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Résumé
L'auteur fait l'esquisse d'un projet paradoxal : appliquer au T.A.T. les méthodes d'interprétation du test de Rorschach, c'est-à-
dire substituer à l'analyse thématique et à son répertoire symbolique l'analyse formelle des contenus perceptifs avec leurs
déterminants morphesthésiques, chromesthésiques et kinesthésiques. La planche 14 du T.A.T. fournit la matière de cet
exercice méthodologique qui tente d'illustrer les principes de l'analyse structurale appliquée aux tests projectifs, conformément
aux intuitions de Rorschach.
Bolzinger A. Analyse thématique ou analyse formelle. Réflexions méthodologiques à propos de la planche 14 du TAT. In:
Bulletin de la Société française du Rorschach et des méthodes projectives, n°27, 1972. Les thèmes dans le Rorschach. pp. 69-
75;
doi : https://doi.org/10.3406/clini.1972.1342
https://www.persee.fr/doc/clini_0373-6261_1972_num_27_1_1342
par A. BOLZINGER
tenant par son bras droit au cadre de celle-ci, une personne est assise. »
Il faut ajouter que cette image propose à la perception un matériel
équivoque, non seulement au sens de la psychologie projective, c'est-à-dire
un matériel peu structuré que le sujet est appelé à structurer à sa guise,
mais également au sens de la psychologie classique puisqu'une partie de
l'ensemble peut être vue tantôt comme figure, tantôt comme fond.
Ainsi l'image de la planche 14 se caractérise par son ambiguïté
thématique certes, mais d'abord par son ambiguïté formelle. Or, les
réponses multiples y sont particulièrement nombreuses : au total treize
fois pour un échantillon de quatre-vingts sujets, soit une fois sur six. Tout
se passe comme si le sujet, percevant que figure et fond peuvent
permuter, tentait d'envisager les différentes possibilités d'alterner ou
d'associer les éléments perceptifs mis en jeu. Dès lors l'interprétation
s'accompagne d'une sorte de jeu sensoriel et s'exprime par une série de réponses
alternatives qui permettent d'analyser le travail de structuration
perceptive dans ses éléments constitutifs.
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On peut noter que dans les deux cas, le sujet du test a le même point
de vue, la même localisation spatiale que le personnage principal. La
scène est vue par lui du dedans de la maison dans le premier cas, du
dehors de la maison dans le second cas.
C) La perception du mouvement
Planche 14 : Kinesthêsies
K de dehors en dedans 13
K de dedans en dehors 8
K sans déplacement 8
K projetée 8
K évoquée comme fait passé 3
K aivortée 1
Absence de réponses K 39
et d'un dehors se trouve éludée. Par exemple « c'est une personne qui
cherche la lumière, qui est attirée par la lumière » — « c'est un homme
prêt à sauter par une fenêtre ». Cette indétermination s'accompagnait,
dans un cas, d'une absence complète de réponse. Ces modalités de
faillite morphesthésique semblent devoir être rapprochées de la sémiologie
des réponses F — et des refus au test de Rorschach.
Les réponses kinesthésiques sont moins facilement assimilables à leurs
homonymes du Rorschach. On peut admettre que les grandes
kinesthêsies touchent au dynamisme du travail projectif. Tantôt le mouvement
d'extériorisation d'un univers mental intime se redouble et fournit des
kinesthêsies d'évasion ou de défenestration. Tantôt au contraire il se
retourne et revient à sa source, avec des kinesthêsies d'intromission ou
d'introjection. Cette dialectique du dedans et du dehors institue aussi
un jeu d'approches et de reculs entre le locuteur et le personnage où
s'exprime la dynamique des identifications du sujet. Ces éléments
d'interprétation sont des hypothèses de travail que nous souhaitons voir
mises à l'épreuve.
En ce qui concerne les banalités, deux cas sont à considérer. Ou bien
la réponse banale fait défaut. Cette lacune est un symptôme dont le sens
doit être analysé. Mais l'étude des absences de banalité n'a jamais été
conduite de façon systématique, même pour le test de Rorschach. C'est
donc une voie ouverte à la recherche. Ou bien la réponse banale est
présente. Il faut alors l'interpréter comme une banalité. La scène du clair
de lune se prêterait sans doute à des extrapolations psychodiagnostiques
dans la mesure où les thèmes romantiques de la nature, de la nuit et de
la rêverie sont riches en harmoniques et permettent de composer un
portrait psychologique très fouillé. Mais la réponse « rêverie au clair de
lune » est d'abord la réponse banale de la planche 14. Les aspects
thématiques qui seraient abusivement imputés aux projections du sujet
appartiennent en réalité à la structure même du matériel.
La réponse banale de la planche 14 n'est d'ailleurs pas liée au contenu
« rêverie au clair de lune », mais à la forme « noir dedans, clair dehors,
pas de grande kinesthésie ». Qu'il s'agisse de clair de lune ou de soleil
couchant, des lueurs de l'aurore ou d'un faisceau de phares, c'est en fait
la même réponse banale. Ces nuances pourraient être thématisées et
donner lieu à une interprétation allégorique en fonction d'un système
d'équivalences et d'archétypes. Une telle démarche qui impose
arbitrairement la référence, tacite ou avouée, à un code de significations déjà
reçu demeure tout à fait étrangère aux principes de l'interprétation
formelle qui suit les contours de son objet sans le réduire à un savoir
préalable.
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RESUME
Docteur A. BOLZINGER
34, avenue La Bruyère
38100 Grenoble- Villeneuve