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Ingénierie Juridique- L 1-SEMESTRE 2

Système politique sénégalais. (2019/2020)

CHAPITRE INTRODUCTIF
L’expression système politique désigne « un mode de représentation conceptuel des
interactions politiques des institutions qui, dans un pays donné, détermine les décisions
auxquelles se soumettent la plupart des personnes ou entité collectives incluses dans ce
pays ou ce cadre ( 1). Le système politique se trouve ainsi englobé dans un ensemble
social avec lequel entretient des rapports. Il repose sur des interactions. C’est en cela
que le SP diffère du RP qui est un ensemble coordonné d’institutions qui sont
généralement prévues par la constitution. Une distinction entre ces concepts très voisins
s’impose.

Même si l’on a tendance à confondre les deux notions, il existe bel et bien une différence
(certains disent même une opposition, voir Elhaji Mbodji, cours de système politique)
entre système politique et régime politique. Cette différence se note aussi bien au niveau
de leurs sphères d’actions respectives qu’au niveau des interactions avec
l’environnement et même des approches méthodologiques.

1. Différence au niveau des sphères d’action :

La principale différence entre système et régime politique réside dans le fait que le
système est plus large que le régime.

Le système politique est ouvert sur son environnement.

Son étude intègre toutes les institutions constitutionnelles comme non


constitutionnelles. En effet, il existe des institutions qui, bien que n’étant pas prévues
par la constitution, occupe une place fondamentale et exerce une influence considérable
sur le fonctionnement du régime. Il en est ainsi des autorités administratives
indépendantes, des Syndicats, des groupes de pressions…..

1
G. Hermet et autres, Dictionnaire de la science politique, Paris, Armand Collin 1994, P263.
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Le régime politique se limite quant à lui à l’encadrement formel du jeu politique. C’est un
ensemble coordonné d’institutions qui sont généralement prévues par la constitution. Il
relève donc du continent. C’est pourquoi à chaque régime correspond une constitution.
La constitution détermine la philosophie du régime, institue les organes de l’Etat,
aménage leurs rapports ainsi que les relations entre gouvernants et gouvernés. C’est
donc le régime qui permet de rendre compte de la manière spécifique dont sont
organisés les pouvoirs publics.

Les règles constitutionnelles qui déterminent un RP ont une double contingence spatiale
d’une part (le régime politique sénégalais est à distinguer des RP français, américain ou
burkinabé) ; temporelle d’autre part en ce sens qu’un Etat peut, dans son histoire, avoir
expérimenté plusieurs types de régimes (le Sénégal a connu plusieurs types de régimes
politiques de 1960 à nos jours).

Un changement de régime implique nécessairement un changement ou tout au moins


une révision en profondeur de la constitution. Cependant un changement de constitution
n’induit pas forcément un changement de régime.

En tout état de cause, une constitution permet, à partir de sa seule lecture de préciser la
nature d’un régime politique mais elle ne renseigne pas suffisamment sur la nature du
système politique en place.

2. Différence au niveau de la nature des influences de l’environnement.

Fondé sur un environnement constitutionnel, le régime politique peut être ouvert ou


fermé à son environnement. Cette autonomie trouve son fondement dans la constitution
qui est une simple traduction institutionnelle de l’idéologie de ceux qui sont aux
commandes de l’appareil d’Etat.

Ainsi, un régime politique peut être articulé autour de l’idéologie marxiste ou libérale en
faisant abstraction des valeurs culturelles dominantes dans la société.

Le sp est en revanche ouvert sur son environnement. Son autonomie vis-à-vis du


système social est moindre par rapport à celle dont jouit le régime vis-à-vis de la société.

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3. Différence au niveau des approches méthodologiques.

Cette différence résulte de la prise de conscience du décalage entre l’aménagement


juridique de l’exercice du pouvoir et la réalité.

Fondé sur un ordonnancement constitutionnel, le RP correspond à l’exclusivisme


juridique à la différence du SP dont l’approche englobe les aspects sociologiques,
philosophiques ou autres qui se situent au-delà du droit.

Le système politique envisage les phénomènes politiques dans une perspective


dynamique. En revanche, dans le régime politique, les relations sont préalables et
forgées par les normes constitutionnelles.

Ainsi, le système politique est l’objet d’étude des politistes (politologues) tandis que le
régime politique, l’objet d’étude des juristes.

NB : au départ, bien que les enseignements de droit constitutionnel et de sciences


politiques fussent distingués, le droit constitutionnel reposait sur les mêmes méthodes
d’analyse et conserver globalement le même objet que celui de la science politique : il
s’agissait d’analyser le comportement des acteurs politiques, d’étudier le
fonctionnement des institutions dans le but de comprendre comment « s’acquiert, se
transmet et s’exerce le pouvoir politique » G. Burdeau.

Plus récemment le droit constitutionnel a été envisagé non plus comme l’étude des faits
politiques, mais plutôt comme l’analyse des normes juridiques garanties par des juges.
Cette évolution est due à plusieurs facteurs :

 Les constitutions sont apparues comme rempart contre l’arbitraire du pouvoir


politique.
 Au sein du pouvoir politique, c’est le pouvoir législatif qui est lié par le respect de la
constitution.

Mais il convient de signaler que le droit constitutionnel moderne se différencie de la


science politique. Il inclut désormais l’étude de la garantie des droits fondamentaux.

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Le cours de SPS figure au programme des étudiants de la première année en IJ à côté du


cours de droit constitutionnel.

Ce cours, en dépit de toutes les différences précédemment étudiées, comporte une


dimension largement constitutionnelle à travers l’étude de l’environnement
constitutionnel du SP. Il s’agit d’amener les futurs juristes à bien intégrer dans leur
culture juridique les normes fondamentales organisant le pouvoir politique Sénégalais.
Cela fait d’ailleurs que le cours porte sur le régime et non sur le système. La dimension
science politique apparait cependant à deux niveaux : d’abord, il ne saurait être question
de se limiter à l’exégèse des textes constitutionnels mais à l’analyse de la pratique
politique et à l’étude des phénomènes pas toujours formels. Il en est ainsi de l’étude des
avatars des différents RP de l’histoire constitutionnelle du Sénégal.

Ensuite, le deuxième titre du cours, consacré à l’étude des fondements démocratiques du


RP Sénégalais, comporte l’analyse d’éléments ou de phénomènes qui dépassent le droit
constitutionnel. Il en est ainsi de l’étude de l’origine des partis politiques, de leur nature,
de leur typologie et de leur influence sur le jeu institutionnel contemporain.

En tout état de cause, il est attendu de l’étudiant qu’il puisse maitriser l’histoire
constitutionnelle du Sénégal. Celle-ci doit être étudiée à partir des repères suivants :

- L’autonomie interne ;
- Le système constitutionnel actuel : les principes fondamentaux ; la répartition
des pouvoirs…
- Les forces politiques et le jeu politiques : les partis politiques, les syndicats, les
forces religieuses.

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PREMIERE PARTIE : ENVIRONNEMENT CONSTITUTIONNEL


DU SYSTEME POLITIQUE SENEGALAIS.
Le SP actuel est l’aboutissement d’une longue évolution qui s’explique par la recherche
continue d’un modèle constitutionnel adapté à l’environnement socioculturel et
l’adhésion sans cesse renouvelée de la République du Sénégal aux principes
traditionnels de la démocratie libérale.

Il s’avère alors nécessaire de retracer cet évolution constitutionnelle pour mieux cerner
les fondements démocratiques et les contours du RP.

Chapitre 1 : L’EVOLUTION CONSTITUTIONNELLE DU SENEGAL : DE


L’AUTONOMIE INTERNE A L’INDEPENDANCE.
A partir de l’année 1954, de nombreux évènements vont produire dans les colonies un
déclic psychologique obligeant l’autorité coloniale à reconsidérer ces rapports avec les
territoires d’outre-mer. Parmi ces évènements, on peut retenir :

- La défaite des français en 1954 à Dien Bien Phu ( au vietnam)


- Le début de la guerre d’algérie en 1955 ;
- La conférence de Bandoeng de 1955 lors de laquelle des Etats africains et
asiatiques ont ouvertement réclamé l’indépendance des colonies ;
- L’indépendance du Maroc et de la Tunisie en 1956 et du Ghana en 1957 ;

Ces évènements créeront une atmosphère anti colonialiste obligeant la France à initier
des changements importants qui vont sonner la fin de la colonisation. La loi cadre du 23
juin 1956 fut le premier jalon posé.

La loi initiée par le ministre français chargé des affaires d’outre-mer Gaston Deferre et
votée le 23 Juin 1956 a apporté un changement au niveau du statut des territoires
d’outre-mer. En fait, la loi permettait au gouvernement de modifier par décret le statut
des colonies.

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La loi cadre va conférer à ces colonies un statut semi-autonome. Il y eut dans chaque
territoire une assemblée territoriale (parlement local). L’avènement du suffrage
universel pour les hommes et pour les femmes était une innovation importante. Il en est
de même de l’institution, pour les élections, du collège unique (abandon du double
collège avec la distinction des citoyens et des sujets français) et de la création des
conseils du gouvernement. S’agissant de la colonie du Sénégal, elle a bénéficié d’une
autonomie lui permettant de prendre en charge les affaires locales.

Les élections furent organiser au Sénégal le 15 Mars 1957 sur le fondement de la loi
cadre.

La loi cadre a certes apporté des innovations institutionnelles allant dans le sens de
l’autonomie des colonies mais elle n’a pas satisfait de façon optimale à l’exigence de
reconsidération des rapports entre la France et ces colonies, exigence nait des
évènements post 1956. Elle a d’ailleurs été appréciée différemment en Afrique. Si pour
certains, la loi cadre devrait permettre aux colonies d’exister comme entité juridique
devant évoluer vers l’indépendance (position de Houphouët Boigny), pour d’autres, elle
ouvrait la voie à la balkanisation de l’Afrique (position de Léopold Sédar Senghor pour
qui une fédération avec la France est préférable).

En tout état de cause, la métropole était dans l’obligation de franchir une nouvelle étape,
la loi cadre étant dépassée, avec l’adoption de la constitution française du 4 Octobre
1958.

L’idée de mettre en place une nouvelle constitution a été émise au lendemain du retour
au pouvoir du Général De Gaulle. Le comité consultatif constitutionnel mis en place pour
rédiger la constitution avait reçu mission de créer les conditions de mise en œuvre de
cinq principes fondamentaux :

- Le suffrage universel comme source du pouvoir ;

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- La responsabilité du gouvernement devant le parlement


- L’indépendance de l’autorité judiciaire
- La définition des droits de l’homme
- L’aménagement des rapports entre la France et les peuples qui lui sont associés.

C’est conformément à ce dernier principe que la communauté franco-africaine a été


créée et organisée par le titre XII de la Constitution du 4 Octobre 1958 (art. 77 à 87).

Le projet de Constitution fut présenté par le Général De Gaulle lui-même à Dakar. Il fut
demandé à la population un vote massif en sa faveur ; ce qui fut fait lors du référendum
du 28 Septembre 1958. Le 15 Novembre 1958, l’Assemblée territoriale adopta une
résolution établissant la République du Sénégal qui devenait ainsi un Etat membre de la
communauté. L’Etat du Sénégal était formellement créé mais il ne disposait pas de
toutes les compétences internes et internationales d’un Etat ; certaines d’entre elles
étaient réservées à la communauté.

La communauté comportait quatre organes principaux : la présidence, le conseil


exécutif, le Sénat et la cour arbitrale.

- Le président de la République française était, constitutionnellement, le Président


de la Communauté. Il était élu par un collège électoral métropolitain et par un
collège électoral d’Outre-Mer dans lequel se retrouvaient les députés et
sénateurs, les membres des assemblées territoriales et provinciales, les
représentants des communes et des collectivités rurales.
- Le conseil exécutif était composé des chefs de gouvernement des Etats membres
de la communauté et des ministres des ‘‘affaires communes’’ (qui furent tous des
ministres français). Le conseil était présidé par le Président de la communauté.
Aux termes de l’article 82 de la constitution, « le conseil exécutif de la
communauté organise la coopération des membres de la communauté sur le plan
gouvernemental et administratif ».
- Le sénat de la communauté est un organe consultatif composé de délégués
français aux 2/3 et de délégués africains. Les uns et les autres étaient élus par
leurs Parlement respectifs. Le sénat est consulté dans certains domaines de
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compétence de la communauté comme par exemple, les affaires communes (la


politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique des matières premières,
l’enseignement supérieur, le contrôle de la justice), l’engagement de la communauté
à travers les traités et accords internationaux. Le sénat ne peut être consulté que par
le Président de la communauté.

- La nature des relations entre la communauté et les Etats membres renvoyait


l’image d’une institution fédérale avec un pouvoir d’auto organisation laissée aux
entités composante sous la surveillance de l’autorité centrale. Elle s’éloignait,
c’est vraie, de l’institution fédérale par la liberté laissée aux Etats associés de
demeurer dans la communauté ou de prendre leur indépendance après une
résolution de l’assemblée législative confirmée par un référendum local (art. 86).
Cette prérogative fut utilisée par la Guinée. Elle s’éloignait également de
l’institution fédérale par l’inexistence d’un Etat fédéral avec un partage des
compétences entre l’entité fédérale et les entités fédérées. La France conservait le
monopole des affaires communes qui sont les plus importantes. Elles concernent
la politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et
financière commune, la politique des matières premières stratégiques, le contrôle
de la justice, l’enseignement supérieur, les transports extérieurs et commun, les
télécommunications.

C’est la république française qui dirigeait ces affaires communes par l’intermédiaire du
Président de la Communauté et des Ministres français qui en étaient chargés.

Les Etats membres de la communauté ont vite compris qu’ils avaient certes acquis le
Statut d’Etat2 mais qu’il leur manquait la souveraineté.

La communauté se révéla alors comme une simple étape vers l’indépendance.

2
La constitution de 1958 permettait aux différentes composantes de l a communauté de se doter de leurs
propres institutions politiques. C’est sur cette base que le Sénégal adopta la constitution du 24 Janvier 1959 ;
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L’intention d’accéder à l’indépendance était certes manifeste mais les dirigeants


sénégalais, hostiles à la balkanisation de l’Afrique de l’Ouest, étaient très attachés à la
tradition fédérale.

Le Sénégal va finalement constituer avec l’ancien soudan français, la fédération du Mali.

En janvier 1959, les délégués du Sénégal, du Soudan, du Dahomey et de la Haute Volta


réunis à Dakar, prirent la décision de concrétiser l’idée d’une fédération primaire intra-
communautaire.

Le projet de constitution adopté à cette occasion fut immédiatement ratifié par le


Sénégal le 22 Janvier 1959. La haute Volta et le Dahomey firent défection. Ils ne
deviendront jamais membres de la Fédération du Mali.

Dans cette fédération, le Sénégal avait sa propre constitution celle du 24 Janvier 1959,
mais il n’était pas une entité souveraine au plan international.

En fait, le Sénégal n’a fait qu’user d’une faculté ouverte par la constitution française.
Trois statuts étaient proposés aux T.O.M, soit demeuré T.O.M, soit opter pour le D.O.M
(Département d’Outre-Mer) ou enfin, devenir Etat membre de la communauté franco
africaine. Le Sénégal à coté de 12 autres Territoires africains, choisit de devenir Etat
membres de la communauté.

En Septembre 1959, les dirigeants de la Fédération firent connaitre leur décision


d’accéder à l’indépendance en application de l’article 78 de la constitution du 4 Octobre
1958.

Le 13 Septembre 1959 à St Louis du Sénégal, le Général De Gaulle marque son accord


pour l’accession des Etats membres de la Fédération à la souveraineté internationale.

Le 4 Avril 1960 fut signé un accord de transfert des compétences entre le gouvernement
de la République française et les gouvernements du Sénégal et du Soudan. Le 20 Juin
1960, la Fédération demanda et obtint son indépendance. Mais les nouvelles institutions

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n’étaient pas encore mises en place que le 20 Aout 1960, la Fédération éclatait. En fait,
c’est le Sénégal qui s’est retiré unilatéralement de la Fédération pour proclamer son
indépendance.

Outre les causes de nature politique, l’éclatement trouvait des facteurs explicatifs à
travers des raisons d’ordre technique qui se résument dans la difficulté de faire vivre
une Fédération à deux membres surtout quand il y a une imprécision au niveau des
prérogatives des organes fédéraux.

En tout état de cause, la nomination du chef d’état-major, la proclamation d’un ¨état


d’urgence¨ jugé illégal et la destitution de M. Mamadou DIA, Vice-président du
gouvernement fédéral, par le Président Modibo KEITA ont confirmé les dirigeants
sénégalais dans leur conviction que cette Fédération n’était pas viable.

L’assemblée législative du Sénégal vota alors une loi proclamant l’indépendance du


Sénégal. Une nouvelle constitution fut promulguée le 26 Août 1960 et publiée le 31 Août,
inaugurant la 1ère République du Sénégal indépendant, une république parlementaire.

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