Revue des Études Anciennes

Autel de Mercure trouvé à Villette, près Saint-Laurent-du-Pont

(Isère)
Henri Ferrand

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Ferrand Henri. Autel de Mercure trouvé à Villette, près Saint-Laurent-du-Pont (Isère) . In: Revue des Études Anciennes.
Tome 12, 1910, n°1. pp. 78-80;

doi : https://doi.org/10.3406/rea.1910.1614

https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1910_num_12_1_1614

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 AUTEL DE MERCURE

TROUVÉ A VILLETTE, PRÈS SAINT-LAURENT-DU-PONT (ISÈRE)

Lors de sa constitution, le Comité de- protection des Sites et

Monuments pittoresques de l'Isère fit adresser une circulaire
à tous les notables des différents cantons, conducteurs des
ponts et chaussées, agents voyers, curés, notaires, etc., pour les
prier de lui signaler les sites et monuments curieux en faveur
desquels il pourrait exercer son action. Son attention fut
appelée sur une tête ancienne qui, déposée à Villette sur un
mur de la propriété de Barrai, était exposée aux injures
des passants.
Sur cet avis nous partîmes, M. Duchemin et moi, et nous
nous rendîmes en automobile à Saint-Laurent-du-Pont. Nous y
prîmes la petite route de Miribeï, par Villette, et grâce aux
renseignements recueillis dans ce dernier village, nous*
atteignîmes bien vite la belle propriété qui avait appartenu à
M. de Barrai, ancien sénateur sous l'Empire. Là, au haut d'un
mur de clôture, d'environ 2 mètres d'élévation, qui bordait
un chemin de desserte, le fermier nous montra la tête antique.
Nous reconnûmes bien vite qu'il s'agissait d'un autel romain
et que la tête portait les attributs de Mercure.
Les renseignements recueillis par nous furent des plus
succincts. Cette pierre avait été trouvée à une date qu'on ne
peut préciser, probablement vers i860, dans une dépendance
de la propriété que l'on ne put nous indiquer, et le propriétaire,
M. de Barrât, l'avait fait hisser sur ce mur, comme ornement,
sans paraître s'en occuper autrement. Quand le château voisin
était habité, naturellement tout était respecté. Mais, depuis la
mort de M. de Barrai, ses héritiers n'y étant pas venus résider,
cherchant à vendre leur propriété, la surveillance était
négligée, et les passants avaient pris en grippe la tête antique. On
lui en voulait de son rictus étrange. Pour un peu, on l'aurait
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accusée de jeter des sorts; en tout cas, on lui jetait des pierres,
dont nous trouvâmes de nombreux échantillons au pied du
mur, et le petit monument portait des traces très apparentes
de trois balles de revolver.
D'ordinaire, nous considérons comme déplorable le transfert
en un lieu central, fût-il'un Musée, des objets d'art ou monu-

Fig. i. - Aulel de Villette. Fig. a. — Soi-disant « dolmen » de Villette.

ments topiques, qui y perdent plus de la moitié de leur

signification. Mais ici il n'y avait pas à hésiter. Le maintien sur
place de l'autel de Mercure, qui n'ajoutait rien1 à la valeur
vénale de la propriété, était sa destruction à brève échéance.
J'adressai donc une requête à M. de Beaufranchet, neveu de
M. de Barrai et propriétaire du domaine, et celui-ci, fort
aimablement, me fit savoir qu'il consentait à en faire cadeau au
Musée archéologique de Grenoble, et qu'il m'autorisait à le
faire enlever.
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L'opération, que rendait assez délicate le poids du monument,
fut menée à bien par les soins de M. Tartavel, entrepreneur de
transports à Saint-Laurent-du-Pont, et la pièce est maintenant
rangée dans le Musée archéologique de Grenoble récemment
installé, rue Très-Gloitres, dans la chapelle désaffectée dite de
Sainte-Marie-d'en-Bas .
Très simple comme il convient à un autel rustique, ce
monument affecte dans son ensemble la forme d 'un paralléli-
pipède. Sa base est ébréchée assez fortement à droite, et c'est
la face antérieure du fût qui porte en ronde-bosse très saillante
la tête ou plutôt le buste de Mercure.
La hauteur totale de la pierre est de om89· La largeur de
l'entablement supérieur est de om56 et la hauteur de omo6. La
hauteur du soubassement est de omi4· Quant au fût, entre le
soubassement et l'entablement, il présente om59 de haut et
om4o de large. Son épaisseur est sensiblement la même. Au
sommet de la tête se trouve pratiquée une excavation en forme
de coupe dont le diamètre est de omo9 et la profondeur de omo3.
La saillie de la ronde-bosse, diffìcile à mesurer sans instrument
de précision, est d'environ σ"ΐ8.
La commune de Villette avait déjà été signalée comme ayant
fourni divers objets et vestiges romains qui ont été dispersés
chez des particuliers, ainsi que les ruines d'un temple de
Romulus1. Orientée au sud-est, à la base d'une colline qui la
protège contre les vents du nord, elle s'étendait jadis sur les
bords du lac du Guiers dont les vastes marais de Saint-Laurent-
du-Pont et de Saint-Joseph-de-Rivière sont les restes encore
palpables. II semble résulter de ces diverses trouvailles et
notamment de notre autel de Mercure qu'elle avait été pour
les Romains de Morginnum (Moirans), station importante de la
voie romaine de Turin à Vienne, un lieu de plaisance
qu'attesterait encore son nom de Villetta.
Tout auprès de Villette on a aussi signalé un dolmen
druidique, mais ces pierres, de petite dimension, ne présentent
aucun caractère sérieux d'authenticité. jj

i. Bulletin de l'Académie Delphinale, IIP série, vol. XIV, 1879, p. 35 ss. : Antiquités
trouvées à Villette, par M. Géry.