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Analyse du moment de vérité dans une entreprise

de services : le cas d’Autocito

Présentation de l’entreprise :

Fondée en 2016 par Jérémy Carini, Autocito s'est donnée pour mission
d'accompagner les entrepreneurs dans leur mobilité, en leur proposant des véhicules
et des solutions de financement adaptées, dès la création de leur entreprise. Dès le
départ, la vision était claire : faciliter l'accès à la mobilité aux nouveaux entrants.
Conscient des défis auxquels sont confrontés les entrepreneurs, notamment dans
des secteurs tels que le BTP et le transport, dans lesquels l'obtention de prêts
bancaires peut être difficile en l’absence de bilans financiers, Jérémy a mis en place
un modèle qui privilégie l'accessibilité, la simplicité et la souplesse.

L'approche d'Autocito se distingue de ses concurrents par sa simplicité d'accès aux


véhicules et aux solutions de financement. Contrairement aux banques ou
concessionnaires de grandes marques, l’entreprise propose un processus simple et
rapide, permettant à ses clients d'obtenir un véhicule en l’espace d’une semaine,
nécessitant un nombre restreint de documents : une pièce d’identité et un KBIS sont
suffisants. Le paiement, échelonné sur trois ou quatre ans, offre une flexibilité
appréciée par les entrepreneurs, qui leur permet de mieux gérer leur trésorerie et
d'anticiper leurs dépenses.

La clientèle d'Autocito se compose principalement d'artisans, de transporteurs, de


livreurs de colis et de TPE/PME diverses. En raison de leur nature, les activités
quotidiennes de tous ces professionnels induisent des besoins spécifiques en termes
de mobilité, qui nécessitent des véhicules adaptés au transport de marchandises.

En plus de l'accessibilité et de la simplicité, Autocito se distingue également par sa


souplesse. L'entreprise accompagne ses clients tout au long de leur évolution en leur
proposant des solutions sur mesure. Si un client perd un marché, elle peut accepter
de reprendre rapidement un véhicule qui ne serait plus utilisé, tout comme elle est
capable en fournir rapidement de nouveaux si les besoins augmentent
soudainement.

En somme, le modèle économique d'Autocito repose sur une approche audacieuse


axée sur le risque. En effet, pour proposer des conditions si avantageuses, elle
accepte nécessairement de servir une clientèle plus à risque que celles des
établissements traditionnels. C’est la raison pour laquelle les loyers demandés à ses
clients sont plus élevés que la moyenne. À lui seul, le premier loyer, représentant
environ 25% du prix du véhicule témoigne de cette stratégie. Malgré ces prix plus
élevés, Autocito compte tout de même plus de 250 clients, pour une flotte d’environ
400 véhicules en circulation, démontrant ainsi le bénéfice que les clients trouvent
dans ce modèle.

L’équipe et les missions :

Jeremy (Fondateur) : en tant que fondateur, Jeremy est responsable de la gestion de


l'équipe, des relations avec les partenaires financiers et de l'innovation pour faire
évoluer l'entreprise.

Laurent (Gestionnaire de parc) : avec trois ans d'expérience chez Autocito, Laurent
s'occupe de la gestion du parc de véhicules, gère les situations de non-paiement et
assure la récupération des véhicules si nécessaire.
Claire (Responsable administrative) : Claire est chargée de la facturation, du
prélèvement des paiements et de la surveillance de l'administration, y compris la
gestion des amendes et autres tâches administratives.

Alexandra (Customer Success) : Alexandra traite les demandes des clients et des
prospects, elle place les véhicules et assure un suivi régulier avec les clients pour
garantir leur satisfaction et leur fidélité.

Clara (Digital Manager) : Clara est responsable de la présence en ligne d'Autocito.


Elle crée du contenu pour le site web de l'entreprise afin d'améliorer son
référencement SEO et d'attirer de nouveaux clients.

Hugo (Community Manager) : Hugo anime les réseaux sociaux, fédère la


communauté en ligne, informe sur les nouveautés et assure des tâches
opérationnelles.

Clément (auto-entrepreneur) : Clément renforce l’équipe deux jours chaque semaine,


pour l’aider à faire face à des besoins spécifiques tels que la logistique des
véhicules.

En résumé, la force d'Autocito réside dans sa structure d'équipe dynamique et


diversifiée. Grâce à une collaboration efficace et à une polyvalence remarquable,
l’entreprise performe dans la satisfaction client et l'efficacité opérationnelle, se
démarquant ainsi dans son secteur d'activité. Néanmoins, l’activité de l’entreprise
présente un fort risque, et c’est notamment pour cela que nous l’avons choisie pour
mener notre analyse du moment de vérité.

Choix du terrain :

Après avoir évoqué diverses possibilités, notamment une salle de sport


indépendante, nous avons finalement choisi de réaliser notre observation chez
Autocito. Au premier abord, nous étions intrigués à l’idée de pouvoir découvrir la
relation de service au sein de cette entreprise, dont le fonctionnement nous semblait
atypique.

Aussi, le fait que cette entreprise ait fait le choix d’accompagner les clients
présentant une potentielle fragilité financière, ou un risque perçu comme trop
important pour les établissements “traditionnels”, a aiguisé davantage notre
curiosité.

Sandra ayant été alternante au sein de cette entreprise il y a de cela 2 ans, elle nous
a permis d’établir rapidement un contact avec le gérant, Jérémy. Celui-ci a d’ailleurs
tout de suite été très enthousiasmé par le projet et nous a ouvert volontiers les portes
de son entreprise, conscient des apports potentiels d’une telle démarche.

I. Méthodologie

A) Organisation collective et mise en place des observations


La phase préparatoire :
Nous souhaitions à l’origine procéder à 2 demi-journées d’observations, mais
le mouvement gréviste agricole ayant eu lieu il y a quelques semaines est venu
bouleverser nos plans initiaux. En ce sens, nous avons été contraints de limiter nos
observations à une unique journée. En attendant ce jour, nous avons choisi de
réaliser 2 entretiens préalables avec Jeremy, le fondateur et Sandra, en tant
qu’ancienne collaboratrice. Ces moments d'échange nous ont permis de renforcer
notre stratégie d’observation mais surtout d’identifier les points clés de la relation de
service à observer lors de notre journée de présence chez Autocito.
Malgré le fait que Sandra ait quitté l'entreprise il y a deux ans, ses observations se
sont avérées être remarquablement similaires à celles de Jérémy. Tous deux ont
décrit l’ambiance conviviale d’une petite équipe unie, avançant dans une même
direction avec des objectifs communs. Cette cohérence dans leurs visions nous a
permis d'identifier les aspects essentiels de la RdS au sein de l'entreprise et les
points à approfondir. Dès le début, deux aspects sont apparus comme des enjeux
majeurs : le risque d'impayés et la sélection des clients. Ces éléments ont été
clairement identifiés comme des points cruciaux à explorer lors de notre journée sur
place.
Ces discussions ont permis de définir avec plus de précision les domaines à
observer lors de notre visite chez Autocito. Nous avons mis un accent particulier sur
le risque d'impayés, une préoccupation majeure dès le départ, ainsi que sur la
sélection des clients. Il était essentiel pour nous de comprendre les méthodes
utilisées par Autocito pour gérer ces aspects et quels critères sont pris en compte
pour évaluer la qualité des clients.

La visite d’Autocito :
Pour la journée d’observation chez Autocito, nous avons fait le choix de nous répartir
en binômes. En effet, l’entreprise dispose d’un espace de travail relativement petit
(environ 25m2), situé dans un complexe de bureaux à Champs-sur-Marne. Nous ne
voulions pas que notre présence vienne perturber les activités de l’entreprise, et ainsi
biaiser les données que nous nous apprêtions à recueillir. Nous avons alors articulé
notre démarche d’observation autour de plusieurs étapes clés, nous permettant ainsi
de saisir les dynamiques internes de l'entreprise et ses enjeux.
Tout d'abord, nous avons réalisé des observations informelles, en participant à des
moments-clés de la vie de l’entreprise. Fiona et Lucas ont pu partager le café du
matin et assister aux échanges qui permettent de donner le ton de la journée. Nous
avons également pu partager le déjeuner tous ensembles, au cours duquel nous
avons pu célébrer les anniversaires de Clément et de Laurent, témoignant de
l’équipe soudée décrite par Jeremy et Sandra lors des entretiens préalables. Enfin,
Marine et Sandra ont pu assister à la pause de milieu d’après-midi, moment de
détente pour l’équipe, en l’absence de Jeremy.
Au cours de ces observations informelles, tant pendant les moments de détente que
de travail, nous avons pu constater une cohésion d'équipe remarquable, où l'équipe
semblait fonctionner comme une véritable famille, avec une communication ouverte
et des échanges fréquents entre les membres. Nous avons également procédé à des
entretiens semi-directifs avec plusieurs personnes de l’équipe. Clément et Laurent
ont pu être interrogés par Fiona et Lucas ; Clara et Alexandra ont pu être
interrogées. Les données récoltées au cours de ces entretiens nous ont permis d’en
apprendre davantage sur l’entreprise et sur les moments clés de sa RdS.
Enfin, nous avons conclu cette journée par un compte-rendu avec Jérémy pour
revenir sur les moments essentiels et ainsi recueillir son point de vue, son ressenti.
Les entretiens formels et informels nous ont notamment permis de recueillir de
nombreux verbatims, soulignant une fois de plus l'entraide au sein de l'équipe mais
pointant également des lacunes dans les processus. Ces lacunes, en accord avec
les discours de Jeremy et de Sandra, concernent surtout les risques liés aux
impayés, le choix des clients, mais également la gestion de la relation client dans la
durée. La diversité des données récoltées au cours de cette journée ont constitué
pour nous une base de travail solide, venue appuyer les recommandations sur
lesquelles nous avons travaillé ensuite.

B) Collecte de données
À partir des données collectées lors de notre observation chez Autocito, plusieurs
éléments sont ressortis, nous permettant de dresser un bilan approfondi de notre
analyse. Comme évoqué ci-dessus, nos observations ont mis en lumière une équipe
très soudée, où la bienveillance et l'entraide sont des valeurs prédominantes. Bien
que chacun travaille sur ses missions individuelles, la collaboration est présente,
avec des échanges fréquents et la volonté de se soutenir mutuellement. Nous avons
pu être témoin de cela lorsque Clément a présenté le logiciel de suivi des véhicules,
illustrant cette dynamique de partage et d'interaction au sein de l'équipe.
Cependant, un grand nombre de verbatims que nous avons relevés soulignent
également des lacunes dans l'organisation de l'entreprise. Malgré la cohésion de
l'équipe, ces défis sont bien présents et ont un impact sur leur activité quotidienne.
Lors de nos entretiens individuels, nous avons approfondi ces différents aspects.
L'autonomie et la collaboration sont valorisées par chaque membre de l’équipe.
Chacun est libre d'exercer ses missions comme il le souhaite, tant que cela répond
aux besoins de l'entreprise et de ses clients. Cependant, ils soulignent l’importance
de la relation client, qui manque aujourd’hui d'attention, et qui est pourtant cruciale
dans la fidélisation du client. Ce manque de temps consacré au client s’explique,
selon eux, par la place trop importante que la gestion des impayés représente.
En effet, la clientèle spécifique de l'entreprise présente un fort risque d'impayés, ce
qui peut entraîner des situations délicates, voire dangereuses, comme en témoignent
les menaces physiques et de mort reçues par certains membres de l'équipe. Les
entrepreneurs sont prêts à tout pour préserver leur activité, leur véhicule étant leur
outil de travail principal. En réponse à ces risques, Autocito a mis en place une
stratégie de protection, en faisant croire à l’existence d’un faux service contentieux
par exemple. Néanmoins, cette stratégie mise en place semble insuffisante, comme
a pu le souligner Clara lors de son entretien.
Pour chacun des membres, la maîtrise du risque d’impayés se joue essentiellement
dans le choix du client, et donc dans l’identification du “bon” et du “mauvais” client. A
ce jour, cette identification est souvent basée sur des critères subjectifs, ce peut
entraîner des comportements discriminatoires non souhaités par l'entreprise. Sur le
plan financier, Autocito utilise des outils tels que Crédit Safe pour évaluer la fiabilité
des clients, mais ceux-ci peuvent présenter des limites puisque la majorité des
clients sont de jeunes entreprises sans bilan ni historique. Ces divers éléments
illustrent le manque de procédés à suivre dans l’identification du “bon” client, avec
lequel une relation durable et basée sur la confiance est envisageable.
Aussi, les problématiques de gestion du risque consommant énormément de temps
et d'énergie, cela affecte cruellement la relation client et la fidélité des clients.
L’entreprise n’a aujourd’hui pas suffisamment de temps à consacrer à la gestion de
la relation client. Les clients existants et honorant leurs dettes ne sont pas suivis, et
soutenus comme le souhaiterait l’entreprise. Aussi, les critères discriminatoires sur
lesquels se basent les salariés dans la sélection des clients fait certainement passer
l’entreprise à côté de clients potentiellement précieux. Pour assurer sa pérennité et
inscrire sa vision “d'entrepreneur à entrepreneur”, il sera essentiel pour Autocito de
revoir son approche de la relation client dans sa globalité. En effet, la gestion des
impayés monopolise une part significative du temps de travail, accaparant l'attention
et les ressources qui pourraient être consacrées au développement d’Autocito.

C) La détermination des points critiques


La relation de service chez Autocito s’organise autour de 4 points clés.

 La découverte du prospect
 La conversion du lead en client
 Signature du devis et remise des clés : la durée de vie de la location
 Fin du contrat : La cession

La découverte du prospect permet d’identifier les besoins et les attentes du prospect


pour proposer une offre locative adaptée. Cette étape fondamentale, dont Jeremy
nous a fait part, a pour objectif d'établir un premier lien avec le prospect rapidement.
Cette étape est cruciale dans un marché hautement concurrentiel où chaque instant
compte, car un prospect peut être rapidement égaré. La prise de contact efficace est
donc le point de départ indispensable pour construire des relations durables et
réussies avec nos prospects.

La deuxième étape dans le processus de location consiste à convertir le prospect en


client. L'objectif principal à cette étape est de convaincre le prospect de signer un
contrat de location et ainsi devenir un client régulier. Cette phase comprend plusieurs
étapes :
L’analyse du besoin : Comprendre précisément les besoins du client en termes de
type de véhicule, de capacité, d'équipements spécifiques, etc., afin de lui proposer
une offre adaptée. Cette partie est gérée notamment par Alexandra chez Autocito,
qui va effectuer les appels de qualification.
L’évaluation financière : Déterminer la structure du client. Alexandra utilise l’outil
“Credit Safe” pour analyser la solvabilité des potentiels futurs clients.
Signature du contrat de location : Une fois les conditions respectées, Alexandra
s’occupe d’éditer un devis aux clients, reprenant les termes essentiels partagés lors
de l’entretien téléphonique, ainsi que la proposition financière détaillée (acompte,
loyer, option d’achat, …). Le devis convenant au client, celui-ci procède à la
signature. Cela officialise l'accord et engage les deux parties conformément aux
termes convenus.
Lors de la livraison, le contrat est signé entre les deux parties et les clés du véhicule
sont remises au client, marquant le début de la période de location convenue. La
remise des clés se fait d’ailleurs souvent en main propre à l’entrepôt qui se situe à
Reims. C’est le début d’une relation longue durée entre Autocito et le locataire. Cela
implique une gestion du suivi après-vente pour veiller aux bons règlements des
loyers, et être présent pour le client.
Lorsque le contrat de location arrive à son terme, la cession du véhicule doit être
réalisée de manière rapide et efficace pour garantir la satisfaction du client. Cette
rapidité est essentielle pour répondre aux attentes du client et lui offrir une transition
fluide. Autocito étant dépendant de ses financeurs, ce processus peut s’avérer
fastidieux pour le client. En effet, il faut en moyenne 6 mois à l’entreprise pour
récupérer les documents nécessaires à la cession du véhicule. Ce délai d’attente
semble long, surtout pour un client ayant honoré tous ses paiements pendant la
durée intégrale de son contrat. Ce facteur peut donc impacter significativement
l’expérience de service et la satisfaction client.

II. Diagnostic

A. La culture du risque au sein de l’entreprise, un élément stratégique

Le modèle économique d’Autocito repose intégralement sur le fait de louer


des véhicules utilitaires à de jeunes entrepreneurs, encore trop fragiles pour monter
des dossiers auprès des organismes de financement classiques. Ce faisant,
l’entreprise accepte de porter un risque plus élevé, qu'elle compense pas des loyers
majorés, lui permettant de couvrir les pertes éventuelles induites par deux types de
risques principaux.

1. Le risque de défaut de paiement

Au vu de la typologie des clients servis par Autocito, le défaut de paiement est le


risque principal auquel est confrontée l’entreprise. Ces clients étant généralement
des entreprises naissantes, encore au balbutiement de leur activité, il est possible
qu’elles ne parviennent pas à atteindre le seuil de rentabilité ou rencontrent des
difficultés financières passagères. Dès lors, elles ne peuvent plus être en mesure de
payer leurs fournisseurs. Cela cause alors généralement des situations épineuses,
dans lesquelles les entrepreneurs refusent de renoncer au véhicule qui représente
bien souvenir leur outil de travail principal et dont la perte signerait l’arrêt total de leur
activité.
Afin de se prémunir face à ces difficultés, Autocito a fait le choix de proposer des
loyers plus élevés que la moyenne des autres acteurs. Si l’on prend l’exemple d’un
véhicule type Renault Trafic, l’entreprise demande un acompte de 3 000€ et un loyer
mensuel de 750€, là où la Mobilize Financial Services (anciennement DIAC)
proposerait le même véhicule pour environ 630€/mois, sans acompte. Cette
majoration financière permet de compenser le risque d’impayés qui s’élève
aujourd’hui à 25% pour Autocito, contre environ 10% chez la concurrence. Au-delà
de la compensation financière, les collaborateurs en charge du recouvrement font
leur possible pour limiter ces impayés. Dès récupération du véhicule, l’équipe
s'efforce de le remettre rapidement en état, pour qu’il soit remis à la location le plus
vite possible. Sur ces re-locations, l’entreprise facture un nouvel acompte d’environ
10% de la valeur du VUL et un loyer mensuel majoré, compensant les dépenses que
génère ce véhicule.

2. Le risque de vol
Le risque de vol ou de détérioration n’est pas sans lien avec le risque de défaut de
paiement. Il intervient d’ailleurs généralement en conséquence de ce dernier. Dans
le cas où un client se retrouve dans l’incapacité de payer ses mensualités, celui-ci
fait face à un choix crucial. Il peut décider de communiquer avec l’entreprise afin de
parvenir à une résolution, incluant un potentiel retour du véhicule qu’il ne parvient
plus à payer, ce qui signe indirectement la fin de son activité. En revanche, il peut
également faire le choix de cesser toute communication avec l’entreprise, tout en
continuant à utiliser le véhicule dont il ne paie plus les mensualités. Dans ce cas,
l’entreprise choisit généralement de déclarer le véhicule comme étant volé auprès
des autorités, ce qui place le client dans une situation illégale de recel de vol.
La gestion du risque est un élément crucial et extrêmement chronophage pour
Autocito. Pour que son modèle économique s’avère rentable, l’entreprise se doit de
réussir à limiter celui-ci, mais surtout de réussir à le gérer le plus efficacement
possible dès lors que celui-ci se présente. Ainsi, que les véhicules soient déclarés
comme volés ou non, il est essentiel de parvenir à les récupérer dans les meilleurs
délais dès lors que les clients ne sont plus en mesure de les payer, afin de les
remettre dès que possible en circulation et d’éviter l’accumulation des dettes. Pour
ce faire, l’entreprise s’appuie principalement sur des balises GPS placées à l’intérieur
de ses véhicules.
Initialement, les positions de ces balises étaient directement contrôlées par Laurent
et Clément, qui se rendaient à l’adresse indiquée munis d’un double des clés, afin de
reprendre possession du véhicule. Ce faisant, ils mettaient en danger leur propre
sécurité et agissaient en dehors de tout cadre légal. Ils n’étaient donc théoriquement
pas dans leur droit et ne pouvaient alors pas se permettre de demander aux clients
les indemnités auxquelles ils auraient normalement pu prétendre.
Depuis peu, cette stratégie de reprise “sauvage” s’estompe doucement, au profit de
moyens plus légaux et plus sécurisants pour les membres de l’équipe, notamment à
travers le recours aux autorités. En effet, un agent de police du commissariat de
Champs-sur-Marne, particulièrement compréhensif, accepte désormais de prendre
les dépositions de l’entreprise dès lors qu’une situation devient périlleuse pour celle-
ci. En plus de cet aspect légal, un abonnement souscrit auprès de l’entreprise de
géolocalisation permet l’accès à un service de récupération des véhicules par des
prestataires, qui limite l’exposition directe des employés d’Autocito à des clients
potentiellement dangereux ou menaçants.
Malgré ces nouvelles mesures, la gestion du risque est encore largement perfectible
et représente toujours un enjeu important et extrêmement chronophage pour
l’entreprise, au détriment d'activités à forte valeur ajoutée telles que la fidélisation
des clients.

B. Comment définir un bon client ?

Comme vu précédemment, le risque est la pierre angulaire de l’activité


d’Autocito. En acceptant de prêter des véhicules à des clients présentant des
garanties moindres que celles exigées par les acteurs traditionnels, l’entreprise
s’expose volontairement à un degré de risque élevé, qu’elle accepte et compense
par des loyers dont les montants sont supérieurs à la moyenne.
Malgré cela, l’entreprise cherche tout de même à se prémunir tant que possible des
risques trop importants, afin d'assurer la pérennité de son activité en limitant au
maximum les situations compliquées. Elle effectue donc une sélection préalable de
ses clients, qui lui permet d’éviter, dans la mesure du possible, de laisser ses
véhicules entre les mains de personnes problématiques. Pour ce faire, elle cherche
dès les prémices de la relation à identifier les “bons” et les “mauvais” clients, deux
notions parfois floues et difficilement discernables.

1. Les “mauvais clients”

Afin de définir la notion de “bon client”, il convient en premier lieu de chercher


à comprendre ce que sont les “mauvais clients” pour l’entreprise.
À première vue, on pourrait avoir tendance à penser que les mauvais clients sont
nécessairement de mauvais payeurs. Or, cette notion est bien plus nuancée, étant
donné qu’il n’est pas possible pour Autocito d’identifier les mauvais payeurs dès le
démarrage d’une relation. C’est ce qui représente tout l’enjeu de l’activité. En réalité,
Jérémy souhaite encourager l’entrepreneuriat à travers la mise en place de relations
de confiance mutuellement satisfaisantes. Il avoue d’ailleurs volontiers être tout à fait
conscient de la réalité du terrain difficile des activités exercées par ses clients. En
revanche, il refuse que ces derniers lui mentent ou lui cachent la réalité de leur
situation dans le cas où ils rencontreraient des difficultés, car cela ne ferait
qu’envenimer la situation et mettre les deux parties dans une position délicate. Pour
Autocito, un “mauvais client” serait donc avant tout quelqu’un de malhonnête, avec
qui l’entreprise entretiendrait une relation opaque et qui refuserait d’avouer ses
faiblesses.

2. Les “bons clients”

A l’inverse du “mauvais client” précédemment décrit, un “bon client” serait


quant à lui un client honnête et transparent quant à sa situation, qui accepterait de
communiquer avec l’entreprise ses éventuelles difficultés, tout en démontrant une
bonne volonté et une posture proactive dans la recherche de solutions amiables.
Dans un tel cas de figure, l’entreprise serait alors tout à fait à même de trouver un
compromis arrangeant pour les deux parties, quitte à aller jusqu’à faire l’impasse sur
certaines créances. En effet, il peut parfois être économiquement plus rentable pour
l’entreprise de récupérer dès que possible un véhicule, quitte à renoncer à une partie
de la somme encore dûe ou à accorder un échelonnement des paiements, plutôt que
de laisser une situation de non-paiement s’envenimer pendant de nombreux mois, en
sachant qu’elle ne récupérera potentiellement jamais les sommes encourues. Dans
le cas de figure où un client présenterait une telle attitude lors d’une période
compliquée, il pourrait même être envisageable pour l’entreprise de nouer avec lui
une nouvelle relation contractuelle par la suite, comme expliqué par Jérémy : “Nous
avons eu des cas où des clients en difficulté sont revenus vers nous, prouvant leur
honnêteté malgré l'échec, ce qui est une partie acceptée de l'entrepreneuriat. Dans
ce cas, on peut tout à fait accepter de les refinancer s’ils décident de se lancer à
nouveau dans l’entrepreneuriat par la suite.”.
Bien que les membres de l’équipe aient en réalité tous leurs propres critères
leur permettant de définir les notions de “bon client” et de “mauvais client”, les
caractéristiques citées ci-dessus semblent être celles qui correspondent le mieux à la
vision de l’entreprise. Cependant, bien qu’elles aident à avoir un aperçu de ce qui se
cache derrière ces deux notions, elles ne permettent actuellement pas concrètement
à l’entreprise de repérer les clients indésirables en amont de la contractualisation. En
l’état actuel des choses, il n’est en effet pas possible pour l’entreprise d’obtenir un tel
niveau de détail relatif à l’attitude de ses clients tant qu’aucune situation délicate ne
s’est encore présentée.
Pour pallier cette absence d’information, le filtrage des clients est en fait
réalisé d’une manière très subjective et peu efficiente. Il se base sur les quelques
observations que l’équipe parvient à réaliser lors des premiers échanges réalisés
par téléphone, e-mail ou SMS, avec les prospects. Ce faisant, n’importe quel
élément peut être considéré comme un indice permettant de repérer un potentiel
“mauvais client” : une attitude, un nom, un accent, une adresse, ou encore une photo
de profil Whatsapp. D’expérience, certains profils sont par exemple presque
systématiquement rejetés lorsqu’ils effectuent une demande. C’est notamment le cas
des populations nomades, généralement directement identifiées grâce à leur accent,
leur langage spécifique, ou encore une adresse postale reliée à la position d’un
campement.
Ces critères de sélection conduisent évidemment à des choix arbitraires et
discriminatoires, déplorés mais vécus comme une fatalité par l’équipe d’Autocito en
l’absence de processus de validation basé sur des critères clairement définis,
comme avoué par Clément lors de son entretien : “Dans le contexte de l’Île-de-
France, où on est confronté à diverses populations, il arrive involontairement de
catégoriser les gens, même sans intention raciste de base. Ayant grandi entouré de
multiples cultures, je me retrouve parfois à stigmatiser malgré moi, en se disant par
exemple : “c’est des gitans, donc…”. Ce n’est pas dans ma nature, mais face à
certaines situations, des préjugés peuvent émerger.”.
FIN DE PARTIE

C) La santé mentale
Malgré le consensus au sein de l'équipe sur le fait qu'ils gèrent principalement
des clients à haut risque et font face à des situations majoritairement négatives, nous
avons observé un phénomène intéressant de déni collectif. Ce déni se manifeste par
une tendance à minimiser la gravité des situations rencontrées. Une des méthodes
employées par l'équipe pour y parvenir est l'humour : les membres de l'équipe ont
tendance à plaisanter sur les difficultés rencontrées avec certains clients,
transformant ainsi les défis professionnels en anecdotes légères. De plus, les
discussions autour de ces clients ou de situations particulières sont souvent teintées
d'irréalisme. Les membres adoptent une perspective détachée, traitant les scénarios
complexes comme s'ils étaient éloignés de leur réalité professionnelle immédiate.
Cette attitude peut servir de mécanisme de défense, aidant les membres de l'équipe
à maintenir leur équilibre émotionnel face à un flux constant de situations
stressantes. Toutefois, elle soulève également des questions sur la manière dont
cette distanciation affecte leur capacité à aborder de manière constructive les
problèmes inhérents à leur travail avec des clients à haut risque.
Néanmoins, il convient de noter que certains membres de l'équipe sont
pleinement conscients des risques associés à leur travail avec des clients à haut
risque comme le souligne Clara : “c’était inquiétant, on sait que certains clients ont
fait de la prison ou autre donc on sait de quoi ils sont capables.” Cette prise de
conscience entraîne chez eux une préoccupation profonde pour le bien-être de leurs
collègues. Conscients des défis et des situations potentiellement dangereuses
auxquels ils sont tous confrontés, ces membres ressentent une responsabilité accrue
non seulement envers leurs clients mais également envers leurs pairs. Cette
inquiétude pour la sécurité et le bien-être des collègues ajoute une couche
supplémentaire de charge mentale. Les efforts déployés pour maintenir un
environnement de travail sûr, tout en gérant les risques liés à leur clientèle, exigent
une vigilance constante et un soutien mutuel. La reconnaissance de cette charge
mentale est cruciale, car elle souligne l'importance de mettre en place des
mécanismes de soutien adéquats pour préserver la santé mentale et le bien-être de
l'équipe dans son ensemble. Des stratégies de soutien psychologique et des
espaces de dialogue ouverts sont essentiels pour permettre aux membres de
l'équipe de partager leurs préoccupations et de chercher ensemble des solutions
pour atténuer les risques et les pressions liés à leur environnement de travail
exigeant.

En conclusion, les observations faites au sein de l'équipe soulignent


l'importance cruciale de ne pas négliger l'aspect de la santé mentale dans un
environnement professionnel traitant de clients à haut risque. L'humour et le
détachement observés peuvent servir de mécanismes de défense temporaires, mais
ils ne doivent pas masquer la réalité des risques encourus ni l'impact psychologique
profond sur les employés. De même, la conscience et la préoccupation pour le bien-
être des collègues témoignent d'une charge mentale significative qui doit être
reconnue et gérée avec soin. Pour Autocito, il est impératif de prendre en compte
ces dimensions pour assurer non seulement la sécurité et l'efficacité opérationnelle,
mais aussi pour préserver la santé mentale et le bien-être de ses employés.
Reconnaître et adresser ces enjeux de santé mentale est essentiel pour maintenir un
environnement de travail sain et résilient, où chaque membre de l'équipe se sent
valorisé, soutenu et en sécurité.

III. Recommandation et Conclusion

Pour renforcer la structure opérationnelle d'Autocito et maximiser sa croissance à


long terme, il est impératif d'adopter une série de mesures stratégiques visant à
améliorer nos processus internes et notre relation client. Voici les recommandations
proposées pour atteindre ces objectifs :

1. Définition de critères de sélection des clients précis

Ces critères sont actuellement basés sur le “feeling” et ne sont pas clairement définis
ce qui engendre le risque de passer à côté de potentiel bon clients ou encore de
prendre des clients qui seront problématiques. C’est pourquoi nous proposons
d’établir des critères objectifs et mesurables pour sélectionner des clients. Cela
permettra d'améliorer la gestion des situations délicates et de prévenir les conflits en
évaluant efficacement le potentiel de chaque client. La mise en place de ces critères
permettra aussi de faciliter l’intégration des nouveaux membres de l’équipe.

2. Etablir un processus de gestion des impayés clair

Un processus bien établi pour gérer les impayés est essentiel. Ce processus doit
inclure une communication efficace et des résolutions à l'amiable, tout en gardant le
recours aux autorités comme ultime recours pour éviter l’auto-justice. Le respect des
conditions générales de vente est également vital pour maintenir une défense
juridique solide, il faut donc former les équipes sur ces conditions.
3. Renforcement de la stratégie sur le client
Il est important pour Autocito d’être réellement présent tout au long du contrat que ce
soit des bons ou des mauvais clients pour maximiser la fidélité mais aussi pour
identifier de manière proactive les besoins et résoudre les problèmes dès leur
apparition.

4. Intégrer les valeurs de l’entreprise dans la communication


Il est important de communiquer de manière cohérente pour attirer des clients
partageant les mêmes valeurs que l’entreprise ce qui renforcera la confiance
mutuelle. Cette confiance permettra de libérer la communication en cas de problème
afin de trouver des solutions qui conviendront le plus possible au client et à Autocito.

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