SYSTEMES POLITIQUES AFRICAINS Georges BURDEAU définit le régime politique comme

« L’ensemble des règles, préceptes ou pratiques selon

INTRODUCTION
lesquels, dans un pays donné les hommes sont gouvernés. »
Distinction en régime politique et système politique Sur le plan méthodologique, il fait remarquer que le régime en tant

Le régime politique est souvent confondu avec le système politique que modalité d’exercice du pouvoir, voit son étude sortir du « droit

alors que les réalités scientifiques couvertes par ces concepts sont constitutionnel pur ».

forts différentes. Le système politique relève de la science ou de la Mais, ajoute-t-il, « si on considère que le droit constitutionnel est la

sociologie politique alors que le régime politique est un concept discipline qui régit les techniques de commandement, c’est-à-dire

inventé par le droit constitutionnel. dans une société policée, les techniques d’élaboration du droit

Le premier (le système politique) est considéré comme un positif, on est immédiatement conduit à constater que le

sous-système du système social. Il apparait comme un mécanisme n’a de sens que par le rôle qu’on entend lui faire jouer

ensemble cohérent composé d’éléments qui sont en ». D’où le recours à la réalité politique qui « agit sur la substance,

interactions entre eux, si bien que tout changement affectant l’évolution et la puissance de l’idée de droit ».

l’un de ces éléments se répercute sur les autres et sur le Le régime politique est voulu et organisé tel quel par le droit alors

système global. Les interférences entre ces sous-systèmes (les que le système politique est subi, imposé. Le premier (c’est-à-dire

structures composant l’appareil d’Etat, les forces politiques, les le régime politique) dérive du second (c’est-à-dire le système

systèmes de croyance et de valeur) s’articulent autour de la politique) mais la détermination n’est pas linéaire car comme le

conquête ou de la conservation du pouvoir afin de pouvoir disposer montre l’exemple des anciens régimes socialistes de l’Est, le

et ou distribuer des choses de valeur ou de produire des décisions marxisme léninisme avait trouvé son terrain de prédilection dans

impératives pour leurs destinataires. les sociétés féodales alors que son application était plutôt attendue

Le régime politique est un ensemble ordonné d’institutions et dans les sociétés capitalistes. C’est dire qu’un régime ne peut pas

d’organes organisés par un droit positif sous-tendu par des être le reflet de la société dans laquelle il puise sa substance mais

valeurs officiellement consacrées organisant le cadre d’action un objectif assigné aux gouvernants d’un pays. « GEORGES

d’un pouvoir légitime. BURDEAU, TRAITES DE SCIENCES POLITIQUES, TOME 5 LES

REGIMES POLITIQUES PAGE 24 »

❖ ECHEC DE L’EXPERIENCE DE L’IMPLANT DU
REGIME PARLEMENTARISTE EN AFRIQUE
La déclaration adoptée le 14 DECEMBRE 1960 par l’assemblée
générale, l’organisation des nations unies (1514 15) sur
l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux,
complétée par la résolution 1654 (16) DU 27 NOVEMBRE 1961
consacre un véritable droit à l’accession à la souveraineté
internationale. Elle entraine dans la foulée la naissance de
plusieurs Etats notamment le Cameroun, le Mali, le Madagascar,
le Dahomey actuelle bénin, la haute volta actuelle Burkina Faso, la
Cote d’ivoire, le Congo Brazzaville, le Gabon, la Mauritanie, le
SENEGAL, le Nigéria. Tous ces Etats avaient les trois éléments
(Territoire, population et autorité politique) indispensables, au
regard du droit international, pour constituer un Etat.
Cependant, se pose la question du régime politique à adopter.
Dans certains cas, le colonisateur avait laissé un appareil étatique
; fallait-il le maintenir, le transformer ou l'éliminer radicalement ?
Dans d'autres cas, il fallait créer ex nihilo, à partir de rien, un
appareil étatique.
Pour résoudre ces problèmes, presque tous les pays africains,
qu'ils soient anglophones ou francophones, ont eu à peu près la
même attitude : ils ont maintenu l'appareil étatique laissé par le
colonisateur, en lui apportant des modifications vraiment mineures
; dans tous les cas, ils se sont profondément inspirés des
institutions politiques métropolitaines.
Toutefois, trois ans après l'accession à l'indépendance, la plupart
des États africains allaient, sous la pression des réalités de toutes
sortes, changer de régime politique.
➢ Les raisons du choix du régime parlementaire
- La volonté hégémonique de l'ancien colonisateur
En dépit de l'accession des anciens territoires colonisés à
l'indépendance, les occidentaux ont toujours cru à la supériorité de
leur civilisation. Ainsi, ont-ils souvent cherché des moyens de
maintenir leur influence sur les pays africains nouvellement
indépendants.
Daniel Pepy écrit : " Dans certains cas, la puissance
métropolitaine a fait de l'élaboration d'une constitution la
condition préalable à la reconnaissance de l'indépendance.
Ce fut le cas de la Grande Bretagne, qui désirait que les pays
soient constitutionnellement organisés avant de leur
reconnaître l'indépendance. D'abord, parce qu'elle pensait
que c'était le meilleur moyen d'assurer la protection des
minorités nationales, et de résoudre par conséquence les
problèmes tribaux qui risquaient de se poser (par exemple, au
Nigéria ou au Kenya). Aussi, parce la grande Bretagne
pensait, qu'en élaborant ces constitutions préalablement à
l'indépendance, on assurait mieux l'orientation démocratique
des
nouveaux États." Pour eux, c'était un devoir moral, une certaine
justice, que de laisser derrière soi ce bien extrêmement précieux
qui est la civilisation occidentale. Par ailleurs, les colonisateurs
voulaient maintenir des liens de coopération avec les États
africains nouvellement indépendants afin de continuer
l'exploitation de leurs ressources. Pour certains occidentaux, on
pouvait atteindre cet objectif en laissant derrière soi des zones de
confiance, ils pensaient que " progressivement des liens
d'allégeance coutumière, des liens d'allégeance personnelle
vont céder le pas à des liens d'allégeance abstraite ".
Mais pour beaucoup, juristes, politologues ou hommes d'Etat, les
liens juridiques s'avéraient être le moyen le plus efficace de
maintenir un contact sûr avec l'Afrique indépendante.
- Le rôle des conseillers techniques :
Le constat est fait, qu'au moment où les États africains accédaient
à l'indépendance, ils souffraient d'un "sous-développement
juridique".
Ils ne disposaient pas de nationaux techniquement compétents
pour élaborer, à eux seuls, une constitution. Ils doivent,
partiellement ou totalement, faire appel à l'assistance technique.
Ces conseillers auront deux aptitudes : soit se mettre au service
de leur État, leur volonté se confondant avec celle de leurs
dirigeants ; soit se mettre (par philanthropie) au service des États
nouvellement indépendants, qui avaient leurs besoins juridiques
propres.
Dès lors, " lorsqu'il y avait des discussions, écrit Daniel Pepi, les
autorités métropolitaines jouent un rôle important dans cette
discussion, elles avaient tendance, quasi-invinciblement, à
reprendre en le transformant, peut-être un peu trop, leurs
habitudes constitutionnelles. Et puis, dans d'autres cas, les
experts, les fonctionnaires mis à la disposition des autorités
nationales des nouveaux États ont réagi sur la base de leur propre
conception et leurs propres habitudes nationales".
Dans la même mouvance, le professeur Mabileau partage ce
point de vue quand il écrit : " Les conseillers français, qui ont eu
une part déterminante dans l'élaboration des premières
institutions africaines, ne pouvaient qu'accentuer leur
francisation par leur formation autant que par leur choix
systématique. Leur influence a extrême notamment dans les
États d'Afrique équatoriale, dont les constitutions ont été
préparées à Paris et qui, faite de spécialistes des questions
juridiques à l'exception de Gabriel Lisette-, ont confié la tâche
à des administrateurs français."
- La formation des élites politiques Le premier choc au sein de l'élite dirigeante sera l'instrument de
mesure des régimes politiques choisis par les africains au
Plusieurs leaders africains avaient fait leurs études en France. De
lendemain des indépendances. Ces rivalités pouvaient avoir pour
même, ils ont eu leurs premières expériences politiques dans les
origine les ambitions politiques ou personnelles des leaders, les
excroissances des partis politiques de la métropole.
conflits idéologiques, les oppositions tribales. De même, tous ces
Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, Houphouet Boigny,
facteurs pouvaient de cristalliser sur les mêmes protagonistes.
Lamine Gueye, Abass Gueye, Amadou Ahidjo, Aujoula ont
Sur un registre essentiellement personnel et politique, l'exemple
tous été députés au parlement français. D'autres, comme
sénégalais en est une parfaite illustration. A l'indépendance, les
Senghor, ont eu à exercer des fonctions ministérielles.
autorités politiques avaient opté pour un régime parlementaire.
Donc, quand il s'agissait de choisir un régime politique, la plupart
Léopold Sédar Senghor, président de la république, exerçait les
des leaders ont préféré reproduire des institutions métropolitaines
fonctions de chef de L'État, et Mamadou Dia, président du conseil,
qu'ils avaient déjà pratiquées. Dans ce contexte, Alain Gondolfo
était chef du gouvernement. La crise politique institutionnelle de
affirme avec force dès que : "La formation des élites a été un souci
1962 a eu pour conséquence l'éviction du président du conseil et
constant de la politique française d'outre-mer. Sans doute, le
son incarcération pour tentative de coup d'État. (Voir à ce propos,
développement de l'instruction, la fréquentation des lycées et des
Laurent Collin, Sénégal notre pirogue)
facultés par les étudiants africains ont-ils contribué, pour une part,
Au Congo, les rivalités politiques sur fond d'affirmation d'ambitions
à l'enracinement de la fibre constitutionnelle, démocratique et
personnelles et de coloration ethnique ont mené à l'instabilité
parlementaire dans le cœur des jeunes élites. Mais le facteur
institutionnelle et au déchirement entre différents segments de la
déterminant a été certainement l'association des africains à la vie
société congolaise. Le bras de fer entre Patrice Lumumba et
politique française ensuite. A cet égard, douze ans de pratique des
Joseph Kasavubu a abouti à l'arrestation et à l'assassinat de
assemblées métropolitaines ou locales... ont permis de mieux
Lumumba et à la prise du pouvoir par Mobutu Sese Seko.
démontrer la solidité de nos institutions, d'en apprécier les mérites
et... d'en noter les défauts".
En somme, les juristes et les politologues sont unanimes pour
- Les rivalités entre les leaders attester l'existence d'un lien étroit entre les situations particulières
d'un peuple et ses lois. Montesquieu écrivait à cet égard : " La loi,
en général, est la raison humaine, en tant qu'elle gouverne
tous les peuples de la terre, et les lois politiques et civiles de
chaque nation ne doivent être que les particuliers où
s'appliquent cette raison humaine. Elles doivent être
tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites que
c'est un grand hasard si celle d'une nation peuvent convenir
à une autre ".
Faisant écho à ces vues savantes de Montesquieu, le Professeur
Gonidec écrit : "Une bonne constitution doit être, non pas
brève et obscure comme le soutenait Napoléon, mais modelée
sur les structures économiques et sociales de la société à
laquelle elle est destinée. Sinon, on risque de créer un divorce
entre le droit et les faits".
Enfin, pour Levy-Bruhl, " les règles juridiques d'un pays sont un
miroir de ses aspirations et du rapport des forces qui y entrent en
jeu".
- L'avènement du parti unique en Afrique noire
Pour Alain Gondolfo, " En fait, la plupart de ces États étaient
déjà, dès l'établissement de la première constitution, sous le
régime du parti unique, qui avait accaparé la totalité du
pouvoir ".
Après l'accession à la souveraineté internationale, plusieurs États
africains reconnaissent dans leur constitution la création des partis
politiques, dont le multipartisme. Mais, très vite, certains dirigeants
se sont rendus compte que ces dispositions constitutionnelles
étaient incompatibles avec les réalités africaines. Dans ces
conditions, certains États ont opté pour le parti unique. Les raisons
évoquées étaient multiples. Le monopartisme était un excellent
moyen de lutte contre le régionalisme et les réflexes ethniques. A
cet égard, le parti unique apparaissait comme le ciment de l'unité
nationale. La consolidation de L'État nécessite un parti unique qui
mobilise tous les citoyens et concentre l'essentiel des pouvoirs.
La création du parti unique s’est effectuée selon trois procédés ;
d’abord, la négociation, procédé normal, elle se déroule entre les
représentants du parti majoritaire et ceux de l’opposition, en vue
de parvenir à une fusion ou à une intégration. Ensuite, l’adoption
d’une loi électorale adéquate constitue le second procédé de
formation du parti unique. Le scrutin de liste nationale a été utilisé
par des dirigeants africains pour éliminer leurs concurrents. C’est
un scrutin de liste majoritaire à un ou deux tours (le plus souvent,
à un tour) portant sur une liste nationale comportant de candidats
qu’il y a de sièges à pourvoir. Par conséquent, la liste qui obtient
la majorité des suffrages exprimés remporte tous les sièges. Enfin,
les partis qui ont refusé la négociation sont interdits et leurs
dirigeants emprisonnés ou mis en résidence surveillée ou
contraints à l’exil.
Le recours au parti unique se justifie, selon Ahmed MAHIOU, par
la combinaison d’une triple nécessité relative à l’intégration
nationale, à la construction de l’Etat et au développement l’article 3 fait du « respect de la souveraineté et de l’intégrité
économique. territoriale de chaque Etat » un principe essentiel.
Les partis uniques se veulent alors les défenseurs de l’intégrité des
➢ Les nécessités de l’intégration nationale
territoires artificiels, certes, mais dans lesquels ils sont nés et dont
Les Etats africains d’expression française nouvellement
ils ont épousé maintenant les dimensions. Les partis se proposent
indépendants ont pour tâche primordiale le regroupement des
comme but majeur de forger la nation.
multiples ethnies et tribus disséminées à l’intérieur du territoire afin
Pour créer une conscience nationale, authentique et profonde, la
de constituer une nation. Ils s’investissent ainsi dans la définition
négation de l’opposition devient une nécessité. Ainsi, les dirigeants
d’une conscience nationale authentique pour mettre en place un
africains contestent l’existence d’une opposition pour plusieurs
régime démocratique. En effet, la démocratie pluraliste ne peut se
raisons : elle incarne les ferments de la division et constitue alors
concevoir que dans une nation, au sens moderne ce mot, une
un danger pour la vie du pays ; elle ne mérite pas sa place car elle
nation à laquelle chaque personne a conscience d’appartenir, au-
se fonde uniquement sur la démagogie ; enfin, elle ne peut contenir
delà de toute divergence d’ordre philosophique, religieux ou
ses activités dans les limites légales et se confond souvent avec la
politique. Dans une véritable nation, les divisions restent internes
rébellion. Le Président ivoirien Houphouët Boigny soutient à cet
et ne remettent pas en cause les limites géographiques,
effet : « Nous ne voulons pas que la démocratie soit une
linguistiques, etc. ; en un mot, les frontières du pays.
source de clivage, de luttes puériles au cours desquelles la
L’affirmation de l’unité nationale vise à stabiliser les frontières
meilleure part de nos énergies serait gaspillée. Nous voulons
issues de la colonisation. L’intangibilité des frontières est
poursuivre en paix et dans l’union le travail de construction
proclamée à plusieurs reprises par la charte de l’organisation de
nationale ».
l’unité africaine (OUA). Le préambule de la charte affirme que les
Pour le Président guinéen Sékou Touré : « Il n’y a pas de place
Etats africains « sont fermement résolus à sauvegarder et
pour une opposition dont la tactique servira uniquement à
consolider leur intégrité territoriale » ; ensuite, l’article 2
divertir les énergies populaires des tâches à réaliser ».
assigne aux Etats, entre autres objectifs importants, de « défendre
Léopold Sédar Senghor, le chef de l’Etat sénégalais, ne conçoit
leur souveraineté, leur intégrité et leur indépendance » ; enfin,
qu’une opposition constructive. Selon lui, les droits de la minorité
doivent être respectés, mais à condition qu’elle honore ses Les pays africains qui accèdent à la souveraineté internationale en
devoirs ; le rôle de l’opposition est certes de critiquer, « mais 1960 ont une caractéristique commune : le sous-développement.
critique est esprit critique, non esprit de critique, dénigrement L’absence d’infrastructures, de cadres et des capitaux nécessaires
systématique. La critique doit être constructive en au décollage économique compliquent la tâche.
démocratie, servir l’intérêt général, non les intérêts des clans De plus, les populations réclament une élévation de leur niveau de
». vie, le bénéfice du progrès technique et l’instruction. Il faut donc
Aux nécessités de l’intégration nationale, s’ajoute celle de la orienter toutes les énergies vers la satisfaction de ces demandes.
construction de l’Etat. Pour le président camerounais Amadou Ahidjo, la lutte contre

- Les nécessités de la construction de l’Etat le sous-développement ne peut exister sans un instrument

vivant, solidement structuré, « le parti national unifié et
Le parti unique aménage les institutions pour renforcer le rôle
démocratique, véritable expression du génie africain et de ses
de l’Etat. Ceci exige la symbiose entre le chef de parti et le
tendances communautaires ».
chef de l’Etat, qui est le leader national.
L’encadrement des populations vise, d’une part, à renforcer ou à
La suprématie du leader conduit à la personnalisation du pouvoir,
créer une conscience nationale et, d’autre part, à assurer la
qui se manifeste par la confusion des pouvoirs, l’élimination des
mobilisation des énergies, en vue du développement économique.
concurrents et le culte de la personnalité. De même les institutions
Le parti unique devient l’instrument privilégie d’encadrement et de
étatiques sont subordonnées aux organes du parti. Le
mobilisation des agents publics, des fonctionnaires, des paysans
renforcement de la construction de l’Etat exige aussi le contrôle de
et des ouvriers. De même, les syndicats sont appelés ou contraints
l’administration. Le parti supplante l’administration et les structures
à se fondre en une centrale unique au service du parti unique.
partisanes sont substituées à celles de l’administration.
L’organisation syndicale devient une filiale, un « appendice » du
Les nécessités de l’intégration nationale et de la construction de
parti unique.
l’Etat se combinent avec celles du développement économique.
L’importance du parti justifie sa place dans le dispositif

- Les nécessités du développement économique institutionnel. Ainsi, le parti unique put être de droit ou de fait. De
droit, le parti unique constitue dans certains pays la première
institution de l’Etat. Dans ce cas, « c’est le parti unique qui
structure, informe et impulse l’Etat. Il est l’Etat, il se confond
avec lui. On parle de parti-Etat. La constitution consacre un
titre particulier au parti unique ». Il en est ainsi au Bénin, au
Gabon, au Zaïre, au Togo. Au Bénin et au Congo, le parti unique
est d’obédience Marxiste-Léniniste.
De fait, les autorités refusent la légalisation des partis politiques,
bien qu’il existe une disposition expresse de la constitution à cet
effet. De même, certaines formations politique sont dissoutes.
D’autres sont contraintes de se fondre dans le parti au pouvoir,
sous peine de disparaître, c’est le cas en Guinée, au Sénégal, au
Cameroun, en Côte d’Ivoire, etc. On parle alors de parti unifié. En
réalité, en dehors du processus de création des formations
politiques, il n’existe aucune différence entre le parti unique
institutionnalisé et le parti unifié.
L’un et l’autre sont des partis uniques totalitaires, en ce sens qu’ils
ne tolèrent pas de parti d’opposition et fournissent une explication
globale de la réalité politique.
➢ Les transitions démocratiques
Au début des années 1990, l’Afrique noire a été confronté à des
aspirations politiques, économique et sociales. Ces changements
ont eu pour conséquence la chute des régimes de parti unique et
le renouveau démocratique avec la restauration du multipartisme.
La restauration, c’est l’action de restaurer, de remettre en vigueur,
de rétablir. En d’autres termes, elle renvoie à l’existence d’une
situation antérieure qu’il faut rétablir. Tel est le sens à donner à ce
terme tout au long de ces développements.
Par ailleurs, la transition est définie, selon le professeur Francis
Wodié, comme le passage graduel d’un état (situation) à un
autre ; elle décrit ce stade intermédiaire (interrègne) qui sépare
autant qu’il unit deux moments, d’un même temps (…).
La transition démocratique désigne, ici, le passage continu
d’un système posé ou supposé non démocratique à un
système proposé comme devant l’être. C’est le passage d’un
état à un autre ou d’un stade intermédiaire.
La transition politique est le stade intermédiaire entre le
gouvernement d’un petit nombre et le gouvernement du
peuple (Démocratie), qui impliquerait de facto l’exercice de sa
souveraineté par ce peuple. Précisément, la transition
démocratique c’est le processus qui va de la remise en cause des
régimes de parti unique avec leur corollaire de corruption, de
détournement de deniers publics, de violation flagrante des droits
de l’homme, à l’instauration du pluralisme démocratique.
• Les modalités de la transition démocratique
- Les conférences nationales souveraines
Dans les Etats d’Afrique noire francophone, la convocation des
conférences nationales ne s’était pas faite avec la volonté
expresse de rendre celle-ci souveraine. Dans certains pays, l’idée
de recourir à ce procédé émanait soit de la volonté du
gouvernement en place, soit d’un pacte conclu entre le
gouvernement et l’opposition, ce qui supposait de ménager la
susceptibilité de ceux qui détenaient encore le pouvoir.
La souveraineté de la conférence nationale signifie que les
actes adoptés par cette assemblée sont exécutoires.
Selon Maurice Kamto, ce sont des actes « absolus,
irrévocables et insusceptibles de contrôle, de validation ou
d’abrogation par une autre instance que la conférence
nationale.
Elle signifie aussi que l’institution est indissoluble jusqu’à son
terme, sauf auto-dissolution, qu’aucun pouvoir ne lui est
supérieur, et que nulle autre instance qu’elle ne peut
suspendre son fonctionnement.
L’auto-proclamation de la souveraineté de la conférence nationale
soulève ainsi un problème d’ordre juridique. La souveraineté, c’est
l’autorité suprême disposant du pouvoir ultime, irrévocable et
inaliénable dans la hiérarchie politique.
Dans la conception de l’Etat démocratique moderne, cette
souveraineté appartient au peuple, qui est en même temps la base
et le sommet de la hiérarchie politique. Mais, à travers les
élections, il peut conférer à des représentants les attributs de cette
souveraineté, afin qu’ils prennent les décisions en son nom dans
un espace de temps bien déterminé. Au travers de cette définition,
l’auto-proclamation de la souveraineté des conférences nationales
était illégitime. Le peuple ne s’était pas prononcé souverainement
pour donner un mandat aux délégués de décider dans un sens ou
dans un autre. Ces derniers vont invoquer le caractère consensuel
de leur désignation, qui leur attribue une représentativité certaine
et les autorise donc à proclamer la souveraineté de la conférence.
Cette position va être contestée par les juristes proches des
gouvernements en place, qui ne voulaient, à travers ces assises,
qu’une réunion des partis politiques avec un pouvoir de
consultation sur les problèmes politiques du moment et non une
assemblée souveraine ayant des pouvoirs constituants.
- Les conférences nationales non souveraines
« La conférence nationale non souveraine » ou à «
souveraineté limitée », selon les expressions du Pr. Kamto, ne
posent pas de difficultés sur le plan juridique.
Elle se conçoit simplement comme un large forum de
discussion dont les conclusions sont remises au pouvoir en
place, qui en dispose à sa guise. Si elle est mi-souveraine, la
conférence nationale devient une institution publique ad-hoc ayant
une fonction normative mais pas exécutive. Cette formule combine
en effet la force exécutoire des décisions de la conférence avec le
respect des institutions publiques qui sont chargées de leur
application. Elle n’entraine donc pas la mise entre parenthèses,
suivie de la table rase, des institutions constitutionnelles existantes
dans le cas d’une conférence nationale souveraine.
De fait, la conférence nationale du Gabon s’apparente à une
négociation où chaque camp a fait des concessions sur la base
d’arguments juridiques ou constitutionnels. « La conférence
nationale a pour objet de proposer des orientations
appropriées, en vue de conduire la nation vers la démocratie
véritable et multi partisane, ces propositions seront
adressées au Président de la République pour leur insertion
dans les lois et règlements de la république ».
Au Gabon, l’absence de souveraineté de la conférence nationale
permet au Professeur Omar Bongo de rester maître du jeu
politique, même si son pouvoir est très sérieusement secoué. De
plus, le contenu des travaux est réduit à des propositions dont le
caractère d’urgence est laissé à l’appréciation du Pr Omar Bongo.
Il en décide en fonction de son intérêt. Il n’hésite pas à rappeler
aux participants de la conférence que : « La conférence me fait
des propositions. J’accepte ou je refuse ». Assistant à tous les
travaux de la conférence nationale, « le Président de la République
a précisé qu’il est l’initiateur de la conférence nationale à laquelle
il a donné toute latitude pour réfléchir sur la situation de notre pays,
et de faire des propositions appropriées, bien qu’il ne juge point
nécessaire de légaliser ces conférences… ».
Cette référence à la volonté personnelle du Président de la
République représente la preuve que M. Omar Bongo est maître
du processus de démocratisation, et il entend conserver l’essentiel
de ses prérogatives. Cette idée est confortée par l’effort du bureau
de la conférence nationale consistant donc continuellement à
obtenir l’aval du chef de l’État pour trouver des réponses au
préalable et de poursuivre les travaux. En effet, le rapport du
bureau indique bien que c’est après les réponses positives
données par le Président de la République aux préalables posées
par certaines associations que la conférence s’est penchée sur le
projet d’ordre du jour, et pour enfin aboutir au consensus qui s’est
dégagé autour des diverses idées formulées dans les actes de la
conférence nationale.
 TITRE I : LES VISAGES DU CONSTITUTIONNALISME
Constitutionnalise : mouvement d’adoption des constitutions.
CHAPITRE I : La rupture de l’ordre constitutionnel
Elle se matérialise à travers :
- Le coup d’Etat ;
- La révolution ;
- L’insurrection populaire ; - Etc.
L’ordre constitutionnel renvoie à l’ordre établi par la
constitution, qui détermine le régime politique en vigueur, les
modes de dévolution du pouvoir, les institutions de la
République, etc.
La constitution, en tant qu’ordre, désigne une situation stable
à un moment donné, des rapports de pouvoirs sociaux et
politiques : un ensemble de règles juridiques positives.
L’ordre constitutionnel est souvent assimilé à l’ordre démocratique.
Mais les deux concepts, bien que très proches, n’expriment pas la
même réalité.
Alors que l’ordre constitutionnel renvoie à l’architecture
institutionnelle, l’agencement des organes, l’énoncé des
normes et des règles constitutionnelles, l’ordre démocratique
renvoie beaucoup plus à l’accession et la conservation du
pouvoir politique. Il place le peuple au centre de ses
préoccupations. Dès lors, l’ordre démocratique est souvent
contenu et prévu dans la constitution. Ainsi, les règles relatives à
la condition du pouvoir (L’accès et la cessation des fonctions) :
l’élection au suffrage universel direct, les règles relatives à la
candidature aux élections politiques, la liberté de participation des
électeurs, l’indépendance et l’impartialité de l’organe électoral, la
transparence du processus électoral, la prévision et la crédibilité
de la justice électorale, participent d’un ensemble de règles
destinées à bâtir l’ordre démocratique. On le voit, la condition
d’accès et de transmission du pouvoir politique, la gestion du
pouvoir selon des procédures démocratiques, l’association,
directement ou indirectement, du peuple à la décision publique
constituent les éléments moteurs de l’ordre démocratique.
La mise en cause de l’ordre constitutionnel impacte forcément
l’ordre démocratique, les soulèvements populaires ou les
révolutions qui permettent au peuple de renverser des autorités
légitimes auxquelles on reproche la gestion autoritaire du pouvoir
politique emporte l’ordre démocratique. Dès lors, l’ordre
constitutionnel et l’ordre démocratique semblent êtres liés dans
leurs destins.
A. Les modalités de rupture de l’ordre constitutionnel
1. Le coup d’État
Les coups d’État sont devenus une préoccupation majeure des
dirigeants africains. Ainsi ont-ils adopté des mesures fortes pour
résorber ce phénomène, qui constitue une source d’instabilité
politique dans le continent.
Les chefs d’État et de gouvernement reconnaissent que le
phénomène des coups d’État a provoqué une violation
flagrante des principes fondamentaux de notre organisation
continentale et de l’organisation des nations unies.
Ce phénomène est également en contradiction avec la position
adoptée par notre organisation en 1997, à Harare, à la suite du
coup d’État intervenu en Sierra Leone, position par laquelle les
États membres ont, sans équivoque, condamné et rejeté tout
changement anticonstitutionnel de gouvernement.
Nous réaffirmons que les coups d’État sont regrettables et
inacceptables sur notre continent, d’autant plus qu’ils
surviennent au moment où nos peuples sont engagés à
respecter l’État de droit, fondé sur la volontaire populaire
exprimée par la voie des urnes et non par la force (Déclaration
sur le cadre pour une réaction rapide de l’OUA face aux
changements anticonstitutionnels de gouvernement, 12 juillet
2000, au Togo).
En droit constitutionnel classique, le coup d’État était présenté
comme un phénomène exceptionnel. Un pouvoir de fait se
substitue à un régime démocratique en employant des procédés
violents de prise du pouvoir politique. Selon Carré de Malberg, «
Les mouvements révolutionnaires et les coups d’État offrent
ceci de commun que les uns et les autres constituent des
actes de violence et s’opèrent par conséquent en dehors du
droit établi par la constitution en vigueur. Dès lors, il serait
puéril de se demander, en pareils cas, a qui appartiendra
l’existence légitime du pouvoir constituant. A la suite d’un
bouleversement politique résultant de tels événements, il n’y a
plus ni principe juridique, ni règle constitutionnelle : on ne se
trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la
force. Le pouvoir constituant tombera aux mains du plus fort.
Tantôt on verra au lendemain d’un coup d’État un dictateur
imposer au pays une constitution qui sera son œuvre personnelle.
Tantôt ce sera une assemblée qui se saisira du pouvoir
constituant, et qui, s’érigeant en constituante, refera une
constitution… » (Contribution à la théorie générale de l’État,
réédition Dalloz, 2004).
a. Tentative de définition et de position du problème
Le coup d’État est défini par J.P Panabel comme étant « Une
pratique volontaire et consciente de l’armée, ou d’une partie
de celle-ci, pour s’emparer des institutions étatiques, et
occuper le pouvoir d’État. La plupart des prises de pouvoir
ressemble à des coups de main. Elles ne dépassent pas les
alentours du palais présidentiel, du siège des différentes
institutions et de quelques centres stratégiques de la capitale
».
Pour Olivier Duhamel et Yves Meny « Le coup d’État s’analyse constitution. En effet, les militaires ont estimé que les régimes civils
en un changement de gouvernement opéré hors des avaient échoué en appliquant la constitution ou en ne l’appliquant
procédures constitutionnelles en vigueur, par une action pas du tout dans les domaines du développement économique, de
entreprise au sein même de l’État, au niveau de ses dirigeants la lutte pour une bonne gestion de l’État et de la consolidation de
ou de ses agents ». l’unité nationale. Et les partis politiques, l’existence d’un exécutif et
d’un législatif avec les listes de renversement de gouvernement,
Dans la terminologie des organisations supranationales
l’aménagement des libertés individuelles, tous ces facteurs ont été
africaines, on utilise le terme « Changement anticonstitutionnel
considérés par les militaires comme ayant secrété cette situation,
de gouvernement ».
et donc incompatibles avec tout effort de développement national.
Le changement anticonstitutionnel de gouvernement, dans sa
Mais, très rapidement, les coups d’État militaires se sont révélés
version stricte, doit englober d’abord les auteurs de coups d’État
comme une fausse alternative parce que les militaires se sont
militaires stricto sensu.
rendu compte qu’ils n’étaient pas du tout libres de leurs
Par changement anticonstitutionnel de gouvernement, il faut
agissements.
entendre, en vertu de l’article 23 de la charte africaine de la
Cet échec des régimes militaires a été le prélude des
démocratie, des élections, le putch, le coup d’État,
revendications démocratiques sur le continent. Avec la transition
l’intervention de mercenaires ou de rebelles, ou encore le
démocratique, les nouvelles constitutions adoptées en vue
refus de la part d’un gouvernement sortant de reconnaitre le
d’encadrer juridiquement la conquête et l’exercice du pouvoir
vainqueur des élections.
rejettent le coup d’État.
Dans une première acception, le changement anticonstitutionnel
On pensait que le mouvement de contestation populaire des
de gouvernement vise les coups d’État perpétrés par les militaires.
régimes autoritaires ayant donné naissance aux constitutions de la
Plus nombreuse et plus violente, cette forme de prise du pouvoir transition démocratique qui légitiment le pouvoir des gouvernants
est rencontrée dans la plupart des pays africains. Avant la
par le suffrage universel allait éradiquer l’intervention de l’armée
transition démocratique des années 90, elle constituait un mode
dans la vie politique africaine.
normal de dévolution du pouvoir politique. Avec la période des
coups d’État, s’ouvre une parenthèse de non-application de la
Mais, à l’épreuve des faits, cette conception est apparue illusoire.
Depuis, on a assisté au retour des militaires au pouvoir au point
qu’on a pu parler d’institutionnalisation du coup d’État. Le
renversement des régimes pluralistes remet en cause les acquis
de la transition démocratique, et hypothèque l’exercice des libertés
publiques, fait peser l’instabilité à la tête de l’État, et dissuade les
opérateurs économiques à investir dans le pays considéré.
Toujours, dans sa version stricte du coup d’État, le changement de
gouvernement qui suffit à la qualification du coup d’État renvoie à
l’occasion au simple renversement d’un dictateur, sans que cette
action, étrangère à la constitution, n’entraine généralement pas de
conséquences sur le régime politique qui subsiste. La qualification
n’exige pas le changement de régime.
Il se développe de plus en plus en Afrique ce qu’on a qualifié de
coup d’État « démocratique ». Ce sont des coups de force qui
permettent de sauver la démocratie. En effet, lorsqu’un Président
de la République accède démocratiquement au pouvoir, excède
ses fonctions jusqu’au terme constitutionnel des deux mandats,
modifie la constitution en vue de se pérenniser au pouvoir, il fausse
le jeu de la démocratie. En effet, la démocratie implique la gestion
du pouvoir dans un espace temporel bien délimité ; en ne
respectant pas cette prescription constitutionnelle, les dirigeants
en place portent atteinte au principe de l’alternance politique.
Dans ce contexte, le coup d’État militaire qui met un terme à cette
confiscation du pouvoir politique par des autorités civiles
démocratiquement et légitimement élues est considéré comme
salvateur. Les coups d’État dits salvateurs sont perpétrés par les
militaires jouissant généralement d’une bonne estime dans leur
corps et au sein de la population. S’agissant des objectifs des
putschistes, ils sont fondamentalement différents. Dans le premier
cas, et quelles que soient les raisons avancées pour justifier leur
intervention, l’objectif principal des militaires est de renforcer le
pouvoir et de l’exercer à la place du président renversé ; on change
l’homme sans révolutionner le régime. C’est donc la soif du pouvoir
qui est, ici, le mobile inavoué du coup. En ce qui concerne les
coups d’États de la seconde catégorie, ils sont guidés par le désir
des putschistes d’éviter la catastrophe à laquelle semble conduire
l’exercice d’un régime devenant de plus en plus autoritaire.
Le pouvoir renversé par le coup d’État a été élu parce qu’il se
réclamait d’une certaine idée de droit, de l’idée démocratique. Tant
qu’il agissait conformément à cette idée, il était légitime, obtenait
l’adhésion et l’obéissance de tous. A partir du moment où il a
commencé à contrevenir durablement à cette idée, il a rempli le
pacte qui fondait sa légitimité. On peut alors considérer que le
peuple était de ce fait délié de tout devoir d’obéissance, et que le
coup d’État, qui survient dans ces conditions, est salutaire pour la
survie de la démocratie. Le premier coup d’État à objectif
démocratique en Afrique a eu lieu au Mali en 1991 ; Amadou pouvoir militaire au pouvoir civil implique le respect de la
Toumani Touré, à la tête de la junte, s’empare du pouvoir. suprématie du civil sur le militaire.
Le principe de la suprématie du pouvoir civil présuppose
Causes des coups d’État :
l’existence d’un gouvernement civil respectueux de la loi. Tout
- Corruption ;
effort d’établir cette suprématie perd son sens si les
- Détournement de deniers publics ;
gouvernements ne sont pas respectueux ni des libertés
- Politisation du fait ethnique ou tribal ;
individuelles, ni de la démocratie, et voit dans l’armée un
- Désordre causé par la classe politique ;
instrument de répression des forces sociales. L’on peut
- Etc.
difficilement obtenir de l’armée et de façon durable une loyauté
Jean Bedel Bokassa au moment de prendre le pouvoir en
sans faille à l’égard des gouvernements corrompus, parvenus
Centrafrique : « S’il y a un jour la pagaille ici, je n’hésite pas,
illégalement au pouvoir, et s’employant à ruiner les mécanismes
je prends le pouvoir pour mettre de l’ordre ».
de la démocratie. Or, une société sans tradition démocratique ne

b. La subordination du pouvoir militaire au pouvoir civil
La subordination des militaires aux civils doit être le signe palpable
de leur volonté de se désengager du pouvoir politique. La
démocratie est précisément le cadre dans lequel cette mutation est
possible. L’institutionnalisation du pouvoir suppose que la
démocratie doit pouvoir favoriser le principe de subordination.
Cette mutation vers une armée beaucoup moins pesante et plus
républicaine appelle quelques réformes. Il importe avant tout de
clarifier les compétences en matière militaire entre
composantes de l’exécutif et du législatif, avec à la clé une
répartition minutieuse des rôles. Par ailleurs, la subordination du
peut engendrer des gouvernements respectueux des règles
relatives au pouvoir politique.
Si l’on veut que le principe de la supériorité de l’autorité civile
sur l’armée devienne une réalité en Afrique, il faut que les
gouvernants soient issus d’élections libres, transparentes et
régulières ; que l’exercice du pouvoir soit démocratique et
évitant d’instrumentaliser les contrepouvoirs, notamment la
justice et, surtout, les juridictions constitutionnelles, en se
gardant surtout de tripatouiller la loi fondamentale et le code
les
électoral, en vue d’empêcher toute possibilité d’alternance.
c. La consécration constitutionnelle de la répression
des coups d’État
Plusieurs constitutions africaines issues de la transition
démocratique interdisent clairement le coup d’État comme
mode d’accès au pouvoir. Cette prohibition est l’une des
innovations majeures de la démocratisation des années 1990.
La constitution béninoise du 11 Décembre 1990, par exemple,
dispose ainsi que « Toute tentative de renversement du régime
constitutionnel par les forces armées ou de sécurité sera
considéré comme une forfaiture et un crime contre la nation
et l’État ».
La même formule, employée par la constitution centrafricaine,
diffère légèrement : « L’usurpation de la souveraineté par coup
d’État, rébellion ou mutinerie, constitue imprescriptible
contre le peuple centrafricain ».
L’article 185, alinéa 1er, de la constitution nigérienne en offre
le parfait exemple : « Une amnistie est accordée aux auteurs,
co-auteurs ou complices du coup d’État du 18 février 2010 ».
La même constitution mentionne, au nombre des dispositions qui
ne peuvent faire l’objet « d’aucune révision », celles de l’article
185, alinéa 2.
En RDC, la constitution de 2006 dispose, en son article 64, que
: « Tout congolais a le droit de faire échec ou groupe
d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en
violation des dispositions de la présente constitution.
Toute tentative de renversement du régime constitutionnel
constitue une infraction imprescriptible contre la nation et
l’État. Elle est punie conformément à la loi ».
2. La révolution
Rupture brutale avec le passé, discontinuité du droit, la révolution
obéit à sa propre loi et ignore les procédures prévues
antérieurement pour procéder au changement des règles établies.
Source de sa propre légitimité, la révolution n’a pas besoin d’autre
titre. Elle implique des changements profonds dans tous les
secteurs. Peut-on changer profondément une société sans que
son droit subisse de véritables mutations ? Plus que de simples
mutations, la révolution implique la métamorphose de l’ancien droit
ne pouvant pas ressusciter les facteurs qui constituent la
substance de son existence. Dans le même ordre d’idées, les
changements politiques irréguliers qualifiés de coup d’État se
distinguent de la révolution. Celle-ci constitue un phénomène de
portée plus étendue. Elle est considérée comme génératrice d’un
nouvel ordre social aussi bien que politique. Cette action peut
fréquente résulte d’une action non limitée à l’appareil d’État, mais
d’un mouvement populaire puissant, spontané, ou encadré, dont
la force balaie l’ordre établi.
Selon Carrée de Malberg : « lors d’une révolution, la
constitution nouvelle ne sera point confectionnée selon la
procédure, le mode constituant et les formes qui avaient été
prévus et prescrits par sa devancière, celle-ci ayant été
radicalement détruite par l’effet même du coup d’État ou de la
révolution ».
Dés lors, à partir du moment où entre la constitution ancienne et le
texte de transition, Carré de Malberg considère qu’il n’existe pas
de « lien juridique », on doit logiquement conclure qu’entre les
deux normes il y a « un intervalle de crise, un interrègne
constitutionnel durant lequel la puissance constituante serait
constituée par des personnages qui, avec la force, se sont
emparés de ce pouvoir ».
La Tunisie a connu une vraie révolution dont les effets se
poursuivront dans le temps. Cette révolution a débouché sur
l’effondrement d’un régime dans sa totalité. En effet, la Tunisie a
choisi de faire table rase de l’ordre constitutionnel en vigueur
depuis le 1er Juin 1959, et de bâtir une nouvelle constitutionnalité,
à travers l’élection d’une assemblée nationale constituante
appelée à doter le pays d’une nouvelle constitution dans un délai
d’une année à partir de son élection. En attendant, la Tunisie vit,
depuis la révolution du 14 Janvier 2011, sous le signe de la
transition. Le départ du Président Ben Ali a été acté le 15 Janvier
2011. Dans une déclaration datée de ce jour, le conseil
constitutionnel affirme : « Après lecture de la lettre qui lui a été
adressée par le Premier
Ministre, en date du 15 Janvier 2011 ;
Après avoir pris connaissance des dispositions de l’article 57 de la
constitution, concernant la vacance de la présidence de la
république ;
Attendu qu’il ressort de la lettre que le Président… a quitté le pays
sans déléguer ses pouvoirs au
Premier Ministre, conformément à l’article 56 de la constitution ;
Attendu qu’il n’a pas présenté sa démission de ses fonctions à la
tête de l’État ;
Attendu que le départ s’est déroulé dans les circonstances
actuelles qui prévalent dans le pays, et après avoir décrété l’État
d’urgence ;
Attendu que l’absence du Président de la République de cette
façon l’empêche d’exercer pleinement ses fonctions, ce qui
représente un cas d’empêchement absolu à l’exercice de ses
fonctions, en vertu de l’article 57 de la constitution ; Le conseil
déclare :
1. La vacance définitive du poste de Président de la République;
2. Les conditions constitutionnelles sont remplies pour que le
président de la chambre des députés assume immédiatement les
fonctions de Président de la République par intérim. Les présidents
de la chambre des députés et de la chambre des conseillers sont
tenus informés de cette déclaration ».
Ainsi s’ouvrait une première période transitoire « constitutionnel maximum de 60 jours. Ainsi, la date du 24 Juillet fut
constitutionnelle » régie par l’article 57 de la constitution. avancée pour ces élections.
Elle durera, comme le prévoit le texte, 60 jours. Il ne fait pas de Cependant, la formation, le 17 janvier 2011, du nouveau
doute que le régime de l’article 57 était en réalité peu adapté à la gouvernement dit d’unité nationale, dans lequel figuraient
situation d’effervescence révolutionnaire que traversait le pays. plusieurs personnalités ayant occupé des postes au sein du
L’intérim, limité à une période de 45 à 60 jours, devrait se clore gouvernement ou du parti au pouvoir, provoqua la colère populaire
normalement le 15 Mars 2011, au plus tard, par l’organisation et donna lieu, à partir du 20 février, à un mouvement de
d’élections présidentielles. contestation dénommé « la kasbah II ». Elle est marquée par
l’occupation du siège du gouvernement à Tunis par les
Par ailleurs, si le Président par intérim disposait des
manifestants, réclamant, entre autres, l’élimination de toutes les
attributions normalement dévolues au Président de la
pontes du régime et une nouvelle constitution. Le 28 février, le
République, il n’avait cependant pas la plénitude des
Premier Ministre, malgré un remaniement de son gouvernement,
compétences présidentielles, puisqu’il ne pouvait pas
et face à la persistance du mouvement de contestation, dut
recourir au référendum, ni démettre le gouvernement, ni
démissionner. Un nouveau Premier Ministre, en la personne de
dissoudre la chambre des députés, ni prendre les mesures
Monsieur Beji Said Essebsi, était pressenti. Le Président par
exceptionnelles nécessitées par les circonstances (Article 46
intérim annonça une nouvelle feuille de route, c’est-à-dire le
de la constitution). Au cours de cette période, il ne pouvait de
renoncement à l’élection présidentielle et l’organisation d’élection
même pas y avoir ni modification de la constitution, ni
d’une assemblée nationale constituante.
présentation d’une motion de censure ; seulement
Le 07 mars, le nouveau gouvernement, formé de technocrates,
l’organisation d’élections présidentielles, seulement
entra en fonction, et le 15, un nouveau texte portant organisation
l’organisation d’élections présidentielles. Or, il était clair et
des pouvoirs publics entra en vigueur, scellant ainsi l’enterrement
largement admis, en vertu d’un accord tacite entre les différentes
de la constitution du 1er janvier 1959.
forces politiques que l’article 57 ne pouvait pas être
scrupuleusement respecté, et surtout que les élections
3. L’insurrection ou la révolte populaire
présidentielles ne pouvaient pas avoir lieu dans le délai
La révolte populaire est le fait d’une partie du peuple qui La déconstitutionnalisation sera entendue au sens du
conteste le gouvernement en place, au moyen de professeur Maurice Kamto. Ainsi, elle est définie comme «
manifestations de rue, parfois violentes. l’opération par laquelle le constituant révolutionnaire abroge
Quant à la révolution, elle vise le renversement de l’ordre la constitution en vigueur, au moment de la révolution, avant
social et juridique établi et son remplacement par un nouvel d’enclencher le processus d’adoption d’une nouvelle
ordre. Elle « présuppose la suspension du fonctionnement constitution ». Dans le même ordre d’idées, « ce processus
normal du droit pour instaurer un nouvel ordre ». d’adoption d’une nouvelle constitution » sera désigné par le terme
Il peut arriver que la révolte populaire ou l’insurrection populaire se « reconstitutionnalisation ». Entre ces deux opérations
transforme en une révolution qui va détruire l’ordre juridique et (déconstitutionnalisation et reconstitutionnalisation),
politique et politique existant, en vue de son remplacement par un s’instaure généralement un régime transitoire fondé sur un acte
nouvel ordre. fondamental, et portant organisation des pouvoirs publics pendant
Exemple : Burkina Faso (Abdoulaye Soma, réflexions sur le la transition. La charte constitutionnelle du 18 juillet 2013 de la
changement insurrectionnel au Burkina Faso, revue Cames ; Centrafrique est révélatrice de cette situation. Elle dispose que «
Ouédraogo, Libres propos sur la transition au Burkina Fasso, la présente charte constitutionnelle abroge la constitution du
Afrilex février 2015 ; propos inquiétants sur la dissémination des 24 décembre 2004 à compléter par l’étudiant en cherchant ladite
régimes de transition constitutionnelle en Afrique). charte (Article 107) ».

B. Les conséquences de la rupture de l’ordre - Les sanctions de la rupture de l’ordre constitutionnel

constitutionnel
Il existe deux types de sanctions à la violation de l’ordre
- La déconstitutionnalisation/reconstitutionnalisation ; constitutionnel : des sanctions personnelles et des sanctions
- Les sanctions de la rupture de l’ordre constitutionnel ; institutionnelles.

- La mise en place des gouvernements d‘union nationale ; Au titre des sanctions personnelles, on peut relever

- Les accords politiques. l’interdiction de voyager des autorités de fait, le gel des
avoirs, qui consiste au blocage des comptes des auteurs du
- La déconstitutionnalisation changement anticonstitutionnel de gouvernement pour les
contraindre soit à quitter rapidement le pouvoir, soit à gouvernement ne doivent ni participer aux élections
organiser des élections dans un délai raisonnable, soit à fixer organisées pour la restauration de l’ordre démocratique, ni
un calendrier pour le déroulement rapide de la transition, afin occuper des postes de responsabilité dans les institutions
de remettre le pouvoir à des autorités légitimes. Il peut arriver, politiques de leur État ».
au demeurant, que les sanctions personnelles soient couplées La deuxième catégorie de sanctions qui vise l’État en tant qu’entité
avec les sanctions institutionnelles. est la suspension de celle-ci des instances internationales. A
cet égard, le conseil de paix et de sécurité de l’union africaine, à
Par sanctions institutionnelles, on entend les sanctions visant
l’issue de sa 165ème réunion du 29 décembre 2008, soit sept jours
l’État en tant qu’entité souveraine.
après le coup d’État, a décidé « de suspendre la participation de
Au Mali, la CEDEAO a pris des mesures radicales face aux
la Guinée aux activités de l’union africaine jusqu’au retour de
manœuvres dilatoires de la junte militaire, qui refusait de fixer le
l’ordre constitutionnel. Réaffirme sa détermination à prendre
délai de la transition. Le communiqué final du sommet des chefs
les autres mesures prévues pour hâter le retour à l’ordre
d’États et de gouvernements du 09 Janvier 2022 est sans
constitutionnel ».
ambiguïté : « … (d) Le gel des avoirs de la République du Mali
A Madagascar, la crise institutionnelle a amené le conseil de paix
dans les banques centrales de la CEDEAO ; (e) le gel des
et de sécurité de l’union africaine à intervenir lors de sa 181ème du
avoirs de l’État malien et des entreprises publiques et
20 Mars 2009. Il « constate qu’à la suite de la démission du
parapubliques dans les banques commerciales des pays de
Président Marc RAVALOMANANA le transfert du pouvoir a été
la CEDEAO ».
fait en violation flagrante des dispositions pertinentes de la
Une autre sanction est consécutive à l’interdiction faite aux auteurs
constitution malgache, et que les décisions subséquentes de
des changements anticonstitutionnels de gouvernement de se
transférer les fonctions de président de la République à
présenter aux élections qui suivent immédiatement le coup d’État
Monsieur Andry Rajoelina constitue un changement
en vue de la restauration de l’ordre constitutionnel. Elle trouve sa
anticonstitutionnel de gouvernement. Condamne fermement
source dans la CADEG (Charte Africaine de la Démocratie des
ce changement anticonstitutionnel de gouvernement ».
Élections et le Gouvernance). En vertu de l’article 25.4 de la
CADEG : « Les auteurs de changement anticonstitutionnel de
Le CPS « décide de suspendre la participation de Madagascar
aux activités de l’union africaine jusqu’à la restauration de
l’ordre constitutionnel.
Exprime sa détermination à imposer toutes les mesures
prévues y compris des sanctions à l’encontre des auteurs du
changement anticonstitutionnel si l’ordre constitutionnel
n’est pas rétabli ».
- L’effectivité relative des sanctions contre
changements anticonstitutionnels de gouvernement
La criminalisation des changements anticonstitutionnels de
gouvernement implique la prise de sanctions en vue du
rétablissement de l’ordre constitutionnel. Mais depuis la création
de l’union africaine et l’adoption des instruments juridiques
prohibant le renversement de l’ordre constitutionnel, l’expérience
a montré que les espoirs n’ont pas apporté les fruits attendus.
Au résultat, il faut reconnaitre que le cadre juridique connait
certaines limites. En effet, ni l‘acte constitutif de l’union
africaine, ni la charte africaine de la démocratie, des élections
et de la gouvernance, encore moins le protocole de la
CEDEAO sur la gouvernance et les élections ne prévoient la
sanction suprême : l’exclusion de l’État d’une organisation
internationale pour manquement à ses obligations de
rétablissement de l’ordre constitutionnel en cas
renversement d’un régime démocratique.
Sur un autre registre, une autre limite est relative à la
proportionnalité et à la prévisibilité des sanctions. Parfois, les
sanctions au refus de rétablissement de l’ordre constitutionnel
semblent disproportionnées.
Par exemple, dans le cadre du Mali, l’appréciation du contexte
socio-politique et la prise en compte du caractère
multidimensionnel de la crise devrait amener les dirigeants de la
CEDEAO à prendre des sanctions mesurées.
les
L’objectif des sanctions est d’accélérer le processus de retour
à l’ordre constitutionnel. Les dirigeants de la CEDEAO n’ont pas
manqué d’insister sur ce fait lors du sommet extraordinaire
consacré au Mali. « Ces sanctions ont été prises pour faciliter
le retour à l’ordre constitutionnel au Mali, nécessaires pour la
paix, la stabilité et la croissance. En excluant les biens et
services essentiels de base, les sanctions ont été conçues
pour éviter un impact sur les populations.
Par ailleurs, compte-tenu des effets potentiellement
déstabilisateurs de cette transition pour le Mali et la région, la
conférence décide d’activer immédiatement la Force en
attente de la CEDEAO, qui doit se tenir prête à toute
éventualité ».
II. La mise à l’épreuve de l’idée de constitution
de
A. La désacralisation de l’idée de constitution
- Suspension & abrogation de la constitution : - La lutte contre les fléaux et calamités ;
Dès que les putschistes arrivent au pouvoir, leur premier réflexe - Les conventions internationales relatives aux engagements
est de suspendre la constitution (Exemple : Mali, Guinée). financiers de l’État ».

Signalons que pendant cette période et celle qui va suivre, un

B. L’exemple de la Tunisie organe représentatif quasi législatif a été institué : il s’agit de
l’instance supérieure pour la sauvegarde des objectifs de la
- Processus de remplacement de la constitution
révolution, des réformes politiques et de la transition
En Tunisie, l’enterrement de la constitution a été précédé par la
démocratique. Malgré son caractère strictement consultatif, cette
mise en veilleuse des organes législatifs dont la composition
instance a joué un grand rôle politique (contrôle du gouvernement
politique devenait totalement en déphasage avec la donne
et élection de l‘instance supérieure indépendante pour les
révolutionnaire. En effet, par la loi n°2011-05 du 09 février 2011,
élections) et législatif (proposition de textes fondamentaux comme
prise sur la base de l’article 28 de la constitution, à la suite de deux
la loi électorale).
séances de la chambre des députés et de la chambre des
conseillers, le président de la République par intérim recevait une
délégation quasi générale du pouvoir législatif.
La loi habilitait le chef de l’État par intérim à prendre des décrets-
lois dans les domaines suivants : «
- L’amnistie générale, les droits de l’homme et les libertés
fondamentales ;
- Le système électoral, la presse, l’organisation des partis
politiques, les associations et les organisations non
gouvernementales ;
- La lutte contre la corruption ;
- Le développement économique, la promotion sociale, les
finances et la fiscalité ;
- La propriété, l’éducation et la culture ;
CHAPITRE 2 : LE RÉTABLISSEMENT DE L’ORDRE évincées par la force de retrouver l'intégralité de leurs fonctions
CONSTITUTIONNEL constitutionnelles. Ce qui est souvent difficile voire impossible de

Le rétablissement ou la restauration de l’ordre constitutionnel n’est remettre la situation antérieure en état. Il est mis en place un

pas étranger au droit public contemporain. On a pu parler de régime transitoire favorisant le retour d’un pouvoir civil avec des

restauration de l’État, de rétablissement des « autorités légitimes autorités élues.

» de rétablissement d’un gouvernement renversé ou dissout » à la On relève ici l'implication hâtive des organisations internationales

suite d’un coup d’État. Ces différentes terminologies impliquent régionales ou sous régionales qui oblige le retour a l'ordre

une rupture avec l’ordre normal ou le fonctionnement régulé des constitutionnel. Elle impose le respect des dispositions

structures étatiques qui est mis à rude épreuve. Ainsi, le constitutionnelles qui le plus souvent reflètent un ordre

rétablissement de l’ordre constitutionnel s’entend du constitutionnel régional ou sous régional qui se développe de plus

déploiement des mécanismes juridiques et de l’exigence en plus. On a pu parler de « constitution de la CEDEAO » pour

ferme de respecter le cadre constitutionnel propice au qualifier les règles de convergence constitutionnelle adopter

fonctionnement normal des institutions d’un pays. dans l'espace CEDEAO. La charte Africaine de la démocratie

« Rétablir » signifie remettre en place une situation antérieure, des élections et de la gouvernance (CADG) qualifiée aussi de

remettre au goût du jour, restaurer le cadre juridique et les "constitution internationale », s’inscrit aussi dans cette

institutions d’un pays. démarche continentale de promotion de la démocratie, des

élections, de l'Etat de droit, et du respect des droits de l’homme.
A la lumière de ces considérations, le rétablissement de l'ordre
Cette évolution impose une surveillance réciproque des Etats dans
constitutionnel s'explique comme l'exigence d'une restauration et
leurs pratiques démocratiques. Elle demande le changement de
d'un régime prévu par la constitution d’un Etat qui a été suspendu
perspective du droit constitutionnelle qui s'internationalise mais
à la suite d'un coup d’État, d'une révolution ou d'une insurrection.
aussi du droit international contemporain lui-même. Si le droit
Il s'agit ici de mettre en terme en une confiscation de la
international public classique repose sur le respect de la
souveraineté par le pouvoir par le biais de mécanismes anti
souveraineté des États et l’indifférence par rapport au régime
démocratique de prise du pouvoir. Contrairement il s'agit dans le
politique d'un Etat ,aujourd'hui l'autonomie constitutionnelle est mis
cadre du retour à l'ordre constitutionnel de permettre aux autorités
à une épreuve. Les organisations supranationales interviennent de
plus en plus dans le domaine de compétence nationale des Etat
notamment en matière constitutionnel.
Le rétablissement de l'ordre constitutionnel apparaît ainsi
comme la volonté de sublime la constitution considéré
comme un système de valeur' une norme de référence autour
de laquelle tout s'articule. La constitution comme base du
système juridique prévoie des institutions, en cas de pouvoir
politique et devient à la fois la sources et la référence des
actions du pouvoir public. Dans ces conditions l’ordre posée par
la constitution ne saurait être remis en cause sans violer le pacte
social. Ainsi toutes actions violant le fonctionnement normal des
institutions est proscrite. Des mécanismes juridiques sont prévus
pour assurer le respect de la constitution.
I- Les modalités de rétablissements de l'ordre
constitutionnel
A- La variété des modes de rétablissements de la
constitution
1 - La tenue d'élections libres et transparentes
2 - Dans d'autre pays la restauration passe par la remise en
place du Président déçu (Comores)
3 - L'ouverture d'une période de transition :
La prise en considération des situations concrètes de chaque pays
amène les organisations internationales impliquées dans la
résolution des crises constitutionnelles à progressivement
assouplir leurs positions et à admettre par fois la situation de fait
accomplie. Ainsi accepte-t-elle l'ouverture d'une période de
transitions qui constitut une modalité de rétablissement de l'ordre
constitutionnel.
Dans ce cadre il s'agit pour les OI et partenaire de développement
d’accompagner les auteurs du putsch d'ouvrir une période de
transition selon lesquelles des élections démocratiques seront
organisées. C'est ainsi que la Paragraphe 8 de la résolution 20
de 1956 du conseil de sécurité exprime son appui " au
Gouvernement de transition du Mali et décide " qu'il devra
élaborer " une feuille de route désignant les actions a mener
pacifiquement durant la transition pour assurer (...) le
rétablissement de l’autorité de l’état sur l'ensemble du
territoire nationale et l'organisation d'une élection
présidentiel libre transparente et juste dans un délai de 12
mois a compter de la signature de l'accord cadre pour le
rétablissement de l'ordre constitutionnel ". Ce processus doit
être inclusif et ouvert.
Exemple 2 : En Guinée Bissau la Résolution 20-48 (2012) exige
que la jante militaire prenne de mesure exaltant pour rétablir
et respecter l'ordre constitutionnel, y compris un processus
électorale démocratique en veillant a ce que tous les soldats
regagnent les casernes et que les membres du
commandements militaires renoncent a leur fonctions
d’autorité.
4- L’organisation d'assise nationale
5- La démissions du Président déçu (Mauritanie : à la suite d'un
coup d’Etat, la démission du Président déçu peut être la modalité
privilégier de rétablissement de l'ordre constitutionnel. A cet effet,
pour des raisons liées à la stabilité du pays ainsi que de la
cohésion sociale, le chef de l’État déçu peut être amener à
accepter une démission formelle. Le plus souvent l'acceptation de
la démission est conditionnée à l’exemption des poursuites
judiciaire. Cela permet d'ouvrir la vacance du pouvoir et de faire
jouer les mécanismes liés à la succession constitutionnelle.
B- L'application contingent des modalités de
rétablissement de l'ordre constitutionnelle
Autant les modalités de rupture de l’ordre constitutionnel sont
nombreuses (coup d’Etat, révolution, insurrection populaire,
révolution constitutionnelle avec des émeutes) autant les
modalités de rétablissement de l’ordre constitutionnel sont
variées.
Mais le choix d’une modalité se justifie par le contexte politique et
social propre à un pays donné. C’est dire qu’une modalité peut
convenir à un pays et être inapproprié à un autre. De même
l’application des modalités de rétablissement de la constitution
peut engendrer des difficultés jusque-là imprévues. (Exemple
actuel : le Mali)
Ainsi les élections de sortie de crise organisées en Guinée à la
suite du coup d’Etat réalisé par le colonel Davis Camara et qui
s’est soldé du victoire de l’opposition sur Alpha Condé ont eu
des conséquences désastreuses sur le tissu social.
Des populations peulhs réputées favorables au candidat Seni Kany
Diallo ont été chassées et victimes de violences afin de les
empêcher de voter le jours des élections. Ce scrutin qui était loin de
remplir les conditions de régularité, de transparence et d’égalité ont
toutefois été reconnue par la Communauté Internationale.
De même, dans le même ordre d’idées, la crise post-électorale en
Côte d’Ivoire est symptomatique des dysfonctionnements des
élections de la transition.
Au Togo, la fermeté de L’UA et de la CEDEAO pour le
rétablissement de l’ordre constitutionnel ne s’est par déroulé
conformément aux dispositions de la constitution lorsque M. Faure
GNASSINGBÉ a accepté de céder de pouvoir. Ce n’est pas le
président de l’assemblée nationale qui à été portée à la tête de
l’État pendant la vacance du pouvoir comme le prescrit la
constitution mais le vice-président de l’assemblée nationale. Cette
entorse à l’ordre constitutionnel va s’étendre à l’organisation des
élections. Les violences électorales, massacres de populations
civiles et floque massives lors des scrutins ont pour effets
d’assurer le retour le M. Faure GNASSINGBÉ à la tête de l’Etat.
Dans ce contexte, le CPS( Conseil de paix et de sécurité ) de
L’UA dans sa décision du 05 février 2005, « condamne
fermement la manière dont les autorités de faites ont organisé
la succession au Togo(...) qui constitue une violation flagrante
et inacceptable de constitution togolaise ,ainsi que de la
Déclaration de l’UA de juillet 2000 sur les changements
anticonstitutionnels de gouvernements, des Principes de
l’acte constitutifs de l’union africaine et du Protocole relatif à
la construction du CPS. Le conseil condamne fermement la
révision de la constitution togolaise à laquelle ont procédé les
autorités de faites ».
Cette expérience malheureuse de rétablissement de l’ordre
constitutionnel tend à devenir progressivement l’exception dans la
plupart des cas, les autorités de fait collaborent avec les
organisations internationales africaines et démentent leurs
disponibilités à remettre le pouvoir à des autorités civils
démocratiquement élus.
II- Le contrôle juridictionnel du rétablissement de
l’ordre constitutionnel.
A- Quand le juge constitutionnel cautionne le Coup d’état.
Il arrive parfois que les juridictions constitutionnelles
africaines soit confrontées à des situations difficiles. Face à la
prise du pouvoir par la force, elles sont sollicitées pour
réceptionner le serment des autorités de faits. Leur
acceptation aboutit à une sorte de blanchiment du coup d'état.
Les exemples du Mali, de la Guinée, du Tchad et du Burkina
Fasso sont des illustrations de ce phénomène. L'exemple du
Burkina Faso rend mieux compte des difficultés juridiques
soulevées.
Dans sa décision du 08 février 2022, il était demandé au
Conseil Constitutionnel du Burkina Faso si le coup d’État
constitue une infraction d’attentat à la sureté de l’État,
consistant en un changement par la violence d’un régime
légal, prévu et puni par les articles 313-1 et suivants du
code pénal.
En effet, la décision du conseil constitutionnel recevant le
serment du chef de la junte militaire consacre-t-il la prise
du pouvoir par la force comme moyen constitutionnel de
dévolution du pouvoir ?
Si la réponse est affirmative, elle rend par conséquent les
articles 313-1 et 313-2 contraires à la constitution et
l’infraction inexistante. « (...) considérant ;
Que ces actes du MPSR (Mouvement populaire pour la
sauvegarde de la révolution) sont constitués principalement de
communiqués, ont régi la vie de la nation entre le 24 et le 29
janvier, qu’ils ont eu pour effet d’impacter le fonctionnement
régulier des institutions du Burkina Faso avec la démission du
Chef de l’État Monsieur Roch Marc Christian Kaboré, la
suspension de la constitution, la dissolution du gouvernement et
de l’assemblée nationale ;
Que l’acte fondamental du MPSR du 29 janvier 2022 prenant
effet à compter du 24 janvier 2022 et signé de son Président,
Monsieur Paul Henri Sandaogo Damiba, le MPSR a émis un acte
d’ordre juridique qui a été voulu de valeur constitutionnelle ;
Que cet acte a défini un acte normatif provisoire, destiné à assurer
la continuité de l’État au plan national et international ; qu’aux
termes des dispositions de l’article 35, alinéa 1 de l’acte
fondamental avant l’adoption d’une charte de transition, les
dispositions de l’acte fondamental fondent les pouvoirs du MPSR
; posé en ordre de référence en complément de la constitution... ;
Que l’alinéa 2 du même article dispose que dès sa signature, l’acte
fondamental lève la suspension de la constitution du 02 juin 1991
qui s’applique, à l’exception de ses dispositions incompatibles
avec l’acte fondamental ;
Qu’en levant la mesure de suspension, l’acte fondamental est
apparu comme une norme juridique provisoire à valeur
constitutionnelle ;
Que, réhabiliter dans ses attributions, le conseil constitutionnel a
pu constater la vacance des fonctions du président du Faso par sa
décision du 08 février 2022... ;
Que, dans ces circonstances, les conditions de la dévolution des
fonctions de Président du Faso, telles que prévues à l’article 43
de la constitution, en ce qu’elles sont contraires aux dispositions
de l‘acte fondamental, ne pouvaient pas recevoir application... ;
Que l’article 28 de l’acte fondamental a consacré l’effectivité de
l’exercice des fonctions de président du Faso par le président du
MPSR, le lieutenant-colonel Henri Sandaogo Damiba et sa
prestation de serment devant le Conseil Constitutionnel ;
Qu’en rétablissant la constitution dans la perspective d’un retour
progressif à la légalité constitutionnelle, l’acte fondamental s’est
Que le conseil constitutionnel s’est inscrit, par cette décision, dans
ses missions de régulation des institutions de l’État, mais aussi
d’application et d’interprétation de la constitution dans la lettre et
dans son esprit, dans un contexte où le Burkina Faso n’a pas la
maitrise de ses limites territoriales, ni la fixité de sa population ;
Que la décision du 08 février 2022 ne saurait par conséquent être L’on est fondé à s’interroger sur le rapport de prééminence ou de
légitimement assimilé à un mode constitutionnel de président du suprématie entre la charte de transition et la constitution. Dans ce
Faso ; contexte, la constitution, qui est au-dessus de la hiérarchie

Que c’est à tort que les requérants soutiennent que la décision du des normes, n’est, en réalité, qu’un texte d’appoint participant

08 février 2022 sur la dévolution des fonctions de président du au décorum institutionnel afin de légitimer certaines

Faso est une reconnaissance par le conseil constitutionnel du coup interprétations hardies du juge constitutionnel.

d’État comme mode d’accès au pouvoir... ».

B. Le juge constitutionnel, juge du fonctionnement du

pouvoir de fait

Cour constitutionnelle du Mali, arrêt n°2021-02/CC/ Vacances

du 28 mai 2021.

Cette décision de la Cour appelle certaines remarques objectives.

« Tordre le coup au droit pour satisfaire des prétentions
politiques » serait la première réaction à la lecture de la décision
de la cour. En effet, la cour s’est évertuée à constater la
vacance du pouvoir dans un contexte transitoire, à reprendre
les termes de la lettre de démission et à constater le vide
juridique. Dans ce cadre, s’appuyant sur son pouvoir régulateur,
la juridiction constitutionnelle remodèle le processus de
succession à la tête de l’État. Le président de l’assemblée
transitoire n’est pas encore désigné car l’institution n’est pas
encore fonctionnelle, car le juge constitutionnel se limite à une
interprétation littérale des dispositions de la charte de transition.