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8 L’interrogation

Objectifs du chapitre
Rappeler la syntaxe de la phrase interrogative directe et de l’interrogation indirecte.
Insister sur ses usages selon la situation de communication.
Développer des automatismes dans la pratique de la langue écrite et orale.
Sensibiliser à la valeur stylistique de l’interrogation dans la perspective de l’explication et du com-
mentaire de texte.
La langue et le discours

Démarche
Le texte choisi présente trois interrogations qui permettent d’observer différentes
formes de la phrase interrogative et d’en mesurer la valeur dramaturgique dans une
scène d’exposition. Si la différence entre interrogation totale et partielle est évo-
quée de façon tacite dans le questionnaire de la partie « Observer » (voir 1 – b, c, d),
elle a été volontairement passée sous silence dans la partie « Retenir » : la visée du
PARTIE 1

chapitre est en effet analytique et pragmatique, et les notions de « totale » et « par-


tielle » ne semblent pas indispensables pour user correctement de l’interrogation ni
pour comprendre sa syntaxe.

CHAPITRE 8 L’interrogation 47
1. Connaître l’interrogation directe
a. Trois interrogations : « Vous ne comprenez pas du tout le français, Madame ? »
(l. 1) ; « De quel pays l’avez-vous ramenée déjà ? » (l. 4-5) ; « Qu’alliez-vous donc faire
en Genousie ? » (l. 8).
L’interrogation est une modalité pratique de la scène d’exposition : elle permet la décou-
verte des personnages et des situations, qui renseigne ainsi aisément le spectateur.
b. La première phrase interrogative demeure telle quelle sous la forme déclarative :
« Vous ne comprenez pas du tout le français, Madame. » (l. 1). Seule la ponctuation
finale change.
c. Les deux autres questions ne sont pas transformables, parce qu’elles interrogent
sur un élément précis, représenté par l’adjectif interrogatif : « de quel pays… » ou le pro-
nom interrogatif « qu’alliez-vous… ». On peut ici introduire la différence entre l’interro-
gation totale (la 1re) et partielle (les 2 suivantes) qui porte sur une partie de la phrase
signalée par un mot interrogatif. Si l’on ne souhaite pas introduire cette notion, la
question permet simplement le repérage des mots interrogatifs qui rendent impos-
sible la transformation.
d. Marques de l’interrogation directe : point d’interrogation, usage du mot interro-
gatif « quel / qu’ », et inversion du sujet : « l’avez-vous / alliez-vous ».

2. Maîtriser l’interrogation indirecte


a. Je vous demande si vous comprenez le français, Madame. / si vous ne comprenez pas
du tout le français, Madame. (On peut maintenir la forme négative, plus proche du
discours direct, mais la phrase canonique sera sans négation.) Le passage à la forme
indirecte exige l’usage d’un mot interrogatif, « si », conjonction de subordination. Il
suggère aussi la suppression de la forme négative, propre à l’oralité, ici, de l’interro-
gation directe. Le point d’interrogation est supprimé.
b. Je vous demande de quel pays vous l’avez ramenée. – Je vous demande ce que vous
alliez faire en Genousie.
Modifications : modification du mot interrogatif « qu’ » en « ce que », maintien de
« de quel » ; suppression de l’inversion du sujet ; suppression du point d’interroga-
tion remplacé par un point.
c. Madame de Tubéreuse demanda si elle comprenait le français. Madame de Tubé-
reuse demanda de quel pays il l’avait ramenée. Madame de Tubéreuse demanda ce
qu’il était allé faire en Genousie.
Le changement de personne et de temps impose :
– le changement de personne dans la subordonnée : « vous » devient « elle » (Irène),
« il » (Hassingor) ;
– le changement de temps, par effet de concordance des temps : imparfait dans la
première phrase puisqu’il y a simultanéité entre le temps de la principale et celui de
la subordonnée ; plus-que-parfait dans les deux autres phrases puisqu’il y a antério-
rité du temps de la subordonnée par rapport à celui de la principale.

EXERCICES
Exercice 1
1. Il parle de quoi, ce texte ? (familier) – De quoi parle ce texte ? (courant) – De quoi
ce texte parle-t-il ? (soutenu). 2. Comment cette œuvre est-elle composée ? (sou-
tenu) - Comment elle est composée, cette œuvre ? (familier) – Comment est com-
posée cette œuvre ? (courant). 3. En quoi notre projet a-t-il consisté ? (soutenu) – Il a
consisté en quoi, notre projet ? (familier) – En quoi a consisté notre projet ? (courant).
4. Est-ce que ma réponse répond à votre question ? (courant) – Ma réponse répond
à votre question ? (familier) – Ma réponse répond-elle à votre question ? (soutenu)

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Exercice 2
1. Est-ce qu’il prend bien ses médicaments tous les jours ? 2. Ce bébé écoute-t-il ses
berceuses avec plaisir ? 3. Est-ce qu’elle mange avec bon appétit ?
Exercice 3
1. Elle se demande si le beau temps va se maintenir. 2. Gabriel ne sait pas si l’accor-
deur de piano va pouvoir venir. 3. J’ignore quelle est la pharmacie de garde. 4. Le ran-
donneur aimerait savoir combien il y a de kilomètres entre Le Puy et Conques.
Exercice 4
1. Le voyageur vérifie qu’il existe bien une gare à Loctudy. 2. Les vacanciers se
demandent s’ils auront le courage de se baigner dans une eau si froide. 3. L’alpiniste
cherche à quelle altitude ce sentier culmine. 4. Nous allons voir si nous pouvons
emprunter un autre itinéraire. Chaque proposition subordonnée conjonctive ainsi
obtenue est complétive de la principale (ou COD).
Exercice 5
1. Il demande au voyant quel va être son avenir. ➙ Quel va être mon avenir ? 2. L’élève
cherche si son plan est le mieux adapté au sujet. ➙ Mon plan est-il le mieux adapté
au sujet ? 3. Les futurs mariés espèrent que leurs témoins arriveront à temps. ➙ Nos
témoins arriveront-ils à temps ? 4. Les agriculteurs ignorent si la récolte sera bonne.
➙ Est-ce que la récolte sera bonne ?

Exercice 6
1. Il demanda au voyant quel allait être son avenir. (changement du temps du verbe
de la subordonnée, passage à l’imparfait) 2. L’élève cherchait si son plan était le mieux
adapté au sujet. (idem) 3. Les futurs mariés espéraient que leurs témoins arriveraient
à temps. (idem, mais passage au conditionnel présent à valeur de futur dans le passé,
car action exprimée au futur donc postérieure au temps de la principale) 4. Les agri-
culteurs ignoraient si la récolte serait bonne. (identique à la phrase 3)
Exercice 7
1. Nous allons d’abord étudier le mouvement de ce passage. Comment le texte est-il
construit. ➙ Il s’agit d’une interr. directe qui exige le point d’interrogation : Comment
le texte est-il construit ? 2. Nous pouvons nous demander si l’auteur s’exprime ici de
manière ironique ? ➙ Il s’agit d’une interrogation indirecte, pas de point d’interroga-
tion : Nous pouvons nous demander si l’auteur s’exprime ici de manière ironique. 3. Exa-
minons si le texte est-il fantastique ou non. ➙ Il s’agit d’une interrogation indirecte, il
n’y a donc pas d’inversion du sujet : Examinons si le texte est fantastique ou non. 4. Dans
un premier temps, nous nous interrogerons sur la métaphore de l’eau qu’est-ce qu’elle
apporte au poème ? ➙ Il s’agit d’une interrogation indirecte qui nécessite un mot
subordonnant, sans point d’interrogation : Dans un premier temps, nous nous interro-
gerons sur ce que la métaphore de l’eau apporte au poème. – On peut aussi introduire
une ponctuation qui isole l’interrogation directe : Dans un premier temps, nous nous
interrogerons sur la métaphore de l’eau : qu’est-ce qu’elle apporte au poème ? 5. Est-ce
La langue et le discours

que ce texte est-il réaliste ? On peut se le demander ? ➙ La 1re phrase est une inter-
rogation directe qui utilise la locution « est-ce que » : il n’y a donc pas d’inversion du
sujet. La 2e phrase est une déclarative et n’appelle donc pas de point d’interroga-
tion : Est-ce que ce texte est réaliste ? On peut se le demander.
Exercice 8
L’exercice incite à une production orale correcte, voire soutenue. On peut accepter
PARTIE 1

toute question à partir du moment où elle respecte ces contraintes.


Propositions : Où est ce pays étrange ? Quel rapport entretiennent ces trois person-
nages ? Que va-t-il se passer ? Pourquoi Madame de Tubéreuse reçoit-elle les Hassingor ?

CHAPITRE 8 L’interrogation 49
À quelle langue ressemble le genousien ?... Qui est René de Obaldia ? Quelles œuvres
a-t-il écrites ? Son œuvre appartient-elle à un courant littéraire connu ?...
Exercice 9
Cet exercice peut servir de préparation à l’entretien lors de l’oral de l’EAF. Son objectif
premier demeure certes la production orale, mais il peut aussi contribuer à construire
l’argumentation du candidat.
Propositions :
– Est-ce le thème de cette œuvre qui motive votre choix ? Quelle est l’originalité de son
traitement ? Avez-vous lu d’autres œuvres qui abordaient le même sujet ? En quoi leur
traitement était-il différent ?
– La date de parution de cette œuvre joue-t-elle un rôle dans votre choix ? Pour quelle
raison ? Pensez-vous que le contexte de parution ait un effet sur l’écriture ? le traite-
ment du thème ?
– Vous êtes-vous attaché(e) à un personnage particulier ? Pour quelle raison ? Quelles
sont ses relations avec les autres personnages ? Quel rôle joue-t-il dans l’histoire ?
Est-il/elle un héros ?
– Les lieux évoqués / décrits dans l’histoire sont-ils importants ? Sont-ils précisément
décrits ? Comment sont-ils présentés ? Pourquoi ce choix de l’auteur ?...
Exercice 10
Cet exercice peut être réalisé uniquement à l’oral, pour construire des automatismes.
Langue familière Langue courante Langue soutenue
Je suis en retard ? Est-ce que je suis en retard ? Suis-je en retard ?
C’est à mon tour ? Est-ce que c’est à mon tour ? Est-ce à mon tour ?
Il est réellement ironique, Est-ce que le texte est réellement Le texte est-il réellement
le texte ? ironique ? ironique ?
L’auteur veut dire quoi ? Qu’est-ce que l’auteur veut dire ? Que veut dire l’auteur ?

Exercice 11
Proposition :
[…]
Madame de Tubéreuse. – De Genousie ! Mais c’est très loin. Plus loin que la Perse ! Qu’al-
liez-vous donc faire en Genousie ?
Hassingor. – La rencontrer.
Ils rient.
Irène. – Vous… dire… quoi ?
Hassingor. – Rien, ma chère. Souhaiterez-vous prendre quelques leçons de français, auprès
de notre chère amie Madame de Tubéreuse ?
Madame de Tubéreuse. – Oh, j’en serais ravie ! Vous viendriez, n’est-ce pas ?
Irène. – Je… heu… oui… merci… Maintenant ?
Madame de Tubéreuse. – Mais oui, quelle bonne idée ! Commençons ! Voulez-vous d’abord
répéter après moi ? « Je m’appelle Irène… »
Exercice 12
a. Interr. directes : « Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ?
Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il
point ici ? Qui est-ce ? » (l. 4 à 7).
Interr. indirectes : « … j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. » (l. 10) (subor-
données soulignées).
b. Proposition : Où suis-je ? Comment quitter cet endroit ? Comment joindre quelqu’un ?
Mais comment ai-je pu oublier mon téléphone ? Que faire, maintenant ? Je ne sais vrai-

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ment pas comment je vais me sortir de là… J’ignore à qui demander de l’aide. Mais com-
ment ai-je pu laisser mon téléphone ? Et où l’ai-je abandonné ? Peut-être puis-je tenter
de demander secours à cette vieille dame ?...
Exercice 13
Proposition : Comment Eliott avait-il pu se retrouver dans ce hangar sombre, malo-
dorant, jonché de vieilles caisses dans lesquelles il butait à chaque pas ? Lui le savait.
Pourquoi tremblait-il de tous ses membres, la main crispée sur son revolver ? Celui qui
le guettait le savait. Avait-il une stratégie de défense ? Apparemment non. Avait-il une
chance de sauver sa peau ? Il le croyait. Était-il conscient du regard incessant de Bobby
qui épiait tous ses gestes ? Peut-être même pas.
Exercice 14
Les deux phrases interrogatives qui ouvrent La Condition humaine trahissent l’hésita-
tion de Tchen. Venu pour tuer, il est subitement aux prises avec « la chair d’homme »
et mesure la difficulté de l’acte. L’interrogation sur la méthode (faut-il frapper au tra-
vers de la moustiquaire ou la soulever ?) exprime son trouble, explicite dans les lignes
qui suivent (« angoisse… hébétude… fasciné… »). Les interrogations, au plus près de la
conscience de Tchen, disent ce vacillement, ce doute qui vient remettre en cause le
passage à l’acte.
Exercice 15
La série d’interrogations formulées par l’épistolière exprime ici son inquiétude mater-
nelle, doublée d’une forme de ressentiment à l’égard de sa fille : les questions posées,
en effet, interrogent la prudence de celle-ci et la leçon qu’elle peut tirer du péril de
cette traversée. Ainsi la forme interrogative est-elle ici à la fois le symptôme d’un
trouble – la peur de la perte – et l’indice du désir d’interpeller la destinataire dans
une forme de semonce. Ces interrogations peuvent être rapprochées des phrases
exclamatives qui parcourent le début du texte : vives dans leur ton, elles disent aussi
combien le danger que représente le Rhône est réel, connu, et combien Mme de Gri-
gnan s’est montrée imprudente. L’interrogation va au-delà, en s’adressant directe-
ment à la destinataire.
Exercice 16
Le sujet peut s’adapter à des romans divers. L’objectif est ici essentiellement d’ordre
langagier : il s’agit de permettre à l’élève d’acquérir de l’aisance dans l’annonce du
plan, qui est souvent source d’erreurs de langue.
Aussi l’analyse du sujet peut-elle ici être succincte :
Le narrateur se contente-t-il de raconter l’histoire ? Le fait-il de façon neutre, linéaire ?
Ou essaie-t-il d’entrer en contact avec son lecteur ? de créer avec lui une relation par-
ticulière ? Le sujet amène à étudier les éventuels commentaires, les modalisations
venant du narrateur, bref toutes les marques de subjectivité qui peuvent signer une
connivence avec le lecteur. Elles sont nombreuses, par exemple, chez Stendhal : on
appliquera ici ce sujet à son roman Le Rouge et le Noir.
La langue et le discours

Proposition d’introduction :
a. Genre littéraire majeur, le roman possède l’art d’entraîner avec lui son lecteur. Est-ce
le fait des rebondissements de l’intrigue, de la temporalité propre au genre, ou de la
relation particulière qui s’établit entre le narrateur et ses lecteurs ? Cette dernière pro-
position concerne peut-être plus particulièrement les romans de Stendhal et notam-
ment Le Rouge et le Noir, roman publié en 1830. La distance établie entre le narrateur
et son personnage principal y est évidente, signe d’une connivence fréquente avec le
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lecteur. Mais quels sont les moyens de cette relation particulière, entre deux instances
qui ne se rencontrent pas ? Cette question nous invite à nous pencher sur les différents
modes de captation du lecteur par le narrateur. Procède-t-il par interventions directes,

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qui nous interpellent ? Ou agit-il par le truchement d’un ou plusieurs personnages ? Ou
bien encore est-ce l’émotion soulevée par certaines scènes qui nous permet d’accéder
à cette relation particulière avec le narrateur ?
b. Genre littéraire majeur, le roman possède l’art d’entraîner avec lui son lecteur. Est-ce
le fait des rebondissements de l’intrigue, de la temporalité propre au genre, ou de la
relation particulière qui s’établit entre le narrateur et ses lecteurs ? Cette dernière pro-
position concerne peut-être plus particulièrement les romans de Stendhal et notam-
ment Le Rouge et le Noir, roman publié en 1830. La distance établie entre le narrateur
et son personnage principal y est évidente, signe d’une connivence fréquente avec le
lecteur. Mais on peut se demander quels sont les moyens de cette relation particulière,
entre deux instances qui ne se rencontrent pas. Cette question nous invite à nous pen-
cher sur les différents modes de captation du lecteur par le narrateur. Nous chercherons
d’abord à savoir si le narrateur procède par interventions directes, qui nous interpellent.
Puis nous verrons s’il agit par le truchement d’un ou plusieurs personnages. Enfin, nous
nous demanderons si l’émotion soulevée par certaines scènes nous permet d’accéder à
cette relation particulière avec le narrateur.

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