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Université de Marmara

Faculté de pédagogie Atatürk


Département de didactique du français
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LINGUISTIQUE
2EME ANNEE
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2021-2022
2ème semestre

Enseignante : Mahacen VARLIK


CALENDRIER DU SEMESTRE

PERIODE INTITULES DES COURS

1 Séance du 22/02/2022 Sémiotique et sémiologie : introduction

2 Séance du 01/03/2022 Sémiotique et sémiologie

3 Séance du 08/03/2022 La sémiotique de l’image

4 Séance du 15/03/2022 La sémiotique narrative

5 Séance du 22/03/2022 Le structuralisme (exposés)

6 Séance du 29/03/2022 Structuralisme et cognitivisme

7 Séance du 05/04/2022 Synthèse et préparation à l’examen partiel

Entre le 09 et le 17/04/2022 EXAMEN PARTIEL

8 Séance du 19/04/2022 Linguistique cognitive : la grammaire universelle de Chomsky

9 Séance du 26/04/2022 Linguistique cognitive et approche fonctionnelle du langage

Séance du 03/05/2022 Férié (Fête du Ramadan)

10 Séance du 10/05/2022 Le fonctionnalisme d’André Martinet 1/3

11 Séance du 17/05/2022 Le fonctionnalisme d’André Martinet 2/3

12 Séance du 24/05/2022 Le fonctionnalisme d’André Martinet 3/3

13 Séance du 31/05/2022 Les fonctions du langage selon Roman Jakobson

14 Séance du 07/06/2022 Synthèse et préparation à l’examen final

Entre le 10 et le 23/06/2022 EXAMEN FINAL

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UNIVERSITE DE MARMARA
FACULTE DE PEDAGOGIE ATATÜRK
DEPARTEMENT DE DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
2ème semestre 2021-2022

Enseignante : Mahacen VARLIK Courriel : abovemajore@gmail.com


Périodes d’examens : - examens partiels : du 9 au 17 avril 2022
- examens finaux : du 10 au 23 juin 2022

LINGUISTIQUE

Descriptif
Le but de ce cours est d'initier les étudiants aux grands concepts des courants majeurs de la
linguistique. Une première partie du cours est consacrée à l’étude de la langue en particulier
et des signes en général en tant que système de représentation. Cette première partie vise à
donner aux futurs professeurs de français les moyens d’approfondir leur analyse des
documents pédagogiques partagés avec les apprenants. Le cours aborde ensuite certaines
notions fondamentales de la linguistique fonctionnelle et de la linguistique cognitive. Il
propose enfin une découverte du champ de la lexicologie à travers des activités de recherche
et d’analyse lexicologiques.

Contenus
Sémiologie et sémiotique ; la sémiotique de l’image ; la sémiotique narrative ; le
fonctionnalisme d’André Martinet ; structuralisme et cognitivisme ; la linguistique cognitive :
la grammaire universelle de Chomsky ; la linguistique cognitive et l’approche fonctionnelle du
langage ; la lexicologie.

Évaluation

 Examen partiel : 40% de la note finale ; Examen final : 60% de la note finale.
 Contrôle continu : Devoirs à rendre : points ajoutés ou enlevés à la note finale.
 Présence et participation en cours (l’assiduité aux cours est obligatoire)

Échelle des notes


90-100 AA Excellent 55-64 DC Moyen-passable
85-89 BA Très bon 50-54 DD Passable
80-84 BB Bon 45-49 FD Échec
75-79 CB Moyennement bon 0-44 FF Échec
65-74 CC Moyen

Bibliographie non exhaustive

 Christian Baylon, Paul Fabre, Initiation à la linguistique, Paris, Nathan, 1990.


 R.L. Trask, Bill Mayblin, La linguistique en images, EDP Sciences, 2017.

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Sémiotique et sémiologie

DOCUMENT 1 : qu’est-ce qu’un signe ?

Selon le Dictionnaire de la linguistique de Georges Mounin (éd. PUF, 2004), le signe est « au
sens plus général, tout objet, forme ou phénomène qui représente autre chose que lui-même.
Ce sens trop général demande des subdivisions, et l’on accepte le plus souvent celles qui ont
été données par Peirce : icône, indice, symbole. Le signe linguistique est une des variétés du
symbole. La définition de Saussure, combinaison d’un concept appelé signifié, et d’une image
acoustique appelée signifiant, est la plus généralement acceptée. Les deux composantes sont
étroitement solidaires, chacune n’ayant d’existence que par l’autre. »

DOCUMENT 2 : le schéma de Peirce

DOCUMENT 3 : indice, signal, signe, symbole et icone

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DOCUMENT 4 : signe, sémiotique, sémiologie

Extrait de Karine Philippe, « Déchiffrer le monde des signes », Sciences Humaines n°165, novembre 2005.

Qu'est-ce qu'un signe ? Comment le sens peut-il émerger d'un discours, d'une image ou
d'un geste ? Comment est constitué l'univers de significations dans lequel nous sommes
constamment immergés ? Ces questions sont au cœur de la sémiotique, discipline
récente aux racines anciennes.

Lorsque Marco Polo arriva à Sumatra, il vit un animal inconnu muni d'une corne. Il crut alors
avoir rencontré la licorne de la légende, bien que cet animal-là fût beaucoup moins gracieux.
Il s'agissait en fait d'un rhinocéros. L'explorateur tentait de donner du sens à ce qu'il voyait.
« Déchiffrer les signes du monde », comme disait Roland Barthes, tel est l'objectif de la
sémiologie, ou sémiotique (du grec « sêmeion », « signe »), science générale des signes. Au sein
des sciences du langage, elle cherche à élucider l'émergence de la signification, ou sémiosis*,
quelles qu'en soient les manifestations (images, textes, gestes, objets...), et se distingue de la
sémantique qui analyse le sens dans la langue. Née au tout début du XXe siècle, la sémiotique
est une discipline récente. Mais la réflexion sur le signe est ancienne. Au IVe siècle, saint
Augustin élaborait ce que l'on considère comme la première grande théorie du signe : prenant
en compte l'essentiel des apports de l'Antiquité, il présente une classification des signes selon
leur source, leur nature, leur degré d'intentionnalité... Pour saint Augustin, un signe est « une
chose qui est mise à la place d'autre chose » (De Magistro, 389), et offre la particularité très
commode de pouvoir la désigner en son absence. La communication humaine repose sur cette
aptitude symbolique. Durant des siècles, les signes ont été conçus comme une émanation du
divin, Dieu étant considéré comme le créateur de toute chose. Par la suite, on a cru pouvoir
trouver dans l'étude des signes les clés de l'esprit humain. Ainsi, au XVIIe siècle, le philosophe
anglais John Locke estimait que, toute pensée étant faite de signes, en comprendre le
fonctionnement nous permettrait de saisir les mécanismes de la pensée. Aujourd'hui, ce rêve
trouve des échos dans les sciences cognitives.

Sémiologie européenne et sémiotique américaine

C'est à l'aube du XXe siècle que deux hommes vont, chacun de leur côté, concevoir le projet
d'une science générale des signes : en Europe, Ferdinand de Saussure fondait la sémiologie,
tandis qu'aux Etats-Unis, Charles Sanders Peirce donnait naissance à la sémiotique. Le
premier est considéré comme le père de la linguistique moderne qui, selon lui, n'est qu'une

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partie d'une discipline plus vaste : la sémiologie. Il expose sa théorie dans son célèbre Cours de
linguistique générale, transmis oralement et publié après sa mort (1916). Pour F. de
Saussure, « la langue est un système de signes exprimant des idées et, par là, comparable à l'écriture,
l'alphabet des sourds-muets, aux rites symboliques, aux formes de politesse, aux signaux militaires, etc.
Elle est seulement le plus important de ces systèmes. On peut donc concevoir une science qui étudie la vie
des signes au sein de la vie sociale ; (...) nous la nommerons sémiologie (...). Elle nous apprendrait en
quoi consistent les signes, quelles lois les régissent. » F. de Saussure décompose alors le signe en
deux faces : un signifiant (la mémoire d'une forme observable, un son, une image, une fumée
s'élevant de la cheminée du Vatican lors d'un conclave, par exemple) et un signifié (le contenu
sémantique qui lui est associé : « un pape est élu », si la fumée est blanche, ou le contraire, si
elle est noire). Les signes se définissent de façon différentielle : la fumée noire n'est pas la fumée
blanche (dans le rituel du Vatican), le feu rouge n'est pas le feu vert (dans le Code de la route),
la licorne n'est pas le rhinocéros (dans l'imaginaire animalier), etc. La notion de système, au
cœur de la théorie de F. de Saussure, en fait le précurseur du structuralisme. Chez lui, la
sémiologie n'est encore qu'au stade du projet, mais c'est dans ce projet que prendra racine toute
la sémiologie européenne.
Parallèlement, aux Etats-Unis, le philosophe C.S. Peirce fonde la sémiotique, dans la filiation
de J. Locke, et conçoit une théorie du signe qu'il nomme phanéroscopie (du grec « phaneron »,
« phénomène ») : elle étudie la façon dont l'esprit traite les données de l'expérience,
s'apparentant ainsi à une phénoménologie. Selon lui, le signe est composé d'un
« representamen » (équivalent du signifiant chez F. de Saussure), d'un référent (objet du
discours), reliés par un interprétant (signifié ou, plus exactement, grille de lecture forgée par
l'expérience personnelle et par la culture permettant de construire une interprétation). De
l'extrême foisonnement de sa pensée, on retient habituellement sa classification des signes en
trois catégories : l'indice, l'icône et le symbole, en fonction de la relation qu'ils entretiennent
avec le référent. L'indice entretient une relation de proximité avec le référent (la fumée, indice
du feu), l'icône, une relation de ressemblance (un portrait, les onomatopées comme « plouf »
ou « miaou »), quant au symbole, il est lié au référent par une convention (la colombe pour
signifier la paix, les différentes langues, conventions par excellence). Tandis que la sémiologie
saussurienne repose sur des concepts binaires (signifiant/signifié), C.S. Peirce privilégie les
concepts ternaires (signifiant/signifié/référent, indice/icône/symbole).

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DOCUMENT 5 : quelques représentants de la sémiotique/sémiologie

Source : Karine Philippe, « Déchiffrer le monde des signes », Sciences Humaines n°165, novembre 2005.

Ferdinand de Saussure (1857-1913)


Linguiste genevois, fondateur de la linguistique moderne, il jette les bases de la sémiologie
comme science générale des signes, qui engloberait la linguistique (Cours de linguistique
générale, 1916). On lui doit la conception du signe comme unité à deux faces : un signifiant et
un signifié. La notion de système, centrale dans sa théorie, fait de lui un précurseur du
structuralisme.

Charles Sanders Peirce (1839-1914)


Philosophe, logicien américain, il laisse une œuvre dense et complexe (Ecrits sur le signe, Seuil,
1978). Sa théorie prend en compte la relation entre le signe et son contexte, dimension
pragmatique absente de la théorie de Ferdinand de Saussure. Malgré ses candidatures
incessantes, C.S. Peirce n'a jamais obtenu de poste à l'université.

Roland Barthes (1915-1980)


Titulaire de la chaire de sémiologie littéraire au Collège de France de 1977 à 1980, il s'est
attaché à l'étude des connotations (Mythologies, 1957, Eléments de sémiologie, 1964), contribuant
à faire connaître la sémiologie à un large public. Il laissera une profonde empreinte, notamment
en sémiologie de l'image, avant de consacrer le reste de son œuvre à l'analyse littéraire.

Algirdas Julien Greimas (1917-1992)


D'origine lituanienne, il fit carrière en France, où il devint directeur d'études à l'EHESS.
Fondateur de l'Ecole de sémiotique de Paris, son travail cherche à rendre compte des
procédures d'émergence du sens dans tous les types de récits. Sa théorie, d'obédience
structuraliste, est d'une grande rigueur intellectuelle, marquée par l'influence du linguiste
danois Louis Hjelmslev. De nombreuses recherches s'effectuent aujourd'hui dans son sillage.

Thomas A. Sebeok (1920-2001)


D'origine hongroise, naturalisé américain, il fut professeur à l'université de l'Indiana, à
Bloomington, et rédacteur en chef de Semiotica, revue de l'Association internationale de
sémiotique, dont il fut l'un des membres fondateurs, en 1969. Parallèlement à de nombreux
travaux de sémiotique générale, il s'intéressa particulièrement à la communication animale.

Umberto Eco (1932-2016)


Célèbre pour ses romans, dont Le Nom de la rose (1980), il est professeur de sémiotique à
l'université de Bologne. Ses travaux mettent en perspective l'héritage des différentes
réflexions sur le signe, et s'attachent particulièrement à l'étude de l'interprétation et de
l'iconicité. Pour lui, la sémiotique relève de la philosophie du langage (dans la lignée de Ernst
Cassirer, Edmund Husserl ou Ludwig Wittgenstein), tandis que d'autres la considèrent
davantage comme une science.

Jacques Fontanille (1948-)


Professeur à l'université de Limoges, titulaire de la chaire de sémiotique à l'Institut
universitaire de France, il prend en compte la dimension sensible à l'œuvre dans la
signification.

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La sémiotique de l’image

DOCUMENT 1

Extrait de Karine Philippe, « Déchiffrer le monde des signes », Sciences Humaines n°165, novembre 2005.

Les fondements d'une sémiotique de l'image


Dans les années 1960, la sémiotique vit une sorte de seconde naissance, parallèlement à l'essor
de la linguistique structurale et de la communication de masse. Parmi les sémioticiens les plus
lus au niveau international, on retiendra Umberto Eco, dont l'œuvre met en perspective la
réflexion sur le signe, de l'Antiquité à nos jours, et Thomas A. Sebeok qui, outre une
sémiotique générale, a développé une zoosémiotique propre à la communication animale.

En France, deux courants se distinguent, influencés par F. de Saussure : la sémiologie de la


communication et la sémiologie de la signification.

La première s'est forgée autour de linguistes comme Georges Mounin et Luis Prieto. Elle
s'attache exclusivement aux systèmes de signes créés dans l'intention de communiquer
(comme le Code de la route), définissant ainsi son champ d'étude mais aussi ses propres limites.
C'est la sémiologie de la signification qui, sous l'égide de R. Barthes, entend dépasser ces
limites. Car un signe ne se réduit pas à ce qu'il communique intentionnellement. Au-delà de la
seule dénotation (ou sens propre : jeudi 12 dénote une date), un signe peut véhiculer une
multitude de connotations (signifiés seconds : vendredi 13 dénote une date et connote la
superstition). Du coup, le champ d'investigation de la sémiologie devient immense.
Dans Mythologies, recueil d'articles publié en 1957, R. Barthes fait la part belle aux
connotations, analysant les « mythes » de son époque, ces stéréotypes socioculturels
catalyseurs d'idéologies (le Guide bleu, la Citroën DS, la publicité pour lessive...). Epinglant à
loisir la « petite bourgeoisie », sa lecture critique et politique du monde contemporain ne manqua
pas de séduire les esprits libertaires de mai 1968. Pour R. Barthes « il n'y a de sens que nommé »,
et toute signification, même celle d'une image, passe nécessairement par le filtre de la langue.
Un postulat de taille en vertu duquel la sémiologie est à ses yeux une partie de la linguistique,
renversant ainsi la proposition de F. de Saussure. En 1964, dans son article « Rhétorique de
l'image » (Communications, n° 4), il pose les fondements d'une sémiologie de l'image, en
analysant une publicité pour les pâtes Panzani : la consonance du nom (strate linguistique), la
photographie de spaghettis, de tomates, d'oignons et de poivrons (strate iconique) et les
couleurs vert, blanc et rouge (strate chromatique) sont autant d'éléments porteurs de la

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connotation « d'italianité ». Or l'argument de vente est trompeur, car ces pâtes sont bel et bien
françaises. Par la suite, la sémiologie appliquée au message publicitaire connaîtra un essor
croissant dans le monde de l'entreprise.

DOCUMENT 2

D’après un extrait de Régis Dubois, « Analyser une publicité », http://lesensdesimages.com, 25 mai 2013.

Analyser une publicité


La pub est partout, c’est une évidence. Tous les jours, ce sont des dizaines, voire des centaines
de messages publicitaires que nous recevons, la plupart du temps sans qu’on nous en laisse le
choix. Les images sont donc omniprésentes dans notre quotidien (affiches, magazines, cinéma,
télé, Internet, jeux-vidéo, téléphones portables…). Or l’Éducation nationale n’a pas encore,
semble-t-il, vraiment intégré cette donnée. Ce que l’on apprend à l’école, c’est surtout à étudier
les textes littéraires, rarement les images… Bref, il me semble que savoir lire les images est
un impératif majeur de ce 21e siècle. Pourquoi ? Tout simplement pour rester libre de ses
choix, de ses goûts et de ses envies. Et pour éviter d’être manipulé (par les informations
télévisées par exemple). En somme pour acquérir un esprit critique plus affuté. Mais aussi,
accessoirement, pour maîtriser la grammaire des images afin de produire soi-même des
images.
Débuter par l’analyse de publicités comporte un avantage certain : leur but est clair, nous faire
aimer un produit ou une marque et, indirectement, nous faire acheter l’article vanté par la pub.
C’est donc une bonne entrée en matière pour s’initier à l’analyse des images, d’autant que les
outils que nous utiliserons ici serviront ensuite à analyser tout autre type de productions
visuelles, fixes ou animées.

Analyser des images, c’est passer par la sémiologie – par l’étude des signes –, science que l’on
doit au linguiste Ferdinand de Saussure, reprise ensuite par Roland Barthes, notamment dans
son étude de la publicité Panzani (datant des années 60) qui demeure encore un modèle du
genre.

Barthes propose de distinguer trois types de signes présents dans l’image :


les signes iconiques (= ce que l’on reconnait), les signes plastiques (= dimension esthétique
pure) et les signes linguistiques (tout ce qui relève des mots écrits).

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Concrètement, il s’agira lors d’une analyse d’énumérer dans un premier temps les choses que
l’on voit (ex. un filet, des tomates, une boite de conserve) et d’en explorer les diverses
significations (symboliques ou autres), autrement dit d’évoquer ce que ces objets connotent.

Par la suite, il s’agira de la même façon de repérer les signes plastiques, c’est-à-dire les choix
de mise en forme (cadrage, échelle, angle de prise de vue, composition, lignes de forces,
couleurs, lumière) et d’en interpréter la signification. Enfin on finira par prendre en
considération les signes linguistiques (= les mots) en étudiant leur forme et disposition (police,
couleur, taille, formes…) et leur sens (à travers les figures de style convoquées, les rimes, jeux
de mots, sonorités, etc.).

DOCUMENT 3

Extrait de Roland Barthes, « Rhétorique de l'image », in Communication, n°4, 1964, pp. 41-42.

Voici une publicité Panzani : des paquets de pâtes, une boîte, un sachet, des tomates, un
champignon, le tout sortant d’un filet à demi ouvert, dans des teintes jaunes et vertes sur fond
rouge. Essayons d’ « écrémer » les différents messages qu’elle peut contenir.

L’image nous livre tout de suite un premier message, dont la substance est linguistique : les
supports en sont la légende, marginale, et les étiquettes, qui, elles, sont insérées dans le naturel
de la scène, comme « en abyme » : le code dans lequel est prélevé ce message n’est autre que
celui de la langue française ; pour être déchiffré, ce message n’exige d’autre savoir que la
connaissance de l’écriture et du Français. À vrai dire, ce message peut encore se décomposer,
car le signe Panzani ne livre pas seulement le nom de la firme, mais aussi, par son assonance,
un signifié supplémentaire qui est, si l’on veut, l’« italianité ».[…]

Le message linguistique mis de côté, il reste l’image pure (même si les étiquettes en font partie
à titre anecdotique). Cette image livre aussitôt une série de signes discontinus. Voici d’abord
(cet ordre est indifférent, car ces signes ne sont pas linéaires), l’idée qu’il s’agit, dans la scène
représentée, d’un retour de marché ; ce signifié implique lui-même deux valeurs euphoriques :
celle de la fraîcheur des produits et celle de la préparation purement ménagère à laquelle ils
sont destinés ; son signifiant est le filet entrouvert qui laisse s’épandre les provisions sur la
table, comme « au déballé ». Pour lire ce premier signe, il suffit d’un savoir en quelque sorte
implanté dans les usages d’une civilisation très large, où « faire soi-même son marché »
s’oppose à l’approvisionnement expéditif (conserve, frigidaire) d’une civilisation plus
« mécanique ». Un second signe est à peu près aussi évident ; son signifiant est la réunion de
la tomate, du poivron et de la teinte tricolore (jaune, vert, rouge) de l’affiche ; son signifié est
l’Italie, ou plutôt l’italianité ; ce signe est dans un rapport de redondance avec le signe connoté
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du message linguistique (l’assonance italienne du nom Panzani) ; le savoir mobilisé par ce
signe est déjà plus particulier : c’est un savoir proprement « français » […] fondé sur une
connaissance de stéréotypes linguistiques. Continuant d’explorer l’image (ce qui ne veut pas
dire qu’elle soit entièrement claire du premier coup), on y découvre sans peine au moins deux
autres signes ; dans l’un, le rassemblement serré d’objets différents transmet l’idée d’un service
culinaire total, comme si d’une part Panzani fournissait tout ce qui est nécessaire à un plat
composé, et comme si d’autre part le concentré de la boîte égalait les produits naturels qui
l’entourent, la scène faisant le pont en quelque sorte entre l’origine des produits et leur dernier
état ; dans l’autre signe, la composition, évoquant le souvenir de tant de peintures alimentaires,
renvoie à un signifié esthétique : c’est la « nature morte » ou comme il est mieux dit dans
d’autres langues, le « still life » ; le savoir nécessaire est ici fortement culturel.

DOCUMENT 3 : publicité Panzani

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DOCUMENT 4 : fonction d’ancrage et fonction de relais

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La sémiotique narrative

DOCUMENT 1

D’après un extrait de Karine Philippe, « Déchiffrer le monde des images », Sciences Humaines n°165, novembre 2005.

La sémiotique narrative : l’école de Paris


Dans les années 1960, Algirdas Julien Greimas fonde la sémiotique narrative, connue
également sous le nom d'école de Paris. Elle s'inscrit dans un structuralisme issu de F. de
Saussure et du linguiste danois Louis Hjelmslev. […] La sémiotique d'A.J. Greimas considère
que la diversité des récits est issue de la combinaison de composantes élémentaires. La
nouveauté consiste à détacher l'analyse du seul contenu narratif (l'histoire qui est racontée),
pour s'intéresser à la façon dont est organisé le récit lui-même, indépendamment de ce qu'il
véhicule. […] Le récit, souligne A.J. Greimas, est le plus souvent fondé sur un schéma de
quête : tel chevalier doit terrasser un dragon, telle lessive va éliminer les tâches, tel parti
politique prétend résorber le chômage, etc. La cohérence du récit est assurée par la récurrence
de certains éléments de signification, les isotopies*.

A.J. Greimas ne se contente pas d'étudier l'organisation apparente des récits, mais cherche à
comprendre son organisation sous-jacente, la genèse même du sens (point fort de sa théorie)
qui, à l'image d'un embryon, part d'éléments simples (structures profondes) et passe par
différentes transformations avant de se manifester à nous (structures de surface). A.J. Greimas
en a proposé un modèle appelé « parcours génératif de la signification ». Au niveau des
structures profondes se trouvent certaines valeurs élémentaires, que l'on peut présenter sous
la forme d'un schéma : le « carré sémiotique ».

Il permet de visualiser les relations logiques qui constituent un réseau sémantique : les
contraires (bien/mal), contradictoires (bien/pas bien) et complémentaires (bien/pas mal), et
rend compte des nuances qui les distinguent (dire d'un film qu'il est bien ou pas mal n'est pas
totalement identique). Le carré sémiotique a séduit par sa commodité, ce qui en a fait un
emblème (forcément réducteur) de la sémiotique greimassienne. Il a également été critiqué
pour son fonctionnement purement binaire. Toutefois, depuis les années 1980, dans l'héritage
de A.J. Greimas, la sémiotique dite « tensive » a permis de dépasser ce binarisme afin de rendre
compte de la gradualité du sens (brûlant, chaud, tiède, frais, froid, glacial...).

12
* L'isotopie est la récurrence d'éléments de signification (ou sèmes) à l'intérieur d'un discours,
lui assurant sa cohérence interne. Ainsi, dans la phrase « sa jupe et ses escarpins étaient dans
sa valise », on note une isotopie du signifié « féminin », présent dans « jupe » et « escarpins ».
On imagine ainsi une femme, et non un homme, sauf à vouloir créer un effet de surprise par
une rupture d'isotopie : une allotopie. L'étude des isotopies permet de dégager l'organisation
des réseaux sémantiques à l'intérieur des discours.

DOCUMENT 2 : le schéma actantiel

DOCUMENT 3 : le carré sémiotique

Le carré sémiotique Exemple

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DOCUMENT 4

Source : http://www.fichesdelecture.com

14
Structuralisme et cognitivisme
Source des quatre documents : R.L. Trask, Bill Mayblin, La linguistique en images, EDP Sciences, 2017

DOCUMENT 1

15
DOCUMENT 2

16
DOCUMENT 3

17
DOCUMENT 4

18
Linguistique cognitive : la grammaire universelle de Chomsky

DOCUMENT 1

DOCUMENT 2

Source : Bruno Dubuc, extrait du site « Le cerveau à tous les niveaux »


(http://lecerveau.mcgill.ca/flash/capsules/outil_rouge06.html)

La grammaire universelle de Chomsky


Durant toute la première moitié du XXe siècle, les linguistes qui ont émis des hypothèses sur
nos capacités à parler l'ont fait dans le courant behavioriste de l'époque. Comme n'importe quel
apprentissage, l'émergence du langage s'expliquait par essais, erreurs et récompenses
successives. Autrement dit, l'enfant apprenait sa langue par simple imitation en écoutant et
reproduisant ce que l'adulte dit.
Cette vision des choses fut radicalement remise en question par le linguiste Noam Chomsky.
Pour lui, l'acquisition du langage ne peut pas être un répertoire de réponses à des stimuli
puisque chaque phrase que quelqu'un produit peut être une combinaison totalement nouvelle
de mots. En effet, lorsque nous parlons, nous combinons un nombre fini d'éléments, les mots,
pour créer une infinité de structures plus grandes, les phrases.
D'autre part, le langage est régi par un grand nombre de règles et de principes qui président
notamment à l'ordre des mots dans les phrases (la syntaxe). On appelle "grammaire
générative" cet ensemble de règles qui nous permet de comprendre les phrases et dont nous
sommes, le plus souvent, totalement inconscient. C'est elle qui fait que tout le monde dit "tout
le monde dit" plutôt que "le monde tout dit". Ou encore qui permet de savoir que "le" et
"Pierre" ne peuvent désigner la même personne dans la phrase " Pierre l'aime " mais le peuvent
dans "le père de Pierre l'aime". En passant, on voit que ce que désigne la grammaire générative
n'a rien à voir avec les livres de grammaire scolaires dont le but est simplement d'expliquer ce
qui est grammaticalement correct ou incorrect dans une langue donnée.
Or avant l'âge de 5 ans, les enfants sont capables, sans enseignement formel, de produire et
d'interpréter avec cohérence des phrases qu'ils n'ont jamais rencontrées auparavant. C'est cette

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capacité extraordinaire d'accéder au langage malgré une exposition très partielle aux variantes
syntaxiques permises qui amena Chomsky à formuler son argument de la "pauvreté de
l'apport" qui fut à la base de la nouvelle approche qu'il proposa au début des années soixante.
Pour Chomsky, si les enfants développent si facilement les opérations complexes du langage
c'est qu'ils disposent de principes innés qui les guident dans l'élaboration de la grammaire de
leur langue. En d'autres termes, l'hypothèse de Chomsky consiste à dire que l'apprentissage
du langage est facilité par une prédisposition de nos cerveaux pour certaines structures de la
langue.
Mais quelle langue ? Car on voit que pour que l'hypothèse de Chomsky tienne la route, il faut
que toutes les langues du monde partagent certaines propriétés structurelles. Or malgré des
grammaires très différentes, Chomsky et les autres linguistes dits "générativistes" comme lui,
ont pu montrer que les quelques 5 ou 6 000 langues de la planète partagent un ensemble de
règles et de principes syntaxiques. Pour eux, cette "grammaire universelle" serait innée et
inscrite quelque part dans la circuiterie neuronale du cerveau humain. Les enfants seraient
donc à même de sélectionner parmi les phrases qui leur viennent à l'esprit uniquement celles
qui sont conformes à une "structure profonde" encodée dans nos circuits cérébraux.
La grammaire universelle
La grammaire universelle constitue donc un ensemble de contraintes inconscientes qui nous
permet de décider si une phrase est bien formée. Cette grammaire mentale n'est pas
nécessairement identique pour toutes les langues, mais le processus par lequel, pour une
langue donnée, certaines phrases sont perçues comme correctes et d'autres non serait, lui,
universel et indépendant de la signification.
Ainsi, on perçoit tout de suite que la phrase "Robert livre lit le" n'est pas correcte en français
même si l'on peut avoir une bonne idée de sa signification. À l'opposé, une phrase comme "Les
idées vertes incolores dorment furieusement" est grammaticalement correcte en français, bien
qu'insensée.
Une métaphore permettant de saisir ce que Chomsky entend par un "ensemble de contraintes"
pour parler de sa grammaire universelle serait par exemple le jeu de dés. Avant de lancer un
dé, on ne peut savoir si le résultat sera 1, 2, 3, 4, 5 ou 6, mais personne ne pariera que le résultat
sera 7 ou 3,14. Un bébé naissant peut ainsi parler plusieurs langues suivant le pays de sa
naissance, mais il ne les parlera pas n'importe comment : il suivra certaines structures
préférentielles.
Pour schématiser le caractère inné de ces structures, on pourrait dire que ce ne sont pas des
choses que l'on apprend mais bien des choses qui nous arrivent. Au même titre que ce sont des
bras et non des ailes qui se développent chez l'enfant, celui-ci apprend naturellement à parler,
et non à braire ou à rugir...

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Linguistique cognitive et approche fonctionnelle du langage
Source des trois documents : R.L. Trask, Bill Mayblin, La linguistique en images, EDP Sciences, 2017

DOCUMENT 1

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DOCUMENT 2

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DOCUMENT 3

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Le fonctionnalisme d’André Martinet
DOCUMENT 1

Source : d’après http://asl.univ-montp3.fr/L108-09/S1/E11SLL1/cours/4-Martinet.pdf

1- MARTINET, DISCIPLE DU CLP (CERCLE LINGUISTIQUE DE PRAGUE)


Le linguiste le plus représentatif de la phonologie praguoise est André Martinet qui a
développé une théorie qu’il appelle le « fonctionnalisme ».

2- LA NOTION D’ECONOMIE LINGUISTIQUE


Martinet pose que la principale fonction du langage est celle de la communication, qui implique
la notion d’économie linguistique.
Le langage doit satisfaire aux exigences de la communication et fournir des unités aussi
différentes que possible pour représenter la multitude des concepts exprimables.
Mais le langage obéit aux lois générales des activités humaines et donc à la tendance au
moindre effort et cette loi implique l’existence d’un nombre minimum d’unités aussi peu
différentes que possible.
Le point central de la doctrine réside dans le concept de la double articulation.

3- LA DOUBLE ARTICULATION
Les langues assument donc ces deux fonctions contradictoires et ceci par le fait qu’elles
constituent toutes des systèmes doublement articulés, c’est la double articulation qui
différencie radicalement les systèmes langagiers des autres systèmes sémiologiques et qui
constitue selon Martinet la seule véritable caractéristique universelle des langues.
3-1- La première articulation :
a- Les monèmes :
Elle intervient sur le plan de l’expression et sur le plan du contenu : grâce à elle, un nombre
indéfini d’énoncés est possible à partir d’un inventaire limité d’éléments appelés : monèmes.
Cette articulation concerne la première des deux fonctions externes de la langue : la
communication se décompose dans une langue en une multitude de concepts représentés par
des signes ou monèmes qui sont les plus petites unités porteuses de sens de la langue. Ils
s’ordonnent dans le successif et servent à former les énoncés.
Martinet établit le découpage suivant :
a-1- Les monèmes autonomes
Les adverbes sont des monèmes autonomes, car ils peuvent figurer en toutes positions :
C’est ta fête aujourd’hui.
C’est aujourd’hui ta fête.
Aujourd’hui c’est ta fête.

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a-2- Les monèmes fonctionnels
Les prépositions sont des monèmes fonctionnels qui servent à articuler sur d’autres monèmes.
Les conjonctions de subordination servent à articuler des énoncés sur d’autres énoncés.

a-3- Les monèmes dépendants


Les autres mots de la langue sont dits monèmes dépendants (de leur position dans la phrase,
de leurs relations avec les autres mots de la phrase : nom, verbe, adjectif qualificatif).
Ex : Françoise s’est cassé un ongle hier à la piscine
Françoise : monème dépendant
casser : monème dépendant
ongle : monème dépendant
hier : monème autonome
à : monème fonctionnel
la : monème dépendant
piscine : monème dépendant

Parmi les monèmes, Martinet distingue : les lexèmes et les morphèmes.

b-1- Les lexèmes (ou monèmes lexicaux) :


Ils constituent des mots à contenu sémantique. Leur classe est ouverte : l’inventaire est
illimité.
On peut, sans déstabiliser le système, y introduire de nouveaux mots : ce sont les noms, les
verbes, les adjectifs qualificatifs et les adverbes.
Mais aussi : un radical, un affixe (préfixe, suffixe).

b-2- Les morphèmes (ou monèmes grammaticaux ou grammèmes)


Ils ne véhiculent pas un contenu référentiel aussi précis que les lexèmes :
- les articles, les pronoms, les adjectifs possessifs, démonstratifs, indéfinis…
- les prépositions, les conjonctions.
- les désinences verbales (marques de la conjugaison…)

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3-2- La seconde articulation ne concerne que le plan de l’expression.
a- Les phonèmes :
Les formes phoniques, qui représentent la deuxième articulation, se décomposent elles-mêmes
en une succession d’unités distinctives appelées phonèmes qui sont en nombre restreint (une
trentaine par langue) et satisfont à la tendance au moindre effort.

b- Le découpage de la chaîne parlée est nécessaire pour faire sens.


Une suite phonique, pour être comprise, doit être découpée en unités de sens. Ce découpage
n'est pas évident, surtout en langue parlée, prenons comme exemple les jeux comme :
Si six scies scient six cyprès, six cent six scies scient six cent six cyprès.

c- L’analyse en traits distinctifs :


Chacun des phonèmes va être analysé en traits distinctifs […]. On ne peut les définir qu’à
partir de ce qui les différencie. Les unités de la langue et plus particulièrement les phonèmes
sont soumises à deux pressions contraires en raison de leur insertion dans le système
syntagmatique d’une part et dans les réseaux paradigmatiques d’autre part.

c-1-Sur le plan syntagmatique : les pressions assimilatrices


Les unités voisines exercent sur le phonème une pression assimilatrice.
Le phonème /k/ (exemple de Martinet).
Il se réalise de façon différente selon qu’il précède
/u/ dans –cou
ou /i/ dans –qui

c-2-Sur le plan paradigmatique : les pressions dissimilatrices


Les unités qui auraient pu figurer à la même place dans la suite sonore exercent sur le phonème
une pression dissimilatrice ; les unités qui font partie de la même classe paradigmatique
tendent à se différencier au maximum. Les pressions dissimilatrices constituent un phénomène
de nature diachronique.
Exemple : en anglais to sing / I sang / I’ve sung
chapeau / château

Exemple : /oe/ et /E/ brun et brin


pâte et patte

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Les fonctions du langage selon Roman Jakobson

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