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Notes sur l’article :

Le théâtre, la danse
Interrogations
Odette Aslan

Le corps du danseur créé sa propre écriture. La représentation chorégraphique a ceci de particulier


qu’elle existe à partir du regard du spectateur, qui en valide l’existence dans l’instant même où elle se crée
dans l’espace, où un précipité se cristallise.
Il y a une immédiateté dans la performance.

On oublie que souvent la danse fut première et précéda l’expression langagière.


Nous ne savons plus trop à quoi ressemblaient les réjouissances dans l’antiquité grecque : processions,
évolutions du choeur chantant et dansant dans l’orchestra.
Au Japon, la danse Kabuki a précédé la naissance du drame.
Mais, la caractéristique orientale est plutôt la cohabitation des arts : danse, musique et parole concourent en
Inde à une représentation de textes sacrés ou profanes sous l’appellation de drames dansés — souvent sur les
thèmes du grand récit Le Mahabharata.

Les comédies-ballets de Molière ont longtemps posé problème et l’on a souvent supprimé les
intermèdes, devenus embarrassants. C’est un danseur, Maurice Béjart, qui se mêla de ressusciter ce qu’on
appela alors le théâtre total, comme s’il avait été jusque là privé de la totalité de ses moyens d’expression.
Dans un ballet de Béjart, témoigne la danseuse Marcia Haydée, « on ne danse pas seulement, on
expérimente le vrai sens du théâtre ».

Le théâtre a parfois abusé du spectaculaire. Le XXe siècle a connu des profusions scéniques, la
convocation de moyens multiples, décors, lumières, projections, travail sur les sons. Et dans la danse-théâtre,
non seulement les danseurs s’essayaient à la parole, mais la danse, habituellement montrée sur un plateau
relativement nu, a ni par se parer des mêmes prestiges de décors variés, d’effets d’éclairage et de
sonorisation que les représentations dramatiques.
Le rapport au sol est particulièrement étudié, le déséquilibre et la chute s’ancrent dans des planchers qui,
« matiérés » par les scénographes Rolf Borzik ou Peter Pabst, éveillent des sensations corporelles chez les
danseurs ; des dispositifs insolites les exposent à tous les dangers mais sollicitent leur imaginaire.
Les objets s’amoncellent, et les costumes se dégradent dans l’eau, dans la boue…

Le théâtre et la danse de la n du XXe ont exploré chacun leur Domain et en ont repoussé les limites
; au-delà des codes, des formes, des cloisonnements, ils ont pratiqué un théâtre ou une danse de l’expérience,
faisant appel à l’expérience intime des interprètes, donnant libre cours à la parole autant qu’au geste,
redonnant toute sa plénitude à un corps-en-vie.

Maguy Martin théâtralise la danse

Elle ne craint pas la laideur, elle piège l’imperfection des corps dont elle décompose les éléments et
elle tend vers le grotesque. Elle représente l’obscène, s’intéresse à la vieillesse, montre la sexualité. Ses ballets
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inventifs explosent dans le débordement, l’excès. Des relents de danses macabres, des allusions au Butô, une
osmose permanente avec les sons, la musique, les objets nourrissent une création dont la vitalité est allée
croissant.

La danse-théâtre fait la preuve qu’elle peut se passer de support dramaturgique précis, de personnage
et d’intrigue. Ce sont les corps qui font théâtre, la dynamique, la pertinence de la gestuelle et le degré de
présence des interprètes.

Antonin Artaud préconisait de faire sortir du corps un cri vital, viscéral.


Au Japon, le danseur Tatsumi Hijikata voulut, dans les années 1960, faire parler l’organique, se rebeller la
chair. Contre les préceptes sclérosants de l’éducation, contre toutes les brimades liberticides, ces insurgés du
corps ont théâtralisé leur souffrance d’être au monde.

Le théâtre-danse est basé sur la lenteur et la confession intime. Soutenu par une énergie intense, il
n’en laisse percevoir qu’une partie in nitésimale, retrouvant dans ce récit corporel la spiritualité d’un rite.

La théâtralité, épurée du verbe, se résout dans des échanges de souf es, de palpitations unis à un
Tout qui la dépasse et l’universalise.
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