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UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

FACULTÉ DE DROIT
2020-2021

DRT6949
Droit anglo-américain des affaires

Trimestre d’hiver 2021

PROFESSEUR : Francis Legault-Mayrand

SOLUTIONNAIRE EXAMEN FINAL

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PARTIE I – QUESTIONS COURTES (33pts)

Veuillez clairement identifier la question à laquelle vous répondez dans votre cahier de
réponses. Motivez chacune de vos réponses et indiquez clairement les sources applicables, le
cas échéant.

1. Vrai ou faux : En common law, une offre de contracter s’éteint par une contre-offre ou par
révocation de l’offrant, autrement elle est valide dans le temps à l’infini. Faites référence
à votre source. (3pts)

Réponse Faux. Une offre peut s’éteindre par l’écoulement du temps (Barrick v. Clark).

2. Vrai ou faux : il existe en common law une obligation d’honnêteté dans l’exécution des
contrats, à moins d’une disposition contractuelle à l’effet contraire. Faites référence à
votre source. (3pts)

Réponse Faux. L’affaire Bhasin c. Hrynew énonce qu’il existe un principe directeur de
bonne foi duquel découle une obligation d’honnêteté dans l’exécution des contrats. Ce
principe directeur et cette obligation d’honnêteté ne peuvent être écartés par contrat.

3. Vrai ou faux : Une donation passée (ou préexistante) peut constituer une contrepartie
valable dans un contrat. Faites référence à votre source. (3pts)

Réponse Faux. Une considération passée ne peut constitue une contrepartie valable
(« past consideration is not good consideration ») (Eastwood v. Kenyon).

4. Vrai ou faux : Le délit d’atteinte aux intérêts économiques est un délit intentionnel. Faites
référence à votre source. (3pts)

Réponse Vrai. A.I. Enterprises Ltd. c. Bram Enterprises Ltd., 2014 SCC 12.

5. Vrai ou faux : Une fiducie constructoire ne peut être ordonnée par la Cour que dans le cas
d’une violation d’une obligation fiduciale ou d’enrichissement sans cause. Faites
référence à votre source. (3pts)

Réponse Faux. Elle peut être ordonnée dans le cas d’une violation d’une obligation
fondée sur la loyauté ou la confiance. Lac Minerals Ltd. c. International Corona
Resources Ltd., [1989] 2 RCS 574.

6. Vrai ou faux : Le fiduciaire a une obligation de loyauté à l’égard du constituant. (3pts)

Réponse Faux. L’obligation de loyauté est envers le(s) bénéficiaire(s).

7. Pourquoi la common law ne reconnait pas, sauf exception, la validité des fiducies
finalitaires non-caritatives? (3pts)

Réponse La common law craignait un manque de surveillance des pouvoirs et devoirs


d’un fiduciaire, comme aucun bénéficiaire particulier n’est nommé. Personne ne peut

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ester en justice pour exercer ce rôle de surveillance du fiduciaire laissant donc un trop
grand risque d’abus.

8. Vrai ou faux : En droit des délits en common law, comme en responsabilité


extracontractuelle en droit civil, toute personne a une obligation de diligence à l’égard des
autres. Faites référence à votre source. (4pts)

Réponse Faux. En common law, une obligation de diligence existe seulement si le double
critère de prévisibilité et de proximité de l’affaire Cooper c. Hobart est rencontré et
qu’aucune considération de politique permet de conclure à l’effet contraire. En droit
civil, toute personne a une obligation de diligence l’une envers l’autre (1457 C.c.Q.).

9. Dans le délit de négligence, quelle est la différence entre le critère de la proximité causale
et la proximité dans l’analyse du critère de l’obligation de diligence? Faites référence à
vos sources. (4pts)

Réponse La proximité remet en question le rapport entre les parties qui s’opposent
(Cooper c. Hobart). C’est une limite qui vise la classe des victimes potentielles du
défendeur. La proximité causale s’attarde au rapport entre l’acte du défendeur et le
préjudice du demandeur (Assiniboine South School Division, No.3 c. Greater Winnipeg
Gas Co.). C’est une limite qui vise les dommages pour lesquels la victime devant le
tribunal veut obtenir compensation.

10. Identifiez au moins deux différences majeures entre le délit d’atteinte aux intérêts
économiques et le délit d’ingérence dans les relations contractuelles? (4pts) (maximum
100 mots)

Réponse Dans le délit d’atteinte aux intérêts économiques, 1) il n’y a pas d’exigence de
contrat exécutoire entre le demandeur et le tiers A.I. Enterprises Ltd. c. Bram Enterprises
Ltd., 2014 SCC 12. 2) De plus, le défendeur doit porter atteinte aux intérêts économiques
par « des moyens illégaux », alors que pour le délit d’interférence dans les relations
contractuelles, on exige qu’il y ait une intention d’empêcher et d’avoir en fait empêché
l’exécution du contrat (Drouillard c. Cogeco). Cette notion de nuire à l’exécution du
contrat est plus restrictive.

De plus le critère d’intention dans les deux délits est différent. Le critère d’intention pour
le délit d’atteinte aux intérêts économiques peut prendre deux formes, soit une intention
de :

a) causer un préjudice économique au demandeur comme fin en soi;

b) causer un préjudice économique au demandeur comme moyen nécessaire pour


parvenir à une fin qui sert un but inavoué;

Le critère d’intention dans le délit pour interférence dans des relations contractuelles
peut prendre ces deux formes aussi, mais est plus large et comprend aussi la conduite

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aura inévitablement ou probablement pour conséquence de causer un préjudice
économique au demandeur (A.I. Enterprises Ltd. c. Bram Enterprises Ltd., 2014 SCC 12,
para. 95)

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PARTIE II - CAS PRATIQUES (34pts)

Question 1

DBF Inc. est une jeune « startup » installée dans un État américain qui œuvre dans la formation
des médecins spécialistes. Elle fabrique des mannequins de patient (ou des simulateurs de
patient) et les vend à des institutions médicales et des universités aux États-Unis. Depuis tout
récemment, DBF offre accessoirement des services de formations pour les médecins spécialistes.

DBF a présenté des modèles de mannequins de patient aux représentants de l’Université


American State. Ceux-ci ont été informés que le prix de vente des mannequins est de 20 000$
chacun, ce qui est un prix très avantageux comparativement à des produits presque identiques de
compétiteurs. En effet, le prix moyen pour un produit similaire est de 50 000 $.

En Janvier 2019, DBF Inc. signe un contrat d’une valeur de 200 000 $ avec l’Université
American State pour l’achat de 8 mannequins de patient et 12 séances de formations de 10h sur
une période de quatre mois. La transaction est consignée par écrit avec le titre suivant : « Contrat
d’achat entre DBF Inc., le « Vendeur », et l’Université American State, « l’Acheteur » ».

1) Prenez pour acquis que les faits se déroulent dans un état américain ayant adopté le
Uniform Commercial Code (« UCC ») dans son intégralité, sans modification. Indiquez si
l’article 2 du UCC s’applique à la transaction. Motivez votre réponse et faites référence à
vos sources. (8pts)

Réponse

L’Article 2 du UCC s’applique au contrat de vente de biens (art.2-102 UCC). Une vente est régie
par l’art. 2 UCC si elle rencontre la définition de bien à l’art. 2-105(1) UCC et s’il y a une
« vente », soit un transfert de propriété sur le bien du vendeur à l’acheteur. En l’espèce, il y a
une vente de bien, des mannequins de patient. Le fait qu’il existe une composante de services
dans le contrat ne change pas cette conclusion selon le test de l’objectif prédominant
(« predominant purpose test »), lequel s’applique en cas de contrat mixte, comme en l’espèce.
Selon ce test il faut déterminer appliquer les facteurs suivants :

 Faire une ventilation du prix total du contrat. Comme la plus grande partie du prix
d’achat est dédié à l’achat de biens (160,000$/200,000$), cela indique que le contrat en
est un de vente.

 Le texte de la transaction. Celui-ci fait référence à un acheteur et à un vendeur, des


notions propres à un acte de vente;

 La nature de l’entreprise. DBF Inc. vend des mannequins de patient comme activités
normales principales, suggérant donc qu’il s’agit d’une vente.

Compte tenu de l’application de ces facteurs, le contrat de DBF Inc. et l’Université American
State est assujetti à l’article 2 du UCC.

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Question 2

La Ville de DRT (ci-après la « Ville »), situé dans une juridiction de common law canadienne,
lance un appel d’offres pour s’approvisionner de certains biens personnels selon des modalités
prévues dans un document intitulé « Instruction à l’intention des soumissionnaires » (ci-après
« Instructions »). Après la réception des offres des soumissionnaires, la Ville choisi une offre
non-conforme aux Instructions en invoquant la clause 6.949 des Instructions, laquelle se lit
comme suit:

« 6.949 La soumission la plus basse ne sera pas nécessairement retenue ni non plus
aucune soumission »

a) L’acheteur peut-il, sur la base de la clause 6.949, choisir une offre non-conforme aux
Instructions? (8pts)

Réponse : À moins de disposition contraire prévoyant la possibilité pour l’acheteur de


retenir une offre non-conforme, l’acheteur a une obligation implicite de retenir une offre
conforme avec les modalités de l’appel d’offres (MJB Enterprises). Cette obligation ne
peut être écartée par la clause 6.949, une clause de réserve (ibid., para. 45 et s.).

Faits additionnels : Après consultation avec ses conseillers juridiques, la Ville décide finalement
de retenir une soumission conforme et de signer un contrat de vente avec le soumissionnaire
gagnant. Un des soumissionnaires perdants, Iznogood Inc., constate cependant que les biens
personnels vendus et livrés à la Ville, et acceptés par celle-ci, ne sont pas conformes au contrat de
vente. Iznogood Inc. prétend qu’il aurait offert un meilleur prix s’il avait su que cette non-
conformité aurait été toléré par l’acheteur au moment de l’appel d’offres. Il croit sincèrement
qu’il aurait gagné la soumission.

b) Iznogood Inc. a-t-il un recours contre la Ville? (8pts)

Réponse : Non, une plainte concernant l’attribution du contrat ne peut pas être fondée sur
des faits survenus pendant l’exécution du contrat B, elle doit plutôt reposer sur un fait qui
s’est produit pendant le contrat A. En l’occurrence, la soumission du soumissionnaire
gagnant était conforme. Le non-respect du contrat de vente est un fait s’étant déroulé pendant
l’exécution du contrat A. Iznogood Inc. ne peut donc se fonder sur la violation du contrat de
vente pour intenter un recours contre la Ville. (Double N Earthmovers Ltd. C. Edmonton)

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Question 3

Canappel Inc. est une petite entreprise canadienne qui œuvre dans la fabrication et la vente
d’accessoires pour téléphone intelligent. Stagnant financièrement dans un marché considéré
saturé, Canappel Inc. cherche à diversifier ses activités. Sophie, membre du conseil
d’administration, porte à l’attention du conseil un rapport qu’elle a trouvé sur internet prévoyant
une croissance, toutefois modeste, du marché des services de réparation de téléphone intelligent
au cours des 5 prochaines années.

Le conseil d’administration décide de commander une étude de marché de Pearson Specter LLC,
un bureau de consultants réputés, afin de confirmer la prévision contenue dans le rapport de
Sophie. Peu de temps après cette commande, Julien, administrateur et Vice-Président des ventes
de Canappel Inc., démissionne et quitte ses fonctions.

Canappel Inc. reçoit subséquemment le rapport faisant état de l’étude de marché mené par
Pearson Specter LLC. Celui-ci confirme l’existence d’une croissance anticipée du marché de
réparation de téléphone intelligent, mais à un rythme beaucoup plus important que pouvait laisser
entendre le rapport soumis par Sophie. En effet, alors que le rapport de Sophie prévoyait une
croissance annuelle du marché de 1,7%, le rapport de Pearson Specter LLC projette une
croissance annuelle de 8,2%. « C’est une mine d’or! » s’est d’ailleurs exclamée Sophie en lisant
ce dernier rapport.

Canappel Inc. décide donc de mettre à exécution son désir de diversifier ses activités et d’offrir
des services de réparations de téléphone intelligent. Quelques semaines plus tard Canappel Inc.
apprend l’existence de la compagnie Répaphone Inc., une compétitrice qui offre des services de
réparations de téléphone intelligent. À sa grande surprise, Canappel Inc. apprend que l’unique
actionnaire et administrateur de Répaphone Inc. est nul autre que Julien, l’ancien membre du
conseil d’administration. Pis encore, Répaphone Inc. est positionné pour devenir un leader dans
le marché de réparation de téléphone intelligent.

Canappel Inc. vous demande conseil : en vertu de la common law canadienne, Julien est-il en
droit d’opérer Répaphone Inc.? Motivez votre réponse. (10pts)

Réponse

Oui, Julien est libre d’opérer Répaphone Inc. car il ne convient à aucune règle de common law
dont en particulier son obligation fiduciale à l’égard de Canappel Inc. Dans l’affaire Can Aero
la Cour suprême conclu que la common law interdit à un administrateur ou à un fonctionnaire
supérieur d’usurper à son compte ou de procurer à une autre personne ou compagnie dont il est
l’associé, une occasion d’affaires en voie de réalisation que sa compagnie poursuit activement;
cette interdiction subsiste même après sa démission, lorsque l’on peut supposer à bon droit que
pareille démission a été provoquée ou influencée par un désir de s’approprier l’occasion
d’affaires que la compagnie cherchait à réaliser, ou lorsque c’est sa position au sein de la
compagnie plutôt qu’une initiative personnelle qui l’a mené à l’occasion d’affaires qu’il a

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obtenue par la suite. (Can aero c. O’Malley, [1974] SCR 592, page 607 et voir aussi les facteurs
énoncés à la page 620).

En l’espèce, au moment qu’avait quitté Julien, Canappel Inc. ne poursuivait pas une occasion
d’affaire particulière, ni même le marché de réparation de téléphone intelligent. Le projet de
Canappel, s’il en était un, en lien avec ce marché était embryonnaire. L’information que détenait
Canappel sur le marché de réparation de téléphone intelligent était publique et donc accessible à
tous. L’information que l’on peut supposer confidentielle contenue dans le rapport Pearson
Specter LLC n’a pas été utilisé par Julien. C’est par le fruit du hasard que Julien s’est lancé dans
un marché qui s’est avéré plus lucratif qu’il espérait.

Ces faits sont très différents de ceux de l’affaire Can Aero où O’Malley et Zarzycki travaillait sur
une occasion d’affaire particulière, un appel d’offre, et y avait dédidé leur temps et énergie au
nom de Can Aero, pour ensuite quitter l’entreprise et poursuivre le travaille en leur propre nom.

Par ailleurs, un autre courant jurisprudentiel reconnait qu’un administrateur peut


compétitionner avec sa compagnie (London and Mashonaland Exploration Co Ltd v. New
Mashonaland Exploration Co Ltd, [1891] WN 165). Ainsi, tant en vertu de l’affaire Can Aero
qu’en vertu de l’affaire Mashonaland, Julien était en droit d’opérer Répaphone Inc.

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PARTIE III – QUESTION À DÉVELOPPEMENT

Répondez à une seule des deux questions suivantes. Indiquez en début de réponse si vous
répondez à la Question 1 ou à la Question 2. Si vous répondez aux deux questions malgré la
consigne à l’effet contraire, seulement votre réponse à la première question sera corrigée. (33pts)
(maximum 750 mots)

Option 1

« La common law est incapable de se limiter à des règles de portées générales qui peut
adresser toutes les situations susceptibles de se présenter en pratique dans un contexte
commercial. »

Indiquez si vous êtes d’accord ou non avec cet énoncé en référant au moins à trois (3) exemples
tirés des six (6) sujets traités dans le cours (droit des biens, droit des contrats, délits civils,
obligations fiduciales des administrateurs, article 2 du UCC et la fiducie). Prenez position,
structurez votre réponse, motivez vos arguments et soyez précis dans vos références à vos
sources.

OU

Option 2

« La common law est un système juridique autonome et flexible de sorte que


l’intervention du législateur est rarement nécessaire pour moderniser le droit. En
effet, les juges de common law jouissent d’une large latitude dans l’application et
donc dans l’évolution des règles de droit. Cette latitude vient cependant à un prix :
les décisions judiciaires sont souvent difficiles à anticiper.

Indiquez si vous êtes d’accord ou non avec cet énoncé en utilisant au moins trois (3) exemples
tirés des six (6) sujets traités dans le cours (droit des biens, droit des contrats, délits civils,
obligations fiduciales des administrateurs, article 2 du UCC et la fiducie). Prenez position,
structurez votre réponse, motivez vos arguments et soyez précis dans vos références à vos
sources.

Réponse

L’étudiant(e) était libre de prendre la position de son choix, c’est-à-dire en faveur ou non de
l’énoncé.

Les éléments suivants sont pris en considération dans l’attribution des points : (1) Structure du
texte : introduction, conclusion, paragraphes organisés logiquement, cohésion entre les
différentes parties, etc.; (2) compréhension et qualité de l’argumentation : cohérence et clarté de
l’argumentation, illustration des idées, structures de phrase, répétitions, etc. (3) Pertinence et

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exactitude des sources : précision dans les sources, l’utilisation des sources pour appuyer des
points précis. Les fautes d’orthographe n’ont pas été pris en compte.

Pour chaque exemple, le nombre de pts sera accordé en fonction de la qualité de la réponse :
l’exemple est-il bien expliqué, illustre-t-il adéquatement le phénomène en question, ce lien est-il
bien établi de façon claire et évidente, l’exemple est-il trop général ou trop facile, etc.

Les modalités de la question devaient également être respectées. En particulier, des points
étaient accordés aux étudiant(e)s ayant fourni des positions nuancées et ayant pesés des éléments
précis dans l’énoncé.

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