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COURS 06 : La boite à outil de l’auditeur

L’objet de ce cours est de présenter :

- Le plan d’audit.
- L’interview et l’interrogatoire.
- Diagramme, organigrammes, ordinogrammes.
- L’enquête d’opinion.

Nombreux sont les outils d’investigation ou de réflexion à disposition de


l’auditeur interne. Mais on constate que toute la gamme n’est pas utilisée, tant
s’en faut. Paresse de l’esprit ? Manque de temps ? Sentiment d’inutilité ?.... un
peu de tout cela sans doute.

Et pourtant nombre de ces outils gagneraient à être plus utilisés ou mieux


utilisés. Encore faut-il prendre le temps d’en maîtriser l’apprentissage et bien
savoir ce qu’on peut en attendre : connaissance et compétence sont ici
indispensables.

Plan d’audit, interview, organigrammes, piste d’audit, enquête…sont


quelques-uns parmi d’autres qui méritent un éclairage nouveau pour une
meilleure rentabilité. C’est grâce à la diversité des moyens utilisés que l’auditeur
interne percevra l’essentiel et évitera l’ennui et la routine, ces deux ennemis de
l’efficacité.

1- Le plan d’audit
« Il n’y a point de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ». cette
maxime de Sénèque nous conduit fort opportunément à nous interroger
sur le plan d’Audit : est –il nécessaire et si oui quels principes
gouvernent sa mise en œuvre ?

Mais comment définir le plan d’Audit ? Là comme ailleurs la


terminologie n’est pas encore fixée et les confusions sont fréquentes. Elaborer
un plan ce n’est pas jeter sur le papier quelques hypothèses de missions pour les
mois à venir. Il y a là toute la différence qui existe entre prévision et
planification. La planification c’est la mise en ordre de la prévision. De
surcroît un planification sur une seule année serait une mise en ordre insuffisante
pour une double raison :

1- 1- Le cycle normal des missions d’Audit n’est pas l’année. Rares sont les
missions annuelles. Donc une planification globale s’étend naturellement
sur plusieurs années.

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1-2-Planifier c’est ordonnancer et donc définir la périodicité des interventions.
Pour ce faire il faut, là aussi, envisager plusieurs années.

C’est pourquoi on réserve traditionnellement le terme de planning à


l’organisation du travail sur l’année en cours.

Cela dit un plan d’Audit est –il nécessaire ? Cette question a parfois reçu des
réponses surprenantes :

- « Non » a-t-il été répondu parce qu’un plan d’Audit ne peut être parfait,
trop complexe et avec une trop grande marge d’incertitude. Mais toute
planification comporte son lot de difficultés et les exemples sont multiples
d’activités autrement plus complexes que l’Audit interne et néanmoins
soumises à planification. Là comme ailleurs le travail des auditeurs n’est pas
toujours facile : faut-il pour autant renoncer ?

Or le plan d’Audit est indispensable pour une raison majeure qui relève de la
simple application des principes fondamentaux du contrôle interne : la
cohérence entre les moyens et les objectifs. Comment l’auditeur interne
pourrait-il s’affranchir de règles qu’il préconise dans ces recommandations

Cette cohérence est un constat de bon sens : comment définir mes moyens
(effectifs, budgets…) si je n’ai pas défini d’objectifs à atteindre ? je me
condamne à l’approximation. On sait bien que les cordonniers sont les plus mal
chaussés, mais l’auditeur interne doit-il pour autant montrer le mauvais exemple
et se condamner du même coup à n’être qu’un gestionnaire approximatif ?

Nous ne nous attarderons pas ici sur les différentes méthodes visant à
définir les objectifs en Audit interne. Il peut y en avoir plusieurs, il n’en est pas
de prééminente mais toutes se réfèrent à des principes identiques :

- Premier principe : toute activité doit être auditée. Il faut donc en établir la
liste et la tenir à jour.
- Second principe : ces activités doivent être auditées selon une périodicité
variable en fonction du risque. C’est dire que vous devez disposer d’un outil
d’analyse du risque. Toutes ces affirmations ne sont que l’expression des
normes professionnelles sur le sujet. A chacun sa méthode, l’important est
qu’il y en ait une.
- Troisième principe : quantifier chaque mission par l’estimation de la
charge de travail nécessaire pour la réaliser. La comme en bien des domaines
le difficile est de commencer car on ne dispose pas encore d’une base de
référence. Mais l’obstacle franchi la récompense est au rendez-vous : la
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totalisation annuelle de chaque estimation permet de déterminer l’effectif
nécessaire pour réaliser le programme. Je vous fais grâce des ajustements
indispensables pour éviter des variations trop brutales de la charge de travail.
L’important est qu’en sollicitant l’accord sur un plan de travail, on sollicite du
même coup l’accord sur l’effectif nécessaire pour le réaliser .

2- L’interview n’est pas interrogatoire

L’interview n’est pas un interrogatoire, ni une conversation, encore


moins un discours.

Pratiquer une interview pour l’auditeur interne un exercice difficile,


doublement difficile :

Difficile parce que l’interlocuteur, souvent de rang hiérarchie ou à tout t le


moins spécialiste reconnu – susciter une crainte révérencielle qui paralyse et
empêche d’aller à l’essentiel. Mais difficile aussi parce qu’il faut savoir
pratiquer l’art de poser des questions pour obtenir les bonnes réponses.

En dépit de ces difficultés ce ne doit pas être un interrogatoire, c’est –a –


dire le questionnement d’un procureur à un coupable, d’un policer à un voleur,
du détenteur d’une autorité à celui qui doit rendre compte. Trop souvent les
interviews se transforment en interrogatoires ; dénaturant du même coup le
processus de la mission d’audit et ruinant à jamais les espérances de coopération
fructueuse et d’entente cordiale. L’auditeur interne est quelqu’un qui, ayant
inventorié un certain nombre de questions pour lesquelles il cherche des
réponses, va trouver celui qui est à ses yeux le mieux placé pour y répondre.
Donc une interview se prépare : les questions à poser sont identifiées, mises en
ordre, et , éventuellement envoyées à l’intéressé avant la réunion afin qu’il
puisse rassembler les informations nécessaires.

Ce n’est pas davantage une conversation : on ne rencontre pas Monsieur


Dupont parce qu’il serait susceptible de donner des informations ; on le
rencontre parce que l’n souhaite lui poser des questions précises et que l’on
pense qu’il en possède la réponse. Cela dit, faut-il s’interdire de glaner des
informations qui peuvent être utiles et dont l’ignorance nous interdit de les
solliciter ? Certes non, et c’est pourquoi toute liste de questions doit se conclure
par une interrogation largement ouverte, du genre « N’y a –t-il pas un point qu’il
vous semblerait utile d’évoquer ? ». Mais vous avez bien compris que ce ne doit
être que la conclusion et non l’essentiel de l’entretien. Si ce dernier devait
d’aventure se transformer en conversation à bâtons rompus on peut être sûr que

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les considérations météorologiques et les derniers bruits de couloirs dévoreront
l’essentiel du temps disponible. Et en prime votre image de professionnel aura
été passablement écornée.

Enfin faut-il l’ajouter ?- l’interview d’audit interne ne saurait être un


discours. On connaît ces journalistes de télévision qui en lieu de questions font
d’interminable discours, soucieux qu’ils sont d’occuper l’antenne et de se faire
entendre. Ils ont oublié les conseils des anciens : « je me suis souvent repenti
d’avoir parlé jamais de m’être tu » disait Philippe de Commynes. L’auditeur
interne ne pose que des questions simples et concises pour obtenir des
réponses claires et rapides. Certes la concision, recommandée par les normes,
est un art difficile mais il est indispensable de le pratiquer ou de tenter de s’en
rapprocher, ici comme en bien d’autres domaines.

Dans cette quête du savoir trois obstacles se dérouler sans difficultés,


que l’auditeur traie son interlocuteur comme un égal. Ce qui ne veut pas dire
qu’il fait pratiquer la familiarité laquelle serait d’autant plus mal reçue que,
comme déjà signalé, l’interviewé est souvent de rang hiérarchique élevé.
« Traiter comme un égal » signifie plus simplement qu’il ne doit pas y avoir de
questions interdites ou impossibles. Tout ce qui permet l’obtention du
renseignent recherché doit pouvoir être utilisé sans réserve dès l’instant que les
propos restent courtois.

Le second obstacle est lié à l’environnement. Vous avez bien compris


que questions et réponses doivent mutuellement s’enrichir et se compléter. Mais
pour arriver à ce résultat l’auditeur doit se transformer en caméléon. Il doit avoir
impérativement cette faculté d’adaptation au milieu de l’interlocuteur. Elle va
lui permettre de n’être pas perçu comme un étranger. Du même coup les
réactions de rejet seront amoindries et donc surmontables.

Le troisième obstacle est celui de l’expression déficiente, du parler


approximatif ou du jargon incompréhensible. Le parler simple est la condition
première de l’interview réussie.

« Il faut écrire le plus possible comme on parle et ne pas trop parler


comme on écrit »

Tout ceci exige patience et réflexion mais vous n’en manquez pas.

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3-Diagrammes, organigrammes, ordinogrammes : outils désuets ou moyens
utiles ?

Digrammes, organigrammes, ordinogrammes : tous ces mots en « âme » sont


très prisés par les enseignants parce que d’explication facile et logique ; ils le
sont un peu moins des praticiens qui y voient très souvent amusements de
débutants et perte de temps. Qu’en est –il exactement ?

Faisons un sort particulier à l’organigramme hiérarchique : véritable


dispositif de contrôle interne, il permet de définir les relations de pouvoir et
donc de bien comprendre le fonctionnement de l’organisation. C’est pourquoi il
constitue , ou devrait constituer, un des premiers éléments d’information qui
vont nourrir le dossier de mission et informer l’auditeur. Ce dernier
s’empressera bien évidement de regarder si la réalité du terrain correspond bien
au document qui lui a été communiqué : sinon il en tirera dès le départ un certain
nombre de conclusions. Voici donc un document en « âme », mais néanmoins
indispensable.

Il en va différemment de l’organigramme fonctionnel : document que


l’auditeur va s’efforcer de dessiner lorsque la situation lui apparaît difficile à
saisir et qu’il n’y voit pas très clair dans les différentes activités de l’unité. Mais
même en utilisant un logiciel de dessin tout cela va apparaître bien fastidieux.
On y préférera l’interview en forme de conversation, tellement plus agréable et
plus valorisante et plus rapide de surcroît qu’un fastidieux dessin. En bien on a
tort , et doublement . tort parce que rien ne remplace la représentation
graphique ; et tort parce que tout autre moyen est sujet à aléas et ne favorise pas
l’analyse critique. Or l’organigramme fonctionnel peut être un moyen
irremplaçable pour déceler les failles d’une organisation ou y voir claire dans
des explications confuses.

Le diagramme de circulation suscite le même type de réactions. Lui


aussi est un outil pour comprendre. Il permet de mieux appréhender les
complexités d’une procédure présentée dans un jargon de compréhension
difficile. Il permet également de suivre à la& trace des documents dont le
parcours complexe défie l’entendement et désespéré l’auditeur. Masi il faut
encore dessiner, et ici dessiner beaucoup, avec la circonstance aggravante que le
dessin ne peut tout dire et qu’il faut souvent y ajouter des commentaires
explicatifs. Où est alors le bénéfice de la représentation graphique ? et puis tut
cela est tellement long et fastidieux pour qui se pique d’efficacité vite
confondue avec rapidité. Certes , il y a des logiciels spécialisés qui devraient

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permettre de faire vite et bien . en fait ils permettent de faire vite, mais pour faire
bien il faudrait les utiliser souvent : on tourne en rond.

Alors l’inexorable impatience conduit à faire l’impasse sur le diagramme


en y substituant, là aussi des interviews complémentaires et laborieuses. Et c’est
dommage ! L’outil recelé en effet une autre finalité sans doute plus importante
que les objectifs traditionnels ci-dessus évoqués : c’est la détection des
anomalies, ou plutôt de présomptions d’anomalies qui inciteront à des
recherches plus approfondies. Ces présomptions peuvent se révéler de
multiples façon : un document qui ne sert plus à rien, un autre qui n’atteint pas
son destinataire naturel, une complexité de fonctionnement coûteuse en
opérations et porteuse de tous les risques d’erreurs…. La liste peut être longue.
Voici donc un outil peu engageant, d’allure un peu désuète et qui à coup sûr
n’est pas « tendance » comme disent les échotiers. Mais tout compte fait , il peut
se révéler fort utiles si on prend la peine de ne l’utiliser qu’à bon escient et de
l’entreprendre pour ce qu’il est : un moyen subalterne à ne pas négliger.

L’ordinogramme est souvent utilisé comme synonyme de diagramme


de circulation. De fait la technique de dessin est la même, mais son objet
diffère ; il concerne les processus informatiques d’où des symboles différents,
éventuellement plus complexes. Mais à ceci près les commentaires sont de
même nature que précédemment.

Ne jetons donc pas à la poubelle les méthodes anciennes


d’investigation ; ne leur donnons pas une importance qu’elles n’ont plus, mais
sachant les utiliser avec réflexion et opportunisme.

4- L’enquête d’opinion : outil d’audit ?

Parfois pratiquée par les auditeurs internes, l’enquête d’opinion peut être
exercée dans deux domaines :

- Demander aux responsables et à ceux qui travaillent avec eux leur opinion
sur la qualité de management d’une activité qui va être auditée. C’est
l’enquête avant audit qui rappelle imparfaitement l’auto-évaluation.
- Demander aux audités, après audit, leur opinion et donc leur degré de
satisfaction sur la qualité du travail accompli. On peut étendre cet objectif
à l’opinion sur le professionnalisme du service d’audit interne.

Examinons ces deux approches qui retiennent une même méthode pour des
cibles et des objectifs différents.

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4-1-L’enquête avant audit :

Elle aurait pour intérêt majeur de sensibiliser les audités sur leurs problèmes,
de mieux informer l’auditeur sur les points à examiner et donc de faciliter le
dialogue entre les a deux parties,. Malheureusement force est de constater
que ces objectifs sont rarement atteints. Et ce ne doit pas être une surprise :

Cette méthode est incertaine et dangereuse.

- Elle est incertaine car frappée de multiples subjectivismes.


Subjectivisme à l’égard du service d’Audit et de la façon dont on le
considère avant de l’avoir vu à l’œuvre, d’où une opinion qui sera
exprimée comme une vérité. Relisons Herbert Spencer : « Ce qui , en fin
de compte, détermine les opinions ce sont les sentiments, on les facultés
intellectuelles ».En d’autres termes il y aura peu de place pour le
résonnement logique dans cette démarche, les a priori et les idées fausses
régneront en maîtres. On risque alors d’accumuler les réponses imprécises
ou erronées pour ne point trop en dire et parce que l’Audit n’est pas
perçu comme il conviendrait. Mais surtout subjectivisme des intéressés
quant au jugement qu’ils portent sur leurs activités d’où des tentatives
de démonstration d’une absolue perfection dans le travail et l’ignorance,
volontaire ou non, des points faibles. C’est bien pourquoi la méthodologie
d’audit recommande à l’auditeur de s’informer par lui-même de son sujet
par la connaissance et l’observation des faits. Le philosophe Gille Deleuze
ne disait-il pas déjà que seuls les faits l’intéressaient, et non point les
opinions sur les faits. Voilà une maxime que les auditeurs internes
peuvent reprendre à leur compte.
- Mais cette méthode est de surcroît dangereux et le danger est de
solliciter une opinion sur ce qui doit être le résultat de la mission. En
sorte que les auditeurs internes demandent aux audités et par avance ce
qu’ils estiment devoir être les conclusions de l’audit. ce faisant les
auditeurs reconnaissent aux audités la capacité à anticiper les
résultats de mission. On peut alors être certain que si ces résultats ne
rencontrent pas l’opinion exprimée il y aura contestation. Et ce ne sera
que justice car en diligentant cette enquête les auditeurs ont admis
implicitement que les réponses données étaient à prendre en
considération : l’opinion est devenue vérité.

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4-2- différente est la démarche consistant à lancer une enquête auprès des
audités pour avoir leur appréciation sur la qualité du travail accompli. Une
telle enquête s’apparente aux questionnaires de satisfaction remplis par les
participants à un colloque et qui permet aux intervenants de progresser en les
aidant à identifier leurs points faibles. Il y a toutefois entre les deux une
différence dans l’ordre de grandeur qui fragilise l’enquête post-audit : celle –ci
ne s’adresse qu’à un petit nombre alors que dans le séminaire ou le colloque on
a plusieurs dizaines de participants. Or des questions posées à quelques-unes
induisent un risque non négligeable d’erreurs d’interprétation : il suffit d’un
interlocuteur mal intentionné pour fausser le résultat. Ces enquêtes sont donc à
n’utiliser qu’avec précaution et réflexion.

Ce risque sera moindre si l’enquête concerne le degré de satisfaction sur


l’Audit interne. En effet le cercle des interrogés étant plus vaste, la réponse
biaisée- s’il y en a une – n’aura que peur d’incidence sur le résultat final. Une
telle enquête d’opinion peut donc être utile mais il ne fait pas en attendre plus
qu’elle ne peut en donner. Seraient dans l’erreur ceux qui s’imagineraient
pouvoir ainsi mieux se connaître grâce à l’opinion d’autrui. L’utilité majeure
n’est pas de se connaître, sauf à révéler quelques travers soulignés de façon trop
répétitive pour néêtre pas pris en considération. On peut alors en tenir compte
pour la formation des auditeurs. Mais l’essentiel est dans la connaissance des
autres que cette démarche permet d’approfondir. Ainsi les auditeurs internes
pourront détecter un environnement de contrôle peur favorable, une mauvaise
connaissance de l’audit , des attentes qu’ils ne peuvent satisfaire…. L’enquête
leur renvoie l’image de l’autre beaucoup plus que leur propre image.

C’est à partir d’une telle démarche que peut se construire un plan de


communication de l’audit interne, et l’on sait à quel point il est
indispensable.

L’enquête de satisfaction ne peut donc être considérée comme un outil de


l’Audit car elle ne peut concourir au bon déroulement de la mission : rien ne
remplace l’acte d’Audit. Mais ce peut être un outil pour l’Audit.

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