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ÉDITEUR
Reworld Media Magazines SAS
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Directeur de la publication : Gautier Normand
Actionnaire : Président Reworld Media France
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RÉDACTION
DIRECTRICE DE LA RÉDACTION : Karine Zagaroli
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Philippe Bourbeillon
ASSISTANTE DES RÉDACTIONS SCIENCE & VIE ET SCIENCE & VIE
HORS-SÉRIE : Christelle Borelli
L’homme
COM’Presse. 6 rue Tarnac, 47220 Astaffort. Tél. 05 53 48 17 60
RÉDACTEUR EN CHEF : Olivier Carpentier
RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Amanda Schrepf
DIRECTEUR ARTISTIQUE : Émilien Guillon
RÉDACTRICE PHOTO : Géraldine Lafont
au défi de l’arbre
SECRÉTAIRES DE RÉDACTION : Christel Baridon, Amélie Borgne,
Nicolas Chrétien, Gaëlle Combacon, Fabienne Corona,
Lita Doval, Émilie Esnaud-Victor, Jérôme Le Dantec, Vincent
Ourso, Marion Pires, Charlène Torres, Olivier Vignancour
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Kheira Bettayeb, Riva Brinet-
Spiesser, Mathias Chaillot, Adrien Denèle, Coralie Hancock,
Pascale-Emmanuelle Lapernat-Guilhaumon, Lise Gougis,
François Mallordy, Evrard-Ouicem Eljaouhari, Isabelle Verbaere Du Finistère au Japon, la forêt imprègne nos imaginaires. “Elle est un
DIRECTION-ÉDITION état d’âme”, écrit Gaston Bachelard. Dans Princesse Mononoké, le
ÉDITEUR : Germain Périnet
ÉDITRICE ADJOINTE : Charlotte Mignerey réalisateur Hayao Miyazaki évoque une forêt sauvage où son héros,
PUBLICITÉ le prince Ashitaka, doit trouver un remède au mal mystérieux qui
DIRECTRICE GÉNÉRALE : Élodie Bretaudeau-Fonteilles
DIRECTRICE DU PÔLE COMMERCIAL : Catherine Mireux (19 02),
Anne Lefeuvre le ronge : une contrée hors du temps (ci-dessus), où la vie prolifère,
PLANNING : Angélique Consoli (53 52),
Stéphanie Guillard (53 50) dominée par un dieu bourgeonnant qui symbolise le pouvoir extraor-
RESPONSABLE TRAFIC : Catherine Leblanc (43 86)
dinairement résilient de la nature. Selon un sondage ONF/Viavoice
MARKETING / INTERNATIONAL
RESPONSABLE MARKETING : Giliane Douls publié en mars 2021, huit Français sur dix se sentent protégés en forêt.
ABONNEMENTS ET DIFFUSION Est-ce parce que le temps y paraît suspendu ? Il faut une quarantaine
DIRECTRICE MARKETING CLIENT : Catherine Grimaud
CHEF DE GROUPE : Davina Champaigne
CHEF DE PRODUIT : Karine William d’années pour qu’un chêne donne ses premiers glands, deux cents ans
RESPONSABLE VENTES MARCHÉ : Siham Daassa
RESPONSABLE DIFFUSION : Isabelle Fargier de plus pour qu’il soit mature. Cela lui donne le temps… de s’adapter.
RELATIONS CLIENTÈLE ABONNÉS Les arbres, en effet, sont des champions de l’évolution, capables de
Une question sur votre abonnement ? Appelez-nous au 01 46 48 48 96
(de 9 h à 19 h, du lundi au vendredi, et le samedi de 9h à 18 h, prix d’un prodiges génétiques, comme partager leur ADN avec une liane ou pré-
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Par courrier : Service abonnement Science & Vie, a permis à la forêt de prospérer depuis son apparition il y a 380 millions
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d’années. Mais voici que, aujourd’hui, elle doit affronter le réchauffe-
Pour les États-Unis et le Canada : Express Mag, 8155 rue Larrey,
Anjou (Québec), H1J 2L5. Tél. 1 800 363-1310 (français) ment climatique. Vite, trop vite, les températures montent, provoquant
et 1 877 363-1310 (anglais) ; fax (514) 355-3332.
Pour la Suisse : Edigroup Suisse, 022 860 84 50
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sécheresses, épidémies, incendies. La forêt en danger va-t-elle suivre
Pour la Belgique : Edigroup Belgique, 070 233 304
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le rythme ? Ou faudra-t-elle l’aider en “déplaçant” les espèces ? Les
EN COUVERTURE ADOBE STOCK - CI-CONTRE STUDIO GHIBLI
Autres pays : nous consulter. avis sont partagés, car il ne suffit pas de vouloir planter un milliard
Commande d’anciens numéros et de reliures au 01 46 48 48 83
FABRICATION d’arbres, il faut le faire à bon escient. Des chercheurs de l’université
DIRECTION DES OPÉRATIONS INDUSTRIELLES : Bruno Matillat
de l’Utah ont récemment prouvé que les forêts les plus menacées
PRÉPRESSE
RESPONSABLE DE SERVICE : Sylvain Boularand sont celles qui ont accueilli le plus grand nombre de replantations !
Imprimeur : Maury – France
Noo ISSN : 1966-9437 À l’inverse, en Californie, où 130 millions d’arbres sont morts ces der-
N de commission parita ire : 1020 K 79977
Dépôt légal : février 2024 nières années, la réduction drastique de la densité sylvestre a rendu
les survivants plus résistants aux attaques de ravageurs. La forêt est
donc un lieu paradoxal : fragile, mais résilient, fascinant et surtout
10-31-1282
très mal connu. Avec elle, la science est au taquet. Un défi existentiel,
AFFICHAGE ENVIRONNEMENTAL
Origine du papier Finlande
Certifié PEFC
Ce produit est issu
car le monde dans lequel nous vivons ne saurait survivre sans forêt.
Taux de fibres recyclées 0 % de forêts gérées
durablement et de Ashitaka, le chercheur de sens, n’a pas fini de courir les bois.
Certification PEFC sources contrôlées.
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SÉRIE AVANT-PROPOS
06 “Les arbres, comme les humains,
peuvent percevoir le monde”
Francis Martin a consacré sa vie de chercheur, à l’Inrae, à la forêt, aux arbres
et à la relation étroite qui les lie aux champignons mycorhiziens. Il fait le point sur
l’état de la recherche et les étonnantes découvertes de ces dix dernières années.
4
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R S
A
M
DÉCOUVRIR
16 La forêt en 8 questions
Qu’est-ce qu’une forêt ? Un palmier est-il un arbre ? Pourquoi les troncs
s’épaississent-ils ? Qu’est-ce que la lignine ?... Autant de questions aux réponses
parfois étonnantes.
74 Mégafeux, le bestiaire
des nouveaux monstres
Pyrocumulus, pyrocumulonimbus, pyrotornades…
À la découverte de ces phénomènes aussi violents
qu’impressionnants.
58 Parole de houppier
Il n’y a pas qu’au niveau des racines que
des échanges se font, les feuilles des arbres
ont aussi leur propre langage.
IMAGINER
© SPENCER ROBERTSON/DESIGN PICS / PHOTONONSTOP - MAREK MIS/SPL - SHUTTERSTOCK - PETER PARKS / AFP
88 Quand la forêt inspire la tech
Cela donne des drones pour reboiser, des piles contenant des
bactéries et la numérisation de parcelles pour gérer les forêts privées.
“Les arbres,
comme
les humains,
peuvent
percevoir
le monde”
© ADOBE STOCK
plus de 16 000 espèces portez-vous sur cet ouvrage ? ment contribué à populariser
d’arbres contre 132 dans F. M. : Mon regard est nuancé. la biologie des arbres. Par
les forêts métropolitaines. D’un côté, je considère que exemple, grâce à son livre,
Bien que la diversité y soit ce livre n’est qu’un recueil la symbiose mycorhizienne
très élevée, on observe peu d’aima bles contes sur la entre les arbres et les champi-
de massifs constitués des forêt et ses habitants, très gnons est désormais connue
mêmes espèces. En Europe, éloignés de la réalité scien- d’un large public, ce qui
en revanche, les forêts tifique. Lorsqu’il aborde des n’était pas le cas il y a dix ans.
mélangées de chênes et de thèmes tels que “l’internet Je suis persuadé que son livre
à disparaître ?
F. M. : Un arbre n’est jamais
seul. Il héberge un cortège
champignons sont indispen de détecter l’intrusion d’or des poisons afin de contrer
sables à l’équilibre de l’éco ganismes étrangers. Au la progression des parasites.
système forestier. Sans eux, niveau moléculaire, cela rap
les forêts ne seraient pas pelle les processus en œuvre SVHS : Le monde souterrain
durables. Il existe aussi des chez les animaux. Des cap semble presque plus actif que
champignons pathogènes, qui teurs à la surface des feuilles le monde visible…
profitent des arbres affaiblis détectent la présence d’in F. M. : Il n’est pas plus actif,
pour les tuer et s’en nourrir. trus, déclenchant l’émission mais tout aussi essentiel.
de signaux – composés vola Pendant des siècles, les scien
SVHS : Est-ce que les arbres tils, hormones, peptides… – tifiques ont surtout étudié le
peuvent se défendre contre qui alertent l’ensemble de fonctionnement des parties
ce type d’attaques ? la plante de la présence aériennes des plantes. Les
F. M. : Oui, bien sûr. Leur sys d’agresseurs potentiels. En racines et leur cortège d’orga
tème immunitaire est très réaction, feuilles et racines nismes souterrains, compre
efficace. L’arbre est capable accumulent des toxines et nant des champignons, des
bactéries, ainsi qu’une mul
titude d’insectes, ont été
négligés, cachés sous terre.
Heureusement, au cours de
la dernière décennie, des
avancées significatives, telles
que le séquençage massif de
l’ADN environnemental, des
endoscopes et des scanners
dédiés, ont permis d’observer
cette vie souterraine diverse.
Cette percée a été révélatrice,
dévoilant que la majorité des
êtres vivants réside dans le
sol des forêts. Ainsi, ces deux
mondes se révèlent complé
mentaires et indissociables
Si les chênes
disparaissaient, plus
de 300 êtres vivants
disparaîtraient
avec eux
S&V Hors Série • 11
d’échanges de sucres et de exemple d’un arbre-mère plus faible pour ménager la
signaux d’alerte entre de vers ses descendants. Les ressource en eau. Rappelons
jeunes arbres cultivés en pot journalistes ont extrapolé que les forêts anciennes et
dans des serres. Ce transport à partir des connaissances en libre évolution sont de for-
d’éléments nutritifs entre actuelles. Plusieurs équipes midables pièges à carbone.
plantes semble faire inter- de chercheurs sont en train Il faut les préserver et pro-
venir le réseau de filaments de mettre en place des mouvoir leur développement
de champignons mycorhi- expériences en forêt pour à plus grande échelle.
ziens connectant les racines. confirmer ou infirmer ces
Toutefois, l’existence de tels transferts de sucres entre les SVHS : Et il y a aussi les feux…
échanges nutritifs ou informa- arbres via les champignons F. M. : Le feu est un agent
tionnels entre arbres adultes mycorhiziens. En effet, la perturbateur naturel qui
en forêt est controversée. Les polémique est vive au sein a contribué à façonner des
recherches se poursuivent même de notre communauté. écosystèmes, comme les
pour confirmer la réalité de ce forêts méditerranéennes. Les
processus et l’intérêt écolo- SVHS : Le plan national incendies périodiques, provo-
gique de ces interactions dans pour la biodiversité propose qués par la foudre, parcourent
un contexte naturel. de planter un milliard ces communautés végétales,
d’arbres en dix ans. Qu’en créant une mosaïque de pay-
SVHS : D’où vient pensez-vous ? sages et favorisant ainsi la
la confusion ? F. M. : Cette proposition est
F. M. : L’existence des réseaux loin de faire l’unanimité.
formés par le mycélium des Planter un milliard d’arbres
champignons associés aux est un formidable défi ; il
racines est un fait scienti- s’agit de collecter des mil-
fique solidement établi. Ils liards de graines, de produire
représentent plus de 1 000 m un milliard de semis dans
de mycélium par mètre de les pépinières forestières et
racine. Ces réseaux jouent d’accompagner le développe-
un rôle crucial dans l’alimen- ment des jeunes semis trans-
tation de l’arbre-hôte en sels plantés. Il est indispensable
minéraux et dans la distribu- de s’assurer que ces nouvelles
tion des sucres au sein de la plantations ne conduisent pas
toile fongique. Cependant, à un enrésinement massif
contrairement à ce qu’affir- et ainsi, à la destruction des
ment quelques scientifiques, forêts de feuillus existantes.
mais surtout les médias, Dans tous les cas, il faudra
ces réseaux mycorhiziens choisir des espèces adaptées
ne semblent pas servir au climat futur, promouvoir
à échanger des sucres entre le mélange d’essences et une
les arbres d’une forêt ; par densité de tiges par hectare
Les réseaux
représentent plus
de 1 000 m de mycélium
par mètre de racine
12 • S&V Hors Série
Avant-propos
biodiversité. Survivre au pas- recolonisées par les buis- de conviction pour convaincre
sage du feu est une adapta- sons et les arbres, faisant nos concitoyens de dévelop-
tion remarquable développée craindre une multiplication per de vastes étendues sau-
par de nombreux végétaux des départs de feu, bien vages peuplées d’ours, de
pyrophiles pour remporter la souvent d’origine humaine. loups et de bisons, à quelques
compétition interespèces. Le Il faudra être vigilant ! heures des grandes métro-
passage du feu permet aussi poles. En attendant, il est
la libération et la chute des SVHS : Quel est votre regard urgent de favoriser le “réen-
graines du pin d’Alep dans sur la forêt primaire voulue sauvagement” des forêts en
le lit de cendres, riche en élé- par le botaniste et biologiste multipliant les réserves biolo-
ments minéraux. Avec des Francis Hallé ? giques intégrales. •
sécheresses estivales plus F. M. : La proposition de * Flowers respond to pollinator
fréquentes et une végétation Francis Hallé fait rêver et per- sound within minutes by
increasing nectar sugar
plus sèche, les incendies vont met de sensibiliser le public concentration, Marine Veits et al.,
se multiplier et seront de plus et les élus à l’urgence de pré- Ecology Letters, 2020.
en plus puissants. De plus, server et de développer des
les zones périurbaines, en forêts anciennes et de multi- Francis Hallé dessine la flore luxuriante de la forêt
constante expansion, enva- plier les réserves biologiques amazonienne, lui qui veut faire renaître une
forêt primaire de 70 000 ha en Europe. La forêt
hissent les pinèdes et les intégrales. Il faudra cepen- y serait laissée en libre évolution pendant
anciennes terres agricoles dant faire preuve de beaucoup des siècles, sans intervention humaine.
1 QU’EST-CE
QUE LA FORÊT ?
E
n grande majorité, les arbres vivent
à proximité les uns des autres au sein
de forêts, définies par l’Organisation
des Nations unies pour l’alimentation et l’agri-
culture (FAO) comme “des étendues de terrain
de plus de 0,5 ha contenant des arbres dont la
canopée couvre plus de 10 % de la surface”.
En clair, des terrains densément peuplés en
arbres. Selon la FAO, les forêts couvrent 31 %
des terres émergées. Ces forêts sont de trois
types. Tout d’abord, les forêts plantées par
l’homme pour l’exploitation représentent 7 %
de la superficie forestière totale. Parmi elles se
trouvent les futaies jardinées, mélangeant de
manière artificielle différentes essences.
Ensuite, les forêts secondaires : elles ont
repoussé naturellement sans semis, mais
à la suite d’une exploitation importante par
l’homme – coupes rases, prélèvement impor-
tant de certaines essences, introduction arti-
ficielle de nouvelles espèces… Elles comptent
pour 57 % de la surface forestière totale.
Enfin, les forêts primaires représentent
36 % de la surface forestière totale. Elles sont
composées d’espèces indigènes se renouve-
lant naturellement, sans indications claires de
perturbation significative induite par l’activité
humaine. Mais aucune forêt n’est réellement
“vierge” de toute présence humaine. Ainsi, les
autochtones exploitent la forêt amazonienne
depuis des millénaires, et des chercheurs ont
montré en 2017 qu’ils ont façonné à long terme
la répartition de plusieurs espèces sauvages
© ADOBE STOCK
D
éfinir un arbre semble à première vue facile. troncs d’arbres si caractéristiques, une croissance
Le Larousse s’y essaie en une phrase : “végé- en épaisseur, aussi appelée croissance radiale, doit
tal vivace, ligneux, rameux, atteignant au s’ajouter à cette croissance des méristèmes pri-
moins 7 m de hauteur et ne portant de branches maires, dite apicale – c’est-à-dire aux extrémités.
durables qu’à une certaine distance du sol”. Si l’on C’est là qu’entre en jeu un autre type de cellules
développe, il s’agit donc d’une grande plante vivant proliférantes à l’origine du vrai bois ou xylème
au moins deux ans, contenant de la lignine et possé- secondaire : les méristèmes secondaires. Ces der-
dant des branches à partir d’une certaine hauteur. niers apparaissent au sein de tissus précédemment
Une définition proche de celle de la FAO, qui y rajoute produits par les méristèmes primaires suivant une
une note explicative sibylline : “inclut les bambous, symétrie radiale par rapport au centre de la tige, de
les palmiers et les autres plantes ligneuses remplis- la racine ou du tronc. Ces méristèmes secondaires
sant ces critères”. Le début des ennuis… Pourquoi à croissance dite latérale existent chez les gymnos-
donc ajouter les palmiers dans une note explicative, permes, un groupe de plantes à graines qui contient
eux qui semblent remplir tous les critères susnom- les conifères, et chez les dicotylédones, un groupe
més ? La raison vient du fait que ces végétaux ne particulier d’angiospermes (ou plantes à fleurs).
contiennent pas… de bois ! Et c’est là que ça se corse pour les bambous et les
En biologie, le bois désigne un tissu végétal spé- palmiers. Si ce sont bien des angiospermes, ils ne
cifique appelé le xylème secondaire… qui n’existe sont pas des dicotylédones. Ils ne possèdent donc
ni chez les bambous ni chez les palmiers. Pourtant, pas de méristème secondaire. Impossible pour eux
ces derniers sont bien lignifiés puisqu’ils pré- de produire du bois et de présenter la croissance en
sentent des parois cellulaires imbibées de lignine. épaisseur spécifique des vrais arbres. De fait, ni la
C’est justement cette spécificité qui leur permet canne du bambou ni le stipe (tronc) du palmier ne
de rigidifier leur structure et d’atteindre une taille présentent sur leurs coupes des cernes, qui sont
honorable. Mais ils croissent uniquement en lon- produits par le fonctionnement saisonnier carac-
gueur. Pourquoi ? Car cette croissance s’effectue téristique des méristèmes secondaires. De plus,
au niveau de zones de cellules indifférenciées mas- leur diamètre est moins dépendant de la hauteur
sées à l’extrémité des racines et des tiges appelées de la plante que dans les arbres véritables à base
méristèmes primaires, dont la division et le renouvel- épaisse et à cime effilée, en raison de la crois-
lement perpétuel permettent l’allongement sans fin sance latérale qui se poursuit dès l’instant où les
des végétaux. Or, pour donner naissance aux larges méristèmes secondaires s’activent.
3
POURQUOI
LES ARBRES
S’ÉPAISSISSENT
AU FIL DES ANNÉES ?
D
d’une aiguille
d’épicéa commun, eux sortes de méristèmes secondaires vivantes de soutien à paroi épaisse renforcée
agrandie assurent la croissance en épaisseur en lignine, tandis que les seconds sont des
environ 200 fois.
Comme tous les des arbres : le phellogène et le cam- cellules mortes cylindriques percées et ali-
résineux, Picea bium. En périphérie du tronc, le phellogène gnées bout à bout.
abies est une
gymnosperme.
produit vers l’extérieur le liège ou écorce pri- Au fur et à mesure des saisons qui passent,
maire, un tissu végétal constitué de cellules les cellules vivantes du vrai bois meurent tan-
mortes aux parois doublées de subérine, une dis qu’elles sont remplacées par le xylème
substance imperméable. Plus à l’intérieur du secondaire plus récent, en formation per-
tronc, le cambium produit vers l’extérieur pétuelle dans le cambium. Le bois finit par
le phloème secondaire ou liber. Celui-ci est devenir totalement non fonctionnel dans la
constitué de cellules vivantes alignées ver- conduction de sève et s’accumule dans le
ticalement et appelées tubes criblés. Ces duramen ou bois de cœur, ce bois mort situé
derniers communiquent entre eux par des au centre des arbres qui apparaît plus foncé,
canaux qui permettent le transport de la sève car riche en tanins.
élaborée. Il s’agit d’une sève contenant les
sucres produits dans les feuilles de l’arbre
DU LIBER AU LIVRE
© MAREK MIS/SPL - ENCYCLOPÆDIA BRITANICA
4
Les gymnospermes, plantes sans fruits ni
fleurs, mais à graines nues, comptent à peine
Nucelle plus de 600 espèces. Apparues il y a environ
300 Ma, elles regroupent quatre familles de
Mégaspore
Funicule
végétaux ayant rapidement divergé et déve-
loppé indépendamment un port d’arbre : les
S
i l’on se restreint aux arbres à vrai bois, daire), et environ 615 espèces de conifères
on compte de 60 000 à 100 000 espèces ou résineux, caractérisés par leurs feuilles en
dans le monde. Ces végétaux ont aiguilles. Si les gnétophytes ont développé un
beau vivre dans des biomes différents, de bois hétéroxylé avec leurs propres vaisseaux,
la taïga arctique à la forêt équatoriale, ils les autres gymnospermes présentent un
appartiennent à deux groupes : les gymnos- bois plus régulier que les dicotylédones, qui
permes (structure de l’ovule à gauche sur le est dit homoxylé. Par opposition au bois dur
schéma) et les dicotylédones (un taxon des des dicotylédones, on l’appelle bois tendre.
angiospermes, ovule à droite). Les dicoty- Ce bois sans vaisseaux ni fibres contient uni-
5
lédones, ou feuillus, apparus il y a 140 mil- quement des trachéides. Ce sont des cellules
lions d’années (Ma), regroupent l’écrasante plus fines ayant à la fois le rôle de conduction
majorité des espèces d’arbres. Ils portent des de la sève et le rôle de soutien.
ET LES ARBUSTES ?
Les arbrisseaux et arbustes
ont un cambium et donc
du bois. Mais ce sont quand
même de faux arbres ! Malgré
© ADOBE STOCK + SHUTTERSTOCK
6
UN ARBRE A-T-IL UNE
IDENTITÉ GÉNÉTIQUE ? Le “chêne de Napoléon”, dans le canton
suisse de Vaud : cet arbre remarquable
C
fut planté en l’an 1800 pour célébrer
haque arbre constitue à lui seul
le passage de Napoléon Bonaparte.
une communauté de différents indi-
vidus : en raison de sa croissance vieux de plus de deux siècles, situé près
continue pendant des centaines d’années, de Lausanne – différaient par 17 mutations
il accumule des mutations somatiques, de génétiques ponctuelles. Les arbres âgés
sorte que deux branches n’ont pas forcé- apparaissent ainsi comme des mosaïques
ment le même patrimoine génétique. Loin d’individus. Cette propriété est exploitée en
d’être anecdotique, cette propriété est un horticulture, où certaines variétés d’arbres
facteur clé de la diversité végétale, puisque fruitiers proviennent de ces mutations
nombre d’arbres peuvent se reproduire de somatiques. Ainsi, les nectarines dérivent
manière clonale, voire à partir d’une branche d’une branche mutée d’un pêcher duve-
s’enracinant au sol. Ainsi, des chercheurs teux, de même que les noix de coco Kopyor
suisses ont déterminé que deux branches à chair gélatineuse proviennent de branches
terminales du chêne de Napoléon – un arbre mutées de cocotiers ordinaires.
P
armi les arbres, les conifères raflent
quasiment tous les records mon-
7
diaux ! Ainsi, l’arbre le plus haut
du monde est un séquoia à bois d’if
(Sequoia sempervirens) nommé Hyperion
qui culmine à 116 m, en Californie. Son
cousin le séquoia géant (Sequoiadendron
giganteum) est l’arbre le plus volumi-
À QUOI SERT
neux : toujours en Californie, le tronc de
l’individu appelé Général Sherman atteint
1 487 m3, soit l’équivalent d’un cube de
LA LIGNINE ? 11,4 m de côté. Le Général Sherman
pourrait aussi concourir au titre d’écorce
P
oint de bois sans lignine, le biopolymère qui le rigidi- la plus épaisse, puisqu’elle atteindrait
fie. Sa polymérisation est désordonnée, ce qui signifie plus de 1 m à sa base. Ces géants ne
que les trois briques constitutives de la lignine, les détiennent toutefois pas le titre d’arbre le
monolignols appelés unités H, G et S, s’associent de manière plus large du monde, un record qui revient
aléatoire pour former un dense réseau de lignine. C’est lui à l’arbre de Tule, un cyprès de marais
qui imprègne la paroi cellulaire et donne du fil à retordre aux mexicain (Taxodium mucronatum) dont le
organismes phytophages. La densification de ce réseau au diamètre est de 11,62 m. L’arbre individuel
cours du développement cellulaire aboutit à la mort de la cel- le plus vieux du monde, Mathusalem, est
lule, qui intègre ensuite le tissu de soutien mort du végétal ; un pin Bristlecone (Pinus longaeva) daté
un peu comme la production de kératine tue nos cellules épi-
dermiques lors du processus de formation de la surface de
notre épiderme. La lignine n’est pas spécifique aux arbres,
mais aux trachéophytes, c’est-à-dire les plantes terrestres
vasculaires : angiospermes, gymnospermes, fougères, lyco-
podes (ci-dessus, la coupe d’une feuille de laurier où elle
apparaît en rose). Elle aurait joué plusieurs rôles clés dans
la diversification des plantes terrestres. Pour comprendre, il
© EYE OF SCIENCE/SPL - EMILIE CHAIX / PHOTONONSTOP
de 4 855 ans, enraciné dans les montagnes le record de l’arbre le plus résistant au froid :
Blanches de Californie. Il remplace le pré- lui seul pousse dans la localité la plus froide
cédent recordman, Prométhée, son congé- du monde hors Antarctique, Oïmiakon en
nère d’au moins 4 862 ans, abattu en 1964 Iakoutie, où la température peut chuter sous
dans le Nevada dans le cadre d’un projet de les – 65°C en hiver.
recherche par un étudiant inconscient de son Le mélèze de Dahurie côtoie en Sibérie l’arbre
âge. Toutefois, il pourrait être bientôt dépassé ayant la plus grande surface de distribution
par Alerce Milenario, un cyprès de Patagonie au monde, le genévrier commun (Juniperus
(Fitzroya cupressoides) récemment estimé communis), omniprésent dans les immensités
à 5 484 ans par un chercheur chilien. du Grand Nord. Enfin, l’arbre le plus isolé du
monde est un conifère néo-zélandais qui se
– 65°C EN HIVER situe à plus de 220 km de son semblable le
L’arbre situé le plus au nord au monde est un plus proche, sur les îles Auckland. Il s’agit
mélèze de Dahurie (Larix gmelinii) poussant d’un épicéa de Sitka (Picea sitchensis) planté
à proximité de l’embouchure de la Khatanga, en 1901 sur l’île Campbell par Lord Ranfurly,
en Sibérie. À quelques dizaines de kilomètres alors gouverneur de Nouvelle-Zélande. Cet
plus au sud, plusieurs de ces arbres forment arbre exotique – il pousse naturellement sur
la forêt clairsemée de Loukounski, la plus sep- la côte ouest de l’Amérique du Nord – atteint
tentrionale du monde. L’espèce détient aussi aujourd’hui 9 m de haut. •
LE PLUS VIEUX
© SHUTTERSTOCK - DAVID FORSTER/ALAMY/HEMIS.FR - EYE35.PIX / ALAMYHEMIS.FR
monde ?
La Terre abriterait plus
de 70 000 espèces
d’arbres ! Parmi elles,
9 000 resteraient encore
à découvrir, pour la
plupart des essences
rares poussant dans les
forêts tropicales.
PAR ISABELLE VERBAERE
poursuit Laurent Durieux. Les premières général qu’il s’agit d’une structure vivante,
estimations sortent, il va falloir les affiner.” autoportante à la différence des lianes, et
Certaines font l’objet de vifs débats, comme dont le tronc mesure au moins 2 mètres de
l’évaluation du nombre d’espèces d’arbres diamètre. Ils grossissent par épaississement
présentes en Amazonie. “Elles varient entre de leur tronc, ce qui exclut les bananiers et
6 700 et 15 800 ; la marge d’incertitude est les palmiers. Mais, dans certaines études, ces
donc énorme, constate Jérôme Chave. La derniers sont comptés comme des arbres, en
définition subjective des arbres explique raison des difficultés pour les distinguer.”
en partie ces divergences. On considère en
DES HOTSPOTS DE BIODIVERSITÉ
Le parc national de Chiribiquete (2,7 millions d’hectares), en
Colombie, abrite une vaste forêt pluviale. Relief caractéristique : les Les botanistes ont d’autant plus besoin des
tepuis (ci-dessous), des reliefs tabulaires au taux d’endémisme élevé. nouveaux outils pour les guider que près
d’un tiers des espèces qui restent à décou-
vrir seraient rares, avec des populations très
faibles, révèle l’étude publiée dans Pnas, en
2022. À l’instar de Tovomita maxima, dont
Jean-François Molino et ses collègues n’ont
identifié qu’une dizaine de spécimens. Ces
espèces inconnues seraient cantonnées à des
territoires restreints et 43 % seraient pré-
sentes en Amérique du Sud. “La Colombie
est l’un des pays où la biodiversité est la plus
remarquable, 10 % des espèces vivantes de
la planète y sont présentes, s’enthousiasme
Bruno Hérault. Le pays présente des vallées
profondes, séparées les unes des autres par
de hautes montagnes. Ces milieux repré-
sentent de véritables hotspots de biodiversité,
un peu comme les îles, car les petites popula-
© DANIEL GARZON / VWPICS/SIPA
tropicales. L’autre point d’inquiétude repose les surfaces forestières augmentent. Cela,
sur la vulnérabilité des arbres face au réchauf- pour plusieurs raisons. Ces forêts se boisent
fement climatique. “Les forêts tropicales naturellement à mesure que des terres
agricoles sont abandonnées. Des politiques les forêts plus vulnérables aux ravageurs.
de restauration et de reboisement y sont éga- C’est précisément le cas de la forêt française.
lement menées à grande échelle. Enfin, les “Sa surface et sa densité progressent, mais
forêts d’Europe et d’Amérique sont davan- elle fait face à des crises sanitaires répé-
tage aménagées et soutenues par des tées qui accroissent sa mortalité”, indique
plans de gestion durable. Mais malgré Jean-Luc Peyron, membre de l’Académie
leur croissance, elles connaissent d’agriculture de France. C’est ainsi que les
un dépérissement important. peuplements de frênes ont subi l’attaque
“La forêt boréale, par exemple, d’un champignon, la chalarose, et que les épi-
est plus productive grâce à des céas du Grand Est et du Massif central font
températures plus clémentes, face à des attaques récurrentes de scolytes.
mais elle est davantage expo- “Certes, l’état des forêts affiche des signaux
sée aux risques d’incendie”, positifs, relève Anne Branthomme. Mais
note Anne Branthomme. nous devons poursuivre nos efforts pour limi-
Les épisodes de sécheresse ter leur dégradation afin qu’elles continuent
répétés rendent également à rendre service à l’humanité.” •
L’IA à l’écoute de
la biodiversité
Des scientifiques d’un nouveau genre, les écoacousticiens,
enregistrent les sons émis par les espèces peuplant
les forêts, puis les soumettent à l’intelligence artificielle
afin d’évaluer la biodiversité. PAR KHEIRA BETTAYEB
la fin novembre 2023, comme comme la bioacoustique (une discipline plus
tous les deux ans depuis cinq ancienne), mais à la symphonie produite
ans, Jérôme Sueur, chercheur par tout l’orchestre, à savoir l’ensemble des
au Muséum national d’his- espèces animales peuplant l’écosystème étu-
toire naturelle de Paris, s’est dié. Hypothèse de base : plus un milieu a un
rendu en Guyane, dans la sta- “paysage sonore” riche et complexe, plus ses
tion de recherche des Nouragues, en pleine espèces sont diversifiées.
forêt amazonienne – “à près de neuf heures
de voiture et de pirogue de Cayenne !”. Dans LA MÉLODIE DES FORÊTS
le cadre d’un projet de longue haleine, d’une Grâce à cette approche, “il est possible de
durée de quinze ans, il tente de suivre l’évolu- suivre la biodiversité de tous les milieux,
tion de la biodiversité de ce vaste écosystème même les plus difficiles d’accès : canopée,
ultrasensible, menacé par le changement cli- prairies de haute altitude, etc., se réjouit le
matique et l’orpaillage. Pour ce faire, le scien- chercheur. Et ce, sans mobiliser des experts
tifique ne recense pas les espèces une à une, avec une grande expérience d’observation,
mais recourt à une approche étonnante : sans prélever des espèces protégées pour les
il enregistre les bruissements, les grogne- analyser en laboratoire, et sans déranger les
ments, les bourdonnements et les mille et un écosystèmes. Surtout, l’écoacoustique per-
bruits émis par les animaux qui peuplent la met une analyse en continu et sur de longues
grande forêt. Ces sons feront ensuite l’objet périodes. Cela rend possible le suivi d’altéra-
d’une analyse informatique fine, grâce à de tions relativement lentes, comme celles liées
puissants systèmes d’intelligence artificielle au changement climatique. De quoi déceler
en cours de développement. tout déclin significatif et, le cas échéant, aler-
Jérôme Sueur est écoacousticien. Il est ter sur la nécessité d’agir au plus vite” .
même l’un des pionniers de cette disci- Pour enregistrer la mélodie des forêts,
pline qu’il a contribué à formaliser dans les l’écoacoustique recourt à une technologie dis-
années 2010. À la croisée de l’écologie, de ponible seulement depuis 2008 : des magné-
l’informatique et de l’acoustique, ce nou- tophones automatiques, qui peuvent être
veau domaine de recherche ne s’intéresse installés discrètement dans les écosystèmes
pas aux sons émis par des animaux solistes, et être programmés pour enregistrer à des
heures précises : “Par exemple pendant une
L’écoacousticien Jérôme Sueur, du MNHN, procède au paramétrage
d’un enregistreur sonore installé pour plusieurs mois sur un arbre minute toutes les 15 minutes, pendant plu-
de la forêt du Risoux, dans le massif du Jura. sieurs mois, voire plusieurs années”, précise
du cerveau humain, capables d’apprendre à 2022 dans la revue The Science of the Total
effectuer une tâche en s’entraînant grâce à Environment, les chercheurs ont enregis-
des bases de données. Pour exercer des algo- tré pendant un an (2 285 heures au total)
rithmes d’IA à reconnaître les cris et bruits les sons émis dans une forêt alpine proté-
de différentes espèces, Jérôme Sueur et son gée en France. Puis ils ont utilisé une IA de
équipe utilisent les fichiers de la sonothèque type “réseau neuronal convolutif” (un type
du Muséum national d’histoire naturelle, une de réseau de neurones artificiels), capable
bibliothèque sonore qui rassemble près de de détecter automatiquement des insectes
volants pollinisateurs par leur bourdonne- Jérôme Sueur procède au contrôle des sons captés par
un enregistreur AudioMoth (ci-dessus) après l’avoir installé
ment et des pics par le tambourinage qu’ils au cœur d’une prairie bourdonnante d’insectes (à gauche)
produisent en frappant leur bec sur un tronc dans le massif du Risoux.
ou une branche. Au final, l’équipe a noté
que les périodes chaudes – favorisées par le en croissance, en passant par des zones en res-
réchauffement climatique – stimulent l’acti- tauration. Avec succès : “Pour la première fois,
vité des insectes pollinisateurs, alors que les nous avons démontré que même dans la forêt
périodes plus humides la freinent. Pour les tropicale, qui abrite une très grande richesse
pics, c’est l’inverse : leur activité est augmen- d’espèces, il est possible de mesurer la récupé-
tée par l’humidité et réduite par la chaleur. ration des communautés animales de manière
“Ces travaux indiquent qu’il est possible de très standardisée”, se réjouit Jörg Müller de
faire des prévisions pour tenter d’anticiper les l’université de Würzburg.
effets du changement climatique sur la biodi- Toutefois, développer une IA capable de
versité”, commente Jérôme Sueur. reconnaître automatiquement toutes les
espèces à partir d’un enregistrement sonore,
RÉSEAU NEURONAL CONVOLUTIF et pas seulement quelques-unes, demeure
En octobre 2023, des chercheurs allemands ont un vrai défi. Car, explique Jérôme Sueur, “les
rapporté dans la revue Nature Communications sons émis par un écosystème sont très divers :
que de tels systèmes d’IA (à réseau neuronal ils varient d’un groupe d’animaux à l’autre
convolutif) pourraient devenir un formidable (oiseaux, insectes…), mais aussi d’une
© JEAN-BAPTISTE STROBEL/DIVERGENCE
outil pour suivre non seulement le déclin, mais espèce à l’autre au sein d’un même groupe,
aussi la restauration de la biodiversité des d’un individu à l’autre et même au niveau d’un
forêts. Les chercheurs ont testé leur IA, capable même individu selon le moment de la journée
d’identifier les espèces d’oiseaux locales, sur ou de l’année. De plus, ces sons se super-
des enregistrements réalisés en Équateur, sur posent les uns aux autres”. Un vrai casse-
43 parcelles de forêt situées sur un “gradient” tête ! Prometteuse, l’écoacoustique assistée
allant de terrains agricoles (donc très pauvres par la puissance de l’IA en est donc encore
en espèces animales) jusqu’à une zone de forêt à ses balbutiements. •
de corneilles qui se posent sur des fourmi- Plus étonnant encore, même les insectes
lières. On pense que les jets d’acide formique semblent capables de se soigner ou de
qu’ils reçoivent alors éliminent leurs para- limiter la propagation des maladies. Ainsi,
sites”, raconte Philipp Heeb, ornithologue au en Suisse, les fourmis des bois apportent
CNRS et à l’université Toulouse III. Parfois, dans leurs nids des granules de sève de pin
les vertus des substances naturelles sont séchée. Il a été démontré que celle-ci avait
même utilisées de façon préventive. Ainsi, pour effet d’inhiber la croissance des bacté-
en 2009, son équipe avait publié une étude ries et des champignons. Mais si les animaux
montrant que, en Corse, les mésanges bleues savent qu’ils peuvent se soigner avec les
garnissaient leurs nids de plusieurs plantes plantes, certains savent aussi qu’ils peuvent
aromatiques. Les chercheurs avaient alors les utiliser pour se droguer ! En Sibérie, des
montré que les oisillons élevés dans ces nids rennes ont ainsi été observés consommant
avaient une charge bactérienne moindre et des amanites tue-mouches, un champignon
une meilleure croissance. “En Allemagne, nos connu pour ses effets psychotropes… dont
confrères avaient montré que les étourneaux ces animaux semblent raffoler. •
Acariens
trombidiformes
Le trombidion rouge vif, ou aoûtat, fait partie
de la mésofaune et vit principalement sur
les feuilles de la litière. Les sols forestiers
contiennent en moyenne 200 000 acariens
par mètre carré. Ils sont majoritairement
détritivores (les oribates), parfois prédateurs
de collemboles (les gamases).
“
n hectare de sol Ces organismes assurent
forestier compte également la dissémination
plus d’orga- des graines et la pollinisation
nismes vivants (des mousses, par exemple).
que d’êtres On parle de biocénose fores-
humains sur Terre !”, peut-on tière. Ces organismes du sol
lire sur le site du CNRS. Les sont classés par tailles : la
15 premiers centimètres de microfaune (jusqu’à 0,2 mm),
sol abritent 90 % de la pédo- la mésofaune (0,2 à 2 mm) et
faune. Celle-ci se nourrit de la macrofaune (2 à 20 mm). Les
matière organique issue de la plus abondants dans nos forêts
litière (brindilles, branches, européennes sont les insectes.
feuilles) qu’elle broie, décom- Pour en savoir plus, les cher-
pose, transforme en humus, cheurs se penchent depuis
Clytes béliers
Clytus arietis, coléoptère de la famille
des Cerambycidae qui compte des
milliers d’espèces, mesure entre 9 et
18 mm. Il se développe généralement
dans le bois mort ou en décomposition,
dont il se nourrit pendant plusieurs
© PHILIPPE LEBEAUX
Pseudo-scorpions
Ici, une des 137 espèces de France. Cet arachnide
de petite taille (2 à 8 mm) possède des pinces
munies de glandes à venin, permettant à ce
Myriapodes prédateur d’immobiliser ses proies et d’entamer
une digestion externe. Il participe à la régulation
Assez grands pour appartenir à la macrofaune, les mille-pattes
diplopodes ont deux paires de pattes par segment (iule, gloméris) de la mésofaune (collemboles, fourmis) et vit
tandis que les chilopodes (comme la scolopendre) n’en possèdent dans les troncs, la mousse, au sol, dans la litière…
qu’une. Ces derniers sont de grands prédateurs. Les diplopodes, pour
leur part, déchiquettent la litière.
Thysanoures
Le plus connu est le poisson d’argent. Ces insectes aptérygotes (sans ailes) sont
détritivores : ils se nourrissent de matière végétale en décomposition, de débris organiques
et de moisissures de la litière de feuilles.
Cigales
rouges
Comme de nombreux
autres insectes (papillons,
mouches, abeilles…),
Tibicina haematodes est
“aérienne” quand elle est
adulte, mais pond ses œufs
dans l’écorce des arbres
ou dans le sol. À l’abri,
les larves se développent
© PHILIPPE LEBEAUX
Fourmis rousses
Également appelée fourmi méditerranéenne,
commune dans le sud de la France, Pheidole
pallidula est un hyménoptère omnivore
qui mesure entre 1 et 5 mm. En creusant
ses galeries, elle brasse le sol et l’enrichit
en profondeur. D’autres espèces élaborent
de grands dômes – jusqu’à 1 m de haut –
d’aiguilles de pin (ex. : Formica rufa) ou des
nids sous les écorces, pierres ou mousses
(Myrmica sp.). Les fourmis telles que F. rufa
se nourrissent de miellat sécrété par les
pucerons dont elles régulent la population.
Tardigrades
Star de la recherche scientifique pour sa résistance aux conditions
CI-CONTRE © SPL
extrêmes, ce petit “ourson trapu”, dit aussi “ourson d’eau”, mesure entre
0,1 et 1 mm. Il se nourrit de débris de plantes, apprécie les zones humides
et on le trouve souvent dans les mousses.
La préservation de la diversité des dendromicrohabitats permet aussi l’ingénieure. Il permet de nombreuses coha-
de lutter contre des insectes ravageurs. Les larves de scolytes bitations bénéfiques. Certaines espèces
(ci-dessous) sont un met de choix pour celles du clairon des fourmis.
comme le lichen peuvent récolter l’eau de
à l’ONF. Les autres arbres sont généralement pluie qui ruisselle sur le tronc, tandis que
abattus avant 120 ans, à l’optimum de leur d’autres vont prospérer à son pied, à l’abri de
croissance pour l’industrie. Ces “HLM fores- la pluie et à l’ombre.”
tiers” peuvent pourtant abriter des insectes, Désormais, les gardes forestiers ont donc
oiseaux, écureuils, champignons, batra- pour mission de protéger ces vieux seigneurs
ciens… et, moins connue, toute une méso- de la forêt. “Il en faut au moins trois par hectare
faune composée de nématodes, tardigrades, pour assurer un rôle de préservation de la biodi-
gastrotriches ou rotifères. Ils y trouvent le versité”, affirme Catherine Biache. Une tâche
gîte, une source d’alimentation, un lieu de plus délicate qu’il n’y paraît. Dans les zones
reproduction, voire l’endroit où ils effectue- de montagne difficiles d’accès, ces arbres
ront leur cycle de vie complet. “Par exemple, vivent et meurent sans intervention humaine,
les arbres sénescents, donc très vieux, pré- mais ceux qui se dressent dans les parcs et
sentent des décollements d’écorce derrière les forêts plus fréquentés présentent parfois
lesquels peuvent venir se nicher des chauves- un danger pour les randonneurs, à cause des
souris”, souligne Catherine Biache. Autre lieu chutes de branches ou même de troncs. Il faut
de vie : les dendrotelmes. Ces écosystèmes alors les couper. Impossible de les préserver
aquatiques que l’on trouve dans les cavités en ville, et c’est bien dommage. Avec la dis-
remplies de quelques litres d’eau abritent parition des toits et des greniers à l’ancienne,
certains types de champignons hyphomy- les espèces animales urbaines n’ont plus qu’à
cètes et des invertébrés aquatiques, ou se rabattre sur leur ultime refuge : les cabanes
© RAPHAËL HELLE / SIGNATURES
servent à des insectes, comme les diptères. pour oiseaux et insectes, en bois bien sûr. •
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détectent des signaux moléculaires quand le pénètre dans les tissus de la racine en se faufi-
lant entre les cellules végétales, sans traverser
leur paroi, pour former ce que l’on appelle le
Les spores détectent réseau de Hartig”, développe Claire Veneault-
Fourrey. De quoi constituer un véritable
des signaux moléculaires organe chimérique, une racine-champignon
appelée mycorhize.
quand le système racinaire C’est au niveau de cette interface que
se déroule l’échange d’éléments nutritifs.
d’un partenaire végétal Le champignon donne à l’arbre de l’azote,
du phosphore et d’autres sels minéraux,
se forme à proximité ainsi que l’accès à l’eau, étant donné que les
réseaux mycéliens permettent d’aller puiser
90 % des
espèces d’arbres
des forêts tempérées
et boréales
dépendent de cette
symbiose Spores du champignon
Thelephora terrestris, vues
au microscope électronique.
DES PIRATES son voisin qui paie moins. C’est assez sou-
espèce donneuse à une espèce receveuse est sur la forêt de la Massane (en Occitanie), qui
encore mal connu chez les plantes, mais on est gérée depuis plus de cent cinquante ans
observe généralement que de tels échanges en libre évolution et où se côtoient plus de
se déroulent entre organismes ayant des liens 10 000 espèces différentes connues à ce
étroits, comme c’est le cas entre les parasites jour. Ils ont d’abord sélectionné 17 espèces
ou les symbiotes et leurs hôtes. Or, ici, “les dont 6 arbres, 4 lianes, 1 ronce, 2 herbacées,
lianes et les arbres semblent échanger leur 1 arbuste et 3 champignons. Les résultats
ADN, sans que l’on ait besoin d’avoir du para- des génomes séquencés ont confirmé les pre-
sitisme ou du symbiotisme. Cela n’avait pas mières études. “Nous avons identifié douze
été relevé auparavant”, remarque Moaine transferts horizontaux qui ne concernent
El Baidouri, chercheur CNRS au laboratoire majoritairement qu’une famille d’éléments
génome et développement des plantes, et
Le transfert d’ADN entre les lianes – ici du lierre
coauteur de l’étude effectuée dans le cadre en forêt de la Massane – et les arbres serait fréquent
de la thèse d’Émilie Aubin. et source essentielle de diversité génétique.
Parole de
houppier
Les arbres sont capables de ans les années 80, des
scientifiques découvrent un
communiquer entre eux en phénomène stupéfiant : en
“exprès” ? PAR LISE GOUGIS à côté d’acacias, ces arbres à la base de leur
alimentation, que des chercheurs de l’uni-
versité sud-africaine de Pretoria ont été mis
sur la piste d’un mécanisme de défense
chez les plantes. Leur expérience a révélé
que les acacias enrichissaient leurs feuilles
en tanins, des composés de la famille des
© ADOBE STOCK
Si on lève les yeux au ciel lors d’une Muséum national d’histoire naturelle. étude menée par des biologistes de
promenade en forêt, il n’est pas Celles-ci ne résisteraient pas aux l’université Austin, au Texas, parue
rare d’observer dans la canopée des frottements engendrés par les vents. en 2023. Dans la forêt tropicale de
interstices de plusieurs centimètres Selon une autre hypothèse, il l’île Barro Colorado (photo), située
entre les cimes des arbres, appelés pourrait aussi s’agir d’une forme de dans le lac artificiel Gatun du canal
“fentes de timidité”. Voilà près d’un distanciation sociale, notamment pour de Panama, ils ont montré, grâce à un
siècle que le phénomène intrigue les éviter la propagation de maladies et modèle informatique, l’existence
chercheurs, mais il n’a pas encore d’insectes dépourvus d’ailes, ou pour d’un phénomène de répulsion entre
trouvé d’explication définitive. “Cela laisser passer la lumière, essentielle les arbres d’une même espèce. Et
pourrait être purement mécanique chez à la photosynthèse et à la survie des ce, à des distances allant jusqu’à
les espèces dont les petites branches plantes les plus basses. Cela pourrait 100 m, soit bien au-delà du rayon
sont plus fragiles à la cassure que encore être un moyen de maintenir de dispersion naturelle des graines.
chez d’autres”, avance Marc-André une plus grande biodiversité au sein De quoi assurer la coexistence de
Selosse, biologiste et professeur au des forêts, comme le suggère une plusieurs essences différentes.
végétaux ? En 2007, une étude apporte une ment ce qui se passe au sein des plantes :
réponse : oui, la photosynthèse est quan- lorsqu’un photon est capturé, ce dernier
tique ! “C’était un moment exceptionnel”, se a l’énergie nécessaire pour faire passer
remémore encore Michael Thorwart, physi- l’électron d’une chlorophylle de son état
cien à l’université de Hambourg. Depuis lors, fondamental à son état excité. Et c’est cette
cette affirmation extraordinaire n’a cepen- énergie d’excitation, appelée exciton, qui est
dant eu de cesse d’être nuancée. ensuite transférée de chlorophylle en chloro-
© MAREK MIS/SPL
transfert de l’exciton jusqu’au centre réaction- quantiques. Sauf que pour fonctionner, de
nel doit donc se faire encore plus rapidement, telles machines et leurs qubits (les supports
et ce avec un rendement de près de 100 % ! de l’information) doivent être refroidis à des
Difficile d’imaginer un quelconque processus températures proches de zéro, sous vide, dans
classique autorisant une telle prouesse. Des des environnements ultracontrôlés, car les
chimistes se sont alors hasardés à avancer états quantiques sont extrêmement fragiles :
l’idée suivante : c’est la cohérence quantique à la moindre perturbation, ils s’effondrent et
qui l’autorise. En d’autres termes, les fonc- perdent leur “quanticité”. Pour les y maintenir,
tions d’onde qui décrivent les états d’exci- il faut donc les isoler le plus possible de leur
tation des chlorophylles seraient comme environnement. Comment une simple plante
synchronisées. “Ainsi, au lieu de sauter de pourrait-elle faire fi de toutes ces précautions ?
site en site comme une balle de ping-pong, Comment maintiendrait-elle une cohérence
l’énergie serait transmise comme une vague, quantique suffisamment longtemps pour
image Graham Fleming, chimiste à l’univer- transmettre efficacement l’énergie, quelles que
sité de Berkeley, en Californie. Toutes les soient la température et le taux d’humidité ?
voies pour transmettre l’énergie pourraient Et pourtant, c’est bien ce qu’ont montré les
alors être explorées en une fois, rendant le différentes expériences de Graham Fleming et
processus bien plus efficace.” de ses collaborateurs à partir de 2007 : à tem-
C’est ce même principe qui est exploité dans pérature ambiante, il y a cohérence quantique
les algorithmes de recherche des ordinateurs entre les états électroniques. De plus, celle-ci
est maintenue environ 2 picosecondes. Ce qui Après l’euphorie est donc venu le scepti-
est donc, comme attendu, moins que le temps cisme. Théoriciens à leurs bureaux et expé-
de vie d’un exciton et exactement l’échelle de rimentateurs sur leurs paillasses se sont
temps sur laquelle s’effectue le transfert. Elle échinés à ausculter les chlorophylles et le
pourrait donc bel et bien expliquer son efficacité. comportement de leurs excitons. Entre 2011
“C’était fou ! On parle de qubits biologiques, et 2020, des résultats de plus en plus robustes
comme si les plantes étaient des ordinateurs sont publiés. Et le couperet est tombé : “On
quantiques naturels, s’enthousiasme encore a clairement montré que la cohérence électro-
Michael Thorwart. Certains voyaient déjà les nique n’est pas de 2 picosecondes, mais de
découvreurs être récompensés d’un Nobel.” 60 femtosecondes, ce qui n’est donc pas suf-
fisamment long pour transporter l’énergie”,
DÉBUT DES CRITIQUES tranche Dwayne Miller, chercheur à l’univer-
Par la suite, de nombreux résultats ont appuyé sité de Toronto. Cette dernière ne surferait
les travaux de Graham Fleming… “Puis les cri- donc pas sur une vague quantique jusqu’au
tiques sont arrivées”, coupe court le chimiste. centre réactionnel, mais y sauterait bien
Les données expérimentales montrent bien comme une balle de ping-pong. Dont acte.
l’existence de battements, tels qu’on pourrait Pourtant, ce n’est pas exactement la fin de
les voir avec des objets qui oscillent à l’unis- l’histoire : “Car l’énergie des excitons est du
son. Mais est-ce que ce sont bien les fonctions même ordre de grandeur que celle des vibra-
d’onde qui battent ainsi en phase ? “Ce que tions moléculaires. Celles-ci maintiennent
l’on voit, c’est un signal qui oscille”, décrit donc les états excités cohérents un peu plus
Elisabet Romero, chimiste à l’Institut català longtemps, révèle Elisabet Romero. Il n’y
d’investigació química (Iciq), en Espagne. a pas de cohérence quantique au sens strict,
“Ensuite, c’est de l’interprétation.” Et si celle- mais c’est tout de même un état mixte : élec-
ci n’était pas bonne ? En effet, des objets qui tronique et vibratoire.” “La manière dont la
© CLAUS LUNAU/SPL
vibrent, les photosystèmes n’en manquent nature a réussi à optimiser ce transfert d’éner-
pas. À commencer par toutes les molécules qui gie est remarquable, médite Graham Fleming.
les constituent. “Et ces vibrations aussi sont Voir à quel point les végétaux sont sophisti-
cohérentes”, pose Michael Thorwart. qués pousse vraiment à l’humilité.” •
À partir de 14 ans
ISSAGE
MANUEL D’APPRENT
12
NIVEAU
LE BLUETOOTH
© ESA
GEDI ET L’ISS
CARTOGRAPHIENT
LA CANOPÉE
Les astronautes peuvent observer la Terre par le hublot de la Station spatiale
internationale (ISS), mais aussi analyser ses forêts à l’aide d’un instrument très
performant : Gedi, pour Global Ecosystem Dynamics Investigation, installé sur
le module scientifique japonais Kibo, grâce à un lancement sur une Falcon 9
en décembre 2018. Il s’agit d’un système Lidar : une télémétrie basée sur les
impulsions de trois lasers, capables de tirer 242 fois par seconde sur une surface
de 25 m. Cette précision lui permet de cartographier les hauteurs des forêts
et canopées de la Terre, ainsi que leurs structures verticales. Objectif : mieux
comprendre l’impact de la déforestation sur les concentrations atmosphériques
de CO2 dans l’air. Sa mission, de deux ans au départ, a été prolongée. Les
scientifiques doivent à présent étudier les données récoltées par l’instrument.
TERRA ET AQUA
SUIVENT LES INCENDIES
Vues du ciel, les flammes sont si petites qu’elles ne représentent
qu’un pixel, à la différence des larges panaches de fumée qu’elles
propagent, comme ici, lors de l’incendie du 26 juin 2011 dans
le nord-est du Canada. L’image provient des satellites de la Nasa
Terra et Aqua, et notamment de leur spectroradiomètre Modis.
Ces clichés permettent un suivi de l’évolution des feux de forêt,
parfois en temps réel selon la couverture des satellites, sur
des résolutions de 1 km. D’autres instruments, comme VIIRS
ou Landsat, atteignent 30 m de résolution. Ces données sont
visibles sur le site de la Nasa Firms – pour Fire Information
for Resource Management System –, lequel aide les autorités
à suivre l’évolution des incendies. Hélas, ces informations
arrivent parfois trop tard, et des pays comme le Canada, qui
souffre de feux de forêt de plus en plus fréquents, comptent
se doter de satellites dédiés à la surveillance incendie plus
performants. Ce sera le cas en 2029 avec le lancement
© NASA
un satellite ou un survol en avion), les différentes espèces ou de suivre du carbone à proximité des villes,
qui permettent de créer des modèles les déforestations. En France, de prévenir de futurs incendies
en 3D. Ces cartes compilées dans des l’Institut national de l’information et d’améliorer l’accès aux sentiers.
© freepik.com, shutterstock.com
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le replay et le streaming
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LES PYROCUMULUS
Cellule convective simple formée (le “champignon atomique” est lui On atteindra moins vite la taille cri-
dans une atmosphère instable, le aussi un pyrocumulus). Grâce à tique pour former des gouttes de
cumulus apparaît quand, sous l’ef- l’énergie thermique du feu qui va pluie”, détaille Solène Turquety,
fet de la chaleur, l’air proche du sol soulever l’air plus haut, le pyrocu- professeur de physique et chimie
se dilate et entame un mouvement mulus requiert moins d’humidité, de l’atmosphère à la Sorbonne,
vertical. En atteignant les strates car il se condense plus facile- qui analyse les conséquences des
plus froides en altitude, la vapeur ment. La vapeur ayant besoin de mégafeux. Certains types de pyro-
se condense, forme un nuage, et noyaux pour s’agréger et former cumulus peuvent aussi couper le
le courant entame un mouvement les gouttelettes, les nombreuses rayonnement solaire et, en créant
descendant en périphérie. Son cou- particules en suspension dans le une zone couverte et une zone
sin le pyrocumulus (officiellement nuage de fumée en font un phé- ensoleillée attenantes, entraîner
nommé “cumulus flammageni- nomène courant. Et ce sont ces un régime de brise : en s’élevant,
tus”) se forme dans les mêmes mêmes particules qui l’empêchent l’air de la partie chaude crée un
conditions, mais à partir d’une souvent de déclencher une pluie : appel d’air venant de la région plus
source de chaleur de haute inten- “Comme il y en a beaucoup en froide, attisant le feu. En moins
sité comme les volcans, les incen- suspension, cela veut dire plus de d’une heure, un pyrocumulus peut
dies… ou les explosions nucléaires noyaux de condensation possibles. ainsi créer son propre microclimat.
la chaleur de l’incendie va faire s’évaporer les une route restée ouverte, car jugée en dehors
dernières molécules d’eau avant qu’elles ne de la zone à risque. Quant à l’incendie de
touchent le sol. Plus haut, en revanche, la col- Spark Lake (Canada) en 2023, il a généré une
lision des particules de glace charge le nuage tempête étendue sur une surface de 160 km2
en électricité et peut provoquer des éclairs et envoyé des panaches de fumée à plus de
sur des dizaines de kilomètres, à l’origine de 16 km d’altitude.
LES FUMÉES
STRATOSPHÉRIQUES
“Le panache lié à la combustion de la biomasse Administration américaine affirmaient dans
comporte énormément de particules fines, de Science que 10 à 25 % du carbone suie qui gravite
gaz et de vapeur d’eau. Dans ces situations dans les couches basses de la stratosphère pro-
convectives, le nuage peut continuer à se sou- vient de pyrocumulonimbus. Les traces des feux
lever tant qu’il ne retrouve pas une situation de l’été 2020 aux États-Unis ont été détectées
stable. Pour les feux les plus intenses, cela en septembre au-dessus de la France, et celles
intervient très haut, parfois au niveau de la du “Black summer” australien (incendies de
tropopause – la barrière dynamique entre la 2019-2020) visibles pendant plus d’un an. C’est
troposphère et la stratosphère –, voire au- la première fois qu’on étudiait les conséquences
delà”, précise Solène Turquety. d’une montée des fumées dans la stratosphère
Conséquence, les mégafeux changent la moyenne, avec notamment une diminution du
dynamique des particules polluantes en les taux d’ozone ou de dioxyde d’azote, entraînant
diffusant de manière plus large. “Une fois une perturbation de la chimie de l’ozone.
dans la stratosphère, elles peuvent y rester
des mois et faire le tour du monde”, sou-
En janvier 2020, les mégafeux ravagent le sud-est de l’Aus-
ligne la chercheuse. En 2023, des équipes tralie. La fumée dégagée atteint de très hautes altitudes.
de la National Oceanic and Atmospheric Sur ce cliché satellite, recouvre la Nouvelle-Zélande.
© GEOPIX/ALAMY/HEMIS.FR
Une forêt
brûlée peut-
elle repousser
toute seule ?
Que se passe-t-il après un incendie ? Vaut-il mieux
laisser faire la nature, ou lui donner un
“coup de pouce” ? Réponse au cas par cas. PAR RIVA BRINET-SPIESSER
ans les forêts de Gironde, à l’Office national des forêts (ONF). De façon
dévastées par les flammes lors générale, les incendies sont dévastateurs :
des incendies de l’été 2022, en région méditerranéenne, on estime qu’il
des chercheurs tentent de faut en moyenne trente ans pour retrouver
repérer les pins maritimes un aspect forestier et plus d’un siècle pour
encore en vie. Ceux ravagés par des feux de retrouver une forêt mature. Mais la forêt
sol sont pour la plupart condamnés, mais pour fait souvent preuve d’une capacité de rési-
les autres, tout n’est pas perdu : la vitalité des lience étonnante. Dans les régions méditer-
cellules du tronc – phloème et cambium – reste ranéennes habituées aux flammes, certaines
bonne dès lors que moins de 75 % de la cou- espèces, dites pyrophiles, savent tirer béné-
ronne est brûlée, laissant espérer une reprise fice du feu. C’est le cas du pin d’Alep mature,
possible *. Avec ces indicateurs, les forestiers dont la résine contenue dans les cônes fond
agissent de façon ciblée sur les seuls arbres avec la chaleur : les écailles explosent et
condamnés et laisseront les autres reprendre. libèrent les graines, assurant ainsi le main-
“Notre doctrine consiste d’abord à observer la tien de l’espèce. “Le pin d’Alep garde le feu
manière dont l’écosystème se remet du trau- en mémoire, s’enthousiasme Bruno Teissier
matisme, puis à l’accompagner dans sa régé- Du Cros, expert en défense des forêts contre
nération naturelle”, affirme Julien Bouillie, les incendies à l’ONF pour le Var et les Alpes-
directeur adjoint forêts et risques naturels Maritimes. Plus il est exposé, plus les pousses
des cônes sont nombreuses.” Le chêne-liège,
lui, résiste aux flammes grâce à son écorce en
Quelques mois après avoir été la proie des
flammes, en 2022, une forêt de Gironde se remet liège qui joue le rôle d’isolant thermique – si
de l’incendie, dont elle porte encore les stigmates. bien que de premières branches vertes appa-
Les pins maritimes ont ici plutôt bien résisté.
raissent en à peine une semaine. “Son but est
LANDES ARBUSTIVES
Nous replantons dans Autre problématique majeure : la fréquence
des incendies. “En région méditerranéenne,
l’optique de rendre les forêts on estime qu’une forêt qui subit plus de trois
passages de feu au même endroit en trente
moins sensibles aux risques ans voit sa régénération ralentir, constate
l’ingénieur forestier. Cela peut prendre plu-
© LIZ JAKIMOW/SHUTTERSTOCK
continentale”, qui poussent dans la région de ** Global increase in biomass carbon stock domi-
Barcelone, et de pins maritimes de Leiria, que nated by growth of northern young forests over
l’on trouve dans le centre du Portugal, sont past decade, publié dans Nature Geoscience en
plus résistantes à la sécheresse que celles octobre 2023, ainsi que Large loss and rapid recovery
situées dans les Landes. Trois plantations of vegetation cover and aboveground biomass over
en forêt permettent aujourd’hui d’obser- forest areas in Australia during 2019–2020, publié
ver leur performance en conditions réelles. dans Remote Sensing of Environment en mai 2022.
FAUNE EN DANGER
Certaines espèces d’animaux arctico-alpins, coutumiers du froid,
voient leur habitat – autrefois ouvert et couvert de neige une grande
© GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO
DES DRONES
POUR REBOISER
La société australienne AirSeed promet de reboiser
en larguant des graines… à l’aide de drones. En Australie,
où le gouvernement souhaite planter 1 milliard d’arbres
d’ici à 2050, l’enjeu attire ingénieurs et investisseurs.
Nombreuses sont les sociétés de drones qui espèrent
vendre aux entreprises des “bilans carbone équitables”
en échange d’arbres plantés. Pour cela, les drones
d’AirSeed fonctionnent en deux temps. Après un premier
survol des zones propices aux plantations d’arbres, les
données cartographiques passent à travers les mailles
algorithmiques. L’étape est nécessaire pour connaître
les zones les plus aptes à recevoir des graines. Car “il
y a une différence entre les graines plantées et les arbres
qui poussent”, prévient Lauren Fletcher, président
de la première société de drones de reboisement,
BioCarbon Engineering, devenue Dendra Systems.
Cet ancien ingénieur de la Nasa s’est lancé dans cette
entreprise dès 2009. “Dès le départ, j’ai compris que
la technologie était la partie facile”, raconte-t-il.
Rien de plus simple que de larguer des graines !
“Le véritable défi est d’ordre biologique.
Les conditions de pousse des plantes sont
très variables selon l’environnement, les
conditions météo ou le type de graine. Dans
la forêt tropicale du Panama, nos graines
fleurissaient en vingt-quatre heures avec
un taux proche de 100 %. Mais dans une
forêt boréale non loin de Reno, au Nevada
(États-Unis), le taux était proche de 1 % !”
Le constat semble partagé par Jonathan Dawe,
directeur commercial chez AirSeed : “Créer des
drones et planter des graines ne contrebalance pas
la dévastation causée par la déforestation.” Et d’appuyer :
“Il est essentiel de se concentrer sur la restauration
de la biodiversité, en examinant quelles espèces
doivent être plantées selon la fonction qu’elles
remplissent dans l’écosystème.” L’entreprise
a lancé en 2023 son projet de séquestration
de carbone sur une zone de 240 ha,
et vise les 100 millions de graines
plantées en 2024, grâce à son drone
capable d’éjecter un nombre théorique
de 40 000 graines par jour !
Le drone de reboisement de Dendra
Systems peut éjecter jusqu’à 50 espèces
de plantes différentes (photo principale),
tandis que les capsules éjectées par les drones
© AIRSEED
© ONF
de vérifier que les essences issues de zones Plants de chêne zéen. Originaire du pourtour
méditerranéen, et notamment d’Andalousie, cet arbre
plus sèches résistent effectivement mieux que est particulièrement résistant à la sécheresse.
celles déjà présentes dans la zone d’accueil. Au
Canada, le projet Dream utilise des modèles hébergent des insectes dans la terre ou dans
mathématiques intégrant les variables cli- les feuilles. Ces graines sont en outre sou-
matiques actuelles et les prévisions du Giec. mises aux rayons X afin de détecter d’éven-
Ils permettent d’identifier les espèces qui tuels champignons ou larves qui se seraient
poussent aujourd’hui dans les conditions logés à l’intérieur. Enfin, pour éviter tout bras-
qui seront les nôtres en 2050 et 2080. Même sage génétique, les îlots sont implantés à plus
si, en attendant, ces plantes doivent s’adap- de 500 m d’un peuplement classé.
ter à un environnement en pleine mutation : Les chercheurs pointent un dernier chal-
“Nos régions connaissent encore des périodes lenge à relever : disposer de quantité suffi-
de froid et des gelées de printemps tardives, sante de semences. “Nous devons nouer des
indique Brigitte Musch. Avec les îlots d’avenir, partenariats avec les pays d’origine et éviter
nous testons jusqu’où nous pouvons faire une qu’une concurrence ne s’installe autour des
migration sans dommage pour les arbres.” espèces résilientes convoitées, s’inquiète
Erwin Ulrich. Il faut relancer des vergers
RISQUES INVASIFS à graines avec les arbres adaptés aux climats
Ces migrations ne sont cependant pas sans futurs, or ils ne seront productifs que dans une
risques. Les chercheurs portent une attention quinzaine d’années.”
particulière aux espèces envahissantes, “sur- Pour tenter de gagner du temps, l’ONF expé-
tout lorsqu’elles proviennent de zones hors de rimente des plantations appelées “parcelles
l’Europe, précise Brigitte Musch. Nous avons nursery”, dans lesquelles les arbres sont plan-
un protocole de suivi des risques invasifs tés à distance les uns des autres pour les faire
pour chacune des espèces, et certaines sont fructifier plus vite. Mais l’échelle de temps de
exclues de notre liste”. Une autre menace est ces projets reste longue, très longue : il faut
l’introduction de nouvelles maladies. Pour la attendre de cent à deux cents ans pour qu’un
limiter, les migrations des îlots d’avenir se arbre soit mature. Une bagatelle pour l’arbre,
font à partir de graines, et non de plants, qui une éternité pour l’homme. •
d’un diamètre inférieur à 2,5 microns.” Bref, développée par le botaniste japonais Akira
les forêts urbaines semblent être une arme Miyawaki, en plantant beaucoup de jeunes
efficace contre les canicules et la pollution. arbres de façon très dense et très serrée sur
Sauf que… ça dépend ! Pour Hervé Jactel, une surface de quelques centaines de mètres
écologue forestier à l’Inrae de Bordeaux, “S’il carrés. “Cette méthode entraîne une forte
est bien établi que les forêts urbaines telles mortalité dès les premières années. Et les
que définies par la FAO peuvent rendre des essences ne sont pas choisies en fonction de
services écosystémiques majeurs, il n’est leur aptitude à atténuer les îlots de chaleur
pas du tout certain que tous les projets de ou à dépolluer. De plus, avant que ces ‘forêts’
forêts urbaines déployés jusqu’ici offrent de n’arrivent éventuellement à fournir des ser-
tels bénéfices…” Et l’écologue de pointer vices écosystémiques, il faudra patienter
plus spécifiquement les projets “Miyawaki”, plusieurs décennies.”
ces microforêts conçues selon la technique
MÉLANGE D’ESPÈCES
Selon le chercheur, “pour bénéficier dans des
délais raisonnables des bienfaits des forêts
urbaines, il est impératif de mieux concevoir
© GUILLAUME BONTEMPS/VILLE DE PARIS- VINCENT ISORE/IP3
“En forêt,
ce qui nous
entoure fait
partie de nous”
© PETER SCHATZ/ALAMY/HEMIS.FR
Notre présence
en forêt accroît notre
contact avec des
bactéries favorables
à notre microbiote
intestinal
S&V Hors Série • 105
Une promenade 2015 dans PNAS, vont dans le
même sens. L’observation au
Questions
Réponses
UN ARBRE PEUT-IL
ÊTRE ÉPIPHYTE ?
Oui, c’est notamment le cas de l’épicéa de Sitka.
En Californie, un séquoia à feuilles d’if dénommé Terex Titan
abrite plusieurs de ces épicéas à mi-hauteur, dont l’un mesure
2,5 m de haut. Ces épiphytes [organismes croissant sur d’autres
plantes sans en tirer leur nourriture, NDLR] abritent eux-mêmes
des mousses et des lichens différents de ceux trouvés sur
le séquoia. De manière générale, les arbres servent de support
à tout un écosystème épiphyte se développant à leur
surface. Ainsi, certaines espèces de lombrics martiniquais
vivent quasi exclusivement dans les arbres ! C’est ce qu’a
montré une équipe de chercheurs français dans un article
paru en mars dans la revue Soil Biology and Biochemistry.
© JAKA SURYANTA / ALAMY /HEMIS.FR - AURÉLIEN BRUSINI / HEMIS.FR - THE NATURAL HISTORY MUSEUM / ALAMY /HEMIS.FR
À quoi
ressemblaient
les forêts
de la préhistoire ?
Le premier arbre connu, Archaeopteris,
un progymnosperme, remonte à 380 millions
d’années (Ma) environ. Appartenant à un groupe
frère des gymnospermes et pouvant atteindre 40 m
de haut, il permet d’avoir un aperçu des “arbres”
de l’époque, qui comptent aussi des lycophytes et des
fougères géantes de la même taille. Ces premières
forêts tropicales – sans bois véritable – devaient
grouiller d’amphibiens et d’insectes géants, jusqu’à leur
effondrement il y a environ 305 Ma. Les gymnospermes
Qu’est-ce qu’une
forêt ancienne ?
“Une forêt ancienne se caractérise par l’absence
de défrichement depuis au moins la première moitié
du XIXe siècle, quelle que soit la gestion forestière pratiquée”,
explique Diane Sorel, conservatrice de la réserve
naturelle nationale de la forêt de la Massane. L’absence
de défrichement a permis de préserver et de conserver les
sols forestiers et la biodiversité. Ainsi, une forêt dite naturelle
est une forêt ancienne, mature – dont les arbres ont plus
de 80 ans – et composée d’essences indigènes. “Le concept
de degré de naturalité d’une forêt vise à mettre en lumière
les caractéristiques propres aux forêts naturelles : biodiversité,
complexité structurale et maturité des peuplements,
microhabitats, bois morts, intégrité des processus dynamiques
et fonctionnels de l’écosystème, continuité spatiale
et temporelle (ancienneté)…”, conclut Diane Sorel. A. S.
COMMENT ÉVALUER
LES STOCKS DE CARBONE ?
Chaque espèce d’arbre diffère d’une (équipés de Lidar), ou grâce à des
autre. Pour connaître avec précision satellites en orbite. Pour les analyser,
combien de carbone y est stocké, il faut les chercheurs s’appuient sur les
d’abord couper l’arbre et le peser. progrès du machine learning. Fin 2022,
Ce sacrifice permet de dresser des une étude internationale parue dans
profils types pour chaque espèce. Grâce Nature a réussi, par cette méthode,
à des équations dites “allométriques”, à estimer les stocks de carbone des
on peut estimer le carbone stocké forêts du Rwanda. Bilan : les forêts
simplement avec le diamètre du tronc naturelles n’y couvrent que 11 %
et la hauteur de l’arbre. Ces données de la surface, mais constituent 51,4 %
sont récoltées par des survols en avion du stock national de carbone. A. D.
une écologie de la peur : le temps investi En s’attaquant préférentiellement aux la dissémination des graines qui sont
par les herbivores pour échapper à leurs animaux faibles et malades, les loups rejetées dans ses crottes en plus de celles
prédateurs se fait aux dépens du temps participent également à la régulation qui s’accrochent à ses poils. C. H.
COMMENT RÉENSAUVAGER
LA VILLE ?
“Il suffit de laisser pousser les plantes”, assène Boris Presseq, botaniste
spécialiste de l’écologie urbaine au Muséum d’histoire naturelle
de Toulouse. Des exemples, il peut en citer plein, et en premier lieu ces
friches où foisonnent herbes et petites plantes, mais qui sont souvent
considérées comme des dépotoirs : “Le vivant sauvage est respectable, mais
pollué, car on porte un regard biaisé sur ces espaces riches en biodiversité.
Dans ces friches, on peut trouver des oiseaux, des batraciens, des insectes…
Rien que sur la commune de Toulouse, on compte 880 espèces de plantes
sauvages”, explique celui qui parcourt la ville Rose pour inscrire à la craie,
au sol, le nom des plantes sauvages que l’on trouve encastrées dans les
© ROMAN ROBROEK / ALAMY I / HEMIS.FR
C’EST
“Il est vrai que je suis une forêt
pleine de ténèbres et de grands
arbres sombres ; mais qui ne craint
pas mes ténèbres trouvera sous mes
cyprès des sentiers fleuris de roses”
FRIEDRICH NIETZSCHE, PHILOSOPHE, AINSI PARLAIT
ZARATHOUSTRA, 1883.
© SERVICES PRESSE - LIBRARY OF CONGRESS (X2)
DIT
“Crois-en mon expérience : tu trouveras
quelque chose de plus dans les bois que
© SERVICES PRESSE - SP - BILWISSEDITIONALAMY/HEMIS.FR - FRÉDÉRIQUE PLAS
AU CHEVET
DES ARBRES
APRÈS LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE,
LES FORÊTS ONT AUSSI LEURS “GUEULES
CASSÉES”. DES ARBRES ÉVENTRÉS OU
MITRAILLÉS AUXQUELS LES FORESTIERS
VEULENT REDONNER LEUR VIGUEUR PRIMITIVE.
Entre février et décembre 1916, près de 60 millions d’obus
s’écrasent sur le champ de bataille de Verdun. Une “zone
rouge” de la Grande Guerre dont les forêts ont gardé les
stigmates : balles et mitraille piégées dans les écorces, obus
enfouis dans les sols. Au lendemain de la Première Guerre
mondiale, les forestiers tentent de sauver les arbres encore
debout, car, disent-ils, “on se rend actuellement compte
de la nécessité qui s’impose de préserver par des mesures
conservatoires les essences qui nous restent”. Et parmi
ces mesures, il y a “la chirurgie des arbres” que présente
cet article paru dans La Science et la Vie en février 1919. Ce
traitement nécessite de bien observer l’arbre touché afin
d’ajuster les soins à apporter et, “en premier lieu, élaguer
les souches et les branches mortes ou inutiles”. Mais les
choses sérieuses commencent lorsque les branches pré-
sentent des crevasses, car il faut alors placer sur chacune
d’entre elles “des attelles de bois qu’on attache soigneuse-
ment avec de la ficelle”, explique-t-on dans le papier. Plus
complexe : le traitement des cavités où le bois pourri doit
d’abord être éliminé pour permettre à l’arbre de cicatriser.
Les blessures sont traitées avec “une pommade antisep-
tique maintenue par une ligature, afin d’empêcher la cavité
de s’agrandir, puis on remplira celle-ci de ciment”. Le tout
est ensuite consolidé avec des clous et du fil de fer. Un
peu barbare ? L’auteur de l’article certifie pourtant que la
cicatrisation s’opère par-dessus le ciment et, au bout de
quelques années, le cambium forme un bourrelet sur les
bords de la blessure, assurant ainsi la survie de l’arbre.
Notons que cette méthode a été abandonnée au début des
années 1980. On se demande bien pourquoi… A. S.
AUREZ-VOUS
LE TICKET D’OR
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RDV LE 7 FÉVRIER
dans votre magazine disponible chez votre marchand de journaux
ou dans votre boîte aux lettres si vous êtes abonné.
* Extrait de règlement : Reworld Media Magazines organise, du 1/02/24 jusqu’au 15/03/24, une loterie intitulée «ticket d’or 35 ans SVJ». Un ticket d’or sera broché dans
chaque magazine SVJ n°414 vendu par abonnement ou en kiosque. Seuls 35 tickets édités seront gagnants. L’attribution des lots se fera par tirage au sort le 20/03/2024.
Le 1er lot est un voyage pour les membres d’un même foyer, à Londres (séjour de 5 jours pour 4 personnes maximum : transport, hébergement, sorties museum, parc Harry
Potter en pension complète). Ce concours est ouvert à tous les résidents de France. Seuls les foyers avec un ou plusieurs enfants mineurs peuvent participer. Une copie
du livret de famille sera demandée. Dans l’hypothèse où un participant gagne un ticket d’or en contravention avec les conditions de jeu précitées et prévues dans le Règle-
ment, son lot ne lui sera pas attribué et restera la propriété de Science & Vie Junior. Pour les participants vivant en Corse ou DOM-TOM, le départ pour Londres sera pris en
charge au départ de Paris. Les gagnants seront déterminés selon les modalités prévues au règlement du concours disponible gratuitement sur le site science-et-vie-junior.fr.
Sous le haut patronage de
Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République
urgence
climatique
Doc Levin Studio / Jeanne Triboul, Léo Quetglas. Photo Véronique Pêcheux
exposition permanente
à partir du 16 mai 2023