et ce pendant une période de
temps déterminée tout en croyant en son obligatoriété, c’est-à-dire en croyant
fermement que le suivi et l’application de ce comportement est nécessaire et
obligatoire.

La règle écrite est bien entendu obligatoire, comme toute règle juridique. Il
faut cependant se rappeler que la règle juridique coutumière est tout aussi
obligatoire.

En effet, le fait que la règle coutumière ne soit pas écrite ne veut pas du
tout dire qu’elle n’est pas obligatoire, au contraire. A partir du moment où c’est
une règle juridique (établie ou reconnue officiellement par l’Etat), elle est
forcément obligatoire. Toute règle juridique est forcément et nécessairement
obligatoire, qu’elle soit écrite ou coutumière.

La nature du Droit objectif en tant que technique vient ainsi d’être


déterminée, à savoir que c’est un ensemble de règles juridiques, c’est-à-dire des
prescriptions générales, permanentes et obligatoires sanctionnées par l’Etat.
L’objet de ces règles sera précisé dans les développements suivants. L’objet du
Droit en tant que technique, c’est-à-dire son contenu et son but ou finalité, est en
effet d’organiser la vie des personnes.

 L’objet du Droit objectif :


22
L’objet du Droit objectif en tant que technique, autrement dit, l’objet de la
technique du Droit, est de réglementer les rapports qui existent entre les
personnes qui se trouvent à l’intérieur de l’Etat, d’organiser ces rapports dans le
but de permettre la coexistence pacifique entre tous à l’intérieur de l’Etat.

Définir l’objet du Droit objectif par le fait qu’il organise la vie des personnes
permet de faire une distinction juridique entre les personnes et les simples
individus. En effet, on qualifie d’individu ‫ فرد‬tout être vivant (animal ou végétal)
qui présente une unité et ne peut être divisé. Le terme est valable pour qualifier
les êtres humains, il est cependant moins précis juridiquement que le terme
« personne » qui désigne tout individu auquel le Droit reconnait la personnalité
juridique ‫ الشخصية القانونية‬c’est-à-dire l’existence du point de vue juridique ‫أي وجود‬
‫األفراد أو الذوات من وجهة نظر القانون‬.

La personnalité juridique serait ainsi la qualité attribuée par le Droit objectif


aux individus dont il reconnaît l’existence pour leur permettre de bénéficier de
certains droits subjectifs et de contracter des obligations si nécessaire. Il s’en suit
qu’avoir la personnalité juridique est nécessaire pour tout individu qui voudrait
bénéficier de droits ou contracter des obligations. La reconnaissance de la
personnalité juridique est ainsi une condition nécessaire pour avoir la capacité
juridique. Plus précisément :

 La personnalité juridique : c’est la qualité attribuée par le Droit (objectif) /


par l’Etat / par les pouvoirs publics à un individu ou à une entité en vue de le ou la
reconnaître sur le plan juridique. C’est donc une qualité attribuée pour prouver
l’existence juridique d’une entité ou d’un individu et lui permettre d’être un sujet
de Droit.

23
 La capacité juridique : c’est l’aptitude à acquérir ou bénéficier d’un certain
nombre de droits (subjectifs), à les exercer et à contracter des obligations. La
capacité juridique est l’un des principaux attributs de la personnalité juridique. Il y
a deux degrés dans la capacité juridique : la capacité de jouissance et la capacité
d’exercice.

Le rapport qui existe entre personnalité juridique et capacité est que la capacité
juridique est une conséquence de l’attribution de la personnalité juridique. Un
individu ne peut donc disposer de la capacité s’il n’a pas la personnalité juridique.
Par contre, il peut disposer de la personnalité juridique mais n’avoir qu’une
capacité limitée (la capacité de jouissance uniquement sans la capacité
d’exercice).

Il est enfin nécessaire de préciser que la définition du Droit objectif en tant


que technique le présente comme un ensemble de règles juridiques organisant la
vie des personnes à l’intérieur de l’Etat. La notion d’Etat est ici importante pour
distinguer les règles de Droit interne des règles de Droit international. Le Droit
objectif n’a pas tout à fait la même définition dans chacune de ces disciplines. La
définition du Droit objectif retenue dans ce cours est celle du Droit interne, elle se
conçoit par conséquent obligatoirement dans le cadre d’un Etat.

2. Le Droit en tant que Science :

Le droit objectif peut également être défini comme une science, c’est-à-dire
un système de connaissances dont l’objet consiste à étudier et à penser les règles
de Droit objectif afin de les comprendre (son objet n’est donc pas d’organiser la

24
vie en société mais de comprendre et d’analyser les règles qui organisent la vie en
société). Défini de la sorte, et du point de vue de sa nature, le Droit objectif ne se
présente plus comme un ensemble de règles (comme il a été défini lorsqu’il était
envisagé en tant que technique), mais comme un ensemble d’idées et
d’informations bien imbriquées qui constituent un système à part. Il n’a pas pour
objectif d’organiser la vie en société mais de comprendre l’organisation juridique
et l’évaluer. Il aurait ainsi des méthodes qui lui sont propres et des objectifs
spécifiques, différents du Droit en tant que technique. Le présent cours concerne
particulièrement la technique du Droit plutôt que la science du Droit.

Le terme Droit objectif vient ainsi d’être sommairement présenté. Il


convient d’envisager la seconde signification du terme Droit et qui concerne les
droits subjectifs.

b- Les droits subjectifs :


Les droit subjectifs sont définis comme des privilèges ‫امتيازات‬ou intérêts
‫ مصالح‬juridiquement reconnus et protégés, qui permettent à leur titulaire d’avoir
ou de faire quelque chose ou de s’abstenir d’avoir ou de faire quelque chose. Les
droits subjectifs constituent par conséquent des possibilités ou facultés de faire ou
de ne pas faire.
L’une des caractéristiques principales du droit subjectif réside en la liberté
dont dispose le titulaire d’en faire usage ou pas quand bon lui semble (dans les
conditions fixées par la loi). Le titulaire d’un droit subjectif est en effet libre d’en
faire usage ou pas et personne ne doit l’obliger à l’utiliser s’il ne le veut pas ou
l’empêcher de l’utiliser s’il en a envie. Il en résulte que le droit subjectif et
l’obligation sont l’opposé l’un de l’autre. Ce qui est en effet un droit pour une

25
personne à un moment donné ne peut jamais être en même temps et pour la
même personne une obligation. Un même acte est pour la personne soit un droit
soit une obligation, il ne peut jamais être les deux en même temps pour la même
personne (d’un point de vue juridique bien entendu).
Un droit subjectif peut cependant faire naître une obligation pour autrui,
c’est-à-dire qu’il peut constituer le fondement d’une obligation qui incombe aux
autres. En effet, lorsque le titulaire d’un droit subjectif choisit de l’exercer, une
obligation naît à l’encontre de tous les autres de ne pas l’empêcher d’exercer son
droit ou l’obstruer (= faire obstruction ou empêcher) dans le choix qu’il a fait. De
même lorsqu’une personne choisit de ne pas faire usage d’un droit déterminé (par
exemple le droit d’aller voter ou de pratiquer une religion), Tous les autres sont
tenus de respecter ce choix et il leur est interdit de le contraindre à exercer ce
droit.

Il y a deux catégories de droits subjectifs : les droits patrimoniaux ‫حقوق الذمة‬


‫ المالية‬et les droits extrapatrimoniaux ‫الحقوق الخارجة عن الذمة المالية‬.
Les droits patrimoniaux sont des droits subjectifs qui font partie du
patrimoine financier d’une personne ‫الذمة المالية‬. Ils se subdivisent en droits réels
‫الحقوق العينية‬et droits personnels‫ الحقوق الشخصية أو الدائنية‬.
- Les droits réels sont des droits subjectifs qui portent directement sur une
chose ‫ شيء‬ou un bien‫ المال‬. Le principal droit réel à cet égard est le droit de
propriété ‫ حق الملكية‬avec ses démembrements : l’usage de la chose (l’usus) ‫حق‬
‫االستعمال‬, le droit d’en percevoir les fruits (le fructus)‫ حق االستغالل‬et le droit d’en
disposer (l’abusus) ‫حق التفويت‬.
- Les droits personnels sont des droits subjectifs qui permettent d’exiger

26
quelque chose, une prestation, de la part d’une personne.

Les droits patrimoniaux et les droits extrapatrimoniaux sont totalement opposés


au niveau de leurs caractéristiques même s’ils sont tous les deux des droits
subjectifs. Les droits patrimoniaux sont en effet, des droits cessibles (peuvent être
cédés), saisissables (peuvent faire l’objet d’une saisie) et prescriptibles (peuvent
être acquis ou perdus au bout d’un certain temps / sont objet à prescription). Ce
sont là leurs principales caractéristiques communes.
Quant aux droits extrapatrimoniaux, ce sont des droits subjectifs qui ne font pas
partie du patrimoine financier d’une personne tels que les droits humains
c’est-à-dire les droits de l’Homme et les libertés fondamentales dont il bénéficie.
Ils sont incessibles, insaisissables et imprescriptibles. Ils ne peuvent être évalués
en argent et ne peuvent être vendus, échangés ou confisqués. Ils ne peuvent être
perdus après un certain temps, ils sont imprescriptibles.

Les sources du Droit :


Le terme « sources » concerne la référence ‫ المرجع‬dans laquelle se trouve la
règle. Plus précisément, les sources du Droit (objectif) sont l’ensemble des
références desquelles procède la règle juridique ‫جملة المراجع التي تتأتى منها القاعدة‬
‫القانونية‬. Elles sont de deux sortes ou catégories : des sources matérielles ‫مصادر‬
‫ مادية‬et des sources formelles .‫مصادر شكلية‬

Les sources matérielles sont l’ensemble des références ‫المراجع أي كل ما تم الرجوع‬


‫ إليه‬, faits ‫ الوقائع‬, théories ‫ النظريات‬, phénomènes ‫الظواهر‬ou autres qui ont
déterminé le contenu de la règle. Toute référence qui a pu inspirer l’auteur de la
règle juridique constitue une source matérielle de la règle. Les sources matérielles
27
sont ainsi illimitées. Elles n’ont aucune valeur juridique obligatoire. Elles peuvent
servir pour comprendre les raisons / les motifs qui ont permis le choix du dispositif
de la règle (c’est-à-dire ce que la règle dispose, ce qu’elle prévoit) et peuvent
servir ultérieurement dans le travail d’interprétation de la règle ‫تفسير و تأويل‬
‫القاعدة‬qui serait fait par le juge par exemple.

Les sources formelles concernent la forme juridique de la règle et sont


l’ensemble des règles juridiques qui composent la pyramide des normes dans un
Etat. Cette pyramide comprend un ordre hiérarchique ‫ ترتيب تفاضلي‬des règles
juridiques qui se présente ainsi :

 La constitution ‫الدستور‬

 Les conventions internationales ratifiées ‫المعاهدات الدولية المصادق عليها‬

 Les lois (organiques ou ordinaires) ‫القوانين األساسية أو العادية‬

 Les décrets-lois ‫المراسيم‬

 Les décrets ‫األوامر‬

 Les arrêtés ‫القرارات‬

 Les circulaires ‫المناشير‬

 La coutume‫العرف‬

 La jurisprudence‫فقه القضاء‬

 La doctrine‫الفقه‬

28
Ces sources permettent donc de déterminer la nature juridique de la règle
‫( الشكل القانوني للقاعدة‬selon qu’elle est écrite ou coutumière et selon qu’elle est
constitutionnelle ‫ دستورية‬, conventionnelle ‫ معاهداتية‬, législative ‫ تشريعية‬,
règlementaire ‫ ترتيبية‬ou jurisprudentielle‫) فقه قضائية‬. Les sources formelles sont ainsi
limitativement énumérées. Elles sont pour la plupart obligatoires dans la mesure
où elles consistent presque toutes en des règles juridiques, si l’on fait exception
de la doctrine.

CHAPITRE 1er :

29
Les droits civils et politiques

Les droits civils et politiques sont les droits de la première génération. Ces
droits ont été les premiers à être consacrés à l’intérieur des Etats. En effet, plusieurs
Etats européens ont commencé par consacrer ces droits jusqu’à l’avènement du
courant idéologique marxiste et l’apparition des droits économiques, sociaux et
culturels. Cependant, sur le plan international, ces droits ont été consacrés en même
temps que les droits de la deuxième génération.
Sur le plan international, ces droits on été proclamés dans la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948. Il importe de signaler
à ce propos que, du point de vue juridique, la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme n’est qu’une résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Elle
n’a donc aucune valeur obligatoire sur le plan juridique ; sa valeur est seulement
morale ou symbolique, dans la mesure où elle a inspiré la plupart des textes
internationaux relatifs aux droits de l’Homme et où elle figure dans les préambules
de plusieurs d’entre eux tels que le Pacte international des droits civils et politiques
ou le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels ou la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales ou la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements
cruels et inhumains ou dégradants…etc. Ceci dit, lorsque un Etat se réfère dans l’un
de ses textes juridiques à la déclaration universelle des droits de l’Homme pour lui
donner une valeur obligatoire et pour dire que son respect s’impose aux diverses
institutions de l’Etat, elle acquiert dans ce cas une valeur obligatoire à l’intérieur de
cet Etat.
Il est également à noter que ces conventions internationales et ces pactes
internationaux (tels que le pacte international des droits civils et politiques ou la
convention internationale contre la torture et les autres peines ou traitements cruels
30
et inhumains ou dégradants) ne sont obligatoires pour chaque Etat que si ce dernier
les a ratifiés, c’est-à-dire qu’il les a introduits dans son ordre juridique interne. Si
un Etat n’a pas accepté de participer à une convention internationale et qu’il ne l’a
pas ratifiée ou n’y a pas adhéré, elle ne l’oblige pas. Les traités internationaux sont
en effet, des textes juridiques appartenant à l’ordre juridique international ‫النظام‬
‫ ال ّدولي القانوني‬qui est un ordre juridique totalement indépendant de l’ordre juridique
interne. Les droits de l’Homme qui figurent dans ces textes internationaux ne sont
obligatoires pour l’Etat et ne sont reconnus pour les citoyens ou personnes résidents
à l’intérieur de cet Etat que si ce dernier ratifie la convention.
Sur le plan international, Les droits civils et politiques trouvent leur
consécration juridique dans le Pacte international des droits civils et politiques du
16 décembre 1966, ainsi que dans d’autres conventions particulières, destinées à la
protection de certains droits de manière spécifique. Le Pacte international des droits
civils et politiques a été ratifié par la Tunisie par la loi n°68-30 du 29 novembre
1968 (JORT n°51 du 29 novembre – 3 décembre 1968, p.1260).
Sur le plan régional, les droits civils et politiques se trouvent consacrés, pour
ce qui est de l’Europe par “ la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’Homme et des libertés fondamentales ”, connue sous le nom de la Convention
européenne des droits de l’Homme, du 4 novembre 1950. Pour ce qui est de
l’Amérique, on note principalement la Convention américaine relative aux droits de
l’Homme adoptée à San José au Costa Rica le 22 novembre 1969.
A l’échelle africaine, on trouve la Charte africaine des droits de l’Homme et
des peuples, adoptée le 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986, ainsi
que le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples
portant création de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples. Pour ce
qui est des Etats arabes, il existe une Charte arabe des Droits de l’Homme, qui est
un traité multilatéral conclu sous les auspices de la Ligue des Etats Arabes le 15

31
septembre 1995 et révisée en mars 2004. Elle n’est cependant pas encore entrée en
vigueur.
Une liste des droits civils et politiques est dressée à travers ces conventions,
sur la base notamment de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du
Pacte international des droits civils et politiques. Ce pacte prévoit à cet égard un
certain nombre de principes dont le premier est le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes. L’article 1er du pacte dispose en effet que tous les peuples ont le
droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit ils déterminent librement leur
statut politique et assurent librement leur développement économique, social et
culturel.
A la suite de cette proclamation, plusieurs droits civils et politiques vont être
consacrés dans ce pacte. Dans sa deuxième partie, le pacte énumère un certain
nombre de principes qui s’imposent aux Etats qui ont ratifié le pacte et qui leur
impose des obligations concernant les droits qui figurent dans le pacte.
En effet, les Etats parties au pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous
les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits
reconnus dans le pacte sans distinction de race ou de couleur ou de langue ou de
religion ou d’opinion politique ou d’origine sociale ou de distinction entre hommes
et femmes. Les Etats parties au pacte s’engagent à garantir également à toute
personne dont les droits et les libertés reconnus dans ce pacte auront été violés, de
disposer d’un recours en justice lui permettant de protéger ses droits.
Le pacte comporte en outre, certains droits auxquels aucune dérogation n’est
permise même « dans le cas où un danger public menace l’existence de la nation et
est proclamé par un acte officiel » comme par exemple une situation de guerre. Il
prévoit cependant aussi des droits auxquels il est possible de déroger uniquement
lorsque des circonstances exceptionnelles le nécessitent. Seront par conséquent
traités les droits civils et politiques déclarés intangibles même en période

32
exceptionnelle (I) et les droits déclarés intangibles uniquement en période normale
(II).

 Les droits civils et politiques déclarés


intangibles même en période
exceptionnelle :

Ces droits sont déclarés intangibles, c’est-à-dire que l’Etat ne peut pas les
toucher ou les violer ou leur porter atteinte même lorsqu’il est dans une situation
exceptionnelle.
Il s’agit du droit à la vie (A) ; des droits liés à la dignité de la personne
humaine (B) ; et enfin du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion
(C).

 Le droit à la vie :

Le droit à la vie est un droit de la première génération. C’est parmi les


premiers droits civils proclamés par le Pacte international des droits civils et
politiques et ce dans son article 6 qui dispose : « Le droit à la vie est inhérent à la
personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être
arbitrairement privé de la vie ». La protection de ce droit parmi les premiers droits
civils est liée à son caractère fondamental : son existence conditionne en effet tous
les autres droits proclamés.
L’article 6 envisage aussi les conséquences de certaines privations
volontaires du droit à la vie‫ الحرمان اإلرادي من الحياة‬et ce à travers la peine de mort
appliquée dans certains pays. L’article 6 dispose à ce propos que dans les pays où
la peine de mort n’a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée
33
que pour les crimes les plus graves, conformément à la législation en vigueur au
moment où le crime a été commis. Cette peine ne peut être appliquée qu’en vertu
d’un jugement définitif rendu par un tribunal compétent.
L’usage par les Etats de leur droit d’appliquer la peine de mort a ainsi été
limité autant que possible. Le Pacte international des droits civils et politiques
exige en effet le respect de la Convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide adoptée aux Nations Unies le 9 décembre 1948 et entrée en
vigueur le 12 janvier 1951. Il exige en outre que la peine de mort soit décidée en
vertu d’un jugement définitif ‫ حكم نهائي‬rendu par un tribunal compétent. Cette
dernière exigence implique que l’Etat en question garantisse aux personnes
condamnées à mort dans un premier jugement, le droit de disposer des recours
nécessaires permettant de revoir leur condamnation.
Le même article 6 garantit à tout condamné à mort le droit de demander la
grâce ou la commutation de la peine. Selon les termes de cet article « L’amnistie, la
grâce ou la commutation de la peine de mort peuvent dans tous les cas être
accordées ». Un condamné à mort ne peut donc être privé de faire une demande de
grâce ou une demande de commutation de sa peine. En outre, et relativement à
l’application de la peine de mort, l’article 6 interdit expressément d’imposer une
sentence de mort pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de 18
ans. Le même article interdit l’exécution de la peine de mort contre les femmes
enceintes.
Il ressort de cette dernière interdiction qu’une femme enceinte ne peut être
exécutée lorsqu’elle est enceinte. Certains auteurs ont compris de cette interdiction
qu’elle protège le droit à la vie du fœtus. Cette interprétation ne fait cependant pas
l’unanimité de tous les auteurs. La doctrine est par contre unanime pour reconnaître
ce droit aux personnes dès la naissance. C’est ainsi que la Convention des Nations
Unies sur les droits de l’enfant, adoptée le 20 novembre 1989 et entrée en vigueur

34
le 2 septembre 1990 reconnaît dans son article 6 que « tout enfant a un droit
inhérent à la vie ». Cette convention a été ratifiée par la Tunisie par la loi n°91-92
du 29 novembre 1991 (JORT n°82 du 10 décembre 1991). Sur cette convention, le
gouvernement tunisien a émis un certain nombre de réserves parmi lesquelles il
affirme que le droit à la vie, tel que prévu par l’article 6, ne sera pas interprété
comme faisant obstacle à l’application de la législation tunisienne relative à
l’interruption volontaire de grossesse.

 Les droits liés à la dignité de la personne humaine

Ce sont des droits de la première génération. Ils impliquent :

1- L’interdiction de soumettre une personne à la torture ou à des peines


ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. C’est ce qui ressort de l’article
7 du Pacte international des droits civils et politiques qui prévoit qu’il est interdit
de torturer une personne ou de la soumettre a des peines ou des traitements cruels,
inhumains ou dégradants.
L’article 7 ne définit cependant pas ce qu’il faut entendre par “torture” ou ce
qui peut constituer une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Ces
définitions feront l’objet de la Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels et inhumains ou dégradants adoptée le 10 décembre 1984. (Cette
convention a été ratifiée par la Tunisie par la loi n° 88-79 du 11 juillet 1988).
L’article 1er de cette convention définit la torture comme étant tout acte par
lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou morales, sont
volontairement infligées à une personne dans le but notamment d’obtenir d’elle ou
d’une autre personne des renseignements ou des aveux, ou dans le but de la punir

35
d’un acte qu’elle a commis ou qu’une autre personne a commis ou est soupçonnée
d’avoir commis. Le même acte est considéré comme une torture lorsqu’il est fait
dans le but d’intimider une personne ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou
de faire pression sur une autre personne, ou pour tout autre motif fondé sur une
forme de discrimination quelle qu’elle soit. Ces actes sont incriminés lorsqu’une
telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction
publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou avec son consentement
exprès ou tacite .
En outre, l’article 7 du Pacte international des droits civils et politiques
ajoute qu’il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à
une expérience médicale ou scientifique.

2- L’interdiction de l’esclavage : C’est un des droits liés à la dignité de la


personne humaine. L’article 8 du Pacte international des droits civils et politiques
régit ce droit. En vertu de cet article, aucune personne ne sera tenue en esclavage ;
l’esclavage et la traite des esclaves, sous toutes leurs formes, sont interdits. Se
trouve de la sorte interdite toute appropriation de la personne humaine et toute
action destinée à maintenir une personne dans un statut de dépendance entière
vis-à-vis d’une autre personne.
A ce propos, la convention de Genève du 25 septembre 1926 relative à
l’esclavage, amendée (c’est-à-dire révisée) par le protocole du 7 décembre 1953 et
entrée en vigueur le 7 juillet 1955 a été ratifiée par la Tunisie par la loi n°66-32 du
3 mai 1966 (JORT n°20 du 3-6 mai 1966, p.723).
3- Le respect de l’intégrité physique de la personne. Ce droit concerne
notamment les pouvoirs de détention et d’emprisonnement dont dispose l’Etat en
matière pénale.
En effet, l’article 11 du Pacte international des droits civils et politiques

36
interdit d’emprisonner une personne pour la seule raison qu’elle n’est pas en
mesure d’exécuter une obligation contractuelle. De même l’article 15 du Pacte
garantit le bénéfice de la règle de la légalité des délits et des peines qui prescrit
qu’aucune personne ne sera condamnée pour des actions ‫ أعمال‬ou des omissions
‫امتناع عن العمل‬ qui ne constituent pas un délit d’après le droit national ou
international au moment où elles ont été commises.
Le bénéfice de ce droit repose sur l’idée que l’individu, parce qu’il est libre,
doit disposer de sa liberté d’action comme il le veut, tant qu’il ne commet pas une
infraction pénale punie par la loi. (Par exemple, l’article 143 du code pénal tunisien
prévoit que ceux qui, le pouvant, refusent ou négligent de prêter secours à une
personne qui le leur a demandé et ce dans les circonstances d’accident, de naufrage,
d’inondations, d’incendie ou autres situations de détresse ou dans les cas de pillage
et de vol sont punis d’emprisonnement pendant un mois et d’une amende. C’est ce
qui s’appelle le délit du refus d’obtempérer à une réquisition légale. En droit
français ce délit s’appelle le délit du défaut d’assistance à personne en danger).

4- le principe de la non rétroactivité de la loi pénale. Selon l’article 15 du


Pacte international des droits civils et politiques, aucune peine ne sera appliquée au
délinquant si elle est plus forte que celle qui était applicable au moment où
l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit
l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. Le Pacte
garantit ainsi le principe de la non rétroactivité de la loi pénale sauf lorsque la peine
instituée par une loi postérieure à l’infraction est plus douce.
Enfin, l’article 16 proclame le droit de chacun à la reconnaissance en tous
lieux de sa personnalité juridique.

(La protection constitutionnelle en Tunisie des droits liés à la dignité


37
humaine) L’article 12 de la constitution tunisienne du 1er juin 1959 prévoit qu’il est
interdit de soumettre quiconque à une garde à vue ou à une détention arbitraire. La
garde à vue est obligatoirement soumise au contrôle judiciaire. Quant à la détention
préventive elle ne peut avoir lieu que sur ordre juridictionnel. L’alinéa 2 du même
article prévoit que tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa
culpabilité à la suite d’une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa
défense.
En outre, l’article 13 de la constitution garantit le principe de la légalité des
délits et des peines. Il prévoit que la peine est personnelle et ne peut être prononcée
qu’en vertu d’une loi antérieure au fait punissable, sauf en cas de texte plus doux.
De plus, l’alinéa 2 de ce même article prévoit que tout individu ayant perdu sa
liberté est traité humainement dans le respect de sa dignité, conformément aux
conditions fixées par la loi.
Il est à noter que lorsque la constitution garantit un droit ou une liberté sans
lui apporter de limite, la loi ne peut pas venir la restreindre ou la limiter ; elle peut
seulement intervenir pour en organiser les modalités d’application.

 Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion

En vertu de l’article 18 du Pacte international des droits civils et politiques,


« toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ». Ce
droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son
choix, ainsi que la liberté de changer de religion ou de conviction et la liberté de
manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en
public qu’en privé, par le culte de l’accomplissement des rites, les pratiques et
l’enseignement. Le même article ajoute que personne ne doit subir de contrainte

38
pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une
conviction de son choix. L’alinéa 4 du même article prévoit que « les Etats parties
au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant,
des tuteurs légaux de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants
conformément à leurs propres convictions ».
La garantie de ce droit demeure cependant fragile dans la mesure où l’alinéa
3 de l’article 18 ouvre une brèche pouvant éventuellement limiter la liberté qu’il
vient de garantir. Il dispose en effet que la liberté de manifester sa religion ou ses
convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui
sont nécessaires à la « protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique,
ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui ». Il ressort de cet
article qu’il est possible de limiter la liberté religieuse lorsque son exercice risque
de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public. Or, des termes aussi généraux et
imprécis que le terme « sécurité » ou « ordre public » peut remettre en cause toute
la garantie apportée par le Pacte à la liberté de religion puisque c’est l’Etat, à
travers ses pouvoirs publics, qui va déterminer si une pratique religieuse constitue
ou non une atteinte à l’ordre public.
Pour ce qui est des garanties constitutionnelles tunisiennes concernant cette
liberté, l’article 5 de la constitution tunisienne garantit l’inviolabilité de la personne
humaine et la liberté de conscience et protège le libre exercice des cultes, sous
réserve qu’il ne trouble pas l’ordre public. D’autres textes viennent garantir le libre
exercice des cultes comme par exemple le code pénal tunisien qui punit de 6 mois
de prison et d’une amende toute personne qui entrave l’exercice d’un culte ou de
cérémonies religieuses ou les trouble (article 165 du code pénal).

II- Les droits civils et politiques intangibles en

période normale :
39
Il s’agit ici des droits qui, en dehors des périodes où joueront les
circonstances exceptionnelles, sont à respecter absolument et n’admettent aucune
limitation. Ces droits sont liés notamment à la liberté individuelle.

1- le droit à la liberté et à la sûreté. L’article 9 du Pacte international des


droits civils et politiques dispose que « tout individu a droit à la liberté et à la
sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une
détention arbitraires. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour les motifs
et conformément à la procédure prévus par la loi ». Le même article prévoit que
tout individu arrêté doit être informé, au moment de son arrestation, des raisons de
cette arrestation et doit recevoir notification dans les plus courts délais des
accusations portées contre lui.
Le même article précise en outre un certain nombre de garanties en matière
de procédure pénale. En effet, tout individu arrêté ou détenu du chef d’une
infraction pénale doit être traduit dans les plus courts délais devant un juge ou toute
autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires et doit être jugé dans
un délai raisonnable sinon il devra être libéré. La détention des personnes qui
attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle. Le même article ajoute
que tout individu victime d’arrestation ou de détention illégales a droit à réparation.
L’article 14 prévoit également une série de garanties procédurales selon
lesquelles tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par
un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit
du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des
contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. L’article ajoute un
principe fondamental en matière pénale selon lequel toute personne accusée d’une

40
infraction pénale est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit
légalement établie.
En outre et en vertu de l’article 10, toute personne privée de sa liberté doit
être traitée avec humanité et avec le respect de sa dignité. Ainsi, les prévenus
doivent, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, être séparés des condamnés
et soumis à un régime distinct, approprié à leur condition de non condamnés.

2- La liberté de circulation. L’article 12 du Pacte international des droits


civils et politiques garantit la liberté d’aller et de venir ou liberté de circulation.
Cette liberté implique que toute personne se trouvant légalement sur le territoire
d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence et
que toute personne soit libre de quitter n’importe quel pays y compris le sien.
Enfin, nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays.
Concernant cette liberté, l’article 10 de la constitution tunisienne prévoit que
tout citoyen a le droit de circuler librement à l’intérieur du territoire, d’en sortir et
de fixer son domicile dans les limites prévues par la loi. De même l’article 11
prévoit qu’aucun citoyen ne peut être banni du territoire national ni empêché d’y
retourner.
3- le droit à la liberté d’opinion et d’expression. Le Pacte international des
droits civils et politiques garantit à toute personne le droit à la liberté d’opinion et
d’expression puisque l’article 19 du Pacte prévoit que « nul ne peut être inquiété
pour ses opinions » et que « toute personne a droit à la liberté d’expression ». Ce
droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations
et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale,
écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
La liberté d’expression comporte cependant certaines limites au moment de
son exercice. Ces limites sont liées à la spécificité du droit qu’elle accorde aux

41
individus. L’alinéa 3 de ce même article prévoit en effet que l’exercice de la liberté
d’expression comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut
par conséquent être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être
expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires :
 Au respect des droits ou de la réputation d’autrui ;
 A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public,
de la santé ou de la moralité publiques.

4- Les droits de réunion et d’association. Parmi les libertés garanties par le


Pacte international des droits civils et politiques figure le droit de réunion pacifique
et le droit de s’associer librement avec d’autres, autrement dit le droit d’association,
y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de
ses intérêts. Concernant l’exercice de ces deux libertés, le Pacte prévoit que cet
exercice ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui
« sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité
nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la
moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui ». Les limites dressés face à
l’exercice des libertés de réunion et d’association, y compris le droit de constituer
ou de s’affilier à des syndicats, sont visiblement assez importantes, dans la mesure
notamment où l’appréciation de leur opportunité et de leur envergure est laissée
presque à la discrétion des autorités publiques !

5- L’égalité devant la loi. Le Pacte garantit également dans son article 26 le


droit de toutes les personnes à l’égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi
sans discrimination. La loi doit à cet égard interdire toute discrimination et garantir
à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination,
notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique
42
et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou
de toute autre situation.
L’égalité devant la loi est garantie par la constitution tunisienne dans son
article 6 qui prévoit que tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes
devoirs. Ils sont égaux devant la loi.

6- Les droits politiques. Les droits politiques sont les droits liés à la
participation à la vie politique. Ainsi l’article 5 du Pacte international des droits
civils et politiques prévoit que tout citoyen a le droit et la possibilité, sans
discrimination aucune, de prendre part à la direction des affaires publiques, soit
directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. Il a
également le droit de voter et d’être élu au cours d’élections périodiques, honnêtes,
au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la
volonté des électeurs.

III- Les droits civils et politiques prévus par la

Charte africaine des droits de l’homme :


La charte africaine des droits de l’Homme et des peuples est une convention
internationale adoptée entre les Etats africains (ce sont les Etats membres de
l’Organisation de l’Unité Africaine, l’OUA, devenue aujourd’hui l’Union
Africaine) le 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986. Cette charte a
été ratifiée par la Tunisie par la loi n°82-64 du 6 août 1982/
Cette charte reconnaît aux peuples africains plusieurs droits civils et
politiques. Elle reconnaît en effet :

 Les droits liés à la dignité humaine : (Article 5 de la charte)


43
La charte africaine des droits de l’Homme et des peuples reconnaît dans son
article 5 le droit de tout individu au respect de sa dignité humaine et à la
reconnaissance de sa personnalité juridique.
Le même article prévoit aussi que toute forme d’exploitation de l’Homme
notamment à travers l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique et
morale et les peine et traitements cruels, inhumains et dégradants sont interdites. La
charte n’a cependant pas donné sa propre définition de la torture ou de ce qu’elle
considère comme traitement cruel, inhumain et dégradant.

 Le droit à la liberté et à la sûreté : (Articles 6 et 7 de la charte)


Dans son article 6, la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples
reconnaît à tout individu le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Ainsi
personne ne doit être privé de sa liberté sauf pour des raisons légitimes et selon les
conditions prévues par la loi.
Le même article prévoit qu’aucun individu ne peut être arrêté ou détenu
arbitrairement.
Quant à l’article 7, il prévoit certaines garanties procédurales qui visent à
protéger les droits et les libertés des personnes. Ainsi, tout individu a droit à ce que
sa cause soit entendue. Ce droit englobe :
 Le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte
violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par
les conventions, les lois, les règlements et les coutumes en vigueur.
 Le droit à la présomption d’innocence jusqu’à ce que sa culpabilité
soit établie par une juridiction compétente.
 Le droit à la défense y compris le droit de se faire assister par un
défenseur de son choix.
 Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction
44
impartiale.

Le même article garantit enfin le principe de la légalité des délits et des


peines puisque personne ne peut être condamné pour une action ou une omission
qui n’était pas, au moment où elle a été commise, une infraction punissable.
En outre, lorsqu’une personne est déclarée coupable, elle ne peut être punie
que par une peine déjà prévue par la loi. La charte garantit ainsi le principe de la
légalité des peines ainsi que le principe de la non rétroactivité de la loi pénale. La
charte ne prévoit pas cependant le cas de la peine la plus douce.

 La liberté de conscience et de religion : (Article 8 de la charte)


Dana son article 8, la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples
garantit la liberté de conscience, la profession et la pratique libre de la religion. La
charte interdit en outre d’exercer la contrainte sur une personne pour réduire la
manifestation de sa liberté religieuse sauf si les nécessité d’ordre public l’exigent.

 La liberté de circulation : (Article 12 de la charte)


La charte africaine des droits de l’Homme et des peuples garantit dans son
article 12 le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un
Etat à condition de se conformer aux règles prévues par la loi.
Toute personne a aussi le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de
revenir dans son pays. Ce droit reste cependant limité par les nécessités de protéger
la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques.
Dans la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, la liberté de
circulation englobe le droit pour toute personne, en cas de persécution, de
rechercher et de recevoir asile en territoire étranger conformément à la loi de
chaque pays et aux conventions internationales. Tenant compte de la spécificité de
45
la région africaine multiethnique, la charte africaine des droits de l’Homme et des
peuples a interdit l’expulsion collective d’étranger, c’est-à-dire l’expulsion qui vise
globalement des groupes raciaux ou ethniques ou religieux.

 Les droits divers :


La charte africaine des droits de l’Homme et des peuples prévoit plusieurs
autres droits civils et politiques tels que :
 La liberté d’opinion et d’expression (article 9)
 La liberté d’association (article 10)
 La liberté de réunion (article 11)
 Les libertés politiques (article 13)

L’article 2 de la charte prévoit enfin que toute personne a le droit de jouir des
droits et libertés que la charte reconnaît sans distinction de race, d’ethnie, de
couleur, de religion, d’opinion ou de toute autre distinction. Le bénéfice de ces
droits doit donc se faire sur la base de l’égalité entre tous les africains.

CHAPITRE 2
Les droits économiques, sociaux et culturels

Ce sont les droits de la deuxième génération. Ces droits sont aussi appelés les
droits-créance, c’est-à-dire des droits qui appellent une action positive de la part de
l’Etat pour permettre leur mise en œuvre et leur exercice. Le principal de ces droits
figure dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels du 16 décembre 1966, entré en vigueur le 3 janvier 1976. La Tunisie a

46
adhéré à ce Pacte par la loi n° 68-30 du 29 novembre 1968.
Dans son alinéa 2, le Pacte prévoit que « chacun des Etats parties au présent
Pacte s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la
coopération internationale, notamment sur les plans économique et technique, au
maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein
exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés,
y compris en particulier l’adoption des mesures législatives ».
Par cette énonciation qui préfigure les droits économiques et sociaux qu’il est
censé garantir, le Pacte limite déjà considérablement la portée des garanties qu’il va
comporter en matière de droits économiques et sociaux. L’application et la garantie
de ces droits sont en effet déjà liées aux moyens dont disposeraient les Etats ;
moyens qui proviennent de leurs ressources propres ou des fonds internationaux
dans le cadre de l’assistance fournie par des Etats voisins ou par des organisations
internationales. De plus, l’application de ces droits est déjà annoncée comme
pouvant être progressive, ce qui laisse aux pouvoirs publics, à l’intérieur des Etats,
une grande marge de manœuvre.
Contrairement au Pacte international des droits civils et politiques, le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels n’a pas distingué
entre les droits intangibles en période normale et ceux intangibles en période
exceptionnelle. L’article 5 du pacte prévoit cependant qu’aucune disposition de ce
Pacte ne peut être interprétée comme donnant à un Etat ou à un individu le droit de
se livrer à une activité ou d’accomplir un acte qui vise la destruction des droits et
libertés reconnus dans ce Pacte ou de prévoir des limitations plus larges.
En outre, comme pour la Pacte international des droits civils et politiques, le
premier droit reconnu par la Pacte international des droits économiques, sociaux et
culturels est le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le premier article du
Pacte prévoit en effet que tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes.

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En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent
librement leur développement économique, social et culturel. Pour atteindre ces
fins, le Pacte prévoit que tous les peuples peuvent disposer librement de leurs
richesses et de leurs ressources naturelles. En aucun cas le peuple ne pourra être
privé de ses propres moyens de subsistance.
Le Pacte s’attache par la suite à dénombrer les droits économiques sociaux et
culturels reconnus aux êtres humains. Ce sont :

1- le droit au travail (Articles 6 et 7 du Pacte)


Le premier des droits économiques et sociaux reconnus dans le Pacte est le
droit au travail. L’article 6 du Pacte prévoit en effet que les Etats parties au présent
Pacte reconnaissent le droit au travail qui comprend le droit qu’a toute personne
d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté,
et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit.
Le même article précise que les mesures qui doivent être prises par les Etats
doivent inclure l’orientation et la formation techniques et professionnelles,
l’élaboration de programmes, de politiques et de techniques propres à assurer un
développement économique, social et culturel constant et un plein emploi productif
dans des conditions qui sauvegardent aux individus la jouissance des libertés
politiques et économiques fondamentales.
Dans le même cadre, l’article 7 porte sur la reconnaissance du droit pour
toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables qui assurent
notamment :
a) une rémunération pouvant permettre à tous les travailleurs sans distinction
de race ou de couleur ou de langue ou de religion ou d’opinion politique et sans
distinction entre homme et femme ou toute autre distinction:
- Un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail à valeur

48
égale. A cet égard, les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de
travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les
hommes et recevoir la même rémunération qu’eux pour le même travail.
- Une existence décente pour eux et pour leurs familles.

b) La sécurité et l’hygiène du travail. L’article 7 reconnaît en effet à toute


personne le droit de jouir de conditions de travail qui leurs assurent la sécurité et
l’hygiène du travail.
c) La même possibilité pour tous d’être promus dans leur travail à la
catégorie supérieure appropriée sans autre considération que la durée des services
accomplis et des aptitudes.
d) Les repos, les loisirs, une limitation raisonnable de la durée du travail, le
droit à des congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés.

2- les droits syndicaux (Article 8 du pacte)


L’article 8 du Pacte international des droits économiques sociaux et culturels
s’attache à assurer les droits syndicaux à commencer par :
 Le droit de former des syndicats ou de s’affilier au syndicat de son
choix, tout en tenant compte des règles fixées par l’organisation
syndicale elle-même et ce dans le but de favoriser et de protéger ses
intérêts économiques et sociaux.
 Le droit pour les syndicats de former des fédérations ou des
confédérations nationales ainsi que le droit pour ces fédérations ou
confédérations nationales de former des organisations syndicales
internationales ou de s’y affilier.
 Le droit à la liberté syndicale c’est-à-dire, le droit accordé aux
syndicats pour exercer librement leur activité.
49
 Le droit de grève est également reconnu dans ce même article qui
prévoit que « les Etats parties au présent Pacte s’engagent à
assurer le droit de grève, exercé conformément aux lois de chaque
pays ».

Le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels autorise


lui-même quelques limitations à certains de ces droits. Ainsi, il est prévu que
l’exercice du droit de former des syndicats et du droit à la liberté syndicale ne peut
faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui constituent « des
mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité
nationale ou de l’ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d’autrui ».
Les limitations prévues par les lois des Etats parties au Pacte ne les autorisent
cependant pas à violer ou à porter atteinte à la liberté syndicale et à la protection du
droit syndical qui figurent dans la Convention de 1948 relative à l’Organisation
Internationale de Travail (l’OIT).
En matière de droits syndicaux, on peut également noter plusieurs autres
conventions telles que la Convention concernant la liberté syndicale et la protection
du droit syndical adoptée dans le cadre de l’OIT le 9 juillet 1948, ainsi que la
Convention concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession
adoptée dans le cadre de l’OIT le 25 juin 1958. Ces deux conventions ont été
ratifiées par la Tunisie

3- le droit à la sécurité sociale (Articles 9 et 10 du Pacte)


Dans son article 9, le Pacte garantit le droit à la sécurité sociale en affirmant
que « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à
la sécurité sociale, y compris les assurances sociales ». Le droit à la sécurité
sociale est considéré en effet comme un moyen de protection et d’assistance aux
50
travailleurs et à leurs familles. Le système de la sécurité sociale est ainsi considéré
comme un moyen qui vise à aider les personnes qui vivent des situations
particulières telles que les maladies par exemple, ou la vieillesse ou la charge de
personnes âgées ou malades ou handicapées dans la famille.
Dans ce cadre, l’article 10 du Pacte prévoit que les Etats parties au présent
Pacte reconnaissent que :
a) Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être
accordés à la famille, qui est l’élément naturel et fondamental de la société, en
particulier pour sa formation et aussi longtemps qu’elle a la responsabilité de
l’entretien et de l’éducation d’enfants à charge.
b) Une protection spéciale doit être accordée aux mères pendant une période
de temps raisonnable avant et après la naissance des enfants. Les mères salariées
doivent bénéficier pendant cette période d’un congé payé ou d’un congé
accompagné de prestations de sécurité sociales adéquates.
c) Des mesures spéciales de protection et d’assistance doivent être prises en
faveur de tous les enfants et adolescents, sans aucune discrimination. Les enfants et
adolescents doivent être protégés contre toute forme d’exploitation économique et
sociale. Ils ne doivent pas être employé pour des travaux qui peuvent porter atteinte
à leur moralité ou à leur santé ou dangereux pour leur vie ou leur santé. En plus, les
enfants ne peuvent pas travailler en dessous d’un âge déterminé (cet âge est
généralement fixé à 15 ans).

4- Le droit à un niveau de vie suffisant : (Article 11 du Pacte)


Le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels garantit
dans son article 11 le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour
elle-même et pour sa famille y compris une nourriture, un vêtement et un logement
ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence.

51
Le même article prévoit également que les Etats parties au présent Pacte
reconnaissent le droit de toute personne d’être à l’abri de la faim. Pour atteindre ce
but, les Etats doivent adopter les mesures nécessaires pour améliorer les
méthodes de production, de conservation et de distribution des produits
alimentaires par la pleine utilisation des connaissances techniques et scientifiques,
par la diffusion des principes d’éducation nutritionnelle et par le développement
des régimes agraires ‫ األنظمة الزراعيّة‬pour assurer au mieux l’utilisation des
ressources naturelles.

5- le droit à la santé : (Article 12 du pacte)


Dans son article 12, la Pacte international des droits économiques, sociaux et
culturels prévoit que les Etats qui sont parties au Pacte reconnaissent le droit pour
toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit
capable d’atteindre. Pour assurer le plein exercice de ce droit, les Etats doivent
prendre les mesures nécessaires pour assurer :
 la diminution de la mortalité et de la mortalité infantile ainsi que le
bon développement de l’enfant.
 L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de
l’hygiène industrielle.
 La protection contre les maladies épidémiques ‫األوبئة‬, les maladies
endémiques, les maladies professionnelles ainsi que toute autre
maladie et le traitement ainsi que la lutte contre ces maladies.
 La création de conditions propres à assurer à tous les individus, les
services médicaux nécessaires ainsi qu’une aide médicale en cas de
maladie.

6- Le droit à l’éducation et à l’enseignement : (Article 13 du Pacte).


52
Dans son article 16, le Pacte international des droits économiques, sociaux et
culturels garantit le droit de tous à l’éducation. L’éducation doit en effet viser selon
ce Pacte au plein épanouissement de la personnalité humaine et au respect de sa
dignité ainsi qu’au respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
L’éducation doit en plus selon ce Pacte mettre toute personne en mesure de jouer
un rôle utile dans une société libre et favoriser la compréhension et la tolérance
entre toutes les nations et tous les groupes ethniques ‫المجموعات القبليّة‬, raciaux
‫ المجموعات العرقيّة‬ou religieux.
En plus, et dans le but d’assurer le plein exercice de ce droit :
 L’enseignement primaire doit être obligatoire, accessible et gratuit
pour tous.
 L’enseignement secondaire, sous toutes ses formes, y compris
l’enseignement techniques et professionnel, doit être généralisé et
rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés notamment
par sa gratuité.
 L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous sur la
base du principe d’égalité. L’accès à cet enseignement doit
dépendre des capacités de chacun. L’accessibilité à l’enseignement
supérieur doit être favorisée par tous les moyens appropriés et
notamment par l’instauration progressive de la gratuité.
 L’éducation de base doit être encouragée ou intensifiée autant que
possible et ce pour les personnes qui n’ont pas reçu d’instruction
primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme.
 Il faut établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon
continue les conditions matérielles du personnel enseignant.

Le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels garantit


53
également la liberté des parents ou des tuteurs légaux ‫ القائمون بالكفالة‬de choisir pour
leurs enfants des établissements autres que les établissements publics à condition
que ces établissements soient conforment aux normes minimales prescrites ou
approuvées par l’Etat en matière d’éducation. Le Pacte garantit aussi la liberté des
parents de faire assurer l’éducation morale et religieuse de leurs enfants
conformément à leurs propres convictions.

7- Les droits culturels : (Article 15 du pacte)


Le Pacte garantit dans son article 15 certains droits culturels. Il s’agit des
droits suivants :
 Le droit pour chaque individu de participer à la vie culturelle.
 Le droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications.
 Le droit pour toute personne de bénéficier de la protection des intérêts
moraux et matériels ‫ المصالح الما ّديّة و األدبيّة‬découlant de toute production
scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.

Le Pacte prévoit enfin dans ce cadre, que les Etats parties au Pacte
s’engagent à prendre les mesures nécessaires pour assurer le développement et la
diffusion de la science et de la culture. Ils s’engagent également à respecter la
liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices.

(Les droits économiques, sociaux et culturels prévus par la Charte africaine


des droits de l’Homme et des peuples adoptée le 27 juin 1981)
La charte africaine garantit le droit au travail dans son article 14. Cet article
prévoit que toute personne a le droit de travailler dans des conditions équitables et
satisfaisantes et de percevoir un salaire égal pour un travail égal.
La charte garantit également le droit à la santé dans son article 15 qui dispose

54
que toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale
qu’elle soit capable d’atteindre. Le même article impose aux Etats parties à la
charte de prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs
populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie.
Quant à l’article 17 de la charte il garantit le droit de toute personne à
l’éducation et le droit de toute personne à prendre part librement à la vie culturelle
de la communauté. En plus, la promotion et la protection de la morale et des
valeurs traditionnelles reconnues par la communauté constituent selon la charte un
devoir de l’Etat dans le cadre de la sauvegarde des droits de l’Homme.

CHAPITRE 3 :
Les droits de la solidarité

Plusieurs auteurs contestent aujourd’hui que les droits de la solidarité soient


une troisième génération de droits de l’Homme. Ils pensent en effet que, s’il est
vrai que les droits de l’Homme de la première et de la deuxième génération n’ont
de sens que s’ils peuvent profiter à tous et que les exigences de paix, de
développement durable et de respect de l’environnement sont nécessaires
aujourd’hui, notamment pour les peuples qui sont victimes des guerres ou des
catastrophes écologiques, l’importance de ces droits (c’est-à-dire les droits de la
solidarité) n’en fait pas forcément une nouvelle génération de droits de l’Homme.
Ces droits sont, pour ces auteurs, qualifiés de « faux » ou de « pseudo »
droits de l’Homme et ce en raison de l’imprécision de leur bénéficiaire (la
collectivité en tout et non l’Homme lui-même) et de leur débiteur (la communauté
internationale ou chaque Etat individuellement ?).
Ces opinions seraient confortées par l’absence à ce jour d’un texte juridique

55
clair et définitif, tel qu’une convention internationale générale et complète, qui
précise ces droits et prévoit les obligations que les Etats doivent respecter. On ne
dispose que d’un projet de Pacte des droits de la troisième génération qui est encore
au stade préparatoire, outre quelques textes généraux qui manquent de précision et
parfois même d’obligatoriété.

 Le droit à la paix :

Ce droit trouve sa base dans la nécessité pour tous les peuples du monde de
ne pas avoir à subir une guerre qui les prive de leur vie. Une reconnaissance
implicite de ce droit se retrouve dans la reconnaissance dans le Pacte international
des droits civils et politiques du droit à la vie pour tous. Elle se retrouve également
de manière tout aussi implicite dans l’article 20 du même Pacte qui prévoit que
« toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi ».
De manière un peu plus claire, ce droit se retrouve dans la Charte des
Nations Unies qui prévoit dans son 1er article que le but de l’organisation est de
maintenir la paix et la sécurité internationale et de prévenir ou d’écarter toute
menace à la paix internationale. L’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté
plusieurs résolutions relatives au droit à la paix qui, bien qu’elles soient dépourvues
de caractère obligatoire, reconnaissent l’existence d’un droit à la paix. La plus
importante serait la résolution 39/11 du 12 décembre 1984 portant déclaration sur
le droit des peuples à la paix.
Dans cette résolution, l’Assemblée proclame « solennellement que les
peuples de la terre ont un droit sacré à la paix ». L’Assemblée souligne que
l’exercice de ce droit implique que la politique des Etats « tende à l’élimination des
menaces de guerre, surtout des guerres nucléaires, à l’abandon du recours à la

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force dans les relations internationales et au règlement pacifique des différends
internationaux sur la base de la charte des Nations Unies ».

 Le droit à l’environnement :
C’est le droit de la troisième génération le mieux établi et qui se trouve
difficilement contesté. La nécessité de ce droit a été observée suite aux dangers
qu’une mauvaise gestion des ressources naturelles pouvait provoquer. Ce droit se
trouve notamment consacré dans certaines conventions bilatérales ou multilatérales
en plus des déclarations des conférences internationales organisées autours des
questions environnementales.
La conférence internationale sur l’environnement organisée à Stockholm par
les Nations Unies et ce en 1972 est l’une des plus importantes en la matière. La
déclaration qui a fait suite à cette conférence a prévu dans son dernier article que
« les ressources naturelles de la terre, y compris l’air, l’eau, la terre, la flore, la
faune, et surtout les zones représentatives des éco-systèmes naturels, doivent être
préservés pour les générations présentes et à venir ».

 Le droit au développement :
Ce droit a commencé par être consacré au plan interne avant de trouver une
certaine consécration au plan international. Il se rapproche en effet des droits
économiques et sociaux puisqu’il consacre le droit au développement de la
personne humaine. C’est pour cette raison qu’il a commencé par être consacré
notamment dans les constitutions des Etats à aspiration socialiste tels que la France
en 1848 ou l’URSS en 1977.
On peut retrouver une définition de ce droit dans la résolution de
l’Assemblée Générale des Nations Unies n°41/128 du 4 décembre 1986 qui prévoit
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dans son article 1er que le droit au développement est un droit inaliénable de
l’Homme en vertu duquel « toute personne humaine et tous les peuples ont le droit
de participer et de contribuer à un développement économique, social, culturel et
politique dans lequel tous les droits de l’Homme et toutes les libertés
fondamentales puissent être pleinement réalisés et de bénéficier de ce
développement ».

 Le droit au patrimoine commun de

l’humanité :

La notion de patrimoine commun de l’humanité est encore assez floue


aujourd’hui. Ceci dit, cette notion semble englober aujourd’hui trois types de
patrimoines : le patrimoine commun spatial, le patrimoine commun maritime et le
patrimoine commun culturel.
Le patrimoine commun spatial a été mis en relief suite aux développements
technologiques importants enregistrés depuis la deuxième moitié du 20 éme siècle.
Les Nations Unies ont à cet égard fortement contribué à l’installation de ce droit.
Un traité élaboré en 1967 suite à une résolution de l’Assemblée Générale, a
porté sur les principes régissant les activités des Etats en matière d’exploration et
d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique y compris la lune et les autres corps
célestes. Ce traité reconnaît « l’intérêt de toute l’humanité dans le progrès de
l’exploration et dans l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins
pacifiques ». Il estime que l’exploration et l’utilisation de l’espace
extra-atmosphérique doivent être entreprises pour le bien de tous les peuples quel
que soit leur niveau de développement économique et scientifique. Le traité précise
en outre que l’espace extra-atmosphérique ne peut être l’objet d’aucune
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appropriation nationale de quelque manière que ce soit. Ce traité sera complété par
l’accord du 18 décembre 1979 régissant les activités des Etats sur la lune et autres
corps célestes.
La protection d’un patrimoine commun maritime trouve son origine dans le
fait que pendant longtemps, les richesses maritimes n’étaient accessibles qu’aux
pays techniquement avancés. On a ainsi envisagé d’établir un système plus juste
pouvant permettre l’accès de tous aux richesses de la mer. Le droit au patrimoine
commun maritime se trouve consacré dans la Convention des Nations Unies sur le
Droit de la mer du 10 décembre 1982. L’article 136 de la convention prévoit que
les fonds des mers et des océans ainsi que leur sous-sol et les ressources de la zone
internationale appartiennent au patrimoine commun de l’humanité.
Enfin, le patrimoine commun naturel et culturel porte sur les biens naturels
ou culturels qui ont une valeur esthétique ou scientifique exceptionnelle et qui
méritent, pour cette raison, une protection de la part de la communauté
internationale. A cet égard, une convention a été conclue sous l’égide des Nations
Unies le 23 novembre 1972 relativement à la protection du patrimoine mondial
naturel et culturel. Les Etats parties à la convention s’engagent à s’abstenir de
prendre des mesures qui porteraient atteinte aux monuments ou biens faisant partie
de ce patrimoine.

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