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POINTS
DE VUE
INITIATIQUE S
LA FRANC-MAÇONNERIE
ECOSSAISE
TRADITIONNELLE
SOMMAIRE
DU NUMERO 25
(Ancienne série N° 45)
Pages
Avant-propos 3
Orientation bibliographique 69
I
DÉCLARATION DE PRINCIPES
DE LA GRANDE LOGE DE FRANCE
Les obligations des Maçons sont prêtées sur ces trois Lumiè-
res.
2
Avant-Propos
3
Introduction
La Franc-Maçonnerie est une Fraternité qui compte à travers
le monde quelque huit à dix millions de membres, gens de toutes
nationalités, de toutes i-aces, de toutes confessions, de toutes
opinions philosophiques, politiques et religieuses, de toutes condi-
tions sociales, de toutes activités professionnelles.
Ces hommes si dissemblables se reconnaissent comme Frères
parce qu'ils se sont réciproquement élus et choisis comme tels.
C'est dans ce sens que la Franc-Maçonnerie constitue une élite
véritable, élite de l'esprit et du coeur. Les liens qui unissent nos
Frères sont plUs forts que les liens dL! sang, de l'éducation, de
la culture ou des intérêts matériels.
Ils trouvent leur origine dans l'aspect essentiel de notre véné-
rable confrérie Ordre Initiatique traditionnel.
La tradition c'est tout ce que l'enseignement classique ne petit
apprendre. Elle ne se transmet pas à travers les procédés méca-
niques par les quels les hommes mettent leur savoir en conserve.
Elle ne petit passer que du vivant au vivant, de la main à la main,
de la bouche à l'oreille.
Que confère-t-elle ?
La liberté par la connaissance, la connaissance par le travail.
La démarche initiatique postule trois constatations fonda-
mentales
L'existence d'un ordre cosmique présidant aux phénomè-
tes de l'esprit comme à ceux de la matière.
L'état d'inachèvement du monde créé et la certitude de
sa perfectibilité.
La foi dans la vertu du travail accompli dans cette pers-
pective.
Les Francs-Maçons réalisent, à travers leur ascèse, le pas-
sage de la science à la connaissance, de l'analyse à la synthèse,
de la matière inerte à la vie.
Seuls ceux qui, partant de la notion d'un monde fini et d'une
science finie, veulent ignorer tout ce qu'ils ne sont pas capables
d'expliquer aujourd'hui et n'ont aucun espoir d'expliquer demain,
n'ont rien à attendre de notre Ordre et ne peuvent rien lui
apporter.
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Ils sont figés dans un désespoir immobile, dans une rési-
gnation stupide ou dans l'attente d'un salut venu de l'extérieur.
Mais tous ceux qui, spii-itualis tes ou matérialistes, croyants
ou incroyants, hommes de sciences ou poètes, croient en un
monde évolutif, décident de joindre leurs efforts vers le bien, le
heaLi et le solide, peuvent en retirer des bienfaits immenses et
faire profiter l'ensemble dL! monde vivant de leur travail.
Entre le moment où l'oeil reçoit une image sur sa rétine et
celui où, après avoir été transmise par des impulsions électro-
magnétiques, celle-ci parvient au cerveau qLIi la voit, il s'est passé
quelque chose que la science actuelle n'explique pas.
Entre l'image noire et blanche qui se peut mesurer en ampli-
tudes de vibrations et la couleLir que voit le cerveau, il y a un
décalage que l'état de nos connaissances présentes ne permet
pas de combler.
Entre un amas de pierres agencées suivant les lois de l'équi-
libre et de la résistance des matériaLix et la cathédrale de Char-
tres, il y a une différence que le raisonnement n'explique pas.
Entre les sept notes de la gamme musicale définies par les
lois physiques connues et une Symphonie de Bach il y a un monde
clin con n Lies.
Entre les vingt-six lettres de l'alphabet et un poème de Paul
Valéry il y a toute la distance qui sépare la raison de l'intuition,
l'équilibre statique de la force en mouvement, le savoir rie la
sagesse, l'utilité de la beauté, en un mot, la science de la connais-
sa n ce.
L'esprit humain a accompli un parcours remarquable dans les
voies de l'analyse matérielle du monde mesurable. Il lUi reste
une con quête capitale à entreprendre la connaissance globale
et qualitative de l'ineffable qui s'exprime en valeurs absolues
échappant à toute mesure.
C'est à cette merveilleuse aventure humaine que nous convie
l'initiation éternelle dont les chemins multiples convergent vers
I 'amour.
Le Grand Maître
Richard DUPUY.
La Grande Loge de France a décidé de placer le texte
des Obligations en tête de ses propres Constitutions,
comme référence à la pure et authentique tradition
maçonnique dont elle entend maintenir le respect.
MAÇONS FRANCS
ET ACCEPT1S
TETES DE CHAPITRES
savoir
I Concernant DIEU et la RELIGION.
li Du MAGISTRAT CIVIL Suprême et Subordonné.
III Des LOGES.
IV Des MAITRES, Surveillants, Compagnons et Apprentis.
V De la Direction dL! METIER pendant le travail.
VI De la CONDUITE, à savoir
Dans la Loge quand elle est constituée.
Conduite après fermetLlre de la Loge et avant le départ
des Frères.
Conduite quand des Frères se rencontrent sans présence
Etrangère mais hors d'une Loge constituée.
Conduite en présence d'Etrangers non Maçons.
Conduite Chez Vous et dans votre Entourage.
Conduite envers un Frère étranger.
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I. Concernant DIEU et la RELIGION
8
III. Des LOGES
les Seigneurs puissent être bien servis, que les Frères ne soient
pas exposés à 'Humiliation et que 'Art Royal ne soit point décrié
pour cela aucun Maître ou Surveillant n'est choisi à 'Ancienneté,
mais bien poir son Mérite. Il est impossible de dépeindre ces
choses par écrit, chaque Frère doit rester à sa propre place et
les étudier selon les méthodes particulières de cette Confrérie.
Tout ce que les Candidats peuvent savoir c'est qu'aucun Maître
n'a le droit de prendre un Apprenti s'il n'a pas un Travail suffisant
à lui fournir et s'il n'est pas un Jeune Homme parfait ne souffrant
d'aucune Mutilation ou Tare Physique qui puisse l'empêcher
d'apprendre 'Art et de servir le Seigneur de son Maître et de
devenir un Frère, puis un Compagnon en temps voulLi après avoir
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servi durant le Nombre d'Années fixé par la Coutume du Pays
et Si! n'est issu de Parents honnêtes ;ceci afin qu'après avoir
acquis les qualités reqLlises il puisse parvenir à l'Honneur d'être
le Surveillant, puis le Maître de la Loge. le Grand Surveillant et
enfin, selon son Mérite, le Grand Maître de toutes les Loges.
NUI Frère ne peut être Surveillant avant d'avoir passé le degré
de Compagnon ; ni Maître avant d'avoir occupé les fonctions de
Surveillant ; ni Grand Surveillant avant d'avoir été Maître d'une
Loge, ni Grand Maître s'il n'a pas été Compagnon avant son
Election. Celui-ci doit être, en outre, de noble naissance ou
GENTILHOMME de bonnes Manières OLI quelque SAVANT éminent
ou quelque ARCHITECTE distingué ou quelque autre HOMME DE
L'ART d'une honnête ascendance et jouissant d'une grande Estime
personnelle dans l'Opinion des Loges. Et afin de pouvoir s'acquitter
le plus utilement, le plus aisément et le plus honorablement de
son Office, le Grand Maître détient le pouvoir de choisir son
propre Député Grand Maître qui doit être alors ou avoir été
précédemment e Maître d'une Loge particulière et qui a le Privi-
lège d'agir comme le ferait le Grand Maître lui-même, son Com-
mettant, sauf qLland le dit Commettant est présent OLI qu'il mani-
feste son Autorité par une Lettre.
Ces Administrateurs et Gouverneurs, supérieurs et subal-
ternes de la Loge ancienne, doivent être obéis dans leurs Fotic-
tions respectives par tous les Frères, conformément aux Anciennes
Obligations et Règlements, en toute Humilité, Révérence, AmoLir
et Diligence.
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Ouvriers doivent éviter toLit Langage déplacé, et ne point se
donner entre eux de sobriqL!ets désobligeants, mais s'appeler
Frère ou Compagnon ; et se conduire avec courtoisie à l'intérieur
de la Loge.
Le Maître, confiant en son Habileté, entreprendra les Travaux
du Seigneur aussi raisonnablement que possible et tirera parti des
matériaUx comme s'ils étaient à lui, ne donnant à aucun Frère ou
Apprenti plus que le salaire qLI'il mérite vraiment.
Le Maître et les Maçons recevant chacun leur juste Salaire
seront fidèles au Seigneur et achèveront leur Travail conscien-
cieusement, qu'il soit à la Tâche OUI la Journée et ils n'effec-
;
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VI. De la CONDUITE, savoir
13
Mais si vous le reconnaissez comme un Frère authentique
et sincère, vous devez lui prodiguer le respect qu'il mérite et
s'il est dans le besoin, vous devez le secourir si vous le pouvez,
ou lui indiquer comment il peut être secouru vous devez l'em-
:
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APERÇU SUR L'HISTOIRE
DELA
FRANC-MAÇONNERIE
15
« AU Moyen Age, le genre humain, a écrit Victor HLigo, n'a
rien pensé d'important qu'il ne 'ait dit en pierre ». L'architecture
était vraiment l'art royal. Ces grands ouvrages de pierre qui conti-
nuent d'émerveiller notre temps étaient commandés et financés
par la Couronne, par l'Eglise, par des grands seigneurs, des muni-
cipalités. Ils exigeaient le concours d'une main-d'oeLivre fort
nombreuse qui venait souvent de très loin, s'embaucher sur le
chantier. Cette main-d'oeLivre était composée d'hommes libres,
non de serfs attachés à la terre, c'est-à-dire d'hommes francs,
échappant aux servitudes féodales et royales. A la tête de ces
« Francs-Maçons » se trouvait un Maître-d'OEuvre qui avait auto-
rité sur les ouvriers et prêtait le serment de faire respecter les
règlements. Il portait le titre de Maître-Maçon et pouvait avoir
des assistants. C'est sur le chantier qu'était édifiée la Loge. Le
terme apparaît pour la première fois, en Angleterre en 1278 (Vab
Royal Abbey), en France en 1283 (Notre-Dame de Paris). C'était un
atelier couvert où l'on taillait, scLilptait, préparait les matériaux
à mettre en oeuvre. C'était aussi un lieu de repos et de réunion
en dehors des heures de travail. C'était enfin, certainement, un
lieu d'enseignement on y apprenait les éléments de la géométrie
et les principes de l'art de bâtir. Et cet « art qui consistait à
proportionner les diverses parties d'un monument, à dresser ces
flèches et ces clochers audacieux, à courber ces voûtes gran-
dioses, sous lesqLtelles le son prenait une ampleur plus harmo-
lieuse, semblait un art magique » comme l'écrit Albert Lantoine.
On échangeait dans la Loge des « secrets » d'ordre professionnel,
comme la section dorée, mais aussi des secrets d'un autre ordre,
qLi'il était interdit de noter par écrit mais que l'on retroLive gravés
dans la pierre comme le cercle, la pyramide, le sceau de Salo-
mon, l'étoile à cinq branches. Rapidement le mot Loge vint à
désigner la collectivité, l'ensemble des compagnons ouvriers qui
travaillaient au même édifice. Etroiternent soumise pour toute la
durée du chantier à l'autorité du Maître-Maçon, cette collectivité
tirait une force certaine de 'habileté professionnelle de ses
membres, de leur nombre, des liens étroits que tissait entre eux
l'intimité quotidienne de la Loge. De plus, la mobilité inhérente
à la profession favorisait les liaisons entre chantiers et entraînait
une certaine Liniformisation des légendes et des coutumes dLi
métier. Celles-ci seront mises par écrit à partir du XIVe siècle,
en Grande-Bretagne et aussi en Allemagne.
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manuscrits, on peut citer l'un des plus anciens, le Manuscrit
Cooke (1410 ou 1430).
Celui-ci comporte
une déclaration reconnaissant la dette de l'homme envers
Dieu
deux versions successives de l'histoire légendaire du métier
depLiis les temps bibliques
les devoirs proprement dits
une brève prière finale,
Les Devoirs ressemblent beaucoup à ceux que prescrivaient
dans d'autres professions, les « Ordonnances » des corporations
municipales. Il semble qu'on lisait au nouveau membre de la Loge,
l'historique du métier, puis on l'exhortait à observer les Devoirs,
dont il entendait la lecture, la main posée sur e Livre (la Bible),
tenu par un des plus anciens Maçons, Il promettait alors de tenir
secrets les enseignements du Maître et tout ce qu'il apprenait
en Loge.
Plus ancien encore que le Manuscrit Cooke est le Manuscrit
Reguis (1390), où sont mises en vers les légendes du métier.
Selon ce poème, la géométrie, fondement de l'art de bâtir, aurait
été inventée par Euclide en Egypte, pour reconstituer chaque
année le cadastre après la crue du Nil.
En Allemagne, on a conservé les « Statuts et Règlements
de Ratisbonne, de la confraternité des tailleurs de pierre », qui
datent de 1459. lIs confirment l'existence de « Steinmetzen
regroupés en « Hùtten » (Loges) et en « Haupthùtten » (Grandes
Loges), au nombre de cinq : à Strasbourg, Cologne, Vienne, Zurich,
Magdebourg. Une première assemblée des maçons allemands
s'était tenue dès 1275 à Strasbourg, où le maître d'oeuvre de la
cathédrale, Erwin de Steinbach, avait été nommé Maître de tous
les Maçons. Une Loge strasbourgeoise de la Grande Loge de
France porte aujourd'hui son nom.
Le caractère religieux et même catholique des « Old Charges »
britanniques (nous sommes avant la Réforme) semble indiscuta-
ble, La plupart des constitutions manuscrites commencent par
une invocation à Dieu et aux trois personnes de la Sainte Trinité.
L'article premier des « Charges General enjoint au Maçon
« d'être un homme loyal envers Dieu et la Sainte Eglise et d'éviter
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l'erreur et l'hérésie ». De même, en Allemagne. les règlements
des tailleurs de pierre commencent ainsi : « Au nom du Père,
du Fils et dLI Saint Esprit et de la glorieuse Mère Marie... ».
En matière politique, les anciens devoirs manuscrits font
obligation aux Maçons « d'être les loyaux hommes-liges du roi,
d'être loyaux envers l'autorité civile ».
Telle nous apparaît l'existence de la Maçonnerie avant le
XV1e siècle, dans toute l'Europe chrétienne un groupement de
caractère à la fois professionnel, religieux et culturel, dont le
lieu de travail et de réunion est, sur chaqLle chantier, la Loge.
il. Le tournant des XVIe et XVll siècles.
Or, au XV1e siècle, l'Europe chrétienne voit son unité brisée
par la Réforme. Rappelons ici que Luther est excommunié en
1520 et que la Confession d'ALlgsbourg rejette l'autorité dLI Pape.
En 1534, l'acte de suprématie fait du roi d'Angleterre le chef de
'Eglise Anglicane. En 1536, Calvin publie « l'institution de la Reli-
gion chrétienne
Cette crise, qui est déjà une crise de civilisation, affecte
les hommes de cette époque dans toutes leurs activités elle
ravage les nations et déchire les âmes.
Les conséquences de la Réforme et de la Renaissance furent
considérables pour le « Métier ». Les « secrets de l'art gothique
étaient délaissés et semblaient oubliés. On ne construisait plus
guère d'églises ni de monastères. Les Loges opératives disparais-
saient peu à peu, en Angleterre et en irlande comme dans l'ensem-
ble de l'ELlrope, où l'organisation des « Free Masons » était en
perte de vitesse.
En Ecosse, cependant, l'autorité royale s'efforça de porter
remède à la crise dLI bâtiment. Attachés à leurs traditions, les
Maçons du pays s'étaient, faLite de grands chantiers, repliés sur
les villes et les bourgs et s'étaient mis à tenir Loge dans des
locaux urbains, construits, loués OLI acquis à cet effet. Les Loges
devenaient permanentes et établissaient entre elles des rap-
ports suivis. Le roi d'Ecosse nomma le Maître des travaux royaux,
Wiiliam Schaw, Surveillant général des Maçons. En 1598 celui-ci
dota la profession de statuts qui reprenaient l'essentiel des cou-
turnes et traditions du métier. C'est à ce moment que les Loges
de ce pays commencent à admettre dans leur sein des notables
étrangers au métier lui-même. Peu à peu l'élément « accepté
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y devient de plus eu pILus nombreux. C'est ainsi qu'en 1670, la
Loge d'Aberdeen ne comprend plus sur 49 membres, que 10
Maçons de métier. AjoLitons cependant que jusqu'au XVIIIe siècle,
les offices de Maître et de Surveillant de la Loge demeurèrent
réservés aux opératifs. L'Ecosse est ainsi le seul pays où il sub-
siste des Loges, aLujourd'hui toutes pareilles aux autres, qui furent
fondées au XVIe siècle par des Maçons « opératifs
En 1603, à la mort de la rene Elisabeth, Jacques VI Stuart
monte sur le trône d'Angleterre sous le nom de Jacques 1er. Les
relations vont s'intensifier entre le royaume c!'Ecosse et celui
d'Angleterre. Les gentilhommes anglais voyageant en Ecosse y
sont reçus dans des Loges, selon la coutume du pays. De retour
chez eux, ils y tiennent loge à leur tour et reçoivent Maçons
d'autres gentilshommes et notables. C'est ainsi que la plus
ancienne réunion de « Gentlemen-Masons e anglais dont ont ait
trace, se tint le 16 octobre 1646 à Warrington dans le Lancashire
pour faire « Maçon » le jeune et célèbre érudit Elie Ashmole et
son parent le colonel Mainwaring. Signalons que l'Angleterre se
trouvait alors en pleine guerre civile. Or, la Loge coniportait des
anglicans, des protestants « non-conformistes » et môme un
« papiste », des partisans du Roi et des tenants du Parlement.
Dès son apparition, la Franc-Maçonnerie non-opérative mettait en
pratique l'idée de tolérance.
Dans ce pays déchiré depuis LIfl siècle par des luttes confes-
sionnelles et politiques, les premiers Francs-Maçons anglais
acceptés sont des hommes de bonne volonté, résolLis à fraterniser
en dépit de tout ce qui pouvait les séparer en matière politique et
religieuse. La Loge Maçonnique apparaît déjà comme une « struc-
ture d'accueil » pour des personnes qui sans elle « seraient demeu-
rées étrangères ».
Ajoutons que le secret, dont s'entourèrent les « Free Masons
attire rapidement vers les Loges des amateurs d'alchimie, d'her-
métisme, d'ésotérisme biblique, alors nombreux en Angleterre où
on les appelait des Rose-Croix et qui vont enrichir le vieux fond
opératif » de rites et de symboles empruntés aux traditions
philosophiques et aux mystères antiques.
De 1646 à 1714 (mort de la reine Aune) l'essor de la Franc-
Maçonnerie restera cependant assez modeste et les Loges anglai-
ses peu nombreuses. A Londres oui en comptait au moins quatre
Le Gobelet et les raisins, Le Pommier, la Couronne, L'oie et le
Grill, qui tiraient leurs noms des tavernes où elles se réunissaient.
19
III. La Franc-Maçonnerie moderne
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tanniques, et qui reçut patente de la Grande Loge de Londres en
1732. « Le Louis d'Argent » avait élu domicile rue des Boucheries
à Paris et prit plus tard le titre de « Saint Thomas ». Signalons
également, en 1732, la fondation à Bordeaux de la « Loge Anglaise
qui aura le n3 204 sur le Matricule de la Grande Loge de Londres,
en 1733 la fondation à Valenciennes de « La Parfaite Union
enfin en 1735, la Loge de Bussy dite d'Aumont à Paris. Le « New
Book of Constitutions » présenté en 1738 par Anderson, signale
que la Franc-Maçonnerie compte alors cinq Obédiences indépen-
dantes de Londres, à savoir celles d'York, d'Ecosse, d'irlande, de
France et d'Italie, qui travaillent sous les mêmes Constitutions et
« font preuve d'un zèle égal à celui des Frères d'Angleterre «.
Le 27 décembre 1736, le Comte Derwentwater, Pair d'Angle-
terre et catholique, était élu Grand Maître de la Grande Loge
de France.
Il avait été précédé dans cette charge, dès avant 1735, par
James Hector Macleane, Chevalier Baronnet d'Ecosse, comme lui
jacobite et catholique, et peut-être dès 1729, par le Duc Philippe
de Wharton, qui avait été Grand Maître de la Grande Loge de
Londres en 1722-1723.
En 1737, vingt ans après la Maçonnerie londonienne, la
Maçonnerie française sort de l'ombre. C'est l'année du célèbre
discours du Chevalier de Ramsay, homme de lettres écossais qui
avait déjà souhaité la bienvenue dans l'Ordre à « huit Ducs et
Pairs et à deux cent personnes de la plus haute noblesse », parmi
lesquelles le Duc de Villeroy, le Duc d'Aumont, le Comte de
Tressan. « On ne parle, écrit un contemporain, que des nouveaux
progrès que fait tous les jours l'Ordre des « Free Masons ». Tous,
les grands et les petits se font également recevoir ». Le DUC de
Luynes note à son tour « Ii est souvent question parmi la jeu-
:
21
Le Duc d'Antin meurt en 1743, il est remplacé par un prince
du sang, Louis de Bourbon-Condé, Comte de Clermont, qui restera
en fonction jusqu'à sa mort en 1771. C'est sous le règne de ce
Grand Maître que va se développer en France l'Ecossisme, ou
Franc-Maçonnerie Ecossaise.
22
et Maître Maçon, un certain nombre de hauts grades. Il tire
son nom du premier de ceux-ci, le Maître Ecossais, un « ordre supé-
rieur de Maçonnerie » attesté dès 1733 à Londres, et qui sans
doLite fut ainsi appelé en hommage au rôle capital qu'avaient joué
les Maçons d'Ecosse dans la conservation et la propagation des
usages, rites et symboles de l'ancienne Maçonnerie opérative.
Apparu en France qLlelque dix ans plus tard, le Maître Ecossais
fut la cellule première de l'Ecossisme, qui allait trouver dans le
Royaume un terrain d'élection, s'y développer rapidement, et de là
se propager en Europe et en Amérique. Il y donnera naissance, à
l'aube du XIXe siècle, au Rite Ecossais Ancien et Accepté, riche
en tout de 33 degrés.
A la mort du Comte de Clermont (16 juin 1771), la Grande
Maïtrise est offerte à Louis Philippe Joseph d'Orléans, Duc de
Chartres.
23
nies (1). A la veille de la Révolution, le Grand Orient accuse le
chiffre de 629 Loges, 63 pour Paris, 442 pour la province, 38 pour
les colonies, 69 militaires et 17 à l'étranger. Quant à la Grande
Loge, dite de Clermont, elle comptait 376 Loges, soit 129 à Paris
et 247 en province. L'Ordre Maçonnique avait conquis dans le pays,
une place considérable d'après certaines estimations, on y
r
24
courage tout court. Si l'attitude du Grand Maître sous la Conven-
tion lui valut d'être répudié par les Frères dont il s'était désoli-
darisé, il faut convenir que le danger qui le menaçait était bien
susceptible de lui inspirer une résolution désespérée, et que son
courage devant Ja guiliotine peut encore iui vaioir une sympathie
rétrospective.
La mère loge de rite écossais philosophique Le Contrat Social,
dont le nom était déjà un programme, diffuse dès le début de
179 puseuvs civcuaves dans esqu&les on tvou'ie réunis pouï
la première fois les mots de liberté, d'égalité et de fraternité
qu'elle qLlalifie de « devoirs civiques '>, et elle met les Frères en
garde contre ta violence d'où qu'elle vienne, qui n'a plus rien de
maçonnique. Une de ces circulaires fut traduite en allemand par
25
le frère Dietrich, maire de Strasbourg, et diffusée par le frère
Lemaire, capitaine à l'armée du Rhin, avec 'aide d'autres frères
appartenant à des loges militaires.
Les travaux des loges subissent évidemment des perturba-
tions graves sous la Convention. Beaucoup d'entre elles pratiquent
cependant, comme il est souvent arrivé par la suite dans l'his-
toire, une Maçonnerie de la pénombre et du silence qui garde
le feu sous la cendre. Ainsi à Toulouse où on signale l'initiation
« d'une partie de 'Etat-Major « à Marseille où, dans la Loge La
;
27
tives, et il ne perdait pas grand chose en fait - sinon en prestige
à voir cette interdiction codifiée. Devenir le chef incontesté
de l'Eglise catholique donnait au Pape le droit absolu de régir la
spiritualité de ses ministres et de ses fidèles. Les parlements, ai
XVIIIe siècle, avaient limité ce droit en en soumettant les mani-
festations à leur examen critique ou au bon vouloir du monarque.
Leur refus d'entériner les bLilles contre les Francs-Maçons en est
un exemple typique. Après la signature du Concordat, au contraire,
toute la Catholicité retournait sous la houlette du Saint-Père et
les excommunications pontificales se trouvaient reprendre, pour
employer une expression maçonnique, « force et vigueur ». Résul-
tat, abandon des loges par les ecclésiastiques et hostilités des
dévôts contre les francs-maçons, hostilité entretenue par des
racontars de curés sans culture et, déjà, par des feuilles publiques
spéculant sur la crédulité de leur clientèle. On sent dans leurs
propos, comme un relent des calomnies de l'abbé Barruel.
La haine de ces apostoliques fait, par réaction, l'objet des dis-
cussions maçonniques. Comment en serait-il autrement ? Elle ris-
que, en effet, de compromettre l'existence de l'Ordre si les
conseillers écoutés de Charles X, qui sont à la tête de ce qu'on
appelle alors « le parti prêtre », arrivent à triompher de la sourde
irritation des Français auxquels la Charte de 1814, leur rendant
l'appellation offensante de « sujets », avait confisqué les conquêtes
civiques de la Révolution. Aussi est-il indiscutable que si elles
ne préparèrent pas la chute du régime dans le mystère de leurs
travaux, les loges collaborèrent de toute leur foi, et par l'activité
belliqueuse des frères, à l'explosion de colère qui balaya le trône
des Bourbons.
28
morts pour la « cause sacrée », ses chants et ses discours témoi-
çjnent nettement de ses soucis politiques. Le Fite Ecossais, certes,
participe à la joie générale, puisque c'est son Grand Commandeur,
le duc de Choiseul, qui préside la cérémonie en l'honneur du
« libérateur des deux mondes », mais on sent néanmoins qu'il ne
voulait pas que cette attitude de l'Ordre, bien que justifiée par
un sûr instinct de défense, déterminât une orientation contraire
à ses principes. La preuve en est que, lorsque des combattants
de juillet 1830, franc-maçons, voudront, sous les auspices de
La Fayette lui-même, qui accepte d'être leur Vénérable d'honneur,
créer une loge nouvelle sous e titre Les Trois Jours, ils échoue-
ront en dépit ou à cause de leur programme d'action.
On vient d'étudier la brève histoire de cet atelier au titre
doublement symbolique. Son état-major comprenait les Maçons
les plus éminents, outre La Fayette, le député Alexandre
de Laborde, le banquier Laffitte, Vénérable, le Maire du 4' arron-
dissement, Ch. Cadet de Gassicourt, le docteur de Laborde, le
futur ministre Odilon Barrot, et l'explorateur Crampel. Mais lors
de son installation, le général Ch. Jubé, Grand Secrétaire Général
du Suprême Conseil, lui retira sa patente, compte tenu dLI fait
qu'avant même l'intégration la loge avait suivi, bannière déployée,
le convoi funèbre du général Lamarque et qu'elle prétendait,
le jour de son installation même, procéder à l'admission d'un
réfugié polonais. L'appel interjeté, soutenu mollement ou pas du
tout par les fondateurs qui appartenaient au Suprême Conseil fut
vain et, en application du règlement, cette loge disparut.
Louis-Philippe, fils du premier Grand Maître du Grand-Orient,
dont on escomptait la reconnaissante bienveillance et qui, espé-
rait-on, placerait ou laisserait placer son fils à la tête de 'Ordre,
se montrait du reste déjà sournoisement hostile aux institutions
comme aux hommes qui l'avaient porté au pouvoir.
De son côté, la Franc-Maçonnerie témoignait d'une prudente
discrétion et se repliait sur sa véritable tradition.
Elle venait de sortir de sa tour d'ivoire. Précédent dangereux.
A raisonner dans l'absolu, on lui a parfois donné tort. Mais il est
des circonstances dans la vie des peuples qui dépassent la volonté
des individus et qui prouvent la faillibilité de leurs ois. Tolstoï
l'a montré d'une façon prophétique dans Guerre et Paix. Et
iious l'avons constaté nous-mêmes lorsqu'au moment d'une affaire
29
fameuse, des savants jusqu'alors réputés pour leur dédain des
contingences, des écrivains d'un scepticisme presque ostentatoire,
voire des Sociétés scientifiques, se mêlèrent au conflit d'ordre
idéologique qui divisait le pays en deux camps résolument adver-
ses. Le danger de tels gestes est qu'on retrouve difficilement la
sérénité perdue.
30
Après rapport, débat et vote, 'Assemblée générale vote un
article premier de la Constitution du Grand Orient de France qui
précise que « La Franc-Maçonnerie a pour principe l'existence de
Dieu et l'immortalité de l'âme. » Malgré un correctif sur la liberté
de conscience, cette affirmation dont le moins qu'on puisse dire
est qu'elle est dogmatique paraît, avec le temps, assez peu adé-
quate. Mais elle permettait alors, d'espérer l'audience d'une
clientèle assez large, car elle intéressait un secteur d'opinion
hostile au « Roi Citoyen », mais « voltairien '. Ce secteur allait
jusqu'aux curés bénisseurs d'arbres de la liberté et on pourrait,
rien que d'après Baizac, en faire une étLlde instrL!ctive.
31
pouvoir de lui désigner un chef. En 1862, c'est la carte forcée.
contre laquelle on ne peut rien, sinon se montrer assez souple
pour et c'est ce qui arrivera reconquérir le droit d'élection.
Et les bulletins alors consacreront le choix de 'Empereur en
maintenant à son poste de Grand Maître le maréchal Magnan.
Celui-ci, pour ajouter à son prestige et satisfaire à la volonté
évidente de 'Empereur, veut obliger le Suprême Conseil à fusion-
iier avec le Grand Orient. Ainsi se trouverait justifié ce titre
qu'il arbore orgueilleusement, mais inexactement Grand Maître
:
32
ration, ils aident à 'interpénétration des esprits et conséquem-
ment au rapprochement des peuples.
Quand Viennet meurt, après Magnan, l'attention gouverne-
mentale est accaparée par bien d'autres soucis. La Franc-Maçon-
nerie d'ailleurs ne fait guère parler d'elle ; un de ses membres, le
docteur BLichtold-Beaupré, dans son livre isis ou l'initiation maçon-
nique, va même jusqu'à lui reprocher « son abstention ou sa
réserve dans les grandes luttes politiques et religieuses du jour ».
L'Institution est vraiment fidèle à sa doctrine première qui ne pres-
crivait aucune foi, niais il n'y a guère d'exemple qu'à cette épo-
que Liii rite accueillît un seul néophyte se proclamant nettement
athée. Même, en 1875, au Rite Ecossais (nous anticipons un peu
sur les événements mais ce détail trouve ici sa place et son
considérable intérêt), la loge des Coeurs Unis refuse un candidat
qui n'avait pas voulu reconnaître l'existence du Grand Architecte,
ce qui, disait le rapport envoyé au Pouvoir Central, est contraire
à nos Règlements
La Franc-Maçonnerie, sous le Second Empire, y gagne du
moins d'être bien vue et à la Cour, et à la Ville. Quand la Société
de Saint-Vincent-de-Paul qui, assez inquiétante par ses menées
politiques, refusa la reconnaissance publique qu'on lui avait offerte,
le ministre, M. de Persigny, opposa officiellement (circulaire du
16 octobre 1861) le bon esprit de la Franc-Maçonnerie à l'attitude
méfiante de la Société. Cela devait susciter de la part de
Mgr Dupanloup une protestation enflammée. L'influence du maré-
chal Magnan aidait à cette heureuse réputation.
En effet, tout système, aussi fâcheux soit-il, ne va pas sans
quelques avantages compensateurs : ces grands Maîtres tou-
jours choisis parmi les personnages haut placés non seulement
protègent l'Qrdre, mais celui-ci profite moralement de leur situation
dans le monde profane. Cela ne fut pas seulement au XVIIIe siècle,
mais pendant tout le XIXe siècle jusqu'en 1871. Les francs-maçons
jouirent jusqu'à l'avènement de la troisième République d'une
considération évidente parmi toutes les classes de la société, Ils
avaient des ennemis parmi les catholiques, certes, mais des enile-
mis qui n'étaient jamais parvenus à les salir dans l'opinion de
leurs contemporains. Ils gardaient le prestige d'avoir eu dans
leurs rangs des hommes célèbres par leur talent, leurs mérites,
et même par leur naissance.
Lorsque ceux qu'on appelait les libres-penseurs étaient mal-
menés par leurs adversaires dans les assemblées représentati-
33
ves, on évitait de les confondre avec les francs-maçons. Combien
cette remarque est révélatrice d'un état d'esprit qui nous étonne
aujourd'hui ! Pour ceux qui la pourraient trouver insuffisamment
fondée, nous citerons ce fragment du discours que Sainte-Beuve
prononça au Sénat, en 1868, au sujet des « tendances matérialistes
de l'enseignement ». Nous le relevons dans le Moniteur Universel
du mercredi 20 mai 1868
« ... Est-ce parce que les esprits faisant partie de cette classe
ne sont pas associés, affiliés entre eux, comme cela a lieu pour
les sectes et communions religieuses ? Je serais presque tenté
de le croire, car du moment qu'il y a un lien d'association comme
dans 'Ordre de la Franc-Maçonnerie par exemple, oh ! alors on
cesse d'être injurié, répudié, maudit je ne dis pas dans les
chaires sacrées, c'est leur droit mais dans les assemblées
publiques et politiques. Si l'on parlait ici dans le Sénat des francs-
maçons comme on y parle habituellement des libres-penseurs, on
trouverait assurément quelqu'un de haut placé pour répondre. »
(Sourires, les regards se portent sur le général Mellinet qui
prend part lui-même à l'hilarité). (Le général Mellinet était alors
Grand Maître du Grand Orient, mais à la différence du maréchal
Magnan, il était maçon depuis de longues années).
34
de ses Grands Officiers stigmatisèrent les partisans de la Com-
mune, même dans leur action comme libres citoyens. Il avait
l'excuse d'être un haut fonctionnaire de province et sans doute
assez mal informé de l'esprit des Parisiens, ce qui s'explique
aisément, étant donné les circonstances dans leur ensemble.
La République instituée, puis passée aux mains des républi-
cains, comment expliquer le revirement qui s'est produit dans
l'esprit d'une certaine élite sociale et, avouons-le, dans l'opinion
publique, touchant la renommée de la Franc-Maçonnerie ? Elle le
doit certainement à la campagne menée par les cléricaux, mais
aussi à ses propres fautes. L'avènement de la République porta
au pouvoir plusieurs de ses membres qui avaient appris à penser
à l'intérieur de ses temples et qui se trouvèrent devoir mettre en
pratique le libéralisme de son enseignement.
Il devient alors de plus en plus difficile à 'Ordre de se tenir
à l'écart des événements profanes et ce d'autant plus que la
République assez mal assise va encore avoir à se débarrasser
de certaines erreurs qui nuisent à son épanouissement. On discute
la loi Falloux. L'ecclésiastique a encore une influence considéra-
ble dans les rouages de l'Etat...
Le succès grise. Les jeunes francs-maçons voLidraient « exté-
rioriser » la Franc-Maçonnerie. Certains d'entre eux, comme
Gambetta, Jules Ferry, Brisson, Floquet, Camille Pelletan, Georges
Perm, Edouard Lokroy, Wyrouboff, Millet le sculpteur, le docteur
Lannelongue, etc., dont beaucoup, comme les neuf derniers,
appartiennent à des loges écossaises, voudraient pousser le
Suprême Conseil à sortir de sa réserve, lis proposent des innova-
tions dans la constitution que désapprouvent les Grands Com-
mandeurs - même des chefs comme Adolphe Crémieux dont le
républicanisme n'est pourtant pas suspect. On voudrait jeter par
dessus bord le Grand Architecte de l'Univers. Le Grand Orient
le fait en 1877 en rejetant de sa « Déclaration de principes » la
croyance en Dieu et à l'immortalité de l'âme. PourqLloi le Rite
Ecossais n'imiterait-il pas un exemple aussi méritoire ? Le Suprême
Conseil tergiverse, élude, accorde des concessions qui ne touchent
pas au point névralgique du débat, c'est-à-dire à son propre pou-
voir dictatorial qui semble aux révolutionnaires un anachronisme
inadmissible. Et cela dLlre jusqu'au jour où des loges intransi-
geantes se séparent de lui en 1880 pour fonder une obé-
dience aux tendances nettement politiques La Grande Loge Sym-
:
35
Le Suprême Conseil, cédant à la force des choses, accordera
à ses Loges Bleues (du 1er au 3 degré) de tels avantages, que la
Grande Loge Symbolique Ecossaise ralliera le bercail pour fonder
avec les ateliers demeurés fidèles l'organisme qui existe de nos
jours sous le titre de Grande Loge de France (1894). En 1905, ces
avantages iront même jusqu'à une complète autonomie, de sorte
que le Rite se trouve actuellement scindé en deux parties qui
constituent néanmoins l'unité écossaise le Suprême Conseil qui
:
36
DIALOGUE
ENTRE UN FRANCMAÇON
ET UN PROFANE
Ouestion
Dans l'article premier de la Déclaration de Principe de la
Grande Loge de France il est écrit « La Grande Loge de France
travaille à la Gloire du Grand Architecte de l'Univers ». Qu'enten-
dez-vous par là ?
Réponse
C'est un fait. Les Francs-Maçons écossais de la Grande Loge
de France travaillent à la Gloire du Grand Architecte de 'Univers
et ils ouvrent et ferment leurs travaux sous cette invocation, car
ils pensent que ce symbole est essentiel et qu'il constitue la
clef de voûte de tout l'édifice Maçonnique. Le Grand Architecte
de 'Univers a pour eux valeur d'analogie. Dans la mesure où
l'Univers peut être comparé à un édifice, c'est-à-dire à un ensemble
ayant forme et finalité, il y aurait, à l'origine de cet Ordre,
un être créateur et un principe ordonnateur qui serait à l'uni-
vers ce que l'architecte est à 'édifice. Et de même que cet
architecte a présidé à la création et à la construction du monde,
de même que Hiram (1) a pensé et construit le Temple de Salo-
mon, tout Franc-Maçon a le devoir de construire le Temple exté-
rieur et intérieur. En travaillant à la Gloire du Grand Architecte
de l'Univers, la Franc-Maçonnerie écossaise manifeste son atta
chement à l'idée d'un univers où le sens l'emporte sur le non-sens,
où la pensée et l'action de l'homme doivent être en accord avec
37
la signification ultime de la réalité. Elle laisse aux théologies et
aux systèmes métaphysiques le soin de définir le contenu et le
mode d'être du Grand Architecte de l'Univers.
38
Question
Votre Déclaration de Principe dit aussi que « Conformément
aux Traditions de l'Ordre, trois Grandes Lumières sont placées
sur l'Autel des Loges l'Equerre, le Compas, et le Volume de la
Loi Sacrée. »
Réponse
C'est exact. Les Francs-Maçons prêtent leur obligation sur le
Volume de la Loi Sacrée, ouvert sur l'Autel des serments et sur-
monté de l'Equerre et du Compas. Tous leurs travaux se dérou-
lent en présence de ce symbole unique aux triples dimensions.
Pourquoi, me direz-vous, ces trois symboles iD L'équerre:
c'est un instrument rigide qui nous donne l'angle droit par lequel
la pierre brute est rendue cubique et devient apte à être assem-
blée en un édifice harmonieux. L'équerre permet de passer du
désordre à l'ordre, de l'homme conçu comme nature désordonnée
et livrée aux passions à l'homme soumis à la raison et à la volonté.
Elle est symbole de rigueur, de rectitude vis-à-vis de soi et vis-à-
vis des autres. Quant au compas, c'est un instrument essentielle-
ment mobile et qui sert à tracer le cercle, sans commencement
ni fin, et qui sert à mesurer. Il est le symbole de la mesure du
mouvant par rapport à l'inerte, symbole de l'esprit dans son dyna-
misme constructeur. L'Equerre et le Compas sont toujours asso-
ciés et unis dans un rapport complémentaire, disons même dialec-
tique. Enfin, cette Equerre et ce Compas, sont placés sur le
Volume de la Loi Sacrée. Le plus souvent dans nos Loges, c'est
la Bible (Ancien et Nouveau Testament) généralement ouverte à
l'Evangile de Jean. Mais on peut l'ouvrir à l'Ancien Testament,
39
au Livre des Rois par exemple. D'autres livres sacrés peuvent être
utilisés, si l'impétrant est d'une confession différente par exem-
:
être dans la lumière et qui a son frère en haine est dans les ténè-
bres «, « Celui qui aime son frère demeure dans la lumière ».
C'est ici que l'amour fraternel devient lumière et que cette
lumière se confond avec cet amour fraternel. La loi, notre loi est
suspendue à cette seule idée de fraternité totale et universelle.
Cette loi de charité et de jListiCe, il ne sagit pas seulement de
la reconnaître, mais il faut surtout la pratiquer « Quiconque ne
pratique pas la justice n'est pas né de Dieu « nous dit encore
Jean et il ajoute « N'aimons pas en paroles mais en oeuvres avec
vérité (1). La vérité de notre amour ce seront nos oeuvres qui
en seront les témoins. Il s'agit de « pratiquer la justice « « faire »
le bien (2). Si bien que dans cet esprit, le vrai fidèle c'est celui
dont les oeuvres sont bonnes même s'il s'écarte des dogmes.
L'infidèle c'est celui qui tout en étant d'accord avec les dogmes,
40
s'écarte du véritable esprit de charité. Or, le volume de la Loi
sacrée dans la Loge rappelle et doit rappeler à chaque instant au
Franc-Maçon qui est un homme, qu'il doit toujours s'efforcer
d'obéir à cette loi de justice et d'amour.
Tel nous apparaît bien au-delà des rivalités religieuses et
des qLlerelles confessionnelles, le sens véritable de ce message,
la vérité de cette loi.
Car il est profondément vrai que « Si flOLIS marchons dans la
lumière, nous faisons société avec les autres » et que « celui qui
aime ses frères est dans la lumière » (3). Ici encore amour et
connaissance se rejoignent dans une seule et même idée, dans
une seule et même espérance.
Comme l'évoquait au XVlll siècle le Chevalier de RAMSAY
« La Franc-Maçonnerie est bien cette résurrection de la religion
noachique, celle du patriarche Noé, cette religion universelle anté-
rieure à tout dogme et qui permet de dépasser les différences et
les oppositions de confessions '>, qui permet de dépasser toutes
différences et toutes les divisions, ajouterons-nous, à condition
certes, de bien vouloir entendre son message et son enseigne-
me nt.
Question
Me permettez-vous. Monsieur, de vous poser une aUtre qties-
tion. Vot,-e Constitution que vous m'avez si aimablement donnée
et que je viens de lire, dit que la Franc-Maçonnerie cherche la
vérité et que dans cette recherche, il n'est admis aucune limite
et aucune entrave, ce qui sup pose la liberté de conscience comme
règle. Dès lors ne pensez-vous pas qu'il y a contradiction entre
ces cieux affirmations, celle du Grand Architecte de l'Univers
d'une part et d'autre part celle de la Liberté de Conscience ?
Réponse
Non seulement il n'y a pas de contradiction entre ces deux
affirmations, mais au contraire il y a complémentarité. On ne sau-
rait affirmer la bberté de a pensée sans affirmer e Grand Archi-
tecte de l'Univers, celUi-ci apparaissant comme le support, le
garant, le fondement de la liberté de pensée.
41
Ici, Monsieur, expliquons-nous. Certains vous diront et vous
démontreront que la pensée humaine n'est pas libre ; qu'elle est
déterminée par des facteurs biologiques, économiques et sociaux,
et qu'elle l'est totalement. Ils nous assurent que notre conscience
n'est que le reflet de tendances inconscientes, d'impératifs éco-
nomiques et sociaux ou le fruit de notre ressentiment. Certes la
pensée appartient en partie à l'ordre du fait et de l'histoire
mais n'appartient pas qu'à eux seuls. Elle appartient aussi à un
autre ordre, de Droit qui est celui de la Vérité et elle lui appartient
dans la mesure où elle est justement recherche de la Vérité.
Et c'est cette recherche de la vérité qui définit mieux que tout
autre la pensée véritable. On ne saurait comprendre la nature
de la pensée si l'on ne comprend en elle ce qui est intention,
recherche de la vérité. Et remarquons ici que lorsque dans l'his-
toire, des hommes ont demandé la liberté de pensée, ils ne deman-
daient pas d'exprimer ce que leur dictait leur inconscient ou leur
classe, ils ne demandaient pas de dire n'importe quoi, ils vou-
laient exprimer la vérité ou ce qu'ils croyaient être la vérité, lis
nous montrent par là que pour eux, comme pour nous, liberté et
vérité sont intimement, nécessairement liées, que la liberté de
pensée ne peut exister sans l'ordre de la vérité.
Eh bien pour nous Francs-Maçons écossais, le Grand Archi-
tecte devient fondement de cette vérité et si vous me permettez
le langage philosophique, le Grand Architecte devient le fonde-
ment ontologique de la Vérité. Mais ici, il faut tout de suite
ajouter ceci que le Grand Architecte s'il est Dieu est un Dieu
ineffable, un Dieu absent, il est l'Etre Inconnu.
L'Etre qu'aucun homme quel qu'il soit, fût-il le Pape ou l'Arche-
vêque de Canterbury, i'Etre qu'aucune confession religieuse,
quelle qu'elle soit, juive, catholique, anglicane et protestante ne
saurait définir et dont elle ne saurait imposer le contenu à la
libre conscience des hommes. On peut même aller plus loin et
dire que dans leur origine et leur authenticité les religions ne
disaient pas autre chose. « Je suis ce que je suis » nous dit le
Dieu d'lsraèl, ce qui signifie que moi homme je n'ai pas à cher-
cher à le comprendre et à le définir. Et la révélation me direz-
vous ? L'idée de révélation n'a rien à voir avec la Franc-Maçonnerie.
La révélation concerne les consciences individuelles, qui sont
libres de croire ou de ne pas croire au Dieu personnel de telle
religion particulière. La Franc-Maçonnerie se situe au-delà de
toutes les religions, de la révélation mosaïque, comme de la révé-
lation chrétienne, ou musulmane. Voilà pourquoi, Monsieur, nous
42
pensons que ces deux affirmations, celle du « Grand Architecte »
et celle de la liberté de conscience ne sont pas contradictoires,
mais encore une fois, complémentaires. Il n'y a de liberté véritable
que si l'on pose, transcendant à tous les ordres de fait, ceux de
la nature et ceux de l'histoire, un ordre de Droit qui devient
l'unique recours de la conscience libre. C'est ainsi qu'en travail-
lant à la Gloire du Grand Architecte de l'Univers, les Francs-
Maçons de la Grande Loge de France, affirment dans le même
temps la liberté de la personne humaine.
Question
La Grande Loge de France proclame son indéfectible fidélité
et son total dévouement à la patrie, dites-vous dans l'article III.
En élargissant la question, peut-on vous demander quels sont les
rapports de la Franc-Maçonnerie avec la politique ou plutôt avec
le politique ?
Réponse
Il est dit, Monsieur, dans les Constitutions d'Anderson, article
II, qL!'un Maçon est un sujet paisible des pouvoirs civils tant au
lieu de sa résidence qu'à celui de son travail et qu'il ne sera
jamais impliqué dans aucun complot ou aucune conspiration
contre la paix et la prospérité de la nation, qu'il ne manquera à
aucun de ses devoirs envers les autorités.
La Franc-Maçonnerie n'a jamais essayé de se placer en dehors
des lois. Les Francs-Maçons respectent les lois civiles de la
société dans laquelle ils vivent. lis sont des citoyens loyaux et
qui se veulent responsables.
En tant que citoyens, ils peuvent et ils participent souvent
aux affaires de la Cité, comme les autres citoyens, mais contrai-
rement à une opinion aussi répandue que fausse, ils ne reçoivent
aucun mot d'ordre auquel ils seraient tenus d'obéir. Pas plus en
politique qu'en religion, ii n'y a de credo Maçonnique. Et dans
les Loges, ii est fréquent de voir se cotoyer sur nos colonnes, le
« libéral » et le « socialiste », le « radical » et « l'indépendant »,
le « progressiste » et le « conservateur », comme se cotoyent le
« juif » et le « chrétien », « l'intellectuel » et le « manuel » tous
sont tenus par la discipline de la Loge, de respecter les opinions
d'autrui et d'éviter les disputes et les querelles. N'est-ce pas
d'aiiieLlrs ce que disait déjà l'article VI des Constitutions d'Ander-
43
Le Grand Homme, les outils de l'architecte et l'âme universelle
(Bâle 1650)
44
responsabilité dans l'Etat et jouent un rôle considérable dans la
vie politique de leur pays. Par exemple aux Etats-Unis où de
nombreux présidents ont été et sont Maçons, en Amérique du
Sud, en Angleterre et en France même?
Réponse
45
Question
Monsieur, il est une idée qui est d'habitude attachée à la
Franc-Ma çonnerie, c'est celle du secret. Y a-t-il L/fl secret Maçon-
nique et quel est-il ?
Réponse
Oui il y a un secret Maçonnique. En quoi consiste ce secret ?
Je ne peux pas VOLIS le dire mais je peux VOLI5 dire ce qLI'il n'est
pas et cela vous permettra d'éliminer un certain nombre d'idées
fausses. Rejetons d'abord ce qui a constitué jadis et ce qui cons-
titue encore pour qLlelques esprits attardés, une calomnie gros-
sière.
L'accusation du complot.
Dès la fin du XVIIIe siècle en effet, la Franc-Maçonnerie fut
accusée de travailler en secret à renverser les trônes et l'Eglise.
A la suite de l'Abbé Baruel, les anti-maçons les plus virulents
virent en elle l'instigatrice de la révolution française y compris la
terreur, et comble de stupidité, quelques dizaines d'années
plus tard, des Maçons oublieux de leurs authentiques tradi-
tions, acceptaient avec ravissement que leurs ancêtres aient
joué un pareil rôle. Ignorance historique, que de crimes on commet
en ton nom N'en déplaise aux maniaques de l'ubiquité maçon-
nique, la devise de la République : Liberté, Egalité, Fraternité
n'est pas sortie de nos loges et il y eut beaucoup plus de Maçons
guillotinés que de Maçons guillotineurs. Les Maçons de ce temps
étaient dans leur très grande majorité, royalistes, favorables
certes à une évolution constitutionnelle de la monarchie, mais
tout de même fidèles au trône. Quant à l'accusation de complot
contre l'Eglise, elle est tellement peu fondée que la première Bulle
d'excommunication « in eminenti » promulguée en 1738 par le Pape
Clément XII, ne reproche que le caractère secret des réunions
et, incapable de donner le moindre motif à la condamnation se
réfugie dans la vague formule « pour des motifs de nous seuls
connus ».
Même dans les grandes périodes anticléricales de la 111e RépLi-
blique, les Maçons dans leur ensemble n'ont voulu s'attaquer qu'à
certains privilèges de I'Eglise et non à l'Eglise elle-même. Les
discussions suscitées par les articles de la Loi de Séparation des
Eglises et de l'Etat le prouvent, loi qui soit dit en passant, s'est
révélée à l'avenir absolument providentielle aussi bien en ce qui
46
concerne la subsistance matérielle des Eglises, que leur liberté,
au point que celles-ci devraient considérer [mile COMBES et
Aristide BRIAND comme de grands bienfaiteurs. Il y eu certes
des excès et des prises de positions nettement antireligieuses,
mais elles furent l'exception et disons-le tout net, personne
aujourd'hui ne les considère comme d'inspiration maçonnique.
Ou bien il faudrait considérer comme d'inspiration spécifi-
quement catholique la propagande antisémite et antidreyfu-
sarde de l'époque. Quant à l'accusation de complot contre
l'Etat, la valeur des hommes politiques Maçons de cette époque,
ainsi que leur patriotisme suffit à en démontrer l'absurdité.
Il semble qu'aujourd'hui on ait fait justice de tout cela.
47
I
Grand Temple de la Grande Loge de France.
48
pour autant dire n'importe quoi. Cependant l'action essentielle
du symbole sur l'être même de l'initié ne sera possible et efficace
que si celui-ci fait l'effort de volonté nécessaire. De lui, dépend
la réalité de l'initiation.
Comment cet effort est-il fourni, quelle réaction suscite-t-il
chez l'intéressé, à quoi aboutit-il, quel regard nouveau provoque-t-il
sur le monde et sur soi ? Voilà autant de questions dont les
réponses relèvent du véritable secret maçonnique. Secret qui
existe donc pleinement, d'une part, parce que les réponses sont
réelles, d'autre part parce qu'elles sont incommunicables. Seul
celui qui vit ce genre d'effort peut savoir ce qu'il représente
sans réelle participation, l'impression de l'extérieur ne peut qu'être
inexacte. Si je reprends mon exemple de l'alpiniste, je ne puis
m'empêcher de songer à toutes les critiques dont bien souvent
ce sport est l'objet. Pourquoi tenter de telles ascensions, pour-
quoi utiliser les chemins les plus difficiles ? Temps perdu, énergies
et vies gâchées, telles sont les conclusions auxquelles arrivent
ceux qui jugent cette activité du dehors. Le même genre de remar-
ques s'entend à propos des rites maçonniques. Vus de l'extérieur
ils sont plus ridicules qu'inquiétants, leur spectateur se trouvant
dans l'impossibilité ontologique de les recevoir. C'est la raison
fondamentale pour laquelle, la Franc-Maçonnerie ne voulant trom-
per personne, les garde secrets. De plus, il ne faut pas oublier que
ces rites ont pour but de transformer un être. Les effets qu'ils
produisent, pour être durables et conduire à une réelle évolution
ne doivent être connus que par l'intéressé lui-même. Quel homme
se laisserait totalement pénétrer par le symbolisme, interpeller
par le rite dans le plus profond de son être, s'il savait que ses
réactions étaient épiées par des regards étrangers et critiques.
Pour tout témoin, il faut qu'il n'ait que le Grand Architecte de
l'Univers et lui-même, tout en se sentant soutenu par la présence
fraternelle d'hommes qui ont subi et qui vivent la même initiation
que lui. L'Eglise agit d'ailleurs exactement de la même façon en
veillant au caractère secret des confessions. L'engagement
solennel que prend le prêtre, l'entretien privé au cours duquel le
fidèle expose ses problèmes, constituent autant de garanties don-
nées à la personne humaine pour que les différentes phases
au travers desquelles son être va passer pour se réconcilier avec
Dieu, restent secrètes. Ainsi seront-elles vécues avec authenticité
et efficacité.
49
d'une réconciliation avec Dieu ou encore, comme c'est le cas pour
la Maçonnerie, dans le sens d'une recherche d'une meilleure har-
monie avec les lois du Cosmos pour parvenir à la sagesse, tout
cela ne peut s'accomplir valablement que dans le secret des
coeurs.
Question
Réponse
Nous voulons dire d'abord qu'elle n'est pas une église, fondée
sur une révélation, ce qui impliquerait une foi particulière. Mais
elle n'est pas non plus et ne peut pas être une société de type
profane, analogue soit à un parti politique, soit à un syndicat,
soit à un club, fût-il progressif et de bonne compagnie.
Question
51
Réponse
Dire de la Franc-Maçonnerie qu'elle est un ordre initiatique
et traditionnel est à la limite un pléonasme. L'idée de tradition et
celle d'initiation sont consubstantielles. Dire que la Franc-Maçon-
nerie est une société traditionnelle, c'est dire que la tradition fait
partie de sa nature même, de son essence.
Remarquons que lorsque Anderson énonçait les règles de la
Franc-Maçonnerie spéculative, il est rattachait aux règles de la
Franc-Maçonnerie opérative les Francs-Maçons opératifs eux-
mêmes respectaient les traditions, et ainsi de suite jusqu'à une
Tradition primordiale », à laquelle d'ailleurs on peut attribuer
le rôle, le statut d'un mythe. Cette expérience vécue de la tradi-
tion conduit à une sagesse, celles de ces morts dont Auguste
Comte a pu dire « qu'ils gouvernent les vivants ». Donc il nous
semble que Tradition et Franc-Maçonnerie sont synonymes. Si la
Franc-Maçonnerie perdait la tradition de ses rites d'initiation,
elle deviendrait une sorte de club politico-philosophique.
Mais une tradition a un contenu. L'idée fondamentale de la
Franc-Maçonnerie serait celle de cette voie initiatique qui passe
par la recherche du vrai, du bien et du beau :sagesse, force,
beauté, représentent dans nos rituels cette trilogie. Cette idée
de tradition initiatique qui définit la Franc-Maçonnerie contient
d'abord l'idée du secret. Le contenu d'une initiation est réservé
aux seuls initiés et la communication de ce secret aux profanes
est vaine, parce que déformante. A la limite, le secret Maçonnique
parce que initiatique est intransmissible par le seul verbe ou la
seule écriture. Pour être compris, il doit être expérimenté, c'est-à-
dire vécu. Nous trouverions ensuite la tradition d'un Rite et
d'un Rituel (en particulier les rites d'ouvertures et de fermetures
qLii ont pour fonction de séparer le monde « sacré » du monde
« profane »). N'oublions pas que le lieu où se réunissent les Maçons
est un Temple et que ce Temple a été consacré. Nous trouverions
encore la tradition des degrés dans 'initiation elle-même, ici,
Apprentis, Compagnons et Maîtres et enfin la pratique du symbo-
lisme. Tradition et symbolisme s'impliquent réciproquement : une
tradition transmet des symboles et réciproquement, une symbo-
lique n'a de sens que par une tradition.
Ouestion
Mais qu'est-ce qui ferait l'originalité de la tradition initiatique
de la Franc-Maçonnerie ?
52
I
Réponse
L'originalité, le caractère propre de la tradition Maçonnique.
ce serait sans doute de refuser l'opposition absolue entre science
et sagesse, contemplation et action, matière et esprit. Vous avez
pu remarquer que les symboles propres à la tradition Maçonnique
sont principalement des outils (1) la règle, l'équerre, le compas,
;
53
Parvis du Temple Franklin Roosevelt.
54
Question
Réponse
55
damentale des choses que je ne peux jamais saisir totalement et
appréhender positivement. Peut-être à ce que Platon appelait l'idée
du Bien, peut-être à l'Archetype fondamental, à ce que les méta-
physiciens du XVIIe siècle appelaient l'Etre. Ce signifiant, cet
être fragmentaire, renvoie à son complémentaire, au signifié, au
grand Tout, au Cosmos, à 'Etre lui-même. Le symbole est ainsi
un fragment de vérité qui renvoie à la Vérité. C'est un fragment
d'être qui renvoie à l'Etre. Et si dans notre vie quotidienne nous
vivons dans le fini, la pensée symbolique nous permet d'accéder
à l'infini, que celui-ci soit du côté du Cosmos ou du côté de
I 'Esprit.
Question
Réponse
56
I
religieux ou idéologique, pour la Franc-Maçonnerie, l'universalité
passe par la liberté de ccnscience et repose sur elle ; le Franc-
Maçon est un homme libre dans sa Loge libre. Il s'agit par cette
liberté et dans cette liberté de « réunir ce qui est épars » et de
réaliser ainsi le « centre de l'union » « par une amitié vraie entre
des personnes qui aUraient dû rester éloignées les unes des
autres ».
Question
Réponse
57
faire en premier lieu un bref rappel historiqLie. Les fondateurs de
la Franc-Maçonnerie spéculative, les pasteurs Anderson et Désa-
guliers étaient des chrétiens convaincus. L'obligation faite aux
maçons de croire en Dieu est d'ailleurs inscrite à l'article de I
58
l'esprit. Fait de mots humains empreint dans sa forme d'une
logique humaine, soumis constamment à la Parole de Dieu, un
tel point de repère ne saurait être infaillible. L'adhésion qu'il
réclame ne signifie donc pas pour l'esprit un arrêt de la réflexion
mais en fait une étape dans la recherche incessante d'une formu-
lation toujours à améliorer de la Vérité. Cette conception dLl
dogme, beaucoup plus conforme à la foi, au Dieu de la Bible dont
le Nom est imprononçable est actuellement partagée par de nom-
breux catholiques. La foi chrétienne est donc revenue à une cer-
taille pureté dans une dimension oecuménique et apparaît dans
cette forme-là comme parfaitement compatible avec une quête
initiatique.
59
refuseraient de reconnaître la Bible comme Parole de Dieu, et
elle empiétrait sur le domaine de l'Eglise qui seule a autorité
pour prendre des positions théologiques. Et, dire que la Bible
est la Parole de Dieu, est une affirmation théologique fonda-
mentale, soulevant immédiatement différentes questions quant à
la façon de la comprendre, questions sur lesquelles les Eglises
et les théologiens ont effectivement à prendre position, mais cer-
tainement pas les Francs-Maçons en tant que tels. La Franc-
Maçonnerie doit rester un « Centre d'Union » et interdire dans
ses loges tout ce qui peut diviser et opposer les hommes. C'est
la raison pour laquelle la Grande Loge de France ne demande aucun
engagement de type religieux. Elle respecte trop l'Eglise pour cela.
Voilà, à très gros traits, les différences de démarches. Il appa-
raît alors clairement, me semble-t-il que celles-ci ne s'opposent
et ne s'excluent nullement, car le symbolisme n'est constructif
que s'il s'appuie sur une tradition et la théologie ne remplit sa
fonction que si elle ne se sclérose pas dans un dogmatisme
aveugle. Quand au but, il est sensiblement le même et peut être
résumé ainsi la connaissance de l'Ordre qui nous régit, et l
Question
60
Réponse
61
En ce sens la morale Maçonnique est l'apprentissage de la
fraternité.
C'est parce qu'il a réalisé en lui l'équilibre et l'harmonie, qu'il
peut les apporter au monde et aux autres hommes.
Vous voyez donc, Monsieur, qu'il ne s'agit pas pour nous de
dicter une conduite, il ne s'agit pas de prêcher, il s'agit de propo-
ser des exemples, il s'ag,it d'aqjr. Me confondons pas moae
authentique avec le moralisme et avec la moralisation qui n'en
sont que la caricature. Vous voyez aussi qu'il ne s'agit pas égale-
ment pour nous d'inventer de nouvelles normes de conduite ou de
nouvelles valeurs. Mais il s'agit d'inviter tout homme à la réflexion
et par un effort incessant de la volonté, par une recherche métho-
dique et ordonnée de l'esprit et du coeur, d'inciter cet homme à
retrouver la Loi Universelle et éternelle de Vérité, et d'Amour,
inscrite dans la conscience de tout homme de bonne volonté.
Voilà notre Loi Morale. Cette épuration, cette clarification est la
première condition de toute action, qui se veut morale. C'est parce
que le Franc-Maçon a fait triompher en lui la lumière, cette lumière
qui l'éclaire et le transforme, qu'il peut ensuite apporter au monde
un peu de cette lumière, pour éclairer et transformer ce monde.
Mais me direz-voUs, tout cela tient du rêve et de l'utopie plus que
de la réalité. Sans doute. Mais déjà, il y a 25 siècles, le divin
Platon dans la RépLiblique, remarquait que la « science des sages
était inutile parce que l'on se refLisait à l'utiliser ». Même si
aujourd'hui comme hier, le spectacle que nous offre le monde, lui
montre la distance entre ce qui devrait être et ce qui est, entre
l'idéal auquel il aspire et la sombre et triste réalité, le Franc-
Maçon ne renonce pas et ne saurait renoncer à son « utopie » et
à son « rêve », celui d'une humanité enfin réconciliée avec elle-
même, dans la justice et dans la liberté. La Morale du Franc-
Maçon, elle est faite de cette générosité, de cette foi et de cette
espérance. « Les passions sont tristes, la haine est triste, a pu
écrire un moraliste. La générosité et la joie vaincront les passions
et la haine ». La Morale Maçonnique, elle est et surtout elle veut
être l'exaltation de cette générosité et de cette joie, qui entraî-
tiera la libération profonde de tous les hommes.
62
PÊRENNITÉ ET ACTUALITÊ
DES CONSTITUTIONS D'ANDERSON
ET DE
LA FRANC-MAÇONNERIE
63
chrétien, une débauche de guerres qui eût fait honte aux nations
es plus barbares ». Et Paul Hazard peut écrire avec raison, dans
« La crise de la conscience européenne » « Dès que l'on considère
'J'jÇ. 5\ 'aç
morale a été rompue ses habitants sont divisés en deux partis
qui s'affrontent. Guerres, persécutions, disputes, injures, sont la
vie quotidienne de ces Frères ennemis
(1) Note cf. Spinoza. Traité théologico-Politique ch. 20. « On établit que
:
65
noire de notre temps ». (R. Ruyer). Ces idéologies totalitaires
menacent l'homme, même si à travers des artifices de langage,
elles prétendent le libérer. li s'agit pour le Franc-Maçon d'affirmer
les droits inaliénables de la personne humaine, li s'agit de les
affirmer mais aussi de s'armer moralement et spirituellement pour
les défendre et les sauvegarder. Il s'agit d'affirmer la liberté de
l'homme en face de tout ce qui l'écrase et de la sauver, aujour-
d'hui comme hier.
Mais, si elle affirme d'une manière indiscutable les droits
de la pensée libre, la Franc-Maçonnerie, dans ses « Devoirs » (1)
affirme aussi « La Loi Morale » « Un Maçon est tenu par son
état d'obéir à la Loi Morale », Devoirs de 1723, et dans la version
de 1738, il est précisé que le Franc-Maçon n'agira jamais « Contre
sa conscience ». On affirme donc la Loi Morale « Toujours vivante
au coeur des hommes qui sans elle, seraient retournés à l'état
de bestialité » (2). Mais cette Loi Morale, ne saurait résulter du
dogme de telle ou telle religion particulière, ni d'un système
métaphysique quelconque. Elle ne saurait non plus résulter des
Sciences, et des Sciences humaines en particulier. Celles-ci,
comme toutes les sciences, nous renseignent plus ou moins bien
sur ce qui est elles ne sauraient nous dire ce qui doit être, elles
ne sauraient nous dicter notre devoir. La Loi Morale émane de
la conscience morale elle-même, juge de ce qui est bien ou mal.
Tout homme porte en lui-même des vérités morales, il n'a donc
pas à les apprendre du dehors, mais à les découvrir en réfléchis-
sant sur ce qui le constitue, c'est-à-dire sur le Devoir principe
même de tous ses jugements. (Ainsi la connaissance de ce que
nous devons faire, c'est-à-dire de ce que peut notre liberté, ne
dérive ni de la religion entendue comme un dogme extérieur
à nous-même, ni d'un système métaphysique, ni d'une connais-
sance scientifiqLle elle émane de la conscience elle-même).
Et c'est en ce sens que cet impératif du devoir, se distingue
fondamentalement de la contrainte qui est toujours extérieure et
lui substitue l'obligation, signe de notre liberté intérieure. Cette
liberté qui s'affirme dans la Loi Morale, met l'homme à l'abri de
tous ces dirigismes totalitaires qui veulent réglementer ce qu'il
faLit dire, lire, penser et faire, cependant que la Loi Morale, fonde-
ment de la liberté, met l'homme à l'abri de tous les pseudo-libé-
66
ralismes de la transgression systématique, de l'aventure hagarde
et débridée, dont notre époque nous donne si souvent l'exemple.
Pour le Franc-Maçon, il ne saurait y avoir de vie humaine véritable
sans liberté, mais il ne saurait également y avoir de vie humaine
véritable, sans loi morale, c'est-à-dire sans un principe auquel il
juge de se soumettre librement. Et c'est en ce sens qu'il faut
selon nous, comprendre, l'article 1er des Constitutions d'Anderson
quand il est affirmé que, « s'il comprend bien l'Art, le Franc-
Maçon ne sera jamais un athée stupide, ni un liberté irréligieux
Ici le Grand Architecte de l'Univers devient le fondement
même de notre Loi Morale et de notre Liberté, le Postulat fonda-
mental qui soutient tout l'édifice. N'est-il pas significatif de l'état
d'esprit, de la « mentalité » du XVIIIe siècle, qui fut le siècle des
« Lumières » et de la Franc-Maçonnerie, ce jugement du philo-
sophe Emmanuel Kant : « Deux choses remplissent le coeur d'Une
admiration et d'une vénération toujours nouvelles et toujours
croissantes, à mesure que la réflexion s'y attache et s'y applique
le ciel étoilé au-dessus de moi, la Loi Morale en moi ». Ce ciel
étoilé, ce Cosmos aux dimensions infinies et à la structure ordon-
née, toujours symbolisé en Loge par la voûte étoilée, oeuvre du
Grand Architecte, cette Loi Morale, inscrite au coeur de chaque
Franc-Maçon et symbolisée dans chaque Loge par le Volume de
la Loi Sacrée.
Mais ces principes, la « Liberté de conscience », la « Loi
Morale », « Le Grand Architecte de l'Univers », affirmés par la
Franc-Maçonnerie Universelle, ne seraient-ils pas périmés, « dépas-
sés «, comme disent aujourd'hui les esprits « distingués », en
cette fin du XXe siècle, après les fantastiques progrès des sciences
et des techniques ? Nous ne le pensons pas. Nous croyons au
contraire que, même s'il ne sont admis et acceptés qu'à titre de
postulats, ils sont indispensables à l'homme de notre temps et
qu'ils peuvent seuls, sauver cet homme de l'inquiétude et du
désespoir. Aujourd'hui comme hier, on ne peut sauver l'homme,
sans faire appel à cet idéal de vérité et de liberté, de justice et
d'amour qui le définit, le qualifie et le distingue de tous les
autres êtres de la nature.
Ainsi la Franc-Maçonnerie veut répondre aux problèmes de
l'homme historique, de l'homme inséré dans une société et dans
un temps. Tout homme est un être social, un « animal politique
inséré dans une société, membre d'une communauté, et comme
tel confronté à des problèmes d'ordre social et politique. Mais
67
l'homme ne se réduit pas à cette seule dimension. Il est aussi
dirions-nous, un être métaphysique « Un néant à l'égard de l'infini,
un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout », comme
l'écrit Pascal, et par là même confronté aux problèmes éternels
de sa situation métaphysique, c'est-à-dire à ceux du fini et de
l'infini, à ceux du temps et de l'éternité, à celui de sa mort et
de sa vie spirituelle, et pourquoi pas aux problèmes de l'amour
et du bonheur.
Dans ce domaine, comme dans les aLitres, la Franc-Maçonne-
rie ne veut pas et ne prétend pas nous apporter une solution toute
faite et définitive. Mais grâce à l'esprit même de sa symbolique
et à la réflexion qu'elle entraîne, grâce à ses rites d'initiation et
à la signification qu'elle invite à découvrir, la Franc-Maçonnerie
peut proposer un « Chemin », une méthode. Elle veut aussi faire
naître une espérance, celle de l'homme retrouvé dans sa véritable
dimension spirituelle.
C'est dans les Loges de Francs-Maçons opératifs d'abord, dans
les Loges de Francs-Maçons spéculatifs ensuite, que s'est forgé
en partie le monde d'aujourd'hui et qu'ont été défini les principes
fondamentaux, sur lesquels il repose et à partir desquels il
s'ordonne.
C'est dans les Loges Maçonniques que s'est peu à peu édifié
l'homme d'aujourd'hui, dans sa double dimension, temporelle et
spirituelle. Pourquoi les Loges Maçonniques ne seraient-elles pas
encore le lieu privilégié, le lieu spirituel, où des hommes de
bonne volonté, soucieux de liberté et de vérité, de justice et
d'amour, travailleraient dans une communion fraternelle à l'édi-
fication du monde de demain, et à celle de l'homme lui-même.
Alors nous verrions naître cette Nouvelle Jérusalem et nous pour-
rions dire comme Jean « il eSsLliera toutes les larmes de leurs
:
68
ORIENTATION
BIBLIOGRAPHIQUE
69
les rectifications nécessaires dont il faut espérer qu'elles seront
apportées dans une édition prochaine. Le reste de l'article est plus
sérieux et fournira l'essentiel de l'essentiel à l'amateur pressé.
Parmi les ouvrages d'ensemble les plus courants et de petit
format nous citerons
Paul NAUDON, La Franc-Maçonnerie, P.U.F., n° 1064 de la
collection Que sais-je ? i éd. 1963, rééditée. On peut lui reprochei-
quelques affirmations discutables, comme celle de l'existence cer-
taine d'une loge au sein du régime des Gardes irlandaises de
Chai-les 11(1661.1698). De même le Droit Humain ne doit pas être
confondu avec la Grande Loge Symbolique Ecossaise.
Serge HUTIN, Les Francs-Maçons, Le Seuil, 1960. Ce petit
livre développe le chapitre V de l'ouvrage du même auteur Les
Sociétés Secrètes, P.U.F., n° 515 de la collection Que sais-je ? Il
pourrait facilement être un peu plus étoffé, à la lumière des publi-
cations récentes.
Jean PALOU, La Franc-Maçonnerie, Petite bibliothèque Payot
(n° 65), réédité récemment dans une autre collection (Aux confins
de la science).
Les affirmations, parfois tranchantes, de l'auteur mériteraient
d'être revues, notamment en ce qui concerne la Maçonnerie écos-
saise et ses prétendues origines exclusivement « forestières ». Mais
la bibliographie qui suit chaque chapitre est excellente et permet
des compléments et des rectifications utiles.
Pierre MARIEL, Les Francs-Maçons, CAL, 1969. Bon pano-
rama de l'histoire et de l'esprit de l'Ordre. Du même auteur, mais
anonyme aux éditions La Colombe, 1961, Les authentiques
Fils de la lumière peut donner une idée rudimentaire, mais assez
juste de ce qu'est l'initiation.
Mai-jus LEPAGE, L'Ordre et les obédiences, i édition, Derain,
1956, réédité en 1971. Ouvrage très probe et qui répond à des
questions qu'on se pose souvent à propos de 1' « universalisme »
et de la « régularité ».
Jean SAUNIER, Comprendre les Francs-Maçons. Essai de
70
description d'une société traditionnelle. Décrit la Maçonnerie en
termes de sociologie. Bon aperçu historique.
On lira encore avec profit Recherche d'une Eglise dans Les
Hommes de Bonne Volonté de Jules ROMAINS dont l'intuition et sans
doute aussi l'information sont beaucoup plus solides que celles
d'autres auteurs dont la réussite à propos des Francs-Maçons ou
des « Fils de la Lumière » même s'ils se sont bien vendus, est hors
de proportion avec leur bonne volonté, voire avec leur charme
littéraire.
Jean SAUNIER, Les Francs-Maçons, Grasset 1972.
Daniel LIG0u, La Franc-Maçonnerie, P.U.F. 1977.
Richard Dupuy, La Foi d'un Franc.Maçon, Plon.
Dictionnaires - Encyclopédies
Après les Encyclopédies maçonniques anciennes, en anglais,
comme MACKEY, Lexicon of freemasonry, dernière éd. 1946, ou en
allemand comme LENNHOFF-POSNER, Internationales Freimaurer
Lexikon, dernière éd. 1964, viennent de paraître en français
Le Dictionnaire des Sociétés secrètes en Occident, publié sous
la direction de Pierre MARIEL, CAL, 1971. Une bonne préface de
L. PAUWELS. Beaucoup de lacunes et d'erreurs, notamment dans
les articles Grande Loge de France, Opéra (Grande Loge Natio-
nale)
Daniel LIGou, Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie, 2 vol.,
Paris 1974.
Il y aurait de sérieuses réserves à formuler sur l'article Maçon-
nerie (Franc) de 1'Encyclopaedia Universalis. Les lecteurs qui pra-
tiquent l'anglais lui préféreront, sauf en ce qui concerne l'écos-
sisme à peine cité, l'article Masonry de l'Encyclopaedia Britannica.
Sur l'Histoire en général
Epuisés, mais encore utilisables si on veut les consulter dans
les bibliothèques, les ouvrages d'Albert LANTOINE qui a disposé
de documents aujourd'hui disparus
71
Histoire de la Franc-Maçonnerie chez elle (Nourry, 1928)
La Franc-Maçonnerie chez elle (Nourry, 1928)
Le Rite Ecossais Ancien et Accepté (Nourry, 1930)
La Franc-Maçonnerie dans l'Etat (Nourry, 1935).
On fera la part de certains excès polémiques pour retenir
surtout la bonne documentation et la volonté de détruire des
légendes parfois ridicules en sens divers.
Gaston MARTIN, Manuel d'Histoire de la Franc-Maçonnerie,
Prix Arthur Mille 1926, P.U.F., 3 éd. 1934.
Ouvrage hâtif, mais assez bien documenté et d'une présen-
tation didactique commode. Intéresse surtout la région toulousaine
où enseignait l'auteur.
R.C. FEUILLETTE, Précis de l'Histoire du Grand Orient de
France, Glootn, 1928, a, lui aussi, utilisé le fonds d'archives du
Grand Orient, auquel il était attaché avant la dernière guerre. Pas
toujours sûr pour le reste.
Jean-André FAUCHER et Achille RICKER, Histoire de la Franc-
Maçonnerie en France Nouvelles Etudes Latines, 1968, a ten-
dance parfois à exagérer le rôle de l'Ordre maçonnique dans la
vie politique.
L.-J. PIROL, dans Le Cowan !, Ed. Vitiano, recherche une
voie moyenne et, en dépit d'erreurs regrettables, il mérite d'être
consulté pour ses conclusions tempérées. Bonne préface de J. Cor-
neloup.
Henri-Félix MARCY, Essai sur l'origine de la Franc-Maçon-
nerie et l'histoire du Grand Orient de France, Ed. du Foyer philo-
sophique. Ouvrage sérieux et honnête, malheureusement inachevé.
Pierre CHEVALLIER, Histoire de la Franc-Maçonnerie Fran-
çaise. Tome I : La Maçonnerie Ecole de l'Egalité 1725-1799.
Tome II La Maçonnerie : Misionnaire du Libéralisme 11800-
1877. Tome III : La Maçonnerie : Eglise de la République 1877-
72
1944, Editeur Fayard. Collection : Les Grandes Etudes Histo-
riques.
R. PRIOURET, La Franc-Maçonnerie sous les iys, Paris 1959.
Etudes historiques de détail
Sur la MAÇONNERIE OPERATIVE:
Paul NAUDON reprend dans Les origines religieuses et corpo-
ratives de la Franc-Maçonnerie, Dervy, 1953, et dans Les Loges
de Saint-Jean et la Philosophie Esotérique de la Connaissance,
Dersry, 1957, des légendes qui ont pu inspirer des Maçons « opéra-
tifs », c'est-à-dire manuels, du Moyen Age. Encore n'est-ce pas
toujours prouvé.
En revanche, Lionel VIBERT, La Franc-Maçonnerie avant l'exis-
tence des Grandes Loges, Ed. Gloton, a tout le sérieux des études
anglaises sur la question.
Jean GIMPEL, Les bâtisseurs de cathédrales, Le Seuil, le
complète en ce qui concerne le continent. De bonnes illustrations.
La revue Le Symbolisme a publié les seules traductions fran-
çaises de divers manuscrits provenant de la maçonnerie opérative
britannique.
Dans le Bulletin du Centre de documentation du Grand Orient
de France n° 51, « les Statuts de Ratisbonne (1459) ».
Emile CORNAERT, Les compagnonnages, Les Editions ouvrières,
1970.
Sur DIVERSES AUTRES INFLUENCES:
Paul ARNOLD, La Rose Croix et ses rapports avec la Franc-
Maçonnerie, Maisonneuve et Larose (1970), met les choses au
point sur ce sujet.
Bernard GORCEIX, La Bible des Rose-Croix, P.U.F. Traduction
des premiers écrits (1614-1615-1616) -
73
Albert OLLIVIER, Les Templiers, Le Seuil, plus récent, montre
la complexité du problème et le situe sur un plan général.
Symbolisme et initiation
75
PLANTAGENET (Ed. Dervy) : 1) Causeries Initiatiques pour
76
Quelques Maçons célèbres
La plupart des monographies négligent ou ignorent l'aspect
maçonnique des personnages qu'elles étudient.
Font exception, notamment, les livres sur
Cagliostro, par François RIBADEAU-DUMAS, Paris, Arthaud,
1966.
Lord Chesterfield et son temps, un grand Européen, par Alec
MELLOR, Marne, 1970.
Fouché, duc d'Otrante, par Henry BuIssoN, Bienne (Suisse),
Editions Panorama.
Alain LE BIHAN, Francs-Maçons et Ateliers parisiens de la
Grande Loge de France au xviïie siècle, BN, Paris 1976.
F.-R. MESMER, Le Magnétisme animal, Payot, 1971, publié et
commenté par Robert AMADOU. Va beaucoup plus loin que ne le
suggérait son titre, notamment au plan biographique.
Docteur Philippe ENCAUSSE, Le Maître Philippe de Lyon, Ed.
traditionnelles, 1970, avec des documents inédits.
Un répertoire exhaustif rendra de très grands services
Alain LE BIHAN, Francs-Maçons parisiens du Grand Orient
de France (fin du XVIIIC siècle), Paris, Bibliothèque Nationale,
1966.
Historique de Loges ou études régionales
Trop de ces travaux sont de véritables puddings, dans lesquels
l'Ordre Maçonnique est amalgamé avec les clubs, sociétés révolu-
tionnaires, groupements politiques parfois appelés « loges » (cf.
les actuels Orangistes d'Irlande).
Mais en séparant le bon grain de l'ivraie on peut utiliser Mau-
rice AGULHON, Pénitents et Francs-Maçons de l'ancienne Provence.
L'intuition de l'auteur ouvre des horizons et sa documentation est
particulièrement sérieuse. C'est un modèle de travail scientifique.
André BOUTON, Les Francs-Maçons manceaux et la Révolution
Française (1741-1815) et Les luttes ardentes des Francs-Maçons
manceaux pour l'établissement de la République (1815-1914).
77
André BOUTON et Marius LEPAGE, Histoire de la Franc-
Maçonnerie dans la Mayenne (1951). Beaucoup plus sérieux.
Philippe DAVEAU, Histoire de la Franc-Maçonnerie en Seine-
Inférieure de 1850 à 1914. Excellent travail encore manuscrit, mais
qui peut servir de modèle pour sa méthode et son soucis d'exactitude.
Jean BOSSU, Quelques Francs-Maçons vosgiens, Epinal, 1960.
Charles MAILLIER, Les Loges Maçonniques drouaises du XIIi
(sic) au xxe siècle.
Xavier YACONO, Un siècle de Franc-Maçonnerie algérienne,
Paris, Maisonneuve et Larose, 1970, remonte en fait à une période
antérieure à l'occupation française. Montre la divergence de points
de vue entre 1' « ancienne » maçonnerie et la « nouvelle » et
peut faire regretter les « occasions perdues ». Un index de 11 500
noms.
Encore un répertoire précieux d'Alain LE BIHAN, Loges et
Chapitre de la Grande Loge et du Grand Orient de France (2 moitié
du xviiie siècle), Paris, Bibliothèque Nationale, 1967, donne une
bibliographie par région à jour jusqu'à cette date.