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Recueil de farces, soties et

moralités du quinzième siècle


/ réunies pour la première
fois et publiées avec des
notices [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


. Recueil de farces, soties et moralités du quinzième siècle /
réunies pour la première fois et publiées avec des notices et des
notes, par P. L. Jacob,.... 1859.

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BIBLIOTHÈQUE GAULOISE

RECUEIL
DE FARCES
SOTIES ET MORAUTËS
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RECUEIL

FARCES neE

SOTfES ET MORALITES

DU QUINZIÈME StECt,E

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P. L. JACOB
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ADOLPUE DELAHAYS, L!BRA[[tE-È!)tTEUt<
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4-C,nUEVO[.TA)HE,4''i
1;

~M9
AVMTt~EMËNT D)'J L'EDITEUR

La plupart des ouvrages primitifs Je notre ancien théâ-


tre comiqueet satirique ont disparu ceux qui nous restent
et qui sont empreints à un si haut degré du véritable es-
prit gaulois, méritent d'être conservés, non-seutement
comme les préludes naïfs de la comédie de Mulière et de
Beaumarchais, mais encore comme d'irrécusables docu-
ments pour servir à l'histoire des moeurs en France. Ces
farces, ces soties, ces moralités,composéespar les acteurs
de la Basoche, des Enfants-sans-Souci,et des troupes noma-
des qui transportaient ça et là leurs tréteaux dramatiques,
ont été, depuis cinquante ans, réimprimées ou imprimées
pour la première fois à un petit nombre d'exemplaires qui
suffisent à peine pour les sauver de la destruction. On peut
prévoir un temps peu éloigné où ces éditionsmodernes seront
aussi rares, sinon aussi chères, que les éditions et les ma-
nuscrits originaux.
Il est cependant impossible de se faire une idée de ce
qu'était le théâtre aux quinzième et seizième siècles,si l'on
ne connaît pas ces farces joyeuses, ces folles piquantes, ces
ingénieuses moralités, qui, malgré la licence effrontée du
langage, sont quelquefois des chefs-d'œuvre de bon sens,
de malice et de gaieté. C'est une branche de notre vieille
littérature, pleine de sève et de force, qu'on avait laissée
tomber dans l'abandon et dans l'ombre. Car, au dernier
siècle, le duc de La Yalliere, qui s'était occupé, avec tant
de soin et à si grands frais, de rassembler dans sa magni-
A

n__u--Ju
fique bibliothèque tous les Hyresrelatitsaft théâtre, ne
possédait, outre la farce de P~ë~ souvent réimprimée.
comme le modèle du genre, qu'une très-petite quantité
de farces, de soties et de moralités; encore, la plupart
étaient-elles manuscrites. Quant aux mystères et aux gran-
des moralités, ils avaient été sauvés et protégés, en
quelque sorte, par leur importance même chacun de ce;.
ouvrages remplissant d'ordinaire un volutne in-folio ou in-
quarto, on en avait du moins quelques exemplaireséchappes
par hasard au naufrage général de notre ancien tlicatre.
Aujourd'hui le répertoire de la Basoche et des Enfant!–
sans-Souci est mieux connu Antoine Caron n'avait reim-
primé que le Jeu dit prince des Sf~.f, de Gringorc, ct'IejRc-
cueil de phMM!M's"~M!M,recueillies déjà en 1013 par Ni
colas Rpusset;MM. Leroux de Lincy et Francisque Michelont
mis au jour les soixante-quatorze farces, mora)ib''s, mono-
logues et sermons joyeux, inédits, que contient le manu-
scrit du duc de La Vallière; M. de Montatglon a public les
soixante-quatre farces, et pièces de même genre, qui sont
comprises dans l'exemplaire unique du Britisli J/M~fi<;K
de Londres; M. de Montaran a continué la collection de
Caron, en y ajoutant plusieurs farces et moralités dont les
éditions primitives n'existent plus; les bibliophiles les plus
distingués se sont fait à l'envi les éditeurs des livrets de
la même famille, qu'ils ont pu arracherà l'oubli; MM. Durand
dcLancon.Ie premier de tous, Pontierd'Aix,Je Monmerque,
Silvestre, le prince d'EssIing. Duplessis, Veinant, Gustave
Brunet, etc., ont accru successivement ce trésor de décou-
vertes bibliographiques qui nous permettent maintenant
d'apprécier, en pleine connaissance de cause, ce qu'était la
comédie, chez nos ancêtres, cent vingt ans avant Molière.
Voilà comment, on a ressuscité, pour ainsi dire, le rcper-'
toire théâtral des clercs de la Basoche et des Enfants-sans-
Souci.
Nous nous proposons de réunir, dans un seulrecueil classe
chronologiquement,enprofitantdes recherches etdes travaux
de nos devanciers, toutes ces publications isolée: qui ont
entre elles un lien commun d'origine et d'analogie, puis-
qu'elles représententl'ancien théâtre t'rancai.) et qu'elleson
forment la base historique. Nous nous abstiendrons eepen-
dant <)c reproduire dans ce recueil aueunerdespièces qui sc
trouvent déjà dans l'une ou l'autre collectionde farces et de
moralités, publiées d'après le manuscrit de La Valliere f't
d'après l'imprimé du BW<M/t MM~MM.
Notre recueil ne fera pas double emploi avec ces deux
recueils du même genre, qui ont paru en )8~1 chez
Techener, et en ISSt chez P. Jannet.
Le premier volume, que nous présentons aujourd'hui
aux amateurs comme un spécimen de notre plan et de no-
tre travail, est consacré aux farces du quinzième siècle il
devait renfermer naturellement la farce de JhfM~ Pierre
Pathelin, ainsi que les deux petites farces qui font suite a
cette farce célèbre et qui ne sauraient en être séparées.
En effet, les trois farces de Fc<M&t forment une espèce
de trilogie dramatique et sont par cela même inséparables,
quoiqu'elles n'aient été imprimées ensemble que dans
deux éditions gothiques à peine citées par les bibliographes
et à peu près inconnues.
Il est certain que la farce de Maistre Pierre Pa/M;'B,
qui eut une vogue si populaire dans la seconde moitié du
quinzièmesiècle, sous le règne de Louis XI, avait fait naî-
tre un grand nombre de farces, dans lesquellesCguraitaussi
le personnage de Pathelin, qu'on peut regardercomme la
création personnelle d'un acteur célèbre de la troupe des
Enfants-satL-Souciou de celle de la Mère-Sotte.Deux de ces
farces, outre la grande farce primitive, ont seules survécu a
toutes les autres; on doit donc les conserver comme de
précieux monuments de notre ancien théâtre comique et
comme les annexes inséparables du chef-d'ccuvreattribué
tour à tour à Pierre Blanchet, à François Villon, à Antoine
de La Sale.
Peu de temps avant sa mort, Génin a publié une édition
de la farce de J/CM/re Pierre /'c~fHH, cette édition, à la-
quelle il avait travaillé toute sa vie, ne se recommande que
par le luxe typographique dont elle brille le texte, quoi-
que plus correct que celui de l'édition de Consteller, est
loin d'être irréprochable; le commentaire est farci d'inu-
tilités grammaticales et très-pauvre d'explications néces-
saires la notice littéraire, ou Génin s'efforce de prouver
qu'Antoine de La Sale est le véritable auteur du.Pa~f/M,
manque absolument de critique et laisse beaucoup a dési-
rer sous le rapport du style et de l'érudition. En un mot,
cette éditionn'a pas tenu ce qu'elle promettait.
Nous nous sommes donc bien gardé de suivre les mêmes
errements, pour réimprimer la farce de JiNMfre Pierre
Pathelin. Notre édition reproduit le texte des premières
édition~; nous avons toutefois adopté de préférencedans ce
texte la meilleure leçon, la plus logique, la plus claire, en
rejetant les variantes dans les notes la plupart de ces
variantes sont celles que Génin avait choisies comme les
plus remarquables parmi une multitude d'autres insigni-
I!antes, qui résultent de la corruption 'tu texte original et
de l'ignorance des éditeurs. Nous ayons rectifié arbitrai-
rement certains vc~F, dont l'altération nous semblait
évidente et facile à corriger; nous avons aussi ajouté, <*)
l'exemple de Génin, l'indication des jeux de scène, qui
sont fort rarement signalés dans les éditions gothiques ci
qui peuvent souvent éclaircir le sens du dialogue. Ou
trouvera cependant mentionnés tous les jeux de scène que
nous fournissait le texte de l'auteur et que l'ancienne or-
thographe distinguera seule deceux qui nous appartiennent,
Dans la préface dont chaque farce est précédée, nous
avons cherche a découvrir le nom du véritable auteur et la
date de la composition de son ceuvre. Aurons-nous mieux
réussi que nos devanciers a résoudre ces deux problèmes
littéraires? Notre travail était fait et imprimé, quand on
nous 'a conseillé de lire plusieurs excellents articles que
M. Charles Magnin, de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres,a consacrés à l'examen des mêmes questions.
dans loJoM'HS/t<~Sa!'CH<s.1,'opinion du savant académi-
cien aurait certainement innuê sur la nôtre, si nous avions
eu connaissance de ses articles avant de chercher à établir,
dans la préface de la farce de Maistre Pierre P<!<Mm, que
PierreBlanchetest réellement l'auteur de cette farce etqu'ellp
a étéécrite et représentée à Paris entre les annéesH65 et
'1470. Mais, notre travail achevé, nous aurions à faire trop
de chemin pour changer d'avis et pour revenir au système
de M. Charles Magnin, qui nous pardonnera de nous arrêter
à celui que nous avons soutenu, sans dire notre dernier
mot sur cette farce célèbre et sur son auteur anonyme.
Aux trois farcesde Pathelin qui appartiennentincontesta-
Mementaiasecondemoitié du quinzième siècle.nousavons
jugeconvenaMedereurir)a/i!?'~<!itJfMM{«'r~ ~;< Diable
emporte l'dme en t'/t/~r et la moralité de ~i~M~/f et du
Fo~K~, qui furent jouées publiquement en -t N6. Cette mo-
ratité et cette farce sont d'André de La Vigne, qui fut aef<w
comme Pierre Blanchet et François Villon, peut-être avec
eux, a'vant de devenirpoëte secrétaire de la reine Anne de
Bretagne Enfin, à côté d'André de La Vigne, secrétaire
d'Anne de Bretagne, on trouvera le médecin de Louis XII.
Nicote de La Chesnaye. qui avait composé aussi, pour l'é-
battement du roi et de la reine, une moralité très-singu-
lière Intitulée Comdamnacionde jBsne~M~, que l'on vit
sans doute représenter à la même époque sur les mêmes
théâtres et par tes mêmes acteurs. Cette pièce, peu connue
et bien digne de l'être, est un des plus rares et des plus cu-
rieux monuments de la poésie dramatique de ce temps-
là elle eut certainement une grande vogue et devint trei.-
populaire, puisqu'on avait reproduit alors, dans une suite
de belles tapisseries de haute lisse, les principales scènes
du drame, qui se recommande partt'originatite du sujet,
par la vivacité du dialogue et par tes détails de la mise en
scène. C'est à coup <.ûr la pM intéressante de toutes les
moralités anegoriques qui soient venues jusqu'à nous.
On a donc ainsi dans le même volume les plus anctcn!!
compositeurs de farces et de moralités, les ptu.< anciennes
pièces de la Basoche et des Enfnnts-sans-Souei.
r'. L.
L'ANCIEN THEATRE EN FR~Œ

r\~s son origine, le théâtre a exercé sur les mceurs pn-


Dbliquesune influence pernicieuse, qui prit même, à cer-
laines époques de dépravation sociale, le caractère d'une
véritable excitation à la débauche. Dans les premiers siècles
de l'Église, les jeux de la scène avaient atteint les derniè-
res limites ~)e,J'indecence, et nous trouvons à chaque
page; dans les écrits des Perus, une protestation de la pu-
deur indignée contre les abominables excès de cette école
de soanda]p.. Nous sommes donc forcé de rcconnaitre qur'
l'horreur inspirée aux philosophes ehretie)~ par io tueittrf
profane n'était que trop justiEeepar le detestabieabus qu'on
faisait autrefois de l'art scénique.
'Quand ~e christianisme eut remplacé Je culte des faux
dieux, le' théâtre ne survécut pas longtemps à leurs temples
et à leurs idoles, et pendant plusieurs siècles il n'y eut pas
d'autres vestiges de la comédie antique que tes mascarades
du Mardi j;ras, le festin du Roi boit et de la Fève, t< sa-
turnates de la fête des Fous, des Innocents et des Diacres,
les mystères et les MM~Y~ des processions religieuses et des
fn/r~ de rois, reines, princes, princesses, évoques, ah-
bés, etc., les danses et les chansons des bateleurs, tes f<
citations des troubadours et des trouvères. Si quelques re-.
présentations dramatiques,imitées de Térence et de Plaute,
avaient tiau de loin en loin dans les couvents et dans les
universités, cUesn'eehappaientaùxana'tbemes ecclésiastiques
qu'en se couvrant d'un prétexte nSeraire et en s'entourant
d'une extrême réserve; mais'ces rares réminiscences de la
comédiejatine ne constit'faifnf pas des habitudes theatratcs
dans la nation même, qui ne savait peut-être pas que le
théâtre eût existé avant les grossières et naïves ébauches
des confrères de la Passion à la fin du quatorzième siècle.
La doctrine de ['Église contre les spectacles était inva-
riablement établie par les Pères et les conciles on peut dire
qu'elle avait été autoriséepar les odieuses orgies qui signa-
lèrent )a décadence du théâtre païen. Les capitulaires et les
ordonnances des rois de France étaient conformesau senti-
mentdesdocteurs catholiquesà l'égard du théâtre et deshis-
trions, Ceux-ci se trouvaient notés d'infamie, parle fait seul
de leur vil métier (omnes M/~mM maculis aspersi, id est
/!M~'ZCHM ~M~pf/'MMa', non leabeant potestatem aceu-
sandi, capitul. de 789); les honnêtes gens étaient invités à
se tenir éloignés de ces infâmes, et les eEcluBias.tiques ne
devaient jamais souillerleurs yeux et i~urs oreillcs, en écou-
tant des parotes obscènes et en voyant des gestes impudi-
ques (yiMyfMMKH! OMOO!M ~Kfp!Mm O&MfMOyMm!'H.W/~H~M.<
.y'OCOfMH! et ipsi CKM)!0 f/~M~~ CX~fM~Mf~<fH~a pr~-
dicare d~fH~ 1. Tl y avait toujours néanmoins des histrions
qui bravaient les excommunicationsdu e)erge et qui accep-
taient la note d'infamie attachée à leur profession car il y
avait aussi des voluptueux et des débauches, pour payer a
tout prix un plaisir défendu. L'M<fMH<!<, ou l'état de co-
médien. était considère comme une espèce de prostitution,
et saint Thomas n'hésite pas à mettre sur la même ligne ta
eourtisEnequi trafique de son corps à tout venant et le co-
médien qui se prostitue en public, pour ainsi dire, en ven-
(tant ses gritnaces et ses postures licencieuses. Les biens
acquis de la sorte semblaient au docte casuiste des bi!'ns mal
.acquis et deshonnëtes qu'~ fallait restituer aux pauvres

Voy. Cap//);hH'M t'e~Ht fhMMrKN~ t. f, p. «70.


(?MM~m !~0 ~MMSf~ mc~C~MM! quia <H'<j~fM)t~U'
ex <K)'p! MMC, ~feST~ inerëtricio et /<M<)'MMaht'). Voilà
pourquoi Philippe Auguste, pénètre de cette idée <f que
donner aux histrions, c'était donner au diable, x les chassa
de sa cour, leur fit défense d'y reparaître, et appliqua5pé-
cialement à des œuvres de dévotion et de charité l'argent
qu'il aurait dépense à entretenir les scandaleusesdissolutions
.dutMatre.
Le théâtre ne reçut une existence légale en France qu'à
la faveur du pieux déguisement sous lequel il se présenta
devant Charles Vf. Les mœurs de cette époque-là étaient
déjà bien relâchées, et l'amour du luxe avait prédisposa les
esprits à se passionner pour toutes les nouveautés sen-
suelles Le! ./t'K.r des confrères de la Passion furent donc
accueillis avec une sorte de fureur, quand ils se produisi-
rent pour la première fois aux portes de Paris, dans le vil-
lage de Saint-Maur.
Ce fut vers ioSS, qu'une troupe de comédiensambulants,
qui s'intitutaienfCunfrcres de la Passion, parce qu'ils repré-
sentaient'ce mystère en scènes dialoguées, commencèrent à
donner des représentationsauxquelles on accourut de toutes
parts, Ces représentations, entremêlées de prières et de
cantiques, étaient sans doute'fort édifiantes, à ne considé-
rer que leur objet, mais le prévôt de Paris eut peur qu'elles
ne dégénérassent en graves désordres, et, par une ordon-
nance du 5 juin ~398, il défendit à tous les habitants de
Paris, comme à ceux de Saint-Maur et des autres lieux sou-
mis à sa juridiction, « de représenter aucuns jeux de per-
sonnages, soit de la vie de Jésus-Christ, soit des vies
()es saints ou autrement, sans le congé du toi, peine
d'encourir son indignation et de forfaire envers lui. Ces t
défenses rigoureuses prouvent que les représentations don-
nées a Saint-Maur ne s'étaient point passées sans quelque

Voy. le TraM </<'<t.t' de MA!~v, -par le P. LEDttSf. Paris,


veuve MautNC, 1731, in-12, p. 135.
scandale, ou, suivant une optmon qui ne contredit pas la
précédente, qu'une aneientELloi de PEÏippe Auguste ou de
saint Louis avait aboli a jamais le théâtre et interdit l'exer-
cice de la profession de comccubn.
Quoi qu'il en soit, les représentations ne se renouvelèrent
pas'jusqu'en1402, ou Charles VI voulut y assister et en fut
tellement édiBé, qu'il accorda aux confrères de la Passion
des lettres patentes qui les autorisaient à jouer leurs
~rM toutes et quantes fois qu'il leur plaira. » En vertu
m:
de ces lettres patentes, les confrères établirent leur théâtre
près de la porte Saint-Denis, au rez-de-chaussée de l'hôpi-
tal de la Trinité, dans lequel les pèlerins et les pauvres voya-
geurs trouvaientun asile pour la nuit, quand ils arrivaient
après la fermeture des portes de la ville. LA confrères
avalent déjà fondé dans l'église de cet hôpital leur Confrérie
de la Passion 'et de la Résurrection de Notre-Seigneur.
Nous croyons pouvoir induire de la fondation de cette con-
frérie, que les premiers joueurs ou actems-qui avaient paru
au bourg de Saint-Maur s'étaient faits
les maîtres du ~'f!< et
recrutaient leurs confrères parmi les bourgeois et les gens
de métier de la capitale. Des ce moment, le goût du théâtre
se répandit avec frénésie parmi la population, qui se portait
en foule, les dimanches et fêtes, aux représentations des
}H!/s/A'M et des miracles, et qui fournissait abondamment
aux frais de la confrérie dramatique.
Cette curiosité~ cet empressement, cet enthousiasme,
n'étaient déjà plus de la dévotion, quoique l'objet apparent
de ces spectacles fût d'élever les âmes à la contemplation
des~hoses saintes et de les disposer à la prière. Il est per-
mis~Passurer que, malgré le caractère édiSant des pièces
qu'on représentait et nonobstant les encouragements que le
clergé accordait à ces pieux divertissements, le théâtre ser-
vait dès iors à corrompre les mœurs. Qu'on se figure, par
exemple, ce que devait être une de ces représentations,
dans ne salle étroite et mal éclairée, où les spectateurs
s'entassaient pêle-mêle, la plupart debout, quelques-uns
assis, mais serrés et agglomérés, sans distinctiun d'âge, ni
duscxe,nidecondition.
La salle avait 21 toises etdemie de long sur G toiser de
large; sa hauteur ne dépassait pas certtUnement 15 ou
20 pieds; elle était soutenue par des arcades qui suppu-
taient l'étage supérieur. Sur la longueur totale, il faut pren-
dre au moins 15 pieds pour )c développement de la scène;
car, outre le plancher sur lequel se jouait le drame, il y avait
au fond du théâtre plu~ieurs~eMMou écbafaudsqui offraient
l'image des différents lieux où se passait la scène et qui com-
muniquaient entre eux par des escaliers ou des échoues. En
haut, le paradis,renfermé dans une sphère de nuages, ouvrait
son pavillonbleu céleste tout parsemé d'étoiles en bas, une
gueule de dragon, se mouvant sans cesse, indiquait la bou-
che de l'enfer d'où sortaient les diables à travers des jetb
de fumée et de flammes; au centre, plusieurs plans de dé-
corations peintes, dans lesquelles on transportait le lieu de
la scène quand J'action se passait chez Uerode ou chez Pi-
late. On avait ami sous les yeux en même temps toute la
physionomielocale de la pièce qui se déroutait alternative-
ment dans le ciel, sur la terre et dans l'enfer.
Ce n'est pas tout il fallait avoir encore devant la vue,
pendantla durée duspectacle, tous les acteurs qui y jouaient
des rotes car ces acteurs, revêtus de feurs costumes, étaient
rangés sur des gradins, de chaque côté du théâtre, et là ils
attendaient le moment d'entrer et' scène, en regardant
jouer la pièce comme de'simples spectateurs; ils descen-
daient, chacun à son tour, sur le théâtre, et i)s remontaient
ensuite à leur l'lace après avoir rempli leurs rotes. Jls ne
cessaient donc jamais d'être en évidence, à moins quS'teur
raie ne leur ordonnât de disparaître dans une petite Io;:e
fermée de rideaux, figurant une chambre secrète, qui ser-
vait à cacher aux regards du spectateur certaines circon-
stances délicates de la pièce, telles que l'accouchementde
sainte Anne, celui desaintoËusahetb,celui de la Vierge, etc.
Cette loge ou niche exerçait au plus haut degré les faculté;,
de l'imagination du puMIc. Les rideaux ouverts,
on guettait l'instant où ils se fermeraient étaient-ils fer-
més, on se demandait tout bas quand viendrait l'instant de
les rouvrir. Le spectateur ne manquait pas de deviner tout
ce qu'on lui cachait pir décence, et il suivait par la pensée
les péripéties les plus scabreusesde l'action; de là cette lo-
cution proverbiale, qui, pour exprimer qu'une chose scan-
daleuse ne doit pas être exposée aux regards qu'elle blesse-
rait, dit qu'elle reste « derrière le rideau.»
Des documents précis nous manquent pour constater les
indécences et les immoralités qui, dès les premiers temps,
avaient accompagné la renaissance du théâtre mais il est
certain que ces représentations pieuses étaient l'oeca-ion et
la cause de bien des dangers pour les bonnes mœurs. Le
J)~/s<e'~ de la Passion et les autres compositions dramati-
ques du même genre, qu'on représentait, les dimanches et
les jours de fête, au théâtre de la Trinité n'avaient pas,
sans doute, d'autre but que d'émouvoir Ses sentiments re-
ligieux, et l'on peut présumer que l'auteur~do cet immense
drame qui embrasse la naissance, la vie, la mort et la ré-
surrection de Jésus-Curiste avait âftompti une oeuvre de dé-
votion sous la forme d'une oeuvre littéraire où l'on est forcé
de reconnaître de grandes beautés. Cette œuvre, en effet,
mérita d'être retouchée et refaite en partie par les soins de
Jean Miche!,évoque du Mans, qui vivait au quinzièmesiècle.
Nais toutefois, selon le génie du théâtre de ce temps-là, un
grand nombre de scènes du jJ~Mn' de la Passion et des
mystères analogues se traînent dans les lieux communs de
l'ob~nite, et le dialogue des personnages subalternes em-
prunte au langage populaire une quantité d'images ficeu-
cieuses et de mots orduricrs. Souvent aussi, les apôtres, les
saints, et les saintes elles-mêmes semblent avoir vécu dans
la société des femmes perdues et des plus ignobles débau-
chés. Entre une multitude d'exemples, nous choisirons une
scène dt3~<cf<' de sainte G~tefMM, où l'on voyait une
nonnain, de Bourges qui, sur le bruit des miracles de ]a
sainte, était venue lui rendre visite. Sainte Geneviève lui
demande quel est son état; la nonnain répond bravement
qu'eue est vierge. « Vous! s'écrie ta sainte avec mépris
Kon pas vierge, nou, mais rihaude,
Qui fûtes en avril si kau~o (~ta)teMt'),
Le tiers jour cotre chien et loup,
Qu'au jardin Gaultier Chantelou,
Vous souffrites que son berciufr
Vous deflorast sous ung pesciuer'

Mais la poétique des mystères dédaignait ordinairement


les timides restrictions du récit; elle n'écartait des yeux du
public, que certains jeux de scène qui eussent été trop vifs
et trop nus pour s'exécuter hors de la niche fermée de ri-
delux. Elle poussait l'action jusqu'au point extrême où
l'intelligence du spectateur se chargeait d'achever un épi-
sode dont les préludes avaient de quoi offenser la pudeur
la moins craintive. Lors même que les rideaux étaient tirés,
l'acteur, par ses gestes et ses grimaces, avait soin d'intcr-
préter ce que le pBct'; avait laissé sous un voile transpa-'
rent. Dans la l'ie et /i;e de ?Mf/<HM sainte Barbe, qui
fut représentée et imprimée vers 1520 quoique le mys-
tère commence par un sermon sur un texte de l'Évangile.
la première scène s'ouvre dans un mauvais lieu, où une
femme folle de sou corps [m~/y'M', dit t'imprimé) chante
une chanson et fait des gestes obscènes (s!pns amM'M illi-
cM, dit l'éditeur en manière de glose). f/Ëmpereur (on
ne lu nommepas autrejnent) ordonne à cette femme d'eu-
gager la sainte à faire /i);WM'/MK, et voici comment la con-
scitlerc de débauche s'efforce de séduire madame Barbe
qui se recommande à Dieu
< Je gaigne c6ascune journée:
l'oint je ne me suis sejournee jr~JM~),
Du jeu d'jmour sçay bien jouer.
A tous gallans fais lionne chère,
Voy. le Cat. de la B<<t~tf'<)M'<ir<Mt<!t~Mde M. ttc SotcHUtt'.
['.u- ['. jAcojt. bibiiopitite, t. f, p. 107.
Etainsivonsledcte.! faire.
Oncnevysibellesmains,
Belles cuisses et beaux rains,
Comme vous avex, par mon amc
Nous deux gagnerons de t'argent,
Carvousavezungheaucorpsgent.M

Les auteurs de mystères traitaient d'une manière toute


profane les sujets les plus saints; mais. loin d'imiter l'.m-
cien théâtre latin ils n'en venaient jamais à donner une
large place à l'amour métaphysique; ils n'entendaient rien
à ce que nous appelonsle drame passionné ils exprimaient
souvent avec crudité les convoitises de )a chair ils se plai-
saicnt à toucher brutalement aux choses de la luxure, et
quelquefois seulement ils soupiraient une idyUe pastorale,
r
pleine de vagues inspirations du coeur, comme dans ce char-
mant dialogue de deux bergers du Jlf~M~r<? de la PasSMM
MELCtIt.
tes pastourelles chanteront.
ACUIN.
Pastoureauxguetteront n~tHades.
HELCHY.
Les nymphes les eseouteront,
Et les Driades danseront
Avec les gentes Oreades.
AcniN.
l'an viendra faire ses gambades;
Uevcnant des Champs Ëlysees,
Orpheus fera ses sonnadcs
Lors Mercure dira ballades
Et chansons bien autorisée;
BH~LCUY.
Mcr,;eres seront oppressées
Soudainement, sous les pastis.

Ceu'etaiettt la, pourtant,nue dci'arescxci)atiunb.'t)'a-


inour, qui pouvaicntbieu jeter du trouldedansunjemie
cœur, tendre et naïf, mais non lc curron~prc et l'enivrer de,
poisons du vice Les acteurs, par l'entramcu~ent du jeu piu-
tut'[UH par Ut) calcul de perversité personnelle, se char-
geaieilt trop souvent d'ajouter à leur rMe une pantomime
licencieuse, que le poète n'avait pas prévue et que le public
encourageait de ses éclats de rire et de ses applaudisse-
ments. Ainsi, la bande des diables, qu'on nommait la dia-
blerie, ne se distinguait pas moins par ses masques hideux et
ses accoutrements étranges, que par ses postures indécentes
et ses gestes mathonuetùs. Ces diables, dont les miniatures
des manuscrits,tesanciennes peintures murdes et les vieilles
estampes gravées en bois, nous représentant les portraits
moins effrayants que ridicules, avaient parfois des têtes de
marmousets ou de satyres tirant la tangue, à la place des
parties naturelles ou bien en guise de mamelles. Satan ou
Lucifer offrait même un corps tout compose de ces têtus
grotesques, qui roulaient des yeux provoquantset semblaient
se servir de leur langue comme d'un cmblème d'impureté
en outre, la queue de certains démons affeclait des formes
et des proportions obscènes. On tolérait sans doute, de la
part de la Diablerie, ces excentricités tibidineu'cs, par cette
raison que, suivant les croyances de t'Hgtisc eattiotitjuc,
l'esprit du mal est surtout i'agcnt de J'impudicite. Chaque
représentation avait lieu cependant sous la surveillanced'un
sergent de la douzaine ou d'un sergent à verge, ayant mis-
sion expresse de surveMcr, au nom du prévôt de Paris, la
police de la salle et la conduite des jeux, pour qu'il ne s'y
passât rien de deshounctc et qu'il ne s'y lit aucun dés-
ordre1.
parmi les acteurs et les Les
Cette surveillance avait sans doute de quoi s'exercer
premiers, par
exemple, ne suivaient aucune règle d'art, et se livraient à
toutes les fantaisies de leur invention; chacun s'habitiaita à
sa guise, chacun imaginait ce. qui pouvait le faire remar-
quer au milieu de ses confrères et lui mériter la faveur de
'Voy.hUcqudcaJt'essfeau )ieu tenant du prévôt de l'jfii)
par les maitres de h conMrie, en t !(Ki, dans les )'Mr;~t't /iM/M'
~t. H/y~) pub), par Bumnm D'Annm, en 175~, t. i, p. !f!).
l'au titoire. De là, do cette envie de briller, de cette ému-
lation d'artiste, résultaient les plus incroyablespolissonne-
ries et tes plus bizarres créations. La diablerie, comnn)
nous l'avons dit, se permettaitde sérieux outrages à la pu-
deur, et l'on mettait tout cela sur le compte du démon.
Mais le choeur angéliquc n'était pas plus réservé, et losanges
en venaient parfois à de singuliers oublis de leur rôle muet.
Anges et diables c'étaient des comparses qui chantaient
des cantiques, récitaient des oraisons, jetaient des cris ou
des hurlements, au signal qu'on leur donnait leurs évolu-
tions, leurs danses, leurs grimaces,' leurs bouffonneries ne
dépendaient que du caprice et de l'M~tt (M~CM'Mm) de
chaquejoueur. Tantôt un chérubin, en regagnant sa stalle,
retroussait sa longue robe blanche et laissaitvoir qu'il avait
été ses iy)'<M~, pour qu'on ne reconnût pas chez lui le
inaitre bonnetier ou l'ouvrier baudroyeur de la rue Saint-
Denis; tantôt un autre bienheureux, vêtu d'une chasuble
de*prêtre, en tombant dans une trappe, restait suspendu
la tête en bas, jusqu'à ce qu'on vint le délivrer et remettre
un peu d'ordre dans sa toilette. Ces épisodes burlesques
nous sont indiqués dans les relations de quelques-uns de
ces jeux. Du reste, pas de femme au nombre des joueurs
les rôles féminins étaient confiés aux jeunes garçons !}ui se
rapprochaient le plus du physique de l'emploi, et qui en
affectaient les. allures. C'était là un attrait particulier pour
de ~Ils débauchés, qui ne manquaient pas de s'intéresser à
ces beaux c~'po'M! et qui, à force de les admirer sur le
théâtre, cherchaient probablement à les retrouver hors de
la scène.
On doit donc supposer que malgré la surveillance du
sergent a la douzaine ou du sergent à verge, la police des
mœurs n'était pas et ne pouvait pas être bien faite à l'inté-
rieur de la salle dans le parterre (p<H'~M~), où personne
n'était assie, où les spectateurs formaient une masse com-
pacte et impénétrable dans les couloirset les escaliers, qui
n'étaient pas toujours déserts et silencieux pendant les t c-
présentations, 'et qui ne furent éclairés qu'à la fin du sei-
zième Hcete. Un règlement du tieutenant civil, concernant
)etheatredet'Hôtc).doCuurgognc,cndatedul2no-
vcmhre JGOO* ordonne que « seront tenus lesdits comé-
(tiens avoir de la lumière en lanterne ou autrement, tant
au parterre, montées et gaUeries, que dessous les portes à
la sortie, le tout à peine de cent livres d'amende et de pu-
nition exemplaire. Mandons au commissairede police d'y
tenir la main et de nous faire rapport des contraventions à
la police. » En dépit do ce règlementet de ceux de mêmc
nature .lui avaient pu )e précéder, nous savons, pour l'avoir
lu dans un livre imprimé du temps do Louis XIV, que Fc-
clairagedes montées et des corridors était si néglige a cette
époque, que ces endroits obscurs servaient aux rendez-vous
et aux rencontres galantes durant le spectacle; car fauteur
que nous citons, sans nous rappeler le titre de son ou-
vrage, se plaignait de ce qu'en arrivant ta rdaia comédie.
une fois le spectacle commence, une femme honnête se
trouvait exposée à lieurter dans les ténèbres un couple
amoureux qui lui barrait le passage. Quant à l'intérieur de
la salle, il n'était eciaire que par deux ou trois lanternes
enfumées, suspendues par des cordes au-dessus du par-
terre et par une rangée de grosses chandeHes de suif allu-
mées devant la scène, qui devenait obscure, quand )emoM-
c/~M)' ne remptissait pas activement son emploi.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur les actes de
débauche qui se commettaient, surtout au parterre, pen-
dant les représentations il suffit de dire que ce scandale
journalier, qui ne contribuait pas peu à donner des arme"
aux ennemis du théâtre, a duré jusqu'à ce que Vollaire tnt
parvenu à faire asseoir les spectateurs du parterre. L'at'bc
de Latour, dans ses A'/?fj'M;M morales, politiques, histo-
n~M f< /«/A'<n')'M M?' ~i<f~ se plaignait encore
en 1772, de la débauche_du parterre!
Voy. le r?w/<' de lit Police, par HKmtAr.E, t. t, p.
Voy. liv. iX, t. V, p. t!, de ce recueil rare et curieux.
Cependant, le théâtre aurait échappe autt~excommunica-
lions de t'Ëgtise, aux remontrances des partcmcnts, aux
vindietesdesntagistratsdepoticc,s'itcûtconse~vc!cca-
ractere exclusivementreligieux qui avait favorise sou reta-
btissemcntsoustaprotcction do Char)esYI;tna!s, quand
dcs confréries dramatiques, sembtabtes à celle de la Pas-
sion, se furent établies dans lcs provinces et eurent aussi
représenté des M~A'~ et des miracles, avec le concours
des maîtres et des apprentis de corporations, les jeunes gens
se tassèrent bientôt d'un spectacle édifiant qui ressemblait
a un sermon mis en action la vieille gaieté gautoise~ne se
contenta plus de ces représentations pieuses où il y avait
pourtantmatière à rire, et la CjOnMdie naquit en France.
Des confréries joyeuses, qui s'intitulaient les .En~M/
MK!SM;Met Ics C/M de la Basoclie, se fondèrent à Paris
et jouèrent des~rcM ou des soties, qui ne demandaient
pas la pompe théâtrale des my~y~ et qui n'avaient be-
soin que d'un petit nombre de bons acteurs comiques. Ce
nouveau théâtre facétieuxs'ouvrit d'abord en plein air, sur
les champs de foire, dans les battes, au milieu des carre-
fours de la ville. Deux ou trois bateleurs, montes sur des
tréteaux, affublés d'oripeaux, le visage noirci ou enfariné,
dialoguaient avec une verve graveleuse quelques scènes de
mceurs populaires, qui avaient pour sujet presque invaria-
blement t'amour et le mariage. Ces canevas, peu décents
par eux-mêmes, prêtaient mcrveittcusemcnt à des impro-
visations plus Indécentes encore. l'lus tard, aux improvisa-
tions succédèrent des pièces écrites en vers ou plutôt en
lignes rimées, qui n'empêchaient pas l'acteur d'improviser
encore et qui dounaicnt de la marge a sa pantomime liccn-
cieuse. Il n'en fallut pas davantage pour enlever aux con-
frères de la Passion la plupart de leurs spectateurs et pour
renure leurs représentations moins productives.
Ce fut en vain que tes confrères de la Passion essayèrent
de faire concurrence à lcurs redoutabtes rivaux, soit en in-
tercalant daus les mystères certains épisodes burlesques,
certains personnages bouffon' qui apportaient quelque di-
version à la gravité du sujet, soit en créant sous le nom d~'
)HtMy/M! un nouveau genre de pièces dialoguées, dont l'al
legorie satirique et morale faisait A peu près tous les frais;
ce fut vain les joueurs de farces étaient toujours mieux
accueillis que la troupe de l'hôpital de la Trinité, et le pu-
~Mic qu'ils divertissaient prit parti pour eux, quand ils fu-
rent persécute,!par la prévôté deParis, qui voulut s'opposer
à l'installation permanentede leur théâtre. Il était trop tard
désormais pour supprimer un genre de spectacle qui allait
si bien à l'esprit français on ne put que lui p~escrire des
bornes et le subordonner, pour ainsi dire, au privilége ac-
corde! par Charles VI aux confrères de la Passion. En con-
séquence, les confrères lignèrent avec les Enfants-sans-
Souci un traité d'alliance, par lequel ces derniers devaient
exploiter, de concert avec eux et sur la même scène, les `

trois genres dramatiques, qui se partageaient le domaine


encore restreint de l'art théâtral. I1 fut convenu entre les
deux troupes rivales, qu'elles se mettraient en valeur l'une
par l'autre, et qu'ellesjoueraientà tour de rôle la mOMH~t',
la farce et le mystère, pour varier leurs représentations.
Le peuple, qu'on semblait avoir appela comme témoin à la
signature du contrat, en apprécia Bncmcnt l'inuinrtanct
dans l'intérêt de ses plaisirs, et désigna sous le nom de~fK
des pois pilés cette association des genres fes plus dispa-
rates, du sacré et du profane, du tragique et du comique,
de l'édifiant et du scandaleux. Cette expression de pois pilés,
qui signifie mélange ou pot-pourri, faisait allusion, a die
un historien du théâtre, à quelque farce, très-connue au-
trefois, dans )a(]ueUe un ~c~;M t''tait représente [iihutt dus
~poi!; secs et y mêlant des pois lupin! qui sont fort amcr~,
et des pois chiche, qui servaient beaucoup en médecine*. 1.
Le théâtre de Paris, qui <t.dt, si l'on peut 'exprimer
Nous avons pensé, avec plus de raison, que le J~M <f
p;f'.t <)uvait son nom a' un p~fagotn A'o;'i'M!f /«'/<)!. Voycx.
ci apreF, p. ~H.
ainsi, le chef d'ordre de tous les théâtres, de France, resta
constitue de la sorte jusqu'au milieu du seizième siècle
il avait deux troupes distinctes, celle des confrères de la
Passion et celle des Enfants-sans-Souci,qui jouaient simul-
tanément ou alternativement. Les représentations avaient
lieu entre la messe et les vêpres, le dimanche, c'est-à-dire
de midi à quatre heures environ; et comme il eut été im-
possible, dans cet intervalle de temps, de représenter un
grand mystère ou une grande moralité, qui avait quelque-
fois trente actes, quarante mille vers et deux ou trois cents
acteurs, on se bornait à en extraire quelques scènes jn~bicn
un acte entier, lequel, accompagnéd'une farce ou d'un ser-
mon joyeux, composait le spectacle. Dans de rares circon-
stances, en'province surtout, on représentait un mystère
complet, souvent avec une farce et une petite moralité la
représentation durait plusieurs jours de suite; elle avait
lieu non plus dans une salle fermée, mais dans les ruines
d'un amphithéâtre romain, comme à Doué, ou sur un théâ-
tre ouvert dressé en place publique, ou dans une vaste
plaine. En ces occasions solennelles, tous les habitants
d'une ville, d'un pays ou d'une province, participaient a
la dépense générale, fournissaient des aumônes, des vivres,
des armes, des habits, et avaient droit d'assister au jeu,
ainsi qu'à la MOH~ ou procession solennelle des acteurs,
qui précédait toujours ta représentation.
JI suffira de faire observer combien la corruption des
mœurs était favorisée par ces espèces de cours ~MH~~ du
peuple, qui mettaient en mouvement tant de passions di-
verses, tant de vanités, tant de convoitises, tant de pres-
tiges et de séductions. Le jeu d'un grand mystère donnait
lieu inévitablement à des orgies sans nombre et à des dés-
ordres de toute espèce; mais, du moins, à Paris, les repré-
sentations hebdomadaires des confrères de la Passion et de,
Enfants-sans-Souci, quoique également dangereuses à cer-
tains égards, ne pouvaient engendrer de pareils excès elles
agissaient lentement sur la moralité publique et elles alté-
raient insensiblement la candeur des âmes en remuant sans
cëSst le limon de la vie sociale. Cependant )c théâtre, si
Htbsccne, si scandaleux, si corrupteurqu'il fùt, ne parait pas
"Evoir'chconrn, a/Taris, l'animadversion et les réprimandes
*~de l'autorité civile ou ecclésiastique, avant le r&gne de
Eouis~XJL Ce fut vers 1512 que les Enfanb-saM-Souci se
virent menacés dansl'existence de leur confrérie, et furent
obligés de suspendre leurs représentations,jusqu'à ce que
leur confrère Ctement Marot les eût remis en faveur auprès
du roi. On ignore le motif de cette disgrâce mais il est pro-
bable que )a question des mœurs n'y était pour rien, et que
ccSarcEursaudacieux s'étaient permis, à l'instar des clercs
de la Basoche, quelques boutades satiriques contre l'avarice
du roi, contre la politique de son règne ou contre la reine
Anne de Bretagne. C'est à cette occasion, sans doute, que
Louis XII avait dit qu'il entendait que l'honneur des dames
fût re"pGctë, et qu'il feraitbien repentir quiconqueoserait y
porter atteinte.
Il est très-vraisemblable que les griefs qu'on aUéguait a
cette époque pour fermer te théâtre des Enfants-sans-
Soucifurent l'origine d'uu usage qui a existe pendant tout
te cours du seizième siècle, et qui s'est perpétue jusqu'à
présent il fallait que les ma~M du ,/fM déposassent à la
prévôté de Paris les manuscrits des pièces qu'ils voulaient
jouer, et obtinssent du prcvôt ou de ~on lieutenant une
permission préliminaire, pour la représentation de chaque
pièce nouvelle. Souvent, il est vrai, les auteurs et les ac-
teurs refusaient de s'itreindre à cette servitude, et bleu
des farces otdurieres, qui passaient pour des Impromptus,
échappaient ainsi.a l'examen des censeurs, qui ne les eus-
sent point autorisées. Le lieutenant civil, dans son,règle-
ment du 12 novembre 1609, renouvela la défense de
représenter «aucunes comédies ou farces, qu'ils (les comé-
diens) ne les aient communiquéesau procureur du roy,
et que leur rôle ou registre 'ne soit de nous signé. » Nous
avons de la peine à croire que les prologues de Bruscam-
bille, les harangues (Je Tabarin, les chansons de Gauler
Carguille, aient été soumis de la sorte au procureur du roi
et revêtus de ;'on approbation. ).c théâtre s'était Lien éloi-
gne du but édifiant de son institution depuis' Ch'ar!es*YJ,'
tordue les sermonnaircs (hi seizième siede nCEMsercnt la,
vie déréglée des comédiens et de tous Ics~HbMtins~qui
embrassaient cette profession peu honorable, ponr se li-
vrer plus facilement à la débauche, à la fainéantise et au
vagabondage. Les jeunes poote.<, à l'exemple de Villon et
de Ctemcni Marot, avaient surtout un penchant irrésis-
tible pour le théâtre. On conçoit que la dévotion et l'en-
thousiasme religieux n'étaient plus, comme dans le&pre-
miers temps, le lien et l'ath'ait des confrères de la Passion.
L'Eglise, tout en condamnant le théâtre d'une manière gé-
nérale et abso.~e, .'avait pourtant pas encore frappe d'ana-
theme les joueurs de farces, quels que fussent la dépravation
de leurs mœurs et le scandale de leur conduite privée. Tou-
tefois, les théologiens, dans leurs écrits dogmatiques, de-
claraient hautement qu'on ne pouvait, sans enfreindre les
~ois canoniques, donner le sacrement de l'Eucharistie aux
histrions, qui étaient toujours en état de p~che mortel
le fa;ueuxcasuiste Gabriel Biet, qui examina ce cas de con-
et
science à la fin du quatorzième siècle, au moment même
où s'établirait la confrérie de la Passion, comprend l'art
théâtral parmi les arts maudits et défendus. Les statuts de
t.'Umver:) ~t: de Paris ordonnaient que les comédiens fussent
relègues au delà des ponts et ne vinssent jamais loger dans
le quartier des écoles, tant leurs jeux scéniques étaient ré-
putés dangereux pour la morale (~M(~' ~t~MS/Me~M,
pFfM/sn/M, procacitas M;M<f<H~, stat. 29 et 35). Nais ce-
pendant on n'appliquait jamais d'une manière générale et
rigoureuse ladoctrinede l'Église contre les comédiens, qui
étaient cnterres.enterre sainte, tors même qu'ils venaient à

7K<fOKf.< sKf la comédie, Olt Tr~ te t~of. et </t);~)M/. f/rs


/M.t' de /nMrf, par le P. Pierre LEenun. Paris, veuve Detautne,
)~t.n. 202.
mourir subitement sur le théâtre; les sépulture: et les épi-
)apT!es de quctqucs-uns d'entre eux se voyaient encore, an
~Em-scpti&me siede, dans différentes cgtises de Paris.
Quant aux comédiennes, elles ne furent pas plus excom-
~numees que ne étaient les comédiens, lorsqu'elles com-
ttrenccrent à se produire sur la scène et à s'y montrersans
masque, pendant le règne de Henri III ou celui de
Henri IV. Ces comédiennes n'étaient pourtant que les con-
cubines des comédiens, et elles vivaient, comme eux, dans
une tette dissolution, que, suivant l'expression de Tallemant
de.s Céanx, elles servaient de/~KMM communes à toute la
troifpC dramatique. Elles avaient donc de tout temps fait
partie des associations d'acteurs nomades ou sédentaires
mais le public ne les connaissait pas, et leurs attributions
plus ou moins malhonnêtes se cachaient alors derrière le
théâtre; dès qu'elles revendiquèrentles rôles de femmes,
qui avaient toujours été joues par des hommes, leur présence
sur la scène fut regardée comme une odieuse prostitution
de leur sexe.
Ces premières comédiennes étaient vues de si mauvais-
ceit par le publie, qui les tolérait à peine dans leurs rotes,
que ces rôles ne leur revenaient pas de droit et que
les comédiens les leur disputaient souvent. Nous pensons
que ce fut l'exemple des troupes italiennes et espagnoles,
qui amena l'apparition des femmes sur la scène française
la troupe italienne avait été appelée par Henri ttf, de Ve-
nise à Paris, où la troupe espagnolen'arriva que du temps de
Henri IV. Ces deux troupes causèrent beaucoup de desor-
dres, et l'on doit en accuser les actrices qui ajoutaient, par
l'immodestie de leur jeu et de leur toilette, un attrait et
un scandale de plus aux représentations.
« Le dimanche i9 may 1577, dit Pierre de l'Estoile tes
comedians italiens, surnommez i Gelosi, commencèrent à
jouer leurs comédies italiennes en la salle de l'hostel de
Bourbon à Paris ils prenoient de salaire sots par teste
d~ ton<; !M François qui tes vontuient a))er voir jouer, et il
y avoit tel concours et affluence de peuple, que tes quatre
menteurs prédicateurs de Paris n'en avoient pastrestous
ensemble autant quand ils preschoient, » Ces représenta-
tions avaient un charme particulier pour tesTtbertins', qui y
allaient surtout adinirer les dames ca
« au dire de
P. de FEstoiie, elles faisoient monstre de Ieurs_se!ns et
poich'Incs ouvertes et autres partiel pectorales, quf ont un
perpetuel mouvement, que ces bonnes dames faisoient aller
par compas ou mesure, commeune horloge, ou, pour mieux
dire, comme les soumets des mareschaux 1. )) Le Parlement
crut devoir mettre un terme à ces impudiquesexhibitions,
et six semaines après l'ouverturedu théâtre des GetoS~ dé-
fense leur tut faite de jouer tours comédies, sous peine de
10,000 livres parisis d'amende applicable à la boîte des
pauvres; mais ces Italiens ne se tinrent pas pour battus,
et le samedi 27 juillet, ils rouvrirent le théâtre de l'hôtel
de Bourbon, « comme auparavant, dit l'Estoile, par la per-
mission et justice expresse du rôy, la corruption de ce
temps estant telle, que les farceurs, bouffons, putains et
.~&nignons avoient tout crédit. »
Quant aux acteurs espagnols, ils s'étaientétablis en 1G04
à la foire Saint-Germain, et leur séjour à Paris fut marqué
par le supplice de deux d'entre eux, que le bailli de Saint~-
Germain fit rouer vifs comme coupables du meurtre d'une
comédienne,leur camarade, qu'ils avaientpoignardeeetjot~e
~dans~Ia Seine. Cotte belle jeune femme espagnole,âgée de
vingt-deux ans environ, dit t'Ef-toite, <( avoit des longtemps
privée et familière connoissance » avec ces deux hommes,
qui la tuèrent sans doute pour se venger d'elle plutôt que
pour la voler.
Telle est, à notre avis, l'origine de l'installation des co-
médiennes sur la scène française. On ne saurait dire quette
fut la première qui s'exposa aux regards des spectateurs.
Ou trouve le nom de la femme DK/ffSM, écrit à la main
Yoy.)e.foMN<<te 7I<)H';M,<)ansredit.puM.parHM.Cham
pollion.
sur un exemplaire de t't/MMM d'amfK)' et d<' f/ia~f/f', pas-
torale en cinq actes et en vers de l'invention d'A. Gautier,
apothicaire avranchois. Cette pièce, imprimée à Poitiers en
IGOj, fut jouée certainement vers cette époque'. Dans un
cxempiaire d'une autre pi~ce de théâtre de la même épo-
que, la Tragédie </eJM)M<' ci'~KM, dite la P/tceHet<'0<
léans, imprimée à Rouen, chez Raphaë) du Petit-Val, cu'
1005, on trouve les noms de deux actrices, écrits à la main.
Nous avons dit, dans le Catalogue de la Bibliothèquedra-
matique de 51. de Soleinne que ces noms étaient V. jF;'c-
MMp/tr et tVm'MoM MM. Mais nous sommes porté à croire
qu'il faut lire plutôt fCHMC/M, au lieu de ~'onfMp/tf, car
la Fanuche était une courtisane fameuse à qui Ilenri IV
eut affaire, ét que les poëtes du temps ont célébrée dans
leurs vers. Enfin, l'abbé de Marolles, dans ses ~mMrM~, s,
cite avec éloge un acteur de l'hôtel de Bourgogne, qui
jouait les rôles de femme en i6[S, sous le nom de Perrine,
avec Gautier Garguille; i) jade aussi de « cette fameuse
comédienne, appelé Laporte (Marie Vernier), qui montoit_
)e~
encore sur le théâtre et se faisoit admirer de tout
monde avec Yaleran. »
On peut affirmer avec certitude que jamais les femmes
n'ont figure dans les m~MrfS il ne faut donc pas attri-
buer l'interdiction de ce genre de spectacle à un scandale
que leur présence aurait causé. Ce n'est qu'en ~5M, que
le Parlement jugea nécessaire d'intervenir pour ta_pre'.
miêre fois dans les questions de théâtre, mais il est cer-
tain que )'int<!ret des moeurs rectamait depuis longtemps
son intervention. Le Parlementcommença par rendre t'ho*
pitat de la TrinM à son ancienne destination et par en faire
sortir les confrères de la Passion, qui transportèrent le
siège de leur confrérie dans I'eg)ise des Jacobins de la rue
Saint-Jacques, et leur jeu a l'Mtct de Flandre; Le thea-
Voy. h BtKto;M?;te th'fMMt. de At. de So<c;)iM, t. I, p. 18!
Yoy. p. 50 du Supplément au tome I" de ce Catalogue.
Tt)tnc J, p. N9 de t'edit. in-ia, puhliée en l'!SS.
tre fut installé à grands frais dans ce grand hôtel, si-
tué entre les rues Plàtrière, Coq-Héron, Coquillière et des
Yieux-Augustms; mais, après les premières représenta-
tions d'un nouveau mystère, celui de l'Ancien Testament,
joueaiaCn de I'anneet54t,)erar)cmentordonna la fer-
meture du théâtre, par ces motifs exprimés dans l'arrêt
(t 1° que, pour rejouir le pcupte, on mêle ordinairement, à
ces sortes de jeux, des farces ou comédies dérisoires, qui
sont choses défendues par les saints canons 2" que les ac-
'teur.~de ces pièces jouantpourle gain, ils devoicntpasscr
pour histrions, joculateurs ou bateleurs ;3" que les assem-
blées de ces jeux donnoient lieu des parties ou assigna-
tions d'adultère et de fornication 4" que cela fait dépen-
ser de l'argent mal à propos aux bourgeoiset aux artisans
de la ville 1. »
Le~ confrères de )a Passion tirent valoir Jours privilèges,
octroyés par Charles VI et conûrmes à plusieurs reprises
par les rois ses successeurs ils adressèrent une requête
~n Parlement et une supplique au roi, en exposant que de
"temps immémorial ils faisaient jouer leurs mystères, « a
l'édificationdu commun populaire, sans offense générale ni
particulière. » Le roi donna des ordres, et le Parlement
revint sur sa décision par un arrêt en date du 27 janvier
154) (1542, nouveau style). La Cour, suivant les lettres
patentes du roi qui permettait a Charles Leroyer et con-
sorts, maîtres et entrepreneurs (lu jeu et mystère de l'An-
cien Testament, de faire représenter ce mystère, leur ac-
eOt'dala même permission,«àà la cimrgc d'en user bienet
ducment.sans y user d'aucunes fraudes ny interpoler cho-
ses profanes, lascives et ridicules. » H est dit, en outre,
dans cet arrêt, <(quc, pour l'entrée des théâtres, ils (les
mattt'cs du jeu) ne prendront que deux sous de chascune
personne, et pour le louage de chaque loge durant ledict
mystère, que trente escus; n'y sera procède qu'à jour de
Vey. le Trffi'M /;M<c; e/ ;<t)~))Mi. des /fK.t' de /M;i<rf, du l'ère
L~)t!!UK,p.2t4.
l'estes non solennelles; commenceront à une heur.] après
midy, finiront à cinq et feront en sorte qu'il n'ensuive
scandale ni tumulte et à cause que le peuple sera distrait
du -service divin et que cela diminuera les aumosnes, ils
bailleront aux pauvres la somme de mi))e livres, sauf à or-
donner une plus grande somme. » C'est là, dit-on, la pre-
mière application du droit des p~KH'f~, qu'un préleva d'a-
bord au profit des pauvres orp))c)ins.
Le Parlement avait désormais les yeux ouverts sur l'in-
convenance des mystères et sur l'obscénité des farces qui
les accompagnaient )e.M{g/t'f de la Passion, retoucfte et
corrige par Arnoui Grcban. offrait encore plus d'un passage
intoMrabie' le Mystère ~i/:e/f?t7'~emfH'(,qui fut le
dernier représente et imprimé, renfermait des scènes qui
n'outrageaient pas moins les moeurs que la religion. Tout a
coup le roi ordonna la démolition de l'hôtei de Fiandre, et
les confrères de la Passion se trouvèrent encore une, fois
sans asile on voulait probabtement tes contraindre à sup-
primer eux-mêmes leur confrérie. Ils acucturcnt le vieil
hotet de Bourgogne dans la rue MauconseU et ils y firent
construire un nouveau théâtre; mais, lorsqu'ils s'apprehient
à reprendre le cours de leurs représentations, le Parle-
ment, auquel ils demandaient la confirmationde leurs pri-
viléges, leur défendit expressément, par arrêt du 17 novem-
bre ~5?, « de jouer les mystères de la l'assion de nostre
Sauveur ni autres mystères sacres, sous peine d'amende
arbitraire, leur permettantnéanmoins de pouvoir jouer au-
tres mystères profanes, ttonnesteset licites, sans offenser
ni injurier aucunespersonnes. »
Les mystères avaient fait tour temps on en réimprima
'juetques-uns, mais on ne les joua plus que dans Je fond
des provinces. Le Parlement, qui les avait interdits, se
conformait d'ailleurs au goût du pub)!c, que ce genre de
spectacle,laissait froid ou indigne. La tragédie et ta co-

Voï. t'/f;.s/f)in'<<<'Pt<r;fdeDct.AcnE,<uit.in-H,t.ttt,)'.SOL
mediS se partagèrent la succession dramatique des m)'
teres,.mais le genre favori du seizièmesiècle, celui que tes
honnêtes gens réprouvaient et que le Parlement n'osait pas
interdire, c'était la farce des Enfants-sans-Souci, c'était ce
comiquebouffon et licencieux qui mettait en scène les vi-
ces et les ridicules du peuple.
« Les farces, dit Louis Guyon_dans ses jMt~'s~ leçons
(Lyon; Ant. Chard, ')C25, 5 vol. in-8"), Ite diffèrent en
rien des comédies, sinon qu'on y introduit des interlocu-
teurs qui représentent gens de peu et qui par leurs ges-
tes apprennentà rire au peuple, et, entre autres, on y en
a introduit un ou deux qui contrefont les fois, qu'on appelle
Zanis et Pantalons, ayant de faux visages fort contrefaits et
rtdicutes en France, on les appelle badins, revestus de
mesmes habits. Et communément Une se traicte sinon des
bons tours que font des frippons, pour la mangeaille, à de
pauvres idiots et maladvisez qui se hissent légèrement
tromper et persuader on on y introduit des personnages
luxurieux, voluptueux, qui déçoivent quelques maris sots et
idiots, pour abuser de leurs femmes, ou bien souvent des
femmes qui inventent les moyens de jouyr du jeu d'amour
finement, sans qu'on s'en aperçoive. Quant aux farces,
d'autant que volontiers eUes sont pleines de toutes impu-
dicitez, vilenies et gourmandises, et gestes peu honnestes,
enseignans au peuple comme on peut tromper la femme
d'autruy, et tes serviteurs et servantes, ieurs maistres, et
autres semblables choses, sont repouvecs de gens sages et
ne sont trouvées bonnes. n
Cependant ces farces, dont la plus grande partie est,
restée inédite et a suiti dans la tombe les vieux comédiens,
occupèrent le théâtre jusqu'au règne de Louis XIV, où
quelques-unes des plus célèbres se transformeront en co-
médies.
Depuis la suppression du spectacle des mystères, Ic théâ-
tre, au lieu de s'épurer et de tendre vers un but moral;
s'abandonnait à une licence bien digne de justifier les plaiu
tes amères de seiTennemis;il semblait n'avoir plus d'autre
destination que de pervertir la jeunesse et d'enseig~B' la
débauche. Voici en quels termes un zélé catholique le
dénonçait, en ~588, à l'horreur des bons citoyens et au
châtiment des magistrats, dans ses Remontrances très-
/<MM~/M au foy~iMM de Pologne /~n; troisiesme
de ce !M;K, sur les désordres et mi~r~ du /'O~CKmf. <t En
ce cloaque et maison'deSathan, nommée r/:MM BoMf-
.~o~ne, dont les acteurs se disent abusivement confrère de
la passion de J~M-C/t?'M< se donnent miUe assignations
scandaleuses, au préjudice de 1'lioniiesteté et pudicité des
femmes et à la ruine des îamiUes des pauvres artisans,
desquels la salle Lasso (le parterre) est toute pleine, et
lesquels, plus de deux heures avant le jeu, passent leur
temps en devis impudiques, jeux de cartes et de dez, en~
gourmandise, en ivrognerie, tout publiquement,d'où vien-
nent plusieurs querelles et batteries. Sur l'esehafaud (le
tbedtre), l'on y dresse des autels chargés de croix et d'or-
nements ecclésiastiques; )'on y représentedes prestres re-
vestus de surplis; mcsme aux farces impudiques, pour
faire mariage de risées, l'on y lit le texte de l'Evangite en
chants ecclésiastiques,pour, par occasion, y rencontrerun
mot à plaisir, qui sert au jeu et, au surplus. il n'y a farce
qui ne soit orde, sale et vilaine, au scandale de la jeunesse
qui y assiste. »
Les farces du quinzième et du seizièmesiècle, qui furent le `
berceau de lavraie comédie,contribuèrent néanmoins au re-
lâchement des moeurs, malgré l'esprit, la gaieté et la malice
qu'on y trouve presque toujours et qui les recommandent
encore à l'étude des curieux la plupart ne furent jamais im-
primées presque toutes ont été perdues et anéanties on ne
les connaîtrait plus que par oui-dire, si deux publicationsré-
centes ne nous en avaient pas remis au jour environ con-
cinquante, qui ont échappé ainsi à une destruction systéma-
tique. « On ne sçauroit dire, écrivait Antoine du Verdicr,
sieur de Vauprivas, dans sa Bibliothèque françoise, im
primée à Lyon en 1584, on ne sçauroit dire les farces qui
onf~té composées et imprimées, si grand en est le nom-
bre; car, an passé, chascun se meslult d'en faire,et encore

est la
les itistrions, dits Enfants-sans-Soucy,en jouent et récitent
Orn'est. farce qu'un aetedecomédie, et la plus courte

texité et
meilleure, afin d'éviter l'ennuy qu'une pro-
tongneurappnrtcroitauS speet.tcurs. )) Mu Verdier
ajoute que, selon )'.4y'< de f~~ay~Me de Gratian du Pont».
il faut que la farce ou sotie ne passe pas cinq cents vers.
Outre la farce proprement dite, il y avait aussi des dialo-
gues joyeux à deux personnages, des monologues et des
sermons joyeux que récitait un seul comédien. De cette
multitude de farces qui ont.eîe_~rcpresentccset imprimées
.souvent, dix ou douze seulement avaient été sauvées car
jes ecclésiastiqueset les personnes dévotes étaient parvenus
a faire dispar.ntre tous les exemplaires de ces compositions
libres ou obscènes on ne s'explique pas autrement pour-
quoi tant de farces imprimées, tant d'éditions successives
ont disparu, sans laisser de traces.
Un découvrit, il y a peu d'années, dans une vieille
librairie d'Allemagne,un recueil de soixante-quatrefarces, t
dialogues, monologues, sermons joyeux, imprimés la plu-
part à Lyon, vers 1545; le British MMMitM de Londres
s'est rendu acquéreur de ce recueil unique, dans lequel on
ne trouv que six ou sept pièces déjà connues. C'est ce re-
cueil de forces qui a été réimprimé par les soins de M. de
Montaiglon, sous le titre d'Ancien Thédtre /)'aMpCM, dans
la B!M!0</f< ~MM'n~ne (Paris, P. Jannet, '1854, S vol.
in-18). Précédemment, MM. Leroux de Lincyet Francisque
Michel avaient publié (Paris, Techener, 1851-57, 4 vol.
in-8"), d'après nn manuscrit que possédait le duc de La Val-
lièoe (voy. le Catal. rédigé par Guill. Debure, n° 3504),
et qui est maintenant à la BibliothèqueImpériale, soixante-
quatorze farces de la même époque, lesquelles ont été cer-
tainement imprimées dans leur nouveauté, et dont les
éditions originales furent anéanties comme tant d'autres.
Ces deux recueils, si précieux pour t'hiMoire du Uten-
tre, suffisent pour nous apprendre combien la morale et
la pudeur publiques avaient à gémir de la représentation
des farces, où le jeu des acteurs exagérait toujours t'iud~-
cence du sujet et du dialogue.
La guerre implacable qu'on faisait aux farces imprimées
avait'd~ja réussi, vesr le commencement du dix-septième
siècle, à les rendre asxëzjares, pour qu'un bihliophile, ama-
teur de ce genre de littérature comique, se soit efforce
d'en sauver quelques-nnes du naufrage, en faisant réim-
primer, dès ~'annec~6~2, chez Nicolas Rousset, libraire de
Paris, un Recueil de p~KMfMM farces tant anciennes que
NMt/fYHM, !M?;f<'Ht'S ont esté MMM en Mf~/t'ifr On/)'<! et
langage pt'aKpst'o'Mn~. Les auteurs de la Bibliothèque
du théâtre françois (le duc de La Vallière, Marin et Mercier
de Saint-Léger) ont analysé les sept farces que contient
ce curieux recueil, de manière à nous prouver que le
théâtre de ce temps-là ne se souciait guère de respecterles
spectateurs, qui pardonnaient la plus grosse ordure, pourvu
qu'on leur donnât à rire.
Une de ces farces, que La Fontaine a imitéedans le conte
du faMCM~ d'a)'c:'HM, met en scène une femme grosse qui
demande au médecin si elle aura un garçon ou une fille. Le
médecin regarde dans sa main, et lui dit que cet enfant
n'aura point de nez. La femme se désespère, mais le mé-
decin la console et promet de réparer ce malheur pour cet
effet, il ;.e retire avec elle. La femme rejoint son mari, qui
t'attendait à la porte, et accouche un moment âpres. < Com-
ment, ditle mari, il y a treize mois que je no me suis appro-
chée de vuus, et vous faites un enfant, tandis que la pre-
mière année de notre mariage vous accouchâtes au bout
de six mois C'est, r<ponait-e)te, que la première fois
l'enfant avait été placé trop près de l'issue, et la seconde,
tmp avant. » Ce n'était rien que de faire accoucher une
ft'mme sur le théâtre; on voyait souvent tes amant', et
les époux se coucher et contiuuer tenrrotc entre les draps
du lit Souvent aussi, l'action se passait derrière la scène
ou dans ta~nichc fermée de rideaux; mais, pour éviter un
malentendu, on avertissait le spectateur de tout ce qu'on
ne lui permettait pas de voir. Dans la Farce joyeuse et
n'M'fa~'M ~Me /~mHM qui ~MNH</e les arrérages à son
?KO' les deux époux, qui ont failli avoir un procès sut
ce chapitre matrimonial, finissent par s'accorder et par
sortir ensemble. Un voisin, qui-s'est employé à la récon-
ciliation des parties, dit alors
« Hz s'en sont alicz là derrière,
Pensez, cheviller leur accord,
Afin qu'il en tienne plus fOL't.
C'est ainsi qu'il fault apaiser
Les femmes, quant veulent noiscr. M

H faudrait citer et analyser toutes les farces qui nous


restent du seizième siècle, pour faire comprendre la part
d'influence et de complicité qui leur revenait dans le re)a-
chement de )a morale publique. Une femme de bien, apr~s
avoir assisté à ces représentations, en revenait l'âme suuil-
16e et l'esprit tourné à la luxure car non-seulement les
images les plus obscènes, les mots les plus crus, les maxi-
mes les plus honteuses émaillaient le dialogue des farceurs,
mais encore leur pantomime et leurs jeux de scène étaient
d'horriMcs provocations à la débauche. Nous citerons,
comme exemple, la Farce de rière G;;i7Mw<, qualifiée
très- bonne et /Of<~o~M~dans l'édition originale que con-
tient le recueil du British tfMMMm de Londres; elle est,
en cft'et, vraiment comique, et l'on peut se rendre compte
du succès de folle gaieté qu'elle obtenait à la scL'ne. Ë))c
commence par un de ces sermons joyeux, qui formaient
souvent à eux seuls l'intermède, dans les entr'actesd'une
tragédie ou d'une comédie sérieuse. On aura une idée
exacte du théâtre au seizième siècle, en lisant cet incroya-
ble monologue,qui se débitait et semimait en plein théâ-
tre, au milieu des éclats de rire de l'assemblée entière.
C'était là le théâtre populaire jusqu'an commencement
du seizième siècle; on peut imaginer la déplorableinfluence
qu'il Jetait exercer sur les mccnrs. Les farces ~s cette es-
pèce étaient innombrables, comme le (lit Du Verdier; elles
se jouaient par toute la France, même dans les plus petits
viUages; cUas servaient de thème, pour ainsi dire, à la pan-
tomime h plus indécente; elles souillaient !a fois les yeux
et les oreilles des spectateurs, qui encourageaient, par des
applaudissements et des éclats de rire insensés, le jeu im-
pudique des acteurs. On conçoit que le clergé catholique ait
signalé avec indignation ce déplorable abus de l'art scénique,
et l'on ne s'étonne plus, en présence depareilles ordures, que
le ttteatro tout entier se soit trouvé enveloppé dans l'ana-
tlième dont t'ËgUse frappa plus tard les farceurs et les ce-
médiens. Saint François de Sales, qui composait, vers cette
époque, ses écrits de morale religieuse, comparait les repré-
sentations théâtrales aux champignons, dont les meilleurs
`
ne sont pas salubres.
Cependant l'autorité civile et judiciaire, qui avait mis-
sion de veiller à la police des moeurs, no semble pas s'être
émue de l'incroyable licence du théâtre français, avant
la fin du règne de Louis XtIL jusque-La, le lieutenant
civil, dans quelques arrêts relatifs aux comédiens, avait
enjoint à ceux-ci de ne représenter que « des pièces licites
et honnestes, qui n'offensassent personne; e mais ]es com-
missaires et les sergents ne paraissent pas avoir f.tii exécu-
ter ces arrêts au profit de )a décencepublique. En revanche,
la répression était très-prompte et tres-severc à l'égard de
toutes les satires personnelles qui s'adressaient a des gens'
de qualité et à des particuliers notables. On emprisonnait
alors, sans forme de procès, les comédiens qui s'étaient
permis la moindre atteinte au respect des personnes et au
secret de la vie privée. Quant aux farces qui n'étaient que
graveleuses ou ignobles, on leur laissait la carrière tibre,
et on n'avait pas t'air d'en être scandalisé, d'autant plus que
ces spectacles déshonnêtes faisaient le charme du peuple,
qui y retrouvaitla peinture do ses mmurs grossières, l'ex-
pression fidt'te de ses sentiments bas, l'écho de son tangage
tritiat. ?
Nous av.bns dit que le ptu-. grand nombre des farces n'ont
pas été imprimées, et que celles qui le furent ont disparu
en majeure partie. II en existe encore assez pour qu'on
puisse se faire une idée exacte d'un genre de spectacle que
le peuple pr.'ferait à tout autre, et qui exerça sans doute
une fâcheuse influence sur les mœurs, tant que le théâtre
fut deshoi~pre par la représentation de ces pièces liceu-
cieuses. Voici les intitulés de quelques-unes, qui tiennent
d'ailleurs tout ce que promet leur preambutc « Farce
nouvellc, très-bonne et fort joyeuse, des femmes qui de-
mandent les arrérages de leurs maris, et les font obliger
par n'M!; a cinq personnages, c'est assavoir: le mary,
la dame, la chambrière et le voysin. Farce nouvelle et
fort joyeuse des femmes qui font escurer leurs ctmutderons
et dcffendent qu'on ne mette la pièce auprès du trou; à
trois personnages, c'est assavoir la première femme, la
seconde et le maignen. -Farce tres-honna et fort joyeuse
de Jeninot, qui fist un roy de son chat, par faulte d'autre
compagnon,en criant Le roy boit) et monta sur sa mai-
tresse pour la mener à la messe à trois personnages, » etc.
Tels étaient, les titres, qui donnaientun avant-goût des
farces que l'affiche annonçait au public, Ces farces, qui
avaient une vogue extraordinaire, on les apprenait par cœur
à [brccL de les entendre, et chacun, au besoin, était en utat
d'y remplir un rôle lorsque, à défaut de yoiffM)'~ de pro-
fession, une confrérie de compagnons, une corporation de
métier, une société joyeuse, se constituait en troupe dra-
matique. Les associationsd'acteurs bourgeois ou artisans s
multiplièrent sur tous les points du royaume, dans la pre-
mière moitié du dix-septième siècle, et la débauche, qui
était toujours le mobile de cette passion effrénéedu théâtre,
ce inultiplia également, en proportion du nombre des co-
médiens et des comédiennes, qui vivaient dans le désordre
teptuscrapute!
« Dyav.lit deux troupes atorsaParis, raconte Tilleiiiant
destt~.u)x'.quiavait recueilli la tradition de la bouche de
ses conte)npnr.Hns;e'ctoicntpresque tous des filous, et
!eur, )emmesvi volent dans la plus grande licence du monde:
c'utoientdeii feunnes communes et même aux comédiens
de l'autre troupe, dont elles n'etofent pas. < TaHemant des
KAutï ajoute p)m,Iom:<[ « La comédie n'a été en honneur
que depuis que le cardinal de Richelieu en a pris soin
(vers dti2u],c~, avant cela, les honnêtesfemmes n'y atioient
point, » Les trois plus habiles farceurs de ce temps-là,
connus sous leurs noms de théâtre, Turlupin, Gaultier Gar-
guille et Gros-Guillaume,jouaient la comédie sans femmes,
et poussaient à l'envi le bur)esquc jusqu'au cynisme le plus
éhonte. Taftemant des Hcaux dit pourtant que Gaultier
Gar;:ui))e fut « le premier qui commença' à vivre -un peu
plus réglément que les autres » et que Turlupin, « ren-
c-fterissant sur la modestie de Gaultier Garguille, A~enUa
une chambre proprement car'tous les autres étoient épars
çà et là, et n'avoicnt ni feu ni heu. o Sauta), qui écrivait
son //M~OM'<' des ~lK/~M!<~ de Paris en même temps que
Tallemant ses //M<0)'!<'MM, se garde bien de délivrer un
certificat de bonnes mœurs à ces trois fameux bouffons; il
dit même de Gaultier Carguille, qu'il « n'aima jamais qu'en
lieu bas » et l'épitaphe qu'on avait faite pour les trois
amis, enterrés ensemble dans l'église de Saint-Sauveur,
renferme un trait qui pourrait bien faire aUusien à la vilaine
nature de leur association

Gaultier, Guillaume et Turlupin,


I~norunsengrecetlatia, <
Brillèrent tous trnis sur la scène
Sans recourir au sexe feminin,
Qu'ils disoienl un l'cu lrop n13tin:
Faisant oublier toute peine,
Leur jeu tte Liteatt'c bmHn

Voy. t. X des //MforM;M, édit. in-'t9, p. <0.


Dissipoit le plus fort chagrin.
Hais la Mort,enune semaine,
Pour venger son sexe mutin,
Fit à tous trois trouver leur fin.

Gros-Guillaumejouait à visage découvert; mais ses deux


amis étaient toujours masques chacun d'eux avait un cos-
tume caractéristique, qu'il ne changeait jamais dans la farce.
Avant d'être incorpores dans ta troupe de l'hôtel de Bour-
gogne, ils avaient établi leurs tréteaux dans un jeu de
paume, qui ne suffisait pas à contenir tous les curieux que
ces représentations y attiraient. Le cardinal de Richelieu
voulut les voir et les entendre il fut enchanté d'eux, et
il les juga dignes de devenir comédiens de l'hôtel de Bour-
gogne,otti)stran<porterent leurs farces et leurs chansons.
On peut supposer que ces farces étaient de la composition
de Turlupin, puisque le nom de turlupinades est reste aux
canevas facétieux, qu'ils jouaient ensemble, d'abondance
et à t'impromptu, comme les farces italiennes. On sait
d'ailleurs, que les chansons, que nos trois amis chan-
taient d'une manière si plaisante n'avaient pas d'autre
auteur que Gaultier Garguille, qui les lit imprimer lui-
mcmecn 1653 (Paris, Targa, petit in-12), et qui obtint,
sous son véritable nom, à cet effet, un privilège du roi, oc-
troyé, était-il dit dans ce privilége, « à nostre cher et bien-
aimé Ilugues Gueru, dit Fiéehellcs, l'un de nos comédiens
ordinaires, de peur que des contrefacteurs ne viennent
adjouster quelques autres chansons plus dissolues. La »
Chanson de Gaultier Garguille. si dissolue qu'elle fut de
son essence, avait passé en proverbe, et bien des gens,
dit Sauvai, n'allaient à Fhôtel de Bourgogne, que pour
l'entendre. Quant aux farces, <'ans_ lesquelles Turlupin
(ffenriLegrand était son nom de famille) se distinguait
par des « rencontres pleines d'esprit, de feu et de juge-
ment, elles n'eurent pas probablement les honneurs de
l'impression on ne les connait que par des scènes qui ont
été reproduites dans de vieilles estampes de Briot, deMa-
riette et d'Abraham Eosse. Au reste, ces illustres farceur?
s'étaient essayés aussi, avec succès, dans la comédie héroï-
que, qui descendait parfois aux trivialités de la farce.
L'hôtel de Bourgogne, où l'on représentades farces pro-
prement dites jusqu'au milieu du dix-septième siècle, pos-
sédait, au commencement de ce siècle, un comédien au-
teur, non moins fameux que le furent plus tard Turlupin,
Gaultier GarguiUe, Gros-Guillaume et Guillot-Gorju.C'était
un Champenois, nommé Deslauriers, qui avait pris le so-
briquet de jBt'MCCm&Mf,sous lequel il a publié les plai-
sàntes imaginationsqu'il composait et débitait sur la scène,
pour tenir en haleine l'auditoire entre les deux pièces et
pour le' préparer à faire bon accueil aux folies de la
farce. L'usage de ces intermèdes comique! et graveleux
remontait certainement au spectacle des Pois p!~
et le &?<?:, qui venait réciter au public un moHO-
/o~Me ou un M)'m<w joyeux; n'épargnait ni grimaces ni
gestes indécents pour faire rire le parterre, qui ne savait
pas ce que c'était que de rougir d'un mot obscène ou d'une
pantomime licencieuse. Aussi, on avait osé autrefois dire
en plein théâtre le Sermon joyeux ~'M t~M~Mf~fM)' de
nourrices. le Sermon des frappe-culs, et bien d'autres mo-
nologues en vers ou en prose non moins joyeux et non
moins orduriers.
Uu temps de Henri IV, Deslauriers ou Bruscambdte s'é-
tait fait connaître par les harangues facétieuses qu'il adres"
sait aux spectateurs, avant ou après la comédie et qui rou-
laient sur toutes sortes de sujets bizarres, grivois ou
ridieuies: tantôt, dans le procès du pou et du morpion, il
imitait les formes du Palais et t'eloquence p~dantesque du
barreau tantôt, dans un panégyrique en faveur des gros
nez, il paraphrasait cette équivoque en latin macaronique
Ad /!))'HMm MM eo~HfMK'~Kr ad te ~CH tantôt, il s'ef-
forçait de découvrir sous la jupe des femmes les mystères
du saut des puces tantôt, il prétendaitavoir fait un voyage
au ciel et aux enfers, pour interroger les mânes et les ma-
nans sur cette grande question Uter t't' CM H<;< se
m<M delectel M eopM~/MHf. On savait assez de latin dans
l'assemblée pour comprendre celui de Bruscambille,et l'on
riait aux larmes, lors même qu'on ne le comprenait pas,
car son jeu muet en disait autant que ses paroles. Quelque-
fois, Deslauriers se mêlait de traiter gaiement des matiè-
res sérieuses qui plaisaient beaucoup moins aux habitués
de l'hôtet de Bourgogne il revenait souvent sur l'apolo-
gie du théâtre et sur la justification du comédie n, qu'il s'ef-
fot'çait de relever de l'infamie où sa profession l'avait fait
tomber mais il était bientôt oblige de reprendre le ton
graveleux et de faire sou métier; en accumulant, .dans ses
Fa~a'MhM et Paradoxes, les turpitudes et les saletés les
plus excentrique.. Xous renvoyons le lecteur qui veut se
faire une idée de la licence du théâtre sous Louis Xt)I, aux
A'OMW~M pMMH~ imaginations de B/MM'tMHf, que
l'auteur ne craignit pas de dédier à A/aM~~K~Kf le
Prince, c'est-à-dire à Henri de Bourbon, prince de Conde.
Ht tout cela fut imprimé et réimprimé avec privilége du
roi, et tout cela fut débité et mimé, non-seulement sur Ic
théâtre de l'hôtel de Bourgogne, mais encore sur tnus les
théâtres de campagne qui lui empruntaient son répertoire
Passe encore si le publie qui raffolait encore de ec<
vilenies, eût été composé d'ivrognes et de libertins, de
gens sans aveu et de prostituées; mais 1~ bourgeois menait
à la comédie sa femme et sa fille ;lcsjeu!)cs gens étaient
plus passionnés encore que les hommes mûrs, pour ce di-
vertissement qui les poussait à la débauche, et partout le
théâtre faisait de folles amours et des adultères, des mari?
trompes, des femmes iufidèles, des entremetteuses de
prostitution, des docteurs d'immoralité. C'était là que le
peuple se perdait par, les mauvais conseils et les mauvais
exemples. Hais le peuple ne fût-il point allé voir les comé-
diens de l'hôtel de Bourgogne, ceux de l'hôtel d'Argent ou
du théâtre du Marais, ceux de la foire Saint-Germain et ceux
qui dressaient leur théâtre de passage dans tous les jeux de
paume, il aurait eu, pour se divertir,pour dégrader sa
pensée et pour s'instruire à l'école du libertinage, les
parades en plein vent de la place Dauphine et du pont
Neuf:ilpouv:)ity entendre, tous les jotfM.sans'boursc
dclicr, tes ffnecKh'M, <j'MMh'oM, </emeK~M, fantai-
~M. etc., du grand Tabarin et du baron de Gratctard, qui
vendaient leurs drogues, leurs onguents, leurs parfums et
leurs ~ov/s, à l'aide de ces « gaillardises admirables, »
de ces « conceptionsino~es t et de ces « farces joviales, »
réimprimées tant de fois pour répondre à t'etnprcssomont
des acheteurs, que n'effarouchaient pas l'impertinence du
sujet, la hardiesse des détails et l'incongruité du langage.
Tabarin et ses émules avaient le droit de tout dire sur
leurs tréteaux; les passants, le droit de tout écouter, et,
s'il y avait là d'aventure quelque commissaire enquêteur
de police au maintien grave et austère, il se gardait bien
d'interrompre les plaisirs du petit peuple, en imposant si-
lence aux acteurs effrontés des farces tabariniques,qui ne
furent prohiMcs plus tard que par arrêt du Parlement.
La farce cessa de vivre, quand la comédie lui eut pris
son théâtre et son public, avec l'aide des beaux esprits, et
:.ous la protection des honnêtes gens.
MA!STI{Ë

PIERRElu PATHELIN
-PRÉFACE DE L'EDITEUR

ne suis Men~tr, dit Genin dans la préface de son édi-


"tion, qu'il y a une filiation directe entre la farce de
Pathelin et le Légataire, et le 7'c~K~ et même le
MMf/~opf. Cette farce est la gloire de notre; vieux
théâtre français; on peut la regarder comme la première
comédie écrite dans notre langue et représentée sur notre
scène, comédie souvent imitée, souvent citée, q(9' a laissé
des souvenirs impérissables dans les traditions de la gaieté
gauloise. « En outre de la verve comique et de l'esprit
de mots, dit encore Génin, dernier éditeur et commen-
tafeur de cette farce célèbre, l'auteur possédait, à un degré
peu commun même aujourd'hui, l'entente dramatique,
l'art de faire rendre à une situation tout ce qu'elle ren-
ferme, sans la surcharger et la noyer dans les détails. o
Deux siècles et demi avant Génin et son édition si ma-
gnifique et si pauvre à la fois, un écrivain illustre, Éticnnc
Pasquier, exprimait avec encore plus'd'cnthouHasmela
même admiration pour la farce de P~/M'/M:, qu'on ne jouait
plus et qu'on ne lisait presque plus de son temps. « Ne
vous souvient-il point, dit-il, de la rcsponse que fit \'i['-
gilc à ceux qui lui improperoient l'e~tude qu'il employuit
en la lecture d'Ennius, quand il leur dit qu'en ce faisant,
il avoit appris à tirer de l'or d'un fumier? Le semblablu
m'est advenu naguère, aux champs, où, estant destitué de
la compagnie, je trouvay, sans y penser, la farce de mais-
~'f'PM~'e7'<!M~M,qut; je Jeu et l'duu avec tel conten-
tement, que j'oppose maintenant cet esdiautiUon à toutes
les comédies grecques, latines et italiennes. D (Rt'c/Myc/i~
</e/<?y'aM<)iv.VIH,ch:!p.nx.)
Malgré le mérite littéraire et dramatique de cette farce,
malgré l'immense vogue qu'elle obtint à son apparition,
lonomdcl'auteurestrcsteinconnu.
Cet auteur, on le cherche depuis longtemps et on a cru
le retrouver successivement dans Guillaume de Lorris
dans Jehan de Meung, dans François Villon, dans Pierre
Manchet et dans Antoine de IjaSale.EnSn.onamemc
supposé un joueur de farces, un bazochien, nommé Pierre
Patholin, qui aurait invcntu lui-même cette farce, qu'il re-
présentait, comme on disait autrefois, d'original.
Guillaume de Lorris, qui a fait la première partie du
fameux roman de la 7!OM termine par Jehan de Meung,
mourut vers 1240 il n'y a pas, dans la farce de l'athelin,
un seul mot qui autorise à lui assigner une origine aussi
ancienne. Cette opinion erronée et insoutenable ne re-
pose que sur une phrase un peu légère que le comte de
Tressan a laissé passer dans ses ÛEKM'M diverses publiées
en 177C~.< « Il est vraisemblable, dit-il (/?M'M)MMm-
m<K/'<MMi/' l'esprit), que Guillaume de Lorris est l'auteur
de la charmante farce de l'avocat Pathelin, qui sera tou-
jours le modèle de la plaisanterie la plus ingénieuse et In
plus naïve. Ce qui peut servir à le prouver, c'est que Jehan
de Mcung cite dos~ traits de cette pièce dans sa continua-
tion du roman de la Bose. » Le comte de Tressan tenait
à son système, car, déjà dans l'article PARADE qu'il avait
fourni à l'Encyclopédie de Diderot eu 1765, il disait
« Quelques auteurs attribuent cette pièce à Jehan de
Meung mais Jehan de Mcung cite lui-même des passage,
de fcMteKn 'lans sa continuation du roman de la ~!osf, et,
d'ailleurs, nous avons de bien fortes raisons pour rendre
cette pièce a Guillaume de Lorris. » Le comte de Tressan
ne cite pas un seul do ces passages, qu'il eût été si curieux
(icproduIreetquiparmatheufn'existcntnuUcpartdans
le roman delà /~< quoique nous ayons d'abord cru, sur
Il
sa parole, à leur existence. est possible cependant que
l'auteur anonyme de h farce de 7'a~/<H ait emprunte au
roman de la Rose, que tout le monde savait par cœur lit
seizième siècle, quoique locution proverbiale ou même
quelque vers devenu prnbprbe.
En outre, il ne faut pas oublier un rappprochement cu.
rieux, qui peut avoir été la cause d'une erreur littéraire, ac-
créditée par l'ignorance et parle temps. H y a une sorte de
poème philosophique intitulé: Le T~/CMt~~ ~f Jf/MH de
J)/<'KK~i) y a une petite farce, qu'on doit considérer
comme
la suite de la grande farce de P~M et qui est intitulée:
Le Testament de Pû<M. De là, entre ces deux ouvrages
si différents l'un de l'autre, une confusionde titre et d'au-
teur, qu'il n'Ci-t pas difficile d'expliquer.
Quant à François YiHon, le système qui lui attribue la
farce de Pathelin aurait du moins quelque vraisemblance;
car cette farce fut composée et jouée à l'époque mdmc ou
Villon rimattjaussi pour le théâtre son monologué du
Franc-Archer, lequel, au point de vue du style et des idées,
offre plus d'un point de comparaison avec cette farce que
Villon a connue certainementet dont il se souvient dans
p]us d'un endroit de ses poésies. Mais c'est surtout te Tf~-
&HMH/ /'cyM;'H, qui présente des analogies frappantes
avec le grand et le petit Testament de t'MoH. Néanmoins,
si Ymon avait été fauteur de ;Va~'e P~n'a Pathelin ou du
7'cmfH< de Pathelin, ses éditeurs, ses amis surtout, entre
autres Jean de Calais, qui a le premier recueilli les vers du
poète dans le Jardin de Plaisance,h'eussentpas manqué d'a-
jouter t'une ou l'autrefarce aux oeuvres, si goûtées alors, de
cet autre maitre fourbe. Villon était, dit-on, un sobriquet
donné à François Corbueil, en témoignage de ses N'~oK-
K~'<M ou larcins [e nom de fay/ic/m devint aussi le syno-
nyme de trompeuret de finasseur.
H est possible qu'un avocat du nom de Pathelin ait véeu
au milieu du quinzième siècle et que la notoriété de ses
tromperies se trouve constatée par la farce, qu'il aurait,
dit-on, écrite et jouée lui-même dans une de ces troupes
de comédiens qui /M/M:M< et /OMh'<WH~, suivant l'expres-
sion technique, sous la protection de la Bazoche mais
cette conjecture ne s'appuie sur aucun fait, et il faut la re-
)(*'gucr, comme )ant d'autre' dans les espaces imaginaires
dc)')typot))L'se.
Pierre Bjanchet, au contraire, est à peu près en posses-
sion légitime de l'honneur qui doit revenir à l'auteur de
la farce de Pathelin. H est désigné comme l'auteur, sans
conteste, de cette farce, dans une foule de livres Imprimes
depuis plus d'un siècle. Nous aurions un remords de con-
science si nous cherchions, comme l'a fait M. Génin, à le
déposséder de cette glorieuse paternité que le temps à
consacrée, à défaut du droits authentiques.
Ce fut, en effet, Godard de B.eauchamps qui signala pour
la première fois, en 17S5, Pierre Blanchet, comme pouvant
être l'auteur de la farce de Pathelin. « Ce Pierre Blan-
chet poUrroit bien être l'auteur de la farce de Pathelin, »
dit-il dans ses Recherches sur les TM~M de la Ffanee
(p. 133 de l'édit. In-4). !1 ne faut pas croire que cette
supposition soit purement gratuite de la part de Beau-
champs. Cet historien du théâtre est le mieux renseigne de
tous ceux qui ont écrit sur le même sujet; avait à sa
disposition une quantité de manuscrits précieux et de ren-
seignetnents inédits qui ont disparu il puisait à volonté
dans plusieurs grandes bibliothèques dramatiques, qui ont
été dispersées depuis et dont les livres portaient d'an-
ciennes notes, qu'il a souvent recueillies. Nous sommes
donc à peu près certain qu'il avait trouve le nom de Pierre
Blanchet, écrit à la main sur un vieil exemplaire de la farce
de Pathelin.
Pierre Blanchet, né à'Poitiers vers lî59, avait d'abord
suivi le barreau dans cette ville où la Bazoche donnait de
si belles représentations théâtrales. Il fut avocat sans
doute, probablement avocat sous /'M')M, suivant l'expres-
sion de la farce qu'on lui attribue de plus, il était poëte,
il composait des rondeaux des satires et des farces. Ce
n'était point asfez pour le faire subsister. A l'âge de qua-
rante ans, il quitta brusquement le Palais et il embrassa
l'état ecclésiastique on peut croire qu'il obtint un cano-
nicat ou quelque bénéfice, dont les revenus lui permirent
de,vivre tranquille, pendant vingt ans encore, sans cesser
toutefois de rimer; mais les huitains, les noëls et les dic-
tés ou~s avaient succédé aux farces et aux satires.
Dans une lettre en vers que Pierre Gervaise, assesseur
de l'ofticial de Poitiers, adresse à Jean Bouchot, poète et
procureur dans la même ville (voy. les ëp~M /i?M!HA'M de
J. Bouchet,fol. 22), la Rhétorique, personnifiée en muse,
apparaît à l'auteur de la lettre et lui parle en ces termes

Regarde aussi maistre Pierre Blanchet,


QuisceuttantMon jouerde mon buchct (porte-voix),
Et composersatyres proterveuses,
Farces aussi,qui n'ehtoient ennuyeuses.

Maître Pierre Blanchet paraît donc être le prototype de


maîtrePierre Pathelin.
L'auteur de ces farces était mort en 1519, et son ami,
son compagnon de la Bazoche, Jean Bouchet, avait com-
posé une ppitaphf, qui vaut une biographie de Pierre B)an
chet. La voici en entier:

Cy gist, dessoubx ce lapideux cachet,


Le corps de feu maistre Pierre Btanehet,
En son vivant, poëte satyrique,
Ilardy sans lettre et fort joyeux comique.
Luy, jeune estant, il :,uyvoit le Palais
Et composoit souvent rondeaux et laiz;
Faisoit jouer sur eschaffaulx Bazoche,
Rt y jouoit par grant art sans rcprochf.

En reprenant, par ses satyricz jeux,


Vices publiez et abus outrageux;
Et tellement, que gens notez de vice
Le craignoient plus que les gens de justice
I\'c~uc prcscbcurs et concioaateur~,
Qui n'estoient pas si grans déclamateurs,
Et neantmoins, parce qu'il fut affable,
A tous estoit sa presence agréable.

Or, quant it eut quarante an<, un peu p)u~,


Tous ces esbats et jeulx de luy forelus,
)I fut faiet prestre, et en cest estât digne
Duquel souvent se réputoit indigne,
U demoura vingt ans, très-bien disant
Heures et messe, et paisible gisant.

Et néantmoins, par passe-temps honneste,


I.uy, qui n'estoit barbare ne agreste,
.H composoitijicn souvent vers, huytains,
Noëlz,dlctez,d~IjonncschosGsphuns.
Et, pour la nn, son ordonnance nUime
Et testament feit en plaisante rithmf,
Où plusieurs legs à tous ses amis feit,
Plus à plaisir qu'à &inguUcrprofftt
Fusmes trois que ses exécuteurs nomme,
Lesquels chargea de faire dire en ~-omme,
Après sa mort, des messes bien trois cens,
Etlespa')erdfinobti'chout-se,ans
Rien de ses biens, lesquels laisseroit, preudrp,
Comme assuré qu'a ce voudrions tendre.

Après mourut, sans regret voluntiers,


'L'anmUcinqcensct.dix-ncuf,aroitiers,
Dont fut natif. Priez donc Dieu, pour l'aine
Du bon Dfanf'hct, qui fut digne qu'on l'âme'

Cette curieuse épitaphe, dont le dernier éditeur du Pa-


y/tC/iM ne cite que des tombeaux, renferme, à notre sens,
tout ce qu'il faut pour démontrerque Pierre Blanchet est
bien réellement l'auteur de la farce qu'on lui dispute. 1~
est bon d'etabiir d'abord qu'à l'époque où cette farce fut
écrite, c'est-à-dire vers i4G7 ou 1470 au plus tard, )e meil-
leur poëte satirique, le meilleur joyeux ccm~M~, a été
maître Pierre Blanclvet. Il était alors avocat à Poitiers et il
jouait par grand art dans les farces qu'il /aMoS.?'OKpr sur
MC/M/~tH~ par ses confrères de la Bazoche. Quand il se
fut fait prêtre, a l'âge de quarante ans, il se réputait in-
digne de sa nouvelle profession, et il continuait son métier
de poëte. A sa mort, il rédigea en plaisante n~MM son tes-
tament bouffon, dans lequel il fondait plus de trois cents
messes, en chargeant ses exécuteurs testamentaires de les
payer de teur bourse et en distribuant entre ses amis plu-
sieurs legs plus à plaisir ~M'à MH~H/Mr profit.
Voilà bien le testament que dicte maître Pierre Pathelin
dans la farce intitulée le 7'Mta)y!cnf de Pathelin et com-
posée évidemment après la mort du héros de la première
farce pathelinoise. Il est même probable que nous n'avons
qu'une petite partie du testament satirique et joyeux,
que laissa maître Pierre, dan< ce qui nous reste de cf.
testament il n'y est pas question des trois cents messes,
mais on y voit que Pathelin lègue ses écus à GuiDemcttc
en cas qu'elle les trouve dans la cassette où ils ne sont
plus. Parmi les legs faits plus à plaisir ~M'& singulier
profit, on remarque celui-ci, que Pathelin ou plutôt maitrc
Pierre B)anehut assigne à ses anciens amis de la Bazocho
de Poitiers, et du théâtre des Enfants-Sans-Sot~i
Après, tous vrays gauuisseur&,
Bas ppreez, gailans sans soucy,
Je leur bisse les routisseurs,
Les bonnes tavernes aussi.

H faut encore, dans cette farce du Testament fycPe//tfH?i.


noter un passage qui se rapporte trus-probaMement à
maître Pierre Blanchet, lequel, d'avocat, s'était fait prêtre
et n'avait pas renoncé à ses vieilles habitudes du po~te sa-
tirique. Guillemette lui dit, en le voyant chercher son sac
CM' fCMM pcrdues:
Je ne sçay quel mouche vous poinctt.
Par ccluy Dieu qui me fist naistre,
Je cuyde que, se estiez pre,tre,
Vous ne chanteriez que de sacs
Et de lettres!

EnGn, dans la farce de Pathelin, il y a une équivoque


évidente i l'occasion du ntot MsMf/~<, qui signifiait à la
fois une chemise ou une camisole blanche et un petit
Uane ou denier; équivoque très-intelligible que l'auteur
oppnse,par une autre équivoque gaiUarde,. au mot~W!f//<
qui s'entendait en même temps d'une ul)e brune et d'une
étoffe de hune. On peut imaginer de quels rires l'auditoire
accnciDait ce double jeu de mot", so) tant de la bouche dc.
maître Pierre Bhnchct lui-même
J'achcteray ou gris ou vcrj
Et pour un btant'het, Guillemette,
Me fan)t trois quartiers de brunetto
Ou une aptne.
Il nous semble donc très-juste et très-convenable do
h'.is~cr'a Pierre Blaneltet ce que Génin a voulu rendre a
Antoine de La Sale.
Antoine de La Sale est le rédacteur on )'m'<Mr de ce
ehef-fl'ffuvre de joyeusete gauloise, qu'on nomme les Cent
Nouvelles soMt~HM, recueil de crn< e/tsp~~s OK /tM~:ff.<,
ou, pour m<fM~ dire, MM~aK<.)* comptes à p/<!MSM<'< ra-
contés en 145.0 au château de Gcnappe par le Dauphin
Louis, qui fut depuis Louis XI, par le comte de Charolais,
qui fut depuis Charles le Téméraire, duc de Bourgogne,
et par les gentilshommes de ces deux princes. C'était une
tâche difficile que de se faire le secrétaire de cette belle
assemblée où l'on narrait tant de bons contes. Antoine de
La Sale s'acquitta de cette tâche avec infiniment de bon-
heur et de talent. Son livre fut pendant longtemps le bré-
viairc égrillard des gens de cour. Cet Antoine de La Sale,
qui devint, peut-être à cause de ces plaisants livres, gou-
verneur des fils du roi René d'Anjou, écrivit d'autres ou-
vrages de genre différent le plus connu est l'~fM<o: et
plaisante <!?i/'on!<~«' dit petit Jf/iK): de Saintré et de la
dame des Belles-Cousines le plus remarquable est celui
qui a pour titre les QMMMC Joyes dit mariage.
Génin a voulu augmenter le bagage littéraire d'Antoine
de La Sale, en y ajoutant la farce de Pathelin, que le spi-
rituel acteur des Cent NouvellesK!0!'M~f~ n'a jamais songé
a s'approprier de la même façon que Pathelin emporta son
drap. On ne prête qu'aux riches c'est la raison la plus
valable que Cenin ait mise en'avant, pour rapporter a un
prosateur l'œnvre d'un poëte. Antoine de La Sale est un
des joyeux conteurs des Cent NOKMH<MMOM'~M,'done
il est l'auteur de la farce de PatM:'K Antoine de La Sale
s'est montré naïf et habile écrivain dans l'Ilistoire f/M
petit ~c/MH <? X<MK~'<f,' donT il est l'auteur de la farce
de jf~MM ;'Antoine de La Sale a écrit les j~MMf Joyes
f~f mariage, oeuvre qu'on est convenu de lui attribuer,
faute de savoir à qui donner ce petit chef-d'œuvre de
raillerie fine et de verve comique; donc, il est l'auteur de
la farce de Pef~c~M.
Telle est la force d'argumentation que Génin appelle a son
aide, en se vantant d'avoir « cette délicatesse d'organe,
cette sûreté de tact, cet insttnct, cette llnesse, que réclame
la chasse aux anonymes et pseudonymes. Ce n'est pas tout
pourtant Genin a découvert, dans la farce même de Pa-
thelin, les prouves d° l'attribution qu'il soutient et qu'il
défend avec une sorte. d'aveugle frénésie. Oui, Génin a re-
marqué que le drapiervend du drap qui a le ~dc Bruxe!)es
a Genappe est à une lieue de BruxeDesfo s'écrie Genin
triomphant de la trouvaille. Le même drapier jure par
saint Gigon <f Saint Gigon est la furme flamande du nom
de saint Gengoultf dit Génin, arec cette assurance qui ne
l'abandonne jamais, surtout quand il se fourvoie Guillaume
Joceaume est donc Flamand. Patheiin, dans la scène
où il fein) d'avoir le délire, après 'avoir parie tour à tour
limousinois, picard, normand et bas-breton, se met à ptV-
~MK<'y aussi en flamand cela prouve, selon Genin, que la
farce a été jouée d'abord Mf le <Mf)'f Genappe! En
dernier lieu, si l'on prend 14GO pour la date probable de
la composition du..MMM, l'auteur inventé par Génin,
Antoine de La Sale, aurait eu alors soixante-deux ans
« Molière en avait cinquante-trois,nous fait observer Gé-
nin, lorsqu'il donna le Malade imaginaire.
Que peut-on répondre à de pareils raisonnements? Rien,
si ce n'est conseiller à ma~ro Génin de laisser là maître
Pathelin et de retourner ses moutons. de jésuites; car'
on sait que Génin a fait aux pauvres jésuites une terrible
guerre avec les armes de Pascal, avant de s'attaquer aux
hommesd'érudition, tels que Paulin Paris, FrancisqueNiche)
et quelques autres, qui ont eu le tort de ne pas attendre la
permission du dernier éditeur de Pathelin pour s'occuper
avec succès de notre ancienne littérature.
Cette dernière édition de la farce de Pa/MM est l'exegi
m<mKH:i'K<MMtde la critique hargneuse deJJenin spicndidf
édition, beau caractère, beau papier, beau tirage; mais le
reste est peu de chose une introduction pleine de para-
doxes, d'erreurs et d'inutilités, le tout assaisonne de fine
fleur de pédanterie; la farce de PafMtH, offrant, il est
vrai, un texte plus correct et mieux étudié que les précé-
dentes éditions; des notes verbeuses, qui n'expliquent
presque jamais le texte de l'auteur et qui pataugent ordi-
nairement dans les champs vagues de t'étymologie. Voilà
ce que Génin nous a donné comme son testament litté-
raire. Mieux vaut encore le Testament de MMM.
Selon Génin, le nom de Pathelin, qu'il écrit arbitraire-
ment Patelin, a pour étymologie le mut paff~. ton, selon
f
l'ancienne orthographe, pate. Patelin est un cajoleur, on
homme qui fait patte de velours chez les Latins palpa,
chez La Fontaine et nos vieux auteurs, pate-pelu.» Génin,
cette fois seulement, est en désaccord avec Ducange, dont
il se fait partout le fidèle écho; car Ducange avait cru que
Pathelin était le même mot que patalin et pa~Kr'M, nom
donné aux hérétiques albigeois, et devenu, dit-il, un ad-
jectif caractéristique, parce que ces hérétiques s'efforçaient
de séduire et d'attirer à leur doctrine par des manières
insinuantes ttos (faMeHM~) Msh': r~TALEfs g< PATELINS
MMMR/r. /MMC pATEUNs M~o appellamits /a//cecs, adu-
latores, blandos assentatores, ?M: lit ~!M~ /BW<!<'0/'MM
plerique, palpandodecipiunt. » Certes, il en a dû coûter
à Génin pour rompre ainsi en visière à Ducange, dont il
avait fait son complice dans toutes les aventures de son
érudition de contrebande. Génin, qui comptait sur Pathelin
pour s'immortaliser, n'a pas souffert que La Monnoye eût le
dernier mot sur l'étymologie du nom de ce mattre fourbe:
< II faut écrire Patelin, avait dit La Honnoye dans les notes
de, la .B!Mo<M~<*/hMfOMg de Du Verdier, parce que ce
mot ne vient ni do nxSo} ni de e~xCo~, mais du bas latin
pasta, de la pâte, dont on a fait le verbe appdter, dans la
signification d'aMMW par des manières flatteuses, comme
par un appât, pour faire tomber dans le piège. »
Âpres la Monnoye, après Ducange et même après Génin,
il est témérairedejouer à l'étymologie; cependant on nous
permettra de constater que les plus anciens textes donnent
pathelin et non patelin, ce qui prouve que la lettre h avait
sa raison d'être dans ce nom aussi bien que dans mathelin,
auquel nous assignons une origine contemporaine du pre-
) mier mot. Or mathelin dérive de l'italien ~TMMc, qui veut
dire fou pourquoi pa'<MM ne viendrait-il pas aussi de
l'italien patto, signifiant pacte, accord, contrat? Pathelin
voudrait dire alors tout naturellementun avocat fin et re-
tors qui MMrc/MM~e avec le drapier et qui pactise avec le
berger Agnelet.
Mais, quel que soit le sens primitif du nom (le Pathelin,
il ne se montre pas dans la langue avant la fin du quin-
zième siècle. Dès l'année HC9, le motp<?~H~' app.'n'aLt
dans une charte, qui a été publiée récemment (voyez la
Bi'MM/M~tf rEfo/f des Cliarles, 2' série, tome lY,
page 559). Ce mot, qui procède évidemment du nom de
Pathelin, est employé, dans des lettres de rémission, de
manière à faire allusion à la farcedont Pathelin est le héros
« Vous cuidez pateliner et faire du malade, pour cuider
coucher céans, e Genin a prétendu trouver, dans les Cent
~OMt~fHM KOMt'fHM, deux autres allusions qui seraient
un peu antérieures à celles de la .charte de HG9; mais Génin
s'est lourdement trompe, n'en déplaise à Ducan~e. Dans la
nouvelle LXXXI,il remarque cette phrase <5!esseigneurs,*
pardonnez-moy queje vous ai fait payer labaye. La farce
de Pathelin n'a rien à faire là dedans. « H est évident, dit
Génin, que le rédacteur de cette Nouvelle connaissait le
dénoûment de Pathelin, et que déjà ce dénoûment avait
mis dans la langue cette expression payer la baye, qui
s'est modifiée depuis r'pcj/f;' en /)ay< payer d'M baye. »
Génin aurait d~ ~c rappeler que le mot baye, dans le sens
de tromperie mystiReativo; était l'ien plus ancien que le
procès du berger de Pathelin. Mais, dans le passage allègue,
il faut lire certainement li bayée, et non la baye, suivant
le texte de l'édition originale de 1486, dans lequel nous
avions nous-meme proposé, par erreur, le changement que
Génin s'est trop'empresse d'adorer à l'appui de son sys-
terne. Or cette expression proverbiale: /<)'c payer la
bayée, signifie seulement: « leurrer d'un faux espoir, faire
attendre en vain; » car~s;/A*, c'est l'action d'attendre la
Ijouehe ouverte en y'ayan<. Le second passage des Cent
A'ûMffMM HCKM/yM, que Génin essaye de rattacher à cette
même farce de Pathelin, est cxtrait~ue la XX' nouvelle,
où certain mari, ayant invite à diner les parents de sa
femme, « les servoit grandementen son patois à ce diner. x
fl n'y a pas là dedans le moindre mot de Pathelin mais
Génin n'est pas en peine pour si peu. a C'est encore la,
dit-il, un souvenir de la farce de Pathelin; car le mot pa-
est une syncope de patelinois, créé depuis dans la scène
des jargons, scène qui eut tant de succès, qu'on a dit, à
partir de là, pour marquer un homme subtil et retors
entend son patelin; parler patelin ou patelinois; lan-
gage pa/c/HMM. C'est la vraie origine du mot patois, que
Unizac fait venir de pa<aMn!<M,et Chevreau,de pc<aM'HM. B
Faire venir patois de patelinois! Autant vaudrait prouver
que Pathelin vient de Genin.
Suivant cet éditeur, qui ne doute de rien, la farce aurait
été composée originairement sous le roi Jean, vers 1556,
et depuis rajeunie, vers 1460, par Antoine de La Sale. Génin
a fait intervenir le roi Jean dans la date de la composition
primitive de cette farce, pour justifier des calculs absurdes
sur la valeur relative des monnaies à cette époque et pour
expliquer un passage de la farce où il est question de
ces monnaies. Génin n'à pas songé qu'Antoine de La. Sale,
en refaisant, en récrivant une farce vieille de plus d'un
siècle, n'y eût pas laisse substituer un semblable anachro-
nisme dansla désignatioUL des espècesmonétaires qui avaient
cours de son temps. Au reste, Génin n'a fait que répéter ici
l'allégation, assez mal fondée, du comte de Tressan qui
avait dit avant lui « Vers la fin du~quinziemc siècle, pour
poutoirjouerla farce de Pathelincomposéeprobablement aux
environs du règne de CharlesV, il en fallut rajeunir le style.»
Une appréciation plus exacte de la valeur des monnaies
qui sont citées dans la farce de Pathelin nous autorise à
fixer la composition de cette farce entre les années 1467 et
ll'70<,Quant à savoir positivement en quelle ville de France
elie a été composée et d'abord représentée, c'est ce que
'l'étude la plus minutieuse du style et de tous les détails de
la pièce ne nous a pas fait découvrir. On avait pensé, à vue
de pays, que Pathelin devait être Normand mais on a
trouvé aussi de très-bonnesraisons pour démontrer qu'il
était plutôt Français, c'est-à-dire natif de l'Ue-de-France,
et on a fini par placer le lieu de la scène en pleine Brie,
où il a a toujours eu tant de moutons et de bergers. Il faut
choisir entre Heaux ou Brie-Comte-Robert, pour y établir
le théâtre des faits et gestes de maitre Patiielin car l'au~
tcur anonyme de la farce désigne, dans la folie feinte de
son personnage, un abbé d'Hyvcrnaux,'qui devait être bien
connu de tout l'auditoire devant lequel la pièce était jouée.
L'abbayed'ilyvernaux trouvait justement a une lieue de
Brie-Comtë-tLobert. se
H est question de Pathelin, pour la première fois,
dans les .BqM<M /)'<MC/<M, attribuées a Villon, et rimée.<
vers H80
Les hoirs de dehntPutheiin,
Qui sçave! jargon Jobelin.

Dans le même recueil des Repties y/'MfAM, les discf-


ptes de Villon, adressant la parole à un maître fripon de
leur troupe, lui disent:

Passe tous les sen3 Pathelin,


Car, se venir peux en la fin
De Villon çt Puqucdenaire,
Passé seras maistre ordinaire.

CoqutHart, qui écrivait aussi vers 1480, fait allusion à la


farce de Pathelin dans )e ~OM~Mf des P('fM
Les ungs, par leur fin Jobelin, <
Les autres, par leur Pathelin,
Fournissent à l'dppointement
D'un cello ~Mi! nettement.

Le même Coquillart, dans ses Droits nouveaux, se ~sert


du verbe pa//<f/MM'
Danscr, joncher, pathehner.

Quelques années plus tard, Pierre Gringoire, qui était à


1;) fois un célèbre auteur de farces et un très-habité co-
médien, n'a garde d'oublier la farce de Pathelin, où il
avait peut-être figuré comme acteur dans les representa-
ions de la Mère-Sotteet du l'rince des Sots. li enregistre
ce proverbe déjà populaire, dans les M~MM ~< maK~
Tel dit:Vencz manger de t'oye).
Qui cheuz luy n'a rien -.ippresté.

Dans le même recueil de proverbes rimés, il emploie en-


core proverhialement.lemot pathelin, qui reparait ensuite
avec la même acception dans une multitude de livres en
vers et en prose:
Tel sait bien faire une maison,
Qui ne sçauroit faire un mou)in;
Telat'argcntparhfauMason,
Qui n'entend pas son Pathf'un.
Enfin, Charles Bourdigné, dans )aba))adc qui précède la
M~H~f~ maistre Pierre Fci/~M, publiée en 1526, parte
'de la farce de Pathelin comme d'un de ces ouvrages populai-
res qu'on était las de lire et d'entendre citer partout:
De Pathelin n'oyez plus les cantiques,
BeJehandeMeunghgrantjo))'vcte,
ne de Villon les gubtilcs trafficques,
Car, pour tout vray, ils n'ont que nacquetê.

En effet, depuis longtemps la farce de P~M:H, répan-


due de tous côtes par de nomhreusesréimpressions succes-
sives, avait pas.'e à l'étranger et était devenue aussi ;?))-
)aire en AUemagne qu'en Fradce le savant protc. "ur
Reuchtin, qui avait eu sans doute occasion de lu ~)ir
représenter, lorsqu'il suivait les cours de t'Univcrsito. i!'(:r-
léans, la paraphrasa en vers latins et fit jouer par ses ctuves.
en 1~97, cette mauvaise imitation de pièce h'mcai~e
(Se~Mcspro~mHMma~a) à Hfidelberg, devant rt''n*H)e
de Worms, qui distribua des bagues et des pièces d<)t ;:Nx
jeunes acteurs. La paraphrase latine de Reuchlln eut !c;? [u/n-
neurs de plusieurs éditions, et elle encourageasans duuto t!n
Français, Alexandre Connibcrt, à entreprendre 'me traduc-
tion ]atine, plus littérale, de la fameuse farce qu'on met-
tait dès lors au nivean de comédies de Plaule et du T'
rence. L'otrirage de Connibert, intitulé P~cMM;~ !M.<
t~~ai'or, nova eo~A'a'. fut imprimé a Paris chez (!uit-
]aumeEustaehccnl513.
Les manuscrits de la farce de Ps/Mw sont ran;?, p~rce
que la premicre édition est presque contëmporairu dt: la
composition de cette farce. On en cite seuicmt'nt trois
ouquatrc:t'un,provcnantdc!aeo)IectionduducdcLa
Vallière et,c(mserve aujotird'liui à la Bibliothèque impé-
riale, serait, suivant Génin, « )'œuvrc tronquéeet rajeunie
en beaucoup de lieux d'une main du seizième siectf igno-
rante et précipitée. » Le second mann'crit, conservé cM-
lement à la Bibliothèque impfrhie, appartenait au s:!vant
Émery Bigot il paraît être d'une date plus ancienne
et présente un texte ptus authentique, dans lequel le
propriétaire du manuscrit a introduit de bonnes correc-
tions. Enfin, le manuscrit, malheureusement incomplet,
qui faisait partie de !a bibliothèque de Soleinne, a passe
dans celle de M. le baron Taylor; c'est un manuscrit sur
vélin, de la fin du quinzième siècle, tres-precieux,surtout
à cause des excellentes leçons qu'on y remarque et qui
n'ont pas encore été recueillies.
Au re~te, la première 6ditio& imprimée est peut-être
aussi ancienne que ce manuscrit; car, sans admettre que
l'édition sans date, sortie des presses de Pierre le Caron,
remonteA l'année 1474, comme l'a dit La Monnaye, trompa
-par une fausse indication qu'il a puisée dans l'~M<o;'y~
f/mpt'HHfne et de la l.ibrairie f/f Paris, on peut croire
que la farce de Pathelin a paru d'abord vers 1486 ou 1488,
à Paris et à Lyon. Il existe plusieurs éditions in-4", sans
date, de cette époque t'unc attribuée à Guillaume Leroy,
imprimeur de Lyon l'autre portant le monogramme de
Pierre Levet, imprimeur de Paris. L'édition de Pierre Le
Caron, sans date, est de 1489. Il y a une édition, ,datée
de 1400, imprimée à Paris chez GuiUa.ume Beneaut, in-4"
goUi. avec ug. sur bois. Ensuite, les éditions sans date et
avec date, In-4", in-8", et in-16, se multiplient de telle
forte, qu'on en compte plus de vingt-cinq jusqu'à la fin du
seizième siècle.
Mais ce n'était déjà plus te vrai Pathelin, )'Mh'<Kf' à son
Ke<K)'f~; c'était un Pathelin mis en rn~HfM)' langage,
comme on disait audacieusement, cnmuti)ant et en gâtant
nos vieux auteurs pour les rendre plus intenigiNes. Le
dix-septième siècle ne compte que deux de ces éditions à la
moderne il y a deux éditions aus~i dans le dix-huitième siè-
cle, mais du moins on y a respecté le texte original, qui,
après un siècle d'intervalle, reparait de nos jours, en 1855,
par les soins de M. Geoffroy-Château, et eh 1854, dans la
grande édition publiée avec tant de fracas p~r Genin. C'est
à la comédie de l'Avocat Pathelin, par Brueys, qu'il faut
attribuer l'espèce d'abandon, sinon le dédain, dans lequel
était tombée la farce originale, que Motiere et La Fontaine
avaient pourtant recommandée à leurs contemporains on
se contentait do la comédie de Brueys, qui était restée au
répertoire du Théâtre-Français et qui revenait souvent
divcrtir)eparterrc;m:usrt''dit!onnnb)h''epar le tibraire
Coustelier en 4'725 remit en lionneur ce précieux monu-
ment de notre ancien théâtre, et prouva combien Brueys
avait défiguré la vieille farce de Pathelin, qui est encore
aujourd'hui, quoique âgée de quatre cents ans, un chef-
d'ceuYfc d'esprit, de malice, de comique et de naïveté.
MAÏSTRE PÏEME PATHELTN

HAISTRE PIERRE, commence'.


r'AtNCTE Mûrie Guillemette,
Pour quelque pnine que je mette
A cabasser, n'a ramasser

La première scène se passe chez Pathelin. Le tl~'atrc était


divisé en plusieurs compartiments et, sans doute, en plusieurs
étages. Génin, en essayant de recomposer le décor tel que le ré-
clamait la représentation de cette farce, a complétement oublia
que la seconde partie, sinon le second acte, se passait aux as-
sises du juge, car il a seulementpartagé son théâtre en trois sec-
tions différentes l'intérieur de la maison de Pathelin, la rue,
et~a boutique du drapier. Il ne faut pas oublier que cette bou-
tique est une échoppe sur un champ de foire. On doit supposer
qu'à chaque scène nouvelle, indiquant un changement de lieu,
on faisait descendre une toile de fond, qui représentait successi-
vement le logis de Pathelin, le'champ de foire, et le tribunal.
Mais ces trois décors pouvaient exister à la fois sous les yeux du
spectateur,au moyen de trois échafauds superposés, entre les-
quels on communiquait par des échelles oujdes~ plans inclinés.
Eu tous cas, Génin, qui a travaille sur Pathelîn peuuaut toute sa
vie, ne s'est pas souvenu de ménager la place de son Juge.
Edition de Beneaut
A brouiller ne a baracher.
r
Cénin n'a pas été satisfait du vers que donnent la plupart
Nous ne povons rien amasser
Or vy-je que j'avocassoye.
GUILLEMETTE.
Par Nostre Dame je y pensoye,
Dont on chante en avoeassargë
Mais on ne vous tient pas si saige
De quatre pars comme on souloit 2.
Je vy que chascun vous vouloit
Avoir, pour gaigner sa qnereHe
Maintenant chascun vous appeUe
Par tout Avocat dessoubz l'orme
PATHELIN.
Encor' ne le dis-je pas, pour me
Vanter; mais n'a, au territoire
On nous tenons nostre auditoire,
Homme plus saige, fors le maire.
GUILLEMETTE.
Aussi, a-il leu le grimoire
Et aprins à clerc longue piece 5.

des Mitions; il l'a remp)acé par ce]ui-ei, qne nous lui avon';
laissé:
A cabuser, n'aravasser.
C~M~r, qui voulait dire aussi ~om~j', sipnitio, au propre t/r~-
p~~r, recueillir dans un cabas; r~mn~ est ici dans le sens'" de
~/a/?~prcndrt:càetia.
C'est-à-dire du tout; car ics ~Mft/re par<s font le /<)!<
Comme on.avait coutume de faire.
C'est-à-dire attendant des causes qui ne viennent pain)
avocat sans cause. Autrefois, le juge assignait les parties sous
ï'orme du village. Génin remarque avec raison que le proverbe
A//Mf~MorsoM rorM6/ doit remonter au temps où saint Louis
rendait la ju&tjee '-ous un arbre à Vinccnnes.
G)'aMBfK*"dahs le manuscrit de Bigot; y)'m(hMm', dans
quelques édifions pour C.uincmt'ttc,c'était ta le ~r~f~
~tditiondcBcneaut:
Paris, il y a grant piece. a
A
Cette variante, tirée d'une des premières éditions de Pathelin,
PATIIELIN.
A qui vcez-vous que ne despicche
Sa cause, si je'm'y vueil mettre?
Et M n'aprins oncqucs à lettre,
Que ung peu mais je m'ose vanter
Quoje sçay aussi Lien chanter
Au livre aveeques nostre prêtre,
Que se j'eusse esté à maistre
Autant que Otaries en Espaigue
GUILLEMETTE.
Que nous vault cecy ? Pas empeigne
Nous mourons de fine4 famine
Koz robes sont plus qu'estamine
Heses"; et ne povons seavoir
Comment nous en peussonsavoir.
Et que nous vault vostre science ?
PATUEUN.
Taisez-vous, rar ma conscience,
Si je vueil mon sens esprouver,
Je sçauray bien où en trouver,
Des robes et des chapperons!

suffirait seule, selon Génin, pour prouver que la farce n'a j['a''
été composéeni JouCc d'abord à Paris.
Au lutrin; locution proverbiale.
AUusion provcrbialo au début de la Chansonde Ko)and
Caries li re!s neutre empcrere mngnp,
e,
Set anz tuz pleins ad ested en Espagne.
C'cst-à-dirc néant; pas mtmc t'cmpfignc d'un vieux sou-
lier. Gcnin a fait ici un changement tre-t-heut-cn~; il a écrit,
d'après l'édition in-8, goth., sans date t<)tj/~f~tt~; inaia ce
changement n'était pas ind)~pen.<!a)))e.
~M, dit Génin, dans t'ancienne langue. se joignait à un
sut'~tantii'ou à un adjectif, pour lui douncr la force superla-
tive.
/iMC<, râpées.
Hc Dieu ptaist, nous cschappcrons,
Et serons remis sus en l'heure 1.
Dea, en peu d'heure Dieu labeuro~:
Car, s'il convient que je m'applicque
A bouter avant ma practique,
On ne sçaura trouver mon per.
GUILLEMETTE.
Par saint Jacques! non, de tromper;
Vous en estes un Rn droict maistre.
PATHELIN.
t Par celuy Dieu qui me fit naistre!
Mais de droicte avocasserie.

GUILLEMETTE.
Par ma foy mais de tromperie
Combien vrayement je m'en advise,
Quant, à vray dire, sans dergise
Et de sens naturel, vous estes
Tenu l'une des saiges testes
Qui soit en toute la paroisse.
PATHELIN.
Il n'y a nul qui se cognoisse
hauit en avocation.
GUILLEMETTE.
M'aist Dieu, mais en trompacion.
Au moins, en avez-vous le lus.

C'cst-à-du't~: i~Ous serons rcitils a not, au-dc~bUb du n0b


affitites,quand il en sera temps.
Vieux proverbe, témoin ces verii d'un f.tb)MU publie ~.ir !tr-
))azM,t.tl),p.t;7:
Lttj)ftitd'<jure,Dicx);'JjL'ure;
Tc!riLaunj.nin,ffU[)t'3oirp!eutu.
Sans être ),rau(] cicrc, b~ii;: atOir étudie eu Droit (.[tuon.
PATtIELIN.
Si ont ceul x qui Je came)os
Sont vestuz, et de camocas
Qui dient qu'ilz sont avocas,
Mais pourtant ue le sont-ilz 'ois.
Laissons en paix ceste baveric
Je m'en vueil aller à la foire.
GUILLEMETTE.
A la foh'e?.
PATHELIN.
Par saint Jehan voire;
A la foire, gentil' marchande,
Vous desplaist-il, se je marchande
Du drap, ou quelque autre suffrage~
Qui soit bon à nostre mesnagc ?
Nous n'avons robe qui rien vaille

GUILLEMETTE.
Vous n'avez ne denier ne maille,
Que ferez-vous ?
PATtIEUN.
Vousnescavez.
Belle dame, se vous n'avez
Du drap, pour nous deux largement,
Si me desmentez hardiment.
Quel' couleur vous semble plus belle?
D'ung gris vert ? d'ung drap de Brucelle ?
Ou d'autre ? Il me le faut sçavoir.

Le camctut était une utoffc 3c laine, tistcc-comme du poil


Ue t.iKtmcau (cam~M); le camocas, unestoffu de %oic, pu bas la
tin cawtjc~, sorte de moire.
Cotucr~miûn.Ce verb ayaut uue &)ibim de trup, it est pro-
bable qu'on prottou~'ult. ~'e ou ~T~.
Objtt, deurce, umrdMudisc.
GUILLERETTE.
Tciquevousiepourrczavoir:
QuiempruncteneKhoisittnyo.
PATHELÏN, en cofnptantsurses doigta.
Pour vous,deux au)nes et dcmye.
Et, pour moy, trois, voire bien quatre,
Ce sont.
GUfLLEHETTE.
Vous comptez sans rabattre
QuidyaMeles vous prestera ?
F rATBELtN.
Que vous eticl)au)tqui ce sera?
On me les prestera vrayement,
A rendre au jour du Jugement
Ça:' plus tost ne sera-ce point.
a
GBtLLEttETTE.
Avant, mon amy, en ce point,
Quelque sot en sera couvert.
['ATttEDN.
J'acheteray ou gris ou vert.
Et, pour ung blanchet, Guillemette,
Me fault trois quartiers de brunette
Ou une aulne.

Cûjeu djo &cc'nc est indiqué dan~ t'edition de BcncauL


Locution proverbiale eqqu'abttt ffUe-ci Vou:. <.omptcz
sans votre hôte.
Equivnquc sur les mots ~u~/<c et tt<H;ft< La hruncttc
était une étoffe très-fine, de eouicur noire; MfMt~t'f, ce n'est pas
une chemise, un vêtement de dessous, connue te dit magi&tra.
tc[nctitCetun,cnjurarttparn)tcangc;c'c-'tunpff~<<«c,un
denier. Ce mot t-cmMe etLe une allusion au nom de l'auteur, à ce
l'ierroUtanchetqueGeuins'est efforcede faire rentrer sous
terre.
GUU.LEMETIE.
Se m'aist Dieu, voire
Allez, n'oubliez pas à boire,
Se vous trouvez Martin Garant
FATHEHN.
Gardez tout.
11 sort.

GUILLEMETTE, seule.
lIé dieux! quel marchant!
Pteust or à Dieu qu'il n'y veist goutte 1
PATUEUN, devant la boutique du drapier.
N'est-ce pas ylà? J'en fais doubte.
Or si est; par saincte Marie!
Il se mesle de drapperie.
Il entre.
Dieuysoif!
GUILLAUME JOCEAUUË, druppier.
Et Dieu vous dointjoye!
PATHELIN.
Or ainsi m'aist Dieu, que j'avoye
De vous veoir grant voulenté
Comment se porte la santé?
Estes-vous sain et dru s, GuiHaume ?
LE DM&rPtER.
Ouy, par Dieu

C'cst-a-dire:Si vous rencontrez quelqu'un qui paye pour


vous. <f Le prup!c, dit Gctun, a de tous temps aimé à forger de
ces espaces de noms &ignittcat.if& pour des types imaginaires. »
Geuin ne remarquepas que y~n~ est synonyme de
tient tf'te le verfe à la main.
~f, qui
Formule de salut, pour C«;;< soit arcc rfM.'
C'était la formule en usage pour s'inrormer de la santé de
quelqu'un.
PATHELIN.
Ça,cestepaulme' t
Coimnent vous va ?
LE DRAPPIER.
Ethien,vt'ayenjeut,
A vostrebon commandement.
Et vous?
PATHELIN.
Par sainct Pierre J'apostru.
Comme celuy qui est tout vostre.
Ainsi, vous esbatez*??
LEDRAPffEH.
Et voiret
Mais marchans, ce devez-vous croire,
Ne font pas tousjours à leur guise.
PATHEHN.
Commentse porte marchandise~?
'S'en peut-on ne soigner ne paistre*?'1
LE DRAPriER.
Et, se m'aist Dieu, mon doulx maistre,
Je ne sçay tousjours liay avant*'
PATHEHN.
Ha qu'estoit ung homme scavant 1

< Cest-à-dire la main.


*C'est-à-dit'c:vousctc&bicnais&?
Commerce.
Toutes leb éditions, cxcfp~ ccUc du Lcroy, écrivent
Cc vers &igtiiûu Gagns-t-on assez pour se v~u' et pour timn~er.
&t'
C'est, ain~i que les chuiTt.'t.icrsex.cif.cnf.]cut'& chevaux, eu têtu'
criant /;f7~c/ ou A~c~ ~aH~/<Huu~prc~sionfigurée bigtiitic
Quoi qu'il soit, ou vu toujours, ou tmïne bon furjcau.
Je requier Dieu, qu'i) en ait t'ame
De vostre pere. Doulee Dame
Il m'est advis tout clerement,
Que e'est-il de vous proprement.
Qu'estoit-ce ung bon marchand et saige
Vous luy ressemblez de visaige,
Par Dieu, comme droicte painture.
Se Dieu eut oncq' de creature
Mercy, Dieu vray pardon luy face
Arame~I
LE BRAmEK.
~m~i.pa.rsagrace*,
Et de nous, quand i) luy p)aira
PATHEHN.
Par ma foy, il me desclaira,
Maintefois et bien largement,
Lf temps qu'on voit presentement.
Moult de fois m'en est souvenu.
Et puis lors il estoit tenu
Ung des bons.
LE DRAPPIER.
Seez-vous, ]x'au sire
Il est bien temps de le vous dire;
Mais je suis ainsi gracieux..

Une haHade de Charles d'OrMans sur la mort de sa m~itrcs.'ie


a pour rffrain
Jeprte5Dipu,qu~[pnaiH'amc'.
'Pour:QMe'<'<f!t<.
Génin remarqueici que, l'élision ne se faisant, pas alors d'un
interlocuteurà l'autre, ce vers n'a pas une sy))a)K' de moins,
comme on pourrait le croire.
Manuscritde La Ya))ierc
Amen. Jesus-Chrisf,par sa jiracc'
PATHEHN.
Je suis bien, par Dieu, precieux
Il avoit.
LE'DRAPPIER.
Vraycment.Yousseerez.
PATHELIN, acceptant un sië~f~.
Voulentiers. Ha! que vous verrez
Qu'il me disoit de grans mcrv<'H)es
Ainsi, m'aist Dieu 1 que des oreilles,
Du nez, de la bouche, des yeutx,
Oncq' enfant ne ressembla mieulx
A pere. Quel menton forchë
Vrayement, c'estes-vbus tout poche
EtquidiroitàYOstremere,
Que ne fussiez filz vostre ppre,
Il auroit grant faim de tancer
Sans faulte, je ne puis penser
Comment Nature en ses ouvratges
Forma deux si pareilz visaiges,

Manuscrit de La Va~icrc
Je suis bien. Des btcnstempnreutx
Ilavoit.
Edition de Leroy, et autres:
Je suis bien, par le Curps precieutx
C'est-à-dire Ne faites pas attention; je ne me dodote pus
comme un corps saint.
Il y a: fOM< ~rac/f~ pour ~r'dans le manuscritde Bigot. Les
peintresdisent encore pocher, dans le sens de dessiner vivement
d'après nature. C'?~o~ pour c~.< MM. Genin a fait un pro-
digieux remue-minage d'érudition,pour démontrer que poc~
veut dire ici pâté ~'f~rc/
~C'Gst-a-tIire;Uauraitgrande envie de contredire,de dis-
putf)*.
Et l'ung comme l'autre t?che
Car quoy? Qui vous auroit cracM
Tous deux encontre la parroy,
D'une matiere et d'ung arroy 1,
Si seriez-vous sans difference.
Or, sire, la bonne Laurence,
Vostre belle antc mourut-ct)e ?

LE DRAPPIER.
Nenny dea.
PATHEHN.
Quetavy-jebcUf,
Et granue, et droicte, et gracieuse
Par la Mt're-Dieu'précieuse,
Vous luy ressemblez de corsaige,
Comme qui vous eust fait de naige
En ce pays n'a, ce me semble,
Lignage qui miculx se ressemble..
Tant plus vous voy, par Dieu le pere,
Veez vous là, veez rostre père
Vous luy ressemblez mieu~ que goutte
D'eaue je n'eu fais nulle doubte.
Quel vaittant bachelier c'estoit,
Le bon preud'homme et si prcstoit
Ses denrées a qui les vouloit.
Dieu lui pardoint! 11 me souloit
Tousjours de si très-bon cueur rire!1
Pieust à Jésus-Christ, que le pire

D'un seul ordre, train, arrangement. Les etj'mo'.ogistesven-


tcnt faire dériver ce mot du latin arare!
'Pour/M<<RaMais,dansson P<Mf<!t't't')
parait 5'etre souvenu de la tante t.aurcnce.
'rour:tteij7f.
~EditioudeTrepperet:
Ses deniers à qui tes voutott.
De ce monde luy ressembiast
On ne tollist pas, ne n'emMast
L'ung à l'autre, comme l'en faiet.
Maniant le drap d'une pièce qui est près de lui.
Que ce drap icy est bien faict
Qu'est-il souef, doulx, et traictis
LE BRAPPfER.
Je l'ay faict faire tout faictis 2
Ainsi des laines de mes Lestes.
PATHEHN.
lIen, heti, quel mesnagier Tous estes!
Vous n'en ystriez pas de l'orine 4
Du pere vostre corps ne &np
Incessament de besoingner
LE DRArptER.
Que voulez-vous ?H faut soingner,
Qui veult vivre, et soustenir paine.
PATHELIN.
Cestuy-cy est-il ta.inttaine ?}
en
Il est fort commeung courdouen

Souple; du bas latin.w~


Fait exprés; du lias latin /~<M~.
Travailleur, homme de ménage.
C'est-à-dire vous ne sortiriez pas de l'origine.
verbe /s~ en latin or~ par ellipse;
Y~
c'est aussi
dn
une
équivoque sur urine.
Manuscrit de Bigot
Vous tenez trop bien la doclrine.

Ne cesse, lie finit pas.


° Edition de Beneaut
Tousjours, tousjours, de hesoi~ner.
Cuir de Cordone, maroquin.
LE DRAPPIER.
C'est ung très-bon drap de Rouen,
Je vous prometz, et Lien drappé.
rATCEUt).
Or vrayement j'en suis attrapR
Car je n'avoye intention
D'avoir drap, par la passion
De Nostre Seigneur quand je vins.
J'avoye mis à part quatre vingts
Escus~, pour retraire une rente 3
Mais vous en aurez vingt ou trente,
Je le Lien; car la couleur
voy
M'en plaist très-tant, que c'est douleur.
LE DRAPPIER.
Escus ? Voire, se peut-il faire
Que ceulx, dont vous devez retraire
Ceste rente, prinssent monnoye~?
PATHELIN.
Etouy dea, se je le vouloye;
Tout m'en est ung en payement
Quel drap est cecy? Vrayement,
Tant plus le voy, et plus m'assotte

'Atieche,attire, épris.
Ce sont des écus d'or.
Acquérir, retirer un titre derenie.
C'est-à-dire Que vous changiez une partie de vos ecus. A
cette époque où l'or était rare, on n'acceptait pas un gros paye-
ment en monnaie blanche.
° Edition de Beneaut
Tout m'est ung or ou paiement.
Edition de Beneaut
Tout m'est un quant au payement.
° PlH'i i) me rend fou de désir.

t
Il m'en fault avoir une cotte,
Brief, et à ma femme de mesme.

DRAPrtER.
LE
Certes, drap est cher comme cresme
Vous en aurez, se vous voulez
Dix ou vingt francs y sont coulez
Sttost!
PATHELIN.
Ne m'en chau)t, couste et vaille!
Encor' ay-je denier et maille
Qu'oncq' ne virent pere ne mere
LE CRArp)ER.
Dieu en soit loué! Par sainct Pere
Il ne m'en desplairoit empiece
PATHE'LIt).
Brief, je suis gros 4 de ceste pièce
H m'en convient avoir.
LE DRAPr;ER.
Or bien,
H convient ad viser combien
Vous en voulez? Premièrement,

i C'pst-a-dirc un trésor cat'he, un magot.


Manuscrit de La Vallière
QueneviLonepprenemere.
Manuscritde Bigot
Si tost Ne vous eliaille!
Encor ay deux deniers et maille
Quo ma mcre ne vit one frere.
Pour P~r< cathuflra!e de Ctmrtrc-- se
Ïa nomme S~Hf
Père.
~Nullement,pas du tout,~rf?.
~Désireux,convottt'nx,amoureux

t
Tout est à vostre commandement
Ouant'jue~ityenacniapnle;
Et n'eussiez-vous ne croix ne piHe~!
PATHEMN.
Je le sçay i~ien vostre mercy i

LE DRAPDER.
Vnutcz-Yous de ce pers cter c;'

FATnELtN.
Avant, combien me coustera
La prf'miere au)ne? Dieu sera
Payé des premiers; c'est raison
Vecy ung denier 0; ne faison
Rien qui soit, où Dieu ne se nomme.

LE DRAPPIER.
Par Dieu, Yous estes un ))onhomme,
Et m'en avez bien resjouy
Voulez-vous à une; mot '?

PATHEHN.
Ouy.

'VM<tv,d!m6<'evcr5,soprnnontaitt'M')''out'o.
Edition de Benfaut;
Tout est en vo commandement.
Combien tu'i) y en. ait; on hLin,Mmif;Mif'MH~f!
N'eussicx-vous pas un sou marqué en poche.
*B)cu;dui)!tstatin,~fMM.
"Edition de BenBa.ut:

rhe~.
Youte~-vousdecedMpicy?
C'e~t ce qu'on nomme encore )c ~fxfr <t les ar-
''C'e.t-a-dirc:audfrnict'mot, au dernier prix.
LR DRAPPtER.
Chascune aulne vous coustera
Vingt et quatre solz'?
PATHELIN.
Non sera.
Vingt et quatre solz! Saincte Dame
LE DRAPPIER.
le m'a cousté, par ccste ame!
Autant fault,
m'en se .vous t'avez.
PATHELIN.
Dca, c'est trop.
DRAPrtEE.
LE
Ha! vous ne sçavez
Comment lé drap est enchery?
Trestout le ])CtaH est pery,
Cest yver, par la grant froidure.
PATHELIN.
Vingt sotz, vingt solz.
LE' DRAPPIER.
Et je vous jure
Que j'en auray ce que je dy.
Or attendez à samedy
Vous verrez que vault? La toyson,
Dont il souloit estre foyson,
Me cousta, a la Magdeleine

Le sol d'alors équivaut,à notre franc d'aujourd'hui, Jetait


une monnaie de compte depuis plusieurs siËcIcs.
Le samedi est encore jour de ma''fh6 dans la plupart dfs
villes de Francf.
C'est-dit-c le ~2jui)it't, jour df ta frte de saimo M.Ldc-
leine.
Iluiet blancs, par mon serment, de laine
Que je soulois avoir pour quatre.

PATHEHN,
Par le sang Lieu! sans plus débattre,
Puis qu'ainsi va, donc je marchande
Sus, aulnez ?
LE DRAPPtER.
Et je vous demande
Combien vous en faut-il avoir?
PATHEHN.
!1 est bien aysé à sçavoir.
Quel lé a-il?
LE nRAPPtEK.
Lé de Brucelle

PATaELtN.
Trois aulnes pour nioy, et pour fU</
(ËHe est haute) deux et deulye.
Ce sont six aulnes. Ne suut mye.T.
Et ne sont.
Que je suis bec jaune

LE DRAPDER.
Il ne s'en fault que demye aulne,
Pour faire les six justement.

Les mots :~rm0tt!<'n))nt<, sont jetés ~u miticu de la phrase,


de manière à faire entendre mon M)'m<'H< <!<* laine. Ce genre de
plaisanterieétait fort goûté alors. Rabelais fait dire à son sei-
gncur de Humevesne (P<:t;f<!frKf<, tiv. lI, chap. xn) Considc-
rczqu'àla mort du roy Charles, onavoiten plein marché tatoisun,
pour six blancs, par mon serment, de laine.
Je suis marchand, j'achète.
Le drap de jSnen avait la largeur du drap de Bruxeiie~,
parce que les grandes foires, où se vendait le drap, se tenaient à
Bruxelles, à Anvers, à Arra~ et dans les Hutrcb \ille& dch t'ay~-
Bas.
Ou M./<tf, sot, (omme un coucou, uu serin, uu tout autre
oi&cau qui a lic hcc jau
FATUEUN.
J'en prendray six tout rondement;
Aussi me faut-il chaperon.

LEDRAPPtER.
frenez-ta nous les aubieron.
Si sont-elles cy, sans rabattre
Empreu et deux, et trois, et quairc,
Et cinq, et six.
PATUEUN.
Ventre sainet Pierre ¡
Rie à rie
;¡f
LE Dl'.ArrtER.
Aulneray-je arrière ~?

PATHELIN.
Nenny, ce n'est qu'une longaigne s.
Il yplus perte ou plus gaigne,
a
En la marchandise. ComLien
Monte tout?
LE DRArpIER.
Nous lesçaurcns Lien.

'Eu disant cela, le drapier lui montre l'auuc.


Un; du iat'n ~T't'H~~ et ~M~. Les entants disent, encore
~)'pour:pemicr;~)f,pour:socond.
ManuscritJe Bigot, où manque un vers pour rimet' avec fM-
yrfMtK<Pt'e)''<
Si ricane!
Se vous voulez ce, sans replic,
Ilz seront cncor mesurez?
Nenny, de par Dieu, c'est assise
Fuy'jUcdoyîcsSal!tsdeBrt;taignB':7
*~nptus,davantage.
~Genin n'a pas compris ce mot, qu'il traduit par ~frte~e
lemps! Il s'agit ici du chef de la pièce de drap, ou de )a lisière;
Avingt et quatre sob chacune:
Les six,neuf francs*.
PATHELIN.
Het),c'est pour une~
Cesontsixcscus?
LËDBAPFIER.
M'aistDieuivoh'e.
!'A.THEH!<.
Or,sir<f.'stou)['vouscro!rc~,

t'atheiiu veut dire que le Drapier luioUrc~'c qui lie ~aut


rien.
ËditiondeBcneaut:
Kenny,en sanglantecstrattic.
édition de Lcroy et de Treppere)
Kenny, de par une fongaignc.
Manuscrit de LaYaitiere:
r\clln~ par saint Jacyues d1::sr;ii~~
Edition de tGi.t:
Kcnny,tantde]tcinpm'cngaigne.
< Car quand vous voyez le drapier vendre ses six autnofde
drap neuf francs, et qu'a l'instant mesmc it dit que ce soat~&ïx
escus, il faut nécessairement conclure qu'en ce tomp<-)a l'escu
ne valoit que trente su)' Maii. comment accorder ces passages,
en ce que tous les endroits où il est parlé du prix de chaque
aulne, on ne parie que de 5~ sui~, qui n'c~-t pas une somme sur-
fisante pour faire revenir les six au)nesa9rranc'i,ainsa7tivres
sols seulement. C'est encore une autre .aheiennetc digne d'estre
considérée, qui nous enseigne qu'en la ville de Paris, où ceste
farce fut faite, et, par avanture,rcpr~pntccsur l'eschaffaut,quand
on parloit de soLsfmpIpmcnt, on i'cntenduit ~MfMM, qui valoit
15 deniers <OKf)~S(car aussi cstoit-il de nostre ville de f'aris); et
entends que !es~ su)s faisoient ie'; 30 sols tHurnois.*(PAsorfEn,
Recherchesde !? F<'«)if< )iv. ViU, chap. Mx.)
'Genin,qui était bienfait pour entendre'.onl'atijetin,dit
que c'est une cxprf!<&iondu vocabulaire des joueurs 1
Prêter, donner crédit; en latin, fr~cre «<<{f«M «;iCfu.
Jusquesajaquand vous viendrez?
Non pas croire, mais les prendrez
A mon huys, en or ou monnoye.

LE CRAPPIER.
NostreDa)ne!jemetordroyc' 1
De beaucoup, à aller par là?
PATHELIN.
Hë! vostre bouche ne parla
Depuis, par monseigneur sainct Gille,
Qu'elle ne dit pas evangite.
C'est très-bien dit; vous vous tordriez!
Oh! c'est cela vous ne voudriez g
Jamays trouver nulle achoison
De venir boire en ma maison
Ot'yburez-vouscestefois.
LEDRArpIER.
Et, par sainct Jaques, je ne fais
Gueres autre chose que boire.
Je yray; mais il faict mal d'accroire,
Ce sçavez-vous bien, à restrame'
PATHELIN.
SouHist-it, se je vous estraine
D'escus d'or, non pas de monnoye?

Je mu détournerais de mon chemin, je ïYïC dérangerais.


Ce vers, dans luquci nous avons ajouté l'exclamation [~
~our lui donner le nombre de, syllabes nécessaires, manque d..u~
plusieurs éditions.
Editions du quinzième siccle
C'est celal vous au vouldriet. '-=,
Occ~lon. On avait, ftlit d'abord «fc~ ~A~~ du !d[.itl
et
dccasio, <fN.
C'cbt-a-du'e un matTitandne doit. pa~- vcnfh'c a crédit quaud
il ctt'cnnc.
Et si mangerez de mon uye,
Par Dieu que ma femme rostit

DRMFtER.
LE
Vrayement, c'est kotumo m'assotist!l
Allez devant: sus, jeyraydon~ues.
Et les porteray.
t'ATHELIN.
Rien quiconques.
Que me grevera-il? Pas maitle
SoubzmonLaisscHc.

LE DRA.['t'!ER.
Ne vous chaiDe
Il vaut mieulx, pour le plus hom]Ei:[L',
Que je le porte.
fATtIEHN.
Mate festc
M'envoyé la saincte Magdateinf,
Se vous en prenez j~ la painc
C'est tres-bien dit dfssuub!! t'aisseUe.
Cecy me fera une belle

De là le proverbe rime par Pierre t:ringore, dans ses Ff~-


/MMt/!tMO~~C:
Tel dit:t(\nex manger de )'oye')) u
Qui chcuz tuy n'.t nco apj'restc.

A cette époque, l'oie était le mets favori des ~'i~if'ns; U y ava~


partout des rôtisseurs, et la rue aux (Jura i~e nommaUa)oM n~
C[!f~Off<'S.
Ce vers et tes dJ~uivant~ sont rcmi'taces, t!ans le nmuu~-
t'tit. de Digot, par cinq vei~ seulement que dit Pathc'Hn
SouU~monaisscHc.nc~uschaUtc,
Que me ~rcYcra-)? i'as maille.
lia, dea, que c'est trop bien a!lu
nyauratffuet~ufc
$ut'tUoy,au)s~Ucvousenal)iEzt
Bosse!Ha'C'est très-bien aUë'!
ILy aura beu et galle''2
Chez moy, ains que vous en saillez.

LE DRAPPtER.
Je vous prie que vous me LaiMoz
Mon argent, dès que j'y seray~

PATHEHN.
Fei'ay.Et,parbicu,honfct'a;,
Que n'ayezprins vostre repas
Très-bien et si ne voudroye pas
Avoir sur moy dequoy payer.
Au moins,viendrez-vous essayei'
Quel vin je boy? Vostrc feu père,
En passant, huchoit bien Co)n;jf?v
Ou C<M(fM-<K. ou CM/MM-~s?
Mais vous ne prisez un festu,
Entre vous riches, povres houunes!
LE ORArPtEK.
Et, par le sang hieu nous sommes
Plus povres.
t'ATHEHN.
Voire. Adieu, adieu.

En disant cela,Umct~cdrap ~ousSHi'ubc.


Fait gala, ripaille.
~Mitnu~critdfBigot
QueJviobeuvoitfcuvosirepc~?
nuehoitbien,enpass3nt:a~Ppcrp.
Hau' que dis-tu? ou que fat5-ttT? 'jn
Ce vers n'ayant pasic nombre de syUabc~nccc~ait'ps&Ïu la
tuc~urc,Gcntn]'ai'cc~ificai.nsi:
Et, par ]c sajiJt sang bieu nous sommps
Ren.)ez-voustantost:audic[)icu;
Etnousbeuronsbien.jëmevant'!
LE DnA.PPtEt!.
Si feray-je. Allez devant',
Et que j'a ye or!

rATnEHit,cuI,t]anshru<
OrPctquoydoncq~e'.?
Ot'!dya)!)e!jen'yfaHIjoncquf's!
Non. Or! Qu'il puist estre pendu
Endea,il il
ne m'a pas vendu,
Amonmot;ceae3t6ausien;
Mais il sera paye au mien.
!))uyfautot'?0nl8]uyfourre~~
PIeustaDieuqu'H ne fist que courre,
Sans cesser, jusques à fin de paye!
Sainct Jehan il ferait plus de voye,
Qu'i) n'y a jusque à Pampelune.
H rentre chez lui.

LE nRApriER, dans sa boutique.


I:z no verront soleil ny lune,
Lcjsescuzqn'iJmebainera,
De l'an, qui ne les tn'cnibiM'a

Edition de Bpncaut
Si feray-jc.OraU~devant..
Edition de Génin
Or! parlecul soit-it pendu!
« CcHc façon de partpr, dit Le Duchat (OM~M~f, t. n,
p. ~iOi), fait allu&ion&ecs pic ces Jemonnaic qu'on appf'Hf
¡;11t/écs, parce 'lue
~PN'fM, que letu faux monnayeur yj' a fourt'c
faux monn'j'cnr founé un
UII fhnjn
naull de
ù,'
faux atoi, que cou~rG dpgsu~ et dessous unû fcuiUe de Lon or. a
Edition da Kivcrd
Uc l'ttQ, qui ne les emLtcra.
C'cst-a-ifG a moins quf quelqu'un ne me tes <t<ûh. ~Hi
t'stun):Httii'-me,pourA~H~,ouH~~j~i.
Or,n'ost-Hsifortentetideur,
Qui ne trouve plus fort vendeur
Ce trompeur-ta est bien bec jaune,
Quand, pnur vingt et quatre sotz l'aulne,
A. prins drap qui n'en vaut pas vingt!

PATtIEHN, rentrant cheziui.


Enay-je'!
GUILLEMETTE.
Dcquoy ?

rAT!!EMN.
Que devint
Vostre vieille cotte hardie ?

GUILLEMETTE.
!L est grand besoin qu'on le die
Qu'en voulez-vous faire?

FATHEHN.
Rien, rien.
En ay-je? Je le disoye Mon.
Est-itcedrap-cy?
GUILLEMET'tE.
Saincte Dame
Or, par le perU de mon âme,
H vient d'aucune couverture

Dans le manusrrit de Bigot, Pathelin commence ainsi


.Cà, CuitiHjnettf, que devint.
On appelait c~~e~f ou
amptc,une jupe,une houpp~andc.
~<
un Y~tfmcntiongt.'t
C'fst-dii'c uG l'argentqu'un p~udcur aurait paye ~'avancf
al'avncatrath~it),pnur<<<
Dieu d'où nous vient ceste aventure ?
)teias!he]as! qui le payera?

PATMELIN.
Demandez-vousqui ce sera ?
Par sainct Jehan! il est jà payé.
Le marchand n'est pas dcsvoyë
Belle seur, qui le m'a vendu.
Parmy ie col soye pendu,
S'il n'est Hauc comme ung sac de piastre
Le mcschant vilain chaUt'mastrc
En est ceint sur le eu)*!

GUILLEMETTE.
Combien
Cousto-i) doncques?

PATUEHN.
Jen'endoyricn;
Il est paye ne vous en chaiHes.
GCtLLEMETTE.
Vous n'aviez denier ne matHe!
Il est paye ? En quel' monnoye?

'Egare,fou,insensé.
*f'er;Mi était synonyme de ;Mr.
Ce mot, qui n'a jamais été expliqua, même par Génin, ftan-
qué de Dueangc, nous para!t significr vendeur de coquilles de
noix, en terme de mépris m<n(r<' est )a pour mat/rf; <M</<*
\'cutdirecoqui]ie,ecaiHe.
Locution proverbiale qui veut uire:llcnc')tlemauTais
marchand; il en a f~!M les fesses. On ceignait stir le cul !es
condamnesqui devaient recevoir te fouet. C'étaient aussi les pau-
vres diables qui portaient alors la ceinture attachuu au-dessous
des reins et irës-serrec.
Kc vous en soucie?,, ne vous en ïnquietex pa' du vct'he
tft/0;')'.
PATHEHN.
Et,partesanghieu!siavoye,
Datne:j'avoyeungparisi'.1.
GUILLEMETTE.
C'est bien allé Le beau nisi 2
Ou ung brevet y ont ouvré
Ainsi l'avez-vous recouvré.
Et, quand le
terme passera,
On viendra, on nous gagera
Quanque avons, nous sera osté
PATHEHN.
ParIesMgbieu'Hn'acouste
Qu'ung denier, quant qu'il en y a.

GUILLEMETTE.
Bénédicité Maria s
Qu'ung denier? Il ne se peut faire
PATBELtN.
Je vous donne cest œit à traire,

Le denier parisis valait un quart de plus que 1& denier tour-


nois il représente environ un franc notre
de monnaie. (Voy. ci-
dessus, p. 37, une note extraite des
Obligation sons la foi dn scrtnent.
~<f/'<'A<'s' de F/f.)
? C'e~t, selon Radeau, la première note ou St'hcdû de l'obli-
gation personnelle, que le notaire délivre en papier nu créan-
cier. »
debiloris, <)!
G~~ selon Ragcan, c'est prendre gages; ~~o/ ~cp~~ ~.?
nonyme de ~~fr.
Manuscrit de Digot. }
Saisir par autorité de justice, est sy-

On vendra, un engagera
Quan que j'avons sera esté.
°Génin dit que était alors une ex.cla.mationd'effroi
ou d'admiration, et que les femmes manifestaient leur étonne-
ment, en s'écriant /if'~
S'il en t)p]useu,ne n'aura,
Jn H bien chanter ne sçaura.

G-UtHEUETTE.
Ëtquiest-ii?
PATHELm.
C'esf.ungGui)Iaumt',
QniasurnomdeJoceaum6<,
Puisque vous le voulez sçavoir.

GUILLEMETTE.
Mais la maniere de l'avoir
pour un denier? et à quel jeu'?-

PÀTnEHN.
t!efutpour'undMnt;raDteu:
Kt encore, se j'eusse dict
« La main sur le pot < par ce
dict,
Mondeuiermefustdcmourë..
Au fort, est-ce Lien hibouro~?
Dieuettuypartiront~ensetnUe
Ce denier-là, si Lonleur scmb)e
Carc'est tout ce qu'ilz en auront,
Jâ si bien chanter ne sçauront,
Ne pour crier, ne pour brester

Edition de Dcneaut
Qu'on sourappptit'Joceauhtic.
On aVdtt rhabitu.d~Jc traiter les nfrairc~ df! vcn~' ou d'n-
ct)at,en)e'at'ro~antduvtnJumnrt.'Ïtc.'Vû~cx,dnnsDucang~!fh
motâ M~r~M~ et ~t~M.
~Opérë, travaille.~
Partagerontle fft'~r il D~M~
rii'pr, s~Ion Cctiin; qn~rcUcr, dn-putpr~ t-pton df l'Au)-.
na\'e, qui a~R~oh~tfh'mf'nt. raion, qnoit[U'n ne cite pas Du-
cange, comme le fait GcnhL
CUt~tEHETTE.
Comment l'a-il voulu prester,
Luy, qui est homme si rebelle'?

PATHELIN.
Par saincte'Marie la belle
Jel'ayarmëetbiasonnë~,
Siqu'il me l'a presque donné.
Je luy disoye que feu son pere
Fut si vaillant. «Ha! fais-je, frere,
Qu'estes-vous de bon parcntaigc
Vous estes, fais-je, du lignàige
D'icy entour plus à louer »
Mais je puisse Dieu avouer,
S'il n'est attrait d'une peautraille e
La plus rebelle villenaille
Qui soit, ce croy-je, en ce royaume
« Ha!
fais-je, mon amy Guillaume,
Que'vous ressemblez bien de chère
Et du tout à vostre bon pere ))n
Dieu sçait corpmentj'escbaffautdoyc,
Et, la fois, j'entretardove,
à
En parlant de sa drapperie. 1
« Et puis, fais-je, saiacte Marie!
Comment prestoit-il doucement
Ses denrées si humblement?

Dans le sens de coriace, dur ù la dutentc.


~LocuUoti prcfverblale signifiant: jû l'ai comblé d'honneur et
d'éloges.
Noél du Fait, dans ses CM<M <<'E)~a)K' fait allusion à m
passage qu'il exptique « Il vantoit et trompetait sa noblesse,
combien,ainsy que dit Pathelin, qu'il fust issu de la plus vilaine
peautraille. » PMK<r<tt«f équivaut iLm[M!He;j'M~)'fsignifiait
une femme de mauvaise vie, un bateleurou quelque autre rna-
ïotru,quef'nt~pictait1asy]tabe~f.
C'estes-vous.f~is-je, tout crache!)) n
Toutcsfois, on eust arraché
Les dents du vi)Iain marsouin
Son feu pere, et du babouin
Le fils, avant qu'ilz en prestasscnt
Cecy*, ne que nng beau mot parlassent.
Mais, au fort, ay-je tant Lreste~
Et parlé, qu'il m'en a presto s
Six aulnes?
GCIUEMETTE.
Voire, à jamais rendre.
PA.THEMN.
Ainsi le devez-vousentendre.
R''ndro? On luy rendra le dyaUe~i
GUILLEMETTE.
Il m'est souvenu de la fable
Du corbeau, qui estoit assis
Sur une croix, de cinq à six
Toyses de hault; lequel tenoit
Un formage au bec là venoits
Un renard qui vit ce formaige
~Pensa à luy
« Comment Fauray-je? o

~JL'edition de Beneaut porte Nenny.


JGenin dit que trfstfr, c'est prendre à la glu, ptpfr; Génin
devait s'y connaitre; mais ici trf<<f, que nous écririons plutôt.
t)vW, veut dire bataillé. tYoy. ci-dessus, p. t5, la note 5.)
Manuscrit de La Yallicrc
Mais je t'ay tant. doreldie,
Que le mcscbantsi m'a preste.

Manuscrit de La Vaitierc
L'd5 n~ rendra, mais le grand <ha))tR,'
° Edition de Bencaut C

Ung formage qu'fn t~c avoit.


f~orssemistdessoubzlecorbeau:
« Ha! fist-il, tant as le corps
beau.
Et ton chant plein de mélodie! )'
Le corbeau, par sa conàrdie l,
Oyant soit chant ainsi vanter,
Siouvrit~becpourcitanter,
Et son fonnaige c))et a terre;
Et maistre renard vous le serre
A bonnes dents, et si l'emporte
Ainsi est-il (je m'en fais forte)
Decedrap:vousl*a.vezbapp'
Par blasonner~, et attrapé,
En luy usant de beau laugaige,
Comme fist renard du f(~rmaige
Vous l'en avez prins par la moe4.

PATHEMN.
Il doit venir manger 'de l'oe5
jttais voicy qu'il nous faudra faire.
Je suis certain qu'il viendra braire,
Pour avoir argent promptement.
J'ay pensé bon appoinctement6:
H convient que je me couche,
Comme un malade, sur ma couche;
Et, quand il viendra, vous direz,

GenihmctfOftMr~x', de sou autorité privée. II


ca~
dans quetqucbMitiocs. C'est t)t)K<u't!i< M'ti~e, niais~'7~
La Fontaine, qui savait par coeur bon Pathelin, s'en est
venu en composant sa fabtc:/67î~t;)'~f/ Co/<M.
'Datterie.
~ManuscritdeLaVaiUcre:
Vous l'avez grippé
"HanusentdcLaYanicre: s~
par tL'H' vo~e.

It doit venir manger d'nne"ou~yc. =


°E).prdi~nt,stratagème.
(fUa!pu'lezLas!))t'tgemirez,
En faisant une chicrc fade':
« Las! ferez-vous, i[ est malade
Passé deux moys, ou six semaines »
Et, s'il vous dit: ci Ce sont trudaines~!
t[ vient d'avec moy tout venant. » `

« Uelas ce n'est pas maintenant


(Ferez-vous)qu'il faut rigoUer! »
Ettome)aisseznageo))er~;
Car il n'en aura autre chose.

GUILLEMETTE.
Par l'ame qui en moy repose t.
Je feray très-bien la manière.
Mais, si vous rencheez arrière*,
Que justice vous en reprengne,
Je me douhte qu'il ne vous prengnc
Pis la moitié, qu'à l'autre fois ?

PATHEHN.
Or, paix je sçay bien que je fais.
H faut faire ainsi que je dy.

,-t" GUILLEMETTE.
Souvien~nc-vousdusamedy,
~J?our Dif'u, qu'on vous piUoria

Mine dt'tOM<ite,vidage chagrin.


t Faussetés, tjaUvei'ncs. Génin, qui cite ici i'uf'tign comme
toujours, dérive ce mot du Las latin/r~a)iM,
Mystifier,jouer.
C'ci.t-a-dire si You.s tumi)ez encore dans un mauvais pab
Pathciii) avait eu déjà des démêles avec )a justice.
On condamnait aicr~ au pilori ie& faussaires et les fripons.
Le pilori était ~exposition pubiiuuf sur un echafaud fendant
un certain nombre d'heures, et de préférence les jours de mar-
chc,c'C!.t-a-dire)<;le samedi.
Vous scaYcz que chascun cria
Sur vous, pour vostre tromperie?
PATHELIN.
Or laissez ceste baverie
Il viendra; nous ne gardons l'heure.
M faut que ce drap nous demeure.
Je m'en voys coucher.

GUILLEMETTE.
Allez doncqucs.

PATHELIN
Or ne riez point!
GGI~LEMETTE.
Rien quiconques,
'Mais pleureray a chaudes larmes.

PATHELIN.
Il nous fault estre tous deux fermes*,
2,
Affin qu'il ne s'en apperçoive.
Ils sortent.

LEDRAPriER~cheztui.
Je croy qu'il est temps que je boive,
Pour m'en aller? Ha non feray.
Je (hy hoire, et si mangeray
De l'oe, par sainct Mathelin~,
Cheuz maistre Pierre Pathelin;
Et là rccevray-jepccune

Pour ~'f~<<\ paroïcs mutiictj.


Edition de Beneant
Il fault que nous nous tenons fermes.
Pour: saint JUt~/f~'Jt~ patron des rou- iiaraUn~ion au mot
italien ma~o.
Jebappcraythuneprunn',
A tout le moins, sans rien despendre'.
J'y voys; je ne puis plus rien vendre.
Il fl'appp 11 la porte de Pathelin.
Hau!maistrePierre?
GUILLEMETTE, allant ouvrir.
Ilelas! sire,
Par Dieu se vous voulez rien dire,
Parlez plus bas
LE CRAFPIER.
Dieu vous gard, damf

GUILLEMETTE.
Ha! p)))s bas
LE DRAPPIER.
Et quoy?
GUIHEHETTE.
Bongr~,m'ame.
LE DUArPtEn.
Ouest-it?
nDtLLEMETTE.
Lasl où doit-H estro?

LE DttArptEn.
Le qui?
GUILLEMETTE.
na c'est mal dit, mon maistre:
Ou est-il? et Dieu, par sa grâce,
Le saebe H garde la ptace

'C.'f'st-5-dire:J'attr!]pcrai~)m)jnnmnrfMn.
*our:<i'<)fM<'n
OuHest,)epovremartir,
Unxo semaines, sans partir.
LE,DRAPPIER.
De qui?
GUILLEMETTE.
Pardonncx-moy.jen'ose
Pat'lerltaut;jccroyqu'il reposa:
IIestunpetitapInmmo*.
notas ~it est si assommé, =~
Lepotreitomme.
LE DRArPIER.
Qui?
GUILLEMETTE.
Maistt'o Pierre.
LE BRArFfER.
Ouay n'est-11 pas venu querre q
Six aulnes de drap maintenant?

GUILLEMETTE.
Qui, luy?
LE DRAPrtER.
Il en ,vient tout venant,
N'a pas h) moyHe d'ung quart d'heure.
Delivrez-moy dea je dempurc
Beaucoup. Çà, sans plus uageoUer~,
Mon argent?

~Assoupi,accable.
~Manu&crttdcPigot:
De quoy ? N'est-il pas venu crilprrp
~Paypx-moi.
Je re~teict beaucoup plu; qu'il ne faut.
~Lanterner,baguenauder.
GCILLE5ÎETTE.
IM'sansrigoHer'?t
H n'est pas temps que l'en rigolle.
LE DRAPPIER.
Ça,monargent?Estcs-vousfo)te'
JI me fault neuf francs.
GUILLEMETTE.
Ua!GuiHanme!
Il ne fault pnmt couvrir de chaume~
Icy, ne LaiDcr ces brocards.
Allez sorner & ïos
coquardz4,
A qui vous vous voudrezjouer!

LE BRAprfEn.
Je puisse Dieu dcNtrbuer,
Si je n'ay neuf Trancs'

*Sauspla)santerie.
< Dissimuler, user de feinte,
dit Genin; cette métaphore *.<'
rapporte à l'usage de recouvrir de paille les meules de De qui
passent l'hiver dans les c'batnp~. M?
Dire vos sornettes.
Sots.
Six aunes à 24 sous font 1H sous, dit Génin; et, cette
somme étant égale à la fois a six écus et a neuf francs, on tire,
pour la valeur de t'écu, 9-t sous, et, pour )a valeur du franc,
i6 sous. A quel règne, à qtielle année correspond cette valeur
du franc et de l'écu? Au règne du roi Jean. Génin, tout en
s'appuyant de l'autorité de Dm'ange, s'est grossièrement trompé.
Ce fut sous le règne de Chartes Vil que l'écu à la couronne valut
M ou 25 sous, tandis que le franc d'or, émis alors au cours nor-
mal de 20 sum, fut bientôt déprécie et ne représenta plus que
m sous, quand on eut reconnu que cette monnaie était A la fois
basse et légère. Voilà comment six écus faisaient neuf francs
vers liGO. Le Duchat fait une ot~crvation analogue à la nôtre,
en indiquant l'année ~0 comme la date de la composition de
JM)'<<'<M)t,* puisque, dit-il dans ses notes surHai)elaiS(liv.i, 1,
cuap. xx), les écus d'or vieux ou à la couronne, qui en ce temps-
là furent mis a 50 sols tournois, Itausserent de prix en ~'i'!3. y
CPHt-EMETTE.
.S Helas'sire,
Chascun n'a pas si faim de rire,
Comme vous, ne de flagorner'.
LEDRArfIER.
Dictes, je vous pry\ sans sorner
Par amour, faites-moy venir
Maistre Pierre?

s GCILLEMETTE.
Mesavcnir
Vous puist-il! Et est-ce à meshuy?
LE DRA.PP!ER.
N'est-ce pas ceans que je suy
Cheuz maistre Pierre Paihelin?
CUtt.LEMtlB:.

Guy. Le mal sainct Mathelin~,


Sans le mien, au cueur vous ticitne
Parler bas

LE DnAmER.
Le dyable y avienne
Ne le pseray-je demander ?
GUtI-LEMETTE.
A Dieu me puisse commander
Bas, se ne voulez qu'il s'esveille?

Gausser,railler.
? C'est-à-dire la Mie; de l'italien mal/o. Il y a dan& t'c'H~on
dûH90:lGmnlsamctHat;hurin.
~Mitionde~iverd:
A la teste vous tienne.
!M;)nuscrit de Bigot:
Pnns)s!)ic)).bea«s!re,~oustiennE'.
LE nRAPPtER.
Quel bas? Voulez-vousen l'oreille,
Au fons du puys, ou de la cave?
GUILLEMETTE.
Ile Dieu que vous avez de bave
Au fort c'est t~'usjours vostre guise.

LE DRAPPrEtt.
Le dyable y soit! quand je m'avise:
Se voulez que je parte. Las,
Payez-moy sans p)ns de deLas
Telz noises n'ay~jc point aprins
Vray est que maistre Pierre a ptins
Six aulnes de drap aujourd'huy.
GUILLEMETTE.
Et qu'est-ce cecyfËst-co à meshuy?
Dyahle y ait part Aga3! quel prendre?
Ha sire, que t'en le puist.pcndre,
Qui ment ft est en tel party,
Le povre homme, qu'il n'est party
Du lict, y a unze semaines
Nous baillez-vous de vos trudaines ?
Maintenant en est-ce raison ?
Vous vuiderez de ma maison,
Par les angoisses Dieu, moy lasse

Au fait, au demeurant, au surplus.


C'c&t-dirc Je n'ai pas appris & m'mtfndrc contester une
dette.
Edition de Nivcrd
Dictes; car, qu~nd est de dcbas
ïte!s, je ne l'ay point aprins.
3 « Aga, pnnr r~aj'f/c; <ft)Y/c:,pourrf~f~f:, dit Théodore
de Beze (D~' /M!<! /'ntK<<e recla ~ro))!f))<M<M))< sont des for-
tnuies ajjandonML'e:, la !a poputare dM Paris.
Manu'-crit de Bigot
f! vos baveries j<' suis tasse.
LEbttAPPtER.
Vous disiez que je parlasse
S!bas,sairtctebcnoisteDame?
Vous criez!
GUILLEMETTE.
C'estesvous,par)n'ame,
Qui ne parlez, fors que de noise!
LE DRAPPIER.
Dictes, ~!nrt que Je m'en voisc
Baitlez-moy?
GUILLEMETTE.
Partez bas! Ferez?
LEDRAmER.
Mais vous-mesmes l'esvmIS'z
Vous parlez plus hault quatre fois,
Par le sang bien! quejo ne fais.
Je vous requier qu'on me (Mivrc*?
F GC1LLEMETTE.
r
Et qu'est cccy?Estcs-vousyvre,
Ouuors de sens? Dieu nostrc père!
LËBRA'rriER.
Y\'re? Maugré en ait sainct Père
VoicyunebeUedetttande!
1

GUH.LEHETTE.
!îc)as!pu.)sbas!
LE DRAPPIEII.
Je vous demande

û'e~a-dire qu'on rnp pnyc.


Pour Pfffrf.
Pour six aulnes, bon gré saint George,
Ue drap,dame.
GUfLLEMETTE.
On le vous forge!
Rta à qui l'avez-vous baillé?
LEDRAPPtEn.
A)uy-mosme.
CUtLLEMETTE.
Il est bien taillé
D'avoir drap!HeIas!Hnehobe'!
)tn'anu) besoin d'avoir robe:
Jarnais robe ne vestira,
<Juedeb)anc;nencp!utir.i
U'oodit est,que les picdz devant~'
LE DRAPPtKn.
(~'est doncq depuis soteit )cvant?
Car j'ayatuypartosansfaute.
CUD.LEMETTE.
Vous avez la voix si très-haute:
Parlez plus bas, en charité!
LEDr.APPtUR.
C'estes-vous, par ma vérité,
Vous-mesme, en sanslante est~'aine

tt ne bouge ~'ici.
~C'ebt-à-dire,qu'itne sera plu'-vêtu quf'd'uu!)t)feu),f't
q~'on i'cmpoi~era, les pio~ devant, pour ]u c"ttfiu!t'e au cimu-
tic-rc.
C~~t-dit'c C'est vuus-m'mc qui rie-- en mau\ai'-e p~
f!etnn fait. t'emarquer que Fabu~ de l'adjectif ~~H~H~ ddns une
foule de phrases éta~t un tcrtnc \ictent et ~o:-s)Ct', une c~p'<G
Ú
de jurou. On emploie maiuteuunt. le mot de la me'i.e
mauicrc que ~M~ aut.t'etut~.
PartcsanKbieuiveez-cygrantpainc!
<juimepayast,jem'enattasse~!
Par Dieu! oncques que je prcstaMC",
Jen'entrouvay point autre chose!

fATHEHN.
GuiHemette? Un peud'eauc rose
Haussez-moy, serrez-moy derr~o'c'.
Trut' à(jt)i parlay-jo? L'esguiet'c?'?
A boire ? Frottez-moy la ptante '?
?

LE DRAPPtER.
Jeroyià?
GUILLEMETTE,
Voire.

PATHEHN.
U:),meschantt;!
Vien ça? T'avoye-je fait ouvrir
Ces fenestres?Vienmoy couvrir
Ostez ces gens noirs MdymM'f:,
Carimari, carimara 6.
Amenez-ies-mov, amenez

Pa&quier nous apprend que ce vers était devenu proverbe.


*C'~&t.-à-dirf:Tout<'s)esfoisquej'atfaituitprct..
L'eau rose était employée, comme cordial, pouc r~uin~et t~
ibt'ces des malades.
*hïtprjcctioh d'indication,bf'tou la (.ratu~ait-t'dePat-gt'avc.
Génin, qui n'avait rien trouvé sur c~ mot dans te Ctos~ait'c de
Ducange, -c~t bien ~ardc de l'expliquer. On dis:'it
dans le sens df~ ?'rM~< ;H~ f/o;
T; ~f.
Génin a oublié son
/'7HM. ainsi que son Paisgrave. Plusieurs cdtUotis cfrivcnt. tci
losl, au lieu de ~rM~.
~antc des pieds.
Ce sont. des t,~rmp<' iti~ignitiant~ que tes no~n~ens cm-
ployaient dans icur~ eonjuratiotts et qui avaient, été compt'j~ dan~
la grande famille des jurnu- t~nin les a laisser pa~er, i-nn~
)eui' dire leur fait, Ducan~c la n~în.
GUILLEMETTE.
Qu'est-ce? Comment vous demcuex
Estes-vous hors de vostre sens?
PATBEIitN.
Tu ne vois pas ce que je sens:
Vela un moine noir qui vole?
Prens-le, baille-luy une estole'
Au chat, au chat! Comment il monte!

GUILLEMETTE.
Et qu'est cecy ? N'a' vous pas honte ?
Et, par Dieu c'est trop remue.
rATHEHN.
Ces physiciens~ m'ont tué
De ces hrouithz qu'ilz m'ont fait huirc
croire,
Et toutesfois les faut-it
Hzenoeuvrcntcommodeeire*. (
GUILLEMETTE.
Hetas venez-le voir, beau sire
Il est si très-mai patient

'On p!~stittinc(?!.o)eautour du couder pos&edb,p0mdon~p-


tcrtcdcmott.
2 Manuscritde Bigot:
Et qu'essë icy' ~'avez-voushotUe?
~Mcdc'ihs.G~tim,quic-ttcif'u'tcon)htpDucttngc,dit<tUc
le motj/ij/siftot, venu du grec, n'est tout au plus que de la
seconde époque df noire langue, d'une époque dpj~ pédante; t!i
mot primitif~~t NKrf. Et )a-dpssu< il renvoie son amndp ah
miro du G)o!~aire de DucaNge.-JJire aigninait citirut'gie)! plutôt
'tuemcdcrin.
Tisanes, drosues.
~EditioudeKtverd:
DsfnutcnteomnMdi'cire.
° Souffrant, du )ntiu;)'f<t'fiM. -X-
LE DRAPPIER.
Est-it malade, aLon escient,
-Puis crains* qu'il vint de lu foire?
GUtHEMETTE
De la foire?
LEDt!APfIEK.
Pat'samctJehan.voit'c!
Je cuide qu'il y a esté.
Du drap que je Yousay preste,
Il m'en fault l'argent, maistre Pierre?'?
PATHELIN.
Ua'maistt'cJchan'PiusdurquepiMnc,
J'ay chie deux petites crottes
Noires, rondesj;otmne pelotes.
Prendray-jcjjng autre cristcre ~? ~_]~
LE DRAPriEr..
que scay-je? Qu'en ay-je à faire ?
Neuf francs m'y fault, ou six escus.

PATHEHN.
Ces trois petis morceaulx Lecuz
Les m'app~Hez-vous piUoueres*?

'Dcpuisuniu'itant.
*Pou!'c/~s~crf."Lepcuplfn)'ctf'ntWt'~s7<tU(.Gcntn.L'c-
tymologie n'a que faire ici, parce que la permutation fîc~ <)L'ux
x
liquides en r ebt continuelle. Geniu était purfoi~ ph'isnnt.
Kf~, du bas latin ~'f/t)«.
EditiohdcBcneaut:
Ces trois morceaux noirs et Lecuz.
Mammrit dL'Bigot:
Ilc M'onmut les
Dites-vousque ce sont ])iUoircs?
m,vsclwircs!
Ilz m'ont gastu les macliouercs.
Pour Dieu! ne m'en faites plus prendre,
Maistre Jehan ilz m'ont fait tout rendre.
Ha il n'est chose plus amerc

LE DRAPPIEM.
Non ont', par l'ame de mon père!
Mes neuf francs ne sont point rendus.

GUILLEMETTE.
Parmy le col soient-ilz pendus,
Tels gens qui sont si empesctmbtcs~
Allez-vous-en, de par les dyables,
Puis que de par Dieu ne peult estre
LE CKAPt'tEH.
Par t'eluy Dieu qui me fist naistre,
~J'auray mon drap, ains quojo"nnu
~nu mes neuf francs!
PATHELlif.
Et mon orine
Vous dit-eUe point que je meure'?.
Pour Dieu! Faites qu'il ne demeures?
Que je ne passe point le pas
GUILLEMETTE,
Allez-vous-en! Et n'est-ce pas
Mal faict de luy tuer la teste?

C'e~t-a-dire les pi))u!es ne vous ont pat fait tout t'cudrc.


)mportun~nanb. t
Avant que je sorte d'ici.
Les médecins alors attacliaient une grande itnpot'taucc a
l'examen de t'urine du malade; il y avait o~mc une medt'cine
spéciale des urines, qui a ')Ubsi&te ju~~u'au dix-huitièmesicctc.
'EditiûudcBcncaut-:
Pour Dieu, pour Dieu, quuy qui detncute'.
4
LEDRAPPtER.
Damt;! Dieu en ait male feste
Six aulnes de drap maintenant,
Dictes, est-ce chose avenant
Par vostre foy, que je les perde?
PATHELIN.
Se poussiez csclaircir ma merde,
Maistre Jehan elle est si très-dure,
Que je n& sçay comment je dure,
Quand cHe yst hors du fondement

LE DRAJTtEjU.
I) me fault neuf francs rondement,
Que, bon gré sainct rierro de Rotlune.

Hela~
Ue)as! tant cest aEUILLEMETTE.
tanttourmentez ccsthml1l1le!
homme!
Et comment estes-vous si rude ?
j–
Vous voyez, cterement qu'il cuide
Que vous soyez physicien?
Uela! tepovrcchrestien
A assez de~nate mesch~nce
Unze semâmes, sans laschance
A esté illec, le povre homme.

DRAtTIER.
LE
Par le sang Dieu! je ne sçay comme
Cest accident luy est venu

<'

=
AgrcMMe.
pi.
C'cst-a-~n'c

EditiMn de Cencau!
Tant ~nf'~h'u dit t\')u)ui df; le jt~cr~

Quant ëU' s-mtt )~t~ de futn-icmcm.


Mauvaise c'hauœ.
Su!i& rcim'itc.
Car il est aujourd'huy venu,
Et avons marchandé1 ensemble
A tout le moins, comme il me semble,
Oujenesçayquecepeuttestre!
GUILLEMETTE,
Par Nostre Dame! mon doulx maistre,
Vous n'estes pas en bon mémoire
Sans faute, si me voulez croire,
Vous yrez un peu reposer;
Car moult de gens pourroient gloser
Que vous venez pour moy ceans.
Allez hors! Les physiciens
Viendront icy.tout en présence.
-Jen'ay cure que l'en y pense
Amai;carjen'y pense point.
LE DRAPPtEH.
Et maugrebieu! suis-je en poinct?
Par la feste Dieu je cuidoye
Encor. Et n'avez-vouspoint d'oye
Au feu "?
GUILLEMETTE.
C'est très-belle demandf
Ah, sire ce n'est pas viande

) ait une affaire de commerce.


° En ~OMH~M/)~ au quinzième siècle, dit Genin, doit <tt'e
un de ces archa'ihmes qu'on trouve dans la bouche des vieilles
gens et des bourgeoises comme Guillemette ou madame Jour-
dain. »
~ManuscritdeLaVaiiiere:
Mouhdfgensp0)trroi~nt~t[p}joset'.
Génin ne voit, dans cette question, que la gourmandise du
drapier obpineàmangerdel'oie:ma)st.énin comprend mal ce
drapier, qui commence à douter de lui-même et qui se t attache à
toustessovenirsde sa récente entrevue aveci'atheHn,pour
a'asburerq'itest])i''ndnnsso)thonscns.
Pour malades. Mangez vos ces,
Sans nous venir jouer des moes
Par ma foy, vous estes trop aise
LE DRAPPIEP,
Je vous pry' qu'il ne vous desplaise;
Car je cuidoye fermement.
Encor', par le sainet sacrement $
Dieu! Dea! or voys-je sçavoir s.
Il sort et retourne dans sa boutifjttf.
Je sçay bien que je dois avoir
Six aulnes, tout en une pièce
Mais ceste femme me despiece
De tous poinctz mon entendement.
jltesaeuesvrayement'?.
Non a, dea il ne se peut joindre
J'ay Ye)t la mor~ qui le vient poindre;
Aumoins,oui}tccontrefaict.
Et si a il les print de faict,
Et les misLdessoubx sou aisselle,
Par saincto Marie la Mie!
Non a'" Je ne sçay si je songe.
Je n'ay point aprins que je donge s
Mes drapx, eu dormant, ne veillant?

Faire dût. grimaces, montrer les dents.


'Edition de Génin
Encore. Ed~ te sacremont.
Edition de Beueaut'
Adieu, dea! Orje voys s~'avûtr.
<' TrouUe, dérange, brouiUe.
''Editions gothiques:
Je les avoya vrayement1.
C'est-à-dire Certes, il a mes six aunes de drap.
'Nou.itnctesapas.
Bonne; du vieux Yerhe~a!N~~)',f;uencninn'a pa-ifherfhe
dan~ Ducange.
A nul, tant soit mon bien vueinant
Je ne les eusse point accrues?.
Par le sang bieu il les a eues.
Et, par la mort! non a, ce tiens-je,
Non a! Mais à quoy-done en viens-je ?
Si a, par le sang Notr~-Dame!
Meschoir puist-il~ de corps etd'an)e,
Si je sçay qui sçauroit à dire
Qui a le meilleur ou le pire
D'eux ou de Je~n'y voy goûte
moy

PATHEHN, a'Guinemettf.
S'en est-il allé?
GUILLEMETTE,
Paix J'escoute
Ke sçay quoy qu'il va
Ûageottimt
H s'en va si fort grumeiant~, ~1
Qu'il semble qu'il doive dcsver ·
PATHEHK.
tt n'est pas temps de se lever "?
Comtne il est arrivé à poinct
GUiLLEHETTE.
Je ne sçay s'il reviendra point.
Nenny dea, ne bougez epEOt'e
Nostre fait serait tout ffelare~,
S'il vous trouveU levé.

Pour ~Mr~/f'fj! mon ami, mon compère.


~A~'o~~prctcr,tivrer~c)'édit..
~rt!isset-Uchoi)'entu.aJ.,ctrcmatticureux.
Parlant tout seul, mtn~nurunt comme s'il jouait. <tu
'our:fyromMf~
/)< pouf ft~~fr, enrager.
Manuscrit. deHigot:
Certes.s'fivoustrouvou]GVf'
Haro' qu'il est tfndre St.'vru
P~rdu; d~ t'aHftnand ff'r/fj'f'
__PATnEt.;N.
SainctCforge!
,7
Qu'il est venu a bonne forge',
Luyquiestsitres-mescreant~!
)t est en luy trop mieux séant s,
Qu'ung crucifix en u&g monstiei'
GUtLLEMETTE.
Enung très-ord vilain bronstier~F
Onc lard ès pois n'escbeut si bien
Et, quoy, dea, il nejfaisoit rien G
Aux dimenehes!
PATHEHN.
Pour Dieu! sans rire!
S'il venoit, il pourrot trop nuyre.
Je m'en tiens fort qu'il reviendra.
GUtLLEMETTE.
Par mon serment, iLs'en tiendra 7,
Qui volildra mais je ne pourroye

xpression proverbiale, signiuant: il a trouve son maitrr-,


~1 a été traité de la belle manière.
s Si dur au prêt, si peu confiant.
~C'est'-à-dire~Cequiluiarriveestaussibienfaitpourlui,
qu'un crucifix pour un couvent.
Ou moustifr, du latin ~~s~M, monastère.
C'est ainsi que ce mot~esfécnt dans l'édition de 1490. On
lit dans les autres éditions ~'o~7\ ~t/ ~7'~ ~H~y~
Génin, qui cite Ducange,en renvoyant son monde au mot ~rc~c,
dit que c'est un chasse-marée!Nous croyons, sans citer Ducange,
que /'r~<s~ pour ~yo~signifie tout simplement ~o?~
potage, où le lard aux pois est mieux à sa place que dans le
chasse-maréedemaitreGénin.
Manuscrit de Bigot,
Car, certes, il ne donnant rien
Ne pour feste ne pour dimenches.
Mais, dans le manuscrit, le vers suivant, e~t incomptct < np
rime pas avec ~M~c/M~.
~C'p~t-M-dirt':Sf'rf'ttennedft')requivft))dt'a.
LEDKAFrtEn,seut,chc!!)ni.
Et, par le sainrt .soleil qui roye 1,
Je retourneray, qui qu'en groussc~,
Cheuz cest advocat d'eaue douce
Hé, Dieu! quel retrayeur de rentes,
Que ses parens ou ses parentes
Auroient vendue Or, par sainet Pierre,
Il a mon drap, le faux tromperre i.
Je luy baillay en ceste place.

GUILLEMETTE, chez elle.


Quand me souvient de la grimace
Qu'il faisoit en vous regardant,
Je ris! Il estoit si ardant <
A demander.
PATHEHN.
Or,paix,riaee'"
Je regnie bieu, que jà ne face
S'iladvenoitqu'onvousoM'.i,
Autant vaudroit qu'on s'enfouist.
It est si tres-reharhatif.
LEDRAPPtER.cheztu:.
Et cest advocat portatif
Pour myoHKi'.
rour: ~!f)M. n y a prousse dan< toutes !~s 6'~tions. Cf Qui
~K'fX fftoxMC rappelle )c fatnfuit Qui ~ft'ftt grogne, qu'oti fm-
ployait aussi incidemment. Génin aMt une hifn Ldte note pnur
démontrer comment ffro!MM(Ju htT?'i'r<)?t<t!M)s'est transfnrm~
en ~!<MMf, « par sub,titution d'âne tiquHe a t'autre. < G~nin
~sbie avoir un faible pour les liquides.
~~Lo Pt'apier
se souvient que rathOin lui a dit qu'il allait
aire une rente.
~Bj~ Pour ~om~xr.
Rieuse.
Quelques ancienne édition*, mettent ~o~tft/ qui a )f même
sens:afO{'atsauscanse.On!)ppehit'pp'a(!/<)c'.Mq')('s'.M!.
évêchés, t)tpftr<it)«!.
A trois leçons et trois pneaumes
Et tient-il les gens pour Guillaumes?
Il est, par Dieu! aussi pendable,
Comme seroit un branc prenaute
Il a mon drap, ou je regnie bieu!
Et il m'a joué de ce jeu.
nvafrapperajaportodePathdin.
!Ma! Ou estes-vous fouye?
GUtL[.ËMETTE.
Par mon serment, il m'a ouyc~
H semhtc qu'it doye desver.
PATHELIN.
Je feray semLtant de i'esvM\
Allez là ?

GUILLEMETTE, ouvrant au Drapier.


Comment vous criez
LE BMAt'PtER.
Bon gré en ayt Dieu Vous riez?
Çà, mon argent
GUILLEMETTE,
Saincte Marie
))equoycuidez-Musquejer!e?
t) n'a st dolente en la feste
Il s'en va oncques tel tempeste
N'ouystes, ne RI frenaisid
«t
Ccat. comme s'il disait: avocat de rien. Cette locution pr~-
v~biaie était treâ-usitee, surtout en Normandie, pottr expt'i~~
uuo chose aussireluite que posHbtc < C'e~t un Lt'et'hirc du
camp, trois pbaume", et rien~Ju tout qui ne veut. ') qv"
Genin a mis ~c, au lieu de~r, san-~ savoir ce qu'if ju~
~Gait pendable. Nous croyons qu'il s'agit d'une vieitie cerf ~u'oti
suspendait par la garde à la muraille.
',C'est-a-dire:MoN'niriscn)cur[.
Il est encore en resverie
!)resve;it chante, et puis f:u.roun)e<
i
Tant de langaiges, et barbouiiïe
H ne vivra pas demye heure.
Par cesteameije ris et pleure
Ensemble.
LEDRAFPIEH.
Je ne sçay quel rire,
Ne quel pleurer. A brief vous dire,
n faut que je soye paye.
GUILLEMETTE.
De quoy? Estes-vous desvoyé'?
Herommeneez-YOusvo~re verve ~?

LE DRAPPtER.
Je n'ay point appi'ins qu'on me serve
De tels mots, en mon drap vendant.
Me voulez-vous faire entendant
De vessies,que sont lanternes?

PATHELIN, simulant le délire.


Sus tost la Royne des Cuiternes
A coup, qu'ell' me soit approuchec?.
Je sçay bien qu'elle est accouchée
De vingt et quatre Guiterneaux

F<nMM, remue, fait :onner comme un /f0); de clefs.


Insensé,horsdcsens.
Ycrtïge, folie. Génin pense
peuple logeait dans la
qnp~
cervelle de'~
dérive Jti ï'~r M~M~ft
fou~
que le
Guitares, « D''pui!t douze ou quinze ans en ça, disait Bona-
vcnture Des Periers ( BMfottM )Wt p!'M m~mfo/~XM ;e
ï'~i's), tout le monde ~'Cht mis a guitpm~r, le lue presque mis
di-
en obty, pour estre en la guitci'ne~f* ne sçay quelle musique et
icelle beaucoup plus aisée que cc]h'-H du tur.'»
"~hnuserit de Bigot:
D~qu;)t)'t']n'tisgt)ih'tn<?a))x.
Enfans de l'ahbé d'Iverneaux
Il me fault estre son compère.
GUILLEMETTE..
Hélas! pensez à Dieu le pore,
Mon amy, non pas à guiternes?

I.EDRA.PPIER.
lia quels bailleurs _de balivernes
Sont-cecy?. Ortost, quejesoye
Payé, en or ou en monnoye,
De mon drap que vous avez pnns ?:>

GUIHEHETTE.
ne, dea, se vous avez mesprins
`
Une foys, ne souffit-il mye?
'?

LE DRAPPlEJt.
Sçavez-vous qu'il est, belle amye ?
M'aist Dieu, je ne sçay quel mesprendre
Mais quoy! il convient rendre ou pendre
Quel tort vous fais-je, se je vien
Ceans, pour demander le mien?
Quel? Bon gré sainct Pierre de Romme
SUILLEttETTE.
Hélas tant tormentez cest Iiomme
Je voy bien, a vostre visaige,

L'abbayed'Iveru~ux, ou nivcrueaux,ou Ivernel (de ffitfr-


~f]'~),une lieue de Brie-Cumte-Robert,appnrtfnnit à l'ordre
de Saint-Augustin. f~tt~~L~j~nnh'nnd'une lucaUtf de la Brie, et
en même temps .d'un personnage sans doute connu dans cette
province par sa vie débauchée, viendrait à l'appui d'une opinion
qui fait de la farce de Pathelin une production indigène de la
ville do Meaux.
Si ~.r
vous avez fait une méprise.
~ff~M~,qui cstaujoucd'iuuvct'hûactu',ditGcnin,était
clans l'origine verbe neutre, comme le latin ~<f~ct signifiait
~f ~f/
Certes, que vous n'estes pas saige.
Par ceste Pecheresse lasse 1,
Si j'eusse ayde, je vous lyasse!
Vous estes trcstout forcené.

LEDRA['t'[EK.
He)as j'enraige que je n'ay
Mon argent!
GufHEHETTE.
Uaiqudniccte~'
Seignez-vous? Be/;e(h'c:~
Faites le signe de la croix ? `

I.EDnAPPtER.
Or, regnie-je bieu, se j'accrois
De l'année, drap Uen quel n)a)ade
PATHELIN.
Mère de Diou, la Coronade,
Par fye, y m'en voul anar,
Or renague biou, outre mar
Ventre de Diou zen dict gig~ne,
Castuy carrible, et res ne donne.
NecariHaine,fuytanone;
Que de l'argent il ne me sone 4.

E~t-ce la MadeteiNe uu sainte Marie !'Ëpit~icnnc t)Ue th'~i-


~ne cette qualification,doutC6n:n ne daigne pas s'occuper, piu'cc
que Ducangc ne lui bounle pas ce qu'il doit dire! Kou!i pr<!po~ou-
deponctuerainsiccTcrs:
ParcestuI't:chcresse,tassC)
en rappnrtant ce dernier mot à Guillemette.
~otti~c, niaiserie, nafvete
Si je vends a crédit.
Kous avouons ne rien comprendre & ce jargon iimousiit que
Génin n'a pas tenté d'expliquer, quoiqu'il ~<i vanta tl'cuteudrc le
~yoH de Villon san&Ie becour~ de DUcau~e.
Au Drapier.
Avez entendu, beau cousin '?
CCtLLEMETTE.
Il eut ung oncle Lymosin,
QuifutfreredesabeUeante:
C'est ce qui le faict, je me vante,
Gergonner~ en Lymosinois.
LE DRAPPtEl!.
Dca, il s'en vint en tapinois,.
A-tout~ mon drap soubz son aisselle.
rATHEHN.
Venez eus' doulce damiseHe?.
· Et que veut ceste crapaudaiUe?
Allez en arriere, mardaille
Cha tost, je Ycuit devenir prostré.
Or cha, que le deable y puist e&ti'e
En chelle viete prestrerie!
Et faut-il que le preste rie,
Quand il deust canter sa messe?
GUILLEMETTE.
Hetas he)as l'heure s'appresse
Qu'il fault son dernier sacrement
LE pRAPPtER.
Mais comment parle-il proprement
Picard ? D'ond vient tel coquardio ?

C'etai~unoa~pethtion (t'tionneur et (l'ctiqucHc, a la conr et.


pm'mi les grands seigneurs. Les rois se donnent encore rut'ipro-
qucmentletitrcuG:MOMro~K~t.
Pour: /ar~MM; parler eommo Une pic.
"Atcc.
'i'uur:c<K.!j~'idcdtitH.
"Bêtise,sottibi;.
GUILLEMETTE.
Sa merc fut de Picardie;
Pour ce, le parle maintenant.
PATt!EL!N
D'ond viens-tu, caresme prenant?
Waearme Hefve, Gonedman,
Tel bel Lighod gheueran.
Henriey, Henriey, consetapeu
Ich salgned, ne de que maigncn
Grite, grUe, schole houdcn,
ZHcp, zilop, en nom que boudeu,
DisTMien unen desea versen
Mat groet fusta). ou truit den tn-'rïcn.
Hau, WattewDIe corne trie. t
Cha, à dringuer, je vous en prie?
Commare, se margqt de. Feuue
Et qu'on m'y mette ung petit d'eauf ?
Hau! WalwIHe' pour le frimas,
Faictes venir sire Thomas
Tantost, qui me confessera.

Génin a essayé de restituer ce couplet, qui e~t en baragouin


fUmand, et nous avons adopté, de confiance, son texte, en re-
grettant qu'il ait négligé de le traduire. Il prétend avoir retrouvé,
dans ce grimoire, le nom des WxtteviUe, famille noble, originairf
de Suisse et de Bourgogne Parmi tea o~iciers du duc de Bour-
gogne et de la petite cour de Gcnappc, où je conjecture, dit-il,
que Pa~ei ? a a été composeet repreitOntë,il y eu avait apparem-
ment un du nom de Wattevilie; en borte que cette in(erpeHa(ion
réitérée « Ho WatteviHe! < ofit'aità l'auditoirequelque allusion
perdue pour nous. » Puisque Génin tenait à son Wattevitio, qui
est écrit t'M tf M~K? dans les éditions gothiques, il eùt trouvé,
sans aller si loin, en Kormandie, quatre ou cinq localités, nouf-
meES Vate~iUt, et deux ou troi~ famitle~ noMes du mùme non).
Genia a découvert un pcre Tttomas.qui confesse les gens
dans !e roman de Bft~OHt S~Kf~, et il veut que f'atl~eiin
fasse allusion à ce personnage d'un roman du treizième siècle
C'est commesi l'on voulait rattacher le Geuin, l'éditeur <)e .)fn;s(rf
LE OEAPftER.
Qu'est cecy?Hne cessera
Huydcpader divers Jangaige? ?-,
Aumoins,qu'Hmebamastunggaige,
Ou mon argent, je m'en atiasse
GCtLLEHETTE.
Par les angoisser Dieumoy lasse
Vous estes ung bien divers homme
Que voulez-vous? Je ne sçay comme
Vous estes si fort obstine.
PATHEnK.
Or cha/Renouart au TInc
Bé dea, que ma cottiUc est pelouse
Eil' semble une catte pe)ouse,
Ou à une mpusque à nuet.
Bé!par!czâmoy,G.d)['it't?
Les p~aycs DieuQu'est-ce qui s'ataque
A mon cuI?Est-che or une vaque,
Une mousquc, ou ung escarbot?

P<n, au héros d'un roman du quinzième siècle, intitulé


/c Clrevalirr C~n.~Voy. C'<f~t/o~M~<~ /.î')'c.s' f~ f~c<~ La f<
~c.~n'as~.)
.E.tran~e, Lixarrp.
Ëditiot). de Le Caron, d~ Coustelier et de Durand
'V
Or charnonart austinë.
~?~M~ dit Génin, est' ]e héros d'une des Lfanches du
romaïK~piqucde G~~Mmc ~M co~r~ ft~s. Renouart, avant d'<'tt'e
TUi héros dans la seconde bataille d'Alc~~ttutus, était, marmiton
dans les cuisines du roi. Prft à. suivre Guillaume d'Orange à la
'guerre, ce nouvel Hercule va couper dans les jardins un gro~
'-apin qu'il fait ccrcler de fer. 11 s'en escrime si bien, que, de
èe ~n~ c'e~t-a-dn'c do cette masbuc, lui est dctueuré le ~(d't'i-
briquet de Rf'ti~~mf <fM Titiel. Ce perbonnagc jouissait sans
doute, grâce aux récits des jon~Ieut's, d'une grande e~t~britë
parmi le penp!e, et Puthctin, ft'tgnnnt de prendtc ]c drapict'
GuHï~ULmeJous~eaumc pour lienonart :)u Thie), devait exciter
l'hilarité de l'auditoire.
Hé dea,j'ay te mau sainct GarLot'
Suis-je des Foyreux de Bayeux~?.
Jean du Quemin 3 sera joyeux
Mais qu'.itsçachc que je le tee.
Bé par sainct Jean! je bt'ree
Voulentiers à luy une tes.
LE D[!APF[En.
Comment peut-il porter le fés
De tant parler? Ha il s'affole

GOtLLENETTE.
.Celuy qui l'apprint à l'escole
Estoit Normand4 ainsi ayient
Qu'en la fin il )uy en souvient.
Il s'en va
LEBnAprtEn.
Ah! sainete Marie!
Vecy la plus grand' rcsverie
Où je fusse oncqHes-mats buuté.
Jamais ne me fusse douté
Qu'il, n'eust huy. este a la Foire

'LcmatdeMin.tGerIjold,c'c~t)adysscntcrie,qucce}~'a~
saint, evcqucdeBaycux,auseptième siècle, cnvo~aunjouraà
ses diocésains, qui l'avaient cha~cdc ~on siège. Génin, q'n a
trouvé ce détail'daus bon Ducange, au ntot ~~s~s,
traduit
parhemot'rho')dct.~eMjcf~s~J!Ctt/~f/jquoiqu'n<'i'creptt;tph''
JuhcnMiaJquicnfutafÛigt~:
Den peu son cenlre n'ul n·lugue.
L't~pibphc,cit~e ci-dessusd'ap~~G~nin, ou pïutut d';)pr'
CucaTigC,prouve que ce dicton proverbial était venu du ma) de
saint Garbut, phttnt que de5 foires ccicbre~ de Paycnx.
a J~A~t du Q~a~H~y, dans t'ct!itiou de Le Caron.
1] y
Si f'atimUîi était Xcrniaud, cotnmc on l'a dit souvent, et
la pi~c avait t~tc fuite pour être représentéedevant de~ Kor-
i
m~uds, ce p:'tois du pays ne serait pn~ i'~i trop à sa piaffa
~Cepa~t-a~c et ptu-icursau.trea indiqueraient qufc'c~tJan~
une foire de ia Eric qucTHHtclinatrompetet)rapift'.
GtHLLEMEITE..
Vuusiecxydcz?
t-EDRAPPtEt!.
Saint Jacques voire
9!ais j'apperçoy bien le contraire.
PATHEHN.
Sont-il Ut)g asnR que j'os braire 1 ?
Hâtas*'batasicousinamoy!
Ilz seront tous en grand e~moy,
Le jour, quand je ne te verra;.
n convient que je te herray
Car tu m'as faict grand tricher\
Tonfaict, il est tout trompery.
Haou)Janda,ou)enravezeie
Çorfhaeneuf'.
GU'ILLEME'fTE.
Dieu vous aseie
PATHELIN.
IluisozLuxoudrDncnozbadou
Uigaut an can en ![0 madou
Empedit dich guicebnuan ·

Les éditions de Leroy, de Le Cmun, de Tr<'ppt.-r';t, ctautre.


portent ~M .?'07'c ~M~<?. Genin, qui s'y connaissait, a~mis ~Hf
j'os. Gcnih fait, en outre, une note grammaticale sur ce singulier
mélange du pluriel et du singulier ~'o~ ~N ~/t~? pour
;y~s~-ff pas ~n ~nc?
Pour,Af~/ Panjirgc crie aussi pendant la tempête.
Nous n'avons rien change au texte bas breton de ce passage.
que Emile ~'ouvestre a pourtant essayé de restituer. <t Il y a.ici.
dit-il, des Tcrs dt; pt'c'pljetic- d'autres empruntas sans d~ufe
à des poëmes bretons du temp~, d'autresinventer le tout entr~-
mêlé d'une manicre grotesque, pour reproduire le désordre dt'
la folie. »
Génin a mis
tions gothiques:
N' qui ne rime pas; il y adaos plusieurs édi-
Nous avons fait un changement arbituit'
-Quez que vient oh Jre
donehaman
Meu ez cachet hoz buuzeinu
Eny obet grande canou
Maz rechet crux dau holcon,
t
So ol oz merveil gant nacon,
Aluzen archet epjsy,
Hanca)s amour ha courteiev.
LE DRAPPIER.
Hn).<s! pour Dieu, entendez-)'!
Hs'eitva'CotnmentUgargouine?
Muis qne dyaLIe est-ce qu'il Larijouino?
Saincte Dame! comme il barbote!
Par le corps hieu'itbarJjetute'
Ses mots, tant qu'on n'y entent rien.
Hneparlepaschrestien,
Ne nul laugaige qui apere

GUtLLEMETTE.
<efut)amcredesoapere,
Qui fut aitraicte~ de Bretaigne.
![ se meurt cecy nous enseigne
Qu'il fault ses derniers sacronens.
PATHELIN.
Me, par sainet GigtMnS tu ne n-ms!
Vua)x te Deu,-couille e Lorraine

'Manuscrit de Bigot
Par )e saint corps bien il radote.
'~nu~critdcDigot:«.
~'etangaisequiyappairc.
'<"Cjt-a-dire Mi langage qui re~scntbie celui d'un thrL'tiL'u.
Attirée, amcn6e.
Gcniu veut reconuaitre ie! saint Gengouif, qu'on npp~'hit
'CtfOM ou Ct Kj/<"t danb ies ra) s-Bas, maii. ce saint C'~omt (du latin
i/t~tt<Tt') est ptut~t le fameux saint Guignolet,qui faisait d(.s en-
fants aux f';mmes stérilet en Bretagnf.
Dieu te mette en male ëepmaine"
Tu ne vaux mye une, vici)z nate
Va, sangIaSte botte 'chavatc,
Va, coquin; va, sanglant paiH:u'd°
Tu me refais trop le gaillard.
Par la mort bieu! Ça, vien t'en boire,
Et Laille-moy stan grain de poire
Car Yrayementjc le mangera,
Et, par sainct E!eorgc,je Lcura
A ty Que veux-tu que je die?
Dy, vien~-tu niant de Picardie?
Jacque niant, que t'es cbaubis~?
E<&OMd:<'SSt'(M~M.
M~ïs~r <(n!at!<!5S!'me,
Pater ;'euet'~nt!!ss:'tnc.
QMOtKOdÔ brulis? ~!<a; nova

Dans l'édition de Beneaut, il y a bonne ~M~f, et ~û//c se-


M~/Hr, dans l'édition in-8 gothique sans date.
Manuscritde Bigot
Vatefuu~e.sacr~pniHard'
Edition de Beneaut
Jacques nycnt ce sont ebubis.
Voici la traduction de ce latin rime, dans lequel Pathelin
confesse sa tromperie au pauvre Drapier qui ne peut le com-
prendre K Je vous donne le bonjour, mon maître bien-aim<\
pcrc réverendissime'Commentvous va? Quoi de nouveau? Il n'y
a pas d'œufs à Paris. Que demande ce marchand? Qu'on lui dise
que le trompeur,- qui est couche dans ce Ut, veut lui donner,
s'il lui plaît, à manger de l'oie. Si l'oie est prête à paraitre sur
la table, qu'on l'aveftisscTsans retard! » Rabelais, dans sa lettre
burlesque à maître Antoine Gallet, seigneurde la Cour Compin,
fait allusion à un passage de ces vers K N~, ~i~r n~nf~S!mc,
qlfomodo ~&~? ~a? noM?P< no~ NHn~?Ccsparolles,
proposées devant vos révérences et translatéesJe ratelinois en
neutre vulgaire Orleanois, valent autant à dire que si je disois
Monsieur,vous soicz le très-bien revenu des nopces, de la reste,
de Paris. Si la vertu Dieu vous inspiroit de transporter vostre
paternitéjusqu'en ccstuy hermitagc, vous nous en racontpripx
de belles! »
Parisius non M~f Ot"
CM:'dp<<!7~mC)'M<0)'?
quod ~'H/N/t))'
Di'M~ S:&!
J'Me,ÇMt:'M/M<OjS<'6/,
r!<ft?'sf~~<'<'<,
De oc;! ad com~~H~Mm
Si sit &o/!a cd<;n(/M))!,
Pf/fS!'&ts:ncM!or< i
GCtU.ENETTE.
Par mon serment, il se mourra,
Tout parlant! Comment il cscunte
Veez-vous p.)s comment il fume?
A haultaine divinité,
Or s'en va son humanité
Or demourray-je povre et lasse
LEDRA.rp!Ett,~par)..
Il fust bon quejf m'en allasse,
Avant qu'il eust passé le pas.
A Guillemette.
Je doute qu'il ne voulsist pas
Vous dire, à son tfespassement,
Devant moy, si pnvecmcnt,
Aucuns secrez, par aventure'?

Éditions de Beneaut, de Leroy, de Treppfret, et autres


Tout parlant, comment il l'a scume
Veel-vouspaseommeitescume
Uauttementladivinitc?
EU's'cn va, son humanité!
3ïunu~erit de BigoL
Tout parlant, comment il tatine!
Nostro-Dame! comme il estime
Largementh Divinité
Manubcrit. de Bigot
Devant moy, mais secretemenl,
Et prenet en gré l'aventure.
Pardonncz-moy; car je vous jure
Que je cuydoie, par ceste âme,
Qu'il eust eu mon drap. Adieu, dame.
Pour Dieu, qu'il me soit pardonné!
GUILLEMETTE.
Le benoist jour vous soit donné
Si soit' à la povre dolente!

LE DRAPPIER, seul.
ParsaincteMarietagcnte!
Je me tiens plus csbaubely 2
Qu'onques! Le dyabte, en lieu de ly,
A prins mon drap pour-moy tenter.
Benedicite! Attenter °
Nepuist-itjaa à personne!
ma
Et, puis qu'ainsi va, je le donne,
Pour Dieu, à quiconques t'a prins.
PATHEHN, après le départ du Drapier.
Avant! Vous ay-je bien apprins?
Or s'en va-il, le beau Guillaume!
Dieux! qu'il a dessoubz son~beautme~
De menues conclusions
Moult luy viendra d'avisions
4
Par nuyt, quant il sera couchië.
GUILLEMETTE.
CommentitaestemouchieS!
N'ay-jc pas bien faict mon devoir?

'rour:t:M,!tf!0;<
'Pour:f~i;ti.
*C'est-Mire:Soussonbonnpt..
Pour visions.
Dupé, mystifié.
PATHELIN.
ParlecorpsMeutadirovon',
Vous y avez trës-hK'n ouvre.
Au moins, avons-nous recouvre 1
Assez drap pour fmrc des roi'cs.

yIl a ici, dans le manu-'cfit~ de Bigot, cinqunïHc'&ix \'cf5


'ue~nin regarde comnn: interpolas par les acteurs qui jouaient.
~K't.te farce, longtemps apr~s t'~po~ue de sa composition. Ydici
-Ms vers, qui paraissent, en effet, d'une facture moin*) ancicnhe
que ceux du Pathelin, mai; qui ne sont pas sans mérite, quoi
-~tu'cn dise Genin
r~UELtfî.
Au moins aurons-nous recouvre
~Assex drap, comme qu'il en voise.
Qu'en dites-vous donc, ma bourgeoise?
Sïay-jeripnd'a\'ocassene?
CUnLEMETTË.
Cuu, dessus la draperie.
Vrayement,vous avez bien fait pestrc
Joceau!me? Qu'estes-vousbon mestre,
U'cmbou~tergens, sainte Marit}
Je n'eusse ceste tromperie,
Jour de ma vie, controuvée,
Que vous n\'cx cy csprouvëe.
Sacrement Lieu 1 quand vous voûter,
Jc_voy bien que vous y moalez
CienpnrfpntenradvoctSsage'
Je ne vous cuidoic pas si sn{ïe,
)les je voy bien, Sang vous louer,
~ue~roa vous peut bien appeler
Dessus tous tes aultres le mestre.
PATHELIN.
''Jeferayp!usfort.quel'terre{s~)
Encore; mais que je rc·'y mette.
Ce n'est icy riens, Cuillemette:
Jepensehtenâauttre chose
Qui sera fait sans faire pose.
Car pourquoy~ ung homine authentiqua
Ne doit point lesser sa pratique
Dormir au feu, ne reposer,
Mats Se doit tousjours exposer~
La proceder de mleutx en mieulx.
Et pour ce, belle sour, je veulx
Aller encore marchander.
LE DRAPPIER~ cilëztui.
Quoy, dea chacun nie p:)ist de lobes
Chacun m''emport6 mon avo'r~
Et prent ce qu'il en peut avoir
.=¡

GUI~EMETTE.
Youlez-vous encore eseh~udcr
Ne spay qui?
-TA.TnEI.tS.
Pieri,e
Ce sera mon gentil COMI)ere
Le Iburniendu bout de ta rue.
Il a tant, que chacun luy rue;
.Mais où je faudray laidement
A traire, du certainement
U me rendra, ains que je fme,
Ceans pain tout-cuitet farine, T
Des liuyjusques au bout de l'an,
Et si sera pa~'é en bran
Ainsi qu'a es'u Joceaulme.
GUILLEMETTE.
Haro vous vaUex un royaulme
oiicques-màisje ne vy nul tel.
PATHEL1N.
Or gardez trës-bien à l'ostcl.
Je m'en vay par icy devant.
(Sa/MfMfraM~i~rf.)
Messeigneurs.à Dieu vous commant
{J~so)' ~ncs~~HMpor~~OM ~OM~~c ~M Dro~~r.~

.LE DRArpIER.
En dea, maugrê saint i\Iathelin
Et mestre Pierre PatheHn
Pense-il ainsi à emporter
Mon drap, sans point ie rapporter?
S'~l l'a ou ~?~jeel.;u~i:~
Encorne scay-je, sur ma ,'ie,
vie,
T~e
ne fais mon, par te sang bieu
Et qu'est checy, dea1 Es-che geu ?
Chacun =porte mon avoir,
Rontje me doy furmentdou!oir.
Orsuis-~He roy des meschanj:
Folies, illusions; de M< on a fait/< qui est resté dans
la tangue.
Or suis-je le roy des marchans'?
Mesmement, les bergers des champs
Meeabassent':orestemien,
A qui j'ay tousioùrs faict du bien.
Il ne m'a pas pour rien gabe
Il en viendra au pied levé*,
Par la Benoiste couronnée
TniRAULT AtGNELET, ~n~
L_ Dieu vous doint Lenoiste journée
Et bon vespre~, mon seigneur doulx!
LE DRAPPIER.
Ha es-tu la; truant merdoux
Quel bon varlet! Mais à quoy faire 8
BERniER.
LE
Mais, qu'il ne vous vueille dcsplaire

Génin a mis le roi des mM~m!, pour avoir l'occasion de


se repandre'en citation:. Sélon lui, H~tcA~K~ serait là pour me-
c/~aH~ malijeureux, mal (hanceux.
Trompent, Génin, au mot MtMtM.a a préféré ca{M<)~, parce

de
qu'il a trouvé cabusare dans son Ducange. Il faut dire cependant
que les éditions de Leroy et de Beneaut portent: <M!m/.
-t'~
II ne m'a pour ncant gabé.
C'est-à-dire Il lui en coûtera cher de s'utre joué de moi.
C'est-à-dire H faudra qu'il soit congédia et qu'il lève ie
pied. Génin a mis, dans son édition
prendre ce que fait là
~~T< sans nou~ ap-
l'tubicurs éditions anciennes por-
tent: 0!f Pox< l'Abbé, ce qui nous donnerait le lieu de la scène,
car y a une ville de Pont-l'Abbé en Bretagne et un village du
même nom en Normandie.
C'est-à-dire la sainte Vierge.
Soir; dif latin 2'i~r.
Manuscrit de Bigot
Ha, es-tu la, faulx gars, ordou x
On qualifiait un bon valet, de MM <i tout faire
Nescayquetvestuderoyë',1,
Mon bon seigneur, tout desvoyë~,
Qui tenoit ung fouctTans corde
M'a dict.Mais je ne me recorde
Point bien, au vray, ce que peut estre.
H m'a parlé de vous, mon maistre,
Et ne scay quelle ajournerie.
Quant à moy, par saincte Marie!
Je n'y entends, ng gros, ne grosse*.
H m'a brouitte de~pfsto mesie,
De brebis, et de re]evce s
Et m'a faict une grant levée,
De vous, mon maistre, de boucher~

LEBRAPPIEt!.
Se je ne te fais emboucher7
Tout maintenant devant ie juge,
Je prie à Dieu que le deluge
Courre sur moy, et la.tempeste!

C'est-à-dire Un sergent à verge, Tt'tu d'habit raye ou mi-


parU de plusieurs couleurs.
C'ost-a-dn'e Qui avait quitté le grand chemin, qui parais-
sait être égaré.
C'est la verfM ou bâton d'ebene que portaient tes sergents
dans l'exécution oe leur charge.
Locution proverbiale qui équivaut à celle-ci Je n'y entends
ni a ni
? C'est-à-dire que le Berger était assigné à telle heure de
relevée ou de. l'après midi.
° C'est-dire 11 m'a fait une grande histoire, de vous, de
boucher. Cet endroit est corrompu'Sans toutes les éditions, qui
portent: (Mf);.<'i)'r, ou de t~i~/Mf, ou de boucler, comme s'il s'a-
gissait d'une grande ~i'<~ ~o eHerf, ce qui serait de bien
haut style pour un berger. Génin, en adoptant de ~ff~)', s'est
bien gardé d'expliquer cette leçon. Dans l'édition de 1702, il y a
fMMe~f, en un seuHaot.
Comparaitre. Le nïsnuscrit de Bigot port': ~m&o'f~.Gënin
a mis ~K~OMC~r, d après plusieurs anciennes éditions mais,
comme à son ordinaire, il n'explique rien,
Jamais tu n'assommeras heste,
Par ma foy, qu'il ne t'en souvienne!
Tn me rendras, quoy qu'il advienne,
Six aulnes. dis-je, l'assommaige r
<De mes Lestes, et le dommaige
Que tu m'as faict depuis dix ans.
LE BEEGtER.
Ne croyez pas les mesdisans,
Mon bon seigneur; car, par ceste âme'
LE DI)APP!ER.
Et, par la Dame que l'en réclame
Tu rendras, avant samedy
Mes~ix aulnes de drap. Je dy,
Ce que tu as prins sur mes bestes,
LE BERGtEh.
Quel drap? Ah! mon seigneur, vous estes,
Ce croy, courroucé d'autre chose.
Par sainct Leu mon maistre, je n'ose
Rien dire, quand je vous regarde.

LE DRAPPiEH.
Laisse m'en paix, va t'en, et garde
Ta journée*, se bon te semble 1
LE BËI~ER.
Mun seigneur, accordons ensemble
Pour Dieu! que je ne plaide points?

Il y a le !ff;/My< dans le manuscrit de Bigot


'Manuscrit de Bigot:
K'ny fait chose pour avoir bl.ism.
~ËditiondeBeneaut;
Tu les rendras ains samedy.
C'est-a-Jire Rends-toi 5 l'assignation.–
Manuscrit de t!igot:
Pour Dieu!~uenot8npp!aidon5point!
LE DRAPPIER.
Va, ta besongne est en bon poinct 1
Va t'en! Je n'en accorderay,
Par Dieu, je n'en appointeray
Qu'ainsi que le juge fera.
.Ha, quoy! chacun me trompera 2
Mesoucn se je n'y pourvoie.
LE BERGIER.
A Dieu, sire, qui vous doint joye 1
Il faut donc que je me defende.
Il frappe à la porte de PatJiehn.
A-il âme là?
PATHELIN.
On me pende,
S'il ne revient, parmy la gorge*!
GUILLEMETTE.
Et non faict, que bon gré sainet George!
Ce seroit bien au pis venir.

LE BERCtER, entrant.
Dieu y soit! Dieu puist advenir!
PATHELIN.
Dieu te gard, compains! Que te fault?
LEBERGtER.'
On me piquera en defaut,
Se je ne voys à ma journée,

C'est-5-dire Ton affaire est en bon train.


'Manuscrit de Bigot:
En dea! chacun me volera.
Dorénavant.
Pathelin croit que c'est le Drapier qui revient
Monseigneur, à de relevée
Et,s'HYOUsp)aist,vousyviendrez.
Mon doulx maistre; et me detendrez
Ma cause; car je n'y scay rien.
Et je vous payeray très-bien,
Pourtant, se je suis mal vestu.
PATHELIN,
Or vien ça? Parles! Qui es-tu?
Ou demandeur? ou défendeur?

LE BERGIEt).
J'ay affaire a ung entendeur
(Entendez-vous ])!en, mon doulx maistre?)
A qui j'ay longtemps mené paistre
Ses brebis, et tesluygardoye.
Par mon serment! je regantoye
Qu'il me payoit petitement~
Diray-je tout?
PATnELIN.
Dca, seurement
A son conseil doit-on tout dire.
LE BERGIER.
Il est vray et verité, sire,
Que je les luy ay asspmmees;
Tant que plusieurs se sont pasmëes
Maintesfois, et sont cheutes mortes,
Tant feussent-elles saines et fortes.

'Édition de Benc~ut.:
3(onseigneursiet de relevi·e.
~M~nuscritde Bigot.:
Ses brebis, efÏesygardoye
Trestout du micnixque je ponvoye,
Qui me payast petitement.
Etpuis.jeiuyfesoyecntendre,
Annfp)'itne'n'enpet)streprendre,
Qu'i)z mouroient de la claveiee
« Ha 1 faiet-il; ne soit plus meslée
Avec les autres gette-la!
Voulentiers!.t fais-je. Mais ce!a
Se faisoit par une autre ~oye
Car, par sainct Jean je les mangpoyc,
'Qui sçavoye bien la maladie.
Que voulez-vous nue je vous die?
J'ay cocy tant continué,
J'enayassom'ncettuë
Tant, qu'il s'en est Ltun appe~'eu
Et quand il s'est trouvé deçeu,
M'aist dieu! il m'a fait espier
'Car on les ouyt bien crier
entendez-vous?) rjuand on le scait
Or,j'ay esté prins sur ]efaict:
Je ne le puis jamais nier.
Si vous voudroye bien prier
(Pour du mien, j'ay assez finance)
Que nous deux luy baillons t'avance

Manuscrit JeBigot:
Quec'estoitdcïa.clavt'iut;.
~ManuscritdeBigot:
J'en ay tant batu tue,
Qu'il s'en est très-bien apperceu.
~Manuscrit de Bigot:
Midieuxfilmeustespipr.
Car on les oit trop hault crier.
~IIya:)7;dan':rcditiondGCpnin)Cômmc'!an'p1usieur?
~ditïon3gof!jiqucs.
'').o<!ut!onp['ovet'hiate;~Mf<'<'<Mt:iiff, suivant Gonia,c'est
enhardir quelqu'un a s'vanccr, le pousser pour ïe faire tomber
dans ïe p)'fgû. Suivant nous,
rangement, proposer une transaction.
/f;'
~f7!Cf, c'est offrir un ar-
Je sçay bien qu'il a bonne cause;
Mais vous trouverez bien tel clause,
Se vou~'x', qu'il t'aura mauvaise.
PATHEHN.
Par t:)foy,scras-tubien aise?
Que donras-tu, si je renverse
Le droit de ta partie adverse,
Et si je t'en envoye absoulz?
LESEHGtER.
Je ne vous payeray point en soulz,
Mais en bel or à la couronne

FAïnEHN.
Donc auras-tu ta cause bonne.
Et, fust-elle la moytié pire,
Tant mieuk vault, et ptustost l'empire,
Quaud je veu)t mon sens aplicquer.
Que tu m'orras bien desciiquer
Quand il aura fait sa demande!1
Or,vit.'n6a:ctjt*tedcmande,
Par le sainct Sang bien précieux
Tu es assez malitieux
Pour entendre bien la cautelle s.
Comment est-ce que l'en t'appelle?
LE BERGIER.
Par sainct Hauri Thibault l'Aignelet.

Le manuscrit de Bigot porte S'ii :'NKS p~SMt.


Les premiers écus d'or à ht eOtO'OMf furent frappés sous
Philippe le Bt-i, comme le dit Ceniti en citant à propos Ducange;
mais cette vieille monnaie avait encore cours sous Louis XI.
3 Faire grand hruit de paroles, comme celui des cliquettes
-d'un moulin.
C'est-à-dire Par le saint et prccicm sang de Jésus-Christ
Rute, finesse; du latin m~Ma.
PATtIEHN.
L'Aignelet, maint aigneau de laiet
Tu as cabassé à ton ma!stre?
LE BERGIER.
Par mon serment! il peut bien estre
Que j'en ay mangé plus de trente
En trois ans.
fATHEHN.
Ce sont dix de rente,
Pour tes dez et pour ta chandelle
Je croy que luy bailleray bette
Penses-tu qu'il puisse trouver
Sur piez, par qui ces faicts prouver?
C'est le chief de la playderie
LE BEP.C!ER.
Prouver, sire Saincte Marie
Par tous les saincts de paradis!
Pour ung, il en trouvera dix,
Qui contre mby déposeront.
PATIIEHN.
C'est ung cas qui bien fort desrompt
Ton faict~ Vecy que je penSoye
Je faindray que point je ne soye
Des tiens, ne que je te visse oiicques?
LE BERGYEU.
Ne ferez, dieux

~Locution provcrhmie, signifiant pour tes profits. Plus tard,


dans les réunions bourgeoises, qui avaient lieu le soir, chacun
payait une légère redevance pour les cartes et pour la chan'IeUe.
Manuscrit de Bigot
C'est la clef de la plaiderie.
C'est-à-dire Voilà une circonstance qui peut nuire beau
coup à ta cause.
PATHEHK.
Non, rien quelconques.
Mais vecy qui te conviendra':
Se tu parles, on te prendra,
Coup à coup, aux positions~;
Et, en telz cas, confessions
Sont si très-préjudiciables,
Et uuysent tant, que ce sont dyabies
Et, pnur ce, vecy qu'il faudra
Jatust, quand on t'appellera
Pour comparoir en jugement,
Tu ne respondras nullement,
Fors Bée, pour riens que l'on te die.
Et, s'il advient'qu'on te mautdie,
En disant :ftHe,cornart puant;
Dieu vous mette en mal an, truant
Vous mocqupz-vousde la justice? n
Dy Bée. a Ha! feray-je; il est niée";
H cuide parler à ses besfes. »
Mais, s'ilz dévoient rompre leurs testes;
Que autre mot n'ysse de ta bouche
Garde-t'en bien1
LEBEREIEH.
Le faict me touche.
Je m'en garderay vrayement,

~Manuscrit de Bigot:
Matsvccyqu'Hesconvteadt'a.
û'e&t-a-dirc En te posant des questions embarrassantes.
Edition de Leroy
pour ce,YC<*y que fera.
Et
Riens, dans la vieille langue, était synonyme de ~Mf
~w.
~igaud~ niais, simple.
Et le feray bien proprement,
Je vous promets et afferme 1.
PATHKHN.
Or t'en garde; tiens-toy bien ferme.
A moy-mesme,pour quelque chose
Que je te die, ne propose,
Si ne respondz point autrement.
LEBEKCtER.
Moy! Nenny, par mon sacrement!
Dictes hardiment que j'affolle
SejcdyhuyautreparoUe.
A vous, ne àautre personne,
Pour quelque mot que l'on me sonne,
Fors B~ que vous m'avez apprins.
PATHELIN.
Par sainet Jean! ainsi sera prins
Ton adversaire par la moe~.
Mais,aussi, fais que je me loe,
Quand ce sera faict, de ta paye?
LE BERGtEn.
Monseigneur, se je ne vous paye
A vostre mot 4, ne me croyez
Jamais. Mais, je vous pry', voyez s
Diligemment a ma besongne.

"Manuscrit de Bigot
Jckvous promets et affie.
–~)rest'ygardet)icn,nonmye.
Que je perds la raison, que je suis fou.
Pour ))M~ grimace. C'est la mine que le Berger fera.
Selon ce que vous demanderez; au prix que vous f~erc?:
'vous-même.
'Manuscrit de Bigot
Jamais Je o'is pry, pnorvoyc?.
['A-TNEJUf.
Par Kustre Dame de Boulogne
Je tiens que te juge est assis;
Car ilse siet tousjours à sixi
Ueures, ou IHec environ.
Or vien après moy nons n'iron
Pas tous les deux par une voye

LE BEEGtEE.
C'est bien dit:aCn qu'on ne vo;e e
Que vous soyez mon advocat?

t. rATNELIK.
Nostre Dame moquin, moquât",
Setunepayestargement!
LE BEEGtER.
Dieux. à vostremot vrayement,
Monseigneur, n'en faictesnutdoubte'
PAïnEHN, seul.
tfe dea, s'i! ne pleut, il desgnute s.

Manuscritde Bigot;
Caï'Hscsicd~decinc[â')ix
ÏIeur('s,iUecou environ.
Édition de GJnin
Nous deux t.'nsentbtcnas envoyé.
Locution proverbiale, siguiuant Prends garde a toi, gare 4
toii 1 Génin cite unevieiiteeh'jnson, dite du LMp eot~)' dan'.
laquelle ce loup est somme, Mo~M~ Mo~~c~, de sortir du boi&.
Suivant tes localités, on disait en variante Com~re ~roe<!)'<
OU))«)?)«K,mf)<f'M<
.'Manuscrit de Bigot:
Moust'igneur, et n'en doublez goutte.
Locution proverbiale, signifiant H ce ne sont pae de §f0t
honoMires, du moins sera-ce tfh petit profit.
Au moins, auray-je une espinocbe
J'auray de luy, s'il diet encoche~,
Ung oscu ou deux, pour ma paine.
Dcvantlejugc.
Sire, Dieu vous doint .bonne .estraine,
Et ce que vostre cuenr dosiro
LE JCOE..
Vous soyez le bien venu, sire
Or vous couvrez. Ça,prenez place.
PATUELiN.
Dea, je suis bien, sauf vostre grâce
Je suisicyptusa délivre' 4,
LE JUGE..
S'il y a riens, qu'on se delivre
Tantost, affin que je me !ieve ?

LE DttAPfIER.
Mon advucat vient, qui achieve
Ung peu de cl:ose qu'il faisoit,
~lonseigneur; et, s'il vous plaisoit,
Vous feriez bien de l'attendre.
LE JUGE.
lié dea j'ay ailleurs à entendre.

C'ebt-à-dire Cette affaire me rapporteraau moiïrs quelque


chose. L'cpinoche u~t un petit poisson qui doit son nom aux
épines qu'il a sur le dos. P(?cAf~ <f~ ~'MOf~~ ~;no<'AtT, c'e~t
perdre son temps a des nens,
Locution proverbiale, sign~aut SiraHuu'c'tourne Lten, &'<!
arrive à son but, comme un voyageur qui se rencontre Juste-
ment l'heure du départ d'un coche.
3 D:m~ le manuscritde Bi~ot, ces deux vers sont nttriLue&
au
Drapier.
Flus à l'aise, plus tilu'ede :i!c& mouvements.
C'cst-a-dire &'it y a quelque procès pendant, qu'on se hutc
de plaider l'affaire, afin que js~eve la sëahcc.
Se vostre partie est présente,
Delivrez-vous 1, sans plus d'attente.
Et n'estes-vous pas demandeur?
LE DRAPPIER.
Si suis.
LE'tUCE.
Où est le défendeur?
Est-il cy present en personne?

LE DRAPPIER.
Ouy I!t qui ne sonne
veez-Ie
Mot; mais Dieu scet qu'il en pense.
LE JUGE.
Puisque vous estes en présence
Vous deux, faites vostre demande?

LE DRAPPtER.
Vecy doncques que luy demande,
Monseigneur. H est verité
Que, pour Dieu et eti charité,
Je l'ay nourry en son enfance;
Et, quandje vyqu't) eut puissance
D'aller aux champs, 'pour abregier,
Je le fis Ciitre mon bcrgier,
Et le mis à garder mes bestès
Mais, aussi vray comme vous estes
Là assis,monseigneurle juge,
Il en a faict ung tel déluge. i
De brebis et de mes moutons,
Que sans faulte.

C'eiit-a-dire Dite-) \otrc fait, pObM tus coMiusiotU.


Ravage, abati!destruction.
LE JUGE.
Or, escoutons
Au Drapier.
Estoit-il point vostre aloué 1 ?
.PATHELIN.
Voire; car, s'il s'estoit joué
A le tenir, sans alouer.

LE DRAPPtER, reconnaissant Pathelin, qt)i secomM )f


vîsa~e avec la main.
Je puisse Dieu desavouer,
Se n'estes-vous sans nulle faulte 2[
LE JUGE.
Comment vous tenez la main haute?
A'vous~ mal aux dents, maistre Piet'ru?
PATHELIN.
Ouy elles me font telle guerre,
Qu'oncques-maisne'senty tel rai~e
Je n'ose lever le visaige.
Pour Dieu, faites-les procéder 4?

1 Mercenaire,domestique à louage.
*ËditiondeGenm:
Se ce n'cstes-vous, vous sans faulte.
Manuscrit de Bigot:
Se ce n'est-il. C'ëst-îI_saMS fauttc?
Pour :f!f;z'OMs. A du seizième siècle, Th~udote df
a fin
Be~e autorisait encore cette façon de parler « Il est d'u~ag'
dit-il, d'employer l'apostrophe dans certaines locution:) «' ï'p~
sx' vous, pour ~S-ï'OK-S, ~~f-3-~OM~. »
~ÊditiondeLeroy:
Pour Dieu, taites-lc ['rocedet.
LE JUGE.
Avant, achevez de plaider.
Suz, concluez appertement?
LEDRAi'PIER.~part.
C'est-il, sans autre, vrayenn'nt!
APathdin.
Par la croit oit Dieu s'estendy
C'est a Tous à qui je vendy
Six aulnes de drap, maistre Pierre?
LE JUGE.
Qu'est-ce qu'il dit de drap?

PA.THELtN.
Il erre.
ttcuidea son propos venir;
Et il n'y scet [))us advenir,
Pour ce qu'il ne l'a pas apprins.
LE DRAPPIER,
Pendu soyc, se autre l'a prins,
Mon drap, par la sanglante gorge
PATHELIN.
Comme le ineschant homme forge
De loing, pour fournir son libelle 1
Il veut dire (il est Mon rebelle?)
Que son hergier avoit vendu
La laine (Je l'ay entendu),
DontfutfaicttedrapdemaroNK',
Comme il dict qu'il le desrobe,
Et qu'H )uy a emMeta laine 1
De ses brebis.

'Mauu~rUdcr.ij,ot:
Et~Mtitn;~cuei)!y[ahim'.
LE DRAPPIEE.
Matesemain.e
M'envoyé Dieu, se vous ne l'avez
LE JUGE.
Paix par le dyable vous bavez
Etnesçavez-vous revenir
A vostre propos, sans tenir
LaCourtdeteHebavcrie?.
PATHEHN.
Je sens mal, et faut que je rie.
H est desja si empressé,
Qu'il ne scetoùiil'ata!sso:
Il faut que nous lny reboutonsl,
LE JUGE.
Suz, revenons & ces moù.tons
Qu'en fut-il?
LE DRAPPIEE.
Il en print six aulnes
De neuf francs.
LE JUGE.
Sommes-nous bejaunes,
Ou cornarts ~?. On c~idez-vous estre?

t~'o~t-a-dire Que,nous te jce.mBttion.s daps sa ypje.


Toutes les éditions modernes, en s'autorisant de h leçon
adoptée par Pasquier, écrivent à nos )MO!<<f))M. C'est avec cette
variante quc~ le vers de Patlielin est devenu proverbial.
Dans plusieurs anciennes édition' il y a :co~f!rf/~ ou c~Mr&
t:c mot-)a était synouymcde M( en Normandie, où les clercs de
ia Bazoehede Rouen s'étaient organisés en conf~ crie joyeuse, sous
le nom d'~H~yf/tf~ Cf)M)' tous les ans, ils faisaient êtcction
d'un n~F, à l'époque de~ jours gras, et ils donnaieut des repré-
sentations dramatiques,après avoir parcouru la ville en mas-
que. Cette confrérie des Conards exista jusqu'à la' fin du sei-
zième siècle, comme celle de la Mère Sotte, qui nommait encore
nn l'rince des Sots, à Paris, sous le règne de Louis X)II.
PATHELIN.
Par le sang Lieu! il vous fait paistre 1
Qu'e~t-H bon homme par sa mine!
Mais, je le loz, qu'on examine 1
Un bien peu sa partie adverse?
LE JUGE.
Vous dictes bien il le converse
!) ne peut qu'il ne le cognoisse.
Vicnca?Dy?
LE DRAPPIER.
Bée!
LE JUGE.
Vecy angoisse'!
Quel Bée est-ce cy? Suis-je chievre ?
Parle à moy?
,0
LE BERGIER.
Bée!
LE JUGE.
Sanglante fievre
Te doint Dieu! Et te moques-tu?
PATHEHN.
Croyez qu'i) est fol, ou testu,
Ou qu'il cuide estre entre ses Lestes?

C'est-à-dire U vous traite comme une bête, il se moque de


vous.
Edition de Gallot du Pré
Mais, je !e ~eux, qu'on examine.
Ceninacorrigéainsi ce vers:
Maisje loe qu'un examine.
'H)effequente;d)!)atincoK:f<r<.
*C'est-â-dire:Yoicidu tracas, dct'ennui.Oildirait aujour-
d'hui proverbialement Yoita le uicOn dit encore, parmi le
peuple, dans le même sens Voilà la grMe ou la grève
LEDRArPIEE~aPaUleUn.
Or regnie-je bieu, se vous n'estes
Celuy, sans autre, qui avez
Eu mon drap?. Ha! vousne sçavez,
Monseigneur, par quelle malice.
LE JUGE.
Et taisez-vous Estes-vous nice ?
Laissez en paix cest accessoire',
Et venons an principal.

LE DRAPPIER.
Voire,
Monseigneur mais le cas me touche
Toutesfois, par ma foy, ma bouche
Mcshuy un seul mot n'en dira.
Une autre fois, il en yra
Ainsi qu'il en pourra alicr
!) le me convientavaller
Sansmasclier~0!'ca,jedisoye,
A mon propos, comment j'avoye
Baillé six aulnes. Doy-je dire
Mes brebis.Je vous en pry, sire,
Pardonnez-moy?. Ce gentil maistre,
Mon hergier, quant il devoit estre
Aux champs. Il me dit quej'aurove
Six escus d'or, quant je viendroye.
Dy-je, depuis trois ans en ça,

Manuscrit de Bigot
Vous estjss trop grand br~toire'
Laissez-moy tout cest accessoire;
Et revenez au principal?
-.Voire-m:~is il me rail trop mal,
Monseigneur,car cecy me touche.
C'est-dire: commeune pilule.
Mon bergier mo convenança
'Que loyaument me garderoit
Mes brebis, et ne m'y fet'oit
Nedommaigenevittenie.
Et puis, maintenant il me nie
Et drap et argent ptainement!
Ah! maistre Pierre, vrayement,
Ce ribaut-ey tn'embloit~ tes laines
De mes bestes et, toutes saines,
Les fesoit mourir et perir,
Par les assommer et ferir
De gros bafton sur la corvette.
Quant mon drap fut soubz son aisselle,
)1 se mist en chemin grant erre
Et me dist que j'aUasse querre
Six escus d'or en sa maison.
LE JUGE.
H n'y a rime ne raison
En tout quant que vous rafardez <.
Qu'est cecy ? Vous entrelardez
Puis d'un, pais d'autre. Somme toute,
Par le sang bieu je n'y voy goute
Il Lt'ouitte de drap, e~babiUe
Puis de brebis, au coup la quitte
Chose" qu'il dit ne s'entretient 7.

Edition de Génin
Hottbergierm'encûnvcnanca.
~'Mt'on:'<')M)i<'f)'.faire une convention avec quoiqu'on.
Me dérobait.
''Agrands pas, à grandehâte.
Ou rf/MM, comme on lit dans l'édition de 1190, ff/Mt't-
c&tleverheiteratirde/tjnti'r.
Expression proverbiale empruntée au jeu de quilles et si
initiant coup sur coup, sans transition.
c Le manuscritde Bigot met r:ens, au lieu de.fAo6~.
7 C'est-à-dire: Tout ce qu'il dit est décousu,ne se lie p:M.
6.
PATHELIN.
Or, je m'en fais fort, qu'il retient
Au povre bergier son salaire?
LEBRAPPtER.
Par Dieu! vous en poussiez bien taire!
Mon drap, aussi vray que la messe 1
Je sçay mieux où le bas m'en blesse,
Que vous ne un. autre ne.sçavez.
Par la teste bieu! vous l'avez
LE JU6E.
Qu'est-ce qu'il a?
LE DRArpIER.
Rien, monseigneur.
Certainement c'est le greigneur s
Trompeur. Holà je m'en tairay,
Si je puis,
et n'en parleray
Meshuy, pour chose qu'il advienne.
LE JUGE.
Et non! Mais qu'il vous en souvienne!
Or, concluez appertement?
PATfELtN.
Ce bergier ne peut nullementi
Respondre aux fais que l'on propose,
S'il n'a du conseil et )1 n'ose
Ou il ne scet en demander.
S'il vous plaisoit moy commander
Que je fusse à luy, je y seroye?

Manuscrit de Bigot
Du drap est vray comme la messe.
EditKm_de Ge.nta
Par mon serment
Le ptu$ grand; du latin yt'tt~'O)'.
Les éditions gothiques portent m~/M'atfNf.
LE JUGE.
Avëcques luy? Je euiderôye
Que ce fust trestoute froidure
C'est peud'aequest'.
PATUEUN.
Mais je vous jure
Qu'aussi n'en veuil rien avoir:
Pour Dieu soit Or, je voys sçavoir
Au pauvret, qu'il voudra me dire,
Et s'il me sçaura point instruire
Pourrespondre aux fais de partie.
Il auroit dure départie
De ce, qui ng le secourroit
Vien çà,'mon amy? Qui pourroit
Trouver. Entcns?
LE BERGIER.
Bée

PATHELIN.
QueIBA, dea!
Par le sainct Sang que Dieu créa 1
Es-tu fol? Dy-moy ton affaire?
LE BERGIEn.
Bée!

Cest-à-dire Je crois que ce serait une péniMe corvée pour


vous, et de peu de profit. Génin a vu dans pfK fi'cc~fMt un so-
briquet donné au berger!
Cette phrase est peu intelligible; nous sommes forcés de la
paraphraser pour lui donner un sens; elle peut donc s'interpré
ter ainsi Ce pauvre diable serait condamné aux dépens, si quel-
que âme charitable ne lui venait en aide.
Il faut lire r~a, suivant Génin. Les éditeurs du seizième
siècle ont changé fM en crea, parce que te sens leur a paru
obscur. Il y a tfMfM, dans le manuscrit de Bigot. Le Saint Sang,
qu'on invoquait souvent au moyen âge, c'est le Sa'nt
été chanté trouvères dans plusieurs
Cr;
grands
qui
a par les romane
épiques du treizième siècle.
PATHELIN.
Quel Bée Oys-tu tes brebis braire? ·
C'est pour ton prouffit entens-y.
LE BERGIER.
Bée!
fATHEUX.
Et dy Ouy ou Ncnny,
C'est bien faict. Dy tousjours? Feras?
LE BERGtEft.
Bée!
PATIIELIN.
Plus haut Ou tu .t'en trouveras
En grans depens, ou je m'en doubte
LE BERGtER.
Bée!J
PATHELIN.
Or est plus fol cil qui houte
Tel fol naturel en procès
Ha sire, renvoyez-Fenà ses
Brebis? Il est fol de nature
LE ORAPPtER.
Est-il'M? S~tinct Sauveur d'Esture~
H est plus saige que vous n'estes.

PATHELIN.
Envoyez-le garder ses bestes,

1 Idiot de naissance.
'La province d'Esf;(;'e on d'Asturie fut le berceau de l'E~p..gue
-chrétienne. Au moyen âge, on jurait par les saints d'Eslure.
Cette invocation a saint SaK~~r ~r~ s'adresse peut-être à
l'ordre militaire de S.iInt-Sauveur ou San Salvadore, qui avait
eteLcree au .douzième siècle pour protéger l'Asturie contre tes
Maures de Grenade..
~ansjour que jamais ne retourne'?
'Que maudit soit-il qui adjuurne*1
Telsfo)z, que ne fault adjourner~'
LEDRArriEK.
j!t l'en fera-l'en retourner,
Avant que je puisse estre ouy?
PATHELtN.
AFaist Dieu Puis qu'il estfol, ouy.
Pourquoyne&'ra?
LE DRAPPtEn.
Hcdea,sire,
Au moins, taissez-moy avant dire
Et faire mes conclusions?
Ce ne sont pas abusions
Que je vous dy, ne mocqucries*!
LE JUGE.
Ce scttt toutes tri))ou!Uerics
Que de plaider à folz ne à folles!
Escoutez à moins de paroles
La Court n'en sera plus tenue.

C'cbt-a-dire Sans qu'on puisse le faire rcparaitre Cau-


"iicDce pour aucune cause.
'~bnuscrit de Bigot:
Qaetnau!dietsoit-tlqutl'adjoufne!
Edition de Génin
Te]x fulz ne ne fait adjourner.
~Manuscritde Bigot:
Quejedy,neuoquetpries.
Confusions, perturbations,casse-tC'tc. On H'auve encore k
'~ct'be trMoiiiitt')'dans Molière.
° )hnuserit de Bigot
Escoatet au moins des paroles.
LEBRAPPIER.
S'en iront-itz,sans retenue
De plus revenir t
LE JUGE.
Etquoydoncqu.es?
't
PATHELIN.
Auju~c.
Revenir? Vous ne veistes oncques
Plus fol, ne en faict, ne en response
Montrant ïeUl'appicr.
Et cil ne vault l'as mieulx une onee 2.
Tous deux sont folz et sans cervelle
Par saincte Marie la belle!
Euxdeuxn'enontpasunquarat.
LEDRAPPtER.
Vous l'emportastes,par burat~,
Mon drap, sans payer, maistre Pierre?
Par la chair bieu, ne par sainct Pierre!
Ce ne fut pas faict de preud'homme.
RATnEUN.
Or, je regny sainct Pierre de Ranime,
S'il n'est fin fol, ou il afM]e

C'est-n-dircLes parties seront-elles renvoyées, sans que )tc:


juge retienne la cause pour les faire revenir devant lui?'1
Les quatre vers suivants bout remplaces par deux vers seu-
lement dans le manuscrit de Bigot
L'juttre n'en vault pas mieulx une once,
Eux deux ne valent ung carat..
Les troi& vers précédents sont évidemment altérés dans la
plupart des éditions gothiques
Plus fol n'en faictes néant response.
Et s'il ne vault pas mieulx une once
L'aultre tous deux sont folz sans cervelle.
Tromperie, tlol; du bas latin ~Yt~m.
LED!tAPPIEB,&rMtMin.
JeyouscognoisâtaparoHe,
Et à la robbe, et au visaige.
Je ne suis pas fol je suis
Pour congnoistre qui bien me fakL
Au Juge.
Je vous compteray tout le faict,
Monseigneur, par ma conscience?
PATHEUi' au Juge.
Hé, sire, imposez-luy silence"
Au Drappier.
N'avous honte de tant debatre
A ce bcrgier, pour trois on quatre
Vieilz brcbiailles ou moutons,
Qui ne valent pas deux boutons?
11 en faict plus grand kincitc. i

LEDRAPPtER.
Quclz moutons? C'est une vicHe":
C'est à vous-mesme que je parie,
A vous! Et me le rendrez, par le
Dieu, qui voutt~ à Nocl estre ne!
LE JUGE.
Veez-Yous? Suis-je bien assène*?
9
Ilne cessera huy de braire.

LEDRArPtEn.
Je luy demande.

La plupart des editiotis portent ~Msf:-<n«' t;fc!


Génin
adopte eettete~O[ictlaJt''fcnd.
(.'est-a-dire Ce ij~mrJ n'p.t~ toujours la même chose,
comme m)e vieUe fait entemh'e une note commue.
'rour:M')t/K<.
*Ai-je~pr~]jicnt!aIu?
rATHELiN, au. Juge.
Faictes-to taire?
Au Drappier.
Et, par Dieu, c'est trop ftageolle'.
Prenons qu'il en ait affollé
Six ou sept, ou une douzaine,
Et mengez en sanglante estraine
Vous en estes bien meshaigne
Vous avez plus que tant gaignë,
Au temps qu'il les vous a gardez?
LE DRAPPtER.
Regardez; sire: regardez
Joluyparlededrappcrie,
Et il respond de bergerie!
Six aulnes de drap, où sont-elles,
Que vous mistes soubz vos aisseUes?
Pensez-vous point de me les rendre?
PATIIELIN.
Ha sire, le ferez-vous pendre
Pour six ou SQpt bestes à laine?
Au moins, reprenez vostre balainc
Ne soyez pas si rigoureux
Au povre bergier douloureux,
Qui est aussi nud comme un ver
LE DRAPPtEE.
C'est très-bien retourné le ver

'Bi)M)le,bav!it'<M,pipf.
~Mahde,chagrin,offense.
Expression proverbiaje signifiant C'est D'.pctidn' hiam- i~
~ut t)ar)o noir. Le ver ou M!y, c'est le menu-vair dont les habita
des Jeux'setcsetaieutgarnis. Détourner le ve'r, c'e:<t eudusser
un vêtement fourré, surtout un~aumùsse~du f~te Je la four-
iure. à cause du froid. Getlin dit que retourner sur-le-champ
un vers qui va mal, c'est la marque d'un esprit subtil et fccund
f'nressnurw!!
Le Dyable me fist Lien vendeur
Dé drap à ung tel entendeur!
Au Juge.
Dea, monseigneur, je luy demande.
LE JUGE, au Drapier.
Je l'absoulz de vostre demande,
Et vous deffens le. procéder.
C'est un bel honneur de plaider
Au Berger.
A ung fol! Va-t'en à tes Lestes?
LE BERG!ER.
Bée!
LE JUGE, au Drapif'r.
Vous monstrez bien quel vous estes,
Sire, par le sang Kostre Dame!
LE DRAPPIER.
Ue dea, monseigneur, bon gré m'ame r,
Je luyvueil.
PATEEUN.
S'en pourroit-il faire?
LE DRAPPIER, à PatheUn.
Et c'est à vous que j'ay affaire
Vous m'avez trompé faulcement,
Et emporté furtivement
Mon drap, par vostre beau langaige?

PATnELIH, au Juge.
lIo j'en appelle à mon couraige
Et vous l'oyez bien, monseigneur?

Bctt~m'emf.' nous parait vouloir dire: Grâce, par mon


âme Dans plusieurs éditions gothiques, il y a MMM/yr~ m'tm<
LE DRAPPIER.
M*aist Dieu! vous estes le greigneur
Au Juge.
Trompeur' Monseigneur,quoy qu'on die
LE JUGE.
C'est une drotctecojiardie~
2
Que de vous deux ce
n'est que noise.
Hsetèvc.
M'aist Dieu, je loe que je m'en voise*.
AuBergier.
Va-t'en, mon amy; ne rctoju'nc
Jamais, pour sergent qui t'adjourne.
La Court t'absout entens-tu bien?
PATIIELIN, au Bergier..
Dy grand mercy?
LEBERGtER.
Bée!
ttE JUGE, au Bergier.
Dy-je bien?'t
Va-t'en, ne te chault; autant vaille.
LE nuArrtER.
Mais est-ce raison qu'il s'en aille
Ainsi?

'Manuscrit de Bigot:
Trompeur.Oh monseigneur, que je die!
Dans l'cdition do Tieneaut,il y a comff< dans l'édition de
Trepperei )'fst'f!'ie. Génin tient pour conMrf~e chacun son
goût.
Han.useritde Bigot
N'aistDitju! il faut que je m'en voise!
Edition de H90 et autres
M'.iistDieu'jeTozquetis'enYoisc.
LE JUGE.
Ouy. J'ay aft'.ure ajiïeurs.
Vous estes par trop grands railleurs'
Vous ne m'y ferez plus tenir:
Je m'en voys. Voulez-vous venir
Souper avec moy, maistre Pierre ?
PATHEHN.
Je ne puis.
Le Jug s'en va.
LEDBAPPtER,aPathe)in.
Ua! qu'es-tu furt lierre ~1
Dictes: seray-je point paye?
PATnEHN.
De quoy? Estes-t'ousdesyQye?
Mais qui cuidez-vous que je soye?
Par le sang de moy je pcnsoye
Pour qui c'est que vous me prenez?
LE DRAPPIER.
Hc,(!ea!1
PATHELIN.
Beau sire, or vous tenez.
Je vous diray, sans plus attendre,
Pour qui vous me cuidcz prendre 3:
Est-ce point pour csccrveUe?

Manuscrit JûBigot.:
Vous n'estes icy que t'aU!fttt'&.
Ou lerre, larron. Manuscrit de Bigot
Qu'estes-vousfort ffichen'c
Edition de ~i90 et autres
Pour qui vous me cuidez prendre.
ihuu~crit de Bigot
Pour qui c'est que me cuidiez prendre"
Est-ce point ung cscervele?
Voy:nenuy,itn'est point pellé,
Comme je suis,dessusbtcste'.
LE DRACPIER.
Me voulez-vous tenir pour beste?
C'cstes-vous en propre ppr<-onne,
Vous Je vous~ vostre voix le sotine,
EtneIocroypointauUretuent~-
rÀtuE!.m.
Moy Je moy ~? Non suis, vrayetnent.
Ostez-en vostre opinion.
Seroit-ce pnint Jett~n de Noyon~?
Il me ressetuble de corsaige.
LE BfiArrtEE.
Hëdpa!Hn*apasteYisaig<;
Ainsypota[if,n(;sifa(!e~.
7.
Ne vous iaissay-je pas matadc
Qrains~dedansYostremaison?
PiTHEHS.
lia que vecy bonne raison!

1 Ces Jeux vers sont trps-obscurs. FatliuHn semble se parler


à lui-même, en faisant allusion à l'épaisse chevelure du Dra-
pier quant à lui, il reconnaît que son clief est pule, ce qui e~t
l'indice dc l'expérience c.t de la sagesse.
Dans !c manuscrit de Bigot, (!:ms les éditions du seizième
siècle et dans l'édition de ~C2, il y a voies H:c&'wf.
3 Edition de ncncaut et nutrcs ·
Et ne le eroïez nullement.
Voire, dans le manuscrit de Bigot.
Génin a conjecturé, avec force éruditionet tccs-pt.u de toni-
que, que ce Jean de Moyen était le tbu du roi Jean!
~'Ou~M/ comme on lit dan:a plusieurs éditions. Ce mot
veut dire /iE[~f['M, f~f)t~. Génin le traduit par: /~('t' d'/NT'~M~
Triste, défait.
Naguère, il y a peu de temps.
M.dade?Et quelle maladie?
Confessez rostre conardie
Maintenant cHe ~t bien clerc.
LEDHAi'DEl!,
C'estes vous je regnie sainct Pierre!
Vous, sans aultre, je le sçay Lien
Pour tout vray
FATUELtN.
Or n'en croyez rien;
Car, certes, ce ne suis-je mye.
De vous, onc aulne ne dctnye
Ne prins je n'ay pas le loz tel'.
I.EDRAPflER.
na [ je voys veoir en vostre liostel,
Parle sang Lieu, se vous y estes
Nous n'en debatrons plus nos testes
Icy, se je vous trouve là.
PATHEHN.
Par Nu~tre Dame, c'est cela
Par ce poinct, le sçaurez-vous bien.
Le.Drapier sort.
Dy,A.igncIet?
LE BERGIER.
Bée!

PATHELIN.
Vien ça, vien?
Ta besogne est-elle bien faicte?
LE ))E!tG[EH.
Bée!

C'est-4'dire Je ne passe pas pour un volenr.


'Ce proverbe était ou est devenu populaire. Regnard a dit,
daMie~frat;
RL'nhexeUadedansaUt'tVoirsîj'ysUtS:
PATHELIN.
Ta partie est retraicto':
NedyptusBf'c.'itn'yaforce'
Luyay-jebaiUeboUeestorse~?
T'ay-jo point conseillé à poinct
'LEBUfiGtER.
Bée!
PATHELIN.
lié dea! On ne te orra point!
Parle hardiment ne te chaille?
LEBERGtE!
Bce!
PATHELIN.
Il est jà temps que je m'en aille.
Paye-moy ?
LEBERGtEE.
Bée
PATHELIN.
Adiré Yoir~,
Etaussybonnccontenance'
Ce qui luy a baillé l'advance~,
5..
Tu as très-bien faict ton devoir,

C'est que tu t'es tenu de rire.


LEBEUCtEH.
Me!

C'est-à-dire Le demandeur est mis hors de cause.


'Hu'yapius nécessité.
~Pour:~ûJ*
Vrai.
'EditiondeBeneaut:
Et aussy bien la contenance.
C'est-4-dire:Cequi l'a déferre, démonte. On appehita~MHM
ie premier coupttelance,d'epeeou de hache d'armes, qu'umtMm-
pion recevait de son adversaire dans un combat singulier.
PATHELIN.
QucUMs? Il ne le fault plus dire.
Paye-moy bien et doulcement?
LEBEt)G:E!).
Bée!
PATIIELIN.
Quel Bée? Parle sagement,
Et me paye ? Si m'en iray.
LE BEttGtEn.
Bec!i
PATIIEMi'
Scez-tu quoy je te diray?
Je te prie, sans plus m'abayer
~ue tu penses de moy payer?
Je ne voeil plus de Laverie~.
Paye-moy?
LE BERGtER.
Bcet1
PATSEMN.
Est-ce moequerie ?1
Est-ce à tant que tu en feras »??
Par mon serment! tu me payeras,
Entends-tu? se tu ne t'envolles!
Ça,argent?
LE BERGIER.
Bée!

i'A'rnELtN.
Tu tu rigoUcs

'<i~<'f,{'aur:Mt'r,())rcM<
~fr~,
II faut lire comme dans l'édition de Génin. D'.ic
-cicnDcs ~djtions portent ~rff~'<
~Tutemoques,tup)aiMntf"tum'amusM.
ne
AJui-mcme.
Comment! N'enauray-jcautre chose?
.LEBERGIER.
Bëe!
PATHELIK.
Tu fais le limeur en prose!
Et à qui vends-tu tes coquilles?
Scez-tuqu'Hest?Nemeba)jiI)es
Meshuy de ton Bée, et me paye ?
LEBEP.G!ER.
Bée!
PATHELIN.
N'en auray-je autre mon.noye?
A qui cuides-tu te jouer?
Et je me devoye tant louer
De toy Orfay queje m'en loë?
LE BERGIER.
Bée'!
PATHELIN.
Me fais-tu mànger de l'oë '?
Maugrebieu'Ay-jetantvescu,
Qu'un bergier, un mouton vestu,
Un villain paittart, me rigotle?
LE BEECtER.
Bée!
PATHELIN.
N'enauray-j':autroparoHc?
Se tu le fais pour toy esbatre,
Dy-Ie ne m'en fais plus debatre. ·
Vien-t'en souper à ma maison?

Pathetin se souvient de sa propre tromperie à )'egard du


Crapier.
LEBERGtER.
Bée
· PATHELIN.
Par sainct Jean tu as bien raison
Les oysons menent les ocs paistre.
Aïui–mcme.
Or euidois-je estre sur tous maistre
Des trompeurs d'icy et d'ailleurs,
Des forts coureux', et des baitk'urs
De parnUes en payement,
A rendre au jour du Jugement
Et un bergier des champs me passe!
Au Bcrgier.
Par sainct Jacques! se .je trouvasse
Un bon sergent, te feisse prendre?
LE BERGIER.
Bée!
PATIIELIN.
Heu, B~/ L'en me puisse pendre,
Se je ne voys faire venir
Un bon sergent! Mesavenir
Luy puisse-il, s'il ne t'emprisonne!1
LE BERGIER, s'enfuyant.
S'il me trouve, je luy pardonneI

C<«r)'M<t~)'5,courtiers, maquignons, qui étaient alors et qui


sont peut-être enfore des dupeurs. Les éditions du seizième
siècle ont remplacé /it)'/s MK~xj, par MrtMfxrt, aigre-fins ra-
paces.

C!Ft.\ErATHEHX.
LE

NOUVEAU PATHEL1N
PREFACE DE L'EDITEUR

T ES historiens du théâtre ont a peine daigné cher )<s


L~'o);MM Pathelin,
comme s'ils avaient confondu cette
farce avec eellc de ;McM)V Pierre Pc<F/H!. Quelques-uns
même, entre les plus savants et les plus exacts, n'en par-
ient seulement pas. Ainsi, n'en est-il pas question dans le
ZKc/MM<Hr<'po)'<a<i/'yM~or;~Kf et HMA'f~M ~MK/'f~'
par de Ijcris (2° édition, 1703, in-8), qui dit positivement
que )a grande farce de AM~y Pierre Pa~if~'a a été ro-
pre-ient~c à Paris sur ~A/M/y&M~, en ~70, et que Fran-
çois 'Villon en est l'auteur.
Cependant Simon Gueutettc, savant amateur de curiosi-
t& littéraire?, avait fait réimprimer le A'out'fCM Po/M;H
(sans nom de lieu, 17'i8, in-t2) comme un ouvrage pres-
que inconnu de François Villon. « M. Cotistelier, libraire,
dit-il en tête de cette nouvelle édition, qui semblen'avoir
jamais été mise dans le commerce, fil réimprimer,
erf 1725, la Farce ~M Pathelin et son Testament. Appa-
remment qu'il n'avoit pu trouver le NûKM'CM Pa</ifHM à
trois personnages, ~{'a:'OH' Pathelin, le Pelletier et le
P~'t'f; puisqu'il n'en fit point part au publie. Cette farce,
que je lui présente aujourd'hui, n'est pas moins originale
que celle du Testament elles ne sont pi l'une ni l'autre
du même auteur que celle de Palhelin avec le Dra-
pier.
< H y a plus detrente ans que j'avois copi~, dans la
bibliothèque des Petits-Pères de la place des'Victoires, les
deux farces de Pathclin et son Testament, sur une édition
gothique sans date, avec des figures en bois, à la tête de cha-
cune de ces trois pièces, au-dessus desquelles il y avoit seu-
lement On les vend à P<H'MM la rue JV~itM-iVo~re.D~K: à
l'enseigne de saiut Nicolas. Je prêtai, quelques annéesapr&s,
ce mahuscrit, sur lequel j'avois mis mon nom, à une per-
sonne a<jui il ne m'étoit pas permis de rien refuser; après
plusieurs remises pour me le rendre, on me dit qu'il étoit
perdu. Je le crus de bonne foi, et, comme j'avois mis beau-
coup de temps à le transcrire, je ne jugeai point à pro-
pos de recommencer cet ouvrage; je n'y pensois plus, lors-
qu'il me fut rapporté, il y a quatre ans, sous enveloppe. Je
ne fus pas aussi sensible a cette restitution que je l'aurois
été avant l'édition de Coustelier, et j'aurois laissé encore
longtemps ce manuscrit dans ma bibliothèque, sans les
instances du libraire, qui, en m'engageant de lui communi-
quer la Fan'c </<* f~w <f!f Pe/MMr, f/M M< M'h'e-
.mem~ rare, m'a prie d'y joindre des notes et quelques
conjectures sur celui qui peut en être l'auteur. L'exem-
ple de M. de Beauchampsm'a encourage et m'a fait hasar-
der de dire que ce pourroit bien être à Villon à qui l'on
auroit cette obligation.
«L'édition gothique sur laquelle j'ai copié cette farce
étoit jointe aux œuvres de Villon, poëte françois de ce
temps-là même papier, même gravure en bois, à peu
près même style, même impression, et même conformité
d'une des friponneries de cet auteur avec la pièce de
Pe</ieë)!~ dit MMhf.Nv
L'édition gothique qui contient le Nouveau J'<?<fHM
n'était pas alors absolument introuvable, car, outre l'exem-
plaire de la bibliothèque des Petits-Pères, il en existait
au moins deux, l'un dans la bibliothèque théâtrale de
Pont de Vesle (et cet exemplaire y est resté, en quelque
sorte, ignoré et oublié jusqu'à l'époque de la vente et de
la dispersion de cette précieuse collection en 184'7), et
'autre dans la bibliothèque de Dc)a)eu. Voici comment
cette édition est décrite en 1774 dans le Cataloguede Pont
de Vesle « ? 1SO..Ma~t'e Pierre Pathelin, le 7'mfH<
.et, le JVOMM/M /'<??<'?!. Paris, in-16 goth. Dans le oata-
logue de Delaleu, publié en 1775, la description de ce rare
.recueil semblerait annoncer une édition différente «?532.
MMM grand C'M<[-
et petit, ~!CK'" Nou-
veau, CMC le Testament à quatre p<'f'MHM~M en rime
/'M/!fO;M Paris, sans date, in-ICgoth.!) C'est là une des-
cription de fantaisie, car M. Brunet nous apprend, dans
son .VaHM~ du libraire et de /'amc~K)', que l'exemplaire
deDctateu, qui fut vendu 19 fr. 19 s.(et non i5fr.,comme te
prix est indique dans le ~m;Kf/), était de l'édition sans
date, portant le nom de Jehan Bonfons. Cet exemplaire fut
acheté par le duc de La Vattierc; mais les rédacteurs du
premier Cataloguede t'immen.'ebibtiotttequede cet amateur
éclairé de la littérature dramatique ont néglige d'y men-
tionner la présence du A'fMi'fûMPc/Mi' qui ne fut vendu,
à cause de cette omission, que 9 fr. i s., en 1788.
tfn autre exemplaire de cette même édition, retie en
maroquin bleu par Derome, est décrit, comme il le fallait,
sous le n" CC6 du Catalogue Sotciune < JUcM/M Pierre
jfa~<~M, le 7'f~~mM~ f/e MMM< f~'f Pathelin,
le IVoM'MM Pathelin, :t trois personnages, c'est assavoir
Patlielin, le Petietier et le Preslre (en vers, attribué à
YuJon).–C~Hf le ~WMi' .MaM/tv Pierre Pe~f~, à trois
personnages.~Mf~/t' 7'f~/amft;/ d'icelity. Et après ~'<
~K~ !? NoM:M ~W/ic/M à trois personnages. A'0!t:
MM~ MHp~Mf'à Paris par Jf/MH ~OM/0)M, demeurant f'H
la ~f A'fM/i'c-KMh'F-O~mc à l'enseigne ~Hff-tY/ec~,
sans date, in-8 goth. de 80 ff. y compris le dernier où se
trouve la marque '~t libraire, (!g. s. b. » Cette édition
serait posterieure à l'anncc 1S<8, fi le libraire-éditeur
Jean Bonfons est le même que celui dont la réception,
dans la compagnie des libraires de Paris, est fixée à celte
année ta dans le Catalogue chronologique de Lottin. Quoi
qn'il en soit, il y a une autre édition des trois Farces de
.Pa/M/H, beaucoup plus ancienne que la précédente, éga-
lement sans date et dont nous ne connaissons qu'un seul
exemplaire, qui est à la bibliothèque do l'Arsenal. Vuici,
d'après le J7cHHf/ f/M /);'<<'f, la description de la partie
qui contient- le A'OM'MM jP~Mf/M et qui forme une édi-
tion séparée « Le NoMKCM ~M;n, à troys personnages.
C'est assavoir Pathelin, le Pelletier et le Preb~trc On les
MN~ à Paris ~H 7a' fMc JVfK/g-A'o~'c-Damc, à l'enseigne
~<<Hc<-A';co~, 2t ff. Sign. A. C. Au verso du .dernier
feuillet se voit la même vignette en b_ois qui ést sur l'édi-
tion de G. Nyvèrd et qui représentePathelin au lit. »
Il n'est donc pas étonnant, vu la rareté du ~VoM'MK
Pa~Mt'H, que cette farce soit restée à peu près inconnue.
D'ailleurs, la célébrité de la farce de Maître Pierre Pa-.
i!eHt! avait absolument étouffé le souvenir de cette autre
farce contemporaine, qui n'est, à vrai dire, qu'une imitation
et un complément de la première, mais qui. pourtant, pas-
serait aussi pour un chef-d'œuvre,si elle avait été seule con-
servée. Génin l'a jugce avec une incroyante légèreté. On
pourrait presque croire qu'il ne F.avait pas lue; car, maigreles.
lubies de son goût partial et systématique, il était homme
à savoir apprécier les œuvres originales qui portent le ca-
chet de l'esprit gaulois. Or le NouveauPa~MM est une de
ces œuvres où se reflète le mieux le g~nic de l'ancien théâ-
tre des farces.
Pa'<M:M est moins mauvais que le Tes-
« Le Nouveau
<CNMn<~ Pathelin, dit Génin (p. 73 de son édition monu-
mentale) il y a de l'esprit dans les détails. L'idée en est
pri'e du second chapitre des Repues /}'cne~ « La ma-
« nière comment ils eurent du poisson.))Tout le monde con-
naît cette industrieuse friponnerie de maître Villon s'en al-
lant acheter une provision de marée et mettant le porte-
panier aux prises avec le pénitencier de Notre-Dame, qui
s'imagine avoir affaire à un fou et veut à toute force le con-
fesser, tandis que l'autre réclame obstinément le prix de son
poisson. Le quiproquo avait été prépare par Villon, qui
s'esquiveet court se recaler et rire avec ses amis aux dé-
pen.s de l'une et de l'an c dupe
C'cstoit mère nourricière
De ceutx qui n'avoicnt point d'argent;
A tromper devant et dc'mcre
E'-toit un homme ditigcnt.

« A Villon, substituez Pathelin au marchandde poisson,un


Peiicticr le personnage du Prêtre demeure comme dans le
conte, et vous avez )a. farce du ~out~cK MMM. La pre-
mière partie en est copiée servilement sur l'ancien Pathe-
lin, moins le rôle de Guillemettequi disparait ici. Le patcli-
nage auprès du Pelletier pour emporter ses fourrures il
crédit, est le même exactement qui avait escroquéson drap
à CuiUttume Jousse'ufmc. l'athctin se forge de même une
parentéavec sa victime l'invite de même à dîner; seule-
ment, l'oie proverbiale est ici remplacée par une belle grosse
anguille. Rien ne manque à l'imitation, que la verve et le
trait de l'original. 1~ i.cene de la confession, qui forme la
secondepartie, pouvait être comique; mais elle n'est qu'en-
nuyeuse à force de pro)iïitj. Tout ce verbiage, d'ailleurs,
ne la fait point avancer d'un pas; c'est toujours la même
chose. Cependant, à défaut d'autre mérite, l'auteur a celui
d'une versification facile; parfois, il rencontre un vers heu-
reux, un mot fin et na!f. En un mot, le A'OKiMM P~MM
me semble très-inférieur au Testament de Pallielin. It
pourrait être, comme les Repues /)'SM/;t' l'ouvrage d'un
discipte de Villon; mais on n'y saurait reconnaître la main
de Villon lui-même à qui Gueuletteessaye de l'attribuer dans
la préface de son édition du A'OMt'FSit .Pc/M/M, donnée
en 17-i8. Au surplus, Gueuictte ne produit pas le moindre
argument à l'appui de son bypothe.e. »
Voici le chapitre des Repues /a)iCA~, où l'ou trouve, en
effet, l'idée de la tromperie que Pathelin met en oeuvre à
l'égard du Peuetier

LA MANIERE D'A~OtH DG POÏ-'SUX.

Lors partit dc.seseompaignons


Et tint&Ia Poissonnerie,
Et les laissa de là les ponts
Quasi pleins de merencolie.
]lnjarchandaachcrciic,
Ung pannier tout plain de poisson,
Etscmljioit,jevousccrtifEc!,
Qu'Hfust homme de grant façon.
MaistrcFrttn);oysit'utuitigent.
D'acitapter, non pas de payer,
Et qu'H bailleroit de l'argent
Tout comptant au portc-pannicr.
Ils partent donc sans plaidoyer
Et passèrent par Rostre-Dame,
LaoùiiYit)e['enanner
Qui confcssoit homme ou Lien femin~
Quant il le vit, à peu de plaist,
Il luy dist «Monsieur,jevousprie,
Que vous despechcz, s'il vous plaint,
Mon nepvcu, car, je vous affie,
Qu'il est en telle resverie
Vers Dieu il est fort négligent;
Il est en tel' mercncoliû,
Qu'il ne parle rien que d'argent.
Vrayement, ce dit 1 Pcnancicr,
Très-volontiers on le fera. »
Maistre Frauçoys print le pann!er,
Et dist « Mon amy, venez ça?
Vêla qui vous de&pechcra,
Incontinent qu'il aura fait. »
Adonc maistrc rrançoys s'en va
A-tout le pannier, en effect.
Quant lç Penancicr eut parfaict.
De confesserla ereature,
Gaignc-Dcnicr,par dict parfuict,
Accourut vers luy bonne allure,
Disant Monsieur, je vous assenrc,
S'il vous plaisoit prendre loysir
De me despccher à ce~tc heure,
Vous me feriez ung grant plaisir.
Je le veuil bien, en vérité,
Dist le Penancier, par ma foy!1
Or, dictes Benedicite,
Et puis je vous confesseray,
Et en'après, vous absouldray,
Ainsi comme je doy le faire;
Puis, penitence vous bauldray,
Qui vous sera bicti~necessairc.
Quel confe'sàcr? dit le povre homme.
Fus-je p!ts à Pasqu~'& absoulz?
Que bon gré sainct Pierre de Romme!
Je demande cinquante soulz.
Qu'essc-cy~ A qui sommes-nous?
Ma maistresse est bien arrinée!
A coup, à coup, de&pechcz-vous
Payez mon pannicr de marée.
lia, mon amy, ce n'est pas jeu,
Dit le Peuancicrt seurement
Uiroust'auttbien peu ~.cr~Dien
Et )e supplier hmnMcment.
Que bon gré en ayt mon serment
Diht cet homme; sans contredit,
De~pct'hcz-moy tcgicrement.
Ainsi que )e Seigneur a dit? »
Adonc le Penancier vit bien
Qu'il y eut quelque tromperie
Quant il entendit le moyen,
Il congneut bien la jonciterie.
Le povre homme, je vousame,
Ne pri~a pas bien la façon,
Car il n'eut, je vous eertiffie,
Or ne argent de son poison.

Danste.PfoM'MMPa/M; comme dans les &'pKC.}'<?;


<AfS, la tromperie repose sur t'equivoque des deux mots
~pM/M)'et ~<'p<'M/M',I'un signifiant expéditr, et i'auttc,
coH/t'~M* mais l'objet et !es particularités de cette trom-
perie sont totalement différents dans les deux ouvrages.
On ne saurait donc dire quelle est fa source primitive de
l'aventure.Patueuna-t-it imité Villon YiUona-t-i) imité
PatMin ? Les Repues /h?M/iM ont été composées vers
1485; c'est un point d'histoire littéraire à peu près fixé.
Quant au A'OMi'M~ Pallielin, qui a été appp)c ainsi pour
le distinguer de l'ancien, on a prétendu qu'il devait être
du même temps que le 'Tt'~emf'H<, qui, selon les frères
Parfaiet, daterait de l'année 15~0 environ. Nous ignorons
d'après quelles preuves ou quelles inductions les auteurs
de r~M/M'w </M T'M~'('M'«Cf)M ont été amenas à placer
sous cette date la compositionet la représentation du Testa-
me?! mais nous pouvons, nous, établir, d'une manière
presque certaine, que le NoKt'MK Pe<t'/M a été com-
posé en 1474, c'est-à-dire quelques années plus tard que
le premier .Pf/Mt;
H y a, dans cette seconde farce, un passage qui équivaut
a une date c'est la valeur de l'écu d'or ou f~M à la CfK-
t'0!!M~, valeur qui, à cette époque, variait sans cesse snivant
les conditions du citange et de l'état financier du pays. H
s'agit de savoir en quelle année dix ecus d'or valaient seize
francs. Or cette évaluation du taux de l'argent ne se rap-
porte exactement qu'à l'année 1474, pendant taqucue t'ecu
d'or eut cours pour trente fo)s.
Ce n'est pas tout un autre passage de cette farce est évi-
demment l'origine du nom de ~'M pois pilés, que le
peuple donnait aux reprt''sentationsdesEnfants-sans-Souci,
dctaMercSotteetdciaBazocuc.Itc~t évident, pour nous,
que le iYOK;~<!H 7~/i lin fut composé à l'imitation de
J/Cf~fë Pierre .Pa</t~'K, qui avait fait la fortune d'unede ces
troupes de joueurs de farces, qu'on vit naître an milieu du
quinzièmesiècle pour faire coacurrence aux Confrères de la
Passion. I.c iYoK~a'K fa~f~'K fut joué certainement à
Paris, sans doute aux IIaUcs, comme on y joua plus tard,
en 1511, le J. cf;t ~)'M~' des Sots et de Mère ~Mf, le
Nouveau Pathelin eut une vogue prodigieuse, et les gen?
du peuple, qui couraient à ce spectacle, disaient entre eux
« ~MS~f)~p:~r~~oMpti!<'m<7~'<'Pa(Mt'K.» Ce fut
donc. le peuplé de Paris qui, dans une de ses boutades, in-
venta ce mot de pois pilés, que les savants dénicheurs d'e-
tymologies du dix-septième siMe ne comprenaient déjà
p]us.
.Le Nc!<MM Pa~ -H/t est incontestablement de tannée
1474 mais on peut, on doit supposer que te langage de
cette farce fut tout naturenementrajeuni, lorsqu'on l'im-
prima pour 1a première fois vers 15t2. Le ~e/'t' de
la Passion a été, comme on sait, retouché et refait deux
ou trois fois dans le courant du quinzième siècle la f~'ce
du !VoM:'f<?!f Palhelin, jouée par les Eufaids-sans-Souei, qui
comptaient dans leurs rangs Cleufent Marot, André de, La
Vigne, Jean Bouchot et d'autre~bons poëtes, a du subir aussi
une sorte de rajeunissement littéraire, que la représentation
publique rendait indispcnsaLIe,et qui n'j pas trop changé ce
curieux monument de l'esprit, de la langue et des mceurs
de nos ancêtres.
LE

NOUVEAU PATIÏELtN
A TROIS PEHSOKNAGES
c'estHsçavoir
PATHEHN,
LEPELLETIEH,
L1; PLLLI;TI>:Ii,
LE rRERSTHE.

PATHEt.IM commence,
Ty.ns m'es))a\s t:mt plus j'y p~nsc,
Car je voy gens t)e conscience-or
Qui souvent sont tous m:dhuut'eux:
Les pircs'sont les plus lieureux
Qui prennent de t:Hu et d'estoc~.
St'jen'oussejouedueroc~3
Et i.eseu d'autre que uunHcn,
Pat'sainctJuc<)ues!jt.'t)'cusserit;n.
Il n'est que le croc et la trompe
Pour vivre à l'nyse et dans la pompe.
Aujou~rhuy ne peux rien acquerre;
Et ne suis-je pas maistre Pierre
ï Les plus nichants, les plus pprvcrs.
Adroite et à gauche; de toutes mains.
Jouer f/K croc, t.'c&t vulcr~ crochelcr les serrures, forcer les
offres-forts. On nommait les voleurs ~CM p'H~ c/ de crec.
Tromperie; terme d'argot.
Patbeun, qui tout en ung lieu,
Pour ung tout seul denier à Dieu 1
Eus six aulnes de bon nnpers*??
Il n'est que gens fins et expers,
Pour leurs bons marcliez espier.
En effet, le villain drappirr
N'en sçeut oncque avoir autre cttose.
Mais il fault bien que je m'expose
D'empoignerquelqu'un à la source 5
Et d'aYoir, sans deslier bourse,
Des fourrures pour noz co telles
Dieu mercy! je sçay des cautejles
Beaucoup; jcm'cnYOysalaFoire
Essayer que je y pourray faire.
Il est aujourd'huy bonne jeune
Que mainte personne sarrazine °
Se dispose à soy confesser ?
Mais pourtant, si fault-il penser
De mon prdufnt je trouveray
Quftquesotquejetromperay
Par beau.j)arter, fraude, et fatlace

Allusion à la première farce de patliclin, où ce maitre fourbe


emporte le drap, en laissant un denier à Dieu dans les mains du
drapier. Voy. ci-dessus,p. 30.
F;M pers doit être ici synonyme de brunette. Le ~'r.s, qui
était de couleur bleue dans l'origine, avait d'aljerd moint de
prixquclaïn'unc{.tc,commconlcvojitdansccttcphra&edcta
Vie anonyme de saint Louis Le bon roy ne voulut plus ,lès
lors vcstir d'escarlute, ni de hruncttc, ni de vert.ni couleur qui
t'u&t de grande apparence, et vcstoit robe de camciln, de brun
et de per- »
Nous croyons qu'il faut lire Cf);
Co~~c, diminutif de f0~~ et, dérive du latin <?~s', se pre-
nait indifféremment,pour les liabits d'bonune ou de fentme.
Jour de jcûnci vei!tc d'une bonne fète. Le pcup!~ prononçait
sans doute ~M, en souvenir du latin ~M~M.
° Païenne, infidèle, connue lc~ Sarrasins.
Ruse, tour de passe-passe; du latin /fïe~. `
LE PELLETIER Commence.
Jesuisicyenbonneptaco
Pour vendre ma pe)Ieterie,
S'il me vient de la seigneurie';
Pour en avoir quelque bon lot,
Je lui feray payer l'escot
De mon souper bien largement.
P A T Il EL 1 N' à piti,t.
Voilà mon homme proprement
Qui m attend, voilà mon marchant;
Je voys à luy tout beau marchant,
Faisant semblant de le congnoistre.
Pelletier.
Au
Et Dieu vous doint joye, nostre maish'e
LE PELLETIER.
Dieu vous doint joye!
P A T H E H N
Comment vous va?
LE PELLETIER.
Bien, Dieu mercy!
PATHEHN.
Couvrez-vous, dea
Ce n'est pas signe de preud'bomme
D'estre si gracieux, comme
Vous estes? Comme va, beau Stre?
LE PELLETIER.
Maisvous-mesme?
PATHEUX.
Tant de fois dire?
C'est trop tenu.
LE PELLETIER.
Bien donc.

C'Mt-dire:()cschahnJs.
PATHEHN.
Orc.i,
Quant venistes-vous par deçà?
LE PELLETIER.
Hier.
PATIIELIN.
Vous soyez le bienvenu'
Dea, vous estes bien tenu'1
De retourner eu ceste ville.

LE P'ELLE'HER.
Il me semble que tout
Quant je y vien.
PATHELIN.
Vendez-vous point bien
Doncques?
LE PELLETIER.
Pas trop; sans le moyen,
Jen'yfaispasdegrnntdespesche~.
PATHEHN.
Si n'y a-il qui vous empesche.
Au moins, n'y congnois-je personne
Qui ait marchandise si bonne,
Comme vous en avez le bruit;
J'en congnois encor sept ou (n!it,
Lesquels, quand je retourneray,
Selon ce que je leur diray,
Vous viendront veoir, pour en avoir.
LE PELLETIER.
Tant mieux.

C'est-u-dirc Vous avez bien raison.


~C'est-à-dire queiecofnmercebaisse.
C'e~t-a-dh-e Faute de clients, je n'y fais pas de grandes af-
fait e?.
PATHELIN.
Et vous fais assçayoir
Qu'il y a deux ou trois bourgeoises
De mesmes, qui seront bien ayses I,
Quant jeleurdirayquivomestes;
!cy se doivent tenir festes
Et nopces, dedans peu de temps
Mais je vous prompts et m'attends
Leur en faire avoir bonne part.
LE PELLETIEII.
S'il me vient quelque bon hazard
De par vous; pfn~'z que je suis
Pour le recongnoistre.
PATHELIN.
Si je puis
(Et je le puis bien toutesfois),
Je vous vaudray, pour une fois,
Ung bon pot de vin.
LE PELLETtER.
Crans mcrcys!
PATOEHN.
J'enscay,parbicu[to]sci[)qousix,
De qui cent et cinquante francs
Viendront en vostre main tous francs.
LE PELLETIER.
H seroit bien à desservir
PATtfEMN.
Là ou je vous pourray servir,
Jeieferay:jeysuistenu.
Cette rime prouve qu'on prononçaitalors ~OM~~sf~ comme
on prononce maintenant/nmc<m'<.
C'e~t-a-dire Cela serait ho.t à avoir, a gagner.
Dea, j'ay bien autrefois congnu
Vostre pere; vit-il encoire?
LE PELLETIER.
Nenny,plus.
PATttEL!N.
Dieu luy doint gloire
Et à tous bons loyaux marclians!
H n'en va gueres sur les cllamps
Maintenant, qui soyent de la sorte
Quant une telle personne est niurtc,
C'est pour tout le quartier dommaige!
II n'avoit encores que bon aage;
Il n'estoit point fort ancien~.
Dieu! tant ilaprestë du sien!
Car il accroyoità plusieurs.
Mais il est tant de cabuseurs
Que marchans n'osent plus croire
LE PELLETIEr,.
On ne sçait présent comme croire
Les gens, tant sont fort variables.
PATHELIN.
Par Dieu! c'cstoit ung dos notables,
(Encore y suis-je) vostrc pere,
Ce croy-je, qui fust né de mère
Aussi, tout le monde t'aymoit;

L~s quatre-vingt-deuxvers suivants manquent dans l'cdt-


tlon de Guculette, qui avait copié, sans doute, le Nc~~K f<t-
~f~Ht sur un exemplaire imparfait, et qui ne s'était pas même
aperçu de cette lacune de deux feuillet., que nous avons retrou-
ves, par bonheur, dans un exemplaire de la liibhûUtt'quede
l'Arsenal.
Vieux..
H vendait a crédit, sur parole.
Trompeurs, ~M&'CHr&
Ou accroire, vendre à crédit.
Tout le monde le reclamoit;
Chascun le louoit en tout cas
Et encores ne disoit-on pas
La moictié du bien qui estoit
En !uy.
LE PELLETIER.
Voire-m~is il prestoit
-Tant à chascun Pour parler franc,
Marchant si liheral et franc
A prester le sien n'est pas saige.
PATIIEHN.
Non, si ne le fait'sur bon gaige.
Mais pourtant, si vous m'en croyez,
De vostre vie, rien n'accroys:
Se vous ne sçavez bien à qui
Maint bon marchant est relinqui s
Et povre, pour le sien prester.
LE PELLETIER.
Il faut prester et emprunter
Aucunesfois?
PATtIEHN.
est tout vray,
H
Mais il y a si peu de foy
Aujourd'huy en plusieurs gens,
Que plusieurs en sont indigens,
Qui se confient en leur prnme~se.

LE t'ELLETtER.
Il est aussi vray que la messe!
Je m'en sçay bien à quoy tenir.

Oui-d&, vraiment.
Ne vendez rien 5 crédit.
M~M~o'e,débiteur, cndetté-
rATUEUN:
Pourtant, vous en doiLt souvenir?
Il en est bien à qui l'on baille
Assez sans denier ne sans maille l,
Enquionnepertrienpourtant?
Mais j'en congnois d'autres, qu'autan
Vauldroit le pied comme la main~.
Bien disent n'Je payeray demain
Scurement,jeYOus)eprometz.)) »
6)ais ce demain ne vient jamais 3.
Et pourtant jamais ne prestez
A telz gens!

LE PELLETIER.
Vous m'amonnestez
Beau et bien, et vous en mercyo.
PATHËHN.
Dea, il fault Lien qu'on se soucye
De ses amys, et toutesfois
J'ay ouy dire maintesfols
A mon pnre; dont Dieu ayt Fatuc
Que entre vostre pere et sa femme
Avoit ne sçay quell' parenté
Combien que ne soye pas rente
Comme vous, mais se j'estoye homme
Qui le vautsist je croy qu'en somme

La maille, monnaie de cuivre valant un demi denier, frappée


sous Phinppe le Bel, avait depuis longtemps disparu dans les
transactions commerciales;mais elle était restée dans la langue,
pour exprimer la monnaie la plus infime.
Quand on empruntait ou quand on achetait a crédit, on
levait la main en s'engageant à payer sa dette.
Ce vers est resté proverbe, sans qu'on se soit rappcl& son
origine.
Qui le valût, c'e~t-à-dire Si j'étais aussi riche que le fut
votre père.
Quant tous voz parons et amys
>
Seroyent contez, j'en seroismys
Dunombrc;car,()e vérité,
Hyagrant affinité
Entre nous.
f LE PELLETIER.
En bonne heure, sire,
J'en suis joyeux; mais, au vray dire,
Je ne vous congnois pas présent.
PATHEH.K.
C'est tout ung. Mais, par mon serment!
Il est vray. Aussi, vostre pere
Faisoit toujours tout son repaire i
Chieuz nous, et se ailleurs it lugcoit,
Ne buvoit-il pas, ne mengèoit
Pas voulentiers en autre lieu.
LE FEI.LETtEK.
PossiNe est.
PATf)EHK.
H est vray, parbieu
Pensez-Yous point qu'il m'en souviengnc ?
Si faict, dea et quant j'estois jenn" g
Et petit, il m'en souvient Lien
Que vostre beau pere et le mien,
Quant ilz tenoient festes ou nopces
Ou qu'ilz traictoient d'autres négoces,
Estoient l'ung cbiuuz l'autre à toute heure.
LE PELLETIER.
Mais dictes où est la demeure,
Pour vous veoir le temps advenir?

''Mjour,logis.
Tour yfKftf. Le peuple prononce encore ainsi.
PATHEHN.
Pat'bieu! mon père fut tenir
Sur fons' Mais je ne suis pas seur
Si ce fust vous ou vostre seur?
Mais tousjours s'appelloient compères.
Les fils ne vaudront jà leurs pères
Aujourd'huy sont trop differens,
Car, sur mon ame, les parens
Ne s'entraymentplus, ce me semble,
Ne ne hantent point tant ensemble,
Comme ilz souloient

LE FEHEHER.
Mais, dictes-moy,
Je vous en prie, par vostre foy,
D'où vient ce grant Hgnaige-cy ~?
FATHEHN..
Le cuidez-vous sçavoir ainsi
Tout courant Parbieu! nous serons
Les pieds soubz la table, et burons,
Avant qu'autre chose en sçachcz.

LE PELLETIER.
Tropbien!
,PATHELIN.
Nous ferons des marchez
A l'aventure, ains que je parte,

Les fonts, dû baptême. Gueu~ttc, qui n'avait pas sous les


yeux les vers qui précèdent, a écrit. ~Mr/~M, avec cette note
ridîcute:7'/bH~fïMû/'cA(M~A'f?-
Comme ils avaient coatunie autrefois.
Cette généalogie, ces dctaitsdc~famiUe.
~AvaDt.quc'.
Qui vauldronfbien à Loire quarte',
Et puis, là, en deviserons.
LEPELLËTtEH.
S'il vous fault rien nous en aurons
Fait en deux mots, car seurement
Tout est bien au commandement,
Et n'y eust-il denier comptant.
PA.TnELtft.
Rien, rien Je vous mcrcye pourtant
blais, quant il'avec moy partirez,
Par ma foy, vous emporterez
Tout ce que vous debvez avoir.
Je ne hais rien tant que debvoir
Jamais d'accroire homme ne pric~;
Quant est de la peUeterie,
Il m'en fault de LeUe et de bonne,
Non pas pour ma propre personne,
Mais pour. Vous [e congnoisscz bien?
Si croy-je! un très-homme de bien,
Le.cure de ceste paroisse.
Jevousymeneray.
LE rELLETIEH.
D'où est-ce?
Quiilest?
PATIIELIN.
Qui? Dieu! c'est un homme
Qui a, de par Dieu, pleine somme,

Ancienne mesure contenant deux pintes.


C'est-a-diro Si voùs avez besoin de quelque marchandise.
Non, non.
*F.aireer&iit;duh[inf)'f~<'rf.
*L'editiondnGucuictteporte:~c;CG qui semblerait un
proverbe populaire.
Et suis son parent, tnoy indigne
Il ne soupe point ne ne digneI
Gueres, que toujours je n'y soye.
,LE PELLETIER.
Se c'estoit pour fins draps de soye,
J'ay pannes Msez 'sufËsantes.
Advisez quelz pannes, et quantes
Il fault?
PATIIELIN.
Mais pannes de bon prix?

LE PELLETIER.
De quoy?
PATUELIK.
De qu'tn'eaux ou de gris~.
LEPELLETIER.
J'ay de très-bon gris épure.
PATIIELIN.
Or ça, pour monsieur le curd,
Puisqu'une fois en ay la charge,
Pour sa robbe, qui est longue et large,
Combien fault-il bien de manteaux

pour ~.s~. On pouvait alors, par licence poétique, chan-


ger l'orthographe et la forme des mots pour les besoins de la
rime; ce que la Fontaine n'a pas manqué Je,faire, à l'exemple
des vieux auteurs.
P~M~~Nou~M~s, fourrures; du latm ~MM.
Ce sont les noms de deux. sortes (le fourrures l'une, com-
posée sans doute de peaux de deux couleurs, cousues en car-
reaux Vautre, d'une seule couleur, en peaux de petit-gris ou
d'écureuil. Comme il est dit plus loin que les <y~fHv~M.rvenaient
de Lonibardie, nous croyons qu'il s'agit, de fourrures de chats
sauvages.
Espace d'aunage particulier au commerce de la pelleterie.
C'était sans doute ce qu'il rallait de fourrure, en longueur et
en largeur, pour doubler un manteau.
(Par vostrc serment') de quarrcaux'1
(f'our la fourrer) do LomLardie?
LEPELLETIEH.
Hen fault Lien deux et partie
Du tiers, par ma foy, mon amy.
Je vous en fends deux et demy s
Tout du Iqn~?
PAT~ELIN.
Et [fuis nous conYient
(C'est grant argent qui vous vient),
.Pour sa nippce (laquelle est preste
D'espousor), une panne honneste
De bon gris?
LE PELLETtER.
J'ay du gris de meure
En voul.cz-vous? ou gris d'immurs*?
Pensez que j'en ay à tout seur".
PATHELIN.
Par ma foy! je veux du meilleur.'
LE PELLETIER.
Se Yous voulez de tortes Lannes~,

'Cette phrase burlesque, dans laquelle les incidences pro-


duisent équivoque, fait allusion à une plaisanterie du même
genre qui se trouva, dam la première farce de Pathetin; c'est le
fameux par mon tfrmfp', t~Tmnf, qu'on a si souvent imité.
(Vo;. ci-dessus, p. 35.)
C'e~t-a-dire Je coupr donc, pour vous, dem NttMtt'ttM et
demi dans la longueur de la pièce de fourrure.
Fourrure de petit-gris, qu'on nomme mttrf dans les pnetes
du treizième siècle; du bas latin MMnM.
roui'rurc de peau de lapin, qu'on employait pour doubler es
aumus~es que les chanoines portaient en hiver, afin de tenir
chaudement la Mte et les épaules. ~K))MtM,pour siimMM, est
une de ces transformations de mob que la rime autorisait.
Prix. Il y a, dan, l'édition gotluque il /o;M ~)<
Pour la rime, il faudroit lire tcr.'es &i)!tt«, dit Gueulette,
lesquelles, ainsi que ~ro~tifffM, tHe)!<)M('«M,~roKpe.s' et pen'l-
Par ma foy j'en ay de, bien fines ?
Ou, se vpus voulez de groingnettcs,
Prenez-en, ou des mantonnettes,
Des croupes, ou des pcnnillercs ?
PATHELIN.
Ces pannes sont trop Icgiercs.
LEPEU.EfrE)!.
J'cntens vostre cas bien et beau
Je vous sortiray d'un manteau
Bel et bon.
PATHEHN.
Monstrez?
LE PELLETIER.
Voy-Ie-cy~?
PATHELIN.
Voire! Mais spufnra cecy,
Pour bien fourrer toute sa robbe?
LE PELLETIER
Ouy, si on ne luy en desrobe.
PATHEI.IN.
Fauldra-t-il point de fourniture?

étaient des étoffes çu des fourrures de ce temps, et dont


les trois dernières pouvaient avoir pris leurs noms des parties
du corps qu'on les destinoit à couvrir. » Nous croyons plutôt que
ces différents noms indiquent les parties du corps de l'animal
auxquelles on empruntait diverses sortes de fourrures, a!nsTIe
bête; le mot croupe paraît donc anonyme de ~s; ~n~
do~.ou le ventre est plus ou moins estime dans le pelage de la

ventre. La ~o~M~c pourrait être la.civette ou la fouine.Quant


de

à (orles ~Mc~ c'est un mot évidemment denture, comme on


en peut juger d'après la rime correspondante; plus loin, p.
on voit reparaître sans doute )a même Eourrure, qui est nom-
mée ~M~ vaines.
~L
Pour a~c~~f.f;.
Pour
LE PELLETIER.
,HënfauidraaI'avanture;
Voire, et si vous est necessaire
Et est bien honnestt', pour f.drc
Les paremens, une douzaine
De beau)x dos de gris~.
PATIIELIN.
C'est grant peine,
Or ça monstrez-moy ces (njarreaux?
'(
LE PËLLETtER.
Voy-les-cy, et, s'ilz ne sont Leanx,
N'ea payez ne denier ne maille;
Se vous en trouvez qui les vaille,
Je les vous quitte~.
PATUELJX.
J)z sont passabies.
LE' PELLETtEE.
I)z*sont, parbieu, bienproufûtaMes.
C'est proprement ce qu'il vous fault.
PATnELIN.
Comhien (mats ne pariez point hault)
Coustera tuuto la marée '?
LE rjELLETIEn.
Et c'est toute bonne denrée?
PATnEHN.
Encore en est-il de mciUeure,
Mab Yrayoment, en la bonne heure,

Ce sont des pièce. de fourruresdQ petit-gris pri-~cs sur Je'


do~delabcte.
Je vous les donne pour rtcn, gratis.
3 LocuUfnprovcrbm]e.einpt')ttUeeauhngu~cdes.Dmrchandû&
de poisson et biguifmnt. le tout, la totalité.
)) convient bailler (c'est raison)
Le denier Dieu':ne raison
Marché de quoy Dieu n'ait sa part.
LEPEILEHER.
C'est raison d'y avoir regard,
Et dictes comme homme de ))icn.
PATHELIN.
Or ça, disons, present 2, combien
Tout coustera, sans barguigner'?
LEPELLETtEB.
Je ne veux en vous i ien gaigner,
Pour l'amour de ta congnoissance.
.PATUEUN.
Encore, j'ay bonne espérance
Qu'après ce marché s'CH.fera
Bien d'autres.
LE PELLETH.R.
Tout vous coustera.
(Les manteaux sont grans et montans}
Douze bëautx escus tout contans.
PATHELIN.
Vrayement, c'est bien dit, douze escus?
LEPELLETtER.
Parbieu! le tout Yau)t encor plus.
PATHELIN.
Sans jurer, car itmefait mal,
Quant n'y aura bon principal,
Danb h' grande Fat'ce de Pathelin, maitre Pierre donne a'~si
le denier il Dieu et ~rc'que dans les mêmes termes~ voy. p. 55;
Dieu sera
PayHdespremiers:c'cstra)sott.
Vecy un denier; ne faison
RienqutSCut~ouDieuneseio'tm'p.
~Pre-c).tcment,àprcsent. °
D'ouyr jurer; il st1uffira
Duneufescus?
LE PELLETIER.
Ah! non sera.
Par ma foy, vous vous tuussK'ez '?
PATUEUN.
Trop bien, mais vous vous Laisserez, ~f
Or ça, vous en aurez donc dix?
LE PELLETIER.
Mais unze?
PATnEHN
Rien.
LE PELLETIER.
Et je vous dis
Que c'est marché sans dccopvoir.
rATUELIN.
Brief, je veux bon marche avoir
Et bien payer aussi.
LE PELLETIER.
Pourtant,
Si vous n'aurez pas tout pour tant
Sans plus, il ne se pourroit faire.
PATtrB!tN.
_JJng trompeur, (qui le voudroitcroire~),
En pffriroit plus largement,
Mais je en offre tout justement
Ce que en veux payer, sur le pec

C'e!.t-&-dire Vous hausserezvotre prix; vous m'en donne-


rez davantage.
("est-dire qui voudrait-l'avoir a crédit.
En conscience, sur ma parole, en mettant la main m~fe.'M,
sur la poitrine.
LE PELLETIER.
Vous remettrez deux francs avec?
PATHELIN.
ComLien seroit-ce ?
LE PELLETIER.
Ce seroit
Dix-huit francs que tout cousteroit
PATHELIN
Ceseroittt'op.
LE PELLETIER.
Par mon serment!
Vous les payerez tout ronJement?
PATHELIN.
Bien; puisque vous avez jure,
Non pas moy, mais monsieur le curé
Lespayera.
LE PELLETIER.
Cela m'est tout ung.

II y a ici, de même que dans M~rc Pierre Pf!<Ac!B, un cal-


cul à iairc sur la valeur relative de l'ecu-à-Ia-couronnc et du
franc employé comme monnaie de compte calcul qui JoK doit-
ner d'un' manière à peu p)e~ certaine la date de la composi-
tion de cette farce, postcricuBFa la première. Le Pelletier de-
mande d'abord louzc écus de sa fourrure; rathclin n'en veut
donner que dix le Pelletier ~c réduit à onze, mais, comme Pa-
thclin tient Lot le Pelletier le prie d'ajouter deux francs ~Tson
offre or, dix ce ts, avec deux francs en plu-, représentent dix-
huit francs. Nous voyons, d'après les tables du T/'f;t.smf)K-
j;o;M de Leblanc, que, vers l'année'H'7~,I'ecnd'Ot'alacou-
ronne valait trente deux sols, ce qui produit la valeur exacte
~pecinee dans le 'T(~;<!mfKf de fe/Mt); car dix cens, à trente-
deuxsol~l'un,equivaicntàscizefrancbnets,auxquelsilfaut
adjoindre les deux francs supplémentaires exigés par le Pcile-
tier, pour parfaire la somme de dix-bnit francs. On peut donc
dire avec certitude que le T~MmeN< dfJ"f!Mf<)! acte compose
enHH.
PATnEHN.
Et si ne reviendrez pas jeung1
De sa maison.
LE PELLETIER.
Nousncbuvons
Toujours que trop.
PATHEHN.
Ca achevons.
Il nous fault maintenant aller
A nostre beau curé parler,
Pour recevoir vostre payement.
LE PELLEHER.
Le fault-il?
PATUEUN.
Etouy.vrayemcnt.
(!e n'est pas loing jusqu'à l'eglise,
Mais il vault mieux, quand je m'advise,
Que vous prenez à l'avanture
Quelqu'autre sorte de fourrure,
Car~je croy, quand il en verra
D'autres, qu'il en acheptura
Et si y a de noz voisines
(Comme j'ay dit) qui font L!cn mines
D'en accepter un h'os-Lon lot;
Vous y pouvez gaigner un pct
De vin, pour employer vostre nrr.'
LE PELLETIER.
Vous dictes vray.
PATHELIN.
Et, par sainct Pierre!
'Ajeûn.
C'f&t-dirc vos pa' votre démarche, la peine que vous
prendre. de venir chez le cure.
Ce fait mon vous en pourrez vendre
A de grant argent.
LE PELLETIER.
Je voys prendre
Dumenuvair~doncetdofaities,
Des crouppes, et des toutes vaines,
Et ung beau manteau de regnard.
PATHELIN.
Faictes-en un pacquct à part ?
LE PELLETIER.
Si feray-je; laissez-moy faire.
PATHELIN.
Vous aurez chieuz nous bien affaire
Et beaucoup plus que ne pensez.
LE PELLETIER.
De tant mieux, ne vous soutciez.
Aussi, se je fais mon prouffit,
Rien n'y perdrez.
PATHELIN.
II me suffit
Que vous vendez bien voz denrées.
LE PELLETIER.
Voicy noz pannes bien serrées,
Chascuneâsapart.
PATHEHN.
Allons doncques.
Le porteray-je.
4 Expression populaire, synonyme de or donc, en ce cas, oui
vraiment. Nous croyons que cette locution proverbiale b'cht
changéepar corruption en /t~, qu'on emploie encore fanii-
Ïierementdanslemcmcscns.
Le menu vair était une fourrure de petit-gris mciec dchian~
et de noir, mais nous ne bavonspas quelles espèces de fourru-
res désignent les noms de /<~M, de er~~ et de ~o~ ~<'s.
Voy. la note ci-dessus, p. 1H.
LErELLETtKK.
RIenque)eonq'ies.
Hn'y a rien qui soit pesant 1.
PATnELtX.
Pensez-vousque je soye taysanf?
Et vous porterez tout le faix!
Maudit sois-je, se je le fais
Jamais.je ne le souffriroye.
LEPELI.ETtU!.
Ne vous chaille j'en porteroye
Bien plus, à une de mes mains.
rATnELtK.
Et parbieu sire, à tout le moins,
Je porteray ce paquet-cy.
J'en seray bien grevé aussi
Il ne &u)t pas tant de caquet.
LE PELLETIER.
Bien portez donc vostre paquet
Mais c'est peine et honte.
PATHELIN.
rica~,
Rien, 1-ieti'5,
Bien,
Oiuscun emportera le sien.
Pensez-vous que cecy m'enhenne*?
Dans la première Farce de PatheUn, on retrouve presque
)emL'media!ogue(p.S8):
LEDRArPtEn-
AttezdfvaNi;sus,jes'raydoncqnes
Etteporteray.
r'ATHELI.-<-
nifnquiconques.
Que me grevera-il? P~! m~i)tM.
Fainéant, paresseux.
Pas du tout, nullement.
Me fatigue, m'essoufue; le ver])e /;f)t~ ou ptutôtfK~MMf
qui vieiUbsait, fut remplace par ahanner, souffler d'ahan, de fa-
tigue.
LE PELLETIER, asonvatet.
Ne houge, tant je reviengne,
D'icy entends-tu, mon varlet?
Et prens bien garde à ton palet 1?
APathclin.
Sus devant, allons, de par Dieu!
PATHELIN.
Vous verrez bientost ung beau lieu
Chez ce cure, où je vous maine,
Et si c'est une maison plaine
De tous biens; mais aussi le bien
Luy est bien deu, il le vault bien.
Pensez qu'il vous fera grant chère.
LE PELLETIER.
Dictes-vous que c'est sa manière
De festoyer ainsi les gens?
PATHEL1N.
Quant vous aurez reçeu l'argent
Ou de l'or, tel qu'il vous plaira,
Car tout premier il \ous payera,
D'assiette~,de ce qu'il vous doit,
Vous verrez de quel vin il boit;
Et si vous donra, par sainct Gille!
D'une très-belle et grosse anguille
Et là, vous diray du lignage
D'entre nous.
LE PELLETIER.
J'ay bien grant courage
D'enssavoir.
D'en
PATHELIN.
Nous en parlerons,
C'est évidemment la boutique, la baraque, fa tente, que le
Pcitcticroccupaitdanslechampdefoh'e.
Cette expression équivaut à celle-ci, qu'on emploie encore
dansle même sens: rubis sur l'ongle.
Sur le vin', et nous nous trouverons,
Ce croy. je, de bien près parens.
ça, voicy l'église: entrons ens~,
Al'avanturequ'ilyest~;
S'il y il sera tout prest
est,
De vous payer à la raison,
Avant qu'aller à sa maison,
Car tousjours sur luy il apporte
Or et argent de mainte sorte
C'est sa manière et sa nature.
LE PELLETIER.
Dors mettons donc à l'avanture
Une patenostre 4.
PATHELIN.
Devant
Entrez?
LE PELLETIER.
Mais vous?
t'ATHEnK.
f!quant et quant~
tCs entrent dans l'e~Hse.)
Voilà le curé qui confesse.
Regardez, il n'y a pas presse;
Nous sommes entrez bien à point.
Je luy voys tout de poinct en poinct
Dire le marché qu'avons faict,
Et, s'il est appoint qu'en effet
Hvousdespesche~.

Le verre à la main.
Dedans; du latin ;)t<M.
C'est-à-dire en cas qu'il y soit.
C'cst-a-dit'e prontons de l'occasion pour faire une prière.
*C'est-à-dire:entrezavec moi.
''('est-a-dire:s'ilade l'argent sur lui.
7 Qu'il vouspaye.
LE PELLETIER.
C'est Lien dit.
LE PREBSTRE commence.
Vrayement la te~te m'estourdit
De confessât'; c'est trop grant peine.
En quel temps fusse'? Kn quel semaine?
Estoit-elle point mariée?.
Car, se elle estoit femme liée,
Hyfauldrcit avoir esgard.
PATIIELIN.
Dointhonjout', monsieur!
LErEEBb'i'RE.
Dieu vous gard!
Qu'a-it de nouveau?
PATIIELIN.
Le cas est
Que voicy ung fils, s'il vous plaist,
Qui se veut à vous confesser,
Et l'ay bien voulu adresser
A vostre personne, et pourtant
Vous le confesserez d'autant,
'Et qu'à plusieurs j'ay ouï dire
Que très-bien le scaurez instruire
Et interroger de tous cas.
LEPREBSTRE.
Par mon ame, je ne sçay pas
Plus qu'ung autre!1

Le prêtre s'adresse à un pénitent qu'il est en train de con-


fesser. Gueulette pcn~c que la scène représentait un conFcs~on-
nal avec un homme à genoux tournant le îio~ aux spectateurs. H
faut ajouter que les confessionnauxà cette "poque étaient ou-
verts et non fermés comme ils le sont aujourd'hui. On. voyait
donc le prêtre assis en face du pubHc.
PATfIELtK.
Sauf votre gt'acf,
Avant que d'icy il desplacet,
S'Hvousp)aist en prendre )ap)'in~
Vous aurez, pour une douzaine
De messes, l'argent tout contint
Et puis vous les yrcz chantant,
Quant vous serez tout de )oys!r.
LE PfiEBSTRE.
Quand il voudra, à son plaisir.
J'en prendray voulentiers la charge.
PATHELIN.
Pour bien vous dire tout au large
Son cas et sa condition,
Il est d'une complexion
Aucunesfuls bien fantastieque,
Et souvent, quant le ver le picque~,
g,
Devient comme tout insensé,
Tant qu'on n'aurnit jamais prn~c
Les foUies de quoy il s'advise,
Mais, quelque chose~qu'il devise,
Il ne faict nulles folles maUes~,
Et si y a des intervalles,
Comme present, qu'il est Lien saige.
Pourtant luy ay donné couraige
(Tant comme il est en bon propos~)
De vous dire deux ou trois mnts
Pour le faict de sa conscience.
Vous avez assez de science,

Il s'en aille.
C'cat'a-dirc dans certains moments de folie. On croyait
alors généralementque la folie était produite par un petit ver
qui rongcait le cerveau.
Aucun acte de fotie dangereuse.
En bunne disposition.
n
Se d'avanture il se vonluit
Fantasierl comme il souloit,
Pour ]eremettrea son advis~
LE PREBSTRE.
Par ma foy, je coufesse envis j
C'est ung métier trop penitde.
rATHËHN.
Pour ce, faictes-y le possible
Pour rarg.ent et quant vous l'aurez
Confesse, vous vous en viendrez
Disner avec nous, s'il vous plaist:
Vous trouverez le disner prest
A ceste taverne prochaine.
LE PREBSTRE.
Eh bien je prt'odray donc la peine
De le despeseher~, mais qu'il vicngne
Mais il fault qu'ung peu, là, se tiengne,
Tant que j'aye achevé eestuy.
PATHELIN.
Monsieur, qu'il soit bien ad verty
De son cas, je vous en requier.
Despescliez-le.
LE rnESBTRE.
Sans reliquer~.
J'entends Lien le cas tout de ion~.
PATHELIN.
S'il vous plaist, vous luy direz donc
Que présent le despescherez?

Entrer en démence, exattur.


C'est-à-dire dam? son bon sens.
3 C'est-dire vous demandez que je confesse un hontm~
maigre lui,
De le confesser.
Sans délai.
LE DiEBSTRE.
Trop bien.
(Il s'adresse au Pelletier qne Pathclin a fait approdier. )
Mon amy, vous serez B
Despesché present pour certain?
LE PELLETIER.
Bien, monsieur.
PATHELIN.
Je m'en voys soudain
Devant faire mettre la table
Mais venez à heure eonvenaMe,
Monsieur ?
LE PREBSTRE.
Sainct Jean si ferons-nous
Nous serons Lien tost après vous. `

PAT[;EHN,aaPt;netier.
Or ça, vous avez bien ouy
(De quoy je suis bien resjouy),
(Jue present serez despesché.
Je luy ay dit tout )e marché
Et la somme totalement.
LE PELLETIER.
Voire, mais fera-il le pavement
Icy?
PATIIELIK.
Et ouy dea, veu le cas.
(Au rretre.)
Et tettespescherez-vous pas
Icy?
LE PREBSTRE.
Et ouy dea, c'est le mieux.
PATHELIN.
Voire, et bien to~t?
LE PREBSTRE.
(A Pathelin qui revient encore l'interrompre.)·
Tant Je fois, Dieux!
Mais que cestuy ait achevé
De soy confesser, luy levé
Quelconque s'y offre ou présente,
II sera, en heure presente,
Despeschë, tout en la maniere
Qu'il est dit.
PATHELIN.
Pour fatre la chère,
Je voys donc penser du disncr,
Car i) nous fauidra choppiner
Un peu, pour mieux s'entre-congnotstre.
LE PELLETIER.
l5'H me fault longtemps icy estre?
PATIIELIN.
Rien, rien.
LE PELLETIER.
Je seroye deceu!
PATHELIN.
Après que vous aurez receu
Tout vostre argent, et recueilly,
Vous en viendrez avecque luy
Disner,rentendez-vouspassion?
Je ne vous serviroyede rien,
Puisqu'il scait quelle somme il y
Dictes ung ~t'e J)!ar:'<
a.
S'il vous ennuie, en attendant.
LE PELLETIER.
J'attendrayd.oncques,cependant
Qu'i) parachevé cestuy-là.
Heu, emportez-vous donc cela
Laissez-lemoy,sivousvoulez?
.Le paquet de fourrures.
PATHELIN.
Rien, rien.
LE PELLETIER.
Or allez donc, allez
PATHEHN.
Cecy. Eh que me coustera-t-H?..
La voulez-vous dessus le gril
Ou bouillie, ceste grosse anguille?
LE PELLETIER.
Or, je vous requiers qu'on n'habitit' t-
Rien qui soit pour moy davantage?
PATHELIN.·
Vous souciez-vousdu coustage~?
Vous n'aurez rien que l'ordinaire.
LE PELLETIER.
C'estassez.
PATHELIN.
Or,nt'cnh)isse:! faire,
Je m'en voys faire pi)cr les pois 3.
LE PRESBTRE, son pénitent.
Or ça, mon amy, quantes fois
Avez-vous eu sa compagnie 4?
LE PELLETtER, & part.
J'auray une LnHe poignie

Apprf'te, prépare. On dit encore /;<fM~f les viandes.


'Dépende.
On appeloit pax p;M.< le marc des pois dont on a tiré la
purée, dit Le Duchat dans ses notes sur le Baron de /cn<'<
De là ce nom a été donne à ces comMies informes mHccs de
sérieux et de burlesque, jouées en France sous François I",
et continuées jusque soui le règne de t ouis XHi. Kous ne
ritableorigine du nom de jf
doutons pas que ce passage du Nf~t'aM P<!<Mt)t ne soit la vé-
des pois pilés, donné aux farces que
représentaientlesclercs de la BaMchc à la fin du quinzièmebicete.
C'e~t-à-dire combien de fois avez-vouscommis le pcch6 de
tuïure.
D'argent, maintenant, pour mes pannes
Et si ne sont que des moyennes;
Les manteaux ne sont point des grans
Si en auray-je dix-huit francs
Pourtant; et, s'il eust barguigne*t
Plus fort, il eust, parbieu! gaigné
Ung escu d'or, au premier bout.
Mais, puisque le curé paye tout,
Ne m'en chault il fera l'avance
LE PREBSTEE, au Pénitent.
Faictes bien vostre penitence
Et entendez doresenavant
A bien faire mieux que devant;
Car vous avez beaucoup failly.
7M nonzine Patris et Fili
%r!<s Sa~c/t. ~mcn.
au Pelletier.
Ça, mon amy, venez-vous-en?

LE PELLETIER.
Et je suis, monsieur, fort venu.
LE PREBSTRE.
Je vous ay ung petit tenu
Mais il falloit icy parfaire.
LE PELLETIER.
C'est raison, il le convient fa!A'.
Quant on y est.
LE FREBSTttE.
Or ça, disons?
LE PELLETIER.
Dictes donc, monsieur?

Marchande.
11 payera plus cher.
C'e~t-à-dice je vous ai fait. assez attendre.
LErMEBSTRE.
Ad visons?
Placez-vous?
LE PELLETIER.
C'est tout advisë.
Ne vous a-t-il pas devisé
La.chose, tout ainsi qu'elle est'?
LE PttEBMBE.
Ouy,'mon amy, et je suis prest
Dé vous despescher maintenant.
LE PELLETIER.
N'estes-vous pas Lifn souvenant
Du marché, tel qu'il vous l'a dit!
LEPHEBSTRE.
Ouy dea, ouy, et, tout à son dit~,
J'en feray.
LE rELLETIEK.
Ça, despeschez-nous?
LE PREBSTRE.
Doncques mettez-vousà genoux,
S'il vous plaist?7
LE PELLETIER.
Etpourquoyceey?
LEPHEBSTRE.
C'est la manière d'estre ainsi,
Pour compter son cas humblement.
PELLETIER.
LE
Mais, pour compter bien aysement
Ce lieu-cy n'est pas bien sort-able,

C'e~t-a-dire cet homme ne vous a t-il pas dît. la cho~e?


Suivant&a recommandation.
~Et allons dessus une table
Ou quelque autel, pour Men compter.
LE PREBSTRE.
Unofaultpassihault'monter.
Agenouillez-vouscyungpnu'?
1

LE PELLET[ER.
Par mon âme, il ne me chault où!1
Mais que j'aye ce que je demande.
"?* LE PREBSTRE.
Tant plus est l'humilité grande
–~ï))i pescheur, plus est esleve.
LE PELLETIER.
SI seruye-je pourtant grève*,
Si j'estoye icy longuement.
LE PREBSTRE.
Vous estes bien dévotement:
Despeschez-vous,sans tant prescher?
LE PELLETIER.
C'est vous qui devez despescher
Despeschez-moy ?
LErnEBSTRE.
Or comptez donc
Ce qui vous mainc, tout du long,
Et bien tost vous despescheray.
LE PELLETIER.
Baillez donc, et je compteray.
Je ne voy que compter icy~,
LE PREBSTRE,
Dea! ce n'est pas à dire ainsi.
Sçauriez-vous compter vostrc cas ?

'rour:M~;<.
Mse, molesté. Le Pelletier a consent &'agenoui))erde-
ant)ePrCtro.
C'est-à-dire je ne vois pab d'argent à compter ici.
LE PELLETIER.
e
Ony Lien Mais ne vous l'a-il pas,
Cet homme, qui s'en va, compte?
LE PREBSTHE.
Pensez-vous qu'il m'aura compte
Voz cas particulièrement?
Il n'y a que vous seulement,
Qui en sçeust parler au certain.
LE PELLETIER.
Pour le vous dire plus à plain,
Doncques, il est vray qu'il y a,
Pour tout, dix-huit francs.
LE PHEESTnE.
Eh dca, dca!
Qu'est-ce à dire?
LE PELLETIER.
Il y a autant.
H me les fault avoir comptant,
Pour les deux pannes qu'it emporte,
LE PREBSTRE.
11 vous fault parler d'autre sorte.
Qu'est cecy? Je n'y entends rien.
LE PELLETIER.
C'est vous qui ne parlez pas bien
Vous ne f.tictcs que barbouiller.
LE PREBSTRE.
Ça, dictes, sans plus vous broutUer,
Tout premier Benedicite?
LE PELLETIER.
Et pourquoy?Quell' necessité
En est-il?
LE PREBSTKE.
Si est-ce la guise'.
LE PELLETIER.
Quand je verray la table mise,
Je le diray; non autrement.
LE PREBSTRE.
Si est-ce le commencement
Et le sceau de confession.
Dictes-le en devotion,
Et puis vostre Confiteor?
LE PELLETIER.
Baillez-moy, ou argent, ou or?
Voua ne faictes que ravasser!
A quel propos me confesser
Maintenant?Il en est bien temps
LE FREBSTRE.
Mon amy, veu ce que j'entends,
Vostre entendement est brouillé.
LE PELLETIER.
Seray-je cy agenouillé
Tout meshuy ? Qu'est-ce cy à dire ?
Vous m'y faictes mettre pour rire,
Ce croy-je, en vous jouant de moy
LE PREBSTRE.
Non fais, mon amy, par ma foy!
Ce n'est pas pour me faire honneur,
Mais pour l'amour du beau'Seigneur
Que je représente en ce lieu.
LE PELLETIER.
Or, me payez donc, de par Dieu,
Puisque representez vostre homme,
C'est l'usage, la forme de la confession.
'Tou). aujourd'hui.
Et me baillez toute la somme
Qui m'est dcue pour la marchandise
Qu'il emporte?
LE PBEBSTKE.
Onvientàt'eglise
l'ouryprierDieu.etnonpns
Pour y parler de telz fatras;
Ce n'est pas lieu pour marchander.

LE PELLETIER.
Est-ce pèche de demander
Ce qui est bien loyaulment deu?

LE PREBSTRE.
Vous sçavez bien que je n~ay eu
Riendevous?
LE PELLETIER.
Rien!
LE t'KEBSTRE.
Dequctmestier
Estes-vous?
LE PELLETIER.
Je suis pettetier,
De par tous les diables d'enfer
LE pnEn'TRE
Hne se fault point esehai)(fei'.
Mon amy, parlez sagement
Et vous confessez gentement?
LE PELLETIER.
Je confesse que vous devez
Dix-huit francs; que vous avez
La denrée qui mieulx vault encoire.
LE PREBSTHE.
Dieu vous rende vostre mémoire 1
D'où vient ceste merencolie?
Ilyabiendetaf~Uie.
Je prie Dieu que il vous sequeure
Vous est-il prins tout à ceste heure,
Mon amy? Vous estes volage~?
PELLETIER.
LE
Par la morbieu je suis plus sage
Que vous n'estes de la moitié!
LE rREBSTRE.
Sans jurer. Voicy grant pitiS!
Il fault que vous vous confessez,
Monamy.ctquevouspfnsez
A Oieu, comme ung homme notable.
LEPELLETIER.
Biais pensez-y, de par te diable
Et me payez, avant la main~!
LE PREBSTRG.
Je~B.vey ornais si soubdain
Entendement d'homme troubler!
LE PELLETtER.
J~Se cuydez-vous ainsi emMer~
~–tlea_ pannes,
sans estre payé?
"AU si vous m'avez délaye'
Payez-moy,~BsjTtus m'abuser.
~T~*?REBSTRE.
~Ss pensez de vous accuser,
Sans rien laisser, de bout en bout~

'rour:Meo)fr<
AJ-unatique, ~Isjonnairc.
*T)n dit maintenant /M~ <<! tKa;e.
~MroLer. voler.
'~Tait att, ndre.
~=
LE PELLETIER.
Le corps bien Si vous ay dit tout,
ËtsuistoutprestueKcepvoir.
LEPREBSTRE.
Comment voulez-vous donc avoir
Corpus Domini? Il
faudroit,
Premier, vous confesser à droit'.
LE PELLETIER.
Mais quel diable d'entendement!
Quant je vous parle de reccpte
D'argent.
LE PREBSTRE.
Voicy bien grant decepte
LE PELLETIER.
Faictcs-m'en la solutions?
LE PREBSTRE.
Faictes donc la confession
Premièrement. Vous absoutdray-je
Sans confesser?

LE PELLETIER.
Voicy bien raige.
Je ne vous parle point d'absouldre
De par le diable t c'est de soutdre.
Vous n'entendez pasàdemyy
LE PREBSTEE.'
Je ne vous dois rien, mon'amyTj.
Vous estes troublé de la teste.
LE PELLETIER.
Me cuidez-vousdonc faire beste?

·
Comme il faut, do bonne
Ucce~Lion, erreu~~
'Lepayemeut.
grace.
Suis-jeacabasser'ainsi?
Vostre homme, qui s'en va <icy,
M'a dit que me payerez tant bien?
LE PREBSTRE.
Quel homme? Ce n'est pas le mien.
LE PELLETIER.
Et par]j!eu, si est! C'est le vostre!
L.E PREBSTRE.
Et, de par sainct Jacques l'apostre!
Je ne le connois nullement.
Ilm'a dit que presentement
Vous confesse, et que me payerez
Très-bien, et si me baillerez
Argent, pour dire une douzaine
Demesses.
LE PELLEMER.
Safiebvrequartaine!
LE PREBSTHE, a part.
Vo~y uu ho.mme des\'oyë~.
LE PELLETIER.
Ne l'avez-vous pas envoyé
~Bouf vostre disner habiUer,
–STendant que me devez baiDer
~L'argent? Il dit qu'il vous gouverne
~]*E PREBSTBE
Il est allé à ItLtaverne
Où il nous attend disner,
Cem'a-itd*
LE PELLETIER.
C'est deviner
Où il est, le diable le saichc 1

"~Berner, ballotter.
Hors de sens,
~T~'e&t-à-dirc
c~aré.
qu'il est
~t
intendant.
votre
LE PREBSTRE.
Voicy un homme qui me fasche
Terriblement.
LE PELLETIER.
C'est bien fasché;
Que ne suis-je donc depeschë!
Seray-jemeshuyauxeseoutes'?
Je vous prie, une fois pour toutes,
Quantj'en ay assez enduré,
l'ayez-moy, monsieur le curé?
LE PREBSTRE.
Mais vostre petit chapellain?

LE PELLETIER.
Vous estes curé?
LE fUEBSTRE.
Pour certain,
Je ne suis que simple "!c'"re.
LE PELLETIER.
Me le cuidez-vous faire accroire?
Et si estes, bon gré sainct Pol!
LE PREBSTRE, à lui-même.
Saincte Marie! voicy bon fol!
Quant vers Dieu se doit retourner,
Il me vient icy reprimprg
D'un tas de follies, où n'y J1
Nulle raison!
LE t'ELLET~ER, tui-m~mo.
C'est bien dit là!
Mais, quant de payer doit penser,
''C'est-a-dire:Restera!-je ici toute )ajournecafairo le pied
de grue?
La mauvaise rime dp ce vers indique une altération de
texte.Ou;)OurraiHire:n'<'onieroua<OK)'Mr.
Il me parle de confesser,
Sans faire d'argent mention
LE PREBSTRE, à tui-memc.
Je fais en bonne intention
Ce que je fais, pour abréger.
LE PELLETIER, à lui-même.
Voicy assez pour enrager
Je suis en grant perplexité.
Qu'est cecy? Bf)!edi'r!f<
LE PREBSTRE.
D<MM sit in corde <o, etc. Ad t'ere <'o/<f<fm
peccata /:<< in ?!0))):'M~ Patris, et F!7!t et S~:?'!<tM
sancti. ~mf~.
LE PELLETIER, à iui-mômc.
C'est à recommencer. Bien, bien
Que diable est-ce qu'il me latine?
Il a fait de croix un grand signe,
Comme s'il eust veu tous les diables.
LE PREBSTRE.
Mon amy, je ne dis pas fables
C'est une benediction
Que je donne à l'inception 4
De vostre confession faire.
LE PELLETIER.
Eh Dieu vous doint tout au contraire
Maiheur et maledict.ion
A lui-même.
Voicy bien grant dérision 1
Sang bien! cessera-t-il jamais
De me bailler des entremets
De confession, en payement?

Au commencement; du latin ;n<'fy'iC.


LE rnEBSTRE, à iui-m6me.
Il est desolé seuremcut,
Et son cas assez le conduict
Comme cest homme m'avoit dict.
n~ut.
Mon amy, puisqu'il ne vous chault
De vous confesser, il vous fault
Vous en a!)er de ceste eg)ise?
PELLETIER.
LE
Et qui payera ma marchandise?
Ne pensez pas à m'envoyer,
Sans mes pannes, ou sans payer
Payez-les, ou me les rendez?
Car il faut que vous entendez
Ou à payer, ou à les rendre.

LE PREBSTRE, à part.
Il n'est qui sceust icy pretendre.
C'est une~droicte mocquerie.
LE. PELLETIER.
Mais une forte tromperie
J'entends bien le cas, ce me semble
Vostrehomme et vous, tous deux ensemble,
De m'embler et tollir mes pannes.
Vous estes plus traistres que Ganes',
Dangereux et mauvais trompeurs
Où ay-je trouvé tels pipeurs?
Quel rencon'.re! QueUe avanturo
LE PREBST!tE.
Ah ne me dictes point d'injure,
Oujovousdonray~surlajoue!
Pour Cf<Hf!oM, un des preux de Cimrtemagne, dans les ro-
mans du treizième siècle; c'e~t lui dont la trahbou engagea l'ar-
mée du grand empereur dans les défilés de Roncevau~et fut
cause de la mort de Roland.
Pour <ftMM<'nti.
LE PELLETtER.
Et pensez-vousque je vous loue
De m'embler ainsi mes denrées?
Aurez-vous les robbes fourrées
A mes despens? Mtde /toc.

LE fREBSTRE.
Corps Meu! Je mets sur_vous le croc 1
Je vous feray suider* soudain
LE PELLETIER.
Le diable emport le chapeUain,
Et le curé et le vadet
LE PREBSTRE,
Mais le pelletier tout seulet~
LE PELLETIER.
En suis-je ainsi sur le cul ceint ~?
Tu me les embles en lien sainct,
Traistre, larron, simoniacle5!
LE PREBSTRE.
Fol, enragé, demoniacle°,
Tais-toy, et t'en vas bien a coup~
LE PELLETIER.
Perdre dix-huit francs tout d'un coup
C'est bien gardé le privilège
Des marchands! Larron, sacrilege
Au moustier, de faict apensc s
C'est-à-dire je mets la main sur Tous.
t-ortir de ce confessionnal, de l'église.
C'ebt-dh'e Que le diable emporte plutôt ]e PeUeticr tou
seul!
Cette locution proverbiale se trouve aussi dans Maistre Pierre
p. ~5, la note y relative.
I'<«Ac<)tt; voy. ci-dessus,
Pour ~mOM!'f.MC.
° Pour ~'N;f)B;ifC.
Sur-lo-chajup, à rinstaut.
Par guet-apens, de fait prémédite.
LE PREBSTRE.
Vuide dehors, fol, insensé,
Car il est bien temps qnc tu partes
LE PELLETIER.
Et je feray. Tes Cebvres quartes
LE PREBSTRE.
Et qui te puissent espouser
LE PELLETIER, à lui-même.
Je ne sçay plus que proposer.
Que maudit soit de Dieu le prebstre
LE PREBSTRE, à lui-mSme.
MaisIe\UainpaiI);)rd!
· LE PELLETIER, à lui-même.
Qup)_maistr8'
Seray-je trompé en ce poinct
Au prêtre.
J'entends LÎcn tout il
ne fault point
Traisner festu devant vieil chat
Car celuy qui a fait l'achapt
Des pannes, et vous, c'est tout un.

LE PREBSTRE.
Tu as menty
LE PELLETIER.
J'en croy chascun
Que si, et que vous avez tort.

LE PIIEBSTRE.
Et le diable, sire, m'emport
Si jamais le vis que a eeste heure

Locution proverbiale signiHant il ne faut Y<as essayer de


me faire prendrele change, me tendre un pipge.
LEPELLETfEK.
Ah je prie Dieu quiil me seqneure
LE PREBSTRE.
Il dit qu'il est vostre voisin.
LE PELLETIER.
Il m'a dit qu'il est mon cousin.
Le diable einport le cousinage
Et tous ceux de son parentage
Mais la maniere d'y pourvoit'?

LE PREBSTRE.
AHezuia taverne veoir
S'il y seroit allé, ainsi
Qu'il m'a dit?
LE rELLETlER.
Voire; mais aussi,
S'il y est, et vous me mentez,
H faudra que me contentez;
Car, par ma foy, je m'en revien
Incontinent à vous. H sort.

LE PKEBSTRE seul.
Bien, Lien
Qui me trouvera, si me preigne
Mais comment ce paillard m'engaigne
Quant je l'ay cuidé confesser;
Et brief, je n'y sçay que penser
Ou s'il est sot, ou si cest homme
L'a trompé? Toutesfois, en somme,
Quoy qu'il en soit, en bonne foy,
Je n'iray pas disncr chez moy,
Car il viendra au presbytere,
w

Se moque de moi, me trompe.


Au sortir d'iey,agrand erre',
S'il ne trouve son homme là;
Ef, pour la douhte de ce):)
M'en voys disner chez ma commère.
J'en scray quicte pour le hoire,
Se trop longuement y sejourne,
Et adieu, se je ne retourne.

En toute hâte, tout courant


'Parla crainteque j'ai do cc)a.
1

Kt FiXE LE KOnVEiU PATHUL~


dh 1

LE
E

TESTAMENT DE PATELIN
PRÉFACE DE FËDITEUR

TTestament de Pathelin, qui n'est point assurément


Ldu même auteur que la farce de M<M<MPierre Pa<f'M,
a pourtant été souvent réimprimé avec elle dans les an-
ciennes éditions. L'histoire littéraire n'a pas confondu en-
semble ces deux farces, qui sont loin (l'avoirla même im-
portance mais elle a presque oublié la dernière, qui ne
ligure que pour mémoire dans les annales du Théâtre. Il y
a même des bibliographes, tels que de Beauchamps, de
Leris, etc., qui n'ont pas même l'air de la connaître, quoique
le premier l'ait citée en rapportant le titre amphibologi-
que de l'édition publiée par Coustelier en 1723 f~s ftM'M*
de maistre Pierre Pathelin, ct'cc soit Tf~cmfKt,à ~Mah'~
pH'M)!na~r<'s. On pourrait croire qu'il s'agit d'un opuscule
en vers, dans le genre du TM/an!fK< de Sillon.
Ce T~a)M):< de Villon, le Petit ou le Grand, fut sans
doute le modèle ou plutôt l'origine du TM<cn:en< de Pa-
thelin. Sillon, condamné pour ses méfaits, avait fait mine
de se repentir à l'approche de la vilaine mort qui le me-
naçait, et, quoique toutes les parties de son Testament,
moitié sérieux et moitié bouffon, ne fussent pas trop édi-
fiantes, on y trouvait pourtant une apparence d'amende
honorable, qui, tout en faisant rire, inspirait de la pitM
pour le criminel pénitent. On pensa donc que Pathelin,
qui n'avait pas fait dans sa vie moins de dupes que Villon,
t qui peut-être eut mérité pis, s'il fùt tombé sous la main
de la justice, devait se repentir aussi à l'heure de la mort
et faire un testament pour l'édification des bonnes âmes.
De là cette farce ou cette histoire dialoguée des derniers
moments de maître Pierre. C'est une espèce d'épilogue
moral, ajouté aux deux véritables farces de l'Ancien et du
NoM~M Pathelin. Dans ce Testament de Pathelin, il n'y a
pas la plus légère intrigue, il n'y a pas même une donnée
dramatique en deux mots, Pathelin, dont la santé est
gravement altérée, n'en veut pas moins se rendre à l'au-
dience pour plaider; mais il se sent pris d'une faiblesse
qui l'oblige à retourner chez lui; là, il demande l'apothi-
caire, et Guillemette songe d'abord à avertir le curé
curé et apothicaire viennent assister le moribond; l'apo-
thicaire reconnaît en pareil cas l'inutilité de ses drogues,
et le curé s'efforce de convertir ce pécheur endurci. Pa-
thelin se confesse tant bien que mal, dicte un testament
joyeux que messire Jehan veut hi&n mettre sur le compte
du délire, et ensuite il expire après avoir eu le temps de
prendre ses dernières dispositions.
Ce n'est pas là une pièce de théâtre, mais c'est un cadre
Imaginé pouLfaire ressortir le caractère de Pathelin et
pour réunir une foule de mots plaisants, de proverbes po-
pulaires et de MMM;s, qui avaient le privilège d'exciter
le gros rire des spectateurs; on remarque <;à et la des em-
prunts plus ou moins reconnaissablesfaits aux deux Testa-
ments de A'Uton, ce qui a pu autoriser quelques critiques à
lui attribuer cette farce, dans laquelle on trouverait des
vers entiers appartenant à ce poète contemporain. Le tes-
tament que Pathelin dicte au curé, et qui était probable-
ment plus étendu à la représentationqu'il ne l'est dans les
imprimes, offre surtout de nombreuses réminiscences des
legs comiques et satiriques qui remplissent le GM~6? et le
Petit T~KMM~ de François Yillon. On a tout lieu de
croire que maître François et maître Pierre, dans la pen-
sée du peuple de Paris, étaient deux bons <MM~M~)MM de la
même famille, l'un plaidant, l'autre rimant, tous deux
trompant à qui mieux mieux.
Il faut avouer que le ÏM~M~K~ de P~MM e~t très-
Inférieur, comme fonds et comme forme, au ~VoM~M
~~f~'n,' mais, bien que ce ne soit pas une farce propre-
ment dite, puisque la maladie et la mort de Pathelin en
composent tout le mjct, on y trouve les qualités ordi-
naires des ouvrages littéraires de ce tcmps-ià, c'est-à-dire
la naïveté, la malice et la bouffonnerie. Il y :) aussi dans
le rôle de Patliclin d'excellents détails de caractère et
parfois une fine observation du cœur humain.
Génin, bien enteudu, n'a rien vu de tout cela il se fut
crevé les yeux pour ne pas admirer autre chose que l'an-
cienne farte de Pathelin, qu'il a étudiée exclusivement
toute sa vie [car, dans son examen de baccalauréat, à l'âge
de dix-sept ans, il avait eu déjà le bonheur de débiter
son fa/MM) Gcnin, toujours injuste et paradoxal par
système, a foulé aux pieds le T'M/em~ de Pathelin et le
JYoM~aK 7*a//<f/M «Je ne parlerai guère, dit-il, que
pour mémoire de deux imitations de la farce de Pathelin
en français; toutes deux, à mon avis, postérieures de
beaucoup à l'original et plus inférieures encore en mé-
rite. Dans la première (le TM<sm~H<), nous voyons
Pathelin, toujours occupé de sacs et de procès, tomber
malade entre les bras de sa femme. L'apothicaire lui ap-
porte des drogues messire Jean veut lui donner les sa-
crements, et il meurt après avoir fait un testament sati-
rique dans le genre de celui de Villon. Cette forme de
plaisanterie fut longtemps à la mode et parait avoir été
trcs-goûtee de nos bons aïeux du moyen âge. Il est aisé
de voir qne c'est ici le bel endroit de la pièce, composée
tout exprès pour amener ces excellentes plaisanteries. ))
Puis, Génin cite cinq strophes du Testament, qui ne sont
pas indignes, quoi qu'il en dise, du fameux T'M/CMt'n~ de
Villon.
Villon n'est pourtant pas l'auteur du 'fS<m)MH< de f'<ir-
thelin. On ne saurait à qui attribuer cette farce, qui fut
composée vraisemblablement, vers l'HiOou ~{00, par uu
des poètes ordinaires de quelque troupe de la Bazoche ou
des Enfants-sans-souci. Nous n'avons découvert, dans )a
pièce même, aucun indice qui puisse nous servir à fixer
une date à peu près certaine.La date de 1520, que proposent
les frères Parfaict dans leur //M<f)!<' f~ <M~'e/hMfOM,
est trop éloignée de celle de la grande vogue du premier
Pathelin, qui fut joué vers 1470 « Cette farce, dit de
Beauchamps dans ses jB~c/Y'/iM Mr les /AftM)'M, fut
presque la seule qui eut du succès à )')K)tc) de Bourgogne
rEKBMTl'Mjs DE YixGT ANS. « Ce succès était du, il est per-
mis de le supposer, au talent de l'acteur qui jouait les
rôles de Patlielia; mais l'Histoire du TIi&'ttre n'a pas
même enregistre le nom de cet acteur, qui, p<?;i</t!H< plits
de t'M~ <?;M, attira la foule aux représentationsde cette
farceimmortelle. Est-ce Jean du Pont-Alais, qui s'intitulait
chef et maître des joueurs de moralités et de farces à Paris,
et qui du haut de ses tréteaux des Halles osa~t tenir tête
son voisin le curé de Saint-Eustadie? Est-ce Jean Serre
M'MHM! ~'eKfMt' de farces, dont Clément Marot a rimé
t'epitaplie\ersl530?
Cy-dessous gist et loge en terre
Ce très-gentil fallot Jean Serre,
Qu'toutptaisiraUoiLst~ant,
Et gt'andjoucurendn vivant;
KonF3~Joueurdcdez.ncquiHcs,
Mais de belles farces gentiHes~
Auquel jeu jamais ne perdit,
Mui~ygagnabruit.et crédit,
Aniour et populaire estime,
plus que d'e:icuz, conintG estime.
LE

TESTAMENT DE PATHELIN
A QUATRE PERSONNAGES

c'est à'sçavoir
PATHELIN,
GUILLEMETTE,
L'ArOTICAIRE,
Messire JEHAN )e curt;.

MAISTREFfERRE commence.
Qui riens n'a plus
que sa cornette,
Gueres ne vault le remenant.
Sang Heu'vccy bonne sornette'l
Ou estes-vous, hau, Guillemette ?
Dieux~s'Hvousp)aist,venezavant?
Qui riens n'a plus que sa cornette,
Gueres ne vault le remenant.
GUILLEMETTE.
Que vous fault-il ?
PATHEHN.
Tout niamtenant,
Le sac à mes causes perdues.
Vistement, sans plus de tenues
Délais, lenteurs; en termes de trictrac, la <mMest la titua-
tiotrdu joueur qui tient, c'est-à-dire qui, ayant gagné ounotr,
ne se retire pas du jeu.
Despechez car je n'attens
!es despens,
Qn~a faire fauxor
Ainsy comme' raison est dcue.
''i)ea,pourtant,sej'ay'!a!)ar!ue,
t)c.sormais je suis un vieillard
Nomme Pathelin PatrouiUart
Qui tres-lMultfmpnt vous sa~ue.
Las! qu'est la saison devenue ?
Puis dix an:, en ma conscience,
Je pçrds maintenant patience;
Car je souloye gaigner francx,
Là où ne gaigne pftis 'Nancz 5.
Praticque si ne vault pas maille.
Hau, Guillemette?
GCHLENETTE.
Comment il bâil1e 1
Que'demandez-vous,maistre Pierre?
'FATHEMN.
Ne m'estes-ïous pas allé querro
Le sac où sont mes escriptures?

GUtHEMETTE.
Et ouy.
PATHEHN.
Atoutesadventures,
Apportez ayec mes lunettes
Et gardez qb'eUes soient nettes.
Sus, hastez-yous dé revenir
Car aujourd'huy me fault tenir
Le siege en nostre auditoire..

'Pour:
? Ce surnom indique un avocat qui patauge, qui toucha il
tout' et n'avance rien.
Menue monnaie le petit Mane était un dénier de binon.
GCHLEMETTE.
Et dictes-vous?
PATttELIK.
Hestnotoire
Et certain, par mon sacrement
Je vous pry, faictes prestement.
Tout est dedans .mon escriptoira,
Surloeomptouer?
GUtH.EMETTE.
Dieu! quel mémoire!
Arsoir le mistes sur le Ijanc,
Vostre sac? Bref, à parler franc,
Vous vous tronbtezd'ath'ocasscr;
x
Et ne pf~'ez riens amasser, `
Pour procès que à mener avez
PAT)IEHN.
N'amye, et puis que vous sçavez
Où tout est, apportez-lcs-moy,
Et je vous donray, par ma foy,
Je !? sçay quoy que je vous garde ?
GUILLEMETTE.
Les m'avez-vous hailtez en garde ?
Par Dieu vpicy bonne farcerie!
PATHEHK.
Ma femme, ma tres-douice amye,
Irez-vous point'querir mon sac
A mes causes?

'Pour /)M'rM:r; c'est encore )'e!prf"~ioii populaire.


AUujiionà ces vers de là farce deJ~t'<«' P/crre Ps<A~t(c!-
<iessus,p.l9).
Pour quelque paine qttê jt' meUn
Ae&bnsscr.ne'ramasser,
Nous ne pouvons rien amasser.
GUILLEMETTE.
Ilostpassëaubac',i,
Maistre Pierre, par Nostre Dame 1
PATHELIN..
Héias despecliez-vous,ma femme
Il est jà tard, l'heure s'approche.
Fauldray-je enhuy ~? Las! quel reproche
J'aurty des autres assistans
Ça, mon sac je vous attens
Ou dictes se ne l'auray point?

GUILLEMETTE.
Je ne sçay quén* mouschevous poinct.
Par Mluy Dieu qui me nst naistre,
Je cuyde que, se estiez prebstre,
Vous ne chanteriez que de sacz
Et de lettres
PATHEMN.
Que de fatras!
Envousyapeu.desçavoir,
Somme toute, je veuil avoir,
Mon sac: il faut que je m'en voisnj
C'est la façon de ma bourgeoise,
De riens faire, se ne luy plaist.
GCtI.LEMETTË.
Or, tenez! de par Dieu, ce soit
Vela toute vostre Lesongne;
PATHEHN.
Par Nostre Da.me de Boulongne
Vous valez moins que n'R cuydoyé.
Locution proverbM~, signifiant il est bien loin, H est à
vau-t'Mu!
Manquerai-je à l'audience aujourd'hui?
3 C'était sans doute le serment favori de l'avocat Pathelin;
voy., ci-dessus, p. 93. L'image miraculeuse de Notre-Dame, à
Boulogno-sur-Her, attirait uue immense quantité de pèlerins
depuis le onzième siècle.
Mais sçavez-vous que je pensoye,
Devant qu'aller un l'auditoire ?
Je ne sçay que faire de'boire
Un horion c'est le plus seur.
GUILLEMETTE.
Pourquoy n'estes-vous pas asseur ?
Vous doubtez-vous d'aucune chose,
Maistre Pierre?
PATnEUN.
Je présuppose
Que le temps ne soit dangereux4:
Et, d'autre part, je suis jà vieulx
Cela faict à considérer.
SUtHEMETTE.
Sus, sus, il faut délibérer
Ne pensez qu'à faire grant chère ?
PATIIELI N.
Ainsi ne fais-je, m'amye chere
Gardez tout jusques au retour.
GUILLEMETTE.
Ne faietes gueres de sejour;
Revenez disner à l'bpstel?
PATHEHN.
SI ft-ray-je tenez-le tel.
Seurement, je n'y fauldray pas
Aux plaids je m'en voys tout le pas,
Mon baston noilleux en ma main.
Jour est assigné à demain
Contre un homme de la Voirie.
Audience.
C'est-à-dire je m'ahbtieni!rtu même de boire une lampée.
~rour:<H'.Mff< rasais,tranquille.
~Makjin.
~L'editiondeGueutettc porto: ~ftMf..
,° Ici Pathelin ~ort de ta maison et ~e parle à lui-même en
marchant.
"'Noueux.
L'entendement si me varie
Ce n'est pas ce que je demande.
ColinThevotestent'amende,
Et aussi ThibauttBoutegourt,
S'ils ne comparent'versla Court,
En la somme de cent tournois.
Appâtez Ja femme au Dannois
Contre sa voysine Machault
Ou mises seront en deffautt,
S'ilz ne viennent appertoment?
Messeigneurs, oyez ra~pointoncnt
Enhuy donne en nostre Court
< Fut present Mathetin le Sourt,
Attourné 2 de Gaultier fait-ny.ent~ x
Qu'est cecy? Dea, nully 4 ne vient
Seray-je cy longtemps sans feu ?
Sainct Jehan! je n'entens point ce jeu!
Quoy je me sens un petit fade, `
Et crains que ne soye malade
Je me tiens fort foyble et -cassé.
A mon liostel, par sainct Mace 1
Je m'en revoys tout bellement °.
Hau, Guillemette! appertement,
Venez à moy; ou je me meurs!
GUILLEMETTE.
Et dont vous viennent ces doufcurs
Que vous s~ujTrez, mon doulx amy?

*rour:f0~</n~x~
Accompagnaassisté.
Sobriquet, pour /ïj!(i!~f, faignant.
*Pour:K;dutatin,n!
~Kous ne connaissons pas
ans doute un nom corrompu par
t!c.
la
dans le martyrologe. C'est
légende populaire connue
saint.Macaii'c.ousam~Maiachic.ousaintMachaht'c.ousaint.
Matthieu,etc.
Ici i'atîiclin retourne chez lui et frappe à la porte de~a
maison.
PATHELIN.
Je suis demeure et Mily';
Et cuide que la mort m'assault.
Venez à moy Le cueur me fault.
Je vouisisse un peu reposer
Sur mon lict.
GHtLLEMETTE.
Je ne puis gloser 2,
Dont vous procede tel meschef~!

PATHELIN.
Aussi, ne scay-je. Un couvrechef,
Ma mye, pour mettre en la teste?
Voirement, il est enhuy feste
Pour moy Dois-je point desjuner?
Un peu de brouet à humer ?
Je suis basi 5, se Dieu ne m'ayde
CUfJLLEMETTE.
Pour vous donner quelque remede,
Feray-jevenir l'Apoticaire?
PATHELIN.
Baillez donc premier à boire,
Et mettez cuire une poire,.
Pour sçavoir s'il m'amendera s 9?
GUILLEMETTE.
Ayez en Dieu bonne mémoire

C'est-à-dire je mis resté en route et tombé en défai)-


Jance.
~Deviner,soupçonner,dire.
Mat âubit,mésaventure.
BoutHon gra~, potage.
° Mis à bas. t'eut-ctre faut-il lire: r~, pour: ra~. j) y.), dans
une édition {;othique:<My.
° Si ceta me feradu bien, me guérira.
Et ainsy, comme je puis croire,
Vostre douleur allégera.
PATHEHN.
Las Guulemette, qui sçaura
Trouver, que ce soit cj< ou là,
Que j'aye une fois de bon vin?
Ou mourir il me conviendra1
De faulte point il n'y aura
Car je me sens près de la Un.
GUILLEMETTE.
Ha maistre Pierre Pathelin,
Le droict 1 joueur de jobelin
Ayez en Dieu confidence
Point ne vous fault de médecin,
Se près estes de vostre fin
Pensez de vostre conscience?
PATHELIN.
Las Guillemette Ma science,
Qui procede de sapience~,
Est, se je meurs, pour moy perdue.
GUIILÊMETTE.
!1 est vray, par ma conscience.
Il faut prendre en gré, quant j'y pense
Ceste reigle est à tous due
PATHELIN.
Un peu la main?. Le front me suc,
De fine frayeur; je tressue, ·

1 Vrai, vërItaMe.
Sot, niais, nigaud, dont on se~o&~ ou moque. On tlit encore
dans le même sens un moqueur de sots.
~Du latin sapientia. C'c~t ici la connaissance du droit et de
la chicane. On appelait la normandie ~f~~ de sapience.
Comme Jitin j~< M~c.y~
C'est qu'il faut que chacun meure.
Tant je doubte* a passer le pas.
Je n'yray plus à la cohue
Où chascun jour on brait et hue*!
Sej'aHoyedevieâtrespas.
Tout beau, ma chère amye! hetas!
Choyez-moy Certes,je dectine
GUtI.I.EMETTE.
Jesus mon amy!
y
rATnBUK.
Gui[!e)ninc,
Se je mouroye tout maintenant,
Je mourroye de la mort Ru)ant~.
A peine je puis papyer*
Je vous pry que j'aye à pyer5
Un coup de.que!q~)e bon vin vieulx ?
Et vous despechex car j'en veulx.
Le nouveau si m'est fb)'t contraire.
GUULLEMETTE.
lia maistre Pierre, il vous fault taire.
Vous vous rompez tout le cerveau.
t'ATnEHN.
N'apportez point de vin nouveau
CarIlfuictavoiriaM~OS~.
Etsivouspry.
Je crains,j'aj'pr~hendc.
C'c&t ~-d!re ]e palais, l'audience.
C'e~t-a-dire de h-oif; car, dans les anciennes épopées,
paladin Roland, assailli à Roncevauxpar les Sarrasins, qui pour-
suivaient l'armée de r.hark'magne, souffre tellement de la soif,
qu'il cherche à l'ctattchef en ~buvant le sang de ses btûssurcs.
Ou pepirr, pialler, crier. C'est un vers du Gf<M<< 7't".<<'BM~<
de Villon qui dit B' ta soixante-neuvième strophe
Jf scns mon cueur qui s'aubibUst,
EtptusJGnepuyspnpYcr.
Boire; du grec TCtîtv.
Ce qu'on appelle encore familièrement la cottraK~r.
GUHLEMETIE.
Dequoy?
PA.T!!EHX.
Que tost
Vous allez quure le prchstre.
Et puis après, allez chez maistre
A)I)jorum t'apoticaire
Qu'il vienne à moy carj'ay affaire
De luy très-nécessairement.
Et vous liastez car autrement =
Je mourray, se l'on n'y prent garde.
GDILLEMETTE.
Las! maistre Pierre, fort me tarde
Que jà ne sont icy tous deux
Souvienuo-vous du Hoy des cieulx,
Qui pour nous en croix mort souffrit.
PATHELtN.
On vous entent bien il souffit!
J'en auray bien tousjours mémoire.
Mais pourtant laissez-moy à boire,
Avant qu'a)leraceC!a'e.
Je ne vueil cidre ne père `
Bien au vin je me passeray.
GUILLEMETTE.
Tousjours du tuieu)x que je scauray,
Feray pour vous jusqu'au mourir.
Je voys nostre Curé quérir
C'est messire Jehan Langete.

Fobriquet qu'on Jonn~it a)OM anx BOjts infatués d eux-mt-

ce titre ~i/~o~M ~H~ de ~CH~ se ?Mf~/cf~


mM<!fM~t<e<f;!t/m'N.Ë<]it.Goth.
&f~
mes. U y a une pièce de vers, attribuée à Pierre Grhigorc, nous
~t*
'Lerrt''trecti'Apnthicaire.
~rour:c/f!o~
FATJEfEt.m.
Sang bieu On m'a le vin mesM
Ou il faut dire qu'il s'esventc.
Je ne sçay quel vingt ne que trente.
Je n'en puis plus, à brief parler.
GOtL~EHETTE.
Je ne s~ay où pouEray aller,
Pour plustom un voyage faim.
Je m'en voys chez l'Apoticaire;
Puis j'iray chez messire Jehan.
Bo~i soir, sire
L'APOTICAtRE.
Et vous, bon an,
Vrayement, ma mye, et Lonnu estreine 1
Qui a-il?
GntLLEMETTE.
? Soucy et peine,
Quoy
Se vous n'y mettez hrief remede.
L'APOTICAIRE.
Touchant quoy?
GUILLEMETTE.
Ua! tant je suis vaine
L'APOTtCAtRE.
Qui a-il ?
GUILLEMETTE.
Quoy ? Soucy et peine
L'APOTICA!RE.
Vous plaignez-vous,de teste saine ?
Dictes vostre cas, qu'on vous ayde ?
Qui a-il ?

La scène est maintenant chez l'Apothicaire.


*Faib!e,J&faUhnte.
GUILLEMETTE.
peine,
Quoy? So,ucy et
Se vous n'y mettez brief remède.
Sans plus que sermonne, ne plaide,
Mon mary si tend à la fin.
L'APOTtCAtRE.
Quel mary ? _J
GCILLEMETTE'.
LeLonPathelin,
Mou amy. On n'y attend vie.
Je V)us pry qu'on y Temedie,
Sans espargneror, ne argent.
L'APOTICAtRE.
Pas n'ay paour de vostre payement
Je feray pour vous le possible.
GUILLEMETTE.
Il est en continue terrible
Venez bien tost le visiter?
L' APOTICA IRE.
Je m'y en voys, sans arrester
Tenez-vous-en toute asseurée.
'GCM.I.ENETTE~.
J'ay bien faiet longue demeurée~
Penser me fault de retourner.
Je ne sçay Ait pourray finer
De nostre curé, à ceste heure ?
Aller me fault où demeure.
Je le voy:<j[U'ii fait layde chère*!
'Lemot~i'~estsous-cntenLtu.
*tciGui)Iemette sort de la boutique de l'Apothicaire pour
alIet'cîiGzleCurG.
C'est-dire je buis restée tongtemps cha l'Apothicaire.
*Vi)ainogt'inface.
A sa main tient son breviaire.
Boujour, monsieur Deux motz à vous?
MESSIRE JEHAN.
Guillemette, tout doulx, tout doutx.
Comme vous estes effroyée1
GOtt.LEMETTE.
Ha! je suis la p)us"desvoyëe'
Ou n'attend vie a mon mary

MESSIRE JËffti').
Est-il si fort malade?
GCtLLEMETTE.
Ouy.
Certes, ce devez-voussçavoir.
MESSIRE JEBAN.
Je le veuil doncfjucs aUer veoir.
GUtLLEMETTE.
Maintenant.
· MESSinE JEnAK.
J'y courray grant erre
L'APOT:CA!RE arrive chez PatMm et luy dit
Que faictes-vous, hau, maislre Pierre ?
Commentse porte la santé ?
PATHEHS,
Je ne sçay, par ma loyauté
Je me voutoye laisser mourir.
L'APOTICAIRE.
Etje viens pour vnus secourir.
Où vous tient vostre maladie ?

Éperdue, égarée, désolée.


*GraBdtra!n.
PATHELIN.
Ha! devant que je vous le die,
Donnez-moy à boire un horion,
[Oyez-vous, maistre Atiborunt ?)
Avant que ma femme revie~gne ?
L''APOTICA.1EE.
Jesus, en bon propos, vous tienne,
Mon amy Vous estes fort bas.
PATHEUtt.
Où est Guillemette?
L'APOTICAIRE.
EHen''y.estpas:
Elle est allée un peu en ville.
PATHEMN
Or, selon vostre usaige et stille,
Comme sommes-nous de la lune?
L~APOTtCAUtE.
Au tiers quartier.
PATnELIK~.
J'en ay pour lune*.
Ne viendra meshuy Guillemette?
Ea malle estraine Dieu la mette 1
Se je le vueil, qu'elle demeure1
GUILLEMETTE.
Je reviens.
<
L'AFOTICAmE.
A la très-bonne heure
GpmEMETTE arrive avec le Cure.
Maistre Pierre, vecy venir

n'est-t-dire je n'irai pas ju~qu'~ la no~teUe hnc.


Messire Jeban, qui, sans plus tenir,
Est tout prest de vous ordonner'
PATHELIY.
H nous fault doncqucs chopiner,
Par accord, de tout le meilleur.
MESSIRE JEEAt!.
Comment le fait le bon scigtteur'?
Va-il ne avant, ne arriere?
PATHELIN.
GuiUemeth',al'huys derrière,
Quelqu'un m'apporte de l'argent ?
MESSIRE JEnAN.
Dieu benye, Dieu gard, bonne gent 1
Comment se porte ce malade?
PATnEHN
AHez-moy querre ma salades,
Ma mye, pour armer ma teste?1

GUILLEMETTE.
Et, par Dieu, vous estes bien Leste
C'est messire Jehan qui vous vient veoir.
PAïnEHN.
Dopar Dieu, faictcs-Ic seoir,
Et puis on parlera à luy.
MESSIKEJEnAN.
Mai~tre Pierre, je suis celuy
Qui service vous vauldroit faire.
L'APOTtCAtRE.
Maistre Pierre, s'en vostre affaire

Mettre en ordre votre conscience.


Comment :c porte le pauvre homme!
Casque &ans visière que portaient les francs-archers.
Ne pensez, vous vous en allez
Dictes-moy se point vous voulez
User de quelque medecine? 'l

PATHELIN.
Je ne veutx faisant, paon, ne cigne
J'ay t'appetit à ung poussin.
L'APOTtCAtr.E.
User vous fautt de succre (m,
Pour faire en aucr tout ce flume '?
PATIIELIN.
Guillemette, que l'en me plumee
Les deux oyseaulx que vous sçavez
GUILLEMETTE.
Je cuyde, moy, que vous t't'svez
Penser fault de vous mettre apoinct*?
L'At'OTtCAtRE.
Brief, il neluy amende point
Mais va toujours de mal en pis.
FATHEHN.
Une escuellée de bons coulis,
Seroit-ce point bonne viande
Pour moy?
I/APOTICAIEE.
Ung pou do laict d'amande
Vous seroit mei))e~r a humer.
PATnEI.IN.
Si est-il bon à présumer
Qu'a peine je pourroye le prendre.

Pour /?f~M~, ftegme, Hcgmon.


C'est-&-dire de vous préparer & mout'tr.
C'e~,ahi§i qu'on ~pronon~aH le mot peu.
GUILLEMETTE.
Au surplus, il vous fault entendre
A vous confesservistement,
Et faire un mot de testament
Ainsi doibt faire tout chrestien.
PATHELIN.
Or çà, vrayement, je le vueil bien.
Faictes nostre curé venir?
JEHAN.
MESSIRE
Ça~maistre Pierre, souvenir
Vous convient de vos maulx passez?
PATHELIN.
Je les ay pieça laissez
A ceulx qui n'en avoycnt point.
MESSIRE JECA.N.
Las, mon amy, Jesus vous doint
Avoir de luy bonne memoire,
'Affin qu'avoir puissiez la gloire
En laquelle tous ont fiance
Ayez, en après, souvenance
De tous les maulx que fistes oncquos..
Dictes après moy?
PATHELIN.
Or sus doncques.
Je vous suivray, en verité.
MESSIRE )EHAN.
Or dictes B~Mth'c~e ?
PATUELtN.
Be?:ct!M:'<e, monseigneur
MESSIRE JEHAN.
Et voicy une grande tiédeur
Scav'ous~ respondre Dom~us?
Mufaits, pèches.
Pour Mt'M-MM, par eU!p'e.
PATHELIN.
Par ma foy, je n'en congnois nulz,
Affin que le vray vous en dyes.
MESSIRE JEEAN.
Confesser vous fault des ouyes,
Des yeux, du nez, et de la bouche.
PATHELIN.
Jamais à telles gens n'attouche;
Car, puisqu'Dz ont bouche, ilz ont dents
Se je boutois mon doigt dedans,
Hz me pourroient jusqu'au sang mordre.
MESSIRE JEHAN.
En cest homme-cy n'a point d'ordre;
Il a tout le cerveau trouMë.
PATHELIN.
Dea, dictes? Je n'ay rien emblé.
Tout mon argent est en la Seine
MESSIRE JEHAN.
Dieu par sa grace le ramaine
Et le radresse en son bon sens
PATHELIN.
Messire Jehan, qu'est-ce que je sens?'>
Pain fleury ou tourte en pnsie ?
Qu'on me baille trois coups de peUc
A ce chat que voy cy grimper!
Il fault ung peu le moust happer,
Curé? Car je ne beuz pieça.
1 Cette plaisanterie
prouve que la farce fut faite et jouée,
sinon à Paris, du moins dans une ].oca]ite voisine de la Seine,
sans doute à Houen.Voy.ci-après, p. 205 et 208. L'édition de
Gueulette mef. ici M'o~nc, pour aveine, du latin avena.
On prononçait ainsi lemot
Vin nouveau, du bas latin MM~M~.
poisle.
MESSIRE JEIIAN.
Je ne vy, puis dix ans en çà,
Homme si plain defantasie!
Or çà; vous confessez-vous mye
De ceulx que vous avez trompez ?
PATHEHN.
Si ne s'y fussent pas boutez;*
Je ne les alloye mye querro.
MESStRE JEEAN.
!I vous convient pardon requerre,
De très-bon cueur, à Dieu le Pere?
PATBEHN.
Vraïemènt, si faisois-je à son Pere
Et à ses sainctes et ses saincts.
Ces femmes qui ont si grans sains,
Trop ne m'en puis esmcrveiUer
On n'a que faire d'oreiller,
Quant on est couché avec elles.
MESSIRE JEnAN.
Il parle de sains, de mamelles,
L'un parmy l'autre. C'est pitié
'II a le cerveau tout vuide
Je le douhte fort et le crains!
Confesser vous fault de voz mains,
Et de voz cinq sens de nature?
PATHELIN. <
Mises les ay à la ceincture,
Souvent en faisant le grobis
En disant aux gens Et t'O&M
Quant on me disoit Bo/M t!M

L'impartant, le gros monsieur; en se donnant un air grave


<;t rogue; en se faisant, pour ainsi dire, deuxfois gros.
KESS.IEE JEBAN.
LaissoastrLStoutceIaenpaix:
Et venons à parier des piedz
Qui ès faulx dieux vous ont portez
Car nul n'en fault laisser derrière.
PATHELIN.
Et comment? Est-ce la maniere?
Se faut-il de tout confesser?
MESSIRE JEIIAN.
Ouy, certainement, et penser
Aux douze articles de ia foy.
PATHELIN.
Quant à ceulx-là, je les congnoy
Je les nommeroyebien par ordre.
Brief, ilz n'ont garde de me mordre.
Ay que je suis en cha)eur grande!

MESSIREJEHAN.
En après, je vous fais demande
Avez-vous eu rien de l'autruy,
Qu'il vous souviengne ?
PATHELIN.
Hélas ouy.
Mais de le dire n'est mestier.
MESSir.EJEUAN.
Si est, vrayement.
PATHELIN.
C'est du Drappier,
Duquel j'eus cinq, dis-je, six aulnes
De drap, que en beaulx escusjaulites

Kous croyons que cette allocution étrange avait potlr objet


de préparer le malade à la cérémonie de l'Extrême-Onction,
dans laquelle le prêtre oint avec le saint-chrême les pieds eties
mains du moribond.
Luy promis et dévoyé payer
Incontinent, sans delayer.
Ainsy fut-it de moy content.
Mais je le trompay fautcement
Car oncques il n'en reeeut croix
Ne ne fera jamais.
MESSIRE JEHAN.
Toutesfois,
Ce n'est pas b~nne conscience.
PATHELIN.
!]fault qu'il preingne en pacienee
Car il n'en aura autre chuse.
MESSIRE JEHAS.
EtduBerper.?
PATHEHN.
Parler n'en ose.
MESSUtEJEnjLN.
Pourquoy cela ?
PATnELIN.
Pour mon honneur.
MESSIRE JEnAK.
Ethardymcnt?
rÀTt!EL[tf.
Mon dcshonncur
Si y perdroit à tonsjours-mais.
MESStnE JEnAK.
Et comme quoy?
rATtIELIK..
Pour ce qu'en Rce~
nmepayasuittitentent.
Pièce de monnaie, portant le !.igne de la croix au re\e'<.
I*our taj/f, parce que le Berger répondait 'e toute: !e.
demandes de son avocat. Voy. la Force de Jfoitt'f P~Mi't.
MESStEEJEHAN.
Par qui fut-ce ?
PATHELIN.
Parqui,vrayement?
Par moy qui Favoye introduit.
MESStREJEHAN
Je vous entens bien il souffit.
Trompeurs sont voutentiers trompez
Soit tost ou tard, au loing ou près.
Oultre, ne laissez riens derrière -?)
PATHELIN.
Et comment? Esse la maniere?
Se faut-ildu tout confesser?
MESSIRE JEBAN.
Ouy, certes, sans rien laisser,
Dont conscience vous remorde.
Des œuvres de miséricorde
Avez-vous les nuds revestus ?
PATHELIN.
Faulte de monnoye et d'escus,
M'en a garde et m'en confesse.
MESStREJEHAN.
Ainsi vostre confession cesse,
Et vous fault absolution.
Av'ous~ de toutfaict mention?
Requerrez-vousà Dieu mërcy ?
PATHELIN.
Hetas monseigneur, et aussi
A toute sa benoiste court
C'est-à-dire outre cela, ~ous n'oubliez aucun péché.
C'est-à-dire avez-vous fait l'aumône et des oeuvres de
charité?
~Pour:s-i'o~s.
C'est-à-dire & tous les liienlieureux, à to,us les saints du
paradis.
MESSIRE JEHAN.
C'est bien dit. Pour le faire court,
Guillemette, et vous, mon amy,
Vous voyez ce povre homme-cy
En grant langueur et maladie,
Près quasi de Enir sa vie.
Il veult faire son testament,
Cy, devant nous, présentement,
Sans fraulder ses hoirs et sa femme
Et, premier, commande son ame,
Comme bon catholique, à Dieu,
Pour avoir en paradis Heu.
Ainsi soit-il. Dictes .'imen ?
PATMEHN.
C'est très-bien dit, messire Jehan.
Mais, devant que rien en commence,
J'arrouserayma conscience.
Guillemette, donnez-moy boire.:
Et puis après, ayez mémoire
D'en presenter mon voysm ?
Et, s'il n'y a assez de vin,
Je vous pry, qu'on en voyse traire*.
MessireJehan, vostre escriptoire,
Et du papier? Si escripvez 1
GUILLEMETTE.
Regardez à qui vous tairrez ?
Je demourray povre et seulette
Icy commence Pathelin à faire son testament, en la manière*
qui s'ensuyt
PATHELIN.
Tout premier, à vous, Guillemette,

Pour tirer à la pièce.


C'est-Mire voyez & qui vous ieguere: quoique chose.
Ce testament est dans la forme et dans le goût des deux
TestamentsdcYiUon.
Qui sçavez où sont mes escus
Dedans la petite layette
Vous les aurez, s'ilz y sont plus.
Après, tous vrays gaudisseurs,
Bas percez gallans sans soucy,
Je leur laisse les rostisseurs,
Les bonnes tavernes aussi.
Aux quatre convens aussi,
Cordeliers, Carmes, Augustins,
Jacopins soient hors, ou soient ens
Je leur laisse tous bons lopins
Item je donne aux Filles-Dieu s,
A Sainct Amant 6, et aux Béguines~,

~ans argent.
Pour JMOHM.
Pour dedans.
Villon, strophe -158, de son Grant Tc&Mf~, parle aussi de
maints lopins
Qui se perdent aux Jacubihs.
Le couvent des Filles-Dieu avait été fondé par saint Louis
pour recueillir les femmes de mauvaise vie; .il était situé à
rentrée de la grande rue Saint-Denis, près du mur d'enceinte
de la ville, à l'endroit même que désigne encore h rue des
Filles-Dieu. Mais il s'agit ici d'un autre couvent, dans une ville
de province, sans doute à Rouen.
La célèbre abbaye de ?aint-Amand était à trois lieues de
Tournay mais il s'agit plutôt ici do la riche abbaye de ~aint-
Amand de Rouen, occupée par des religieuses bénédictines, à
qui la chronique scandaleuse attribuait des rapports peu édi-
tants avec leurs voisins les moines tic Saint-Oucn. Cependant
il faut remarquer que Villon qui avait eu S se plaindre d'un
certain Pierre Saint-Amantet surtout de la femme de ce dernier
personnage, les a cités tous deux, strophe 12 du Pf~'f Tesla-
)M)tf et strophe 87 du GnMi TM<<M!C;!<.
La communauté des béguines, instituée en Flandre dans le
douzième siècle, avait deux principaux couvents à Paris, celui
de l'Ave-)Iaria et celui de Saintc-Avoye, ainsi que 'des mai-
sons moinp importantes dans les principales villes de France.
La réputation de ces nonnains ctait loin d'être irréprochable
Et à toutes nonnains, le jeu
Qui se faiet à force d'eschines
Item je laisse à tous sergens,
Qui ne cessent, jour et sepmaine,
De prendre et de tromper les gens,
CItascun une fievre quartaine.
A tous ctopinours et yvrongnes,
Noter vueil que je leur laisse
Toutes goutes, crampes et rongnes,
Au poing, au costé, à la fesse.
Et, à FIbstel-Ditu de Rouen',
Laisse et donne, de franc vouloir,
Ma robbe grise que j'eus ouen~,
Et mon meschant chapperonnoir.
Après, à vous, mon conseiller,
Messire Jehan, sans truffe ou sornette,
Je vous laisse, pour faire oreiller,
Les deux fesses de Guillemette
Ma femme. (Cela est honneste?)

Et à vous, maistre Aliboruiii,


D'oingnementplain une boiste,

Villon, dans son Pelit 7'M<a)Kf(;f,itrotihe39


Item, aux QuatreMendiants,
Aux Filles-Dieuet aux Be~uin~s,
Savoureuxmorceaux et frians,
Chapons,pigeons, grasses gelines,
Et abattre pain à deux mains,
Et puis prescherles quinze S~nes
Carmes chevau!ehpntnos voysines;
Mais cela ne m'est que du mems.
Ce vers indiqueraitque la scène se passe à Rouen, ou du
moins que la farce fut faite pour tire représentée dans cette
ville, où les pièces de ce genre facétieux avaient un public piu3
nombreux et plus enthousiaste que partout ailleurs.
L'an passe, naguère.
Tromperie, mensonge.
Voire du pur tHtfCM/MMt,
Pour exposer SMprA CM ~<M:
De ces fillettes. Sans plus dire,
Chascun entend ceste raison
II n'est jà besoin de l'escripre.
C'est tout, messire Jeban.
MESSIRE JEBAN.
Or, bien, sire.
PATHELIN.
Guillemette?
GUILLEMETTE.
Quoy, maistre Pierre ?
PATHELIN.
Mon couvreclief ne tient point serre
Il est trop lasche par derrière.
EUILLEMETTE.
Il est bien.
PATHELIN.
Hée m'amye chère,
Je n'en puis plus, btief parler!
Par ma foy, je m'en vueil aller
Accomplissez mon testament.
GUILLEMETTE.
Las si feray-je vrayement
Où voulez-vous estre enterré ?
PATHELIN.
N'a-il plus rien au pot carré,
A boire, avant que trespasser?
GUILLEMETTE.
Deussiez-vousen ce pointfarcer,
Qui estes si près de la mort?
PATHEHN.
De la mort
GUILLEMETTE.
Voire.
PATHELIN.
J'ay doncques tort.t.
HESStBEJEnAN.
Au nom de sainct Pierre l'apostre,
Dictes où vous voulez que rostre
Corps soit bouté en sépulture?
PATHEHN.
En une cave, à l'adventure,
Dessoubz ung muid de vin de Beaulne
Puis, faictes faire en lettre jaulne,
Dessus moy, en beau pathelin
Cy repose et P~MEL~iY,
En son temps advocat sous /0!')H<
Conseiller de MOKSK'M)' de Corne
Et de damoiselle sa femme.
P)':MD!'eM~ue~a:<MMamf.'
Vous sçaurez bien tout cela faire?

MESSIRE JEBA.N.
Disposerfault du luminaire
En voulez-vous bien largement?

Cette épitaphe rappelle la vieiHe chanson populaire, i


connue:
Si je meurs, que l'on m'enterre
Dans la cave où est le vin,
Les deux pied: 4 la muraille
Et le nez sous le robin.
C'est-à-dire
en style patheHnoi~,
en tangage de Pathelin.
Ce vers, qui fait allusion à l'abbé des Cornards de Rouen,
semble indiquer que cette farce avait été composée pour la
ioyeuse confrérie des Comards,qui donnait des .représentations
dramatiques, dans cette ville, à l'époque du carnaval.
PATHELIN.
Pour quatre tiars seulement,
Prins sur le meilleur de mes biens.
Aussi, n'oubliez, pour riens;
A faire mes armes pourtraire. ·
Oyez que vous y ferez faire,
Peur ce qu'ayme la fleur du vin,
Trois belles grappes de raisin,
En un champ d'or, semé d'azur.
Je vous pry que j'en soye senr ?
Autre chose ne requiersplus.
GUILLEMETTE.
Ne pensez point à telz abus,
Mon amy pensez à vostre âme 1

PATHELIN.
Hélas Guillemette, ma femme
Il est, à ce coup, faict de moy
Jamais mot ne diray; parquoy,
La mort va faire son effort.

Maistre Pierre Palhelin meurt, à eeste heure.

GUILLEMETTE.
Ha! Nostre Dame de Montfot't*
Le bon maistre Pierre est basi
MESSIRE JEHAN.
Le remede est prier pour luy,

Cette invocation à 1~ Notre-Dame de Hontfort-&urUe.


trcs-vénerce des marins normands, prouveraitque la scène se
passé à Rouen ou du moins en Normandie.
C'est un mot d'argot, qui signifie défunt. Le peuple dit en-
core dans le même sens !'OtM un homme rasé!
Et r~MMscat in pare.
Oublier fault le temps passé.
Riens n'y vaultle desconrort t.
Despechez-vousde le porter,
De ce lieu, vistement en terre ?
Aliborum, qu'on le me serre
Derriere et devant ferme au corps ?
L'APOTICAIRE.
Que Dieu luy soit misericors s,
Et à tous ceulx qui sont en vieJ

GUILLERETTE.
Amen, et la Vierge Marie 1

MESSIRE JEUiK.
Or, pensons de le mettre en Lie~.
Jesus tuy soit misericors

GUILLEMETTE.
Retas! quant de luy me recors
Je suis amerement marrie 1

MESSIRE JEtIAK.
Que Dieu luy soit misericors
GUILLEMETTE.
Amen, et la Vierge Marie) 1

Découragement,désespoir.
Pour Btt's~nfor~'fiM.
a Il y a biere dans l'édition gothique, mais la rime nous
diquait un changement à faire. Bie Se disait pour n'f, dans,le
sens de voie, du latin via. Nous nous rappelons'aussiavoir vu
ce mot employé avec la signiticfttion de brouette, c/Mr~~f,'_du
latin M~a.
Pour recorilt, rappelle, ressouviens.
MESSIRE JEHAN.
Jesus luy soit misericors,
Et à tous ceulx qui sont fn vie 1
Adieu toute la Cotnpaignie

CY FIXE LE TESTAMENT DE PÀTHEUt.

Il s'adresse au:!pe.;tateuK. C'est te K<MtM<* « c«ic~ <!es


comédies latines.
MORALITÉ

I) E L'AVEU G LE
ET DU BOITEUX

PAR ANDRÉ DE LA VK.NE


PREFACE DE L'ÉDITEUR

<"<ETjE Moralité, qui a tous les caractères d'une farce, et


qui diffère de la plupart des moralités, proprementdites,
en ce qu'elle ne met pas en scène des personnages allégo-
riques, se trouve à la suite du ~f~/t'rc de saint ~cr/M,
dans un manuscrit de la Bibliothèque imperiatc, provenant
du duc de la Vallière et décrit dans le Catalogue de )a bi-
bliothèque de ce célèbre amateur, t. !1, p. H8, n" 3362. Ce
manuscrit Cht certainement l'original de l'auteur, qui l'avait
fait pour la represcnhtion du Mystère, joué publiquement
à Seurre, en Bourgogne, le lundi 10 octobre 1490. H con-
tient, outre le J~t'rc de saint illai-titi et la iMoratite que
nous réimprimons ici, la Farce dit iMMHye)', et « les noms
de cSux qui ont joue la Vie de monseigneur saint Martin, s
Le Mystère e~t encore inédit, mais la Moralité, et la Farce,
qui le suivent, ont été publiées, en 1831, par les soins de
H. Francisque Michel, dans la collection des PtM'.K'M ~o~i-
ques /)'anccMM(ParI', Silvestre, iu-8). M. Francisque Mi-
che) a publié aussi séparément le curieux procès-verbal de
la représentation, lui termine le volume et qui offre la si-
gnature de l'auteur iui-mcme, André de la Vigne.
André de la Vigne était un des poètes les plus renommes
de son temps Il s'est fait connaître surtout par un grand
ouvrage d'histoire, en vers et en prose, qu'il a compose en
collaboration aYee Octavien de Saint-Gelais, evequc d'An-
goulême Le rf/f~' d'/MHHfKr de l'entreprise et My~c
de Naples, imprimé pour la première fois à Paris, sans
date, vers 1499, et souvent réimprime depuis. Ce fut sans
doute à cet ouvrage et à l'amitié de son collaborateur épis-
copal, que le pauvre André ou Andry de la Vigne dut l'hon-
neur d'être nommé ora~H~ du roi de France Charles VfII
et secrétaire de ia reine Anne de Bretagne. H avait etc au-
paravant secrétaire du duc de Savoie.
Mais ces charges de cour ne l'avaicnt pas mis au-dessus
du besoin il était toujours dénué d'argent, quoique couche
sur l'état de la maison du roi et de la reine. Dans tes poé-
sies qui accompagnent son F~r~Mf d'honneur, il ne craint
pas d'avouer sa profondemisère. Ainsi, lorsqu'il prenait seu-
lement le titre de secrétaire du duc de Savoie, il disait à ce
prince

Comme celluy que ardant de~ir poinct,


Humble de cueur, désirant en court vivre,
Affin, chier bire, de venir à bon poinct,
Raison m'a fait composer quelque livre,
Lequel couste J'argûtit plus d'une livre,
Et pour ce donc qu'à mon fait je pourvo;e,
Sccourcz-moy~ ou lliospita! m'aboyé

Cent jours n'y a que j'c-'toyc bicucn poinct,


Hardy et coint, pour ma plaisance ensuivre
A ce coup-cy, n'ay robbe ne pourpoinct,
Resne, ne bride, cataverne, ne livre
Là, Dieu mcrcy, si ne suis-je pas yvre,
En faisant livre duquel argent je paye
Secourcz-moy,ou l'hospitai m'abuye

Le 'duc de Sa.vojjc.lc secourut sans doute, et André de la


Vigne n'alla point à l'hôpital, mais il n'en devint pas plus
riche, lorsqu'il s'intitulait Orateur du roi et Secrétaire de la
rcme. 'Voici un rondeau qu'il adresse à Charles VIII.

Mon très-chier sire, poùrm'achaneer en court,


De plusieurs vers je vous ay fait présent;
Si vous supplie de hou cueur en présent
Qu'ayez regard à mon argent tres-courL.
Les grans logis, où Rongeric tresc~u-t.,
M'ont fait d'habits et de chevaux exempt,
~!on tres-chiersire!
Mon esperance, pour ce, vers vous accourt,
Que vous soyez de mes maux appâtant,
Carescun'ay.quinesoitpcu pesant,
Et, qui pis vault, je plaidoye en la Court,
Nontrcs-chier~ire.
Ce poëte royal recevait pourtant des gages modiques,
qui lui étaient fort inexactement payés, comme tous ceux
des officiers et domestiques de l'hôtel du roi; il était donc
forcé d'avoir recours, pour vivre, à tous les expédients poé-
tiques qui pouvaient suppléer à l'insuffisance de sa pen-
sion. Il célébrait par des pièces de vers tous les événements
mémorables, et il adressait au roi ou à la reine, aux princes
ou aux grands seigneurs, ces poésies de circonstance, pour
obtenir quelques présents; il rimait des baUades en i'uùtt-
neur de )a sainte Vierge, et il les envoyait au Palinod de
Caen, au fuy de Rouen, et aux différents pM~ d'cmoK~
établis dans les principalesvilles de France, pour remporter
des prix de ~MM;'fnM; il compo'-ait des mystères, des
moralités et des farces, qu'il faisait représenter et dont il
était lui-même un des acteurs.
Nous croyons donc qu'il avait figure dans la confrérie
des Enfants-sans-souci, du moins à tY'pnque où il dirigea
la représentation solennelle du J~~rf de saint Martin.
dans la vulc de Seurre. Aucun.dc ses ouvrages dramatiques~"
ne fut imprimé de son vivant, du moins avec son nom.
Cetui-ci, qui nous fournit une BIoraUM et une Farce, ap-
partientincontestablement au répertoire des Enfants-sans-
souci ou de la Mère-Sotte, car les représentations scéni-
ques de ces deux troupes de comédiens se distinguaient
du théâtrepieux de la confrérie de ta Passion, en ce qu'elles
se composaient, à la fois, d'un Mystère, d'une Moralité et
d'une Farce.
lAjtffM~ f~M~e dit ~0<<M. comme nous
l'avoBs dit plus haut, s'écarte entièrement du genre ordi-
naire des moralités, qui eUticnt consacrées à des allégories
morales, souvent trcs-obseures, toujours très-froides et
quc)quefois trcs-ennuyeuses. On y voit, de même qne dans
un ancien faHiao~dont il exite de nombreuses imitations,
un aveugle et un boiteuxs'aider mutuellement et secourir
de la sorte leurs infirmités; le boiteux met ses yeux au ser-
vice de t'aveugle, lequel prête ses jambes au boiteux. Mais
tout à coup ces deux mendiants sont guéris malgré eux mi-
raculeusement par la grâce de saint Martin, et ils se désolent
ensemble, l'un d'avoir recouvre la vue, l'autre de retrouver
l'u'age de ses jambes; car ils perdent, avec leurs infirmités,
le droit de demander l'aumône et de vivre aux dépens des
âmes charitables.
H y a, dans.cette petite pièce, des idées comiques, des
mots plaisants, des vers naturels, en un mot, une franche
allure de gaieté gautoi'e mais le style d'André de la Vigne
n'est m correct ni élégant; on y rencontre aussi trop d'in-
souciance de la prosodie,qui, pour n'être pas encore fixée,
était déjà devinée et comprise par les oreilles délicates.
On peut supposer qu'André de la Vigne avait écrit d'au-
tres pièces de théâtre qui ne sont pas venues jusqu'à nous.
Au reste, la représentation solennelle donnée à Seurre,
en 1496, par la confrérie des Enfants-sans-souciou par celle
delà Mère-Sotte, prouve que ces deux confréries théâtrales
avaient des maîtres de~jeux, lesquels parcouraient la
France en s'arrêtant de ville en ville pour faire jouer leurs
pièces avec le concours des, habitants, qui non-seulement
leur fournissaient des acteurs et des spectateurs, mais
encore qui se chargeaient de tous les frais de mise en
~cene, de décors et de costumes. Ainsi Andr6j[e~Ia Vi-
gne avait lui-même mot!~ cette représentation, en qualité
d'auteur et de )M:~ du jeu.
MORAUTE t
DE L'AVEUGLE
ET DU BOITEUX

t L'AVEUGLE.
L'aumosne au povre (u~cteux
(juijamaisn~journevitgoucte!
LE BOITEUX.
Faictos quelque bien au boiteux,
Q~Luuger ne peut pour ta ~nuctc
L'AVEUGLE.
Helas je mourray cy sans duubk', ·
Pour la faulte d'un serviteur.
LE BOITEUX.
ChetHincr ne puis; somme toute.
Mon Dieu, soyez-moy protecteur!
L'AVEUGLE.
!te)as'tc[))auTaif.dct)'!K'teur~,
Qu'en ro lieu m'a laissp ainsi!

C'e~t-dirc ~s )'autn6nc au pauvre' manquant tte tout.


C'cs.t-4-dirc :Mfu! qui m'a t'~voyc, qui m'a f!h<m;f dcnm
route.
Ëntuyn'avoyehonconducteur:
Robé m'a; puis, m'a planté cy.
LE BOITEUX.
Bêlas! je suis en grant soucy
Meshuy~degaignermaviet 1
Partir ne me pourroye d'icy,
En eusse-je bien grant envie!
L'AVEUGLE.
Ma povreté est assouvie~,
S'en bneftetn.ps ne treuve u~g servant!'
LE BOITEUX.
Mateurte'*m'!)slfortsu\vif,
Qu'à elleje suis asservant~.
5.
L'AVEUGLE.
Pour bon service desservant,
Trouveray-jcpoint ungvaHet?
Ung bon en eus, en mon vivant,
Qui jadis s'appenoit GU)[et.
Seur estoit, combien qu'il fust let.
J'ay beaucoup perdu en sa mort.
Ptaisant estoit et nouveUet~.
Mautdite celle qui )'!t mot t
LE BOITEUX.
N'auray-je de nully confort?
Ayez pitié de moy, pour Dieu!

'Dérobé,volé.
Maintenant,désormais.
Perdue, réduite à l'extrémité.
'Mauvaise chance,matheur.
Asservi, esclave.
i\aif, innocent,neuf.NOK~K.
'C'e5t-a-dire:maudttcsoiti<tmort qui t'a mordu! Jeu de'
mots.
L'AVEUGLE.
Qui es-tu, qui te plains si fort?
Mon amy, tire-t'en ce lieu ?
LE BOITEUX.
Helas! je suis cy au milieu
Du chemin, où je n'ay puissance
D'aller avant. Ha! sainct Mathieu
Que j'ay de mal!
tt'AYEUGLE.
` Viens et t'advance
Par devers moy, pour ta plaisance?
Ung petit nous esjovrons.

LE BOITEUX..
De parler tu as bien Faysance!
-Jamais de bien ne joyrons!
L'AVEUGLE.
Viens à moy; grant cluere ferons,
S'ilplaist a Dieu de paradis!
A nully nous ne mefferons
Combien que soyons estourdis.

LE ~OtTEUX.
Mon amy, tu pers bien tes ditz.
D'icy bouger je ne sçauroye.
Que de Dieu soyent ceulx mauldit!,
Par qui je suis en telle voye 1
L'AVEUGLE.
S'à toy aller droit je pouvoye,
Content seroye de te porter
(Au moins, se la puissance avoye),

C'(!~t-&-Jirc nou!- nu hmnr tct'L à p~'rscnnp


Pour ung peu ton mal supporter;
Et, toy, pour me reconforter,
Me conduyroye de lieux en lieux ?

'LE BOITEUX.
De ce ne nous fault déporter
Possible n'est de dire micutx.
L'AVEUGLE.
A toy droit m'en voys, se je peux.
Voys-je bon chemin?
LE BOITEUX, f
Ouy, sans faiUe~.
L'AVEUGL)'
Pour ce que tomber je ne veulx,
A quatre piedz vautt micu!x que j'aille.
Voys-je bien?
LE BOITEUX.

moy.
Droit.comme une
Tu seras tantost devers
L'AVEUGLE.
caille.

Quant seray près, la main me baHie?


LE BOITEUX.
Aussi feray-je, par ma foy.
Tu ne vas pas bien, tourne-toy?
L'AVEUGLE..
Par deçà?
LE BOiTEUX.
Mais à la main destre.

C't~t-à-dirc Il ne faut pas nous écarter de ce plan de cun-


duite.
Sans faute.
L'AVEUGLE.
Ainsi?
LE BOITEUX.
Ouy.
L'AVEUGLE.
Je suis hors de moy.
Puisque jo te tiens, mon beau maistre,
Or çà, veuille-toy sur moy mcctrc
Je croy que bien te porteray.
LE BOITEUX.
A cela fault entremectre,
me
ruisaprtsjeteconuuyray.
L'AVEUGLE.
Es-tu bien?
LE BOITEUX.
Ouy, tout pour yray.
Garde bien de me laisser choir?
L'AVEUGLE.
Quant en ce point je le feray,
Jo_pryDieu qu'il mepuist mescboir*.
Maiscondxys-moybien?
LE BOITEUX.
Tout pour voir*.
A cela j'ay le serement
Tiens cecy; je feraydebvoir
De te conduyre seurement.
L'AVEUGLE.
lia dea, tu poises grandement!
D'ond vient cecy?
Je prie Dieu qu'il me puisse arrivermatheur.
\Ûuitraiment.
rour serinent. On pourrait croire qu'il faut lire ici /h
!'ft)MK<; ce quisignifierait pour m'aider a te conduire, j'ai mon
bâton ferré.
LE BOITEUX.
Cheminebien,
Et fais nostre cas sagement.
Entens-tu? Say!
L'AVEUGLE.
Ouy, combien
Que trop tu poises.
LE BOITEUX.
Et rien, rien;
Je suis plus legier qu'une plume,
Ventrpbieu!
L'AVEUGLE.
Tien-te bien, tien,
Se tu veulx que je te remplume?
Par le sainet Sang bieu! onc enclume
De mareschat si très-pesante
Ne fut! De grant chaleur je fume!
D'ond vient cecy?
f.E BOITEUX.
lIa! je me vante
Que charge jamais plus plaisante
Ne fut au monde, que tu as
Maintenant.
L'AVEUGLE'.
Mais plus desp)a!s:u)të?
Trois moys y a, que ne chyas?
LEBOITEPX.
M'aist Dieu, quant de ee ramas
Six jours a, par sainct Nycolas!
Que bien ne fus à mon retrect

'~rive, garde-robe.
L'AVEUGLE.
Etm'av'ous' 1 joué de rctrect~?
Par.mon serment! vous descendrez,
Et yrez faire aucun pourtraict
D'nng estron, où quu vous voutttrez.
LE BOtTEU.X.
Content suis~, pourvcu qu'atondrez
Que venu soye.
L'AVEUCLE.
Ouy, ouy, vrayement.
Sur ce poinct, le Boiteux descent, et l'Ofneial va veoir se les
moynes dorment et quant les chanoynesemportent le corps.
i]:' recommencentà parler
l~

Que dit-on de nom'eau ?

LE BOITEUX.
Comment
L'on dit des choses sumptueuses.
Ung sainct est mort nouvellement,
Qui faict des euvres merveiUeuscs.
MaDadies les plus peMUeuses
Que l'on scauroit penser ne dire,
n guerist, s'dtes soif joyeuses
Icy suis pour le contredire.

Pour m'avez-vous?
H y a ici un jeu de mots assez obscur; relrail est une ex-
pression du droit coutumier de Normandie, exprimant l'actionet
la faculté de retirer un héritage aligne. L'Aveugleveut dire au
Boiteux, qu'il a gardé indûmentles acquêts de ~on ventre.
J'y consensde bon cœur.
Ce jeu de scène, qui parait étranger à la moralité, sert à la
rattacher au Mystère de saint Martin, qu'elle suit immédiate-
ment on voit que le corps du saint était resté sur le théâtre,
lorsque l'Aveugle et le Boiteux y arrivaient,
C'est-a dire si les malade, supportent leurs maux avec ré-
signation.
L'AVEUr.) n.
Commentcela?
LE BOITEUX.* ·
Je n'en puis rire.
L'on dit que, s'il passoit par cy,
Que guery~eroye tout de tire
SemMaMementet vous aussi.
Venez çà s'il estoit ainsi
Que n'eussions ne mal ne douleur,
De vivre aurions plus grant soufy,
Que nous n~vons 1

L'AVEUGLE.
Pour le meillenr,
Et pour nous oster de ma)hM)r,
t
Jediroyeque.nousa!)issions*
Là où il est 3?
LE BOITEUX.
Se j'estoyo seur
Quedetoutnegarississons,
Bien le vouldroye. Mais que feussions
De tout gueris, rien n'en feray
Trop mieulx vauldroit que fuyssions
Bientost d'icy!
L'AVEUGLE.
Ça,dys-tuvray?
LE BOITEUX.
Quant seray gary, je mourray
y
De faim, car ung chascun dira

Tout d'une traite, d'un seul coup.


*Pour:<MMM.
C'ost-a-dire là où se trouve corps du saint qui fait <)''<
miracles.
«Allez, ourrez e Jamais n'yray
En lieu où cetuy Sainct sera.
S'en poinct suis l'on m'appellera
Truant~, en disant « Quel paillirt,
Pour mectre en gallée cela
Assez propre, miste et gaillart! e
L'AVEUGLE.
Oncques ne vys tel bahillart
Je confesse que tu as droit
Tu scais bien de ton babil l'art.
LE BOITEUX.
Je ne vouldroye point aller droict,
Ny aussi estre plus adroit
Que je suis, je le vous promectz.
f.'AVEUGLE.
Qu'aller la vouidroit se tordroitc,
Et pourtant n'y allons jamais.
LE BOITEUX.
Se guery tu estoyes, je mectz
Qu'en bnef courrouce en séroyes
L'on ne te donroit 7, pour tous mectz,
Que du pain; jamais tu n'auroyes
Rien de friant.
L'AVEUGLE.
illieulx j'aimeroye

Travaillez. Le verbe OMt'ro' dérive du latin f~'mrf.


C'<'st-dire:si si je suis en bon état, ingambe.
Cueuï, rôdeur de grand cbcmin en bas latin, <)'!Mti~M.
C'cst-à-dirc pour être envoyé, comme Yagabond,t'nmer sur
les galères du roi.
Bien appris, initié, habite; du htinmyXa'.
C'est-à-dire qui vouar.nt aller )a (visiter le corps saint),
se ferait tort.
~Pour:<<mtMt'm<.
Que grant maleurté me fust eschue,
Qu'au corps l'on m'ostast deux courroyes
Que se l'on m'eust rendu la veue!
LE BOITEUX.
Ta bourse seroit despourveue
Tantost d'argent?
L'AVEUGLE.
Bien, je t'en crois.
LE BOtTEUX.
Jamais jour ne seroit pourveue,
Ne n'y auroit pille ne croix" ?
L'AVEUGLE.
Mais dis-tu vray?
LE BOITEUX.
Ouy, par la Croix
Ainsi seroit, que je devise
L'AVEUGLE.
Jamais de rien ne te mescrois,
Quant pour mon grant bien tu m'advise.
LE BOITEUX.
L'on m'a dit qu'ils est en l'église?
Aller ne nous fault celle part.
L'AVEUGLE.
Se là nous trouvons sans feintise,
Le deable en nous auroit bien part!
Pause.

Malheur, mauvaise chance.


C'est-à-dire que l'on prît sur ma cean de quoi faire deux
courroies.
~KideniernimaiUe.
*C'est-&-dire:itIl en serait ainsi que je le dis.
Le corps de saint Martin.
LE BOITEUX.
Tirons par delà à l'escart?
L'AVEUGLE.'
Par où?
· LE BOITEUX.
Par cy.
L'AVEUGLE.
Legfercment

'LE BOITEUX.
Ma foy, je scroye bien coquart
S'à luy j'aloye presentement.
L'AVEUGLE.
Anons'.
LEBOtTEUX.
A quell' part?
L'AVEUGLE.
Droictcment,
Où ce gallant joyeux s'hucrnp

LE BOITEUX.
Que vela parte saigement
Où yrons-nous ?
L'AVEUGLE.
·
En la taverne.
J'y voys bien souvent sans lanterne.
r
Lebtement, promptement.
Sot, niais.
a Il y a <t verne dans le manuscrit; nous n'avons pas h~ité &
faire un changement arbitraire qui donne au moins nn sens n
'taphfMe.
~four:)'MM,
LE BOITEUX.
Je te dis qu'aussy fays-je moy,
Ptus voluntiers qu'en la citerne,
Qui est plaine d'eau, par ma foy!
Allons 11 coup t?
L'AVECGLE.
Escoute?
LE BOITEUX.
Quoy?
L'AVEUGLE."
Cptafjuimaynfsigrantbruyt.
LEBOtTEUX.
Se c'estnit ce Sainct?
L'AYEOCLE.
Quel esmoy
Jamais nous ne serions en broyt~!
Que puist-ce estre?
L~EBOtTECX.
Chascun)es))yt.
L'AVEUGLE.
Regarde veoir que ce puist-estre?

LE BOITEUX.
Mateurté de près nous poursuyt
C'est ce Sainct, par ma h'y, mon maistre
j.'AYEUGLE.
Fuyons-nous-en tost en quelque estre7.
)feUas! j'ay grant paour d'estre pris.

'~nr-ïc-~hamp.
Bonne renommée,estime, tonangc.
'Lien.endroit.
LE BOITEUX.
Cachons-nous soubï quelque fenestre
Ou au co!ng de quelque pnurpris
Gardedcchoir?
L'AVEUGLE.
J'ay bien mespris
D'estre tambe si mal appoint!
LE BOITEUX.
Pour Dieu! qu'il ne nous voye point!
Car ce seroit trop mal venu.
L'AVEUGLE.
De grant paour tout le cueur me pninct.
Il nous est bien mal advenu
LE BOITEUX.
Garde bien d'estre retenu,
Et nous traynons soubz quelque vis ?

L'AVEUGLE, qui le regarde.


A ce Sainct suis bien entenu~
Las! je voy ce qu'oncques ne vys!
Bien sot estoye, je vous plevis
De m'estre de h)y escarte
Car rien n'y a, mon advis,
Au monde, qui vaille clarté

LE BOITEUX.
Le deable le puisse emporter
Et qui luy scet ne gré ne grâce ?'?

Clôture, enceinte, janiin.


Escalier tournant. Il y avait alors beaucoup do degrés ex-
térieurs devant les maisons, dont i'entrëe était ainsi a trois on
quatre pieds au-dessus du sol de la rue. C'et'nt là, sous ces
perronsaTis, que les gueux se retiraient pour dormir.
Pour /f);x, obligé.
Je fous assure,je vous certifie;du bas latin: pletire, p!c~n'.
Je me fusse bien déporté t
D'estre venu en ceste pt.ice
Las! je ne sçay plus que je face
Mourir me conviendra de faim.
De duei), j'en maehure~ ma face.
Mauldit soit le filz de putain!
L'AVEUGLE.
J'estoye bien fol,je suis certain,
D'ainsi fuyr la bonne voye,
Tenant le cheminincertain,
Lequel par foleur'' pris j'avoye.
HeUas le grant bien ne sçavoye,
Que c'estoit de veoir clerement 1
Bourgoigne voy, France, Savoye,
Dont Dieu remercye humblement!

LE BOITEUX.
Or me va-il bien meschamment,
Meschant qui n'a d'ouvrer appris
Pris est ce jour maulvaisement
Maulvais suis d'estre ainsi surpris
Seur, pris seray, aussi repris,
Reprenant ma malle fortune
Fortune 4, suis des folz compris,
Comprenantma grant infortune
L'AVEUGLE.
La renommée est si commune
De tes faitz, noble sainct Martin,

'Dispensa.
Meurtris,égratigne.
"Pour:f~t<
D'aventure, par hasard.
Ce couplet est en ~M~'o{rMf!, dans le goût de Guillaume
Crétin. La rime ou du moins l'assoMnM se reproduità peu près
au commencement de chaque vers. Ces toursde force rhythmiques
étaient très-appréciés cette époque.
Que plusieurs gens viennent, comme une
Merveille, vers toy, ce matin.
En françoys, non pas en latin,
Te rens grace de ce bienfait
Se j'ay esté vers toy mutin,
Pardon requiers de ce meffait!
LE BOITEUX.
Puisque de tout je suis relfait
Maulgré mes dens et mon visaige,
Tant feray, .que seray deffaict,
Encore ung coup, de mon corsaige
Car je vous dis bien que encor sçay-je
La grant pratique et aussi l'art,
Par ongnemènt et par herbaige,
Combien que soye miste 8 et gaillart,
Que huy on dira que ma jambe art
Du cruel mal de sainct Anthoyne
Reluysant seray plus que lart
A ce faire je suis ydoyne
Homme n'aura, qui ne me donne
Par pitié et compassion.
Je feray bien de la personne
Plaine de desolacion
« En l'honneur de la Passion,
Diray-je, voyez ce pauvre homme,

Cest-dire puisqueje suis devenu ingambe.


C'est-4-dire je me débarrasserai encore une fois de mon
embonpoint, de mon air de santé.
Propre à tout, dispos.
Ce mal, si célèbre au moyen âge, était une espèce d'ulcère
malin qui s'attachait à toutes les parties du corps- et surtout au
fondement.
Les mendiants savaient ie secret de se faire des plaies pos-
tiches pour donner à croire qu'ils avaient la lèpre, ils se frot-
taient avec du lard les parties du corps qu'ils laissaient à dé-
couvert.
Lequel, par grant extorcion',
Est tourmente, vous voyez comme! »
Puis, diray que je viens de RommR
Que j'ay tenu .prison en Acre 5,
Ou que d'iey m'en voys, en somme,
En voyage~ à sainct Fiacre

nt FINE LA HOnAUTÉ DE L'AVEUGr.K ET DU MITF.rx.

Torture, excès de soufftance.


Les pèlerins qui revenaient de Rome avec des indulgences,
des reliques et des médailles bénies, ramassaient de grosses au
m~nes.
Pèlerinage.
Beaucoup de mendiants, simulaut des uuirmites de tous
genres, se faisaient passer pour des chrétiens qui avaient été
esclaves chez les Intideies en Palestine.
.Ce saint avait dans ses attributions les maladies de i'anu'
notamment le fie et la fistule.
LA

FARCE DU MU NY ER

DR Qt't LR Dï\m.E F.~pontr. r's F\rr.n

pA n
ANDRË nE t,~ YinN'E.
PREFACE DE ]7EÏUTEUR

A A F<MW~« ~Kn~r, comme nout l'avons dit dans ta


Ljpréfaco de la moralité précédente, fut représentée pu-
bnquement à Seurre, petite ville de Bourgogne, en 1496,
à la suite du j~s~M saint .UayiH!, composé par An-
dré de la Vigne, qui est aussi l'auteur de la moralité et de
la farce. Cette farce n'a été imprimée qu'une seule fois,
en 1851, par les soins de H. Francisque Michel, qui a né-
gligé de joindre aucune note au texte qu'il publiait un peu
trop servilement, d'après le manuscrit de la Bibliothèque
impériale.
Le sujet de cette Farce très-divertissantese retrouve-
rait probablement dans les fabliaux des trouvères.C'est un
petit diable, nommé Berith, que Luciferenvoie surlaterre
pour faire son apprentissage et qui a promis de rapporter
à son maître une âme damnée. Or ce diable novice ne sait
où prendrel'âme au sortir du corps d'un pécheur. Lucifer,
qui partage l'opinion de certains philosophes goguenards
ou naïfs du moyen âge, apprend à Beritli que tout homme
qui meurt rend son âme par le fondement. Muni de cette
savante instruction, le chasseur d'âmes va se mettre en
embuscade dans le lit d'un meunier, qui est à l'agonie et
qui se confesse à son curé il attend le dernier soupir du
mourant, et reçoit précieusement dans son sac ce qui s'é-
chappe du derrière de ce larron. Lucifer, -en ouvrant le
sac, n'y trouve pas ce qu'il y cherchait il en conclut que
les meuniers ont l'âme infecte, et il ordonne i ses diables
de ne lui apporter jamais âmes de meuniers.
André de la Vigne a encadré ce sujet bouffon et fantas-
tique, ou l'âme immortelle est traitée avec assez d'Irrévé-
rence, dans une scène de mœurs populaires où sont repré-
sentées les amours du curé avec !a_meuniere et les querelles
du mari avec sa femme. Cette Farce est un petit chef-d'œu-
vre de malice et de joyeuseté: On y remarque des traits
d'un excellent comique.
La Farce dit MKM~r, qui est encore pour nous si plai-
sante, devait produire sur les spectateurs un merveilleux
effet de rire inextinguible, à une époque où les meuniers,
a cause de leurs fourberies et de leurs vols dans la manu-
tention des farines, avaient fourni au conte et à la comédie
un type traditionnel d'épigrammes et de plaisanteries'. Le
public accueillait avec des éclats de grosse gaieté ce per-
sonnage matois et narquois, dont il disait proverbialement
« On est toujours sûr de trouver un voleur dans la peau
d'un meunier. )) Cette disposition railleuse etaggressive des
gens du peuple a l'égard des meuniers devint pour ceux-ci
une sorte de persécution permanente, que le Parlement
de Paris dut faire cesser, en défendant, sous peine de
prison et d'amende, d'injurier les meuniers dans les rues
ou de les poursuivre par des quolibets.
Nous ne doutons pas que le meunier de la Farce du quin-
zième siècle ne se soit transformé, au dix-septième siècle,
en Pierrot enfariné, sur les tréteaux du pont Neuf et de la
place Dauphine.

Voy. le Tracas de Ps)'M, par François Colletet; dans le


recueil intitulé Paris tNW~xc )'t<h'fK~ édition de la Bi-
bliothèque gauloise.
LA

FARCE DU MUNYER
DE QUI LE BtAELt: EtfrURTE L'AME E:f <KfBn

LE HOH?ER, couché en ung )ict comme malade.


Or, suis-je en piteux desconfort
Par maladie griefve et Jure;
Car espoir je n'ay de confort
Au grant mal que mon cueur endure.
LA FEMME.
Fautt-i), pour ung peu de froidure,
Tant de fatras mectre dessus!
LE MUNYER.
J'ay moult grant paoùr, si te fruit dure,
Qu'autcuns en seront trop deçeus.
Ha! les rains!
LA FEMME.
Sus, tic par Dieu, sus!
Que plus gr.mt mal no vous coppie
LE MCRYER.
Femme, pour me mectre au-dessus
Baillez-moy.

lie vous comble; coûter, du Las latin copparc. On pourrai).


aussi le faire venir de co~.ff, couvrir.
C'eat-a-dire':pour me faire surmonter la douleur.
LAFENME.
Quoy?
LE MUNYEH.
Lagourdepie',
Car mort de si très-près m'espie,
Que je vaulx moins que trespassé.
LA FEMME.
Mais qu'ayez tousjours la roupie
Au nez?
LE MUNïEB.
C'est bien
compassé
Avant que j'aye au moins passé
Le pas, pour Dieu! donnez m'à boire?
Ha! Dieu! le ventre!
LA FEMME.
Et voire, voire.
J'ay ung très-gracieuxdouaire
!)o vostre corps, quant bien je y pense!
LE HCNYEH.
Le cueur me fantt~!
LA FEMME.
Bien le doy croire.
LE MUtfYEE.
Mort suis pour toute recompense,
Se je ne reNbrme ma pance
De vendange delicieuse
Ne me plaignez point la despence,
Femme, soyez-moy gracieuse?

La sainte bouteille.
C'est-a-dii'o Voilà trop d'ordre, trop de sagesse!
3 Le coeur me manque.
C'est-à-dire Si je ne me 1'efai~ pas l'estociac, si je ne me
t'émets pas le ventre.
LA FEMME.
Estre vous doybs malicieuse,
A tout le moins ceste journée,
Car vie trop maulgracieuse
M'avez en tous temps demenée.
LE HDNYER.
Femme ne sçay, de mère née,
Qui soit plus aise que vous estes?
LA FEMME.
Je sus bien la mal assenée
Car nuyt ne jour rien ne me faictes,
LEMUKYEK.
Aux jours ouvriers et jours de testes,
Je fays tout ce que vous voulez
Et tant de petits tours.
LA FEMME.
Pas faides
LE MUNYER.
Haaa!
LA FEMME.
Dites tout?
LE MUNYEK.
Vous votiez,
Vous venez, et.
L.\ FEMME.
Quoy?
LE MUNYEK.
Vous allez:

Mal lotie, )uat pnurtue, ntal Mt;ff~f.


C'e!.t-4-t)ire Non, voua ne le faites pa~.
L'un gauldissez, l'autre gai)ez',
Puis chez Gaultier, puis chez Martin,
Autant de soir que de matin.
Pensez que, dans mon advertin
Les quinzes joyes n'en ay mye~ ?
LA FEMME.
L'avez vous dit, villain mastin
Vous en aurez
Elle fait semblant de le batre.

LE MUNYEJt.
Dictes, ma mye,
Au nom de la Vierge Marie,
Maintenantne.me bâtez point
Malade suis, de fascheric.
LA FEMME.
Tenez, tenez!
Elle le bat.
LE MUNYE)!.
Qui se marye,
Pour avoir ung tel eontrepoinct
Je ne sçay robe ne pourpoinct
Qui tantost n'en fust descousn.
Upteure.
FEMME.
LA
Cela vous vient trop bien à poinct.

L'est-â-dit'e Vous vous divertissez avec l'un, vous faites


bonne cbM'e avec l'autre. Nous avons conservé le composé de
yt!Hfr;)'~«!<'r.
Inquiétude d'esprit, soupçon, jalousie.
C'est-à-dire Je n'ai pas de quoi me réjouir. On disait pro-
verbialement les f/K /t~ (de Notre-Dame),pour exprimer le
comble du bonheur; et les ~M.o;<'< de OMn'f~f, pour carac-
tériser tt'us les soucis que les femmes causent à leurs maris.
Bastonnade.
LE MUNYER.
Ila c'est le bon temps qu'avez eu,
Et le bien!
LA FEMME.
Comment?
LE MCNYEB.
Bo'Jhesu!
Que gaignoz-vous a me ferir 1?
LÀ FEMME.
Il en est taillé et cousu.
LE NUNYEK.
Vous me voulez faire mourir?
Mais, se je puis ung coup guerir,
Mort bien je vous fe.
LA FEMME.
Vous grongn'ez?
Encore faictes?
LE HUNÏEK.
Requérir~,
Mains joinctes, vous veulx!
LAfEHME.
Empoignez
Ceste prune?
Elle frappe.
LEMum'M~.
Or, besongnez,
Puisque vous ravez entrepris
LA FEMME.
I'ar la Croix bieu se vous fongnez~

Frapper; du latin (erire.


Supp!icr, prier:
("est-4-dire si vous grogtie!, si vous faites du uMuvais.
LEMUNYEE.
Ha! povre Munyer, tu es pris
Et trop à tes despens repris!
Que bon gré Sainet Pierre de Homme
LA FEMME.
Vous m'avez le mestier appris
A mes despens, ouy, mais.
LE MUNTEK.
En somme,
De grant despit, vecy ung homme
Mort, pour toute solution!
LA FEMME.
Je n~en donne pas une pomme.
LE DIUNYER.
En l'honneur de la Passion,
Je demande confession,
Pour mourir catholiquement ?
LA FEMME.
Mais plustost la potacion
Tandis qu'avez bon sentement
LE MONTER.
Vous nous morguez par mon serment
Quant mes douleurs seront estainctes,
Se par vous voys à dampnem,ent,
A Dieu je feray mes complainctes.
LE CtJR)' devant ta maison.
Il y a des sepmaynes mainctes
Que je ne vys nostre Munyere.
Pour ce, je m'en voys aux actaintes*
La trouver.

L'est-a-dire vous demandez à boire.


C'est à-dire pendant que vous avez encore i'àme au ventre.
~Vousmebrat'ez.vousvousmoquezdemoi.
A l'improviste, de ce pas, brusquement.
LE MUNYER.
Coustumiere
A ceste extrémité derniere
Estes trop?
LA FEMME.
Qu'esse que tu dis?
LE MUNYER.
Je eonterayvostre manière,
Mais que je soye en Paradis.
Avoir tous les membres roidis,
Estre gisant sur une couche,
Et batre ung hommf Je mautdis
L'heure que jamais.
Il pleure.
LA FEMME.
Bonne bouche,
Fault-il qu'encore je vous touche'?
Quesse cy ? Faictes-vous la beste?
LEHUNÏER.
Laissez m'en paix! Trop fine mouche
Estes pour moy.
LA FEMME.
Hoiquibarhecte''?
Qui gronde? Qui? Qu'esse cy? Qu'esse?
Comment seray-je point maistresse?
Que meshuy plus ung mot je n'oye
LE CURÉ, entrant.
Madame, Dieu vous doint lyesse,
Et planté dessus vous envoye

Batte, frappe.
On disait ptut~t tttr~r, partet.danssa barbe, grommeler,
marmoter.
'Abondance de Mcn.
LA FEMME.
Bienvenu soyez-vous J'avoye
Vouloir de vous aller querir,
Et maintenant partir debvoye.
LE CURE.
~Pourquoy?
LA FEMME.
Par ce que mourir
Veult mon mary, dont j'en ay joye.
LE CURÉ.
fauldra bien qu'on se resjoye',
S'ainsi est.
LA FEMME.
Chose toute seure
A son cas fault que l'en pnurvoyf
Sagonont, sans longue demeurt*.
LJS MU~YER.
He)!as! et fatdt-il que je mporc,
Heu, heu, heu ainsi meschamment?.
LA FEMME.
Jamais il ne vivra une heure.
Regardez?
LE CURÉ.
Ha par mon serment!
Est-il vray?. A Dieu vous commande
Munyer Haa, il est despeché'
L~ FEMME.
Curé, nous vivrons plus gayement,
S'il peut estre en terre perché ?
'rour:r<faiMf.
C'est-à-dire il faut, par prudence, pourvoir an satut <!e son
âme.
a Je vous recommande à Dieu.
~Ile~tmnrt;<pncbt.faitde)ui.
LE CUItË.
Trop lontemps vous a empeschc?
LAFEMMn.
Je n'y eusse peu contredire.

LE MOKYEB.
Que mauldit de Dieu (Sans pèche,
Toutesfois, le puisse-je dire),
Soit ta pn. 1

LA FEMME, allant 10 lui.


Qu'esse oy A dire?
Convifnt-it qu'à vous je revoise?'{
Ln nuRR.
HauMir faudra ?
LA FEMME.
Chanter?
LE CCRË.
Et rire ?
LA. FEMME.
Vous me terrez bonne galloise'.
1.

LE cnnÉ.
Et moy, gallois.
LA FEMME.
Sans bruyt.
LF. CHKÉ.
Sans nn\'se~.
LA FEMME.
nés fours feronsung million?

Amie de la joie et de la bonne chère.


'T%ms qnereue, sans scandale.
LE CURÉ.
Do nuyt et de jour.
t.EMUNtER.
Quell' bourgeoise!
T)]cnesbi('n',pnYremunyer!
LA FEMME.
Heu!
LE'MUNYER.
Robin a trouvé Marioti
Mariontousjours Robin trouve*.
Heilas pourquoi se marye-on ?
LA FEMME.
Je feray faire robe neufve.
Si la mort uug petit s'espreuve
A le me mectre d'une part~.
I.ECCRË.
Garde n'a que de là se meuve,
Ne que .ptus en face depart.
M'amye 1
Il l'embrasse.
LE MUNYER.
Le deable y ait part,
A l'amytié, tant elle est grande
Ha'enfaict-onainsi!
LA FEMME.
Paix,ooquart!
LE CURÉ.
Ung doulx baiser, je vous demande ?
til'embrase.
'C'(st-a-dirc:Tues bien de la grande confrérie.
Refrain proverbial emprunté au Jen de Robin et Mf!f<OK,par
Adam de La Ua)f, poële dramatique du treizième siècle.
C'est-à-dire Si la mort essaye un peu à mettre de côté mon
mari, à me séparer de lui.
LEHOKYER.
Orde vielle, putain, truande,
En faictes-vous ainsi? Non, mye
Vecy pour moy trop grant esclandre!
Par le sainct Sang!
!) fait sombtant de se lever, et la femme vient a luy et fait
semhlant de le batre.
LA FEMME.
Quoy?
LE MUNYER.
Rien, m'amye.
'LA FEMME.
Hoon!
LE MUNYER.
C'est le cueur qui me fremye
D'edans le corps et me fait braire,
il a plus d'une heure et demye.
LECCRÉ.
Mais comment vous le faictes taire?.
LA FEMME.
S'il dit rien qui me soit contraire,
Couser le fais, à mon devis*.
LECORE.
Vous avez pouvoir Yoluntaire
Dessus luy, selon mon advis.
LE MUNYER.
Congé me fault prendre des vifs,
Et m'en aller aux trespassez,

C'e~t-a-dire Je le fais taire à ma volonté. Couser, qui sem-


ble dérivé du bas latin CMs~, signiHe au propre COH~ 0&
dit encore, dans le mCme sens coudre la tottc~f à (fM~tt'M,
pour': le faire taire. c
De bon cueur, et non pas envis
Puisque mes beaux jours sont passés!
LE CURÉ.
Avez-vous rien ?
LA FEMME.
Assez, assez!
Dece)anefaultfairedoubte.
LE MUNYER.
Qu'esse que tant vous rabassez*?
LA FEMME.
Je cuyde, moy, que tu radoubte ?
LE MUNYER.
Vous semble-il que je n'oy goucte~?
Si fais, dea Qui est ce gallant?
H vous guerira de la goucte,
BienJescay.
LA FEMME.
C'est nostre parent,
A qui vostre mal apparent
AestéjJar moy figuré.
LE MUNYER.
De lignaige est trop different.
LA fEMME.
Pardieu! non est.
LE MUNYER.
C'est bien juré!
Comment, deable! nostre curé
Est-il de nostre parentaige?

Maïgre moi du latin ~f~f.


.~rour:fa'M~es.
~Pour:o~.
C'est-à-dire que je n~entendsrien.
LA FEMME.
Quel curé ?
LE MUNYER.
C'est bien procure''t
LA FEMME.
Parmnname!
LEMUNYEB.
Vous dictesraige~
LA FEMME.
n~hcH;
LEMUNYER.
Eo'ho!
LA FEMME.
Tantdftnngaij~f,
C'est-il à paine d'ung escu'1
La MUNYER.
Sainct Jeban s'il est de mon H~tMi~f,
C'est du quartier devers le eu
Je sçay bfen que je suis coquu.
Mais quoy! Dieu me doint patiertce
LA FEMME.
Ha paillart, est-ce bien vescu
De dire ainsi ma conscience~?
Vous verrez vostre grant science,
Car je le voys faire venir.
Elle vient a)). Curé.
LECU!)t'
Quia-itPQuoy?
FEMME.
LA PCSI3iE.
Faictessi)ence!
Pour mieulx~NOsSns parvenir,

P)'t)Mf<'r veut dire procéder, suivre une affaire.


f!'est-&-dire vous 6tes futte, vous dites dcs.Mii's.
~C'Mt-â-(Jirc:de confesser mcs péchés,
Bonne myne vous fault tenir,
Quant serez devant mon villain,
Et veuillez tousjours maintenir
Qu'estes son grand'cousin germain.
Entendez-vous?
LE'CURÉ.
Ouy.
La FEMME.
La main
Luy mestray dessus la poitrine,
En luy affirmant que demain
Le doibt venir veoir sa cousine,
Et advenra' quelque voisine,
Pour luy donner aUegement.
Mais il vous fault legiorement 2
De cette robe t'e' estir
Et ce chapeau?
LE cnRË.
Par mon serment
Pour faire nostre eN'ect sortir,
Se vous ne voyez Lien mentir,
Je suis content que l'on me pende,
Sans plus de ce_cas m'advertir.
.LE MDNTER.
Ha très-oyde vielle, truande,
Vous me baillez des calembouys~
Mais, quoy! vous en payerez l'amende,
Se jamais de santé jouys.
Quesse cy? Dea! je m'esbays
Qui deable la tient? Somme toute,

Il viendra, il arrivera.
Vite, lestement.
Pour Mw&o~; expression proverbiale signifiant vous
me ~e'-honorex, vous m'outragea, vous me jctt'x de la boue.
J'en despescheray )e pays,
Par le Sang Lieu quoy qu'i) me couste.
LE CURÉ.
Que faictes-vous là?
LA FEMME.
J'escoute
La complainte de mon badin ?
LE CURÉ.
Il faut qu'en bon train on le boute.
Au Munyer.
Dieu vous doint bonjour, mon cousin!
LE MUNYER.
Il suffit bien d'estre voisin,
Sans estre de si grant lignaige.
LA FEMME.
Regardez ce gros limozin
Qui a tousjourssun hautt couraige~
Parlez à vostre parentaige,
S'il vous plaist, en luy faisant teste ?
LE OCRÉ.
Mon cousin, quelle est vostre raige?
LE MONYER.
ËHy! vous-me rompez la teste.
LA FEMME.
Pat mon serment c'est une behte.
Ne pleurez point à ce qu'il dit,
Je vous en prie?
LE MUNYER.
C!'ste requeste
Aura devers luy bon credit.

'J'endfharraMcrai.
On disait a)orsL;'stf)M;)!,camme on dit aujourd'hui S~
\t)yard, dans !e sens de mal appris, grossier, btutai.
~Ort;uefi,iasoience.
LEC~JRË.
Vous ay-je meffait ne mesdit,
Mon cousin? Dond vous vient cecy?
LA FEMME.
Sus, sus.! que de Dieu soit mauldit
Ce vilain Et parlez icy ?
LEMUNYER.
Laissezm'enpaix!
LAFENME.
Est-il ainsi'?
Voire ne parlerez-vous point?
LE MUNÏE6.
J'ay de dueit le corps tout transsi.
LECCEE.
Par ma foy, je n'en doubte point.
Où esse que le mal vous poinct ?
Parlez à moy, je vous en prie.
LE HUNÏEB.
Las mectez-vous la teste appoinct',
Car la mort de trop près tu'espif.
LA FEMME.
ParlezaRegnaultCroquepie,
Vustre cousin, qui vous vient vooir?
LEMCNVEH.
Cruquepie?
LA FEMME.
Ouy, pour voir
Pour faire vers vous son dobvoir,
Ilcstvenulegierement.

C'ost-a-ffit'c mettez votre tête près de moi.


~Vt'ai,vraiment.
LEMUNTER.
Ce n'est-il pas.
LA FEMME.
Si est, vrayement.
LEMUm'ER. <
Ha! mon cousin, par mon ferment!
Humblement mercy vous demande
De bon cueur.
LECUnË.
Et puis comment,
Mon cousin, dictt's-moy,s'amende i
rostre douleur ?
m MUNt'En.
Elle est si grande,
Que je ne sçay comment je dure.
LE CURÉ.
Pour sçavoir qui se recommande
A vous, mon cousin,je vous jure
Mafoy (dea! point ne me parjure)
Que c'est Bietris~, vostre cousine,
Ma femme, Jehenne Turelure,
Et Melot, sa houne voisine,
Qui ont pris du chemin saisine 5,
Pour vous venir reconforter.
LE MUKYER.
Loué soit la Grâce 'divine
Cousin, je ne me puis porter.
LE CURÉ.
Il vous fault ung peu déporter~,
Et penser de faire grant chiere ?
~VaaneuY,s'amëUore.
*Pour:Bm;W.r.
E~pre-sion Bguree, signifiant qui se sont n)!6es enroua.
CeHec!pre~sioo, empruntée au vocabulaire du Palais, prou'.e
que l'auteur appat'tenaitâïaPazoche.
'Distraire, remettre.
LEMUNfEB.
Je ne me puis plus comporter,
Tant est ma malladie chiere 1.
Femme, sans faire la renchiere t,
Mectezacoupla table Icy,
Ettuyapportezunechiere*?
Cyseseera.
LF CURE.
LE CURÉ.
Ha! grant mercyi
Mon cousin, je suis bien ainsi;
Et st ne veulx menger ne boire.
LE MUNYER.
J'ay si tr!'s-grantdouleur par cy )1
LE CURÉ.
Ha cousin, il est bien à croire;
Mais, s'it plaist au doulx Roy de gloire,
Tantost recouvrerez santé.
LÀ FEMME.
Je vais querir du vin.
LE MUNYER.
Voire, voire.
Et apportez quelque pasté ?
LA FEMME.
Oncques de tel ne fut tqste
Seez-vous?
LE atCNYER.
CousIn, prenez place:
LA FEMME.
Vecy pain et vin à planté 5.
Vous seerez-vous?
Grave.
'*Pour:r~ncMr~.
~r<BUtr~e~<ï~'c,si~e.
7~?A~~ c~ire au four, dorer au feu.
~~fû~on,eHabondunce.
LE CURE.
Sauf vostre grâce.
LEMDNtER.
Fault-il quetant de myne on face?
Par le Sang bieu! c'est bien juré.
Vous vous seerez?

LE CURÉ.
Sans plus d'espace.
Que vous ne soyez parjure.
LE MCNYER.
Ha! si c'estoit nostre curé,
Pas tant je ne l'en prieroye a
LE CURE.
Et pourquoy ?
LE MONTER.
Il m'a procure
Aulcun cas, que je vous diroye
Voluntiers, mais je n'oseroye,
De paour.
LECUR)~.
Dictes hardyment?
LE HUNÏER.
Non feray, car Latusproye.
LE CURÉ.
Rien n'en diray, par mon serment!

LE HCHYER.
Or .bien donc,'vous sçavez comment
Ces prostrés sont adventureux?
Et nostre curé mesmement
Est fort de ma femme amoureux
De quoy j'ay le cueur douloureux
Et remply de proplexité
Car coquu je suis maleureux,
Bien le sçay.
LE CURÉ.
Benedicite!
LE MUNYER.
Le poinct de mon adversité,
C'est illec, sans nul contredit.
Gardez qu'il ne soit recité?
LE CURÉ.
Jamais.
LA FEMME.
Qu'esse qu'il dit?
Je suis certayne qu'il mesdit
De moy ou d'aulcun mien amy
Ne faict pas?
LE hUNYEB.
Non, par sainct Remy
LE CCF.Ë.
II me disoit qu'il n'a dormy
Depuis quatre ou cinq jours en ça,
Et qu'il n'a si gros qu'un fremy
Le cueur ne les Loyaulx.
LA FEMME.
Or ça,
Beuvez de là, mengpz de çà,
Mon cousin, sans plus de langaige.
Ici la scène est en Enfer.
LUCtFFEE.
Haro, deables d'enfer j'enraige 1
Je meurs de ducil, je pers le sens;

Pour pefp~M't'M.
Pour /b!tnH<.
J'ay laissé puissance et couraige.
Pour. la grant douleur que je sens
SATHAN.
Nous sommes Lien mit et cinq cens
Devant toy? Que nous veulx-tu dire?
Fiers, forts, felons, deahles puissants,
Par tout le monde, à mal produyru!1
LUCtFFEE.
Coquins, paillars, il vous fiult duyre i
D'aller tout fouldroyer sur terre,
Et de mal faire vous deduyre
Que la sanglante mort \ou~ serre!
S'il convient que je me desserre
De cestegouffronieuse'iicc',
Je vousmectray, sans plus enquerre,
En ung ténébreux iiialefice.
ASTAKOTn.
Chascun de nous a son bffice
En enfer. Que veulx-tu qu'on face?
PEOSERPINE.
De faire nouvel edifSee,
Tu n'as pas maintenant espace?
ASTABOTH.
Je me contente.
SATnAN.
Et je me passe
De demander une autre charge.
ASTAROTn.
Je joue icy de passe passe,
Pour mieulxfaire mon trip~taige.
'Ufaut vous préparer, vousphire~
'Vous divs~tirafaireje mat.
C'est-à-dire de cette prison où jf suis engouffra. )) faut
peu~-ctre]irû:30M/yr'6n~M~pieinedc~oufre,cnsoufi'ce.
BERUH.
Luciffer a peu de langaige
En eufer je ne sçay que faire,
Car je n'ay office ne gaige,
Pour ma vohmtë bien parfaire.
LUCtFFEl!.
Qu'on te puisse au gibut deffaire',
Fils de putain, ord et immonde
Doncques, pour ton estât refaire,
II te faut aller par le monde,
A celle Sn que tu confonde
Bauldernent' ou à l'aventure,
Dedans nostre aMsme parfonde,
L'ame d'aucune creature?
BERITH.
Puis qu'il fault que ce mal procure,
Dy-moydoncques legierement
Par où l'ame faict ouverture,
Quand elle sort prcuMeremrnt?
LTJCtFFER.
Elle sort par le fondement
Ne fais le guet qu'au trou du eu.
BEBITH.
Ha~ j'en auray subtilement
Ung millier, pour moins d'un escu.
Je m'y en voys.
Ici la scène est chez le Meunier.
LE MUNYER.
D'avoir vescu
Si longtemps en vexation,
De la mort est mnn corps vaincu

Faire mourir.
Hardiment, de vive force.
Pour toute resolution;
Doncques,sansgrantdiiac!on',
Allez moy le prestre querir,
Qui me donra confession,
S'il luy plaist, avant que mourir?
LEGUEE.
Or me dictes fault-il courir,
Ou se je yray tout b<'))ement?
n se va devestir et revestir en Curé.
L-E HUNYER.
S'il ne me vient tost secourir,
Je suis en ung piteux tourment.
BERITB.
Velà mon faict entièrement.
Munyer.je vous voys soulager?
L'ame en auray soubdaynement,
Avant que d'icy me bouger.
Or, me fautt-i!, pour abréger,
Soubz son lit ma place comprendre
Quand l'âme vouldra desloger,
En mon sac je la pourray prendre.
H se musse 5 soubz le lit du Hunyer, ittout. '.en Me.
LE CURÉ.
Comment, dea je ne puis entendre
Vostre cas? Munyer, qu'esse cy?
LEMUXVER.
A la mort me convient estendre;
Avant q!)e je parts d'icy,
Pourtant je crie à Dieu mercy,
Devant que le dur pas passer.

DNai, retard.
Pour donnera.
'lise cache.
Avec.
Sur ce poinct, meetez-vous icy,
Et me veuillez tost confesser?
LECCRË.
Dictes?
LE HUNYER.
Vous devez commencer,
Me disant mon cas en substance.
LE CUBÉ.
Et comment? Je ne puis penser
L'effeét de vostre conscience?
LE MCNTER.
Ma curé, je pers patience
LE cnETÊ.
Commencez toujours, ne vous chaille,
Et ayez en Dieu confiance.
LE MCNVER.
Or ça, doncques, vaille que vaille,
Quoy que la mort fort je travaille,
Mon cas vous sera relaté.
Jamais je ne fus en bataille,
Mais, pourboire en une boutaille
l,
J'ay tousjours le mestier hanté.
Aussi, fustd''n'cr,f'U!-td'esté,
J'ay bons champions fréquente,
Et gourmets de fine vinée
Tant que rabattu et conté3,
Quelque chose qu'il m'ait cousté.
J'ay bien ma face enluminée.
Après tout, le )ong de l'année,
J'ay ma tulunté ordonnée,

'rour:to!t<<<
Bons connajsgeurs en vins, amateurs de vins délicats.
3 Expressionproverbialesignifiant. toutbien compteet eatcute.
Comme sçavez, à mon moulin,
Où, plus que nul de mcrenee,
J'ay souvent la trousse donnée 1
A Gaultier, Guillaume et Colin.
Et ne sçay, de chanvre ou de lin,
De Med valant plus d'ung carlin,
Poui~Ia doubte des adventures~,
Ostant ung petit picotin,
Je pris, de soir et de matin,
Tousjours d'un sac doubles moustures.
De cela fis mes nourritures,
Et rabatis mes grands coustures3,
Quoy qu'il soit, faisant bonne myne,
Somme, de toutes creatures
Pour su porter mes forfaictures,
Tout m'estoit bon bran et faryne~.
LE cnRÉ.
Celuy qui es baults lieux domine,
Et qui les mondains entumyne~,
Vous en domt pardon par sa grâce
LE MONYEt!.
Mon ventre trop se détermine~
He)as!jo ne sçay que je face.
Ostez-Yous 1

Bf)H)Mr la <fOM.\<, locution proyerMate signifiant aLuscr,


tromper.
C'e&t-â-fiire dans la crainte de ce qui pourrait arriver.
3Locution proverbiale ~igniHant Je me suis uound du plai-
sir, j'ai [ait grande chère. On dit encore dans le sens trivial
« don ner MHf ~.<.<f.
C'e~t-a-dire:en somme, exp)oitanttout)emondeamonproSt.i.
De tous temps, tes meuniers ont eu fort mauvaise réputation
à l'endroit de la probité de là le proverbe 11 n'y a rien de si
hardiquela chemise d'un meunier. Le
comntjcntateurajoute
« parce qu'elle prend tous tes matins un voleur à ta gorge.
Pour M/MMt)!f.
Se Uche, se vide.
LECCRË.
Ha! saufvostregrncc!
LE MUNYER./
Ostez-vous, car je me conchye
LE CURE.
Par sainct Jehan sire, preu vous StcalT
Fy!
LEMCNVEft.
C'est merde reffreschie.
Apportez tost une brechie~3
Ou une tasse, sans plus braire,
Pour faire ce qu'est necess;)!re.
Las! à la mort je sùis es)is~.
LA FEMME.
Pensez, si vous voulez, dé traire'
Pour mieux prendre vostré de)it°,
Vostre cul au dehors du lit
Par là s'en peut vostre ame aller.
LE MUNYER.
-Hetas regardez, si voUer
La verrez point par l'air du temps?
R mect le cul deltùfs du lict, (.t. le Deabte tend son '?ae, ce-
pendantqu'il chie dedans puis, s'en va cryant et hut~ant.
Ici la scène est en enfer.
BERtTH.
J'ay beau gauMir, j'ay ))eau galler!
Roy Luciffer, à moy entens!

C'est-Mtre:j'ê~gne sous moi.


Profit, gMndMen~'
Sorte de cruche- On disait nlutôt ~VfA~.
f'our </K.
Tirer, extraire; de trahere.
C'est-à-dire pour faire vos affaires plus à t'aide <?«< signi-
Gait un acte quelconque et souvent unë"actton agréable.
J'en ay fait de si maulcontens
Que proye nouvellej'apporte.
LUCIFFER.
Actens, ung bien petit actens
Jete voys faire ouvrir la porte.
Une chauldicre, en ce lieu-cy?
Et sarchez comment se comporte
Le butin qu'il attmeyneiey!
Hz il vuyde son
luy apportent une chantdiere; puis, sac qui e't
phindebranmouitê.
SATHAN.
Qu'esse là ?
pnosEBrifË.
Que deaHe esse cy ?
Ce semble merde toute, pure.
HJCtrFER.
C'est mon 2 Je le sens bien d'icy.
Fy, fy! ostez-moy telle ordure?
BEUtTC.
D'un munyer remp)y de froidure,
Voy-ency l'ame to:tte entière.
LnCtFFER.
D'un munyer?
SATHAN.
Fy quelle matiere!
LUCIFFER.
Par où la pris-tu?
BERtT!
Parderriere,
Voyant le cul au descouvert.

Pour m~OM~t!{9.
C'en est.
LtJCtFFEK.
Or, qu'il n'y ait coing ne carrière
D'enfer, que tout ne soit ouvert!
Un tour nous a baillé trop vertI
Brouijo suis tout enpuanty.
Tu as mal ton cas recouvert*'
SATHAN.
OncqucstetehoseneSLenty!
1

LUCIFFER.
Sus,acouj),qu'itso)tasserty"2
Et batu tres-viUaynement.
SATIIAN.
Je luy feray maulvais party.
Hz le battent.
BEHtTH.
Alamort!
HJCIFFER.
Frappe;! hanUmL'nt!
I

BERITH.
A deux genoulx tres-humblentcnt,
Luciffer, je te cry' mercy,
Te promectant certaynement,
Puisquecognoistnoncasamsl
Que jamais n'apportera cy
Ame de munyer ni inuTiyere.
LUCIFFER.
Or te souvienguede cecy,
Puisque tu as grace planyere,
Et garde d'y tourner arrière*,
D'autant que tu aytnes ta vie.

Équivoque,c'e&t-à-dirc.tuasmat
recouvré t.on]jicn.
Garrotte, lie de f'orJe&.
Dcreclief, dorénavant.
Aussi, devant ne de costiere',
l,
Surpayncdehnynneassouvye*,
Deffens que nully, par envie,
Désormais l'aine ne procure
De munyer estre icy ravie,
Car ce n'est que bran et ordure.

CIfFtXE LA FARCE DU MUNYER

'D<!côt<.
C'ei.t-dire de rfpr6saiUes.
LA

COMDAMNACION DE BANCQUET

MORÂHTË
pAn
` NICOLE DE LA CHESKAYE
PREFACE DE L'ÉDITEUR

singulière moralité, qu'on peut regarder comme un


<"<ETTE
des chejs-d'ceuvre du genre, se trouve dans un recueil
fort rare, dont la première édition est intitulée f.s ~y
de santé, avec le Gf)Mt'f;'Ka:<du corps humain et COK-
damnaeion des ~onc~iff~ à la /()Mfn~f de diepte et so-
brieté, et le TraieUé Passions de l'ame. On lit à la fin
du volume, in-4* gottiique de 98 ff. à 2 colonnes Cy
fine la Nef de santé et la CdK~mpKMMM des ~SH~M~~
aMc7e TraM~~M PassMM <'ame. Imprimé à Paris pour
~<tMo!M~ Verard, marchant /a:re, demeurant à Paris.
Au-dessous de la marque de Verard Ce present livre a M~e
achevé d'imprimer par ledit r~Mr~ AT-'M* ~'OMr de jan-
:~fr mil cinq cent et sept. Ce recueil contient quatre ou-
rages différents la ~Yf/'f/e santé et le GoK~'MC~ du corps
humain, en prose la Con~amMCMn Banc~K~, et le
Tt'<Ke<f' des passions de fem~, en vers.
On compte au moins quatre éditions, non moins rares
que' la précédente; l'une, imprimée à Paris, le .YC~oK~
fftH'fH l.'dl,pa/' Me/ Lenoir, MnMM, pet. In-4" de 08 tt. à
2 colonnes, avec fig. en bois; l'autre, imprimée cgaiemcnt
âParis. Ters 1520,parla MK/t'f /fM ~Mtt T;vpp<e!c/~en
JeAa)H;o<, pet. in-4" goth. à 2 colonnes, avec fig. en bois;
l'édition de Puiuppe Lenoir, sans date, que cite Du Ver-
dier, n'a pas été décrite par M. Brunet, qui s'étonne avec
raison de ne l'avoir jamais rencontrée; en revanche,
H. Brunet cite' nne autre édition, avec cette adresse
PefM, en la rue neufve A'OS/t'f DSM~, à l'enseigne S<H~
.MMM Baptiste prèssaincteGenevieve des Ardens.
Ce recueil, malgré fes cinq éditions bien constatées, est
si peu connu, que La Croix du Maine ne l'a pas compris
dans M Bibliothèque françoise, et qu'Antoine Du Verdier,
dans la sienne, ne fait que le mentionncr'!nei)mptetement
parmi les ouvrages anonymes. De Beaucham~, dans ses
Recherches sur les théatres de la France, et le duc de la
Vallière, dans sa Bibliothèque <7M T7;~rf /')'aH{'o~, ne l'ont
pas oublié cependant ils le citent avec exactitude, en
nommant l'auteur Nicole de la Chesnaye. C'est le nom, en
effet, qui figure en acrostiche dans les dix-huit derniers
vers du prologue de la Nef de santé.
Cet auteur, poëte, savant et moraliste, qui était méde-
cin de Louis XII, serait absolument ignoré, si i'abbe Mer-
,cM)\de Saint-Léger n'avait pas écrit cette note sur t'excm-
'plaire qui appartenait à Guyoh de Sardière et que nous
ayons vu (hns ta bib~otheque dramatique de M. de So-
l'einne « Ce Nicotas de ta Chesnaye doit être le même

de Fedit. in-4") cite le t.f


que !VMo7aMS Querquete, dont Du Verdier (t. IV, p. 181
aMCfo~afMm, imprimé &
Paris aux dépens d'Antoine Yerard, en. 1512, in-8. A la fin
de cette compilation latine de Qucrqueto, on trouve, uu
acrostiche tatm qui donne Nicolaus de la .C/~snaye. e' à
ta fin du prologue de la Nef de santé, imprimée dès 1S07,
aussi aux dépens de Yerard, il y a un acrostiche qui donne
les marnes noms Nicole ~a CA~HNi/e. Oa ne sait rien
de plus sur Nicole ou Nicolas de la Chesnaye.
Le prologue en prose, que nous croyons devoir réim-
primer ici, nous apprend seulement que l'acteur ava~t été
r~MM soH!C!<e pa)' plus grand que soy de mettre la
main à ta plume et de rédiger en forme de moralité son
ouvrage diététique autant que poétique. On peut supposer
que Nicole de la Chesnaye, qui a dMie son recueil &
Louis XII, désigne ce roi et la reine Aune de Bretagne, en
disant qu'il a été co.ntra.int de se faire poëte, hor-seute-
m.ent'pour complaire à aKeMM f~fOM~M SH! mais pour
obéir à CM~S âesquelz les f~MM~S luy tiennent lieu
CO;n)??sn~H:eH~. Voici ce prologue, où*I'.on voit que, si)
cette moralité avait été faite pour la représentation, elle
n'était pas encore représentéesur y'fM'Aa/yM, c'est-a-dire
en public, lorsqu'elle fut publiée en 1507 et peut-être au-
paravant.
Commfntf/ic<mrfMMy<M~Santé la Condam-
KCMOn ~M_BanC9M<'<& ? louenge de diette et Mt;f/(',
pour le proM~M du corps AMMSM, /&!MK< prologue ~/r
ceste matiere.
t .Combienque Orace en sa Poeterie ait escript S~'Mt/f
materiam vestris qui scribitis cp/am M<n'& C'est-à-dire:
x 0 vous qui esCttYez ou qui vous meslez de copier les
<t anciennes (BUYrcs, élisez matière qui ne soit trop hau)to
<t ne trop difucitc, mais soit seullement convenable à
< puissance et capacité de vostre entendement.« Ce neant-
moins, l'acteur ou compositeur dete)!esa:u\res peutsou-
Ycntesfois estre si fort requis et sollicité par plus gr~nd que
soy, ou par aucuns esprouvcz amys, ou par autres desquels
les requcstcs luy tiennent lieu de commandement, qu'il est
contraint (en obeyssant) met)re la main et la plume à ma-
tiere si clegante ou peregrine que elle transeede la summité
de son intelligence. Et à telleoccasion, moy, le, plus igno-
rant, indoct et inutille de tous autres qui se meslent de
composer, ay prins la cure, charge et hardie~sje, à l'ayde de
Celuy qui /!n~MM M/M<Mm /<*<< disertas, de mettre par
ryme en langue vulgaire et rediger par personnages en
forme de moralité ce petit ouvrage qu'on peut appellerla
CMt<<M!pn<M'<H! de Banquet: à rintefteion de villipender,
detester et aucunement extirper le vice de gbntonnerie,
crapute,ebrietH, et, voracité, et, par opposite,touer,exa)ter
et magniSer la vertu de sobrieté, frugaUte, abstinence, tem-
perence et bonne diette,en ensuyvant celivre nommé la Nef
de santé f:< ~OMHfMaK dit corps /M<msM. Sur loquet ou-
vrage est à noter qu'il y a plusieurs noms et personnages
des diverses maladies, comme Âppnpieïie, Epilencie, Ydro
pisie, Jaunisse, Goutte et' les autres, desquels je n'ay pas
toujours gardé le genre et sexe selon l'intencion ou
reigles de grammaire. C'est à dire que en plusieurs endroii-
on parle à iceux ou d'iceux par sexe aucunesfois. mascu-
lin et aucunesfois féminin, sans avoir la consideracionde
leur dénomination ou habit, car aMsiyentcns,eu regard à
ta propriété de leurs noms, queleurtigure soitautantmons-
trueuse que humaine.SemblaNementtous,)cs personnages
qui servent à dame Expérience, comme Sobrieté, Ijictte,
Seignce, Pillule et les autres seront en habit d'homme et
parleront par sexe masculin, pour ce qu'ilz ont l'office de
commissaires, sergens et exécuteurs de'justice, et s'en-
tremettent de plusieurs choses qui afiicrent plus convena-
blement à hommes que à femmes. Et pour ce que telles
œuvres que nous appcUonsjeux oumora~fcz ne sont tous-
jours facillesà jouer ou publiquement representer au simple
peuple, et aussi que plusieurs ayment autant en avoir ou
ouyr la lecture comme veoir la representacion, j'ay voulu
ordonner cest opuscule en telle façon qu'il soit propre à
demonstrcr à tous visiblement par personnages, gestes et
parolles sur eschauffaut ou autrement,et pareillement-qu'il
se puisse lyre particulièrementou solitairement par ma-
niere-d'estude, de passe-temps ou bonne doctrine. A ceste
cause, je l'ay fuley de p"tites_g!bses, eommcntaeions ou
canons, tant pour élucider &dtete matiere comme aussi
advertir le lecteur, des acteurs, livres et passaiges,desquels
j'ay cxtraict les alegations, histoires et auctoritez insérées
en ceste présente eompUacion. Suffise tant seulement aux
joueurs prendre la ryme tant vulgaire que latine pt noter
les reigles pour en faire à plain demonstracionquant bon
semblera. Et ne soit paine ou moleste au lisant ou estu-
diant, pour informacibn plus patente veoir et pcr'eruterla
totallite.tanfde prose que de ryme, en supportant tousjours
et pardonnant à l'imbccititc, simplicité, ou insolence du
petit Acteur. »

Cette moralité, dont nous attribuons l'idée première à


Louis XII lui-même, fut certainement représentée par la
troupe des .Enfants Sans-Souci et de la Mcre Sotte, car le sujet
allégorique qu'elle met en scène devint assez populaire pour
être reproduit en tapisseries de hautelice,tissées dans les ma-
muacturcs de Flandre et destinées orner les châteaux et
hôtels des seigneurs. Voyez, dans le grand ocn'rage de
M. ÂchilleJubin.J et Sansonnetti Les aKM'M?~ tapisseries
~s~s, le dessin et la description d'une tapisserie qui
représente en six pièces la moralité de la Condamnation de
Banquet; mais cette tapisserie, que M. Sansonnett! a décou-
verte à Nancy, ne provient pas des dépouilles de Charles
le Téméraire, mortctt 1475, comme M. Jubinal a essaye
de le démontrer dans une notice savante et ingénieuse.
Si la moralité de Nicole de la Chesnaye est plus courte et
moins embrouilLee que la plupartdes moralités de la même
époque, le sujet n'en est pas moins compliqué. On en ju-
gera par ce simple aperçu Trois méchants garnements,
Diner, Souper et Banquet forment le comptât de mettre
à mal quelques honnêtes gens qui ont l'imprudence d'accep-
ter leur invitation d'ailerhoireetmangcrchezeux. Ce sont
&MMCMmp~n!'e, /tc<:OK<Mnsn<x,Friandise, GaMymsHc!Mf,
Je-bois-à-vous, et Je-pleige-d'aulant. Au milieu du festin,
une bande de scélérats, nommés Esquinancie, Apoplexie,
Epilencie, Goutte, Gravelle, etc., se précipitent sur les
convives et les accablent de coups, si bien que les uns sont
tués, les autres Messes..BonMMMjM~Ke,Accoutumance et
fMM-Tfmp~.éehappésdu carnage, vont seplaindreadame
Expérience et demandent justice contre Diner, Souper
et Banquet. Dame Ba-p{'r;enc<'ordonne à ses domestiques,
Remède, Secours, Sobresss, Diète, et Pilule, d'appréhen-
der au corps les trois auteurs du guet a pens.
C'est alors que commence le procès des trois accusés
pardevant les conseillers de dame jE.fp~'MM, savoir
Galien, Hypocras, .At'tCfMM et ~i~Tû~. Laissons Mercier
de Saint-Léger continuer l'analyse de la moralité, dans la
Bibliothèque du T/dffe français, publiée sous les auspi-
ces du duc deIa.ValIiere c Expériencecondamne Banquet à
être pendu; c'estD~Mcqui est chargé de fofficedu bourreau.
Banquet demande à se confesser on lui amène un beau
père confesseur;il fait sa confessionpubliquement, il mar-
que le plus grand repentir de sa vie passée et dit son Con-
fiteor. Le beau père confesseur l'absout, et Diette, après
lui avoir mis la corde au cou, le jette de l'échelle et
l'étrangle. Souper n'est condamné qu'à porter des poignets
de plomb, pour l'empêcher de pouvoir mettre trop de
plats sur la table; il lui est
défendu aussi d'approcher de
.D& plus près de six lieues, sous peine d'être pendu s'il
contrevient à cet arrêt. t
Il résulte de ce jeu par personnages, qui justifie parfai-
tement son titre de moralité, que le banquet ou festin d'ap-
parat, où l'on m'ange'ettoit avec excès, est coupable de
tous !e.< maux qui affligent le corps humain il doit donc
etrÈ condamné et mis hor~ la loi. Quant au souper, on lui
permet de subsister, à condition qu'il viendra toujours six
heures après te t~~H~r. C'est. là le régime diététique qui fut
sùMpar Louis XII jusqu'à son mar!agcei] troisièmes noces
avecTMarie d'Angleterre :<tLe.bon roy, à cause de sa femme,
dit-la Cinomque de Bayard, avoit changé du tout sa ma-
ntère de vivre, car o(! it souloit disner ahuit heures, il con-
Yeiioit.qu'il disnast à midy; o& il souloit se coucher à huit
heures du soir, souvent se coùchoit a. minuit, » Trois mois
apr~s avoir changé ainsi son genre de vie, Louis XII mourut,
&i regrettant sans doute de n'avoir pas mieux prontc des
ïcçons de la moralité, rimec naguère par son médecin.
Cette moralité 'est très-curieuse pour l'histoire des
mœurs du temps aussi bien que jjpur l'histoire du théâtre;
on y TOtt indiques une fdSe~do détails sur les jeux de
scène, les coutumes et les caractères des personnages. Elle
estecrite souvent avec vivacïïe, efTon y remarquedes vers
qui étaient devenus proverbes. Les défauts du style, souvent
verbeux, obscur et lourd, sont ceux que l'on reproche
également aux contemporains de Nicole de la Chesnaye.
Quant à la pitcë elle-même, elle ne manque pas d'origina-
lité et ~clle offre une action plus dramatique, plus pittores-
que, plus varice, que la plupart des moralités contempo-
raines c'est bien une moralité, mais on y trouve au moins le
mot pour rire, et l'on peut en augurer que le médecin de
Louis XH était meilleur compagnon et plus joyeux compère
que Simon Bourgoing, valet de chambre du n)emc roi et
auteur de la moralité intitulée l'Homme juste et ~M!H!f
m<M<M~, avec le yM~m~< y'.4m<' <M'o<c et l'execution
la ~<'H<MM.
LA

COMDAMNACIONDE BANCQUET

LE DOCTEUR PEOLOOCTEUR commaneo.


No~ oculus sah<ra/Mr visu,
Sed nec auris !)~~<M)' CKd'ttM.
EcciEStASTES,prttKO CC~M'fM~O
Non saturatur oculus etc.
OMM,
T- f"
Salomon dit que t'œil de t'homtne httmaiu,
Soit de Romain ou d'autre nacion,
N'est assufy', en voyant soir etmain~,
Pays loingtain, edifficu certain,
Palays haultain, pour recreation
L'affuction, pnur occupparion,
Ou action de joye et de ptaisancc
Dessoubz le ciel n'a jamais suffisance s.
Tousjours voulons veoir
Blanches ou yermeilles,
Ouyr et scavoir
Pour t!MOK!'{.
Pour BM/M, par ellipse.
Il y a, dans cotte moralité, beaucoup de passages en vers
de dix syllabes, dans lesquels la rime e~t. redoublée à la césure
du premier hémistiche, c'etdit ia UQ de ces jeux de prosodie, que
Motinet, Crétin, Lemaire de Belges, et leurs imi'ateurs avaient
mis à la mode. On nommait nmM batelées ce redoublement de
nmes ou d'asbonnuuces, qui produisent reuet de petits vers de
quatre et de six syllabes.
Choses nompareilles;
Les yeuh,les oreilles,
Selon que j'entens,
Ne sont pas contens.
Ce nonobstant, pour leur donner
Quelque briefve refection,
Avons bien voulu ordonner
Aucune compilacion,
Dont la clere narracion,
Les signes, les motz, la sentence,
Baillerontbonne instruction
A ceux qui. nous font assistence.
Pour vous plus a plain informer,
De ce qui sera recito_:
Nous desirons de reformer
Excès -et superfluité,
En détestant gulosité
Qui consume vin, chair et pain,
Recommandantsobrieté,
Qui rend l'homme legier et sain.
Médecine consent assez,
Qu'on doit disner competemment';
Car l'estomac point ne cassez,
Pour disner raisonnablement.
Or faut-il soupper sobrement,
Tant les druz que les indigens,
Sans bancqueter aucunement,
Car bancquet fait tuer les gens.
Saichez que manger à oultrance
Destruit les gens et moult peut nuyre

Gourmandise,goinfrerie; en latin, ~M!Mt!<t4.


Suffisamment,eonvenaUement.
~IticheS) bien pourvus,bon~. compagnons.*
Mais la vertu de tempérance,
Fait l'homme priser et re!uyre.
Tous ces propos orrez deduyre,
En escoutant et parlant bus:
Et pourtant veuillez vous conduire
Paisiblement sans nulz dehas.
Après ces motz, se retirera le Docteuret se jra seoir jusques à ce
qu'it viendra faire son sermon. Et Disner vient en place, qui
dit
DtSNER.
Quant Polemo venoit de son solas,
De divers mestz tout replet et tout las,
Il faisoit lors bon veoir sa contenance
SOUPPEB.'
Xenocratcs, qui ne rcspargna pas,
Discrettotnent re~etM'së~ repas,
Par ung sermon dé doulce consonnance.
BANCQUET.
Bien peut gaudir, qui a foison chevance 1.
DISNER.
Le gent gàudisseur
Devoit, de lieu seur,
Prendre sa doutceur, ·
Sa joye et son bien.
SOtJPPER.
Mais le bon Docteur,
Parfait orateur,
Sans estre fiateur,
Luy remonstra bien.

L'hystoire de Polemo,gaudissenrdoAthenes, est estripte au


vr livre de Yalere, au chapitre Domf/aeiene mor!<s«;H</<'r<t<t!s.
(Note de l'auteur.)
G'est-4-dire qui a de l'argent à foison.
Le gentil ami de la joie, un Rogt'r Contemp~.
BANCQUET.
Doctrine vault, mais on ne sçait combien
DISNER.
Quant Luculus, pour festoyer Pompée,
Rendit si furt sa famille entrapée,
Le cuysinier devoit bien estre habille f:
a SOmP~R.
Par Plutarcus, la chose est désignée
Car il escript que, pour une disnée,
H exposa jusqu'à cinquante mille.

BA.NGQUET.
Pecune doit tousjours estre mobile.
DISN.ER'
Plusieurs ont este,
Yv~r et este,
Qui ont fort gousté
Des fruitz de la terre.

SOUPPER.
S'il en est planté
C'est grant lascheté,
BIasme ou chicheté,
Les tenir en serrer

BANCOOET.
Où les biens sont, illec il les fault querre
DISNER.
Laissons les acquerans acquerre,

Luculus, comme dit Plutarque en son livre De ~'n'N ?'~M&-


en convis, et f~uant il vouloit soupper en ung
/r/Ms, estoit excessif
3ieu nommé Appolin, le repas coustoit cinquante mil.
(?)« de l'aziteiir.)
(Note i'ftxion'.)
Beaucoup, abondance de biens.
3 En réserve.
Laissons monter les hauttz montans
Puisqu'il n'est plus discord ne guerre,
Rien ne devons estre doubtans.
sonppER.
Mais que nous fault-Ht
MISNER.
Passetemps.
SOOPPER.
Comme quoy2
D!SNER.
Entretenement
Frequenter tes gens esbatans,
Pour vivre plus joyeusement.
BANCQUET.
Qui passe temps joyeusement,
Ne commet point de viUennie
Mais Passetemps présentement,
Est avec Bonne Compagnie.
SOUPPER.
Itz mainent tres-joycuse vie,
Soir et matin, sans repos prendre.
DISNER.
De les trouverj'ay grant envie,
Pour leurs condicions apprendre.
BANCQUET.
Le cueur humain doit tuusjours tendre
A veoir quelque nouvelleté.
sonppttR.
A suLtiUes choses entendre,
Le cueur humain doit tousjours tendre.
LE FOI..
Ces trois folz ont
grant volonté
De chercher leur malle meschance*.

Ordinairement, de tempsautre.
Pour mMcAmxcf, mauvaise chance.
Quant on bien ris ou chanté,
a
A la fin fault tourner la chance.
Ha! vous voulez avoir plaisance 1 ?
Bien vous l'aurez pour ung tandis''
Mais gens qui prennent leur aisance
Se retrouvent les plus mauldis.-
BONNE COMPAIGNIE, gorriere damoyseUe, se tire avant, avec
tous ses gens en bon ordre, et dit
Arriere, chagrins et marris 4
Car je ne qùicrs que plaisans ris,
Et de tous esbatz abondance.
GOURMANDISE, femme.
Et, moy, le gras beuf et le riz,
Chappons et poulletz bien nourris,
Car de la pance vient la dance.
FMANB:SE,îem!ne.
Bon fait, attendant le di~ner,
D'ung petit pa~të desjeuner,
Pourveu qu'il soitcbault et friant.
PASSETEHPS, homme.
Riens, riens 5! tousjours solas~ mener;
Jouer,chanter, dancer, tourner,
En babillant et en riant.
JE-BOY-A-vons, homme.
Cela ne vault pas ung neret
Mais vin vermeil et vin cleret,
Pour arrouser la conscience.

Satisfaction,plaisir.
Pour un moment.
De bonne mine, bien parée.
Gensmoroses.
Cette exclamationéquivaut à celle-ci Bien, ~H/
Joyeuse vie.; M~os ou so~M vient de sf;t«h'«m.
Liard, petite monnaie de billon noir ou HfT~.
JE-PLEIGE-D'AUTA.NTI, homme.
Jeprisemieotxtetnu~cadef:
Quant on en verse plain godet,
Jele prens bien en pascience.
ACOUSTUMA~CE,femme.
Quiconque ung train pneommence,
Soit de mestier ou de science,
D'exerciceou de nourriture,
Laisser n'en peut t'experiencf,
Car nous avons clere apparence
Que eoustume est autre nature,
Non pas nature proprement
Touchant nature naturée,
Mais ung train tenu longuement,
C'est quas! nature atterëe.
BONNE OOMrAtGNIË.
Il fault commencer ta journée.
Sus, je vous ordonne qu'on fine
D'une tostée enluminée~?
JE-BOY-t-YOUS.
Et de hon vin.
BONNE COttPAtGNtE.
Quarte ou chopino.
JE-PLEIGE-D'AUTANT.
Tantost vous en feray l'amas.
BONNE COMPAIGNIE.
Et, au sur.p)us. qu'on nous propine~°
Deux platz de prunes de Damas.

Ce
surnom signinc j'accepte tous les /o;M~.
à Vin muscat cuit et épicé.
3 Grillade dorée par le feu.
''G't'st-d[['e:qu'onuom apporte, ~u'onnons!tCrte;du)a)i[i
j?roptK<!r~.
Cepremier repas se fera sur une table ronde.ou carrée, et <-e la
saispn est qu'on ne puisse tiner de prunes, ït faut prendre
prunes seiches, ou enfaire de cire qui auront forme et couleur
de Damas.
GOORMANBlSE.
H fault remplir noz estomacz
Soit de trippes ou de jamLon.
FRtANDtSE.
Fy fy C'est pour Jehan ou Thomas
Il me suftist de pou* et bon.
JE-BOY-A-VOUS.
Voicy belle provision':
Pastez, prunes, pain, vin et tasse.
BONNE COMpYlCNtE.
Chascun preigne sa porcîon,
Puisqu'il y a viande en place.
)E-PLE!GE-D'AUTANT.
Et comment Gourmandiseamasse
Ces prunes, pour les enfourner
JE-BOY-A-VOCS.
Elle a mangé une lymace*.

BONNE COttP'AtCNtE.
Paix! paix! H n'en fault mot sonner.
P'ASSETEMPS.
Gente dame, pour vous donner
Ung peu de resjouyssement,
Quelque dance veutx ordonner
S'il vous plaist?

Avoir, frouver.
~rour:p~,avecÏj.prûnonf'iat.ioïiitalienne.
3 qu'elle avale une li-
Gourmandisemange si gloutonnement,
maeequisctrouTaitsurtespt'unes.
BONNE COMPAIRNIE.
Tost.legieMmcnt.
PASSETEHPS.
Pour commencer l'esbatement,
Ça, Friandise, ma mignonne,
Je vous vueil mener gentement,
S'il ne tient à vostre personne?
FRIANDISE.
A vostre gré je m'abandonne,
En tout honneur, sans mal penser.
PASSETEMPS.
Qui viUennie s'adonne,
Jamais pas ne puist-il passer.
Hhpreatpariamain.
Quant ainsi vous tiens par la main
Et voy Yostre visage humain
Plus doult que d'une Magdate~e,
Il me souvient'du joyeux train
De Paris, qui ronge son frain,
Tant est surpris de dame Ilelainel.
FMANDtSE~
Et quand je voy le dou)x ymaige
De vostre gracieux visaige
Où il y a beaulté foison,
11 m'est advis, en mon couraige',
Que je face le personnage
De Medée, et, vous, de JasonS?

Paris, Ch du roy Priam, ravit t'ebine, femme de Menehus,.


roy de Lacedemonnie. Note de <'aM«t<r.)
For intérieur,esprit, emur.
Jason se acointa de Medec,et, par le conseil d'elle, conquesta.
la Toison. (:es matières sont traictées en rjF~Oo.rc T~i/c,
que a escript Guido de Coulmna, et au paravant, Omere, Yir-
gille, etc. (No/e~faxff!)
BONKE COMPAIGNIE.
Sus, sus, sonnez une chanson
Si verrez quelque sault gail!art 1

PASSEfEMPS.
Tantost monstreray la façon
De dancer sur le nouvel art.
Est à noter que, sur l'eschaffault ou <'n quelque lieu plus hault,
seront les instrumens de diverses façons, pour en jouer et di-
versinier, quant temps sera. Et sur ce présent passaigc pour-
ront jouer une basse dance assez hnefve, puis dira Disner
DISNER.
Il nous faulttyrer ceste part,
Où sont toutes joyeust tez
Bonne Compaigniey départ
Ses jeux et gracieusetés.
SOUPPER.
Tous troys avons les vouleutez
De la suyvir a à toute instance.
BANCQUET.
Ung beau salut luy presentez,
Pour impetrer son acointance.
DISNER.
Je prie à la divine Essence,
Qu'elle tienne en convatoseence $
La dame et son estat not.tbie.
BONNE COMPAtGNIE.
Dieu gard les seigneurs d'excellence
Venez gouster de l'opulence
Des biens qui sont a ceste table ?

'rour:it;M.
'Prospérité, bonne san~e.
SODPPER.
Pardonnez-nous, dame louable,
SeavosheiogishonnnraMe
Sommes venus sans inviter?
BONNE OOMPAtGNtE.
Ce)a, ce m'est chose aggreaMe.
Toutesfois, il est raisonnable
Que je oye voz noms reciter.
DISNER.
J'ay nom Disner.
SOCPPER.
Et, inop, Soupper.
BANCQUET.
Et, moy, Bancquet, gent et legier,
DISNER.
Pour gens à table occuper,
J'ay nom Disner.
sourpER. ·
Et, moy, Soupper
BANCQUET.
Je fays plusieurs biens dissiper
Et hors heure Loire et manger.
DISNER.
J'ay nom Disner.
SOUPPER,
Et., moy, Soupper.

BANCQUET.
Et, moy, Banequet, gent et legier.
BONNE COUPAtGNIE.
Telz hostes doit-on bien loger
Hz sont de prix et de vaHeur.
Or, sus, mes gens, sans plus songier*.
1.
Faictes-Ieur boire du meilleur?
DtSNER prent la tasse.
Vostre vin a belle couleur.
Passetemps,Je-!my-a-vouset Je-pteige-d'antantteurMiient les
taiiSC!.
SÛUPPEE.
La saveur vault encores mieutx.
BANCQUET.
C'est vin pour guérir de douleur
Et pour enlummer les yeulx.
D1SNER.'
Dame de maintien gracicut,
Dictes, sans penser à nul vice,
1
Qui sont ces cueurs solacieux
Qui vous font honneur et service*?
BONNE COMPAIGNtË.
Tantost en aurez la notice:
Veez cy Passetomps, au plus près;
Je-boy-a-vous, honnue propice,
Et Je-pleige-d'autant après.
EUe les monstre.
Veez cy la frisque Friandise,
Qui au ptnt gentement s'avance;
Vcez cy la g[oute Gourmandise,
Et puis veez .oy Acoustumance.
!)!SNER.
Pour Dieu n'ayez à desp)aisance
Se de leur estât enquérons?

C'est-A-dire sans Mbitcr.


SOUPPEU.
Cesontgensderesjouyssance.
BANCQCET.
!lz sont telz que nous les querons.
DtSNEE.
Ma dame, nous vous requérons,
Que vers nous hciez le retour;
Car tous troys certes desirons,
De vous festoyer tour à tour.
BONNE COMPALGKIE.
D'y prendre repas et séjour,
La chose point ne me dcsp)aist
Employer y voulons ce J0!)r,
Mes gens et moy, puisqu'il vous ptaist.

DCSNEK.
Chez moy viendrez sans plus d'arrest,
Car je vueil conttnenf'cr la feste.
BONNE COMPAtGNtE.
Je le vueil bien.
DISNER.
Tout y e-:t prest,
En salle plaisante et honneste.
SOUPPER.
Ma dame, sachez que j'upp~te
Vous avoir au second repas?
BANCOOET.
Et le dernier tour me compote
Vous y viendrez, ne ferez [):<s?

'Convient; du htin t'orna frf.


BONNE COMPAtFNIE.
Ouy,housyronspasapas,
Prendre refection humaine.
DISNER
Dame bien faicte par compas
Vous plaist-il bien que je vous maine?
!t l'emmaine par dessoubz le hras, et Soupper et Bancquet se
retirent,
BONNE COHPAtCNtE.
Pour moy prenez beaucoup de. paine,
Mais il sera rémunère.
DISNER.
Veez cy mon logis et demaine*;
Veez cy l'estat tout prépare.
Or sus, Escuyer moderé,
Et vous, Escuyer profutable,
AMZ-vous'~mentabout'0~,
Que tout soit prest pour seoir à taMe ?0

ttotez que l'Escuyer, le Cuysinieret ]es den! Serviteurs sont


du commun, et serviront aux troys, etc.
L'E.SCnYER.
Viande, avez moult détectable,
Bonne saulce et bonne vinée.
LE CUYSINIER.
Pour brigade doujco et traictabte,
Viande avez moult delectable,
LE PREMIER SERVITEUR.
Et si avez servant notable,
En moy qui ay myne affinée.

*C'eM-ii-diro:parexee)[ecce.
Pour: (fomch! demeure.
Travaillé.
L~SECOjNDSBmtTEUK
Viande avez nloult delectable,
Bonne saulse et bonne vinée.
Dii-NER.
Or, sus, l'eaue est-elle donnée I?
Font semblant de lacer.
L'EiiCUïËK.
J',en sers, comme escuver de bien.
DtSNEtt.
Veez cy vostre place assignée,
Madame?
BUNKE CONt'AfGiUE.
Jetevueittrès-bi'?)).
D!SNt:t<.
Passetemps, valeureux crestieu,
Prenez vostre lieu cy de coste,
Et puis chascunpi'engnete sien,
L'ung après l'autn. coste à coste.
BONNE COtfPAIGNtE.
C)' sera la place de l'hoste.
biSNEtt
!ia,jeteraybie!),n't;ndoubt(;x.
LE FOL.
Mais où sera n)oy et marotte?
'f
Devons-nous estre déboutez ?
DiSNEB.
Apportez l'assiete", apportez?
Avant le t'fpas, on donnait l'eau; c'eM-a-dirH que l'oupréseu-
tait l'aiguière à chaque convive, pour se laver les main~.
"On appcbita~e//<!oumff: ce queuous appelons Mti't.
ouM~e
ou ealrée dans uuun diner.
dîner. Taillevcnt,
Taittevcnt, dans son Livre
dan& :ou cuisine.
Livre de cuisine.
nous offre plusieurs nt.'nus qui non- apprennent ia contpo-i-
!ESCUTER.
Maisquoy?
DtSNER.
Frictures à foison,
Brouet, potaiges, gros pastez,
Beau mouton et beuf dè saison.
LE FOL.
Se les gens de vostre maison,
Ne vous servent selon raison,
1]~ auront de ceste massue.

DISNER.
N'oubUez pas le gras oyson,
Le cochon et la vcnoison,
Quelque entremetz, et puis Fyssu'
LE CUYSINIER.
Ça, gallans, de la retenue t
Ne voulez-vous rien despescher ?
Servez tt'qys metz d'une venue?
Si trouveront mieulx à mascher.
tion d'un banquet ait quinzième siècle. Voici le Ba)ic~ttf< de
MïOH~C!~HC~rd'Es~wp~s « « Pour première assiette Chapons au
bronet .de eaneUe.PouUe'tM herbes; Choul'monvea.uh,etpuis
laVenaison.
K
Second metz Rûbt le meilleur, Paons au ';clereau; Pastc/ de
ch~ppons;~cvrotzau vinaigre rosat, et Chappona aumoust JehaM.
« Tiers metz Perdrix a )a h'imotette Py~eoas à t'estutee
Pastez de venaison; Gelées et touchées.
K Quart metz Pour cresme, Pastez de poires Amandestoutes
succrees;NohetPoircscrues.u
Ce menu, queTailieventCtts comme un modèle,ne peut soutenir
la comparaison, il faut l'avouer, avec les menus de l'illustre Ca-
rème cependant, à en croire lo Livre de Taillevent, les jus de
viande et de poisson étaient alors infiniment plus succulents et
plus soignés qu'ils ne le sont dans la cuisine du dix-neuvièmf-
siède.
En terme de boucherie, ce mot a une foule de signiBcatfoa'-j
il se dit des extrc'mites de la bête, de sa tête ou de sa queue, ou
surtout de ses entrailles mais ici, c'est l':M')~ de fable, fe des-
sert.
Le Cuysinier aura ses metz tous prestz sur quelque autre taMe
et les baillera aux servant.
L'ESCUYER.
Je voys doucques ce plat coucher
Dessus la tahte promptement,
Et le poser honnestement,
Affin qu'ilz y puissent toucher.
LE PREMIER SERVttEUM
Pui~ qu'il fault les metz approcher
Eu servant gracieusement,
Je voys doncques ce plat coucher
Dessus la table promptement.
LE FOL.
Je ne cesse de )nc muuscher,
Affin d'estre pt))ti nettement,
Mais compte on ne fait nullement
De moy non plus que d'ung vacher

LE SECOND SEfiVtTEDH
voys doncquesle plat coucher
UtMsus la table promptement,
Et le poser honnestement,
Aflin qu'ilz y puissent toucher.

PISNER.
))a daine, je vous vc'jit trene))er?
BONNE ontfPA.tGNtf.
A voxtre plaisir.
DISNEK.
Or, tenez,
[)eH, il ne t'jutt pas t~nt prescher.
J'entens que tous y advenez.
PASSETEMPS.
Amplement nous entretenez.
Voicy beautx metz frians et doutx.
DISNER.
Versez du vin et leur donnez'
Du fin meilleur ?

LErREMtERSERVtTEUR.
Ce ferons-nous.
JE-BOY-A-VOUS.
Soignent' hoste, je boy à vous
DISNER.
Et je vous pleige'tout contant!1
BONNE COMPAfGNtE.
Mes amys, je boy à vous tous
JE-PI.EIGE-D'AUTAtf'r.
Quant a nMy, je pleige d'autant
FRtANDtSE.
Passetempsjoyeux et bruyant,
Pour moy ung petit ragouter,
S'il y a rien de bien friant,
Vous me le dcussiez présenter ?
PASSETEttPS.
De cela ne vous fault doubter
Je feray vostre remonstrance.
` GOURHANDtSË.
(tuant nnoy, je veuil bien bouter~,
.Boire et manger jusqu'à outtrance.
LE FOL.
Hz ont le meilleur temps de France,
Sans soucy, sans melencolye.

Je vous fais raison je yepouj& à votre toast.


C'est-a-dire: mettre les morceaux doubler, tot'dre et
a valer.
ACOUSTUMANCE.
H n'y fault que persévérance,
Et c'est le poinct ouje les lye.
Kote! que Soupper et Bancquet les espientpnrquelques feneslre
haulte.
SOUPPER.
Vela une fcstejotye!
!)z ne se sçavent contenir.
BANCQUET.
Qui trop en prent, fait
folye
Cela ne se peut maintenir.
SOUPPER.
Si fort son estomac fournir.
N'est pas pour avoir a)eganee.
BANCQUET.
Laissez-les devers nous venir;
Nous en aurons briefla vengeance.
Notât que les Maladies se viennent icy presenter en figures hy-
deuses et mon~truen~es,emfjustonnûcb et habilléess! ebtran-
gement, que a peine peut-on discerner si se sont femmes ou
hommes.
APPOPLEXIE.
Regardez hien ma contenance,
Puis enquerez de mon renom,
Affin qu'en ayez souvenance
Appnptexie, c'est mon nom.
De tous sens et de motion,
Je prive le corps qui est Leau
Mais c'est pour l'oppHaoion
Des ventricuUes du cerveau.
PARAHSIE,.
Aussy, fais-je du bruyt nouveau

Armées.
Moy, Paralisie, aygrement
Les nerfz, qui sont dessoubxiape.ut,
Je molliRelourdement.
Le sentir et le mouvement,
Je desreigle, quand je les touche
Là se trouvent finablement
Ceulx qui font les excès de bouche.
EPHENCtE*.
Et moy, qui suis Epilencie,
Dois-je pas avoir renommée?
Je suis la seur d'Appoplexie,
Qui s'est premierement nommée:
Par moy est la teste estonnée,
Par moy tous jeux sont en debatz;
Par moy ont la malle journée,
Gormans qui prennent leurs esbatz.
PLEURESIE.
Pleuresie revient en place,
Qui est unjj mal fort redouble.
Je fais mourir en brief espace*
3
Bien souvent le plus hault monte.
Espennicutes~ducostë,
Une apostume metz et couche
Par ainsi sentent ma durte,
Ceux qui font les excès de bouche.
COLtCQUË.
Et que direz-vous de Colicque,
Passion de travail comblée?
C'est la très plus melancolicque,
Qui soit en toute l'assemblée.
Dedans collon je suis collée,

1 Pour B/)H<'p<!f. Le tette porte )d par Mrc-U)' B~'McMei'f.


~EnpeuJetemp5.
Poumons.
Qui est l'ung des boyaulx plus bas
Par ont la pance troublée,'
moy
Gormansqui prennent leurs esbas.
ESQU'tNANerE.
Sachez que plusieurs manlx je forge,
Moy, Esquinaneie l'inhumaine,
Car je prens les gens par la gorge,
Et souvent à mort je les maine.
Au Loire, manger et alayne,
Le chemin je forclos et Lousche,
Et fais mourir de mort viUaine
f!cux qui font les excès de bouche.
mnopisn:.
Ydropisie fait terreur,
A veoir sa façon destructive
Et dit-on que je suis erreur,
Dedens la vertu unitive
Par matière dessiccative,
Les povres paciens combas,
Et fais mourir de mort hasthc
Gormans qui prennent leurs es]);
JAUNISSE.
Et moy, on m'appelle Jaunisse,
f~n'CM, en latin
Combien qu'on me repute nice',
Si fais-je merveilleux hutin~.
Peau blanche comme parchemin,
Rends descoutouréeet farouche
Ainsi passent par mon chemin,
Ceux qui font les excès de boucha.

GRAYEI.LE.
Est-il de moy quelque nouvelle,
'innocente,sotte.
*nemue-mcnage,dësor<)rc,rayagp.
Qui suis ung- morbe officiai t ?
Médecins m'appellent Gravelle,
Torment assez especial.
Par faulte d'emplir l'urina),
Hfes suppos renverse et abas,
Et metz en detriment final
Gormans qui prennent leurs esbas.
GOUTTE.
Que direz-vous de moy la Goutte,
Qu'on dit Ciragie ou Artetique ?
En mon cas homme ne voit goûte,
Tant soit médecin auctentique.
Je suis podagre sciatique,
Pire que n'e<t poingnant' mousche
la
Dieu sçait comment je poins et picque
Ceux qui font les excès de bouche
APPOPLEX!E.
Quant nous sommes tous ensemble
Autour d'ung povre corps humain,
Respondez-moy, que vous en semble,
N'est-il pas cheut en bonne main?
PAtiALIstE
Corps qui est trop farcy de sain*,
De vin, de pain, de chair friande,
Ne peut estre )onguement sain,
S'il ne digere sa viande.
SOUPPER.
Et Bancquet sera avec luy.
Voicy les gens que je demande
Dieu gard ces nymphes desbifées 3
Si pour quelque chose vous mande,
Y viendrez-vous bien eschauffées ?
Malqui représente tous les maux ?Mor&~
Graine, lard.
~Quiontsimau~isemine.
nptLENOtE.
Mais que nous soyons estoffées,
De nos breteHes.* et bastons,
Nous y troterons comme fées,
Ou comme garoux ou )uytons'

SOCPPEti.
Bancquet et moy, nous attendons
Bonne Compaignie et ses gens,
Lesquelz festoyer entendons
De tous metz gracieux et gens
De leur santé sont negligens,
Et pourtant chasticr les fault;
Si vepil que soyez dilligens
De leur faire ung petit assault.
PLEURESIE.
Mais voulez-vous que, de plain sault,
On les face morts tresbucher,
Ou qu'on les envoye en lieu ehault
Tous malades, pour eulx coucher?
SOUPPER.
['remie]j il vous fault embuscher
En mQBlogis secrettement:
Et puis je vous yray ))ucber
Pour commancer l'esbatetnent.
Lors viendrez-vous soubdainement
A l'estourdy frapper sur eulx,
Pour leur monstrer visiblement,
Que long Soupper est dangereux.

Petites eprf5;*t)'~<t~, armes à main.


~Loups-garoux~etluUns.
Ëtuves qu'on appelait ;jm~f.<, et ~ont la médecine ~.e servait
pmrfair.'suer les malades.
'Appeler, avertir.
coLtcûnÈ.
D'autant qu'ib sont beaulï etjoyeuï.
De tant les ferons plus cornaM'
Voire, pardieu, si roupfeux,
Qu'ilz s'enfuiront cotnme renars.
ESQCtNANCtE.
Vous les verrez, de toutes pars,
Partir dehors, comtne esgarez.
Je croy qu'ilz seront bien espars,
EsparpiOcz et séparez.
SOCPPEE.
Quant temps sera, vous y viendrez.
Et besongnerez sans les craindre
BÀNfi~OËt.
A moy aussi vous ne fauldrez,
Ponr les parachever de paindre?
YBROFtSIE.
Sans rien dissimuler ne faindi'e,
Seront rencnntrez face à face 1
J'ay bien espoir de les eontraindrf
A tantost vuyder de )a p)acf.

SOUPFER.
Oh il souffist, le temps se passe
Vous frapperez sur les manteaux ?
Je voys, tandis que j'ay espace,
Appointer mes biUebateaux~.
BONNE COKPAIENIË.
Or ça, reboutons noz cousteaùt.
La disnée est bien acomplye.
Camus, bots, étonnes.
Ce mot ne ligure pas dans les dietionhaircs comme on <p-
pelait )if/t les vases imtre eîles pièces d'orfevrene contëhat)i
des confitures. nous pensons que ~!i/o<e;<;< a )e ménié sens
que nef. H y a encore des &a/MM~' dans un sei'~îcË de dessert.
Faictes oster tables et tréteaux,
Monhoste,jeYOusensupp)ie?
DISNER.
Ma dame Bonne Compaignie,
Maistressc d'excellent degré,
Vous et vostre belle mesgnye,
S'il vous plaist, vous prendrez en gré?
LE FOL.
Sainct Jehan vous m'avez bien monstre
Que je suis fol totalement
Au moins, si j'eusse rencontre
Ung voirre de vin seullement!
Ne suis-je pas bien aeoustre?
Je ne scay comment on l'entend
Puisque je n'ay rien impetre,
Je iray jouer au mal content'.t.
BONNE COMPAtGfUE ditGraeM.
Mon Dieu, qui, au commencement,
Le monde soubz le firmament,
Si richement edilias,
Desbiens dont arons largement,
Te mercions presentement
DelLonjcucur.
JE-BtT~-VUUS et JE-PLEtnB-n'AUTA.'i]
D<'o~)'a/?'ns..
JE-BOY-A-VOUS.
Dieu, qui, par !ouab)';s façons,
De cînq pains d'orge et deux poissons
Grant multitude sacias
De tes viandes et beau)x. d"ns
Eumbiement grâces te rendon*. °
De bon cueur.
-h- C'Mt un jeu de carte! qu'on*'ap))ehtit au~si /<* /«t< et f<
MaMm~Kj il est dt~ parmi les jeux de Gargantua.
C'e~t-a-dire tu ;'«.<.w.<tM, lu restann-t.
PASSETEUPS et JE-PLEIGE-n'AUTA'<r.
D~O gratias.
BONNE COMPAtGNIE.
Or ça, danseurs, estes-vous las?
Il fault reprendre l'ordinaire,
Et pour mener quelque solas,
Faiftes jouer le lutenaire 1.
PASSETEMF'S.
Madame, c'est~moya~faire:
,_JeYoysIecasexccutpr.
Au demourant de nostre affaire,
Pensez de l'hosteconh'ntcr.
DISNER.
De cela ne fault sermonner.
BONNE COMPAtGNIE.
t) vous a coustë largement.
DISNER.
Je vous ay bien voulu donner
Ce repas amyablement.
BONNE COMPAtCN)E.
Puis que ne voulez autrement
Recompense de tous voz biens,
Je suis vostre totallement,
Et si vous offre tous les miens.
PASSETEMPS.
Toy, joueur, qui vois noz maintien'
Tous prestz de marcher et passer,
Puis que le lutz en ta main tiens,
Sonne Si nous feras danser.

Lutenaire, id est joueur de ~tz. (Note de f'aM~ttf.)


L'inslrument sonne, et les troys hommes mainent tes (roy~
femmes et danceront telle dance qui leur plaira, et cepen-
dant Bonne Compaignie sera assise.
L'ESCUYEK
On doit de soy-mesmes penser
Gallans, allons croquer la pie*.
LE rREMtER SERVITEUR.
Sus, il nous fitutt recommanrpr:
On dn!t de soy-mesmes penser.

LE SECOND SERVITEUR.
J'' su! content de m'avance)',
Car autre chose je n'espie.
LE CUYSINIER.
On doit de soy-mesmes penser
Gallans, allons croquer la pic.
Je n'en puis plus, se je ne pieIl
Quelque pianche bonne et fresche.
LE FBEMtER SERVITEUR.
Je crqy que j'aur.iy )a pepie,
Ta.nÏ.~y la povre langue seiche.

LE CUYSINIER.
Voicy ung plat, pesche cy peschc*,
Combien qu'il n'y ait rien de chault.

Cette expression prnverï)i:de ne paraU pas avoir d'analogie


avec celle-ciqui lui ressemble:o'o~H<'J'~ M~r~o/. Kous croyons
que croquer la ytf .signifieraitplutôt, en équivoque se gorger
de vin, de y)~; boire sa soif.
Bois, du verbe pier, emprunta au grer nf'M; en argot,
piancher.
Boisson, terme d'argot.
C'est-à-dire y mette la main qui voudra.
i.EFOL.
Au moins, donnez-nous une pesche,
Pour fiire ung peu gobe quinautt'?
LE SECOND SERVITEUR.
Va, Foi, va Qu'esse qu'il te fault?
Dois-tu si avant approcher?
LE FOL.
U'estàpr(~pos:ne]jasheh:)utt,
Je ne trouve riens que maschei'.
SOUPPER.
Gent E&cuyer, mon amy cher,
S'it vous plaist, vous ne fauldrez pa~
De venir servir et trencher
Chez moy, à ce second repas?
L'ESCtJTEtt.
Vous aurez des gens ung grant t.<s
Pensez à la provision?
SOUPPER.
Pour entretenir tous estalz,
J'ay assez preparacK'n.
BAKCQCET.
Et après la réfection,
t!z doivent chez moy banquetât'
Je vous prie par affection,
Que vous y vueillez assister ?
L'ESCUYEt!.
Puis que tnc venez inviter,

C'est-à-dire pour avoir de quoi mordre et avaler. Cette ex-


pression proverbiale ~<H~, qUe les dic~iônntth'c~ n'ont
pas recueitlie, représente un vic~ singe (~!«mM<) qui gobe ..))",
noisettes.
Meouper les viandes hire t'office d'ecUi'er (Mt)i')Mht
Il appartient bien que y aille;
Nous yrons le cas actinter
Et n'en voulons denier no maille'.
LE CUYStXtEK.
Vous serez servy. ne vous chaiite",
De rosty, boully et gelée
Hn'y fault point de chair salée,
Mais connins*, perdrix et lioullailte6.

rREMtËft SERVITEUR.
LE
S'en peut trouver quelque voj)ai)[('s.
Soit en montaigne ou en vaUée,
Vous sel'ez servy, ne vous chaille,
Dt' rosty, boully ou gelée.

LE SECOND SERVITEUR.
Je n'y feray chose qui vaille,
Si je n'ay la teste enyvrée;
Mais si la boisson m'est livrée,
Je verseray plus dru que paif)'
L'ESCUTE~.
Vous serez servy, ne vous chaiUe,
De_ rosty, boully et gelée;
n'y fault point de chair salée,
Mais connins, perdrix et poullaille.

SOUPPER.
Or, sus, Escuyer, je vous baille
La charge et te gouvernement.
1 Disposer tout; ce verbtîestencoreusitédans iâ marine.
C'est-à-dire nous n'entendonspas recevoir le moindre sa
laire.
Ne vous en inquiétez pas.
Lapins.
'Vo)ai)iedcbasM'f'our.
1 Gibier ailé.
L'ESCUfER.
Nous yrons tous, vaille que vaille,
Et au banquet consequamment.
BONNE COMPAIGN1E.
Est-il estat que vivre plaisamment,
Joyeusement, sans aucun plaisir prendre;
Boire d'autant, manger pareillement,
Abondamment, et puis honnestement
L'esbatement et le jeu entreprendre.
A bien comprendre, et la matière entendre,
Chascun doit tendre à tenir cest usage.
II est bien Fol qui cerehe son dommage
Dansons, ryons,
Sans nul soucy
Chantons, bruyons
Dansons, ryons,
Douleur fuyons,
Et paine aussi
Dansons, ryons,
Sans nnl soucy
Ne se doit-il pas faire ainsi,
Qui peut et qui a l'aisement *?
PASSETEMPS.
Il seroit bien fol, Dieu mercy,
Quiconque feroit autrement.
r
BONNE COMPÀtGNIE.
On doit vivre amoureusement,
Et hanter les dames honnestes.
PASSETEMPS.
Je m'en mesle commum'ment,
Mais je ne quiers que les plus nectes

Faisons du bruit; du verhe ~K~f.


L'aisance, !a fortune.
Faces sadinettes
Piaisansgodinettes~,
Baltes à choisir,
Fillons ou fillettes,
Blanches, vermeillettes,
C'est tout mon désir.
JE-BOY-A-VOUS.
Et je trouve ailleurs mon plaisir,
Car j'ay autre condicinn.
Je prens voulentiersle loisir
De vacquer h potacion 3:
Bouteille ou flascon
DevmdeMascnn,
Je le trouve sain*;
Celluy de Dijon,
Et de Mont Saulion,
OudeSainctPoursain'
JE-PLEtGE-B'AtJTANT.
Je suis vostre cousin gerntam,
Car je croy que honune ne m'en passe
,Se vous buvez à verre plain,
Je joue aussi de passe passe.
Ce Lon vin j'entasse,
Tousjours tasse à tasse,

Jolis visages. SK~tMt est l'augmentatifde !<!f~, qui déri-


verait plutôt de Ma~iM que de: m'M.
'Amies de la joie et du plaisir.
Action de boire; en iatin polatio.
~He<H remarquer que les vins de Bourgognesont rarement
cités par les écrivains du seizième siècle, ce qui prouverait
qu'on le~ exportait Lors de France, ou qu'on les buvait dans la
province. Hab~lai~et l'auteur de la moralité des B/es~NM~'art,
ne les nomment pas.
Nous p~nson~ que le vin de J~S~M~'OM est )e vin de Sau-
lieu quant au vin de Saint-Pourçain, il a sa piaf dans le
n/t?mttt<f<~t)s)'i~.<a!cFfattef,parPict'reDanehe,qui)oue
De Sainct Pourcam le gentil bourbonnois.
Par icy dedens
Pour une trincasse l,
Cela ne me casse
Ne langue ne dens!
FRtA.NDISË.
Puisqu'il faultparler des despen?,
Se la maison est raisonnable,
Ne laissez pourtant en suspens
Le manger qui est convcnabte
Je desire table
Pout'veue et sortabb'
De bonne viande
La plus delectable
M'est plus prouffitable
Pourtant la demande.
GOURBIANDISE.
Et moy, qui suis ung peu gourmande,
J'appete vivres à foison,
Comme ung seyUer de laict d'amande,
Et cinq pastez de venoison.
Pour ung desjunon~,
JenevueH.sinon
Devinunequarte,
Avec ung oyson3,
Nourry de saison,
Le flan et lâ tarte4.

'Toast, santé que l'on trinque.


Pour ~~KHef.
Quoique Platine de Crémone fasse le procès à l'oie, considé-
réé ëbmmë aliment (voy. J~ honesla ~(thi~p, Ub~V~, les ï''ran-
ptis, ët surtout tes Parisiens, ne partageaient pas cette mauvaise
opinion à l'égard d'une yf))~a;Hf, qu'ils préféraient Il tous les
volatiles de basse-cour. La rue auxOues, maintenant rue aux
Otirs, était pleine de rôtisseurs qtH faisaient cu!re plus d'oiefi
que'de poulets.
Nos ancêtres étaient très-friands de Oans et de tartes,
ACOUSTCHANCE.
Avant que le jeu se departe,
On voirra comme tout ira.
Ce m'est tout ung, Marie ou Marte,
Mais quelque ung s'en repentira:
Car tel gaudira,
Et tant jovra
Des biens savoureux,
Que mal sortira,
Car il sentira
Loyer douioureux*.
1.

LE FOL.
Etc'est la fin des amoureux,
Et des gourmans pareiHement
Premier deviennent langoureux,
Et puis ilz meurent meschamment.
Soupper parle & Bonne Compagnie.
SODPrER.
Dame'vivant triumphamment,
Je vous faiz declaration,
Qu'il est heure presentement
De prendre sa refection.
BONNE COMPAIGKIE.
Je suis de ceste oppinion:
Là se fait-il Lon occuper.
60CPPER.
VenexYeoirl'abitaeion,
Oli j'ay preparé le soupper
H l'emmaine par soubz le brm.

comme le sont encore les Anglais, qui conservent mieux quo


nous leurs anciens usages. Taiiteyent donne plusieurs recette.
de tartes < Tartes couvertes communes; tartes descouvertes;
tartes a deut visaiges; tarte jaeopinecouterteet drengeé par-
dessus tarte jacoplne bien farcie; tarte de pnmmes, < etc.
Héeompensedouloureuse.
PASJSETEMPS.
Nous yrons tous per ou non per',
Il est ainsi deterininé.
JE-BOY-A-VOUS.
Siavoit-itbienacoupfr,
Au lieu où nous avons disné.
JE-PLEIGE-D'AUTANT.
J'aytoutdigeruetmynë'
Et suis prest comme au par avant.
FRIANDISE.
Cheminons! c'est trop-sermonné,
Bonne Compaignieest devant.
GOURMANDISE.
J'ay intencion maintenant
Debiengourmander et manger.
ACOtTSTCMANCE.
Je iray tant ces gens poormenant,
Qu'ilz treshucheront en danger.
SOUPPER.
Escuyer gentilet legier,
Faictes laver et seoir voz gens'?
L'ESCUYER.
Pensez que je suis mesnagier,
Pour servir contes et regens.
LECUYSINIER.
Serviteurs, soyez diligens
De servir l'assicte première~.

< Deux par deux, ou un par un.


Enfoui dans le ventre comme au fond d'une mine.
3 C'est-à-dire le premier service.
LE PKEMtËR SERVITEUR,
De rien ne seront iudigens:'
Je y entendz de bonne manière.

LE SECOKD SEUVITËOR.
Devant ma dame !agorrierc,
Voys présenter ce gibelet ?

LBCUÏStNIEf!.
Et, toy, detnou.res-tu.derriere?
LE SECOKD SERVITEUR.
Je voys servir ysabelet 2.
SOUPPER.
Madame, mangez, s'il vous'ptaist,
Et si tastez de tous noz vins?
J'en ay du plus friandelet,
Qu~ soit point d'ioy à Provins.
Sus, )t0 serviteurs barbarins
Apportez-nous ces bustaudt'aux
PonHetz et chappons pèlerins",
Cignes, paons, et pfi'driaux,
Epaulles, gigotz de chevreaux,
Becquasses, butors, gelinottes,
Lièvres, connins et lappereaux,
Hérons, pluviers et alouettes?

t'uur gibelet, dit Taillevent, d'oyseau de riviere, il fau)t


haslerdeso!seaak&)a broche, ou sur le gril, fait pareil bouillon
comme à la fuméeverjus et expiées pareiMemeut.' »
*Kous n'avons trouvé nulle part le nom de ce ragoût,etnous
sommes forcé de ~uppo&er qu'il devait b0n nom à sa couleur
~f!~cKf.. ·
'Nous iieriousforteupL'incdedire si cette qualification
donnée aux Sertitéur'- s'applique à leur barbe, ou à leur cos-
tume, barbaresuue, ou à la couleur bistrée de leur peau.
''Chaponsgras.
C'est-a-diro qui Tiennent des bons endroits.
BONNE MMr4.IGN!E
Voz saulces sont-elles hien faiçtes
Escuyer?
ESCU'
L'ESCUYER.
L YER.
Madame honnorêe.
Veez-en cy de trop plus parfaictes.
Que cyve~, ne gatimat'frpe~
Tout premier. vous sera donnée,
Sauice robert et cameline 5,
Le saupiquet, ]a cretonnee~,
L'ancienne cui-ine possédait un graud uontbrf de saacos-
que la cuisine moderne a bien modifiées, sinon alaandonnéea
tout à fait. Ou trouvera dans le Livre de T~~ff~M/beaucoup de
dëtaus sur ces saucer, avec quelques aphorismes culinaires, tet-
que celui-ci « Toute venaison frescbequin'est point bassinée
se menge à la cameline. f
« Pour taire du cyve, mettez des cqnnins haslez en la bruche
ou sur le ~ril, et despccez par pieces, et mettez souffrire en ung
pot.; et puis prenez du sain de lard et du bouillon de beuf,.
pour en faire le bouillon, prenez du foye, si en povez nner, et
puis mettez tremper en bouillon de beuf, et puis mettez couler
le pain et le foye, et puis mettez dedans le pot, et puis prenez
canelle, gingembre, menues espices, c!. puis les deffaictes de
verjus, et puis les mettez bouillir tout ensemble et du sel ainsi
qu'il appartient, » TAtLLEvENT.–II y avait aussi le ~'<' de uèvrCt
le e~e~e veau, etc.
« pour galimafrée, soyent prius poulailles ou chapons rostis,
et taillez par pieces, et après fritz à sain de lard ou d'oyc, et
soit mis vin. verjus, et pour espicesmettez-dela poudre de gim-
t~embre~ctpourla ]ier çameline et du sel par raison.~TAiLLE\'E\T.
La sauce Robert, qui joue encore un si grand rôle dans la
emsîne bourgeoise, n'est pas cnec dau~ le L~ de Taillevent.
du moins stms son nom, qui, dit-on, serait celui de l'inventeur.
« Pour faire une quarte de camelme, haslez du pain devant
le feu bien roux, et qu'il ne soit point bruslé, et puis le mettes
tremper en vin vermeil tout pur, en pot ou neuf plat; puis,
quant il ~era. trempe, le passez par estamine avec vin Temieil,
et puis pn'ncz une chophie de vinaigre, ung quarteron de syna-
mone, une om-e de gingembre ut un quarterondemenuesespict'
passez, mettez tout en un pot. » TAîLLETENT.
Taillevent décrit plusieursespèces (te ft'p/û~n~la crctonn~t'
d'Espagne, tn cretounecdepois nouveaux, la cretonnée de fève$
Le haricot la salemine
Le blanc manger", la galentine
Le grave sentant comme basme~,
Boussac 6, montée avec dodine
nouvelles, )a cretonnée de poulailler, la eretonnee d'amandes.
Voici cette dernière recette « Cuisez Lien poulaille en eau,
despecezpar quartiers, frisez en sain de lard, et prenez amandes;
deffaictes de bouillon; et mettez sur le grain; affinez gingembre
commun, deffaicte dp vin ou de verjus, ou tousjours se lie delie
mesme, sans mettre fers que ung peu de vin blanc.s
Le haricot brun n'est autre chose qu'une sauce roux.
Pour faire salamine, prenez brochetz, carpesau ou autre
poisson qu'il y aparticnt, et l'escailler, et faire broyer amandes,
atout l'escorcc deffaicte de purée de poix, et puis prenez sem-
blablement espices comme au brouet d'AliemaignC) et les def-
faictes cu verjus, et faictes bouillir vo~tre bouillon, et mettez à
part, tant qu'ii soit temps de disner. < TAtLLEVEXT.
Le blanc manger était une sauce bfancite froide nu troitf<
blanc « Pour faire blanc manger à poysson de brochet, de
perche ou d'autre poysson auquel appartient blanc manger,
faites escailler et frire à 1'huHle nu au beurre, et prenez aman-
des, et les deTfaictes, comme dessus est dict, et de purée de poix.
et mettez du vin blanc, et les deffah'tes de gingembre blanc, de
verjus et sucre, tant qu'il y en ait assez. » TAtLLEYEfi.
La ~e/M/Mf, dans Taillevent, estune sauce froide, extraite
d'un consommé de brochets et d'anguitle~, avec vin, vinaigre et
épices.
Tailleventdistingue plusieurs sortes de frrsi'M, entre autre,
le grave d'alouettes et le grave de pois'on. Voici cette dernière
recette Pour faire grave de poisson, de brochet et de carpe,
ou aultre poisson, cscaillczej. frisez le poisson; faictes hasler
du pain et tremper en purée de poix, et coullcz et y mettez
de l'ongnon fricassé, trcncbe assez gros, et mettez bouillir
ensemble gingembre, canelle et menues c'piccs, et les def-
hicteh de vinaigre, et y mettez ung peu de saffran pour le
coulourer.
i Coussac de lievre qui sera parboullu et despccc par pie-
ces, puis le mettez en ung pot et le souffrisez, et ayez du bouil-
lon de heuf a le soufMre dedans le pot, et prenez du pain et le
basiez, et quant il sera haslé, vous le mettrez tremper et de"
foyes de poulailles et roullerez de la canelle, du gingembre et
des menues espices, c'est clou de graine, et mettez avec pain,
et faietes les espices, verjus en vin'vermeil, et faietes bouillir
ensemble. TAtu.EtEftT.
Taillevent nous fait connaitre la dodine de lait et la dodine
Chaulbumer et sautcc madame*.
.JE-BOÏ-A-VOUS.
Huurmathtise, ma gentil femme,
Jeboyhvous!
GOCRMAND!SE.
Souppons.soupponsi
L:dssez-moy en paix, par vostre âme
Je Tuejtt entendre à ces cbappons.
FRIANBtSE.
Avant que d'icy eschappons,
Nous sentirons bien les espices.
L'ESCUYEB.
Veez cy cappcs~, lymons, popons-
Cytrons, carottes et radices.
de verjus. Voici la première a Pour faire dodine de laict sur
tous oyseaulx de rivières, prenez du laict, et puis le mettez en
ung poisle, puis demie once de gingembre pour deux platz, et
passez par l'estamine avec deux ou trois moyeulx d'œuf~, et les
faictes buuillir tout ensemble ~vec laict et sucre qui veult, et
quant les oyseaulx seront cuitz, mettez la dodme dessus. »
\<f Pour faire chauidume, prenez brochetz, et les esch~dez,
et meltez, en pièces ou tous entiers, basier sur le gril, et basiez
du pain, et menez tremper avec purée de poix, et quant seront
trempez, prenez verjus ou vin blanc, et la purée, et passez tou
ensemble pour quatre platz, destrempcz une once de gingem-
bre dedans le bouillon et du saffran parmy, et y mettez lu
poisson avec du bouillon et du beurre parmy. TjULLEVENT.
w
rbur faire saulce Madame, soit rostie une oye, et mettez
une poisle dessoubz, et prenez le foye de ro~e ou d'aultre
poullaille, et les mettez rostir sur le gril; puis, quant il sera
cuit, basiez une testée de patn, et mettez le foye et le pain
tremper en ung peu de bouillon, et passez-les bien à l'esta-
mine mettez et laiMez bouillir um; douzaine d'oeufs, et en
prenez les moyeulx et les nascbcz menu, et quant l'oye sera
cuite, le mettez par-dessus et la saulee avec, et se voulez que
sente le goust de laict, gcetez une goutte ou deux boulie.
TAii.LE\'ENr.–l!abelais~iv. IV, cli. XL\ dit que Mnnda)n tut.
l'inventeurde la sauce Madame.
Espèce de pomme.
Ce sont sans doute des cédrat.
JB-PLEtGE-D'AUTANT.
Gentilz galans, ne soyez niées
De verser du vin largement.
LE PREMIER SERVtTEUK.
Nous sommes serviteurs propices,
Pour y entendre ~aigement.
PASSETEHPS.
Vous nous traictez honnestement,
L'iioste?
SOUt'PEB.
Prenez en pacience.
ACOUSTUMANCE.
A parler veritablement,
Vous nous traictez honnestement.
FRIANDISE.
Tout est preparé nectement.
JE-BOY-&VOD&.
Tout selon l'art et la science.
BONNE COMPAtGNIE.
Vous nous traictez honnestemeut,
L'hoste?
L'ESCUYE)'
Prenez en pacience.
LE FOL.
Ces gens n'ont point de conscience,
De tousjours le vin entonner,
Et si n'ont pas l'intelligence
De quelque chose me donner.
Mais, après morceau!~ enfourner,
Quant les ventres seront largis
Ilz auront, sans ptus séjourner,
Dng bel euruy sur leur logis.
't'our:<'<t!~i)t,gross)S,distendu!
Kotez que les Maladies, par quelque fcncstre, feront sembtaht
d'espicries souppans, et ce est ce que le Fol monstre.
Regardez ces gracieux viz,
Qui font le guet par la fenestre ?
Tantost viendront, ce m'est advis,
Bouter chascun hors de son estre.
L'EftCUYER.
Visez à dextre et à senestre,
ASin que tous soient contèns ?
LE PREMIER SERVITEUR.
Quant à moy, je ne puis pas estre
De tous costez.
LE SECOND SERVITEUR.
Je y
entends.
Croy que j'ay l'usaige et le sens
De servir aussi bien que toy.
LE PREMIER
SÈRVtTËCit.
Hotnine n'y a d'icy a Sens,
Qui s'y cognoisse mieulx que moy.
JE-BOY-A-VOCS.
Je hoy H vous
JE-PLEIGE-D'AUTANT.
Se j'ay de quoy,
Tantost je vous iray plegierl,
FR~NDtSE.
Je n'en puis plus, si je ne boy,
Ça, ta tasse, sans plus songier?

Passetempsparle à Gourmandise et luy présente la ta~f.


PASSETEMPS.
Voulez-vous point, après mangier.
Boyre ce vin nouveau percé?

) aire raison le verre à la tuaift.


GOURMANDISE.
Contente suis de le logier.
PASSETENP5.
Tenez, vcez-teta tout versé.
GOURMANDISE.
Ca, ça, à beau cheval beau gué
Cecy s'en va tout d'une- alaine.
Vous qui m'avez interrogué,
Je boy à vous à tasse plaine?
PASSETEMPS.
Ho!nepIorezptus,Mag(!aIain(!
Encor est le pot tout entier.
GOURMANDISE.
Je plore pour ma seur gprnMinc,
Qui m'apprint si Lien ce mestier.
souppEn.
Je voys visiter le quaftier
De la cuysine cy auprès,
Pour veoir se dessouhz le mortier~
Ya rien pour servir après.

BONNE CONPAtGNtE.
Partout iray là où vouldrez
J'entretientirayde bon courage.
Mais j'entens que vous revicndrf!
Incontinfnt ?
SOUPPER.
Si feray-jl'.
Ce Proverbe veut dire qu'il n'y a pas de mauvais guéour
un bon cheval.
Premier vers ou refrain d'une chanson devenue prover-
biaie.
Four, fourneau, chappe do cuivre ou de fer-blanc,
BONNE COMPAI&NtE.
Sus,gauans,quiavezi'usaige
De harper', ou instrumenter,
Trop tunguement faictes du saige
Une chaneon convient ucuter:
5paMz-uoMs~oM<,~'a~ mis mon c!~M?'
0:< non pas, OK~!MM< M MMdt'a.
~rf~f!
)'
D'MK~ autre a~;)tcr
~~M'g?!~ ~M'a~fH:?' p&!<<[.
<<M!<HM~ CM <<!r~<<?'S.
~IMM, moK~M<p/a:s:r.
J<!??t<S mon CM~ti)'JO!/e K'C[Mr<
Cela MK~ P~M, r<!ff/M< dM:)'
PO!<)'~OyPKS<?/f' !)?SM<Mt)'
jO:'e<M, ~y!<:7 /~Kr no~/MM.
pn?M <M:M<)', /f SOitM/H'
J''<:</
Pe tous &Msp<a:M<' est M:<! moM~r~sse.

îcy dessus sont nommez les commencementsde plusieursebac-


sons, tant de musique que de v~uldevitlû~.&testàsuppoper
que les joueurs de Las instruments en sçauront quetquc une
qu'ils joueront prestement devant la table. Cepcndant~oupper
vient vers le Cuysinier.
6.0UPPEn.
Or ça, n'est-it pas temps qu'on dresse
Les platz, pour fournir nostre yssue?

Jouer de la harp!\
Ce vers et les suivants sont de-) ~M~~ de chansons, pu
vogueàocL.te époque, qu'ilneseraitpput-ctrcpasimpos~il)!?.
deretrouvcrdansicsrccuensmanuscrits, L'aronneconna!t
pas de recueils de chansons imprime-? du temps de Louis XU.
"Ce passage,qui n'a été citépar personne, etque nous ne
eonnaissious pas encore quand nous avons publie notre édition
des Vaux de Vire d'OtivierUasselin, semble prou ver d'une manière
certaine que le V<;K~f! n'est pas une corruption <)e t't/f.
~'rf.nideito~fj'c!
LECUYSINtER.
Uo!hongresainctGris',jenecfss('.
Voyez-vous point comme sue? jf
Serviz serez d'une venue,
Incontinent, sans faire noise.
Veez cy fructerie menue,
Tarte cnuverte~etb~urhonnoise':
Vous avez des metz plus de douze,
Pour servir ces trois marjoUez*
Vous avez raton", taHemouse~,
Rauffrfs, poupelins7, darioUM".
sonprER.
Servez-les à peu de parolles,
Escuyer, entendez-vous bien ?
Je voys faire des monopolles,
Dont il ne viendra pas grant bien,
Et soyez de bon entretien,
Tandis qu'a la taMe seront.
t.

Oo désignait ainsi saint François, dans le peuple. lienri tV


jurait par V~re-Sait~-Cn!.
<t Tartes couvertes destrempez la croupie d'ceufz et beurm e
rarcy, destrempé de dem œufs et d'eauc, en chacune tarte, ft
non plus de beurre, de~trempee avec formaige, broyé en uug
mortier. "TAn.LEVENT.
« Tartes Rouruonnnyse Un formaige broyé et dcsttempt,
cresme, moyeulx d ceufs sutt~amment et en croustc nteu petrie
d'oeufz, soit couverte entière, orenge par-dessus. » l'A~LLYE~J.
j~r/o~s, muguets, galants.
Pâtisseriepiate au fromage ou a )a crème cuite.
t Talemouse:forma)'gepar morceanïx carrez, menus comme
febves, et parmy le formaige fort destrempé œufz largement, tout
ensemble et la trousH dcstrcmpee d'œuf: et de beurre. TAtu.
Pâtisserie faite avec du beurre, du lait et des œufs meies
dans de la fleur de farine sucrée.
a Dariolies de cresmes soyent broyez amandes non guere~
passez, et puis la crcsme fort frite au beurre et largement sucre
fïedans.TAtHEYE?'i.
L'ËSCCYËR.
Je seray de si beau maintien,
Qu'à nul mal ilz n'y penseront;
LE CUYSINIER.
Qu'on aille veoir que c'est qu'ilz font
Qu'on aille ces platz desservir?
Veez cy mon sucre qui se fond,
Et tout, par ftulte de servir!
L'ESCUÏER.
Allons donc la viande quérir
Si servirons le dernier metz'.

LE PREMtER SERVITEttK
Il ne faut rien laisser perir:
Allons donc la viande quérir.
LE cnYStNtË)).
De cela vous vueil requerir,
Car il en est temps desormais.
LE SECOND SERVtTÈBtt.
Allons donc la viande quérir.
Si servirons le dernier metz.
L'ESCUYER.
}) m'est advis que désormais
Vous vous rendez, quant à cecy.
Ilz desservent tous les metz de char.
BONNE COMPAIGHtE.
Pour Dieu! ostez ces ehtremetz?
?fous demouronsbeaucoup icy
dernier service, ia dernière eatr~f.
N~~ t~tiitM trop )6hgteMp~ 4 table.
LE PREMIER SERVtTËOK.
Et je osteray cecy aussi.
J~' voy que tous ne mangez point?

FASSETEitFS.
Nous avons bien fait, dieu merey
Etfournyjaquette et p~m'po!nt'.
GOURMANDISE.
.)e croy quela mousche vous poinct,
Ou vous songez, comme je cuyje;
Je n'ay mangé que tout à point:
Encor y a-t-il ung Jtuyau yuyde.
JE-BOr-A-VOCS.
Aussi, avez-vous belle bide~?
Vous y pensez, Dieu s~ait commfnt.
JE-rLÈtGE-D'tUTA.HT.
Qui luy pnurroit mettre une bridf,
On la tromppt'Mtlom'dement.
t.ESCCTE!t.
Pour despcchcr legiertnient,
Ça.tespiatz?
Le Cuysiaicr leur baille les pbt): de i'y-M)e, comme il Mt Jt(
par avant.
LE UUÏS[KtEH.
Tenez, YCM-Ies là
LE sECONt) SËRVtTE!t&.
Baitlex-m'endeux pareillement,
Pour despecher iegicremeht.

C'est-à-dt~e ïtouti &?on5 remp!i hotre estomac et uott~


ventre.
Terme d'argot, trogne, face entumin~e. Ce terme sisuMe
aussi, au figuré, le membre viril.
LE CCTStNIER.
Puisqu'ik ont mangé longuement,
Portezt'yssu<<'tpui'!hoL').
LE SECOND SERVITEUR.
Pour despescher tegicrcment.
Ca,l(-sp)atz?
LE CDTStNIEJ!.
Tenez, vecz-testà.
<Ju!au)tt'escr\'icevouldr.i,
Si_quierc ailleurs son advantaige.
Au fort, le B~ncquet reviendra
Je y vnys faire le trinnt'.nge.
L'ESCCYEK.
Ma dame gracieus&et saige.
Cecy n'est point Mou~'eUeté
Nous avons rude et lourd usaigt:,
Supportez rimbecilitH.
BONNE COMPAtCN!E.
Vous nous donnez biens a planté,
Mais j'ay quelque suspicion,
Pour l'hoste qui s'est absenté
De nostre congregation 1 ?
I.'ESCC'TEFt.
ft
HfiutlapMparacion.
BONNE COMPAtGNtE.
Quoy? Veult-H des gens recevoir?
L'ESCCVER.
Je n'en faiz autre mention.
Vous le pourrez tanto''t sçavoir.
Soupper qui vient solliciter les Maladie'

Réunïon,assemb!ëe.
SOUPPER.
Estes-vous toos prestz?
JAPNtSSE.
Ony.tnir'.
1.

sotjppEn.
Embastonnfz ?
OJ!AYf.:H.E.
Dob_ons!)astnn'
so~rrnR.
Pourfrapppr?
GOUTTE.
Pour faire dp\o)r.
SOUPPER.
Serrcz-tcs-moy
APPOPLEXtE.
Maisnh;(toM.
PARAHSfE.
ftfau)tqu('nnus)escombMtons.
EP)I,E!)CIE.
Fai~nm dehnt
PLEURES.E.
Faisons discnr<!
Cf)LtCQCE.
Entreprenons1
ESCDt'!AKC]t:.
nntt'eLatonsJJ
YDROPISIE
Monstrons rigueu)'

Oui, vraiment.
On appelait M/os toute espace d'armer à main.
JABt!!S6E.
Monstrons effort
SRAVEtLË.
Voulez-vous qu'on les mette à mort,
Pour le refrain de la balade?
souppER.
Nenny, mais batez-tes si fort,
Que chascun soit rendu.matadf.
G O~TTE.
Vous me verrez faire gambade.
APPOPLEJME.
Et je ft'apperay au plus hault.
S<)upper leur monstre la compaignie, et ilz s'approeheat
BODPPER.
Vous voyez toute la brigade?
Allez besgngner 1
PARAHStE.
[Hefautt!
EPILENCtE eommence le debat et dit:
A eulx!
Pf.EtJRES[Ë.
A l'assault, à )'assault~
BONNE COtIP&t&mB.
Alarme Quelz gens sont-ce icy?
ESQUttfANCiE.
Vous avez r~stomae trop chautt
'!DROP!StE.
Et vous, le ventre trop farcy
COCRttANDtSE.
Or je me rendz Pour Dieu, mercy
sonppEn.
Tous partirez de ma maison 1
PASSETEMPS.
Ha! Fhoste, faietes-vaus ainsi?
Bien voy qu'il y a trahyson 1
Après ces motz, feront de grans manière!, abattrent ta table,
les tresteau:, vaissetje jet CMaMe!, et n'y aura personua <]es
sept <}ui ne soit bah). Toutesfoi!.ilz esehappcrotit comme par
force, i'unB délayé rimtre~taignant. Et pourra durer cf
conNict le )on~'de une patcno~trc ou oeux,~
Puis, quand ilz seront fu;i., Jauniss<f'par!eM
JiuttSSE.
Nous les avons mis a ruismr.
T1z s'enfuyent, les muthfm't'ux

GRAYELLK.
Hz ont eu horions foison.
J'ay trop hien deschargé sur eutx.
GOUTTE.
Ce sont gens gloutz et
dangereux.
Et ne sçavent que caqueter.
SOUPPEtt.
Â)ez aussi propos songneux~¡;
De les servir au banqueter.

APPOfLEXtE.
Sachez que nous yrons )iurter.
SQUprEft.
Or, adieu, danm A~pop)exre.'

Couvert de plaies.
G~;ffoK!, gourmand:
Pour so~ncM. attentifs, empressés.
EPILENCIE.
Sdx\ousuennent plus visiter,
Appf))ez-t]ous?
SOOrpER.
Je vous mereye.
BONNE CONPAtGN~E.
Mais d'où vient ceste felojmye
De nous traictet' si rpjj~f'npnt?
~ou~'Eg.msE.
Las ouj?~ t'ait grant YiHenuie
Je saigne très-piteusement.
JË-Bor-A-VODS.
J'ay souffert terrible tuurment.
JE-PLEIGE-D'A UTANT.
J'uy tuus les metnbres affo))ez'.
FRIANDISE.
J'en ctouche" merveilleusement.
ACOUSTUMANCE.
J'ay souffert terrible tournient.
BONNE COMPAIGNtE.
Ce Soupper est ung garnement
C'est par luy que sommes fouliez
GOURMANDISE.
J'ay souffert terrible tourment.
ACOUSTUNANCE.
J'ay tous les meinhres atïoulex.

'BIcsSKii.
J'en Loite.
~3JfjLlLra~b~tUCCt).b!éf.
BONNE COMPAtCtUE monstre MtKM~.
Hegardez-cy, se vous voulez?
Ce Soupper m'a icy attainte.
rUtANDtSE.
Quelque vieille aux ycutx reLoutez
M'a faicte en la teste une emprainte
JE-rH:I'&t)'At;TA~-T.
<: t
Etuneautrcnes'csLpajjajttte~
¡;
<
De me frappa sur la cerveDe..
ACOUSTOMANCE.
On nous a LaiUé cestejsiraincte4.
J'E-BOÏ-A-VOUS.
C'est pour nous piteuse nouvelle. ·
PASSETEMF6.
Oticqucs ne sentis douleur teUe.
J'en ay les membres tous gastez. ~L
GOURMANDtSE.
IMas moy, j'ay douleur mortelle.
JE-BOV-A-VÔUS.
Où, mamye?
COURMÀNOtSE.
Par les costez.
BOXKE COMt'AtGNIE.
Qui sont ces nez esgratignez,
Et ces visages gour6rms~
Égarés, hagards.
Blessure, plaie.
Ne s'est pas gStiee. ne s'ç~t. pas Cindtee, pour.
Attaque, agression.
° VisagM de chouette.C'e~t piutùt ~~an')! del'italh~t~«~t,
d'où l'on a tiré le mot ~o~, grossier, laid.
Qumous ont si bien tatinez 1 ?
Ne sont-ce pas monstres marins ?
Je croy que ce sont tartarins
Gotz ou magotz vertigineux,
Babouins, bugles barbarins
Partans de Paluz bruyneux

~S~
PASSETËtfPS.
Or avons-nous estejoyem, ï ·
Et prins repas délicieux,
En continuantjohr et nuy t
Mais,'en la fin.
BONNE*~MPA!GN[E.
Long Soupper nuyt.
.JË-BOY-A-VOUS.
Le matin avons dosjune,
Conso~uemmenttrès-bien disné;
Danco,sautte, et mené bru;t
Mais, Ma En.
JE-PLEtOE-D'AUTANT.
Long Soupper nuyt.
FRIANDISE.
Chez l'hoste qui est detestable,
Avons tenu longuement taMe
Pour manger chair, tartes et fruict
Mais, pn la fin.
ACOUSTUMANCE.
Long Soupper nuyi.

TripoLcs, ha~us.
TartMes.
3 SiugeS, buffles de Barbarie.
Venus des Palus Moot.idM*.
GOURMANDISE.
On peut bien disner a plaisance.
JE-FLEfGE-D'ACTANT.
On peut bien boireasufSsance.

PASSETEttPS.
On peut bien prendre son deduyt
ACOJISTUMANCE.
Mais,enIaT!n.
BONNE COMPAtGNtE.
Long Soupper nuyt.
Or, ça, il u'en fault plus parler
Nous avons eu maulx à phnte.
En quelque lieu nous fhult aller,
Pour recouvrer nostre santé.
Ilz se retrayent, comme pour cutx adouber
L'ESCUYER.
Qu'ossocy?Ho!
LE PREMIER SERVtTEUK.
Tout est gasté.
LE SECOND SERVITEUR.
Je n'y eongnois ne pot ne verre.
I/ESCUYER.
Tout ce que avons cy spfirtë
Est rue bas.
LE PREMIER SERVITEUR.
Tout va par terre.

'['i.u-ir,pab.<ctcn)ps.
Panser, raccommodci', rétablir.
xLE SERVITEUR.
SECOND
Est-ce point d'un coup de tonnerre?
LECUYSINIER.
Est-ce point d'ung coup de tcmpeste ?
sonpPER.
Relevez tout, et qu'on resserre?
L'EAjCnYER.
Ha vous avez fait ceste feste ?~.
Quel maistre Antitus 1
LE rREHfER SEHVtTEtn:.
Quel prophète
SOUPPER.
J'ay monstre ung tour de fin hoste.
LE.CUYSINIER.
Vous sstes une fauke Leste.
SOUPPER.
Ilz ont ceste première notte.
Sus, sus, gallans, il f<)u[t qu'on oste
Ces bagues et ceste vaisselle?
Entendez-y?
~L'ESCDYER.
L'ES.C[)YEIt.
Je vous denotte
Se riens y avez, querez-le.
LE PREMIER SERVITEUR. ·
Ce n'est pas de nostre.quereUe.
Rahelaib cite plus d'une fois ma!tce Antitus, et les commen-
tateur~ b~ sont lancés dans un ded.de da savantes divagations a
la recherche de ce personnage,qui avait laissé un nom prover-
Mal F~t't'e de !i))<t'~M, c'était faire l'important.Rabelais a place
cet Antitusparmi les cuisiniers célèbres (liv. IV, ch. XL) on peut
donc croire que c'était, en effet, une espèce de Lucullus du
moyen âge.
LE SECONnn SERVITEUR.
Ce!a,c'estafaireaMarquet'.1.
LECUYSINIER.
Adieu ce gueux plain de cautelle
Nous allons dresser le bancquet.
SOUPPER.
Je n'ay pas'ey trop grant acquest~;
Car je y pers vin, pain et formage.
On me doit bien nommer Jaquct~
J'ay fait le M a mon dommage.
L''ESCUYEH.
Ban<qnct, gracieux personnage,
A qui desjà sommes submis,
Nous venons à vostre mesnage,
Pour faire ce qu'avonspromis. <

BANCQUET.
Bien soyez venuz, mes amys!
Ces gens sont-iiz )&vez de table ?
LECnyStNtER.
Hzont trouvez des ennemys,
Qui lenr ont f:tit.guerre importable*.
BAKCQUET.
Coupper est assez decepvaMe~,
Maisnesonnezmottoutesfois,

Proverbe dont nous ignorons l'origine, mais dont la signiR-


cation est facile à deviner; onaditdans)em<'me'!en'Ce)a
regarda Pierre ou Pan).
Profit.
Synonyme d'<nHCf<')i<, dcMt, detM~<. Cette expression pro-
verbiale se rapporte à une anecdocte que nous ne counai~ons
pas et qui devait être alors tres-popntaire.
InsupportaUe, into)erab)e.
Trompeur, perfide.
Car je leur seray plus grevable
Qu'il n'a esté, cent mille fois.
Parlons de feves et de pois,
Ou de ce qu'il m'est necessaire?
H monstre M viande.
N'ay-je pas estoffes de poix,
Pour ma comédie parfaire ?
LE CUYSINIER.
Je prise bien vostre repaire.
Vous avez besongne en maistre.
Voicy voz platz tous paire à paire
Il ne les fault qu'à table mettre.
BANCQUET.
A cela je vous vueiL commettre.
Escuyer, et vous, Taillevent 2 ?
L'ESCUYER.
Je m'en vueil tres-bien entremettre.
LE' CCYStNIER.
Et.moy, je m'en mesle souvent.
BANCQUET.
La table est mise gentement
Nappes, touailles 3, serviettes.
Le pain y est, semblablement,
Tout entier, sans nulles miettes.
Dispose;! si bien les apprestes
Vueillez voz platz si bien coucher,
uisible, qui maltraite, qui fait tort.
Le véritable Tailleventavait été M~~rë queux ou cuisinier
e Charles YII; son livre de cuisine, IntituléT<fn/, ou le
r~t~f, fut souvent réimprimé à la fin du quinzièmesiècle.
On conçoit que son nom devint proverbial et servit à désigner
tous les cuisiniers.
3 Toiles, napperons.
<4ppy~~ préparatifs.
Qu'ilz treuvent leurs viandes prestes, <.
Et qu'il ne faille que trencher 1.
L'ESCUYE.R.
Il nous ftult donc ces platz loger?
LE COYSINfER.
Leurs propres lieux assignerons.
Tous les p)ah seront serrez sur une petite taMe, et les nomme-
ront t'ung après i'autre pour les asseoir, et les Serviteurs les
présententselon qu'on les nomme.
L'ESCCYEH.
Apportez-lestost et léger,
Ainsi que nous les nommerons
La hure de sanglier notable
Sera au milieu de la table.
LE CUYSINIER.
Et ]e faisant, bien disposé 2.
Sera auprès d'elle posé.
LE SECOND SEHTt.TEnR, portant deux platz.
Esse ce ey?
L'ESCBYER.
Ve)a, bonitomme.
N'apportez que ce qu'on vous'nommp.
LE CUYSINIER.
J'ay oublié la vinalgrettu
Apporffz-Ia tout d'une traicte?
L'ESCDYEn.
· Mais ne laissez pas la saUade,

Découper les viandes.


Voici la manière de ft.~MM'' les faisans, selon Taillevent
<; Plumez a: sec, couppez les testes et les queues, et quant il sera
rosty, attachez la teste au corps, 4 une petite cheville de boys,
et que le col soit bien droyt, et ne doit point estre cuite la teste..
C.'n'c'c~t l'appetit d'ung malade'.
1.

LBCnYStNfEn.
Encores ay-je beaucoup tarde
D'appeUer]e ))oui)Iy tarde*.
L'ESCUYER.
Tout le faict ne vault pas trois mailles,'
Qui n'a les pigeons et les caiiles
LE CUYS!NtER.
Encor n'ay-jo pas appence,
Sfavez-vous quoy ? Fine gelée 4.
L'ESCUYER.
Et pour viande Lien douillecte,
La perdrix et la trimoillecte

Proverbe encore usité. M. Leroux de Liuey


ne l'a pas recueilli
dans son j[.H'?'~ des P7'o!es/<7H~ où ]'on trouve cet autre
proverbe, moins favorabte à !a salade
De la salade et de la paillarde,
Si tu es sage, donne-t'en garde.
« Bouilly lardé Prenez vostre venaison, et puis la lardez et
mettez cuire vostre venaison avec du mastic tant seulement et
avec du saffran, et puis prenez venaison de cerf fresche par-
bouiUïeet lardée au long pardessus la chair, et puis cuisez en
eaueet seletgramfoisQp.mcngéoenpaste part'ouittie~tlardée
à pouldre fine. x TAU.LEVE'<T.
Proverbe qui veut dire qu'un dîner sans pigeons et sans
cailles est indigne d'un gourmet.
t Pour getce à poisson, prenez tcnches et anguilles pour
faire la lieure d'icelle, prenez brochetz, et mcttez'euire en vin
blanc les espices c'est assavoir gingembre et graine de paradis
et ung peu de sinabis, et pour donner couleur à la gellée, du
saffran tant qu'il y ait assez; purez vostre bouillon, et quant
elle sera purée, coullez-ia, et puis vous asserrez les platz pour
le grain, et les mettez en eaue ou en que que aultre lieu frais et
t
bouillon dcSSUS. ÏAtLLEVENT.
« Pour la trimollettedeperdrix prenez perdrix etles mettez
rostir, et quant ilz seront rosties, les souffrisez en un pot avec
sain de lard et bouillon de beuf, et puis de l'ongnon faict bien
LE CUYSINIER.
Et après toutes ces mereUes',
Hfau)t merles et tortereUes~.
L'ESOniM.
Et pour bailler aguisement~,
BeUcs orenges largement.

LE cmsm[ER.
Après chair, selon noz usaiges,
Il fautt tartes à deux. \tsaig~s
1,'ESCC~Ef!.
Je vueil aussi qu'on leur propines
La belle tarte jacopine~.

menu, soit mys avec les aultres espices et graine de paradis et


du sucre par raison, et prenez du pain basfe et du foye dé
pouHaMe,si en povez liner, et le mettez tremper en bouillon de
beuf, le couliez parmy i'estamine, et bouliez dedans un pot ave*:
la perdrix, et mettez caielle, gingembre, menue espice, clou,
graine'deffaicte de verjus et du sel, ainsi que il appartient. »
T~)HEvE«r.
Ce sont les plats qui forment sur la tnNe une espace de
ser~He ou mf)'~<, c'est-4-dire.une série de eompartimcnts
semb)ab)cs t ceux que les enfants tracent sur la terre pour
jouer au jeu de la mérelle. On pourrait.aussiexpliquer )))fr<'MM,
par bagatelles, jeux d'enfants.
< Menus oyseaulx plumez à sec et reffaitz en eaue ardez
rostis et mengez au sel et en pastez pareiiiëment. Torterelles,
ainsi comme une oye qui veult soit dorée au verjus cuyt, piedz
entiers, et soit fendue la tc~te jusques emmy les espaulles, et les
tuez par ie cueur, mengô à poivre ou au jautnet. T&~t.EvETfT.
C'est-à-dire pour aiguher t'appf'tit,
< Tartesà deux visages prenez formaige ctforcede moyeux
d'œufz et de sucre. » TAtLt.ErEitr.
Qu'on leur serve, qu'on leur présente; du latin propinare.
° « Tartes jacopmes couvertes, orenges pur-dessus eL bon for-
maige fin par iescfies et bonne.cresme, des oeufz les moyeuh
mi~tionnez parmy, et anguilles mises par tronçons et bien bou!-
lues et assises devant la tarte, avant que le formaige cresme y
soit, et grande quantité de sucre. ÏAU.t.EVEtfT.
LE CtJ~SHUER.
Pour viande commune et tntte
Il fault avoir la cresme fritte
i,' E's'envER.
Apportez aussi, pf!ur la tin,
De pure cresme, ung beau daulphin
~~LE CCYSimER.
C'est bien raison que ~oit couchëp
Auprès des autres la jonchée'
I/ËSCUYER.
Prescntez-moy,pour ft'uitz nouveau]x,
Des pommes, poires et proneaùix.
LE CUYSINtER.
Reste, après toutes ces_choset!es~
Avelames, cerneaulx, noisettes.
LE rnEM!ER SERVITEUR.
C'est tout.
LE CUYSINIER.
Et bien voicy les ptacps
Où l'on mettra godctz et tasses.

Bjtatuëe, mi~'ën purée du latin fri~s.


«
t'our cresme fritte, prenez cre?me et la mettez bouillir,
et puis du pain blanc esmié bien deslie, et le metez dedans la
cresme, au des oublies esmyez foison, et les mettez avec cresme,
et prêtiez des moyëulx d'ceufz, et gettez dedans avec* le laîct et
cresme, et faictes bouillir tout ensemble, et mettez sucre foyson
avec ung peu de sel. M T~tLLcvEKr.
K Daulphins, fleurs de lis, estoylles de cresme frit, fort sucre
et moyeulx fuictx bestonga soient en façon d'ung coing farcy de
cresme fritte, qui en aura, et qui ne foulera cresme, soitpnns
formage fin, puis lopins de sucre, » TAtH-m'ENT.
Fromage de lait frajchcmcnt caillé et égoutté dans de petits
paniers d'osier. On disait aussi :~M~. C'est ce que nous nom-
mons /cm~ A c~m~.
BANCQUET.
Y est tout, le maigre et le gras?
L'ESCHTER.
Il y a beaucoup de fatras,
Mais je reserve ce quartier;
Car, pour compaigner t'ypocras
Oh posera eylemestier*.

BANCQUET.
Je m'en coys meshostes chercher,
Pour les advertir et sommer.
Serviteurs, it.vous fault mareiter, y

Et voz deux torches alumer.


LE PREMIER SERVITEUR.
A ce je ne vueil reeu)Icr
D'y aller assez me contente.
Ilz vont à deux torches.

LE SECOND SERVITEUR.
Je feray ma torche brusler,
Et vous su!<Tay sans longue attente.
BANCQUET.
Dieu gart la dame belle et gente,
Et toute la brigade chere 1
Je,vous prie, soyez diligente
De venir faire bonne chère.

< Pour une pinte, trois trcsMU;: de cynamonc fine et parée,


nng treseau de mesche ou deux qui veutt; demy treseau de gi-
roNe, et de sucre fin six2onces, et mettez en pouldre et la funitt
toute mettre en ung coutoucr, avec )<; vin, et le pot dc'oui)z,
et le passez tant qu'il soit coulé, et tant pins est passé et micuix
lx
vault, mais qu'il ne soit csveute. » TAiL! KVEKT.
("est ce que nom nommons le pf<)K)', oublies, maca-
rons, cornets, etc.
BONNE COMPAtGNtE.
Ha'Bancquet.~yamaniere':
Car, Soupper, aïout sa cohorte,
Nous a chassez de sa janniere,
A horions d'estrange sorte.
GOUR1HA·NDISE.~
GOnEftANDtSE.
Sur ma foy, j'en suis presque morte.
BANCQUET.
Vous aYOi''eEfË trop avant.
FRIANDISE.
Il m'a fa!)u gaigner la porte.
JE-BOY-A-VOOS.
Etmoyapres.
FASSETEMPS.
Etmoy devant.
BANCQUET.
Soupper est homme decepvant,
Quant longuement en l'entretient
Mais, moy, je suis assez sçavant,
Pour faire ce qu'il appartient.
Venez-vous-en ?
BONNE COHrAIGNIE.
A moy ne tient,
Puisqu'it est cnnc)ud et decix~.
."t BANCQUET.
Mon lieu ainsi qu'il se contient,
Est tout vostre.

On dit encore dans le m~me sens U y 3 conscience ce qui


signifie en voii~ assc7.
At'ec.
Pour ~~W.
Ma maison.
BONNE CUMPA!G!~E.
Mille mercis.
BANCQUET,
Regardez les metz Nmf~assis1.
Prenez place de ce este?
Seez-vous aussi, entre vous six
Chascun selon la qualité.
BONNE COMPAtCNÏEj
De biens y a grant quantité.
"Ilz se seent.
JE-PLEIGE-DAUTANT.
Voicy ung plantureux manger.
BANCQUET.
Prenez en gré.
PASSETEMPS.
En Yeritë,
De biens y a grant quantité.
GOURMANDISE.
Sej'ay eu le dos tempesté
Au briffer je m'en vueil venger.
ACOUSTUMANCE
De biens y grant quantité.
JE-BOY-A-VOUS.
Voicy ung plantureux manger.
PASSETEMPS.
Je ne sçay en quel lieu charger',
Tant en y a.
FRIANDISE.
Ne moy nus<!i._
ro~-és sur la table.
Noirci, frotté de coup'
.Action de manger goulûment.
Attaquer, mettre la main au pht.
BANCQOET.
Prendre povez, sans nul danger,
Deçà,de)!)?
F~B~ISE.
Il est ainsi.
BONNE COMPAtGNtE.
L'hoste, vqus~flendrez seoir icy,
Au moins se vous m'en voulez croire.
BANCQUET.
Da)ue, vostre bonne mercy 1 ·
J'entendray à servir de boire.
JE-PLEtGE-D'AUTANT.
M'amour, voulez-vous ceste poire ?
GOUR'MANDtSE.
.vetabienpar!ëâMM)'tin"
Mais dont vous vient ceste mémoire
Ue servir de fruict si matin?

BANCQUET.
Sus, compaignons, servez de vin,
Et gardez que boisson ne faille.
LE FOL.
J'en seray propbute ou devin
A la fin y aura bataille.
LEPitEHtERSËttVtTEUR.
Il m'est advis que chascun taillé
Selon que l'appetit luy vient:
&'
Allusion & ce proverhG cité dans les CM~'os; /n/nfo~M
d'Oudin « I! ressemble
le prestre Martin, il chante et respnnd
tout ensemble. M
Se serve, fasse sa part.
LE SECOND SERVITEUR.
Puisqu'ilz ont largement vitaitle',
De boire fournir les consent.
L'E_ZOL.
L E *E) L.
Et tousjours de moy'ne souvient
Jamais riens ne m'est dispense 1
Mais sçavez-vous que j'ay pensé,
Pour avoir au moins du pain bis?
Je iray changer tous mes habitz,
La derriere, en nostre jardin
Puis, viendray, faisant du gros bis t,
Comme ung Lombart ou Citadin s.
Dit-on pas, en commun latin,
Que les gens vestuz de fins draps,
Soit d'esearlate ou de satin,
Empoingnentl'honneur à plain Lra<.
Et pouvant, je ne fauldray pas
D'avoir vestures précieuses
.Tantost reviendray pas à pas,
Tenant manieres gracieuses.
!t s'en va habiller en Lombart.
BANCQUET parle aux Mattdics.
FeIIes furies furieuses,
Faulx et tarvatiques regars
Armez-vousd'armeures scabreuses;
Chargez vos fleches et vos dars
Car je vous dy que ces coquars °,
'Pour:<')CiiMfHf.
C'est-à-dire faisant le gros monsieur, le personnage d'im-
portance bis doit être une corruption de vis, visage, mine.
La conquête de la Lombardie, par Louis XII, ~tj~t. amené
en France beaucoup de riches Lombards, qu'on appelaitc~n~
gens de bonne ville, cita.
Chattes, tigresses; du latin ~<'t.
C'est-à-dire spectres aux regards méchants.
Sots,nigauds. On dit encore dans le même sen!):M~M)'~fS4~
Tendant à leur ventre remplir,
Boivent mon vin comme droncquars
Et ne les peut-on assouvir.
AFPj&P~ExiE.
Incontinent nous fault vëstir
Noz jaques et nos'jaserans
-.TDROriStE.
Pour les aller faire sortir;
Incontinent nous fault vestir.
EPILENCIE.
Mon Laston leur feray sentir,
S'ilz ne treuvent de bons garans.
PLEURESIE.
Incontinent nous fault vestir,
'Noz jaques etjtoz jaserans.
ESQUtNANCtE.
'Oncques ]os chevaliers errans,
Qui servirent le roy Artus,
Ne furent si grans conquerans,
,Ne si plains de bonnes vertus
PARAMSIE.
\'d!! nostes seront cômbatus,
Car ma force y esp-rouverity.

Autruches,' grands oiseaux d'Afrique. jT~'o~~r~ pourrait


avoir aussi le même sens que ao~~f~ car la dronge ou dronque
était un corps de troupes légèresoud~/r~?.
Layaque était une casaque en cuir de cerf; le ~SfTM, une
ootte de mailles d'acier.
« Es histoires de Bretaigne la grant est escript que le
roy Artus avoit ung ordre de dievatiers, qu'on nommoit CoM-
j/non~ de la Table ronde. Et ceulx qui en estoient faisoient
pronsses par le monde et ~'appelintfnt Chevaliers errans.
(Note /'<]'!<~Mf.)
CO~ICQUE.
Hz seront tous mors abatus,
Bancquet.carjem'yttouveray.
GOBTTE.
De ma poictrine frapperay,
Et causeray une artetique
JAUNISSE. 1
La couleur changer leur feray,
Par mon venin qui pninet et picque.
GRAVELLE.
Par les rainjs les agripperay,
S'il convient que je m'y applique.
ArpOPLEXIE.
Par le cerveau les toueheray,
Et feray cheoir en lieu puMicque.
YDROPtStE.
Vers t'estomach mon coup feray,
Et rcnfir.ty mon homme ydropieque.
nnLENCts.
~Etpar la teste le prentlray,
Puis le feray cpilcnticque.
PLEURESIE.
Par les costez je le poim)ray,
Anin qu'il meure pteurcticque.
ESQniNANCtE.
A lagorge m'attacheray,
Pour emppscherle viaticque.
PAnAUSIB.
Les nerfz si bien luy
scid~ray,
Que tost sera paraliticque.

Rhumatisme articuhire.
COUCQUE.
Par le ventre me cacheray,
Pour bouter en colon* ('o)ieque.
BANp~ET.
11n'y a si bon catholicque,
Ne derc~tout remply de sçavoir,
Que ne rendez metencoHcque,
Quant vous vouidrcz.
GOUTTE.
Vous dictes voir.
BANCQUET.
Sommes-nous prestz ?
JAUNISSE.
On le peut veoir.
BANCQUET.
Bien armez ?
GRAVELLE.
Il ne nous fault drille.
BANCQUET.
Adieu Je vous feray sçavoir,
Quant il fauldra bailler 1'estriHe
Nul de vous ne se deshabille!1
APFOPLEXIE.
Allez veoir la solennité.
YDROPISJE.
Mais revenez à totmdo bille 2.

Le intestin.
On gros
dit maintenant proverbialement dans le même sens à
tour de rôle.
BAtiCQUET.
Mais que j'aye ung peu visité.
BONNE COMPA!GN[E.
Voicy grant curiosité,
Curieuse joyeuseté,
Joyeuse demonstracion,
Demonstrant gracieuseté,
Gracieuse formosité
FormoUe consolacion,
Consolant modulacion,
Modulant juhHacion,
Jubilant precieusoté,
Precieuse largicion,
Largesse et recreation,
Recreant toute humanité*.
'PtSSETENPS.
Voicy riche fertilité,
Fertile singularité,
Singuliere donacion,
Don de grant sumptuosit~,
Sumptueuse solennité,
Solennelle réfection,
Refaictedisposicion,
Disposée oMectation,
Oblectant en honnestete
Ilonneste congregation,
Congregéeena'ffection,
Affectant fine affinité.
Beauté; du latin /i)rmM!/t!<.
Ce couplet et le suivant offrent un curieux exemple de la
rime fraternisée, que les poctes de la fin du quinzième siecte
avaient inventée comme un tour Je force poétique « Dans la
rime fraternisée, dit Rioheiet (Abrégé de rfr~fs/Mn), le dernier
mot du vers est répète en entier, ou en partie, au commence-
ment du vera suivant, soit par équivoque ou d'une autre ma-
niem."u
BANCQUET.
C'est ce que Davidacbantë,
QuantiIadit:Ecee&OMMtH.
JE-rLEIGE-D'ACTANT.
Boire ensemble par unité,
C'est ce que Davidachanté.
JE-BOY-A-VOUS.
u
Voicyladamedebeauttc,
Qui est quasi ~Mper <AtWK<m.
PASSËTEMPS.
C'est ce que David a chanté,
Quant iladit:Ecce&o/i!<M.
LE FOLretournCt habillé sur l'italique mode, et dit
Maintenant suis-je de renom.
Je n'atens t'hcure qu'on me huche
Ne me nommez pnint par mon nom,
De paour de descouvrit' l'embusche.
Je suis gentilltomme où j'embusche
~o ~aff&o de m~ro
Je y voys tout droit, se ne treshusche,
Pour boire in ~?fan<MMpo~ro.
Petite pause.
~0 ~M~O ~!M f~ ~)'m ~OK~M~MO4,
Per lustrare el pays res<r<ï(/<'
Si vide en :7 M0:t/<<' ~K~/fM~MO,
C/tt cui MMM~fMO en solasse MiOMMK~
f~rCM~ NprOM chisont tant MfOM'a~,
'App.-He.
C'est-à-dire ]a où j'entonne, où j'avale. ]tya dans réditioti
deVcrard.1507:
JesmsgentiJhomsouJehanBuschHl
E~op~t'od~T'o.
C'est-a-dîre je me ferai connattre en buvant.
Le fou ~'exprime en langage macaronique, mauvais italien
tnêïé de français.
C/te MH~npar quelque administradore,
De ~MMfe une poque goustade,
M'«y que piace a done CM a seignore.
L'ESCU~ER.
Mussire de Campe de Flore,
Je croy que nul ne vous convie?
Vous n'aurez cy honneur ne gloire.
E~da~ M'f, endate M'f s.
LE FOL.
Quel ~a~? n'est pas ma vie
Ce
J'ayme mieux boire largement,
Mais, quant j'ay de soupper envie,
On me reLoute~ rudement.
Jc cuyde, par mon sacrement,
Qu'ilz ont recogneu mon visage.
Qui est fol naturellement,
Bien envis te
tient-on pour sage.
Vous me nyez pain et potage,
Et ne me baillez que manger,
Mais j'auray cecy d'avantage,
Et deussiez-vous tous enrager.
Adieu 1

Il croque une piece de viande, et. s'enfnyt.


BANCQUET.
Je vous feray loger
lia dea faictes-vous du ruse ?
LE PREmEM smtVtTEUt:
Comment! il e&t venu charger?
LE SECOND SERVITEUR.
C'est ce fol qui s'est déguise.

~C'ebt-à-dire;pMsez votre chemin.Cette façotido parlèrent


encore très-usitée à Rome pour eh~scrk's mendiantsimportun',
''Hcbufe, repousse.
~BienmatjpBmoi.
PASSETEMPS.
On luy avoit tout refusé..
JE-BOY-A-VOUS.
On luy en avoit fait renchere.
JE-PLEIGE-D'AUTANT.
Il en a de sa teste usé.
BONNE COMPAtGNtE.
Ne vous chaille, faisons grant chere.
Sur ce pas, vient le Docteur Protoeut.eur, sur le moUlieu de
l'eschaffault, faire son sermon.
LE DOCTEUR PROLOCUTEUR.
Ne voyez-vous pas la manière
De ces gens plains d'abusion,
Qui leur felicité planiere
Mettent en commessacion'?
Chascun d'eulx, 'pour conclusion,
De faire grant chère s'efforce,
Et n'ont d'autre occupation,
Que de boire et manger à force.
Vous voyez qu'ilz ont le courage,
Le desir et la voulenté,
De faire excès, aussi oultrage,
Et gaster les biens à planté
Le bon conseil et le langaigc
De Sainct Pol, ilz n'ont pas noté
Qui, <7'<Mnt, disciple sage,
Escript So6ftt estote
A Timothée, honnne divin,
Il en parle pareillement,
t,
Non pas en exaltant le vin,_

Repas, plaisir de la table; du latin commeMatif).


<! PAOMS, T~m, secundo cap., docet omnes statua ut so-
bl'ii sint. » (Note de i'tt!«e~r.)
Mais veult qu'on buyve sobrement
Boire et manger abondamment,
Il le deffend à tous humains,
En son esprit mesmement,
Ou il enseigne les Rommains
Sobrieté,
Eonncstete,
Et parcitc
Loue et approuve
Ebrieté,
Gulosité,
Voracité,
Très-fort repreuve.
La Bible, en l'Ecclésiastique
De tout cecy fait mention
Isaye, prophète auctentique,
Dit aussi son oppinion,
Et baille malediction,
Tout clerement en beau latin,
A ceux qui font provision
De boire et manger trop matin
Se tu veutx veoir les parabolles
De Salomon, roy redoubte'
Secundo, <t~ !'<mo//M;i))! Sobrius esto. < (Ne~ f <<.)
Kon in eommesMtionibus et ebrietatibus. Ad Romanos,
tt » (Note faK<f)<)'.)
MoJfration du latin po'fi/<f.<.
Pour approuve.
*Quam sufficiens est hoinini vinum cxiguum. Et iterum
.~quavita liominis vinum in sobfietate, etc. E<'f'~MM~xt!l,
c3pitu!o. » (Note de Z'fï;fur.)
° « Va3 qui consurgelis manc ail ebrfctatem sectandam et
potandum usque vesperam, ut vino cstuetis. YSAYE, quinto. »
(Note de ~'im/Mr.)
< Cuiva;, cm patri\'a:,cui rixm, cui foveae.cuisine causavul-
ucra, cui suffusio occu!orum, nonne iis qui mota~tur ia vino
et student caticibubcpotandis. h'ofe~tert<)B,xx~u.'(A'. <<e i'att/f)
Tu verras en briefves parolles
Les. pointz que je t'ay recité.
Il descript la maleureté
Aveuglement, confusion,
Que auront ceulx, par nécessite,
Qui ayment trop potacion

Et en ung chapitre devant


Il a jà dit et exprimé,
Que qui se fourre trop avant,
Jà ne sera saige clamé.
Pourquoy? Car le vin est famé.
D'avoir fureur tumultueuse,
Et pourtant aucuns l'ont blasme
Comme chose luxurieuse.

Le vin fait des'prouffitz cinq cens,


Quant discrettement on l'appete,
Mais quant il fait perdre le sens,
C'est une très-piteuse feste.
Est-il chose plus deshonnoste,
Dit Beroaldus ptaineinent,
Que d'ung homme devenu Leste,
Et perdre son entendement ?

Le vin perturbe l'homme saige,


Le vin faict ung homme hehetë;i
Le vin corrompt sang et langaige,
Le vin engendre volupté,

Misère, malheurcurcux sort.


~'Labqisson.~
Luxuriosa i~! vinum et Huuuttuosa cbrietas. f'f~ft'o-
rK)H,xx.*(Nf)(e~f<'m~'f.)
« Quid fcJius, quid turpius quam liomo pcr vinum extra
hominem esse, cxtraque humanum inteUectum. Hajc DE~OAL-
Des. (Ne~ de i'<icK)'.)
Trouble, bouleverse.
Le vin faict perdre agilité,
Le vin rend cerveaulx furieux,
Le vin esmeut charnaliM
Le vin faict gens luxurieux.

Valere, qui, par escripture,


Recommandevertu propice,
Ditquelevin,o'estrouverture
De tout peché et de tout vice
AkMm~r~Mtm~M,
Après vin, en séant table,
Tua son fidelle complice,
Clitus, le chevalier notable
Et, en ceste mode,
Tres-dampnaMement,
Fist le roy lIeroùe,
Son faulx jugement
Car'soul)dainement,
Et à grant meschief,
Fist villainement
Coupper le samct chief.
Sainct Jhurosme, docteur comptée),
Qui les vertus haiMeamesure,
Dit que ventre de vin replect,
Facillement chet en luxure
Ceste parolle non obscure,
Par Gracien saige et discret,

Amour de la chair, sensualité.


e Vinuaivirtutibusjanuamclaudî~ et delictis appcrtL VALU-
nms, septi lihrl, capitulo tertio. x (No~fte i'stiteMr.)
< Le roy Alexandre, citant a tabte, perça d'une lance le
noble Clitus, comme ditGatMrus et autres qui ont parlé dudit
Akundrc.. (Notf de faKteK)'.)
< Icy touche la decolacion de monseigneur sainet Jehan
Baptiste, faicte durant le convis. (No<e de t'K<e;{r.)
Fut insérée en la lecture
Du Droit canon et du Décret

Et ainsi que les sainctz docteurs


Blasment ce vice par escript,
Les poètes, et orateurs
Pareillement en ont escript.
Sçavez-vous que Terence en dit?
Sine Bacho /'n'~< t~~Ms
Et n'y a point de contredit:
Par ce vin tous maulx sont venus.
Luxure qui nuyst à oultrance,
Et fait l'homme en enfer plonger,
Serefroidc~partempcrance ·
De peu boire et de peu manger.
Pas ne pensoit à ce danger,
Loth, qui en Segor demeura,
Car par trop vin Loire et charger,
Ses propres filles defflora
N00, -quant le vin esprouva,
S'enyvra moult ignorammcnt.
Tant que doriBanf'il.se trouva
DescouvertdesonYestement~:
Son enfant vit visiblement
Safragiiecondicion,
Qui s'en moqua tout plainemeut;
Regardez quelle desrision?

fVenter mero estuens fucile Ju~puinut in libidinem. îlœc


!nEMt<YMus,et habeturin Decretis,Distinctio mv.j) (N. de /'<<<.)
Sine Ccrere et Bacho friget Venus, ait TEEENims. (A'o<f.
de raK~Kf).
Pour: M <'f/t)M;'f.
<t Concppcrunt Jua; fi)i!D Lottt de patt'c ~-uo. GfKMM, ix
cap. t (iYo<~ de <~t;/e)tf.)
< Noe bibens vinum inebriatus Cht, etnudatusjacuitintu-
bernaculo. Geuesis, tx. (!Vf)<e <!e 1'aitteiii,.)
Que diray-je de Olofernes,
Qui faisoit, par contumelie,
Sonner trompettes et cornetz,
Cuydant assaillir Bethulie ?
Il s'enyvra par sa folie,
Il se coucha, il s'alicta,
Et Judich, la damejotye,
En dormant )e décapita*.
Le vin et l'engurgitement
Font faire des mantxafoson;-
Entendre le fault sainement,
Quant on en prent contre raison.
-Et quant, par moderacion,
On en boyt peu et sohrempnt~.
Lors aCM!/ M~/HMtH
Il aguise l'entenrlement
Mais ces grans buveurs et gourmans,
Qui de trop manger sont enflez,
Se trouvent pesans et dormans,
Tant sont ))ouffltz elL_QursoufnM.
Ilz ont les ventres stpenptez~.
Usonthpanccsigo'nrdie~,
Que, par force d'estre replets,
Sont prei-tz de cheoir en maladtc~

Dont viennent tant de gens malades,


Catherreux, graveleux, goûteux,
Debilitez, fragiles, Mes °,

< L'hystoire de Jmûcti est assez commune. < (!Vo~ i'a)<<.t


"Sanitasestmimmetcorpon<.obrit)spotu'B<'e/Mta<-
H<'t,tx'it.*(N~~i'f<;M/Mr.)
< Ymum modice sumptum a<tnt ingenium.* (tYtXf de l'aut.)
'Si bien garnis.
''nem))Ue,<'nnee,alourdie.
FfiMes.
Podagres, poussifz et boiteux,
Febricitans et paresseux,
Qu'on ne peut tyrer de la couche ?
Dont viennent tels maux angoisseux ?
Tout vient de mal garder la bouche. ·
D'où vient gravelle peu prisie
Ydropisie
Paralisie,
Ou pleurésie,
Collicque qui les boyaulx touche?
Dontvientjaunisse.icterioie',
Appop]c.xie,
Epilencie,
Et squinencie?
Tout vient de mal garder la bouche.
Le satirique Juvenat
Avoit bien tout consideré,
j~Quimt il dist qu'il vient tant de mal
°~TDe long repas immodéré
Et après qu'il a referé
Balnea, Ca?K<M et SO~S.
Quant il a tout enumBrc,
H dit JHM_S!<&t~ })!Of<M\
Maintenant chascun et chascune
Est de gourmandise empescM
La façon en est si commune,
Que on ne l'estime plus pèche.
Mais il est cscript et couiihe,
En la doctrine moysaique,

Pour ~r'
Humeur noire; M~Wc~.
3 « ïlinc subitœ mortesatque mtestatasenectus.
.tuvENAu*satira prima. (Note de ~'atftfM!)
~Que ce mal estoit bien cerc I)ë,
Et pugny par la loy antique.
Dieudistatautetacaterve',
~dis, pour information
« Se tu as ung enfant proterve
Vacquant à eomessaeion
Répugnant à' correction,
Luxurieux, infame et ort*:
Par vostre congregation,
Soitlapideetmysâinort~!)) »

Le sainet Canon, tr&s-amptement,


A de ce vice discute,
En parlant preataHemcnt,
A ceulx qui sont en dignité «- ·
Qui maintiendra ebrieté,
Digne de reprehencion,
IL veult que sans difficulté
Soit privé de communion.
Et est en la Distinction
xxxvquiiemect~, s-

neprenant, par affectton,


ncHuy qui tel vice e&mTncct
)t est donc bit'n fol qui permect
Que tant de vin en son corps pitre;
C'esH-dire à son'peupic, an pcupte M~u.
''Efrron~nso')eut.
~Se!ivrnnt5hbonnfchere.
Impur, souillé.
<'Fitiusvchtcrprotervu~st etcontumax.commcssationiijus
vacat et luxutt'a: Tatqtte convïviîs hpidibus Gnm ohruet popnlus
(ivitatis et morit'tu)'.n<«<ff<OH!Xt) cap. x (Mo«' de ~'ax~Kr.)
° « DfACfMns, prcsbitpr et episcnpus Ebrietati Pt atea: desor-
vicnteR, nisi dpf-icrïnt,communionpprivantur P~nf/t'OHCxxxv.
Et extra, de r~« c~ AoMs/n/~ f~ru~ Clerieus crapulosm
vel ehnosux, mnnitus non dcsinfn', ab officia vfthent'firiosus-
p''ndatur.('f!/<<'f«n/f'f)'.)
Et infâme, qui se soubzmect
A faire son dieu de son ventre.
Yalere dit, par motz exquis
(Qm bien retenir les vouldroit, <j)t
De institutis antiquis,
Illéc chercher les conviendroit),
Que à Romme jadis on trouvoit d
Sobriété en ftorissance
Et que nulle femme n'avoit
De boire vin la congnoissance~.

Qui plus est, au sixiesme livre,


EntraictantdesoverUe,
Exemple à ce propos nous livre,
D'ung gfant bourgeois de la cité
C'est MeteDus, d'auctoritë,
De meurs et de vertus imbut,
«fQui. tua, par atroxitë,
femme, pour ce qu'elle en but.
Successivementles RommHin':
Perdirentces condianng~
Car, quant ilz eurent'SSbzleurs main--
Cartage etj)tusieurs régions,
Ilz prindrcnLnccupations
De ]cux,~Ësl)atz, de vanité,
Et d'autres operations,
Qui procedent de volupté.

Ne dit pas Titus Livius,


En ses Decades nn'moraMes, y

Que le consul Postumius


Trouvâmes choses execrab)cs,

~Ehl]ouocur,not'issante.
~*Yini usus romani!! femiilis olim ignotus fuit, \rjj.)~,
tiht'û primo,c.')p!tu~f/~f/M/;Nf7/y~9."(No/f~t'~r.'
Comme stupres abhominaMes,
Poisons et meurtres remplis d'yre,
Et autres ca~ desra~onnaMes,
Qui sont deshonnestes a~ dire ? <
'Apres gourmander sans cesser,
Après boire excessivement,
Ilz s'en alloient exercer
Tous ces crymes notoirement,
En commettant occuttement
Vergongne et choses enormalles,
Qu'itz nommoient Yutgairement.
Cc?'?)!on:'M &acA<U!a~M.

Le Senat et leurs familiers


Firent telle Jnquisicion,
Qu'ilz en trouvèrent par milliers
Et en firent pugnicion
Ve):\ la retribucion,
Qu'on ga~gne de gulosité, ~F*
D'abondante potacmn~
Et d'autre superfÏujte.

Le legislateur Ligurgus
Monstre, bien, quant aux Ancte))y,
Qu'il avoit les yeulx bien agus~,
Et les sens discrets et scions =-
Car, aux Lacedemoniens,
Il deffendit, comme à novices,

En la quarte Decade de Titus LMus, au tteutiesme livre,


est mise bien au long l'hystoire de hachanaUes et des graM cri-
mes qui s'y commettoient, desquelz le consul Postumius Albinus
fist faire la justice. De ce me.me parte Valere, an '.ixiosme ii-
Yre,i.etc.(Noy<'</<'<'a;(<fMr.)
Bien perçants, clairvoyants.
C'cst-a dire l'esprit sage et prévoyant, yr<'snm/.
De frequenter les Asiens t,
De paour qu'ilz n'aprissentleurs vices*.
En Asie, par icelluy temps,
Onmenoitdencatevie*,
Car la plupart des liabitans
Aymoit luxure et tascivie 4.
Ligurgus, qui avoit envie
De regler sa bonne cité,
Craignoit que ne fust asservie
A pareille lubricité.

0 gens plains de mondanité~


Querans vous remplir à foison,
Délaissez ceste vanité,
Et vous gouvernez par raison
Car, pour vivre longue saison,
Et acquerir son sauvement",
~eSniLaux champs ou à la maison,
~Hr'n'est que vivre sobrement.
-)t=-
LE FOL revient à t'estourdy,_œm~e pour empesrhcr.etdit:
Mais serons-nous cy Longuement,'
Escoustant maistre Satomon,
Cuydant,pour crier hauttetnent,
Qu'on ob~'ssea son sermon
Il a beau cnanter )a leçon
A ceux qui boyvent les grans tretz,

'Pour:A~a~M.<.
« Ligurgus institua les ]oix enTa ~itê de La'eedt'monne. Et,
pour ce que ceux d'Asie menoient vie dissolue, deffendoità son
pmp~equ'i) ne les frequentast. E.tYtt.EN)o.*(~'c<e<yf <'<tK<<'Kf.~
Et T~us Livius, au livre preallegué, dit aussi que de AsiR
vint la lunure à Rommé. Lihro nono, terci~c decad., in princi-
pio. (Note <<<'y'e<tf<')t!)
Pour /m!m'
° t'a santé du corps.
Nous humerons ceste boisson,
Ds~ ad Hebreos ~'a~rM.
BONNE CONPA!GNtE, tenant uneta<Sf.
Ce vin n'est-il pas bon?
JE-BOY-A-VOUS.
Tr&s,tres!
Et si a joyeuse couleur.
PA8SBTEMPS.
Je croy qu'il est percé de fres.
tE-PI.EICE-B'A.OTANT.
Je n'en beu pieça de meilleur.
Devinez se, pour le Docteur,
De boire je m"espargneray ?
Je seray tousjours porteur',
Et mon ventre bien fourniray.
BANCQUETpariedetoing.
Et tandis je besongneray
GOURMANDtSE.
Quoi qu'il vueille dire~et prescher,
Je ne nneray de mascJter,
Et ce bon' vin entonneray,
-BANCQUET.
Et tandis je besongneray.
JE-BOY-A-TOUS.
Sus, sus, il se fautt racoupler~
BANCQUET.
Et je voys mes gens appeller?

Buveur, du latin ~o~/of.


t'Mt-t-dire pendant ce temps-~ je ne resterai pas oisif.
'C'Mt-4-dirc:itfauttrinquerde nouveau, rapprocher les
verres, comme on nK'ottpM les chien!! pour les lancer sur la
bête.
JE-BOÏ-A.-VOCS.
De mon prouffit je songneray.
BANCQUET.
Et tandis je besongneray.
LE FOL.
Et tandis je me disneray
Mais où ? Avec ces advôcas,
Je ne scay si j'en fineray
Nul ne ycult penser h mon cas
BONNE COMPAI&NfE.
Escuyer?
1,'ESCUYEH.
L1ESCUYEI~
Dame ?
EONNE COMPAtGNIE.
L'ypocras ?
L'ESCUYER.
U.cst encore en son entier.
~F- rASSETEHPS.
T~.e vjutez-vous garder j}ro <?)'< ?

L'ESC~TER.
-ron ferviray très-voulentier..
LE rREM)Ëi< SËE~ITECR.
Voicy le grartBnx mesticr
Pour faire la souppe jolye.
LE SECOND SERVITÈCR.
Je verseray, s'il est mcstier
Dedans ceste tasse po)ye.
On disait je me ~~r<îr, pour je dinerai.
~Potir demain.
On versait la soupe sur des pâtisseries scches, qu'on dési-
g)~it.sou&]û nom général de mtticr, et quittaient fabriquëes
exclusivement par des patissit'rs spéciaux, qu'on appelait OH-
/fMr~,0!fï~H/etOM~A?.'
~S'i) est besoin,neccs<=aire:(!el'ita~cn~<?.
BANCQUET, armé par la teste, vient crier:
Appnptexie?Ydropisie?
APPOPLEXIE.
Qui esse là ?
YDKOrtStE.
C'est leliunquet.
BANCQUET.
Où estcs-vous, Epi)cncie ?
Et'JLENCtE.
Me voicy preste en mon roquet
BANCQUET.
N'oubiiM rocitet ne Locquet
Et amenez vostre assemblée.
-ray dcsj!t prins mon Mquoqm't
Pour entrer en plaine meslée.
PLEUREStK.
L~ compa!gnic est affolée,
Se je l'embrasse par le corps.
.BANCQUËT.
Allons frapper ~.Lia-ol~
Sans leur estre inburtcors.
Amort!1
BONNE COMPAfGME.
Qui vive?
Notez que les banequeteursse doivent montrer bien piteux, et
tes au!rM bien tcrnbjes.
ESQUINANCIE.
Les plus fors.

t'etit manteau court, "anseoUet; du bas latin roc/;K.


*Hobeiongue;deft.eftt.'M.Uyae<'feAf<dMst'edit.dei50'?.
Grand manteau à capuchon, tombant jusqu'auxtalons. On
disait.MSsiAit~Mf.
Capuce, casaque à capuchon.
PASSETEM'PS.
Voicy la trahison seconde!.
COUR'MANDISE.
l'Ieust à Dieu que je fusse hors
PARAHSIE.
A Mort!
JE-BOY-A-YOUS.
Quivive?
COI.ICQCE.
Les plus t'urs!
)E-PLE)CE-D'AUTANT.
Aut'ons-nous souvent telz effors ?
ArrorLmE.
Faut-il que cest yvromg t responde
A mort!1
PASSETEMPS.
Qui vive?
YDEOP~m.
Les plus fors

BONNE COMPAtGNtE.
Voicy la trahison seconde.
BANCQUET.
Qu'on tue tout!
EPILENCtE.
Qu'on les retonde
BONNE COHPAteNtË, eu cschaptaut, dit:
Il se fault sauver qui pourra!
i'our ~'r~t!
C'est-dire qu'on !cs écor,ctte, comme des mouLou~ qu'on
tond jusqu'à la peau.
EPILENCIE.
Ilz veulent tenir Table Ronde,
Mais, par Dieu! on les secourra.
l'ASSETEt[rs,cnc5chai~MU[.
Meshuy on ne m'y pugnyra
ÂCOCSTUNANCE.
Ne )moy,. s'itz ne sont bien huppez.
BANCQUET. `
Bon gré saint Pal tout s'en yra
Les principaulx sont esotjappcz.
· PLEUDEStE.
Ces quatre seront decouppez.

JE-BOY-A.-VOC5.
He)as! ayez pitié de nous!
ESQntNAMCtË.
Chargez sur culx
PARAHStE.
-Frappez'frappe!
GOURMANDISE.
Uetas que nous demandez-vous?
J':<y tant humé de brouet doulx
Que j'en ay tout le ventre enflé.
ESQUÎNANCIE.
Je vous gueriray de la toux,
Puisque vous avez tant souffle.

Aujourd'hui, celle fois.


Le brouet était un eonsommude vianj(! ou de ~oissou, une
sorte de ~!tH;<M!< Taiitevcnt donne les recettes <fu ~rofte~
t/ttoc de c)K))Mns, ou JenouhiUe), ou~te veau du ~rotffi t'ert;
du ~'Mc< à po~MOft, et du ~rox~ yroxM~.
PLEURESIE.
Vous en serez escorniflé,
Car par les costez je vous picque.
JE-PLEIGE-D'AUTANT.
Helas!j'aybienbeuetriff!ë',
Mais fault-il mourir pleureticque?
GR'AVELLE.
Sus, venez ça, venez, Colicque ·
Si mettrons cestuy-cy à point.
COUCQUE.
H maine vie dyabolique,
Pourtant ne l'espargneraypoint.
JE-BOY-A-VOUS.
Vous me percez chausse et pourpoint,
ting peu plus bas que la seinture,
Et puis la Gravelle me poinct
Aux rains qui me font grant torture.
APPOPLEXtE.
C'est à vous, belle creature,
Que je veuil livrer ung assault ?
~oUcquo et Gravelle font :t6Sau)t à Je-boy-vou~. Appoplexie
~t Epilencie, à Friandise.–Esquinaneie,et Paralysie, à Gour-
njandibû.–Pleurésie et Goutte, à Je-pleige-d'autant.
Les autres deux ahatront tables, tresteaus~ et le demeurant.
EPILENOE.
Et je adjousteray ma poincture
Pour le garder de faire ung sault.
.1 FRIANDISE.
PourDIeuimercy'Lecueurntet'itutt!
0 traistre Bonne Compaignie!
Mange gloutonnement. Le peuple le dit cticorc dans t& meinë
sens; quelquefois ra/ tui lieu de.riflé.
~Piqûre,blessure,douleur.
Ton acointance, qui peu vault,
Me rendra morte et meshaignye
APPOPLEXIE.
Ne \ous en ptaignez plus, m'amye:
C'est de ses beautx faitz diligens.
Et comment ne sçavez-vous mye,
Que Compaignie abuse gens ?
Compaignie a fait nMintesfeis
De grans folyes entreprendre;
Compaignie a fait maint galois
Brigander et pi))cr sans rendre.
Et'ÎLENCtE.
Par Compaignie, on veult aprendre
A jouer et tromper son hoste
Par Compaignie, on se fait pendre,
Hautt, hautt, affin qu'on ne se crotte
PLEUREStt;.
Je te vueil trespercer la coste t.
Tu es condempné par sentence.
GOUTTE.
Et je suis preste cy de coste~,
Pour'frappersur, de ma pntence
J'E-PLEIGE-D'AUTANT.
Uelas je fais grant conscience
De tant de vin que j'ay gasté.
COORMANDISh.
Et moy, je pers la pacience,
Quant je pense à ce gros pastc.
JEstropMf!.
« Prohibe pndcm tudtn a ~emitis eorun). t't'orcr~ 1. < (Kf)~
'<fi'aK<<');
'*Boticompagnë]i,ami<!elajoic.
(~ominettrc dea brigandages.
'Dececûte-la.
1 Béquille.
ESQUINANCIE.
Vous en aurez )e col tasté,
Car tantost vous estrangleray.
PARALISIE.
Affin que son cas soit Hasté,
Tous ses membres affoUeray.
COLtCQCE.
Ccstuy-cyjedespuscucray
C'est des bons archipotateurs.
JE-BOY-A.-VOUS.
Attendez ung peu si diray
,Adieu à tous ces auditeurs,
Adieu, gourmans et gaudisseurs!
Je voys mourir pour voz peschez.
FRIANDISE.
Adieu, taverniel's,rotisseurs,
Adieu, gourmans et gaudisseurs
JE-fI.EtGE-D'AUTANT.
Adieu, de verres fourLisseurs,
~Qui maintz potz avez despeschez
GOCRHANBtSE.
Adieu, gourmans et gaudisseurs!
Je voys mourir pour voz peschez.
BANCQUET.
Je vuei! bien que vous le sachez
Vous besongnez trop tachement.
JE-BOY-A-YOUS
0 Bancquet, qui gens remerchez
Nous vous avons creu follement )
't'our:rnMr~<tM.On pourrait lire aussi <'eMfM'eAM,pour~
fCBMr~ifM.
tey font semblant de les mettre à mort, et lès corps demeurent
~couchez.
COLICQUE.
Vous caquetez trop longuement
Je vous osteray la parolle
APPOPLEXIE.
Apres, après, legierement,
Je vous feray la pance molle 1

PLEORESIE.
11 convient que je parafollel
De tous poinctz ce Pleige-d'autant.
ESQUtNtNC'tE.
Et moy, Gourmandisela folle
Je la vueil payer tout contant.
PARAHSIE.
C'est fait estes-vous pas content,
Bancquet, qui nous avez eonduyt?
BANCQUET.
Ung chascun cognoist et enfend
Quel il fait soubz mon saufconduyt. =~~ 0

YDROPISIE.
Nous n'avons point eu le deduyt
De rien tuer, moy et Jaunisse.

JAUNISSE.
Velà Passetemps qui s'enfuyt
Il lui fault monstrer qu'il est nice
GRAVELLE.
Ça, que dit Bancquet, plain de vice?
Sommes-nousbien en vostre grâce?
'Couvre de blessures et de plaies.
Sot, niais.
BANCQUET.
Vous m'avez fait ung grant service;
J'ayboucherieIjeDeetgrasse.
GOUTTE.
Hz sont quatre mors sur la place,
Voire et tout par vostre fumée.
EFtLENCtE,
D'arrestern''aYor)Sp!usd'espacf'.
1.
Adieu.
BANCQUET.
Adieu, la gente armée
L'ESCUÏEE.
Voicy une laide menée

LE PREMIER SERVITEUR.
~eez cy une tneschante trainée 2.
LE SECOND SERVITEUR.
~~picy piteuse occision!1
BANCQUET.
Quant la viande aurez levée,
Et la vaisselle bien sauvée,
Prenez vostre réfection.
L'ESCpYER.
En voyant ceste Infection,
Je n'ay ne goust n'affection
De manger en ce lieu maudit.

LECCTSINtEJ:.
Mettons en réparation

De temps.
'Intrigue,trahison,guet-apens.
Qe qui va à pcrdicion',
Et nous en allons.
Ilz remettent ung petit à point et s'en vont.
LE Pr.EMIEK SERVITEUR.
C'estbiendit.
LE FOL.
Ces gens sont mors sans nul respit,
Et pourtant je me voys mucier
GRAYEUE.
Et bien, ça, en as-tu despit?
LE FOL.
lielas ne m'en vueiUez LIeciet'
CRAYELLE.
Tu contrefaitz de Fespicier*,
Mais tantost sentiras mes mains

LE FOL.
Alarme je ne puis pisser
La Gravelle me tient aux rains
Venez ouyr mes piteux plains,
Vous, l'Orfevre et l'Appoticaire:
La Gravelle, dont je me plains,
M'a fait devenir lapidaire.
GRAVELLK.
Veulx-tu parler de mon affairf.
Et de mon train original ?

C'est-â-dire mettons à part ce qni pourrait se perdre.


C'est-a-.dire un peu d'ordre.
'rour:mMMr,cacher.
C'cst-dire tu fuis le doucereux, le calit), comme un épi-
cier qui cherche à tromper le chaland.
LE FM.
Je ne sçay plus que je doy faire:
Apportez-moy ung orinal
Pause pour pisser le Fol.–))prentungcofCneten)ipude
orinal, et pisse dedans,et tout coule par bas.
BONNE COMPAIGNIK
Pancquet se monstroit libéral,
Comme s'il fust chef d'ung empire,
Mais, à parler en general,
De tous les mauvais c'est le pire.
Mon train déchet, mou cas empire,
Et mon cueur se trouve esperdu,
Car, en ce lieu, dont je soupire,
Quatre suppostz avons perdu.
ACOUSTUMANOE.
Quatre suppostz avons perdu,
Car la mignongne Friandise
A eu tout le corps pourfendu,
Et la popine Gourmandise.
Je croy que j'eusse esté sousprise,
~Se fuyr n'eusse contendu 3
~~Ihutesfois, par ceste entreprise,
~Quatre suppostz,avons perdu.
BONNE COHPAIGNIE.
Quatre suppostz avons perdu,
Et, moy, je suis toute affolée.
PASSETEMPS.
Si grant assault me fut rendu,
Que je y eus l'espaulle avalée~.

Pour KfiM~.
rour:joufûue, haute en couleur, comme une poupër.
C'est-a-dîre si je n'eusse précipite ma fuite.
~Miseabas,démise.
ACOUSTHMANCE.
Et moy, piteuse, désolée,
J'ay eu tout le dos confondu.
BONNE OONPAtGNtE
Mais c'est du pis qu'en la meslée
Quatre suppostz avons perdu:
Il fault pourveôir au residu.
ACOUSTUMANCE.
Comment?
BONNE COMPAtGNtE.
Je vous diray comment.
Mon plaintif feray hauttement
Devant ma dame Expèrience,
Et je croy que facillement
Nous baillera bonne audience.
PASSETENPS.
Dame Expenence a prudence,
Pour la matiere discuter.
BONNE CO~PAIGKIE.
Tirons drolt vers sa residence,
Pour nostre affaire luy compter.
Vadunt.
Expérience, dame honnestement habillée, sera assise en siege
magniflque.
EXPERIENCE.
Dieu m'a donné le sens de gouverner,
Et discerner entre bon et mauvais.
Je sçay mes loix et decretz dicerner,
Gens ordonner, justes examiner,
Pour leur donner confort, targe et pavais
Mais les mettais infectz et contrefaitz,
C'est-à-dire je porterai plainte.
Pour parois, bouclier, protection, au figuré.
Pugnir je fais, quant j'en ay la notice
Justementvit qui exerce justice.
Car summum &OKMm'M M<a,
JEst~MsMpMtM t'ocre.
Le Decret dit qu'on doit t<a
.StMtHt CU~ttC t7'tM~.
A ce propos, 1n Codice
Lege Nemo, tu trouveras
'Qu'il en a parlé pM~:<~
Sur le paraffe inter c<af<M.
Je suis sauvegarde,
Je voy, je reg.irde,
Je maintiens et garde
Gens de bon vouloir;
Je picque, je larde,
Je poings et brocarde
.La teste coquarde~,
Qui ne veutt valoir.
Expérienceje me nomme,
Plaine de grant subtilité
Ja. n'excepte femme ne homme
.jE'Easeun sent mon utilité.
~K SpMM/o, ma faculté,
Le bon Docteur enregistra,
Declarant sans difScuite
Que je suis ~rMM ?ns~M<r<!

xu. n. C. Cuni devotissimam c~ per glo. ord. supënvei'bo


alterum in pria. exordu Decretalium. Cum rex justus sederit
super sedemjusticise, etc. L. nemo, S' cb~s. C, de summa
Trinitate et lide eatholica. » (Note de J'M/Mr.)
La tét6 folle, sottement orgueilleuse.
~Experienciaestperummagistra,provcrbluGtco'ninJunequod
notat. Spe. de tesM §.~vu. v~Hoc quoque Experiencia est valde
necessaria ad juris et justice regimen id. spe. de )iM. conce.
arca prince. Et supplet illiteraturamde judi. de lega. S. vui. ver.
Itemque est UIiteratus. t~M~ t'e!~e«r.)
Je suis la maistresse des choses,
J'en cognois)asourc& et racine;
CIerement, sans aucunes choses,
Leurs derivacions j'assigne.
Souvent je medite et rumyne
Par astuce inquisicion,
Et puis après j'en determine
Et baille resolueion.
BONNE COMPA!GN[E.
Velà la Dame de renom,
Et ses conseillers au plus près.
PASSETEMPS.
Puisque vous en sçavez le nom,
Saluez-la par motz exprès?
BONNE COMPAIGNIE.
Madame, qui bien regentez,
Et qui sur tout diligentez,
Jésus vous gard de villennie!
EXPERIENCE.
Et Dieu vous croisse Toz bontez
Qu'esse que de nouveau comptez,
Madame Bonne Compaignie ?
PASSETEMPS.
D'ung insult dur et merveilleux,
D'ung effort grief et périlleux,
Vous devons faire les plaintifs.
EXPERIENCE.
S'il y a rien de dangereux,
Ou de grave ou de pondereux,
Dictes tout, sans estre craintif7?

Pour t)!t!<f, pris au ma!eu)iji, cause Vu latin <)!.<)«


-BONNE OÛMPAtGNtE.
Je me plains 3e deux personnages
De l'ung plus, et de l'autre moins
Car ilz m'ont fait de grans oultrages
Et monstrcz des tours inhumains
En mes suppostz ont mis les mains,
Et, qui plus est, ont fait venir
Leurs consors, parens ou germains,
Pour tout mon traincirconvenir~.
EXPERIENCE.
H les fault faire convenir
BONNE COttPAICNIE.
Pour Dieu Faicfes-les attraper
EXPERIENCE.
Mais, affin qu'on les pnist pugnyr,
Queizsont-itz?
BONNE COMPAIGNIE.
Bancquet et Soupper.
Soupper me invita a sa taMe,
Où avoit viande à foison,
Mais sa voulenté détestable
ËBj'stoit farcye de poison
Car, par couverte trahison,
Entre les beaulx metz magnittcques,
Fist entrer dedans sa maison
Monstres hideux et tcrrimcques.
Oncquesarplesdraeoniques~,
Ou les furies infernalles,
Ou les troys faces gorgoniques4,
C'est-à-dire pour envelopper toute ma suite.
~Comparaitreici.
Les Harpies semblables à des dragons ailes.
Les trois Gorgones changeaienten pierres tous ceux qui les
regardaient.
.A
Ne se monstrerent si très-malles
Sur nous vindrent, noires et pales,
Frapper de basions et de poings,
Comme fatales ou parcales
Pour nous destruyre de tous poihtz
Soupper se mesloit avec elles,
Embastonné Dieu sçait comment,
Qui, sur moy et sur mes sequelles
Deschargoit merveilleusement.
Batus fusmes piteusement,
Sans que nul nous vint secourir,
Et en feust esté aultrement,
Si n'eussions gaigné à courir.
Velà quant au premier article
De ma queruleuse demande.
Soupper m'a mis cest offendicle
La justice vous en demande.
Quant à l'autre, qui est plus grande,
C'est contre le mauldit Bancquet
Car, en sa largesse et offrande,,
J'ay trouvé venymeux acquest.
0 mon Dieu que pourray-je dire,
De ce très-terrible danger?
J'ay le povre cueur tant ptain d'ire,
Que à peine puis-je desgorger s.
C'est-dire envoyées par la Fata)ité ou par les Parques.
Les Arpies sont mnn&tres ravissans, nommées Celeno, Ahel-
Io, Occipita, habitant es is!e!!Strop))ades.–LesGorgonnes sont
Medusa, Stennyo et Euryaie, habitans ès Orcades. -Les Furies
infernales sont Alecto, Thesiphones et Megera. -Les Parcales,
Cloto, Larhesis et Atropos, De ces choses ont assez escript les
anciens poetes. Et quant aux nouveau lx, Bocace, de Genealogla
<<Mr)<7n, etc. (Note de t'ai~fKr.)
Mes suivants, les sens de ma suite.
Grief, outrage, offense.
s Parler, dire ce que j'ai sur le cœur.
Ce faulx tyrant nous fist loger
Chez luy, pour colacion faire,
Mais après, comme ung Ogier',1,
Vint tout armé pour nous deffaire.
Les satetites ramena,
Qui premier batus nous avoient,
Et cautement leur enseigna
Commentenvahir nous devoient.
Et eutx, qui tous les tours scavoient
De faire noises et tempèstes
Contre nous les basions levoient,
Comme bouchiers sur povres bestes.
Mais, en ce conflict, telle grace
Me fist Dieu, la sienne meroy'!
Que je me partis de la place,
Moy et ces deux qui sont icy.
Le demeurant est mort transsy,
Forclos 4 de vie et privé d'ame,
Et moy, je demoure en soucy,,
Comme chetive et povre dame.
EXPERIENCE.
Quoy vous a-l'en fait tel diffame ~?
BONNE COM~AICmE.
Diffamée en suis, quoy qu'on die.
EXPÉRIENCE.
Certes, Bancquet est bien infâme.
·
i Ogier de Danemark~ dit le Danois,héros d'un vieux roman
de chevalerie du treizième Siècle, qui a été publié par M. Bar-
rois, dans la collectiondes Romans des douze Pairs.
Ce sont les Maladies.
Disputes et batailles.
Exclu, banni.
Outrage,
BONNE COMPAIGNIE.
Infamement m'a pourbondie'.
EXPERIENCE.
Or me dictes, ma belle amye,
Quelz gens y perdez-vous?
BONNE COMPAIGNIE.
Assez
EXPERIENCE.
Pour Dieu ne me le celez mye ?
BONNE COMPAIGNtE.
J'en y ay quatre trespassez.
Pour moy fut folle marchandise,
De croire leur déception
Car Friandise et Gourmandise
Sont mises à occision
Je-boy-vous, bon eompaignon,
Y a prins son defRnement~;
Je-pieige-d'autant, mon mignon,
Y est meurtrys pareillement.'
PÀSSETEMPS.
Ces quatre miserablement
Sont là gisans, 'ta boucha ouverte.
Si vous prions très-instamment,
Que la faulte soit recouverte 4.
ACÔCSTCMANCE.
La trahison est toute apperte
Madame, par ma conscience,

'AssommeeàconpsdeMton.
1 A cessé de vivre.
'Assassine.
C~st-dire quo le crime ait son châtiment.
Apparente, avérée.
Nous y avons si très-grant perte,
Que nous y perdons pacience.
Or, avez-vous plaine science,
Puissance, auctorité, vigueur
Pourtant, madame Experience,
Pugnissez-Ies à la rigueur.
EXPERIENCE.
Pour besongner, par moyen seur,
Il affiert bien qu'on m'advertisset.
Que demandez-vous,belle seur?
LES TROIS, ensemble.
Justice, madame, justice t
BOi~NE COMPAIGNIE.
Que Soup'per, avec son complice,
Par qui la feste est départie
Soit mys à l'extreme supplice
EXPERIENCE.
Ha dea, il fault ouyr partie.
~M~t psr<6Mt, ce dit 1& Droit.
H fault examiner Te cas,
Et consulter, par bon endroit,
Avec docteurs et advocas.
En telz crimes ou altercas
Il chet grant consultation,
Car je ne vuei), pour mil ducas,
Avoir nom de corruption.
Toutesfois, pour commencement,
Affin qu'on ne nous puist reprendre,
Mes sergens yront promptement

C'est-à-dire pour mener le procès à bonne fin, it faut que


les parties civiles posent leurs conclusions.
C'est-à-dire qui a exécuté le complot. d
Altercations/différends.
Les malfaicteurssaisir et prendre
Par ce moyen, pourras entendre,
Finablement la vérité.'
BONNE COMfAICNJE.
Qu'on y aille, sans plus attendre!
Si verrez leur témérité.
EXPERIENCE appeHe ses gens.
Ça, Secours et Sobriété,
Clistere, Pillule, Saignie',
1,
Diette qui est redoubtee,
Remède et toute la mesgnye
Vous oyez Bonne Compaignie
Plaindre de Bancquet et Soupper ?
Si vueil qu'à force et main garnye
Tantost les allez attraper;
Tous deux soient pris,
Par vostre sçavoir,
Dedans leur pourpre,
Tous deux soient pris
Comme estes apris,
De tel charge avoir,
Tous deux soient pris
Par vostre vouloir.
SECOURS.
Madame, s'il convient pourvoir
A quelques haultz faitz pondereuxs,
Moy, Secours, y feray devoir,
Demonstrant faitz chevalereuxs.

'Pour:Mt~f.
'AsisemMêe, compagnie.
Cest-à-dire avec main-forte.
*Hôte),demeure.
De poids, de valeur, d'importance.
C'est-4-dire en me signalant par des actions hêrotquM,
par des actes de chevalerie.
"SOBRESSB.
J'ay nom Sobresse Je piteux,
Le prochain parent d'Abstinence.
Combien que je soye marmiteùx
Si ay-je en maintz lieux eminence.
CUSTpRE.
Clistere, qui fait dilligence
De purger les menuz boyaulx,
Vous servira sans négligence,
Aussi bien que les plus loyaulx.
RHHJLE.
S'il fault trouver des tours nouveautx,
Soubz fiction simulative,
Pillule en monstrera d.e beaulx,
Car il a force laxative.
SAtGNEE.
Pour toucher de main pongitivo~,
J'en scay l'administraciou
Saignie a vertu expulsive,
Et fait de sang effusion.
DIETTE.
Diette, qui mect à raison
Les malades et desolez,
Quand il sera temps et saison,
Vous servira, se vous voulez.

REMEDE.
De Remede point ne parlez?
C'est le principal de la route4.

'Pour:&)6rt~
Pauvre diable, ayant l'air d'un mendiant hypocrite.
"QnipoiKf~qnipiqueavecIatancette.
Bande, corps de troupe; du bas latin ruta, pour <'Kj'
H corrige les dereiglez;
Il fait rage, quant il s'y boute.
EXPERIENCE.
Je vous entens bien, somme toute:
Vous n'estes venteurs ne dateurs,
Mais il fâult que, sans nulle double
M'empoingnezces deux malfaiteurs.
REMEDE.
Allons prendre ces butineurs~'
SECOURS.
Allons les saisir vistement
SOBRESSE.
Allons querir ces cboppineurs
CLtST~RE.
Allons prendre ces butineurs1
PILLULE.
Allons cercher ces affineurs s

EXPERIENCE.
Lyez-Ies-moy cstrdictemont ?
SOIGNÉE.
Allons prendre ces hutineurs i

DIETTE.
AUons-ies saisie vistement1
~L EMEDE.
Soyons armez legierement,
S'il convient que nous combatons.

Sans aucune crainte, sans hésitation.


Les auteurs du AM;:)), de la noise; ces agresseur*.
Auteurs du guet-apens, de l'embûche.
SECOURS.
Pour tenir nos gens seurement,
Portons cordes et bons buston.s?'?
)b prennent des cordes et leurs bastons,chascun différent i'ung
al'autre.
SOUPPER se trouve au lieu et dit
Que sont devenuz ces gloutons ?
Bancquet, sont-ilz allez esbatre ?
BANCQUET.
-renay fait comme de moutons!
Regardez en voicy les quatre,
SOUPPER.
Je les ay ba~tus.comme plastre
Soupper, en la fin, nuyt et mort.
BANCQUET.
Vous ne les avez fait que L'être,
Mais, moy, je les ay mys à mort.
Compaignie a fouy si fort,
Et deux qui se sont separez,
Qu'il! ont évite mon effort,
Mais ces quatre sont demourez.

Ils sont mors et


Veez-les là ?
'a.
DISNER se retreuve au lieu.
Qu'esse que vous deux murmurez?
Y fault-il confort ne suffrage' ?
BANC QBE

doseotorez.
3~
niSNËR. <.
O legrant oultrage!
Aide et assistance. SK/~fa~e signifiait aussi prière, oraison
BANCQOET.
De ces gandisseurs qui font rage,
Ay fait une exécution.

DISNER.
Bancquet,vostre mauvais courage
Vous mettra à destruction.
sonfrER..
S'il en a fait occision,
Autant en emporte le vent. <
Gens plains de dissolucion,
On les doit corriger souvent.

DISNER.
Mais on doit vivre );onneste)nent,
Et estre loyal envers tous.
BANCQU ET.
liaticquct doit ordinairement
Mettre gens dessus et dessoubz.
DISNER.
Moy-mesmes seray contre vous,
S'on veult pugnir les defbiUans*.
SOUPrER.
Disner, ne vous chaille de nous ?
Tousjours cschappcnt les vaillant.
DISNER.
Adieu donc
REMEDE les monstt'p.
Velà noz galans
SO BRESSE.
Il les fault prendre en dcsarrov.

f~s auteurs du fait, les maifaituui'x.


CUSTERE.
Sus, sus, saluons ces chalans l
PtH-CLE.
Tost les aurons, comme je croy.
SECOURS s'approche et metla main à Bancquet, et dit
Je metz la main à vous
i)ANCQDET.
Pourquoy?
SAIGNÉE.
Vous avez commis grande offense.
DIETTE met h main à Soupper.
Je vous prens!
sqcrpER.
Bancquet, aydez-moy
BANCQCET.
Mettons-nous trop bien en deffence.
REMEDE.
Ha vous ne feriez pas science
Ilz font semblant de euli dencndt'e nj!g t'cttt.
sourrER.
Frappons, frappons
BANCauET.
Tnoas, tuons'
SECOURS.
De par madatn& Expérience,
Prisonniers vous. constituons.'
SOUPFER.
Pourquoy cela?

C'esH-dire c)t vous dofoudutit, vohb ne ferez pas prchvc


ftkstgesse.
60BBESSE.
NousnescaYons.
BANCQUET.
Vers personne offence n'avons?
sourPEn.
En nous n'y a quelque meff:tit ?

DIETTE.
La bourbe* évidemment prouvons. w

BANCQUËT.
Et comment?
DIETTE.
Car nous vous trouvons
Avec le deHot~ qu'avez fait:
CLISTEBE.
N'est-ce pas cy vostre forfait?
BAtfCQCET.
Jamais.
REMEttJE.
Eu (;n'cct et sulis'tance,
'fact de la cause que du fait,
Nous vouions prendre congnoissantio.
tiOU[TEK.
Vous nous faietes grant violence

SECOURS.
Vduii direz ce que vous vouldret.,
Devant la dame d'exceUenee,
Pede ligato, respdndrez.

ti'es des
feinte.
Le meusdnge, la
Le flagrant délit, le corps du délit.; c'eitt-it-diro
Victimes..
les c~dit-
BANCQUET.
Faut-il qu'il soit!
SAIGNEE.
VousenYiendrez!
Dea, il vous fault humilier.
REMEDE.
Cependant que Soupper tiendrez,
Il nous convient .Bancquct lier.
PILLULE.
Voicy ung lien singulier,
Dont je luy voys lyer les mains.
Allez ce Soupper iMbiHcr
C'est raison qu'Il'n'en ait pas moins.
LE FOL.
Ces povres' dyables sont ratains*
Au moins, leur fait-on entendant.
Je cuyde qu'itz sont bien certains
D'euixenalierparkpendant~.
5.
Ne les menez pas tout bâtant,
Ce seroit grant compassion.
Au surplus, ne faictes pas tant,
Qu'ilz meurent sans confession.
SECOURS.
Tost, que ia malle passion <
Vous, envoye sainct Denis de France
Cheminez sam dilacion
Ou vous aurez de la souffrance!

Jeu de mots. On disait M'i~r un M~er, dans le !en: ~'c


~~a~
Déconfits, perdus sans ressource.
~C'cBt-a-dirc:parïapotencc.
C'est-dire le chiltimont que vous mentez.
°Dêiai;dulatin<<;tf!<io.
BANCQUET.
Voicy une piteuse dance
Je n'ay pas ce jeu-cy àpris.
SOBRESSM.'
Vous-aurez des maulx abondance:
A ce coup le regnart est pris.
CLIST.ERE.
Ve)a ma Dame en son pourpris.
.Saluons-la sommierement'?
PILLULE.
Cardons que ne soyons repris
De detScurer trop longuement?'l
REMEDE.
Dame de grant entendement,
Bon jour vous doint le Rédempteur
Voicy Bancquet, ce garnement,
EtJSupper, son coadjuteur.
EXPERIENCE.~
O~Bancquet, cruel ma)faicteur,
Bateur, combateur, abateur,
Tout plain de forfait indécent
BANCQUET.
Ma dame, le suis innocent!

EXPERIENCE.
Et, toy, Soupper très-decevable,
Aux corps et aux ames grevable,
Tu as fait des maulx plus de cent!
SOUPPER.
Ma dame, je suis innocent

four MKMMircmMt, d'abord.


EXPERIENCE.
L'ung bat les gens, l'autre les tue,
L'ung corrompt, l'autre destitue',
1,
Tellement que ehascun s'en sent.
BANCQUET.
Ma dame, je suis innocent l

EXPERIENCE.
Sa vous parlerez autt'cmeat.
Ou la torture sentirez
Sus, gardez-les soigneusement,
Et ung petit vous retyrez?
SAIGNEE.
Nous ferons ce que vous direz
L'ung et l'autre sera serré.
Je croy que pas loing ne fuyrez,
Mais que je vous aye enferré.
I12 se retirent avec les ptisenniers.

-EXPERIENCE.
Conseil discret et tuodere,
''Seigneurs, princes de mcdicine,
Quant bien vous ay considère,
Ceste cause je vous assigne.
Vous avez théorique insigne,
Vous avez engin tres-nauttain,'
Et de praetique la racine,
Pour asseoir jugement cortaiM.
~pocras docteur'très-humain,
Et vous, le discret Galien,

Outruit, anéantit.
Pour théorie; du latin ~'c~.
Génie; du latin !~m:KMt.
Pour Hippoorate..
Vous voyez bien, qua'nt j'ay soubz main
Deux gens qui sont en mesme lyen:
Avicenne seigneur de bien,
Et vous, l'expert Averroys
Je vous prie, conseillez-mebien,
Quant les delictz aurez ouvs.
YPOCRAS.
Ma dame, je me resjouis,
Quant me baillez ceste ouverture
Vous sçavez bien que je jouys
De plusieurs seeretx de nature ?
Vous avez, par mon escripture,
Les Amphorismes de renom,
Et si av fait la confiture:¡
Du boire, qui porte mon nom 4.
GALIEN.
Et moy, la Commentacion
Sur les livres de nostre maistre
Velà mon occupation
De cela me scay entremettre.
Puis, par escDpt ay voulu mettre
Ung regime de sanité 6.

La médecine d'Avieenneétait alors très-familière aux méde-


cins, en France commeen Italie. La traduction btina de ses livres
(Canonis medicinxlibri) avait été imprimée plusieursfois à la fin
du quinzième siècle.
La médecine d'Averroës n'était pas moins répandue dans
toutes les écoles médicales. Ses différenta traités, traduits de
l'arabe en latin, furent imprimés âVenise età Padoue avant 1500.
C'est-à-dire c'est moi qui ai donné la recette de la boisson
confite, qu'on nomme Ypocras.
« il declaire avoir fait le livre des Amphorismeset composé
l'Tf'pocras. x (A'o~ de <'aM.r.) ·
« Galien a commentez les Amphorismes d'Ypjcras. (Note
f/e ;'<;tt«'!«'.) s
° Ce traité de Galien est intitulé, dans l'ancienne traduction
latine De sanitate iM~e <;M t7 per omnes s<e<M.
accMf?!
Et aussi rédiger pay lettre
De morbo et

AVICEME.
Combien que j'ay nobilité
Pour principer et pour régner,
Si ay-je curiosité
De sçavoir les cbrps gouverner
Et â celle fin de donner
Enseignementplus .prouffitable,
J'ay prins plaisir à ordonner
QttatMOf /'fn, livré notable

A.YERROYS.
Ypocras est docteurlouable,
Galien est scientifique,
Avicenne est moult honnorable,
Prince puissant et magnifique;
Mais mon engin philosophique
~<K&Ms non indiget, ~c
Car j'ay composé phisique
~Ce livre qu'bn dit enColliget
EXPERIENCE.
C'est grant chose de vostre fait
Ung chascun fort vous recommande,
Mais, pour pourveoir à ce mettait,
En present Conseil, vous demande
Dont viSH cela qu'après viande,
Pour à Tappetit satisfaire,

Nohtosse; d~i latin nobilitaa.


Dominer, être prince de la médecine.
s « Avicenne a fait ce livre qu'on nomme~Mf~MO~ /~K. (~Vo/g
de t'a!<M!<)-.)
La première édition de cet Tst~rage (t~BM-, 1J.S2, in-fol.)
est intitulée: Litef ~em~tMKS'~A'cMK!'Co~!yf<.
Bancquetfaitoffensesi grande,
Que tner gens? Se pcult-it faire?
YPOCRAS.
Il n'est au corps rien plus contraire,
Que manger oultragcusement
Et vauldroit trop mieulx en distraire
Que d'en prendre si largement:
Mais on ne peut pas proprement
Ne Fung ne l'autre condamner,
Car il les fault, premièrement,
Suffisamment examiner.
Ext"ERtENCE.
Donc~ues, pour en déterminer,]
Par grant deliberation,
Secours, faictes-les ramener:
Si orrons' leur confession.
SECOURS.
Ma dame, j'ay intencion
Ue tantost vous les présenter ?
REMEDE.
Et, de paour de commotion,
Je vueil ptaincment assister.
.SECOURS.
Faictes ces prisonniers trotter
Devant madame Experience?
REMEDE.
Il n'y a point de cul froter,5
Vous en viendrez à l'audience.

Manger moins, diminuer sa noumESre.


Kous entendes, nou~~puterons aic5i.
ExpresMon prûverbialf~~veut dire: il n'y a pas à remettre,
à reculer.
BA.NCQCET.
En moy n'a point de résistance:
Je iray partout oii vous plaira.
EOBttËSSÈ.
Soupper vous fera assistance,
Qui du torment sa partira.
SOOPPE]!.
Je ymagine qu'on nous fera
Quelque grace ou quelque douiceur?

DIETTE.
Jcnescay,moy,qu'ilensera,
Mais vostro cas n'est pas trop seur.'

CUSTERE.
Sus, cheminez, maistre trompeur
Venez a ma dame parler?

BANCQ'UET".
·
jtjjjtea, mon amy, Mus qui ont peur
~'B'Nepem'entpassifortaner.
SAtGNEE.
Si ne pouvez-vous reculer,
N'eschapper, ne circonvenir*.
rjLLIttE.
Vostre~ic~on Vi'utt calculer.
Pour vom corriger et pugnir.

SECOURS.
·
Dame, nous avons fait venir
Ces pnvresme~chans matheureu~

Fuirc d~ fiFfonvoiutions, des de~ur~;


REMEDE.
IL!ne se sçavent soustenir,
Tant sont debiles et' paoureux.
EXPERIENCE.
Voulez-vous supplier pour cu!x,
Et si congnoissez leur malice
REMEDE.
S'ilz sont pervers et rigoureux
Vous y mettrez bonne police.
BONNE COMPAtCNtE.
Ma dame, vous aurez l'office
De.faire à tous droit et raison:
Je vous demande la justice
De ces gens plains de trahison.
Car chascun d'eulx, en sa maison,
A fait contre moy son effort
L'ung, pour baiHer coups à foison,
Et'Tautre, pour tout mettre à mort.
QuTTMit vray, ilz ont tant grevé
Mes gens et femmesprincipalles,
Qu'il y en a sur le pavé
Demouré quatre mors et pales.
Telles œuvres rudes et malles
Formidables à referer,
Et attroxitez,enormalles3,
Ne se doyvent point tollerer.
EXPERIENCE
Sus, vous avez ouy narrer
Le plaintif 4 qu'elle a recité?
Riens ne fault celer ou serrer

Craets, ineMrftMe!
Mâchantes, mauva~es~eHrjt's.
Pour énormes.
Plainte, comptainh'. <t
On sçait jà vostre iniquité.
Confessez toute, vérité,
Et je vous prometz sans falace,
Que de ma possibilité
J'entendray à vous faire grace.
SECOURS.
Nous avons trouvé sur la place
Les quatre mors, et euh auprès.
REMEDE.
Les meurtris aussi frois que glace,
Nous avons trouvez en la place.
SOBRESSE.
Je y vy Gourmandisela grasse.
DIETTE.
Je la regarday par exprès.
CLISTERE.
Nous avons trouvé sur la place
Les quatre mors.
SAIGNÉE.
SAIGNÉE,
< Eteutxaupres.
SOUPPER.
Je ne scay que vous remonstrez,
Mais ce cas-là n'advint jamais.
Se Bancquet les a rencontrez
Et mys à mort, qu'en puis-je mais?
J'ay suscité des posions,
Qui ont baillé des horions,
Mais oncques ne fuz homicide.
Bancquet fist ces occisions
Ce sont ses opérations,
Puisqu'il fault que je le decide
te
t Les victimes assassinées.
*Mehre,dénonce.
BANCQUET.
M'as-tu donc baillé ceste bride ?
M'as-tu pc)!é cest œuf moltet ?
SOUPPER.
Bancqnet.tesdesgorde et desbride
Comme on fait ung jeune poullet.
BONNE COMP&tGNtE.
Il en dit le cas tel qu'il est
Soupper hat, mais de tuer, nnn.
SOUPPER.
Bancquet leur couppe le filet.
EXPERIENCE.
Aussi, ea a.il le renom.
BANCQUET.
Si je prms occupation
Consonne à ma condicion,
Est-ce pourtant si grant forfait?

EXPERIENCE dit à Remede.


Eserivez leur confession,
Leur dict et deposicion,
Remède?
REMEDE.
Dame, il sera fait.
BAtjCQUET.
Vous sçavez que Bancquet deffait.

Expression proverbiale qui équivaut à ceUe-c! N'm tu


préparé ce licou pour me pendre ?
Expression prpverMaie qui signifie As-tu donc résolu de
m'étrangler?
Degorger et debrider uu poulet, c'est lui couper le gésier,
lui ouvrir la gorge.
Co~soHNmtc,conforme
Tous corps humains par gourmander
C'est mon office, c'est mon fait.
Que m'en voulez-vous demander ?
Premierement fais aborder
Appoplexie
Apres cela, vient, sans tarder
EpHencie
Soubz la langue fais brocarder
L'Esquinencie:
Et, pour les costez mieulx larder,
Vient Pleurésie.
La se trouve, sans mander
Ydropisie,
Et puis frappe, sans commander,
Paralisie.
Par guerre mortelle, `
Goutte s'y applicque;
.Jaunisse, Gravelle,
Viennent en puNicque
Mais, avec Colloque,
Je boute en ung carre"
Õ
Ce bon catholicque,
Qu'on nomme Catharre.
Et à vous dire proprement,
Devant tous ces gens vénérables,
Catharre est le vray fondement
D'egritudes*innumeraMes.
TPOCRAS.
H ne dit que motz veritables
Catharre cause maintz deffauh

Par gïoutonnenc.
Saas qu'on la mande.
Ctiar triomphât.
Maladies, innrmiies; du latin ~j~M~.
Accidents, inalheur-
Mais tous ces morbes i detestables
Viennent par Bancquet qui est faulx.
EXPERtENCE.
EtparSoupper?
GAL!EN.
Beaucoup de niautx.
~CarilfoulH~commep)astre.
Il ne ftit pas mortelz assaulx,
Comme fait Bancquet, ce folastre.
Ha!.Soupper nous a bien fait batre,
Par ses souldars plains de cautelle,
Mais, à tout compter sans rabatre,
Sa bature n'est pas mortelle.
EXPERIENCE.
J'eïammeray la querelle,
Et du conseil demanderay
Se vous avez bon droit, querez-le,
Car justement procederay.
SOUPPER.
Ma dame, je reciteray,
S'il vous plaisf, mon intcncion.
l'ourteuquejeneirriteray
Vostre grant domination?
.EXPERtENCE.
bistuutsansadutacion,
Et fussent motz Injurieux.
Pour ton argumentacion,
Je n'en feray ne pis ne mientx.
SOUPrER.
Nuti! hommes, tant jeunes que vieuis.
Voirt: des le temps du déluge~

Accidents morbide! matadie!


''Opprime,bat, nm)tr.}itc.
N'esleurent jamais sur leurs lieux
Une femme pour estre juge.
Le Droit tant civil que divin
Pour nous enseignement donner,
Dit que le sexe femenin
Ne doit juger ne condamner.
BA.NCQCET. t
A cene povez répugner,
Quant bien y aurez médité
Pourtant voulons-nousimpugner
Vostre siege et auctorité.
Il semble que ce soit Hector,
Ou quelque empereur, de vous veoir.
Digestis, lege Cum pretor
Là pourrez-vous de vray sçavoir,
Que la femme ne doit avoir
Office tant honorifique,
Ne si grant honneur recepvoir,
·
Comme de siege jurisdique.
EXPERIENCE.
Se j'ay puissance magnificque,
Que je puis largir 3 et estendre,
Vous n'estes pas scientificque
Pour le discerner et entendre
Non pourtant, se voulez aprendre
A lire le vieil Testament
Là pourrez sçavoir et comprendre
Que femme siet en jugement.
En Judicum n'est-il pas dit,
Que ceste dame Delbora

Hu)ier judex esse non- pote,t. L. eum pretor. jj M on


nmem ff. de judi. Et est etiam remota ab omnibus officils u-
blicis et,gtiUbus, 1. u, ff. de re judi. » (Note de fftttef.)
COtnBattre~ attaquer; du latin impugnare.
Répandre;du latin !ef~!t'f.
Jugea les gens sanscontredit,
Et.pourtepeupletaboura'.
C'est celle qui corrobora
Barach, le prince d'Israel,
Quant leur ennemy Sisara'
Mourut par les mains de Jael
Quevousa.faitSemiramis,
Qui n'est pas des femmes la pire ~?
· EU~ajugésesennemys,
Et subjugué.moultgrant empire.
Se d'autres femmes voulez lire,
Esquelle sapience y a,
Vous povez ceste dame eslire,
Qui se nommoit. Eortensia
Hortensia, par eloquence,
Perora si très-doulcement,
Qu'eUe eut finale consequence
De son desir entièrement
Des Triumvires proprement,
Obtint sa cause par escript,
Comme Valere clerement
En son huitiesmo le descript.
Diverses femmes très-habilles
Ont tenu l'esprit prophétique
Travailla.
1
« Sisara, prince de chevalerie de Jabin, ruy de Canaam, C~t
guerre aux enfan, de Israet, et par le conseil de Be))jora, qui
e~toitjuge et prophc'Hf, leurs ennemys fureut vaincue, et Sisara
mort. L'hy~toireest ~fM?M quarto capitutu. (tVo/f </c rsM~Mr.)
« La royne ~emiramis, après la mort de son mary Ninus,
régna tongucment, comme il e~t ebeript au premier livre de
JUSTIN. f (i'Vt)~ de !'<!)t<en'.)
« Hortensia, fille de Uortenhius le grant orateur, soubtiutta
cause des femmes de Romme par devant les Triumvires, et fht
tant, par son eloquence, que de la pecune sur elle imposée fut
remhe une grant partie, comme il appert en Y4LKnE, tibro VIII,
cap.n[.<(t'\fo<<f<t~fKf.)
M
Bienypert'pariesdixSibitles,
Dont la première fut Persique.
L'une, qui fut sage et pudique,
ATarquin ses livres vendit;
L'autre, par vision publique,
Octovien humble rendit~.
Aucunesfois il est licite
Nous bailler jurisdicion.
JDecMKO~MtK~s le recite,
En la troisiesme question,
Où il fait declaration,
Que femme, pour certain affaire,
Sans quelque reprehencion,
L'office de juge peut faire~.
Aussi, puis-je determiner
De quelconque cas opportun,
Et si ne povez décliner
Mon decret, tant soit importun
Je puis dire et juger comme ung
Juge qui a puissance expresse
Parquoy le proverbe commun
Dit que je suis dame et maistresse~
SOUPPER.
0 dame, vostre saigesse
Bruit" et rogne par dessus tous,
l'ouï': <~f/paraît..
< lëy parle des dix SibUlo&, dont l'une veudit des livres à
Priscus Tarquin; l'autre fist la remon&trdn?c à l'empereur Octu-
vicu, et dictz ces vers JH~'t. ~MMM, etc. LACTANcius, f~ /~fo
./J~M~MM ;n&o~tim, et SAiscT AuGus~~t C.f?~ ont
traieté ce~te matiere. » (NfJ~ de ~a~M;)
< ln aliquibus mulier potest esbc jmtcx. lu Dft.N, causa
quinta, questione Ecreia. (No'c ~f /f.c..7*.)
«
Expericncia est rcrum magistra. Dt suyra dictuin c~L uhî
atcgat.~pcculum. [JVo~~erfïM~Mr.)
'Ëdatc.
Mais je vous prie en toute humble~e
Que vous ayez pitié de nous.
ËXPERtHKCE.
Les:conseilliersvous seront duulx
On ne vous fera que raison.
Sus, sergens, entendez à vous'?
Remcnez ces gens en prison!
LE FOL.
Baillez-leur chascun ung grison,
Pour passer plustost la poterne?
Vien ça, visaige de Lusson ?
tray-je porter la lanterne?
Ctisterc les mamo en ~t'iMn.
CLISTERE.
i~us, bus, venez en la caverne ?
Le lieu n'est pas encores plain.
iiÀtCttÉË.
Il a mauvaise taverne.:
Y
On n'y trouve ne vin ne pain.
PtLLnLE.~
Demourez là jusque~ a detnain
On vous fera vostre paquet.
DIETTE.
Nous vous laissons en ce lieu sain.
SOBttESSE.
Adieu, Soupper!
DIETTE,
Adieu, Banequet!

Uumitite.
*Pour:~)Mt'.
EXPERIENCE.
Seigneurs, vous entendez !e fait
De ce trouble et de ce mateur
Bancquet est ung murtrier parfait,
Soupper bateur et mutiteur.
Vous estes gens de grant valeur,
Pour sçavoir telz cas decider
Conseillez-moy, pour le meilleur,
Commentj'y devray proceder?
YPOCRAS.
Nous ne faisons que commander
Qu'on se reigle, qu'on se tempère,
Mais nul ne se veult amender
Vêla dont vient le vitupère
Quant à part moy je considère
Les excès et potacions,
Se le monde ne se modere,
Il en mourra par millions.
GALIEN.
'A la verité, bien seavons
Dont viennent' ces faultes pessimes
Largement escript en avons,
Baillant deffences et regimes.
Ypocras, en ses Amphorismes,
Conseille bien la créature,
'Et moy, par gloses infimes,
Ay commente son escripture.
AVICENNE.
Ung chascun corrompt sa nature,
Par trop de viandes choisir,
Car qui abonde en nourriture

Tout le mal, tout ce qui est & blâmer.


Tre:mauva!ses, perverses; du latin pe'.MM.
A peine peut-il sain gesir;
Et pourtant ay-je prins pfaisir
A denoter expressément
Que après appétit et désir
On doit manger non autrement.

AVEHHOYS.
Quant on a souppé largement
Tout a loisir, sans soy haster,
Cominent peut estre proprement
L'estomac prett pour bancqueter?
Nous retardons, sans pointdoubter,
Nostre disgestion du tout,
Ainsi que quant on \nt bouter
De l'eaue froide en ung pot qui bout.
YPOCRAS.
Comme l'eaue froide en pot LouiH.mt
Peut retarder ou dommaiger,
Ainsi ung estomac vaillant
Est bien grevé pnur trop manger t.
Mius, pnur éviter ce danger,
Notez ceste reigle distincte,
Qu'on n'y en doit point tant loger,
Que la cMeur en soit extincte.

GALIEN.
Et pourtant me fut demande,
Par disciplesplains d'eloquence,
Ung régime recommande
Pour durer en convalescence
Je leur respondis que abstinence
Est de si parfaicte valcur,

< A mu)tfs enim cibi~ calor Htingui~ir. Yro's,in ;t")-


p/tOrMNi~.))(tVo/<f!M<Mr.)
Qu'elle angmente l'intelligence,
Et nourristl'homme sans douleur
'AVICRUfE.
Je vous diray ce qu'il me semble
D'uug grant abuz et d'ung deffaidt,
Quant vii ou vui metz tout enspmtdc
En ung estomac loger fault
Se l'ung fait tumpcste ou a~san)t,
L'autre est pu'quant ou peritleux
Le fro!t combat contre le cha)t)t
C'est ung tonnerre merveilleux.
AYERROYS.
A Salerne ~lugtaine terre,
Les medicins d'auftoritc
Firent, pour ung roy d'Angleterre,
Ung [tegime de santé
Enseignem'ens y planté
)! ne les fault que visiter,
Combien que j'aye voulcnté,
D'aucuns pnssaiges reciter
0)M!'&!<$ aSSKe<SM~!f<)COSet'MM f/<))!,
~)Nn~n; cc/t< stomacho fit fM.~mc: pcn~.
Ut M'S nocte /f'M.S, Si't <t&t <'fMf[ !'yfMS'

nAI~Hnentia rcddithomin~mca~tum,in~cn)osuni,et.nutrft'
-!nG(lo1orf.Iï.ccGA~t~u~.a~N<t~<r.)
<~ihn quidcm dcterius c.'E qtintTt 'Hvcrsf) mttrimenta sirmtt
af!jnn~p~Ï1fcf'Avtt.~NA.N(No/f~r.)
L'dcole de mcJccinp, fnndéc à Sa~rnn à n~
<!u nt~t~t~'
siMo, par Hnhprt. Guis<-ard, conquérant norinan~, qn! s'était
ftnp~rë de la T'ouiHc et. dp ta Cu~brp, eut. une irnmfn'-ecR!ehr!tf
.u~~itu). aprc~ ba fondation. Un rceuf) de s~~aphorismc'sfut m)s
r'~ vf~r;: l'an 1100, pour Hch''tt, duc df ~nriM~n'Iic; mnis]c~ dfux
!'crsdc ce ~Dprne didactique.y~u~.sff~r~f!sont ~frdu~.
« A~t'jff7H~<7//s. (Note de /'<~<r.Ce vieux poème,
qui avait une si srande autorité du~ la médecine du moyen
~Sc, est intitu]e ainsi dans ~e& preniierGs éditions du quinzième
-icdc:MfnM;r/n/r~<?o~MjMnw~4''f~
<t'no~)~m<f/w.
AYtCENNE.
C'est très-bien dit, ce m'est advis
Diette est reigle d'excellence,
Et l'estomach reçoit envys t
Long soupper nu grant opulence
Ung mot qui est de préférence,
Pour gens d'estude et de noblesse:
Ne ~:tM K!'n:M, ce dit Terence:
Le trop nnyst. la quantité blesser.
YPOCRAS.
Et se le soupper si fort nuyst,
Comme on luy baille le blason
Lebancquet qui se fait de nuytt
Nuyttrop par plus forte raison 5 ·
Corporellerefection
Greve, quant elle est diuturno
Mais plus, sans comparaison,
Replection qui est nocturne s.
GALIEit.
'Avec tous vosditz je copule7
Ce mot pesé à la balance:
Qu'il meurt plus de gens par crapule~,

~'Matgrelui.
Ct~'re exquise, trop succulente.
t Nam id arhitror apprime in vita esse utile, ut ne quid
nimis. TEnEnocs, in /t)!~rM. (No/e de i'<f!<)'J
C'est-4-dire comme lui en fait reproche.
Ce passage prouve que le banquet était un repas de nuit;
quant au souper, il avait lieu ordinairement à deux ou tro~. 1.
heures après midi; il fut rHarue ju'.qu'a~ cinq et six heures du
soir vers ia fin du règne de Louis XII.
Si enim omnis rep1c''tionocet stomaelto,quantomagis noc-
turna. An!!A!.Dns, in commento Rf~hKMM. <No/efMM<<'Kf.)
Je eompo~; du iatin <'op!t/ar<
noinfrer~; du latin f~pH~.
Qu'il ne fait d'espée ou de lance
Et quant ebrieté s'y lance,
Velà le fait tout consomme;
Car ung geant plain de vaiHance
Par vin est tantost assommé. `
tVtCEME. ·
Perithous bien l'esprowva
A ses nopces, comme sçavez,
Qui bien empeschie se trouva
Par Centaures, gens desrivez
Bons vins leur furent délivrez,.
Dont leur gorge fut arrousée;
Puis, quant ilz furent eKyvrez, ·
Cuyderent ravir l'espousée.
AVERROYS.
Herodotus, referendaire44
De maint cas divers et louable,
Met des messagiers du roy Daire
Une histoire quasi semblable:
Vers Amyntas le roy notable,
Vindrent demander le tribut,
Qui tantost fit dresser la table,
Et Dieu sçait comment chascun but.
Après vin, voulurent sentir 5
Les dames et les damoyselles,
Lors flst-on parer et vestir
De beaulx compaignonsen lieu d'elles,

< PJures'interScit gu)a cona quam g)at)ius. Pfa;'ffMorKOt


coMM~n~. (Note f/t* /'a~M/)
Les Centaures, aux nopces de PcrKhous, s'enyfrerenten
telle façon, qu'iïz\')uldrent ravir sa femme. Vide O~otUM, Bct-
CACH;M,etc.~(tV~f~~Hr.)
Déchaînes,cnjpof~s.
Historiographe, chroniqueur.
Prendre leur plaisir, festoyer.
Ayanscousteau)xt;talumet[es';
Mais quant vint à joindre les corps,
En cuydant taster leurs mammelles,
Ilz furent tous tuez et mors~.
YPOCHAS.
Cirus,queT!)amirisgreYoit,
Pour snn pays depoputer~,
Aujourquecombatredevoit,
Fist snn armée reculler,
Et en ses tentes appn'ster
De ton!! les mctz .qu'on petit goutter,
Tant de vin comme de Yitaittr'
Les enncmys, sans arrester,
Y entrert'nt pour en taster
Dont ilz pnrdirent la balaiHe*.
GALIEN.
Tous maulx viennent par gloutpnnip
Escripture en est toute p):)ine,
Mais la K)brc parsimonie
Rend la creature toute saine.
Senecfjue, qui tousjours amaine
Quelque mot digne et vertueux,
Dit la créature humaine
Cest enseignement somptueux
« Scez-tu comment tu dois manger?
Ung peu moins que saturite",
Armes, poignarde,dagues.
<tL'h\)toiredes ambassadeurs deDaireestes'ripteenUero
dote, oit il dit qu'après fju'i)?. curent trop lieu, demandèrent les
dames; lors Hst-onhabiUer en femme; de )~e;tuhg:tHansqui)e'.
misrc!it&mort.(fVo<t'A'<!«yMr.)
~ncpeupter;dututin~f~~M~
~tCiru5,pnursurptendrerttrmëcdeTïfamiris,$erccuUaet
hissâmes tentes p)aincs de vins et de\'iande-teurscnncmys
s'entyrerent et endormirentparquoy firent taincu'. pour celle
fois. HEnoDOTnset Jnsm traictent cestc hy&toire.'n\'f)/f fMMi.)
"Satiété. faut manger un peu moins que fa faim,dit!e proverbe.
Et de boire toy corriger,
Pour eviter ebricte*. »
))

AVtCENNE.
Au)usGe)iusanote,
En son livre de Nuictz Actiques,
Que totalle sobriété
Regnoit sur les Rummains antiques,
Et se, par etlictz domestiques,
H convenoit reigle tenir,
1'arciHcment, par loix pubtifques,
~hascun se devoit abstenir
AVERROYS.
Didimus, roy de Bragman,ie,
Jadis fist declaration,
Comment tous ceulx de sa mesgnie
Et les gens de sa region
Prennent lenr substantadon
Modérée et peu nutritive,
Sans jamais faire question
Oe viande deticative'

Yt'OCRAS.
Bragmanienssont sobres gens*,
Fuyans richesse et vanité,
Et pourtant les roys et regens
Ne les ont point inquieté.

K SEXECA m HbeUo D~ ~M~M~r ~/7~ icit


Edco'trasaturitai.em
(A'f)/«<f'<'«K<fM)'.)
»
(Note tlr· l'utrtratr.)
« Parcimonia apud vpteres nom~no-. non solnm (Ïomfst)f"t

A''t.usGEnu~,Nfj~~fM.4c~f<ï?'
Pour délicate.
(~f' /r)
observaHonc, sed etiam animadversione legum custodita f~t.

4 Cculx '!e Bragmanic sont ëohrcs, comme dit Calterus 'nt


-~nrcutni~oriaïpartant de~ fais At''xandr< e (No/f f/f ~M/fM?.)
Alexandre fust appresté
Pour les assaillir à oultrance,
Mais il montra begninitë,
Quant il ouytieurfemonstranee.
'GAMEN,
Senecque,parIantaLuci)[e,.
Dit que thoreaux impétueux
Treuvent reffction facitle
En ung petit pré fructueux,
Et les elephans furieux
Es forest prennent leur pasturc,
Mais a homme trop curieux
Ne suffist quelque nourriture
AVtCENNE.
H iuy fault les bestes sauvages
De divers lieux et regions,
Et ès mers, fleuves et rivages,
Pescher poissons par millions 2
Par forestz, par vaulx et par mons,
On prent viandes Yenatiequcs
Et par mer, soles et saulmons,
Et plusieurs genres aquaticques.
Le repas ne sera ja beau,
S'il n'est cerché en plusieurs fins
H luy fault anguilles, barbeau,
Carpes et brochetz bons et fins,
Aloses, lamproyes, dauLphins,
Esturgeons, macquereautx,muietz,
Congres, merluz et esgrcnns,
Rougetz.turbutzetquarretetz.
tThauruspaufiMtmomm jugfru~pascuaimplrtur, etuna
silvaplurtbubt'tfphantihu~ sutTtcit:ttonio veru ex terra pnsritur
et mare. i~ENKC<, «~ LM;'tt);n!. x (No/ef~fax/fKf.}
< Komina piscium. ~Na~ de fax~Mf.)
Venaison.
AVERROTS.
Quant au regard de frians metz,
L'appetit est insaciable
Voire et si ne cesse jamais
A desirer vin détectable.
Gordon, ce médecin notable,
/M Lilio t)!e<f!'c:'M~,
De tant de vins qu'on met sur table,
A gentement détermine

Il dit que quant, par volupté,


L'homme veult boire à plénitude,
Et que du vin la qualité
A grant vigueur ou fortitude,
L'estomach, pour la multitude,
Ne peut faire digestmn~,
Et velà dont vient egritude
Et mortelle confusion.
AVICENNE..
Si je fais interruption,
Pour parler devant mes antiques
Supportez ma presumption,
Car je djray motz auctentiques
Pour corriger excès publiques,
Ou pour conseiller mon amy,
-J'ay mes reigles scientifiques,
Qui sont T<')'fM /<'n.pnm?.

Bernard de Cordon, savant médecin trançais de la Faculté


de Montpenicr, mort vers 1320, a écrit en latin beaucoup d'ou-
vrages qui furent traduits en français. Le {dus ce!èb)'e, Z~MM
m~'ftHi! parut phnFla première fois à Kap)e< en H80.
« Cum
Yitmnt'SMtpÏES' innimfa quantitateaut in forti nua-
litate, tunc~SEns dî~estiva stemacin et epatis non pn<unt su-
perare née digercre. GoRDOx, libro secundo. Capitule le ehrie-
tate. (t\'o<f rsM<<'K)'.1
Mes anciens; c'est-à-dire Hippocrate et Galien.
Non </ft!f~MM< les gaudisseurs
Qui usent de mauvais régime
Ilz prennent saveurs et doulceurs,
Et ne font de diette estime.
Ilz commencent, dès devant prime.
De tous biens à leur bouche offrir,
Mais futur vient qui tout reprime
Pas n'eschapperont sans souffrir.
YPOCHAS.
H)esfault)aisser convenir,
Et prendre toute. leur aisance
Sçachez que, le temps advenir,
Sentiront torment et nuysance
A present ont resjouyssance,
Lyesse et consolacion,
Mais après auront dcsptaisance.
Douleur et persecution..
Les excès qu'on fait en jeunesse,
De boire, manger ou saulter,
Ilz se retreuvent en vieillesse,
Et viennent les corps tormcnter:
La mort funt venir et haster,
Et c'est le vray entendement,
Que trop soupper ou bancqueter,
Assomment gens communément.
EXPERIENCE.
Maintenant parlez clerement,
Et voulez declairer, en somme,
Que ce Bancquet evidamment
Ses adberans tue et consomme?

« Non gaudeant ma]o rcgiminc ntcnLes, finoniam !.i m prf-


senti non patiantur persecutionem in futuro non evadent.
At)eEKA~ /frf~ ~')t ~)')!. » ~iVfXt' <<f fttt~fxr )
GALIEN.
Soupper n'est pas si mauvais homme,
Nesirigoreux,quoyqu'ondie.
AVICENNE.
Se sa maMce ne consomme
Sicause-ilquelquemaladie.
EXPERIENCE.
AMnquepIusonneMHe
Encontre vertu et police,
Il fault pugnir leur grant fQlie,
Soit par prison ou par supplice?
AVERROYS.
Ma dame, pour pugnir le vice,
Sans quelque variacion,
Oyons de rechief leur malice
Et verballe confession?
YPO CRAS.
Oyons leur deposicion, T.·
lcy devant vostre assistence
Puis, par deliberation,
Pourrez fonder vostre sentence.
EXPERIENCE.
Officiers plains d'intelligence,
Tant gens d'armes que pionniers,
Faictes totalle diligence
De ramener ces prisonniers?
Entendez-vous ?
SOBRESSE.
Très-voulentiers.
J'en seray maistre cappitaine.

'C'Mt.-&-<)ire:s'Hne tue pas méchamment, son mont)c.


DtETTE.
Et moy second.
CLISTERE.
Et moy le tiers.
SAtCNËE.
Tu seras ta nevre quartaine ?
PILLULE.
Par ma ft)y, si je ne vous fnaine,
Tu ne sçauras à qui parler.

~SOBRESSE.
Dieu te mette en maUe sepmfune*
Despesche-toy <)onc d'y. n))cr?
LE FOL.
Et ne m'en scauroye-je mesler
J'ay gouverne la cour hacauo~,
Et sçay trophien les aulx peler,
Quant je suis à ma harbacane
Qui voutdrnit ung roseau de cane,
Je suis homme pnur le livrer,
Mais qui boit ainsi que une cane,
!t n'a garde de s'enyvrer..
PILLULE. Adearcerem.
Or, sus, sus, Bancquet et Snuppfr,
SaiI)M)torsdecega)athas?

C'Ght-à-dire~ par plaisanterie tu ft'ras lomcfhant~tu mon-


'trcrasicsdcnt.b.
C'c5t-&-dirf en mauvaise passe, en mauvaise cftancp.
~ous n'avons pu ëtaHir au jus~c le sens dn ce mot, quoi-
qup ~nt'<7~fï soit consigné dans le Glossaire de Pneangc. ~OM!'
/'RMn<* scmbic vouloir dire t'assemblée,la cour p~nifrp dps
\crres et desliouteille&. L'édition de ï~07 écrit 7'OMy/r~n~
F~nctre, balcon.
DIETTE.
tifautt, sans broncher ne choper',
Que veniez devant les Estatz*?
SODPPER.
Comment se porte nostre cas ?'
BANCQUET.
Helas! que dit-on de )non fait?
CLISTERE.
Vostre cas sonne fort le cas~?
SAIGNÉE..
Vous estes ung murtrier parfaict.
BANCQUET.
Ha s'il fault que j'en soye deffait
Je doy bien ma vie mautdire.
SAIGNÉE.
On pugnira vostre forfait,
Je n'en sçay autre chose dire.
PILLULE.
Dame qui gouvernez l'empire,
Nous ramenons ces marmiteux
L'ung se plaint fort, l'autre souspire
Dieu sçait comment ilz sont piteux
'.EXPERIENCE.
-Venez ça, povres ma)heureux?
Qui vous a faitz si rigoreux,
Que de tuée gens par dest'oy**?

Faire un faux p!)'


''Ijetribunaï.
*Jf*udemob:M<pour~M.
C'est-dire que je subisse la peitm do tatinn.
Embûche, guet-apens.
SOUPPEB.
Voire Bancquet, mais non pas mny!
EXPERIENCE'.
Vous festoyez gens par faHace;
Puis, les rendez mors sur la place
N'est-ce pas merveIDeuxesmny?
SOUPPER.
Voire Bancquet, mais non pas moy!
'EXPERIENCE.
Brief, tous o~ba~z ne sont pas gens',
De tuer en ce point les gens:
H vauldroit mieulx soy tenir quoy.

SOttPPER.
Voire Bancquet, mais non pas moy
EXt'ERtENCE.
Entens-tu il charge sur toy ?
BANCQUET.
Je voy bien que le bas me hlesse.

EXPERIENCE.
Ainsi, par faulte de chastoy
Tu as commis ceste rudesse
N'est-il pas vray?
BANCQUET.
Jeleconfesse.
Mais, dame' d'excellent affaire,
Excusez ung peu ma simplesse,
Car je cuyde tousjours bien faire.

Gentils, beaux.
Règle, conduite.
EXPERIENCE.
Escrivez cela, secrétaire;e
Mettez les delictz et excès,
La confession voluntaire,
Et tenez forme de procès.
REMEDE.
Je metz par escript tous leurs faitz,
Leur trangression, leur ordure
Quant les actes seront parfaictz
Vous en verrez la procedure.
EXPERIENCE.
Soupper, de perverse nature,
Par ta foy, te repens-tu point
De mettre à mort la creature?
SOBPPER.
Ma dame, raclez-moy ce poinct
EXPERIENCE.
Quoy! ue vins-tu pas bien en point.
Et bien armé, pour faire effort?
SOUPPER.
Je n'en armay oncques pourpoint;
Au moins, pour mettre gens à mort.
EXPERIENCE.
Que feis-tu doncques?
SOUPPER.
Ung discord
Pour les faire ung peu haster,
Et combien que je frappay fort,
Ce ne fut pas pour les matera
Débat, dispute, querelle, altercation.
*Tufr;dutatintX(;<rf.
EXPERIENCE.
Venez ce propos escouter,
'Compaignie, et vostre sequeUn?
BONNE CONPÀIHNtE.
Ma dame, vous devez noter
Que Soupper nous fut fort rebelle;
Toutesfoi&t sa Rere cautelle,
Ousaf:treurpirequef)ame,
Ne fut pas eu la fiu morteUe.
EXPERIENCE.
Est-il vray,'Souppcr?
SOUPPER.
Ouy, ma d.tmc.
PA.SSETEMPS.
Bancquet nous tua Gourmandise,
Et aussi fist-il Friandise,
Qni estnit gracieuse femme.
EXPERIENCE.
Est-i)vray, Bancquet?
BANCQUET.
Ouy,dame.
ACOnSTUMANCE.
Soupper fist plus honnestcment:
Il nous hatit tant seullement,
Sans ce que nul CH rendist l'âme.
EXPERtENC!
Est-il vray, Soupper?
sonppER.
Ouy, ma dame.
BONNE COMPAIGNIE.
Bancquet.parnavreretbatre'
Sans raison nous en tua quatre
N'est-ce pas fait d'ung homme infâme ?f
EXPERIENCE.
Est-il vray, Bancquet ?
BANCQUET.
Ouy,madame.
Je feiz venir les Maladies
Qui ont commisl'occision:
Moy-mesmes, par armes garnies,
J'ay fait grant effusion.
EXPERIENCE.
Vous oyez la confession?
YPOCRAS.
Nous l'entendons tout c]crement.

EXPERIENCE.
Pourtant, j'ay bonne occasion
D'y asseoir cert.iinjugement.
Le Code dit expressément,
Que, après confession notable,
Il ne reste tant seullement
Que de condamner le coutpaMe~.
Ostez BancquetabhominaMe,
Et vueillez Soupper emmener,
Affin que le Conseil louable
Puist de la matiere oppiner.

?ParbIessurcetcoup%.
In Anfitentem QuHœ sunt partes judic. praeter m con-
dempnendo, Ym, C. ()e eonfesisi. et per Gtosam, !~M. (No<<'
f <(<'«)'.)
SECOURS.
Sus, sus, pensez de cheminer!
Il vous fault retraire tous deux.
Car la Cour veult déterminer
Ducasquiestbicnpondereux'.
BANCQUET.
0 dame au regard gracieux,
Qui discord reduit et accorde
En Dionncur du Roy glorieux~,
Qu'on nous fasse miséricorde!
LE FOL.
On vous fera Inisere et corde,
Par le col, en lieu de cornette,
Selon que le papier recorde
La cause n'est pas encor necte.
PILLULE.
t) fault jouer de la retraicte.
CLISTERE.
Tirons-les ung peu à l'escart.
DIETTE.
Cependant que le cas se traicte,
Nous vous mettrons icy à part.
DISNER..
A ce coup est prins le regnard.
A ce coup est le loup honteux
Soupper se trouve bien couard,
Mais du Bancquet suis plus doubteux.
Ilz ont fait meuttre douloureux
Sur ceulx qui ont beu a leur couppe,
Mais, s'Hz ont esté rigoureux,
On leur fera de tel pain souppe

~Depoids,d'in]portance.
'C'&itJebUh.-Chribt. ·
3 ['roverbe qui :'igniEc Oti les traitera comme ils ont traite
autrui.
Qui veult deçevoir,
Enfin est deceu
Peine doit avoir,
Qui veult decevoir,
Adtrelevoir,
Tout veu, tou~t conceu,
Qui veult décevoir,
Enfin est deceu.
Je m'en voysjouer vers la Court,
Pour veoir que c'est qu'on en fera
S'on ne les loge hault et court
Je suis d'avis qu'on meffera.
Mais qu'esse qu'on gaingneroit
De les garder? Par ma foy, rien.
Quiconquéles espargneroit,
Je dys qu'il ne fera pas Lien.
ExrERtKNCE.
Ça, Ypocras et Galien,
Et vous autres par indivis
De ceulx qui sont en mon tyen,
Qu'en doy-je faire à vostre advis ?
Ilz ont en )eurs mauiditz convis 3
Tuez gens par rude maniere,
Et pourtant je voy, bien envys,
Telz gens regner soubz ma banniere.
Dieu, qui s'apparut en lumiere
A Moyse sur le buisson,
A noté par ta Joy premiere
.Jugement d'estrange façon,
Disant que, pour l'invasion
Qui se fait contre ung personnaige,

C'est-à-dire si on ne les accroche pas à la potence.


~Coîïecti\emcnt.,alaibis.
3 Festins, repas.
11fault peine de tallion,
Souffrant dommaige pour dommaige.
Car le Createur dit <t Je vueil
Que vous rendiez sommierement,
Membre pour membre, œil pour œil,
Dent pour dent, jument pour jument
Geste loy fut antiquement
Baillée au peuple judaïque,
Comme il est escript signamment*,
Ou livre qu'on dit Levitique.

A.VtCENNE.
Dame, vous avez la practicquo
De toute jurisdicion,
Et si avez la theoricque,
Science et résolution
Faictes-en la pugnicion,
Sans cry, sans motion ne noise.
H y a interfection
Vous entendez que cela poise.
AYtCENNE.
Le Code qui le droit despesclu;,
Et est de bon conseil muny,
Nous dit, parce que Fhommc pesehe,
Par cela doit estre pugny~
Selon ce qu'il a desservy
Soit franchomenf exécute

<Qui ~ccHet homincm, morte moriatur; qui perçussent,


animal red<)et;animam pro anima.Et sequitur:Fraauramprt)
fractura, occulum pro occulo, dentem pro dente. ~'t'~tCt, ca-
pituloxsiv.ote~fi'a~fxr.)
~Expressément.
Per quis pfecat htec et torquetur.L. si fugitivi,
3 « ea que per
c. de servis fugi. (No/c de l'auteur.)
Suivant ses démérites.
En la loy Si /M~<M,
Bien amplement est discuté.
GALIEN..
Vous sçavoz la perversité
De Bancquet, qui a faulx couraige;
Sa principale habillité,
C'est de tuer gens par oultraige.
Puis qu'il vault pis qu'un loup ramaige',
Et nuyst à toute nacion,
Ce ne sera pas grant dommaige
D'en faire l'execucion.
AYERHOÏS.
Aussi, l'Escriptureremembret
Ce mot qui se devroit prescher
« Se nous avons ung mauvais membre,
On le doit coupper et trencher3. »
Bancquet est fort à reprocher;
H est infect et est immonde,
Puisqu'il est p~re que Loucher
H le fault oster hors du monde.
EXPERIENCE.
~~Vous parlez de bonne faconde
""Remède, beau sire, escoutez:
Je vous dys, pour la fois seconde,
Que leurs oppinions notez ?
REMEDE.
J'enregistre tout, n'en doubtez
Et puis, aujourd'huy ou demain,
Leurs signetz y seront boutez,
Et escriptz de leur propre main.

~Affame,enrage..
Rappelle, enregistre,remémore.
Si manus tua vel pes tuus scand~ljzatte, abscide eum et
projief:ahete,ete.J)f<!</if.,xvm.(Nf<<'ii!<!B~!<)'.)
EXPERtEXCE.
Or çn,se Bancquet )eviHaiu
Estoit depesehé, somme toute,
Pourroit vivre le genre humain
Sansbancqueter.
YPOCHAS.
Etquiendoubte?
GALIEN.
Nous sommes d'avis qu'on le boute.
Scicberauehaultemmycesp~'fS'.
AYICENNE.
H fait venir catlierre et goutte,
Et puis la belle mort après.
DISNER.
Noble datne,'vous penserez,
S'il vous plaist, deux fois à cecy,
Mais quaud à l'ung commencerez,
L'autre s'en doit aller aussi.
Pour oster douleur et soucy,
De Bancquet se faut destrapper~,
Et qui disne bien, Dieu mercy, ~=
II n'a que faire de Soùpper.
Quant à nioy, je suis le Disner,
Qui nourris gens à sufGsance
Homme ne se doit indigner,
Quant il a de moy joyssance.
Souper est superabondance,
Bancquet est excès et oultraige,
Mais que le Disner vienne à dance,
Il suffist pour l'humain lignaiges.
Les pendus restaient exposes aux rayons du soleil qui )(M
momifiait en les desséchant.
Débarrasser, délivrer.
3 Le genre humain.
EXPERIENCE.
Disner, vous parlez de couraige*
tt Je ne sçay se vous avez droit
t.
Vecy'Conseil discret et saige,
Auquel demander en fauldroit.
AVERROYS.
Je croy que l'hoMUtie qui vouidroit
Faire ung repas tant seullement,
Tousjours santé garder pourroit,
Et si vivco~plus longuement.
TPOCRAS.
Qui ne mangeroit autrement,
Selon que notez par voz ditz,
Ce seroit vivre proprement
Comme ung ange de paradis.
On dit, ~K& brevibus verbis,
Que qui .!fm~~ est Angelus,
Mais quant n nous, /tO)MO qui bis.
Etreste?' EXJ~ERtENOE.
YPOCRAS.
~jtt B~<M qui plus.
-c Voûtez-vous ouyr une voix,
Qui est prouffitable et ttuaneste
Qui se repaist plus de deux fois,
Plusieurs le reputcnt pour beste.
DtSNER
Manger deux fois, c'est faire feste,
C'est prendre soulas et sejour.
Mains philosophes et prophètes
N'ont mangé que une fois le jour.
Regardez au livre des Pères*?
C'est-5-tUre à cœur ouvert, à ptcin cœur.
Le recueil des Vies des Pères (Vit~ !a'Ke<f)fem Mft'M). pat
saint Jérôme, était dans toutes les mains c'est un des ~emiers
Vous trouverez gens largement,
Qui ont souffert paines aspcres'.
Peu mangé, vescu sobrement
Sans chair, sans vin aucunement,
Soustenoient la vie humaine,
Jeunoient continuellement,
Tous les beaulx jours de la sepmaine.
De ceulx estoient Anthonius,
Arcenius,
Evagrius,
Pambo, Poonen, Serapion.
Theodorus, Ammonius,
Macharius,
Pacomius,
Silvarius, Bissarion,
Agathon.Anastasius,
Eu)aHus,'
Eu)ogius,
Paster, Pyoz, Ylacium,
S!soys, Ypericms,
Ursicms,
Et Lucius,
Toutes gens de devoeion
Et pour gens d'autre naeion.
Je amaine à recordacion
SocratesctDyugenes,
Qui n'ont prins pour tem'pnrtinn
Le jour que une réfection,
Et si ont vescu sains et nectz.
EXPERIENCE.
na!quinemangeroitqueungmt't/
Naturn pourroit décliner.

livres que )'imprimcrie naissante ~)it rcprn~nit~ dans ton. ir!


pnysdeï'Europf.
'.rfnihtf'.au'tt~rit~.
DISNEt).
Madame?
EXPERIENCE.
Quoy?
DISNER.
Je vous prometz
Qu'il suffira bien de disner.
BONNE COMPAIGNIE.
Madame, vueillez pardonner,
A ma rude témérité,
Se deux motz je viens sermonrmr,
Pardevant vostre dignité ?
EXPERIENCE.
Or dictes donc?
BONNE COMPAIGNIE.
L'iniquité
De ce Bancquet ort et infect,
Et perverse crudefité',
A du tout sorty son effect
Souppern'apassifortmespris,
Quoy qu'il nous ait circonTenu,
Car le mal qu'i) a entt'epris
N'est pas. Uieu mercy,.advenu.
j-~ Je eroy qu'il soit bon devenu.
Pourtant faictes-iuy quelque grace
Ce sgroit pour moy mal venu,
Se Soupper n'estoit plus en place.
EXPElUENCE.
Leur cas est moult fort intrinque
Je le vous dis sans riens celer,
Mais Soupper a moins detinque~

Cruauté; du latin frt'~fH/t).


Cotnptcxf, complique.
*Esttt]ojn&_conp!!h)e.
Que Banequet':ceh est tout cler
Si doit plus de paine porter,
Selon droit et bonne sentence,
Car tousjours est à supporter
Celuy qui a fait moindre offcncf.

La première distinction,
Sur ce mot JMS gencrale,
En la Glose, fait mention
De la paine dont j'ay parte'
Digestis, est intitulé,
En une loy, qui bien la lict,
Que le jugement soit reigtc
A la mesure du de)ict*.

Bancquet a fait crime mortel,:


On le doit pugnir et deffaire~,
Mais à Souppt'r qui n'est pas tel,
Vueil plus gracieusement faire.
BONNE COMPAICNIE.
fie Soupper est bien nécessaire,
Puisqu'il faut prendre deux repas.
De Bancquet je ne parle pas
Chascun ~cait qu'il est adversaire <.
PASSETEMPS.
.Soit pour festoyer commissaire;
Ou poste qui va le grant pas;
Le Soupper est bien nécessaire,
Puisqu'Ufautprf'ndn'deux
Kec ultra
repas.
progrerlitur p(rna,quam rcppriaturdeHctum.C.
qup~ivi de hns q. n. ama. per ça. et notât. pto?a in C. Jus pp-
nera)e,di!.t.[)rim').*(t'o;f<<<'fffMMr.)
« t't pena est meusura (Miet!. ).. Sanctio. ff., <h' pf. (?)<<'
<<e ft<)<)'.)
Mettre à mort.
'KuhiNc,contraire.
'DISNER.
Ce sera tousjours à refaire,
Ce seront noises et debatz
Quant les deux seront mys h Las,
Disner petit à tous satisfaire.
` AOOBSTttHANCE.
Le Soupper est bien necessaire,
Puisqu'il fault prendre deux repas
De Bancquet je ne parle pas,
Cbascun sçait qu'il est adversaire.
EXPERIENC'E.
Il suffist! Faictes-tes retraire..
Si procéderonsplus avant.
'REMEDE.
Puisque ma danic vous fait t.ore,
<
Retrayez-vouspar-là devant.
EXPERIENCE.
Or ça, parfaisons maintenant
Ung jugement recommandante
t,
Chascun de vous est soustenant,
Quant à Bancquet, qu'il est pendable;
Mais de Spupper desmisonnabie,
N'avez fait quelque mencion?
rPOGRAS.
Quant à Soupper, darne honoraDe,
Nous y mettrons restrinction.
GALIEN.
Premier, pnur refnrmacion,
Et pour terme luy as~ignet',
Vous ferey, inhibicion,
Qu'il ne s'approuve de Disner
De six tieucs*.
C'est-tUre_L de six heures; nr il fnut unf- h~urcprtur fairo
une tipuc ~f? pays.
EXPERIENCE.
Hfauttdonner
De ce cas l'exposition.
AVtCENNE.
C'est qu'entre eulx deux fault ordonner
Six heures par digestion:
Entre le Disner et Soupper,'
Aura six lieues plainement,
Carsixhuuresfaultoccuper,
Pour digerer suffisamment.
AVERROYS.
C'est le premier commandement,
Mais il fauMra, secondement,
De Soupper )es'deux bras charger.
Affin que pr!ncipa)Ietncnt,
Il ne puist si legierement
Servir de boire et de manger.
EXPERIENCE.
S'it a servy, comme k'gier,
De chair de biches on de'cerfz,
Le \oulez-vous pourtant loger,
7~ mc<aMK?K, comme les serfs*.
Bien sçay que assez escript en a,
Par etoquence bien f.tmëG,
Le droit Digestis de pMf/,
La loy in m<'<<Mm nominee.
YPOCRAS.
Pour tant, dame de renommée,
Qu'il a commis cas desplaisant,
Sa manche sera enfermée,
En dt'ux poin~netz de p)nmh pesant.

ht mini~terium metaUorum dampilati serti ofncinntur.


tt.inmcta))um.ff.dfpe.*(A'<);ff<e<'«;~<'Mi'.)L
SALIEN.
L'ungs'enyra par le pendant {,
L'autre portera ceste paine.
AVICENNE.
ysoit entendant,
Affin qu'on
L'ungs'enyra par le pendant.
· AVERROTS.
L'autre vivra en amendant,
Souffrant pugnition certaine..
'TPOCRAS.
L'ung s'en yra par le pendant,
L'autre portera ceste paine.
EXPERIENCE.
Remède?
REttEDE.
Dame tres-baultaine,
Qu'esse qu'il vous plaist commander?
Vous estes la source et fontaine
De tous biens qu'on peut demander.
EXPERIENCE.
Vous avez ouy assigner
La fin et-resotution?
Faictcs aux Conseitlers signer
Ung chascun son oppinion,
Et après leur signacion,
Ayez regard et advertence~ i
De faire la (tesrription
Du vray dictum de ma sentence ?
REMEDE.
Dame de grant magnificence,
J'acompliray ce, franc et net.
1 Par la potence.
Ayez soin et attention.
Ça, seigneurs d'honorificcnce,
Chascun mette cy son signet!
Ilz font tous semblant de signer en son papier, et puh il
retourne escrirc son dictum.
LE FOL.
Adieu, le petit*Kobinet!
Adieu Gaultier adieu Michautt'
Demain, au joly matinet,
On les veult envoyer au chault
L'ung sera logé au plus hault;
L'autre aura les bras affoilez.
Pourtant, Atizon et Mahautt,
Venez y voir, se vous voulez.
LE BEAU PERE CONFESSEUR.
Gens crapuleux qui toujours gourmandex
Et demander viande détectable,
Laissez ce train, vostre vie amendez:
Ne vous fondez ès morceaulx qu'attendez;
Mais entendez à vertu verihMe
Reigle notable ou mesure mettable
Est prouffitahle et préserve de btasnte
Cas oultrageux nuyst au corps et à l'ame.
Les mieux noutris
Deviendront vers:

Les noms de Robinet, de Gaultier, de ~lichautt, commeceux


d'Alizon et de Hahautt, qu'on lit plus ba~. avaient cours dans
une foute do proverbes populaires dont rori~ine n'es.t pas con-
nue, Voy''z l'excenent ouvrage de M. Leroux de Lincy, le L~
des Pn.t'fr~M franpois,nouvelleédit. de la BiNiotheque gau)o!se'.
C'est-u-dire G)outom, qui mangez sans cesse, qui né son-
gez qu'à votre ventre.
Le Confesseur recite ici des vers à rimes batelées, que le
poète réservait pour les morceaux d'apparat c'est ain,i que dans
les tragédies du temps de Corneille les monologues sont en
stances régutieree ou irrégulières.
Tost sont pourris,
Les mieulx nourris.
Après tous ris
Et jeux divers,
Les mieulx nourris
Deviendront vers.
Ne sçay pourquoy ne vous remort'
Ce que voyez evidamment,
Que gourmans avancent leur mort
Et vivent deshonnestement
Voulez-vous cheoir finableinent
En enfer, te dampnable hostet,
Considerez-vouspoint comment
R]outonnie est peché mortel?

Prenez le chemin d'abstinence,


Laissez toute gulosite,
Car Adam, par incontinence,
F~tt hors de Paradis bouté 2
Après que la femme eut gouté
Du fruict deffcndu qu'elle prist,
A son mar~ l'a presenté,
Qui en mangea, dont il mesprist.

Chrisostome est d'oppinion,


Et aultres gens de sainctetc,
Que la prevarication
De Sodome la grant cité
Procéda de voracité,
De crapule et g)outonme,

C'est-à-dire Je ne sais pourquoi votre consciecf'p n'est pas


emued<
~tIticontinGnciaexpulithomincmaparndiso.Simniterppc-*
fatum sodnmiœ quanquam inYcn!tu)' aetrihui gu]a!. na;c Cnr.
s3!-TOMns.<(iYo~ffe!'m<~itr.)
Dont fouldre, plain d atroxitu,
Vint confondre la pt'ogenie
Ovilappftit,
Gloutte, grasse, gorge,
Qui non pas petit,
Mais foison engorgu,
Qui masche et qui forge
Par estrange guise,
Non pis le pain d'orge,
Maisviandeexquise!
Sainct Gregoire, qui a presché,
Nous declaire tout plainonent
Cinq especes de ce pèche
Qui sont: mangt'r trop ardammeut,
Préparer curieusement,
Ou prendre trop grant quantité,
Puis manger delicatement
Et devant terme limité.
LE FOL.
Le beau Père dit verité
Tout haultement à vostre face
Ne s'est-il pas bien acquité?
Ouy, mais querez qui )e face!
Nostre Bancquet meurt et trespasse: <
Tàntost t'yrons executer;
Mais je doubte qu'en briefve espace
On le face ressusciter.
EXPERIENCE.
Ça, baiHez-moy à visiter

Anuantith popuhtion.
Ecrase, mastique, broie avec ie~ den~.
Quinque sunt spccics gulm, secunduni Gt'cgoriuni. Unua
versus prepropere, )en!c, nimis, ardentcr, studiose. < (Note fk
r<f!t;);)'.)
Tout le propos de la sentence
Et puis yrez solliciter
Que nous ayons bonne assistence.
REMEDE.
Tenez, ma dame d'excellence,
Veez là tout le fait pertinent~?
IItuybaHUetoussespapiera.
EXPERIENCE.
Faictes comparer~ en présence `
Les prisonniers?
REMEDE.
Incontinent
Que chascun viengne au jugement,
Pour ouyr la sentence rendre,
Et faictes venir promptément
Les prisonniers, sans plus attendre?
SOBRESSE.
Il se fault garder de mesprendre.
Obeissons au mandement.
CLISTERE.
Allons donc ces prisonniers prendre?
H se fault garder de mesprendre.
SAIGNÉE.
Mais qui est-ce qui les doit pendre?
DIETTE.
Moy, qui en ay l'entendement.
SECOURS.
Il se faut garder de mesprendre
Obeissons au mandement.

Tout ce quiappart.ientàcct.te affaire.


'Pour:Comparo!r, comparaître.
SOBRESSE.
Sus, sus, sortaz iegierunent:
Venez-vous-enarauJitoire?
DUSTTE.
Vous ne vivrez pas longuement
En ce monde-cy transitoire.
BANCQCET.
Je prie au henoiiit Roy de g)uit'c
Humblement par devotinn.
Que de mou cas qui est notoire
Me face vraye remission,

SOUPMK.
Las! avez-vous intenGion
De nous executer eusembiu?
Je n'ay pas fait transgression
Digne de mort, comme il me semUt'.
CUSTERË.
M'ayez paour.
SOnPFEE.
Nenny, mais je tremble.
Oncques ne fuz en tel danger
BANCQUET.
S'il est craintif, il
me re:iseu)I)te
C'est assez pour couleur changer.
SAIGNÉE.
Veez cy nuz ~fns prcstx u juger,
Aussi eschauffez comme glace.
SËCUUKS.
Pour les condajnneroupurgcr~.
Ma dame, veez-les cy en place?

Ahsoudre, Mquitt~r.
SOUPPER.
Miséricorde'.
BANCQUET.
PourDieu'gracc!
SOCPPER.
Avez pitié dos penitens!
LE FOL.
On vous fera la souppe grasse,
Mais vous n'en serez pas contens.
Les deux cenduyront Soupper, et les autres, Pancquct.
EXPERIENCE.
Or, sus, faictes asseoir Bancquet `
Sur la sellette devant nous
Et ce Soupper, de peu d'acquest,
Se mettra là à deux genoux.
PILLULE.
Mettez-vous cy, despechez-vous?
Qu'on ne vous face violence
SECOURS.
Ke sonnez mot par-ta dessoub!
Et que chascun fart' silence.
EXPEUfENOE baillera a Retnede le papier oH sera escript
le dictum, pour le prononcer, en ~Usant:
Tenez, scribe d'intelligence,
Cest escript fait a diligence,
Qui porte grant narracion:
Je vueil que, par obédience,
Par devant tous, en audience,
Faciez la recitacion.
Remède prent le dictum reveremmeut, et le commence à
lire hault et eler.
REMEDE.
Veu le procès de raccusMiot~, r
Fait depieca par Bonne Compaignie.
Qu'on peut nommer populaire action,
Car elle touche au peuple et sa mesgnie
Veu l'homicide accomply par envie
Es personnes, premier de Gourmandise,
Et d'autres trois qui ont perdu la vie:
Je-Bois-à-vous, JePieige, etFriandise:

Consequemment, confession ouye


Que a fait Bancquet, sans quelconque torture
D'avoir occis, après chiere esjouye~,
Les quatre mors qui sont en pourriture
Et de Soupper confessant la bature,
Qu'il perpétra sans en rien différer
Veu à loisir toute autre conjecture
Qui fait à veoir et à considerer.

En le conseil des sages et fectrez,


Qui en ont dit par grant discrétion,
Voulons pugnir les delictz perpétrez,
t'out' incuter crainte et correction.
Car, au propos, pour exhortation,
Le Code dit, aussi fait t'tMtitute,
Que d'ung forfait la vmdication,
Sur les mauvais redonde et répercute.

Et, au surplus, ouy les medicins,


Tous opinans que le long Soupper nuyst,
Et que Bancquet, remply de larrecins,
Fait mourir gens, et se commect de nuyt:
Item aussi, par le procès conduit,
Discrètement pesé et compense,

1 Sans avoir été mis à la qiestion.


Après avoir fait joyeuse cMre.
Jmprimcr, imposer; du latin :KC;<yere.
Trouvon') qu'il a l'homicide introduit
Par dol, par fraulde et par guet apense
Pourtant disons, tout par diffinitive,
A juste droit sans reprëhension,
Que le Bancquet, par sa faute excessive,
En commectant cruelle occision,
Sera pendu à grant confusion,
Et estranglé pour.pugnir le inalice;
Voz gens feront ceste exécution
Et le mectront à l'cxtresme supplice.
Quanta Soupper, qui n'est pas si"coupaMe,
Nous luy ferons plus gracieusement.
Pour ce qu'il sert de trop de tnety. sur table,
Il le convient restraindre aucunement
Poignetz de ptom)j pesans bien largementt
Au long du bras aura sur son pourpoint,
Et du Disner prins ordinairement,
De six lieues il n'approchera point.
Et s'il ne veult obcyr a cecy,
Mais decliner, contrefaisant du tourt
Pour le reffus, nous ordonnons ainsi
Qu'il soit pendu au gibet Iiautt et court.
SOUPPER.
Je dys grant mercy à la Court
De ceste condamnacion.
BANCQUET.
Ilelas! et nul ne me secourt!
Que j'aye au moins confession
DIETTE.
Feray-je l'expedition ?

four ftK~-<<'fM.
C'est-à-dire mais en appctfr, faisant sctubiant J'avoir mal
e~mpri&la sentence.
EXPERIENCE.
Ouy, vous aurez cest office.
SOBRESSE.
Et je prcns h commission
De Soupper.
EXPERIENCE.
Faictes-tuy justice.
ley met Diette à Dancquet la corde au f~!
n)ETTE. ·
Re<;cve/.cecoUer['rnp)ce:
(le sera pour serrer la vaine.
BANCQUET.
0 mon()e, fy de ton service!
Ta prospérité est hien vainc.

LE)!EAUPE))E.
Laissez toute cure mondaine
EtpensezaDieuseu)tenjent,
En tuy priant dévotement,
Que de vostre âme ait mercis.
BAKCQUHT.
Quant au piteux defnnement
De mon corps, pense-je troncis.{
!.E BEAU PERE.
Soyez pacient, mon beau fils!
Voicy pourtraicturc certaine
De rymage du Crucifix
Qui racheta nature ttumaine.
H luy Lai))~ le tabk'au ou est ymage du Cn)f'ifh.

'CcsdeuxvL'['-t~Ottttt'ës'ohscurs;onpoutct'Otrt'qn'itssi-
Sninent Quant a la triste fin de mon corps que je suppose ()c-~
voir ~tre mis par'qnartier'i.
60BRESSE.
Et voicy gardebras massis 1
De fin plomb, taillez de mesure.
Tcnez-moy Soupper, cinq ou six,
Et je feray la ligature.
Ilz prennent ~ouppcr.
CLISTERE.
Ça, villain (le fautce nature,
tendez les bras?
SOUFPER.
Aussi fcray–je.
On luy meL le pinmh que l'on lyen) a ~untt'p ns~uiUt't't~.
SAIGNÉE.
Endurez ceste fourniture,
Pour rabaisser vostre courage.
riLLULH.
Ha! dea, vous souliez faire ra~p:
On ne pn'oit à vous durer 1
SECOURS.
Pour vostre merveilleux ouUrage.
Vous fault ce travail' endurer.
socrpER.
Helas 1

SOBRESSE prentdes esgmUet.te~ à ses chausses, pour


lyer les poingnetz.
SOBRESSE.
Voulez-vous murmurer ?
Hictes~hau, marchautdc billettes4?
Pour m~Mf/s.
Vous aviez l'habitude de.
reine, épreuve, souffrance.
Terme de mépris, qui pourrait, bien faire aHusion nu juif d<-
la rue des B:Ue(.tes, lequel fit cuire une hostie dans une rhau-
dtèrp. H y a dans redit, df 1507.
En mal an puissiez demeurer
Vous me coustez quatre esguillettf's.
SOnPPER.
Voicy de bien pesans sonnettes
("est assez pour enragier dire.
SOBRESSE.
Allez voz besongnes sont neetes
Mais escoutez que je vueil dire
Combien que vous soyez garny
De harnois pour faire bataille,
Toutesfois vous estes bunny `
Du Disner et de la vitaille.
SOUFPER.
Fautt-i} doncques queje m'en aille?
'~OBHESSE.
Pour bonne justice approuver
Allez tous jours si loing, qu'il fai)))'
Six heures pour vous retrouver.
SOUPPER.
Or me cuidoye-je relever,
Mais j'ay ma force mal gardée.
Adieu 1 je m'en voys achever
La peine qui m'est commandée.
Clamat.
DIETTE.
toute l'assemblée,
Ç:), ça, ça,
Tost aux champs pensons de marcher!
Soupper a la manche doublée
Reste le Banquetdespescher.
RECOURS.
Frère Gaultier, venez prescher
Ce preudhomme et admonnester?

On dit encore dans le même sen, :.Vutr<! affaire est claire.


LE BEAU yEM.
Voutentierstn'envueilempescher,
Pour loyer vers Dieu acquester.
Monamy. on doit mediter
Ata passion du Sauveur:
Cela vous peut moult proMtpr,.
Et pourtant pt'cncz-y saveur,
SAIGNÉE..
Sus, emmenons ce malfaicteur
Prenez devant, et mny, derrière ?
t'![.H)LE.
J'en YU'eH
estre le conducteur
Sus, emmenons ce ma)faicteur
CLISTERE,
Tu me faiz fort du caqueteur?*1
Beau sire, tyrc-toy arriere.
SECOURS.
Sus, emmenons ce maiftiicteur!
PILLULE.
Prenez devant, et moy, derrière..
EXPERIENCE.
Beaulx seigneurs, passons la barrieri':
Compaignez-moihonnestement,
Et allons par ceste cnat'riere t
Veoir acomplir ce jugement?
Yt'OCBAS.
Nousyrons voulentairement.
CALtEN"*
C'est nostre seune ;iffe.ct!on.

'Gra])~eroutec"')Iesvoftu''f"~p:is'nt.
A.T:CE!')Nt:.
J'envueUMenveoirtennement.
AVEHROf.s.
Et moy, ta terminacinn.
DIETTE.
Tost, deux motz de confession
Hean pfre, despescLex-)e-moy?
LE BEA.O PERE.
Ça, avez-vous contriction?
BANCQUET.
Mais ay soulcy et grant esmo).
),E BEAU PEf! M <ie[et fai~)gcnf)i))f)'Ban<'qn<'[,en
disant:
Il rous fault mourir en la foy,
Sans penser à mondanité.
illectez-vous cy en bon an'oy',
Et dictes Benedicite?
Lors le beau pere fait le signe de la croix, E~ Ranc~uct.
fait signe de soy confier.
DIETTE.
Je vueil dresser de ce costé
Mon escheUo, pour monter hault.
entends oyung peu, degouste~?
LE FOL.
Quoy me veulx-tu livrer t'a~sautt?
J'ayme mieulx faire ung petit hautt.
Comme fait maistre Triboutet~.

En bonne posture c'est-à-dire humblement.


Cette expres&ion s'caiptoie encore popul-lirement. dans tf sens
d'aH«~<'<«/'MMfMrt.
Ce vers prouve que Triboulet, fou du roi en titre d'uf)iee,
Î)!ËTTÊ.
Tu ne scez que c'est qu'il tefautt.
Pur ma foy, tu ne es que nng follet l
Au fort, allez, mon cas est prest:.
J'ay gens, cordeHes et cordons.
e LE FOL.
Je voys vcoir -se la chievre brait,
Affin que m!eu!x nous accordons.
Ne parles-tu pas de chardons ?
C'est ce qu'il fault dessoubz ta fesse.
Sfavez-vous que nous regardons?
Maistre regnard qui se confesse.
LE BEAU PERE.
Des peschez de vostre jeunesse,
Ne vous en accusez-vous pas?
Bancquet parle à genoulx devant le Confesseur, en tour
nant le visaige au peuple.
BANCQUET.
.l'ay tousjoursfait quelque finesse:
Devers le soir, en mes repas,
J'ay fait dancer le petit pas 1
Aux amoureux vers moy venus,
Et puis, sans ordre ne compas.
User des oeuvres de Venus.
J'ay fait les gourmans gourmande)',
J'ay fait les frians friander,

occupait son poste dès le commenccmcïttdu règne del-oui-. XU,


''ar cette moralité date de i50n eavM'd~ On n~ connaissait pas
un ouvrage aussi ancien qui Ht mention de Triboulet, que Jean
les C~o,??~
page 111.
/<f
Marot a placé aussi dans son t'Oj/e~ f« )'M;se, en 1509. Voye?
/c~ par le ËiMiophi~ Jacob,
C.'est-à-fUre j'ay mi-- en danse tes amom'fnx.
J'ay fait choppiner choppineurs,
J'ay fait doutx regards regarder,
J'ay fait hrocardeurs brocarder,
J'ay fait mutiner mutineurs,
J'ay fait ces gros ventres enfler,
Et vent par derrière souffler,
Comme souffler de marteleurs.
J'ay fait rire, et riffleurs riffjer~,
RaiHer, router ronger, ronNer,
Rétribuant rudes douleurs.
J'ay fait assembler jeunes gens
De nuyt, pour faire bonne chiere
~La sont gorriers~, joliz et gens;
Là se trouve la dame chiere
Le galant taste la première, °
Comme pour la mener devant,
Et puis on souffle la lumiere.
Oh je n'en dis point plus avant.
Bancquet fait faire moult de mal,
De pèche, de vice, et d'ordure,
Veu le cas qui est enormal.
Je ne sçay comme Dieu rendut'f
!1 rend yvre la créature,
Ilfait.perdre l'entendement,
Et manger des biens de nature.
Tant qu'on vomist mfamemf'nt.
J'ay fait, par trop ingurgiter,
Venir morbes innumerabtos
J'ay fait causer et susciter
Egritude&intotterables
C'est-à-tHrc j'ai fait riftotfr les rîhoteurs, <tvatff t~s ava–~
leurs.
Pour rf).sM', roter:
Les /;f<?«j'<,)e<! M);~f/ les gahnts. __L
Fièvres, catherresfurmidab'es,
Viennent par ma subtillité
J'ay commis moult de cas. pendables,
Il fault dire la verité.
A tous mes privez familiers,
Ou mortougrantlangueur je donne.
-ray tt)S"3cs gens par miniers
.!e pr!e~ a Dieu~qu'i) me pardonne
Par mcy souvent la cloche sonne
Pour chanter curez et vicaires
Je n'ai fait proffit à personne,
QueauxprestMsetMppoticairf's;
Par moy est vendu à leur gré
CoHoquintide et cassia,
Scamonea, stafizagré,
Aloes, catapucia,
j-'yaprnnis.ierapigra,
Bolus, opiate et turbu',
Sene,!)zarab:tM!'a,
Myrabubns et agaric.
Par pif) uks,juUepx,sirops,
Ou drouguerie laxative,
F<tM nourrir gens gresles et gros,
Dont je suis cause primitive ·
Ma condicion infiative,
Mes oultrages et prans excès
Ama!nentge<jSannhastive,
Et font perdre vie et procès
De tous les vices et peschex
Quem''avezoy nommer cy,
Et d'antres deffuutx et mesctncfx

'f~tt a sJ'.mtf'hcHnau~isfaits.
flumMementcrie à Dieu mercy1
J'aymismouttdegensensoucy,
Et fait despendre' argent t't or.
LE BEAU t'EHE.
Est-ce tout?
BANCQUET.
Je le croy ainsi.
LE BEAU PERE.
nictesvostreConCtHor?
Bancquetf.tit$emI)iantdediresonConuteor,etk' °
bcaupcredel'abs')uidre.
LE ML.
FoyquejedoyasainctVtCtur!
<!e))eauppregaingneadisner~.
Je croy qu'il aura le trésor,
Tant bien sçait-il pateliner.
Chascun se mesie d'affiner,
Chascun veult souMer l'arquemye
Mais je ne puis jamais nner
D'avoir finance ne demye.
DIETTE.
N'est-ce pas fait, bon gré ma vie1
Je me morfondz de tant attendre.
LE FOL.
C'est le bourreau qui le convye,
Pour luy faire le col estendre.
Dz se leivent tous deux.

Pour dépenser.
En effet, dans tous les frais des exécutions d'' justice faites
à Paris, on mettait en compte )c prix du dîner du confesseur.
bu s'occupait beaucoup d'aknimie a cette époque c'était
une mode que les expéditions de Charles Vil! et de Louh X)I,
en Italie, avaient apportée eu l'rance, et qui ne fit que se pro-
pager pendant tout le seizièmesiècle, surtout à fa~bnr de-.Va)ois.
LE BEAU PERE.
grë prendre
!) vous fault ).) mort en
Il vous fault monstrer homme saige.
BANCQUET.
Helas t Dieu me gard de mesprendrf
Vecz cy ung dangereux passaige!
CLISTERE.
Tant de fatras!
SAIGNEE.
Tant de langaige
EXPERIENCE.
Uiette?
DtËttË.
Dame ?
EX~ËRIENCË.
D,espesche!-le!1
DIETTB.
Je voys jouer mon nersùnnaige.
Sus: montons amont 1 ceste eschelle.
Ilz commencent à monter.
LE BEAU PERE.
0 Bancquet, il vous fault avoir
Mémoire de la Passion?
BANCQUET.
Beau pere, vous deveit scav&i)'
Que je y ay ma derociott ?
DIETTE.
Dea, affin que nous ne faillon
A poursuivre le pctitoire*,
Montn!< encore ung eseheUon.''1

EnhauL_
C.'<'st4~?7e MM'Mter la sent.ehff.
BANCQUET.
Mais que j'aye ung peu d'adjutoire
Il monte, et on luy aide, et dit:
Suis-je assez hault?
DIETTE.
Encore, encore!
Vous commencez !t approcher.
Veeïcyvostro-reclinatoire~!
Bo)a!jevousvoysatacher.
Mais toutesfoys, pour despescher,
'Tandis que à mes cordes labeure,
Se rien voulez dire ou prescher,
Ilictes maintenant, il est heure
BA~NCQUET.
Helas puis qu'il fault que je meure.
Chascun vueille pour moy prier,
Affin qu'en la fin je demeure
Sans vaciller ou varier.
Je n'ay eu memoire
Que de tousjours boire
Du vin de hault pris.

DIETTE.
Ce n'es pas grant gloire,
Mais fol ne veult croire,
Tant qu'il est souspris.
BÂNCQUET.
J'ay mort desservie,
Par cruelle envie,
Pour estre trop fin.
DtETTE.
Fol est qui desvie,

'Aide;dN)atinm/onMm.
~LifKderepns.
Car de malle vie
Vient mauvaise fin.

BANCQUET.
Finesse m'affine;
Je meurs et defBne,
Honteux, en ce )ieu.
DIETtE.
Omama]s'euc[h;t',
Tost chiet et décline,
Quant up!a!st& Dieu.
BANCQUET,
Adieu mes esbats
DIETTE.
Dssonttnisabas.
BANCQUET.
Ptusn'ay de demain [

DIETTE.
ttfau)tdire:He)as!
BANCQUET.
-fesuisprinsautas!
DIETTE.
Voire soubz ma main.
BANCQUET.
Adieu, friandises petites,
Sucre, coriande.aniz,
Girofle, gingembre, penites,
Saffran plus luisant que verniz,
Sucre candis pour les poussifs,
TriassandaU que on renomme,
Poivre, gatinga) et massis,
Mus, muscade et cynamome~'

Pour ce que j'ay ))ien fait gaigner


Les médecinsbons et parfaictz,
Car ilz ont eu a besongner,
A guérir les maulx que j'ay faictz,
Veuqu'itz sont riches et refaicti'
Je veulx qu'ilz me facent promesse,
Que, pour mes pechez et meffais,
Ctmscun fera dire une messe.

0 jeunes gens, qui mon cas regard'


Gardez,
Tardez
De faire ahusion,
Corrigez-vous, vostre vie amendez,
Mondez~,
Fondez,
En bonne intention,
Vostre occupation,
Vostre operation,
Soit en devocion,
Et jour et nuyt
Fuyez decepfinn
Ayez oppininn
Et recordacion, ·
Que peché nuyt.

LE BEAU PERE.
Mon amy, soyez tout reduit
De prendre, pour bon saufconduit,

Ce sont toutes les épices qui entraient dans i.) préparation


des ragoûts et <)e< pâtisseries.
Hentis sur pied, ayant bien fait leurs affaires.
')!pnrc!.
Jesus qui souffrit impropere 1
M'entendez-vous?
BANCQUET.
Ouy, beau père.
LE BEAU PERE
Pensez à vôstre conscience,
Prenez la mort en pacience.
Et la honte et vitupère
M'entendez-vous?
BANCQUET.
Ouy, beau pere.
LE BEAU PERE.
Tenez la foy.
BANCQUET.
Aussi feray-je.
LE BEAU PERE.
Soyez constant.
BANCQUET.
J'ay bon couraigr.
LE BEAU PERE.
Pensez h Dieu.
BANCQUET,
En luy j'espère.
LE BEAU PERE.
M'entendez-vous?
BANCQUET.
Ouy, beau pere.
Justice m'est amere mère

Supplice outrageux.
Voici un nouveau tour de force de prosodie que t~ pauvre
Banquet exécute avant de mourir « La rime emperiepe, dit Hi-
Quant de la mort m'assigne signe:
Justice se confere fere
'Qui ma paine décrire cin'e,
Xontm~vigueurtres-nnt'nne.
Justice, qui domine myne,
Pecheurs, comme rogentu gente,
Bien monstre qu'elle est ditigente.
DtBTTE.
Avez-vous dit?
BANCQUET.
Je mécontente.
DH;TTE.
Pardonnez tout, sans plus d'actentt',
Etnetenexcouraigeànulz~. ·
BANCQUST.
))(' pardonner c'est mon entente
ntETTH.
Or sus, dictes vostre B!<tKMS.
11 )~oute j'Mi.* th' l'eschelle et fait semhlant Jf t'c'.U'ang~r, & ta
mode des houn'eauk.
LE BEAU PERE.
Credo, credo
DIETtE.
Veez-le là jus?
Je croy qu'il soit jà trespassé..

cbctet, dans son .~r~ la t'<'f.«'~<'a<!0tt,est une rime où une


partie de la première sillable de l'antépénultième du mM est
répétée deux fois de suite. a
Pour /?f/v. Peut-être taut-il rapporter ici le mnt /<'t'~ au
iatin/fM,barbare,féroce.
C'est-à-dire ne gardez rancune à persanne.
~Intetttiun.
~HiejetteabM.
LE BEAU PERE.
S'i! est mort, <Mt?M ~K<!
R~M:<M~f:p~P<
niETTE.
Enfans, ptains de legiereté,
Qui nevoutox nul hien apprends.
Fuyez mauvaise voulenté,
'Et venezcyHempto prendre:
Le plus fringant dHvienJracendTe;
))n'y:)!!n)nnlmceptp.
SECOURS.
Mais 'ptny Ne veulx-tu point descendra ?°
DIETTE.
Ouy, mais que j'aye attaintë
EXPEntENCE.
Or est Baccquet exécute
Les gourmans plus n'en jouyront;
Disner et Soupper fourniront
Pour l'humaine uccessité.
YPOCRAS.
Y''t'ongnes,pL')insdeYotupte,
~Maintenant par despit diront:
« Or est Bancquet
exécute,
Les gourmans plus n'en jouyront.
t~ONNE COMPAtGNIF..
Pour le jugement d'équité,
Tous vertueux vous aymeront;
Et ceulx qui le faict htasmeront,
Auront grant tort, en \')'rité.

~C'est.-&-Ju'c:'ïf!squcj['uur.nrfpr)Rp)p<)!-url't''ch~ttp;cnr.
suivant l'usage, iebom'rean sect'amponnuiLsur les 6p~utcs (h)
pendUjGtsebalancaiEavechti'tanst'Rspncp,
t'AS.S.ETEMfs.
Ut est Bancquet exccuté »
Los gourmans plus n'en jouyront~
Disner et Soupper fourniront
A )'humai;)enecessité.

LE DOCTEUR PRELOCU'tKUtt'.
Seigneurs, qui avez assisté
A la matière delectable,
Bien voyez que gnlosité
Est vergongneuseet detestable.
n souffit deux fois tenir table,
Pour competante nourriture
Le Bancquet n'est point proufitable,
Car il nuyt et corrotnpt nature.

C'est pèche, c'est Manie, c'est vice,


U'c~t oultraige et difformité,
De faire au corps tant de service,
Qu'on en acquiert infirmité.
Si avons Soupper limité,
Et Bancquet mis à finement
C'est fin de la Moralité
Prenez en gré begninement.
LE FOL.
Begninementou autrement,
Ce m'est tout ung, soit' feu ou gtace,
c
Mais je crains que finablement
Bancquet ne soit iongtemps en place.
S'il vous ptaisoit, de vostre grâce,*
Venir reposer-sur le coulte

U s'adresse à l'auditoire.
A fin, à mort.
four coM~C, par corïupttou. H esL pos:'Ufte encore que le
mot coulte soit mis là pour MM~c, lit ue pimne; au reste, id
M!<M;'M était une grossetone de coton.
Nous maB~erinns la souppe grasse,
Entrc~nydy et penthecouste
Et adie~La brigade toute

RONDEAU.
En Fhostel du trcmpeux Bancquet,
Et en celuy de long Soupper,
Souvent viennent grands coups frapper
Sur plusieurs, après long caquet,

0.
Les Maladies qui font le guet,
Pour soudainement les happer.
En l'hostel de ce faulx Bancquet,
n'y a Georget ne Marquet,
Qui d'elles se sache eschapper,
Sans aucun mal, ned~tr~pper*
Batcutjusques au dernier huqnft,
Et) l'hostel de ce faulx Bancquet.

GY FtNE LA COMDARNACiUKDt:
ItA~QOLT-

Cetteexpression proverbiale équivaut à ceUe-ci à Paqm's


on à la Trinité; e'est-dire jamais, ou je ne sais quand.
Bégayer, délivrer.
TABLE
2"

AvEtmSSEMEXTDEL'ËDITEtJt. t
L'AKCIE!<TtiEATREE!fFRANCE. V

HÎAtSTREPlË!U:EPATnEL[K.
rfuf.tcedut'Ëditeur. t
5
Lt:NoUVEAUPATHJSt.m.
Pr~cedeI'ËJitcur. t~
LE PATIlELlN.
NOUVEAU 119

LETESMMEMDEPÀTnEUH. 175
Pr6&cedel'Êditeur. 177
~~HAIjIIÉDEL*AvEDGLEErt'ut!otTELX.
rt'efacedet'Ëditcur. 3Ji1
2t5

Préface de['Ëditeur.
LAFARCEDU.uNYEn.
BANCQt.'ET.
?3
255

Pt'efacedct'Ëditeur.9
LA COMDAHKACMK DE t!67

HKDELATAttLM -=~

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