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MUSÉE D’ORSAY
L’UNIVERS GÉNIAL DU
DOUANIER ROUSSEAU
SPÉCIAL
PARIS
TENDANCE
POURQUOI LES ARTISTES
S’EMPARENT D’INSTAGRAM
ARCHITECTURE :
LES PROJETS QUI VONT
CHANGER LA CAPITALE
TOUS LES SALONS :
DESSIN, DESIGN, ART PARIS… CHRIS MORIN-EITNER
Paris, Tour Eiffel - Vestiges. 2016
All : 9.80 €, BEL / LUX / ESP : 8 €, CAN : 14.40 $CAN, DOM : 7.80 €, GR : 7.60 €, Port. Cont : 7.5 €, TOM : 1150 CFP, CH : 14 CHF.
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Anonymous artisticus
Des scientifiques d’une université londonienne ont affirmé avoir découvert la véritable identité
de Banksy, le street artist mondialement connu, grâce à une méthode de profilage utilisée par
la police pour confondre les criminels en série ! À partir de l’emplacement de 140 œuvres qui
lui sont attribuées à Londres et Bristol, ils sont parvenus à localiser les adresses de pubs, ter-
rains de sport, etc., fréquentées par un certain Robin Cunningham dont un journaliste avait,
dès 2008, indiqué qu’il était la personne se cachant derrière le pseudonyme de Banksy. L’AFP
a précisé que le blog Gizmodo a dénoncé aussitôt l’atteinte à la vie privée de l’artiste et estimé
que les chercheurs, en procédant ainsi, assimilaient Banksy à un terroriste. Outre le fait que
l’on peut juger peu fiable la méthode employée – car Banksy ne signe pas ses œuvres, ce qui
signifie que parmi, les 140 étudiées, certaines ne sont peut-être pas de lui –, ce profilage est tout
simplement infâme et dangereux. Il remet profondément en cause la liberté de créer et met en
danger Banksy puisque celui-ci développe un travail antisystème (y compris contre le monde
de l’art) et toujours illégal. C’est évidemment l’anonymat qui protège cet artiste génial. Flori-
lège de quelques-unes de ses merveilles : il est entré dans l’enclos des manchots du zoo de
Londres pour y peindre en lettres de 2 mètres de haut la phrase «We are bored of fish» («On en
a assez des poissons»). Il a couvert des dizaines de murs de dessins humoristiques et poétiques
critiquant la police, le monde de l’art ou les politiques. Il a placé dans les plus grands musées
du monde (MoMA, Met, Tate Britain, etc.) des œuvres factices parodiant celles de grands
artistes. Il a imprimé des fausses coupures de billets britanniques en remplaçant le portrait
d’Elisabeth II par celui de Lady Di. Il a peint neuf images sur le mur qui sépare Israël de la
Palestine, dont une représentant une échelle permettant de «faire le mur». Il a implanté, l’air
de rien, une poupée gonflable à taille humaine revêtue d’une combinaison orange identique à
celle des prisonniers de Guantanamo… dans le Disneyland de Californie. À la fin de l’année
dernière, en pleine crise des réfugiés, Banksy a figuré sur un mur de Calais Steve Jobs portant
ordinateur et baluchon, pour rappeler que le fondateur d’Apple était le fils d’un immigré syrien !
Rappelons, enfin, que si certaines de ses œuvres arrachées des murs ont été vendues aux
enchères pour plus d’un million de dollars, Banksy lui-même ne travaille avec aucune galerie
et se tient à l’écart du marché de l’art, qu’il critique régulièrement. Banksy est un nom décidé-
ment délicieux. Et, en ces temps où le monde de l’art cultive les ego, où chacun se rêve en people,
il se pourrait bien que les anonymous soient les vrais artisticus !
Beaux Arts 3
CYCLE « DES GESTES
DE LA PENSÉE »
ISABELLE
CORNARO
EXPOSITION
JUSQU’AU 26 MARS 2016
LA VERRIÈRE
50 BOULEVARD DE WATERLOO
1000 BRUXELLES
COMMISSARIAT
GUILLAUME DÉSANGES
Film 16 mm transféré sur support digital, 2’06’’. Courtesy de l’artiste.
Isabelle Cornaro, Choses, 2014
www.fondationdentreprisehermes.org
Sommaire N° 382 ravril 2016
En couverture
CHRIS MORIN-EITNER
Paris, Tour Eiffel – Vestiges rXXXDISJTNPSJOQIPUPDPN
La découverte des temples d’Angkor, où la végétation a repris ses
droits, inspire Chris Morin-Eitner, architecte de formation, dans la
composition de ses jungles urbaines. À Paris, Londres,
New York mais aussi Dubaï, dans une vision futuriste, il redonne sa
place à la nature là où l’homme l’avait chassée. Chris Morin-Eitner
est représenté à Paris par la galerie W. Il a créé cette Une
spécialement pour Beaux Arts magazine.
Beaux Arts 5
Vu par
Daphné Bétard
NASA JET PROPULSION LABORATORY Visions of the Future – The Grand Tour, 2016
www.jpl.nasa.gov/visions-of-the-future
Tourisme spatial
Envie de sensations fortes ? La Nasa vous embarque pour une système solaire. Ces propositions de tourisme spatial sont bien
promenade unique en son genre à la découverte des paysages sûr fictives, mais s’appuient sur des études scientifiques. Ici, il
magnétiques et envoûtants de ces «géantes gazeuses et gla- s’agit du Planetary Grand Tour, programme d’exploration conçu
cées» que sont les quatre planètes les plus éloignées du Soleil ! dans les années 1960 qui entendait profiter d’un alignement
Cette image éclatante à l’allure vintage fait partie d’une série exceptionnel de Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton
d’affiches réalisées par le laboratoire Jet Propulsion de la Nasa (l’événement se produit tous les cent soixante-quinze ans) pour
(qui supervise des missions vers les contrées les plus loin- y envoyer des sondes. Une façon de montrer qu’à l’impossible
taines du cosmos), invitant à découvrir les richesses de notre nul n’est tenu et qu’il n’y a pas de limites au rêve américain.
6 Beaux Arts
Bague Escapade de Chaumet, or jaune serti de diamants taille brillant, 2016.
OKUDA SAN MIGUEL (EN HAUT) ET JAVIER CALLEJA (EN BAS) Truck Art Project, 2016
Le road art
Au Japon, avec ses néons clignotants et son acier rutilant, il «truck art» est une véritable culture, un lifestyle, un phénomène
est looké comme une machine à sous. Aux Philippines, c’est sociologique. Et en Europe ? Notre poids lourd à nous est loin
un bus maquillé comme un camion volé, une vieille Jeep des de faire le poids. Il est plutôt du genre no look (mais surtout
États-Unis reconvertie qu’on appelle Jeepney. Mais les plus pas no logo). Sauf en Espagne où, depuis 2015, le réjouissant
dingues de tous sont à doubler sur les routes du Pakistan : Truck Art Project invite des street artists à pimper une centaine
tunés des jantes aux rétros par les meilleurs artisans du pays, de remorques qui promènent ensuite leur fringant «gros cul»
ils font la fierté de leurs propriétaires qui n’hésitent pas, pour (comme disent les routiers) sur les routes ibériques. Attention,
bichonner bébé, à flamber des milliers de dollars. Là-bas, le convois exceptionnels !
8 Beaux Arts
Imaginez…
CROISIÈRE
© DR
© DR
*Prix par personne, en pension complète, en cabine intérieure double (hors transport aérien) valable
sur une sélection de départs de Kirkenes à Bergen du 15/08 au 31/08/2016. Offre soumise à conditions.
Vu par
Par Marie Darrieussecq
SERGEY PONOMAREV 1er prix du World Press Photo 2015, section General News, pour le New York Times
Un réfugié dans la ville croate de Tovarnik tente d’accéder à un train à destination de Zagreb, le 18 septembre 2015.
10 Beaux Arts
VALLOIS galerie
Georges-Philippe
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Vallois
Nouvel espace !
33, rue de Seine
JACQUES
VILLEGLÉ
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PÉNÉLOPE
JACQUES
VILLEGLÉ
VILLEGLÉ – OPÉRATION QUIMPÉROISE
project room
Luis Terán
08.04 – 13.05
2016
Pilar Albarracín
Gilles Barbier — Julien Berthier
Julien Bismuth — Alain Bublex — Massimo Furlan
Taro Izumi — Richard Jackson — Alain Jacquet — Adam Janes
Jean-Yves Jouannais — Martin Kersels — Paul Kos
Paul McCarthy — Jeff Mills — Arnold Odermatt
Henrique Oliveira — Peybak — Niki de Saint Phalle
Pierre Seinturier — Jean Tinguely — Keith Tyson
Jacques Villeglé — Olav Westphalen
Winshluss — Virginie Yassef
BRUNO
RACINE
L’HOMME
DE TOUS
LES LIVRES
Président pendant près
de dix ans de la BnF, Bruno
Racine quitte l’institution
après en avoir assuré
la modernisation
et l’enrichissement
des collections. L’artiste
Alain Fleischer nous
brosse le portrait
sensible de cet écrivain
et amoureux des livres.
12 Beaux Arts
DES ARTISTES
CHINOIS
À LA FONDATION
LOUIS VUITTON
DU 27.01
AU 29.08.2016
# FONDATIONLOUISVUITTON
8, AVENUE DU MAHATMA GANDHI
BOIS DE BOULOGNE – PARIS
L’essentiel France pages réalisées par Françoise-Aline Blain
Up
SOPHIE LÉVY
Depuis 2009, elle dirigeait le LaM
de Villeneuve-d’Ascq. Elle prendra
la tête du musée des Beaux-Arts
de Nantes à partir de juillet.
Sa mission : poursuivre les travaux
d’extension lancés par la directrice
sortante Blandine Chavanne,
avant l’ouverture prévue pour 2017.
ANNE ESNAULT
Directrice du musée des Beaux-Arts
d’Arras depuis 2011, elle prend
la direction des six musées de la Ville
d’Angers (musée des Beaux-Arts,
galerie David d’Angers, musée Pincé,
musée Jean Lurçat et de la Tapisserie
contemporaine, musée-château
de Villevêque, Artothèque).
ALICE MOTARD
Elle était depuis deux ans
commissaire d’exposition au centre
d’art contemporain et de design Spike
Island à Bristol. Elle a été nommée
commissaire en chef du CAPC, musée
d’art contemporain de Bordeaux.
Elle succède à Alexis Vaillant,
en poste au CAPC depuis 2009.
14 Beaux Arts
AUSTRALIE, OCÉANIE,
ARTS DES PEUPLES DE LA MER
du 24 mars au 30 septembre 2016
L’art aborigène et océanien sera mis à l’honneur à travers Taba Naba, une exposition majeure sur le
thème des océans et de l’eau, présentée au Musée océanographique de Monaco et qui constituera
l’un des temps forts de la saison estivale en Principauté. Ce thème sera abordé sous différents
angles grâce à la participation de nombreux artistes.
Le projet s’articulera autour de trois volets complémentaires, créant des univers différents.
« Avec trois univers artistiques occupant l’ensemble du Musée océanographique, l’exposition Taba Naba a un
positionnement ambitieux et délivre un message fort au public.
Nous présentons ici l’art de populations qui sont restées en contact avec la nature et qui dialoguent avec elle,
alliant tradition ancestrale et modernité. Ces populations ont la culture de l’océan, elles vivent avec lui.
C’est une relation saine et équilibrée qui peut et doit nous inspirer ».
Robert Calcagno,
Directeur général de l’Institut océanographique
www.oceano.org
L’essentiel France
LE MAROC
S’INSTALLE À PARIS
C’est un empilement de volumes contrasté
et spectaculaire. «Une médina verticale»,
selon l’architecte Tarik Oualalou. En visite en France,
le roi du Maroc Mohammed VI a dévoilé son projet
de centre culturel marocain (CCM) à Paris. Le premier
du genre. Entièrement financé par le gouvernement
marocain, ce projet d’un coût de 7 M€ sera
implanté au 115, boulevard Saint-Michel, dans
le Ve arrondissement, sur une parcelle qui est déjà
la propriété du royaume chérifien. Il comportera
un espace d’exposition, un lieu de concert et
de théâtre et un centre d’enseignement des langues
arabe et amazigh (berbère). Il devrait ouvrir en 2018.
LE CHIFFRE
469 C’est le nombre de censures
et de violations de la liberté artistique
observées dans 70 pays à travers le monde
en 2015, d’après l’organisation internationale
Freemuse. C’est deux fois plus qu’en 2014.
Le salon des Biencourt à Azay-le-Rideau a été Trente cas concernent les arts visuels.
remis dans son état du XIXe siècle, une étape
dans la plus vaste campagne de valorisation.
ADIEU LA PINACOTHÈQUE
L’institution était placée en redressement judiciaire depuis le mois de novembre. Le 15 février,
la Pinacothèque, place de la Madeleine à Paris, a fermé ses portes définitivement, neuf ans après son
ouverture. En cause : une fréquentation en berne (de – 20 % à – 25 % en moins de deux ans et des loyers
très élevés (de l’ordre de 300 000 € par mois). Pour Marc Restellini, son directeur, cette fermeture
ne signifie pas pour autant la fin de la Pinacothèque. Son objectif est d’ouvrir à Paris, «sous trois à quatre
ans», un nouveau site consacré à l’art contemporain et un autre, à la sculpture et aux arts premiers.
16 Beaux Arts
ROBERT LONGO
LUMINOUS DISCONTENT
PARIS MARAIS
AVRIL – MAI 2016
ROPAC.NET
YÉMEN
GRANDE-BRETAGNE
MASSACRE
PATRIMONIAL EN SÉRIE À LONDRES,
Le 3 février, le Musée national de Taiz UN BACON RETROUVÉ
a été bombardé par des tirs d’obus C’est la 585e œuvre de l’artiste.
provenant des rebelles houthis. Elle dormait depuis plus de vingt ans
Le bâtiment et la grande majorité des dans une collection privée de
œuvres conservées ont été détruits Londres… La dernière toile de Francis
par l’incendie. Le musée abritait plus Bacon a été retrouvée par l’historien
de 1 000 manuscrits et de nombreux de l’art Martin Harrison alors qu’il
objets. Le 14 février, c’était au tour travaillait à l’édition du catalogue
de la ville historique de Kawakban raisonné de l’artiste. Peinte en 1991,
d’être prise pour cible. Son entrée un an avant la mort de Bacon, Study
principale, la citadelle archéologique, of a Bull représente un taureau
le dôme de l’imam Shams al-Deen en noir et blanc effacé dans un nuage
et de nombreuses habitations de poussière. L’œuvre sera exposée
datant du IIe siècle situées à al-Qashla pour la première fois au Grimaldi Forum
(citadelle) ont été gravement de Monaco en juillet. Elle sera ensuite
endommagés. présentée au musée Guggenheim
http://whc.unesco.org/fr/actualites/1450/ de Bilbao à partir du 30 septembre.
ESPAGNE
EN APNÉE AU MUSÉE
C’est un musée unique en Europe. Le Museo Atlántico, le troisième musée
sous-marin de l’artiste britannique Jason deCaires Taylor, devrait ouvrir
en partie cet été, au large de l’île de Lanzarote dans l’archipel des Canaries.
Trois cents statues hyperréalistes reposeront ainsi par 15 mètres de fond.
Conçues comme des récifs artificiels, refuges pour la faune et la flore, ces œuvres
sont biodégradables. Le lieu sera accessible aux plongeurs, aux sous-marins
de poche et aux bateaux à coque de verre.
www.underwatersculpture.com
18 Beaux Arts
Graphisme 2016 © Cédric Pinchon, unfougraphiste.com - Crédit photo : Nikos Aliagas
CONCIERGERIE EXPOSITION PHOTOGRAPHIQUE
du 25 mars au 22 mai 2016 NIKOS ALIAGAS
LA FONDATION CLÉMENT,
UN ÎLOT D’ART À LA MARTINIQUE
C’est sur les terres
d’une rhumerie historique
que l’entrepreneur
Bernard Hayot a créé
il y a trente ans l’unique
centre d’art de la
Martinique. Visite guidée
à l’occasion de son
lumineux agrandissement
signé Bernard Reichen.
20 Beaux Arts
Architecture par Philippe Trétiack
Alejandro Aravena,
Quinta Monroy Housing,
2004, Iquique (Chili).
www.montmajour.monuments-nationaux.fr
Gratuit pour les moins de 26 ans*
* Ressortissants et assimilés de l’UE ou de l’EE ou non ressortissants titulaires
d’un titre de séjour ou visa de longue durée délivré par un de ces Etats.
Architecture
ARBRES ÉLECTRIQUES
PYLON DESIGN COMPETITION
r3PZBVNF6OJrQSPKFUOPOSFUFOV
"OEZ.BSUJO"SDIJUFDUVSF
Depuis l’arrivée du premier pylône à haute
tension sur le sol britannique en 1928,
leur forme n’avait pas connu de changement
notable. C’est à l’occasion d’un concours
international lancé en 2011 qu’une véritable
réflexion s’est engagée sur le renouveau
esthétique de ces monstres métalliques.
Parmi les 250 projets reçus, celui
de l’agence Andy Martin proposait
un pylône inspiré de la forme d’un arbre
afin de privilégier la création d’un objet
mieux intégré dans le paysage. Une option
un peu trop radicale pour le jury, qui
lui a préféré une version plus technique.
PYLÔNES ORGANIQUES Connue pour ses paysages sauvages, l’Islande imagine un futur composé de pylônes électriques plus en phase avec la nature. Pour preuve,
ceux de l’agence Arphenotype qui s’attache à la création d’objets high-tech aux formes organiques. Selon un calcul paramétrique intégrant
PROJET POUR PYLÔNES À HAUTE TENSION l’emplacement géographique des ouvrages (longitude et latitude), chaque modèle serait unique. Leur structure aérienne et graphique serait
r-BOETOFU *TMBOEFr"SQIFOPUZQF composée d’un mélange de fibre synthétique et d’éco-résine thermodurcissable, des matériaux ultrarésistants aux intempéries et au vent.
24 Beaux Arts
par Céline Saraiva
CARYATIDES FUTURISTES
THE LAND OF GIANTSr1SPKFUQPVSMFT+0EIJWFS
1ZFPOHDIBOH $PSÊFr$IPJ 4IJOF"SDIJUFDUT
Les géants sont de retour ! Ils reviennent, plus vivants que jamais,
dans le cadre des Jeux olympiques d’hiver 2018 en Corée.
Leurs postures sont devenues moins statiques, simulant
des mouvements de marche. Aussi continuent-ils à alimenter
nos fictions pour un jour s’inscrire, on l’espère, dans un territoire
bien réel.
Beaux Arts 25
Design par Claire Fayolle
26 Beaux Arts
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VIVRE
L’ART
CHEZ
VOUS!
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Design par Claire Fayolle
«TIZIO MICRO»"35&.*%&r
Voici un classique du design et l’une des premières lampes
halogènes au monde. Elle se distingue par l’amplitude
de mouvement de ses bras articulés et de sa tête orientable.
Son système de contrepoids permet d’ajuster sa position
d’un simple effleurement. Richard Sapper a décliné le modèle
conçu en 1972 en cinq autres versions de différentes «ALGOL»&/$0--"#03"5*0/"7&$."3$0;"/640r#3*0/7&("r
dimensions et couleurs. La «Tizio Micro» est disponible en Pionnière des télévisions portatives, c’est une réussite absolue.
quatre finitions. %FéÆérXXXBSUFNJEFJU Pensée dans les moindres détails, jusque dans la disposition des composants
internes, elle est reconnaissable entre toutes grâce à son écran incliné.
Ce dernier faisait dire à Marco Zanuso qu’elle ressemblait à un petit chien levant la
tête vers sa maîtresse ! La société Super//Fluo, qui a racheté Brionvega
en 2006, réédite le modèle en 199 exemplaires. érXXXTVQFSáVPDPN
Suite page 30
28 Beaux Arts
Design HOMMAGE À RICHARD SAPPER
«TODO»"-&44*r
Pour dessiner cette râpe géante à fromage
et à noix muscade, Sapper a puisé dans
jv son expérience. Afin de rendre l’opération
0''*$*/""-&44*r plus efficace, il a conçu un ustensile qui permet
Cette bouilloire chantante a d’obtenir en un seul passage la quantité
toujours fière allure. Son sifflet de fromage nécessaire pour une assiette.
mélodique caractéristique À la fois astucieux et spectaculaire, l’objet
intègre deux diapasons à bouche, ne déparera pas la table. En acier et bois.
l’un produisant un si, l’autre érXXXBMFTTJDPN
un mi. Ils sont spécialement
fabriqués par des artisans de la
Forêt-Noire pour l’entreprise
italienne. En acier inoxydable,
laiton et polyamide.
érXXXBMFTTJDPN
«DIALOG 1»-".:r
Le designer rompt avec le traditionnel stylo à bille cylindrique pour proposer
une version au corps triangulaire. Parfaitement ergonomique, cet outil d’écriture
à la ligne unique demeure un modèle d’élégance et d’originalité. En métal
finition titane, l’objet est livré dans un étui en hêtre. Un roller de Knud Holscher
et un stylo à plume rétractable de Franco Clivio complètent la série «Dialog».
érXXXMBNZDPN
«STATIC»-03&/;r
Créer une forme dynamique, telle est l’idée à l’origine
de cette horloge de table. Grâce à l’emprise minimale
de sa base, l’objet semble à la limite du déséquilibre.
Dès son lancement, le jury du fameux Compasso d’Oro
a salué la performance en lui attribuant le prix.
Depuis, il n’a jamais cessé d’être produit. En laiton brossé,
il existe en trois finitions ainsi que dans une récente
réédition d’époque en métal laqué. érXXXMPSFO[JU
30 Beaux Arts
PUBLI-COMMUNIQUÉ
Reprises en salles
HOLLYWOOD SE FAIT MOUSSER
Un must de la comédie sophistiquée, graphique,
où la complicité de Blake Edwards avec Peter Sellers
atteint des sommets burlesques. Récit d’une party chic
dans une villa qui tourne mal pour le protagoniste principal
(un Hindou lunaire et maladroit), le film sème les gags
avec une élégance à toute épreuve et une acuité cinglante
sur les mœurs hollywoodiennes.
La Party de Blake Edwards (1968) En salles actuellement
S i «exposer» des cinéastes ne va pas forcé- Influencé par la frange radicale du cinéma euro- Panique de Julien Duvivier (1946)
&OTBMMFTÆQBSUJSEVNBST
ment de soi, au moins le geste paraît justifié péen (de Chantal Akerman à Béla Tarr), il connaît
dans le cas de Gus Van Sant. Ses films appellent aussi son Hitchcock sur le bout des doigts, le
la mise en espace et en boucle sonore. Question dupliquant à merveille (Psycho) en un geste
d’étendue (les déserts de My Own Private Idaho conceptuel. Bref, un oiseau rare, connecté à la DVD
et Gerry), de dispositif (le campus labyrinthique création contemporaine (de William Eggleston
d’Elephant), de musique (la fin de Kurt Cobain à Sonic Youth) et lui-même touche-à-tout. Outre FAIRE ŒUVRE DE SA MÉLANCOLIE
dans Last Days). On a tous en tête une séquence ses films montrés dans la rétrospective, on Acteur (chez Téchiné, Vecchiali…), Jacques Nolot est aussi
qui flotte, un moment de pure beauté visuelle, découvrira dans l’exposition tout un pan moins et surtout l’auteur de trois films (l’Arrière-pays, la Chatte
facilement détachable. Métaphysique, politique connu de son travail : clips (Bowie, Red Hot Chili à deux têtes, Avant que j’oublie) très singuliers, à forte teneur
et sexuelle, son esthétique est fluide. Synonyme Peppers), Polaroid en noir et blanc (portraits à autobiographique, racontant son ascension sociale,
d’immersion et de circulation – le parcours de fleur de peau de graines de stars, dont Drew sa route et ses déroutes
d’homosexuel déclaré,
l’exposition est conçu comme un «ciné-park», en Barrymore, River Phoenix…) et aquarelles sen-
de la province à Paris,
hommage au skate-park de Paranoid Park. Sur- suelles grand format. Comme dans son cinéma,
à travers toutes sortes
face et courbe, il faut que ça glisse. Rien de Gus Van Sant sait ranimer une forme de roman- de milieux. Du cinéma
superficiel pour autant : la désillusion ou la mort tisme, fût-il sombre, à l’époque postmoderne. à la fois cru et poétique,
attendent souvent ses personnages au tournant. empreint d’une
Cet artiste de Portland est un des très rares à «Gus Van Sant – Icônes» du 13 avril au 31 juillet mélancolie tenace.
avoir un pied dans le star-system hollywoodien et dans les salles (rétrospective, rencontres, conférences) Jacques Nolot Intégrale
et un autre dans l’expérimental (on verra ses KVTRVBVNBJr$JOÊNBUIÍRVFGSBOÉBJTFr SVFEF#FSDZ $PGGSFUEF%7%
courts-métrages, dont un avec Allen Ginsberg). 1BSJTrXXXDJOFNBUIFRVFGS ÊE$BQSJDDJré
32 Beaux Arts
Henri Rousseau (1844-1910): Le rêve, 1910, New York, Museum of Modern Art (MoMA), huile sur toile
(2,04 x 2,98 m), donation de Nelson A. Rockefeller © 2016 Digital image, MoMA/Scala, Florence.
Le Douanier Rousseau
ou l’éclosion moderne
le film officiel Un film de
Nicolas Autheman
de l’exposition
au Musée d’Orsay
Toujours
disponibles
34 Beaux Arts
par Daphné Bétard
insipide et inexpressive de la Vénus de Milo». durant cette période tragique. C’est pourtant
Dans ses affiches pour Saupiquet, il ne renonce ce que parvient à faire Lucien Laforge dit Gui-
pas à son trait outré et féroce. Ses personnages lac. Pacifiste dans l’âme, il refuse de participer
grotesques ont laissé leurs bonnes manières au à ce qu’il considère comme un «bourrage de
vestiaire pour s’empiffrer de l’irrésistible pois- crâne». Il est l’un des premiers dessinateurs et
son en boîte. Pour Jossot, «l’affiche, sur le mur, affichistes du Canard enchaîné, pour lequel il
HONORÉ La photo officielle que Depardon
doit hurler, elle doit violenter les regards». invente des œuvres graphiques aux slogans n’a pas osé faire KVJO
décalés hilarants – «on peut ne pas aimer la tête
ART DU RACCOURCI ET DE L’IMPERTINENCE de veau… mais il est impossible de ne pas aimer
Beaucoup moins virulent, Leonetto Cappiello, le Canard enchaîné».
auteur de dessins stylisés aux figures expressives Un siècle plus tard, la caricature continue À LIRE
toujours en mouvement, explique, de son côté, d’échauffer les esprits. Pour une histoire globale De la caricature à l’affiche – 1850-1918
chercher à «rendre l’autre individu que cache de cet art du raccourci et de l’impertinence, il sous la dir. de Réjane Bargiel
chaque individu ou qu’il a l’air de cacher au pre- faut se plonger dans l’Art et l’histoire de la carica- ÊE-FT"SUTEÊDPSBUJGTrQré
Catalogue de l’exposition éponyme aux Arts décoratifs
mier abord. Dénoncer et prouver l’existence de ture, paru chez Citadelles & Mazenod en 2006,
KVTRVBVTFQUFNCSFr SVFEF3JWPMJr1BSJT
cette image fuyante, synthétisée, de nous- aujourd’hui revu et augmenté. En guise de www.lesartsdecoratifs.fr (exposition ensuite présentée
mêmes.» Et face à des annonceurs et agents de conclusion, le dernier chapitre s’interroge sur la BV1BMBJT-VNJÍSFEWJBOEVOPWFNCSFBVKBOWJFS
publicité de plus en plus pressants qui risquent conception française de la liberté d’expression L’Art et l’histoire de la caricature
de brider sa créativité, il oppose un argument et l’autocensure au lendemain de l’attentat qui a par Laurent Baridon et Martial Guédron
imparable : «Si les commerçants ou les industriels coûté la vie aux dessinateurs de Charlie Hebdo. ÊE$JUBEFMMFT.B[FOPErQré
reculent devant les idées nouvelles, ils ne résistent L’un des leurs, le très caustique et non moins sub- Honoré – Petite anthologie du dessin politique
pas aux résultats financiers.» Quant à Marius til Philippe Honoré, est à l’honneur dans une par Hélène Honoré
Rossillon dit O’Galop ou encore «professeur Petite anthologie du dessin politique réunissant ÊE-B.BSUJOJÍSFrQré
Touchatout», créateur du fameux Bibendum de quelques-uns de ses meilleurs feuillets (publiés
Michelin, il mène de front ses carrières d’affi- pour la plupart dans Charlie). Où l’on retrouve
chiste et de caricaturiste, avant de servir comme ses cibles préférées, hommes politiques et puis-
tant d’autres, pendant la Première Guerre mon- sants dont il dénonce les travers dans des dessins
diale, une propagande proguerre et antiboches. à l’encre d’une virtuosité à couper le souffle et
Difficile de faire entendre une voix dissonante d’une efficacité redoutable.
Beaux Arts 35
Livres
L’HISTOIRE DE L’ART
EST-ELLE RACISTE ?
Pourquoi le Louvre persiste-t-il à classer les œuvres
par nations ? Que les Italiens et les Espagnols soient
séparés des Français ainsi que des Allemands, des
Flamands et des Hollandais passe aujourd’hui pour
aller de soi. Et pourtant, il n’en a pas toujours été
ainsi. Ouvert au public parisien entre 1750 et 1779,
le premier musée du Luxembourg offrait un échan-
tillon de chefs-d’œuvre dont la disposition ne
devait rien à la provenance ethnique de leurs
Les Invasions barbares auteurs. Alors, que s’est-il passé pour que ce critère
Une généalogie ait fini par devenir la norme en de nombreux
de l’histoire de l’art endroits ? Dans les Invasions barbares, le chercheur
par Éric Michaud Éric Michaud, directeur d’études à l’EHESS, pose
éd. Gallimard
Qré
les questions qui fâchent. D’une plume alerte et
érudite, il déterre les vestiges honteux d’une his-
toire de l’art qui n’a pas échappé au principal travers de l’époque l’ayant
vue naître : le racialisme. Avec, d’un côté, l’énergie mâle des jeunes peuples
du Nord. Et de l’autre, la vieille Europe romaine, féminine et décadente.
JULIEN-JOSEPH VIREY Espèces, 1824
Depuis le XIXe siècle, cette opposition entre «races germaniques» et
«races latines» structure l’interprétation de productions culturelles qui de dépoussiérage. Au point que les concepts et les outils utilisés par des
semblent porteuses d’une identité nationale. pionniers comme Winckelmann en Allemagne ou Louis Courajod en
«Il serait parfaitement vain de chercher à démontrer que l’histoire de l’art France ont survécu. Sans qu’on n’y prête attention, ils ont continué d’in-
fut – ou est encore – une discipline raciste. Elle ne l’aura été ni plus ni fuser «par-delà l’effondrement de leurs présupposés». Et contre toute
moins que les autres sciences sociales qui, toutes, furent touchées ou attente, même l’art contemporain se nourrit de ce non-dit. Aux États-
orientées par la pensée raciale de manière à classer et hiérarchiser les Unis, par exemple, le label «black» ou «latino» constitue désormais une
hommes en fonction de certains traits somatiques et psychologiques qui plus-value dont témoigne la prolifération des manifestations artistiques
leur étaient attribués», proteste toutefois Éric Michaud. Il n’empêche. à caractère «ethnique». Comme si l’art et la culture étaient d’abord une
Contrairement à l’anthropologie, cette discipline n’a pas fait de travail question de race. Marion Rousset
UNE PORTE SUR LA CRÉATION DANS L’ANTIMUSÉE RIMBAUD ILLUMINÉ PAR MUNCH,
«La porte met toujours à l’épreuve DE JEAN TINGUELY SCHIELE, PICASSO...
un désir. Le désir de voir, de Connu pour ses tableaux-machines Par son écriture audacieuse
s’immiscer, de partager, de surmonter à moteurs délirants et ses sculptures et visionnaire, parce qu’il a préféré
une exclusion.» Élément a priori animées improbables, Jean Tinguely au réel et au rationnel la voie du rêve
anodin auquel on a toujours eu (1925-1991) fait en 1988 et de l’imagination, Arthur Rimbaud
tendance à préférer son alter ego l’acquisition d’une usine désaffectée anticipe la peinture moderne.
la fenêtre, la porte est un élément entre Fribourg et Lausanne, où Démonstration est faite dans cette
qui s’avère lourd de sens car elle cristallise le rapport au monde il décide d’installer son atelier, et aussi un musée. Enfin, plutôt luxueuse édition confrontant les poèmes des Illuminations
et à l’autre. Le critique et essayiste Georges Banu a décidé d’en un «antimusée total», lieu utopique et testament artistique et d’Une saison en enfer à des tableaux signés Gauguin,
percer les mystères. Depuis l’intimité des intérieurs flamands où s’entassent sculptures, peintures et objets, qu’il baptise le Van Gogh, Munch, Schiele ou Kandinsky. Et aussi James Ensor
et hollandais, dominés par les figures de Vermeer et Rembrandt, Torpedo Institut. Au terme d’un travail documentaire rigoureux, (pour ses masques grimaçants), Matisse (pour sa Joie de vivre),
jusqu’à la peinture contemporaine en passant par les au plus près de l’esprit du maître de la dérision et de l’absurde, un Delaunay et un Otto Dix inattendus, ainsi que le Picasso
inévitables Vallotton et Duchamp, l’auteur trace un chemin le scénographe et enseignant Olivier Suter est parvenu mélancolique de la période bleue. Une promenade envoûtante
de traverse original et captivant dans l’histoire de la création à reconstituer ce lieu mythique malheureusement démantelé pour redécouvrir le poète qui voulait «se faire voyant». D. B.
occidentale. Daphné Bétard au lendemain de la mort de l’artiste. D. B. Rimbaud – Poésies/Une saison en enfer/Illuminations à la
La Porte au cœur de l’intime par Georges Banu Jean Tinguely – Torpedo Institut par Olivier Suter lumière de la peinture moderne au tournant du XXe siècle
ÊE"SMÊBrQré ÊE1BUSJDL'SFZrQré ÊE%JBOFEF4FMMJFSTrQré
36 Beaux Arts
La création
artistique
coréenne 6 mars >5 juin 2016
s’invite en Bignan (56)
Morbihan www.kerguehennec.fr
HA Chong Hyun, Conjunction 09-004, 2009, huile sur chanvre, 180 x 120 cm. Courtesy Kukje Gallery
Philo par François Cusset
38 Beaux Arts
Mark Bradford Waterfall, 2015 (détail)
© Mark Bradford Courtesy de l’artiste et de Hauser & Wirth
NEW ART FROM LOS ANGELES
12 MARS - 17 JUILLET 2016
COMMISSAIRE D’EXPOSITION :
SHAMIM M. MOMIN/
LAND (LOS ANGELES NOM ADIC DIVISION)
EN PARTENARIAT
AVEC
Télévision, radio par Florelle Guillaume & Charlotte Ullmann
À regarder
AUX MARQUISES AVEC GAUGUIN ET AUSSI…
UN PETIT CARAVAGE
Un peintre de génie, une vie de voyou, la gloire,
À lui seul, le nom de
Gauguin évoque un puis, à 38 ans, la mort brutale, son corps échoué sur
une plage de Porto Ercole. C’est le portrait rebattu
monde lointain saturé
du Caravage brossé par ce documentaire assez
de couleurs intenses,
complet, mais prévisible et qui force le trait :
peuplé de Tahitiennes reconstitutions policières, musique dramatique
aux visages graves et outrancière et choix des planches de Manara, avec
silencieux, hanté de sta- leur esthétique botoxée, pour illustrer de façon
tues et de spectres mys- fantaisiste les épisodes de la vie du peintre. Ce qui
térieux. Ce monde fabu- sauve cette réalisation ? Le récit de la complexité
leux, le peintre, en quête des attributions des tableaux de l’artiste
de déracinement, le au XXe siècle et, bien sûr, une peinture sublime.
trouva sur le lieu de son Quand la caméra veut bien s’y attarder un peu.
exil final, où nous ARTE «Caravage, dans la splendeur des ombres»,
le 10 avril à 17 h 30 (52 min)
emmène ce film : aux îles
Marquises. Le destin de RÊVES DE DOUANIER
Paul Gauguin aurait Quel destin ahurissant que celui de ce gabelou
pourtant pu suivre le autodidacte s’obstinant à peindre naïvement
chemin plus familier et des toiles ridiculisées par tous mais qui finirent par
confortable qu’il avait d’abord emprunté, celui de père de famille et agent de change PAUL GAUGUIN subjuguer les plus grands, de Picasso à André Breton !
prospère. Mais la passion de la peinture le conduisit sur des terres plus sauvages : celles Mahana no atua Le Douanier Rousseau a tout pour faire l’objet
(Jour de Dieu), 1894
de la Bretagne d’abord, puis en Polynésie. Las ! le paradis tropical avait été gâché, un d’un film de cinéma, mais ce n’est pas encore le cas.
demi-siècle plus tôt, par l’arrivée massive des Français, apportant trois fléaux : l’alcool, On se contentera donc, à l’heure où le musée
la syphilis et la morale catholique. Cette dernière s’évertua à réprimer violemment d’Orsay le célèbre, de cet excellent documentaire,
vivant, généreux en archives, pertinent dans
cette culture locale empreinte de mythologie et de rites qui émerveilla tant Gauguin.
ses analyses, riche en anecdotes et en citations
Aujourd’hui, les Marquisiens perpétuent le souvenir de ce passage mythique. La
bien senties. Il nous embarque dans cet univers
Maison du Jouir a été reconstituée et, à ses pieds, un puits de pierre a récemment livré attachant, parfois gai, parfois déchirant,
ses secrets qui en disent long sur la fin douloureuse du peintre : quelques dents cariées, FRANCE 5
«Gauguin, le Paradis
où se rencontrent le Paris trépidant de la fin
des carafes de vin brisées et des capsules de morphine… Ce documentaire, entre du XIXe siècle et des jungles extravagantes.
toujours plus loin»,
enquête historique et carnet de voyage, nous fait découvrir l’envers du rêve polynésien le 24 avril à 9 h 20 ARTE «Le Douanier Rousseau ou l’éclosion
que Gauguin a définitivement légué à l’imaginaire collectif. (52 min) de la modernité», le 3 avril à 17 h 30 (52 min)
À écouter
BULLER SUR FRANCE INTER LA PEINTURE PAR LES OREILLES NOUVEL ET SON GRAND PARIS TOUT SUR O’KEEFFE
Critiques spécialisés débattent de leurs coups Arte Radio s’associe avec le musée d’Orsay Jean Nouvel parle sans langue de bois de son Georgia O’Keeffe a été mise à l’honneur
de cœur sur les albums qui viennent de paraître pour créer un événement au sein de l’auditorium sujet de prédilection. Il y pose la question à Grenoble cet hiver et le sera de nouveau
et, à la suite du festival d’Angoulême, de la place du musée. Prévue en plusieurs épisodes, des rapports entre architecture, urbanisme à Londres pendant tout l’été. Sophie Bernard,
des femmes dans ce milieu. Laurent Baridon, la première partie de cette création sonore a été et politique à l’occasion des réflexions autour conservatrice au musée de Grenoble, Mathilde
historien de l’art et auteur, s’exprime par ailleurs diffusée le 25 février et se compose de courts du Grand Paris. Un maire doit-il sélectionner Roussel, artiste plasticienne, et Jean de Loisy,
sur l’histoire de la caricature à travers reportages, témoignages et portraits en lien avec les projets en fonction du bien-être de ses président du Palais de Tokyo, évoquent la longue
les siècles en écho à la réédition de son ouvrage les collections d’Orsay. Les prochaines éditions concitoyens ou des attentes de ses électeurs ? vie de cette artiste morte à 99 ans à travers
à succès chez Citadelles & Mazenod. Entre seront liées aux expositions du musée. Dans un schéma aussi complexe, où l’objectif l’œuvre Series I, No. 8, Pink Line. De ses fleurs
humour et satire, convention et transgression, est plus de recoudre le tissu urbain que de créer peintes aux courbes scandaleusement
À écouter directement dans l’auditorium du
c’est de ce mode d’expression plus que jamais musée à l’occasion des «Curieuses nocturnes
du neuf, Nouvel donne matière à réflexion. évocatrices, aux paysages du Nouveau-Mexique
d’actualité qu’il sera question. d’Orsay» (le 28 avril pour l’exposition FRANCE CULTURE dont elle est une formidable ambassadrice.
FRANCE INTER «Pop fiction», «Le Douanier Rousseau», le 2 juin pour Charles «L’invité des Matins», podcast du 23 février FRANCE CULTURE «Les regardeurs»,
podcast du dimanche 21 février (55 min) Gleyre) ou à podcaster sur arteradio.com (40 min), en deux parties podcast du 24 janvier (1 h)
40 Beaux Arts
LA REVUE DU PLUS CÉLÈBRE THE SHOW OF THE MOST FAMOUS
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Revue de web par Florelle Guillaume & Charlotte Ullmann
JOUYSSIF,
ON FAIT SA TOILE 999
Alors que la tapisserie fait son grand
retour arty, le musée Cognacq-Jay, lui,
dépoussière joyeusement l’aristocratique
toile de Jouy, cette étoffe de coton très en
vogue dans les intérieurs du XVIIIe siècle.
Le peintre animalier Jean-Baptiste Huet
– que le musée met à l’honneur dans
une exposition inédite – contribua à cette
mode en fournissant de très nombreux
motifs à la manufacture de Jouy-en-Josas :
lions, perroquets, saynètes champêtres,
angelots ailés… Faites votre choix dans
ce répertoire exquis et composez à votre
tour votre imprimé chic et exotique
sur un mini-site dédié, simple et ludique.
Les créations sont ensuite téléchargeables
et, si vous vous sentez d’humeur rococo,
vous pouvez les tapisser à l’envi sur votre
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Arts Magazine | Camera Austria | Cote | Frieze | Monopol | Mousse | Spike | artprice | Le Quotidien de l’Art
La chronique
de Nicolas Bourriaud
LES MAUVAIS
TUYAUX DE L’ART
Les images s’accumulent dangereusement
autour de nous. Cette saturation
insidieuse à l’heure de Facebook et autres
réseaux sociaux pourrait bien remettre
en cause la notion d’œuvre elle-même.
Illustration avec Ai Weiwei.
AI WEIWEI Installation [détail], 2016
44 Beaux Arts
12.03.16 | 07.05.16
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS
CHRIS MORIN-EITNER
Paris, Tour Eiffel - Vestiges
2016, image composée
46 Beaux Arts pour Beaux Arts magazine
Beaux Arts 47
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS
P
aris ville-musée pour l’éternité ? C’est ce que à l’étude, des consultations innovantes bousculent le Ateliers Jean Nouvel,
craignent et dénoncent les contempteurs d’une paysage. Sans se risquer à crier victoire, il semble que la Arep & ACD
politique urbaine engoncée dans un héritage qui frilosité soit en passe de céder le terrain à la dynamique L’horizon dominé par les tours ?
la paralyse. Entre l’amour du patrimoine et les erreurs créative. Ce mouvement en accélération suffira-t-il à Telle est la proposition de l’équipe
des Trente Glorieuses – quartiers de tours sans âme, faire de la Ville lumière une cité apte à rivaliser avec les composée par Jean Nouvel (AJN),
Jean-Marie Duthilleul (Arep)
ratage des Halles, voies sur berge –, la ville patine. plus grandes métropoles, asiatiques notamment ?
et Michel Cantal-Dupart (ACD)
Quand Londres, Madrid ou Vienne osent le contempo- Réponse dans ces pages. Voici, en concentré, les grandes pour le Grand Paris. Ici, dans le
rain, Paris ferait du surplace. Mais est-ce vraiment le tendances et les réalisations phares qui composeront en XIIIe arrondissement, surélévations
cas ? Des bâtiments audacieux sont en chantier, d’autres 2030 le nouveau visage de Paris. et adjonctions de tours.
48 Beaux Arts
1 / PARIS DEVIENDRA-T-IL GRAND ?
LA DÉFENSE
Stéphane Malka
Pour faire de la Défense un lieu
non plus de bureaux austères
mais aussi de farniente, l’architecte
marseillais Stéphane Malka
envisage des terrasses plantées
et verdoyantes. Le projet Oxygen
est sur les rails. Livraison possible
en 2017.
Beaux Arts 49
2 / À LA CONQUÊTE DE TOUS PARIS (XVIIIe ARR.)
Hubert & Roy
LES ESPACES DISPONIBLES Présenté dans le cadre de l’appel à idées Réinventer Paris, le
projet du 183, rue Ordener (75018) des architectes Hubert &
Roy. Baptisé «Tranches de vie», il se coule dans le bâti existant.
50 Beaux Arts
«ESPACE INCUBATEUR» (XVe ARR.)
Paul Chemetov
Le projet d’Espace incubateur de Paris Innovation
Boucicaut, 124-136, rue de Lourmel (75015)
est signé Paul Chemetov. L’architecte du logement social
se reconvertit dans les serres.
Beaux Arts 51
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS
3 / COMMENT
LE NUMÉRIQUE
VA CHANGER LA VILLE
ET LA VIE
L a véritable révolution urbaine sera numérique. Elle s’ancre déjà
dans l’ubérisation du territoire. Vélib’, Autolib’, bientôt Vélib’ élec-
trique, voiture autonome… hypothétique disparition même de la voi-
ture à Paris, remplacée par des transports en commun, tout cela va
modifier largement le paysage parisien. Les circulations sont au cœur
de sa croissance. Si les voitures polluantes en sont chassées, rempla-
cées par ces nouveaux modes de transport, le seront-elles toutes ? Paris
ville piétonne, avec ses berges rendues aux flâneurs ? Est-ce une bonne
idée ou la vision de cauchemar d’une ville de retraités ? Autre piste,
supprimer le parking des voitures au long des trottoirs parisiens.
D’autres villes l’ont fait : Tokyo, New York… Le sujet est à l’étude. Le
quartier Seine Rive gauche devrait accélérer sa mutation à la suite de
l’ouverture prochaine de la Halle Freyssinet, incubateur géant de start-
up. La proximité des universités et les mètres carrés de bureaux offerts
vont bouleverser l’équilibre parisien. Le recentrage à l’est de la capi-
tale est en marche. Problème crucial à l’heure du chômage de masse,
l’emploi. Pourra-t-on le faire revenir en ville ? Un arc de l’innovation
est à l’étude. Il s’étendra de la Plaine Saint-Denis au nord aux com-
munes du sud de Paris, en passant par les quartiers est. Les start-up
dynamiques y prolifèrent parce que les locaux y sont abondants et les
loyers, encore un peu plus modérés qu’ailleurs. Les pépinières d’entre-
prises et les espaces de coworking y bourgeonnent. Les traditionnels
quartiers d’affaires de l’ouest parisien et de la Défense vont être dure-
ment concurrencés. Actuellement, Paris compte 6 millions de mètres
4 / PARIS
carrés de bureaux, la Défense, 3 millions.
CRÈVERA-T-IL
LE PLAFOND ?
HALLE
FREYSSINET
(XIIIe ARR.)
Wilmotte
& Associés
La halle Freyssinet, I nfluents aujourd’hui, ils le seront dans les
années à venir. Dominique Perrault, auréolé
de ses récompenses dont le Premium Imperiale
réhabilitée par
Wilmotte & Associés, (décerné par l’empereur du Japon), construira la
devrait accueillir plus nouvelle Poste du Louvre. Il se penche mainte-
de 1 000 start-up, nant sur le sort de l’île de la Cité : comment lui
un restaurant, assurer, entre les autocars et les sirènes de la pré-
des logements,
fecture de police, un avenir qui ne soit pas seu-
des commerces.
Elle sera le moteur lement muséographique ? Jean Nouvel percera,
du redéploiement lui, le plafond en édifiant trois tours, deux à l’est
du secteur Seine de Paris et une à la Défense. Dans l’est de Paris,
Rive gauche. justement, au-delà de la Bibliothèque de France,
Livraison fin 2016. vers la périphérie, le plafond des 37 m de rigueur
a déjà cédé. Nous en sommes à 50 m et quelques
immeubles de logements y naissent. C’est un
petit pas. Peut mieux faire. Les tours, sujet de
discorde parisien, finiront-elles par pousser,
comme à Londres ou Vienne ? La tour Triangle
du duo bâlois Herzog & de Meuron, Porte de
52 Beaux Arts
CI-DESSUS
À GAUCHE
CI-CONTRE
Versailles, semble sur les rails, revue et corrigée difficulté à conclure, à transformer en réalité ce
pour intégrer des commerces à ses bureaux et qui se dit si bien dans les colloques ? Espérons
son hôtel. La mixité des fonctions – logements + alors qu’en 2030, Paris aura vaincu sa peur et que
commerce + bureaux + équipements –tant récla- les bonnes intentions affichées aujourd’hui s’of-
mée et vantée par tous les acteurs de la construc- friront aux regards non seulement des Parisiens,
tion, on le sait, a bien du mal à éclore. Mais n’est- mais de tous les amoureux de la capitale, venus
ce pas là, justement, le syndrome français, cette du monde entier la célébrer encore.
Beaux Arts 53
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS
15 PROJETS PHARES
QUI VONT CHANGER PARIS
TOURS CHAMPÊTRES, COUP DE
NEUF SUR LES MUSÉES, ADMINIS-
TRATIONS DÉPLACÉES : D’EST EN 1 - Le Palais de justice
OUEST ET DU NORD AU SUD, DE NOU-
VEAUX QUARTIERS S’ÉVEILLENT
DANS LA CAPITALE ET ALENTOUR.
DES PROJETS URBAINS ET CULTU-
RELS QUI REDESSINENT PARIS.
15 - La Défense
projets urbains
projets culturels
54 Beaux Arts
2 - La Poste du Louvre 3 - Les docks de Saint-Ouen 4 - La fondation Galeries Lafayette
6 - Le musée de Cluny
7 - La halle Freyssinet
Beaux Arts 55
LES HALLES
Patrick Berger & Jacques Anziutti
Les artisans du renouveau du cœur de Paris, ce sont eux,
Patrick Berger et Jacques Anziutti. Mais leur fameuse canopée
dorée couvrant une partie des Halles gagnera-t-elle le cœur
des Parisiens ?
12 - L’ÎLE SEGUIN
Jean Nouvel
15 PROJETS QUI VONT CHANGER PARIS (SUITE)
UN VAISSEAU POUR LA CULTURE
Enfin ! Après des années d’atermoiements
4 - LA FONDATION GALERIES LAFAYETTE, 2017 8 - LA TOUR DUO, 2020 et de travaux, l’île Seguin prend forme. Jean Nouvel
devrait y bâtir le R4, complexe de 25 000 m2
Agence OMA Jean Nouvel
consacrés aux arts plastiques et visuels, à moins que
LE MARAIS SE PAIE REM KOOLHAAS QUAND L’EST S’ENVOLERA les ennuis judiciaires de son promoteur n’aient raison
Depuis quelques années, des expositions temporaires Dans le quartier en pleine mutation de la gare du projet. Déjà presque achevée, la Cité musicale,
nous habituent à fréquenter ce qui sera bientôt du XIIIe arrondissement 2020, dit secteur Masséna- étrange sphère signée Shigeru Ban et Jean de
la fondation d’entreprise Galeries Lafayette 2017. Bruneseau, Jean Nouvel construit son projet Gastines (les architectes du Centre Pompidou Metz),
Signée par l’agence OMA dirigée par le célèbre baptisé Tour Duo. Deux tours légèrement de guingois, a quant à elle été érigée sur la pointe aval. Après
Rem Koolhaas, elle offrira un nouveau lieu de culture comme animées d’un frisson permanent. le retrait de la fondation Pinault, c’est ainsi le grand
au cœur même du Paris historique. retour de la culture dans l’île. (Vue 3D du projet
9 - L’ÎLE DE LA CITÉ, 2040 général.)
5 - LA CANOPÉE DES HALLES , 2016 Dominique Perrault
Patrick Berger et Jacques Anziutti Architectes 13 - L’HIPPODROME DE LONGCHAMP, 2017
UNE ÎLE TOUTE NEUVE Dominique Perrault
DES HALLES DU XXIe SIÈCLE La ministre de la Culture a confié à Dominique Perrault
Projet colossal de restructuration de l’une des portes le soin de réfléchir à l’avenir de l’île de la Cité, LONGCHAMP RESTE DANS LA COURSE
majeures de Paris, celle de l’interconnexion des lignes qui sera bientôt vidée de bon nombre de ses Toujours dans la course et même de plus en plus,
de RER. Outre une nouvelle gare, le projet a prévu administrations. Qu’en sera-t-il dans les années Dominique Perrault restructure l’hippodrome de
le réaménagement du centre commercial et du jardin, à venir ? Comment éviter la muséification, Longchamp. Des tribunes new-look, transparentes,
mais aussi l’ouverture de nouveaux équipements, gérer les flots de touristes qui affluent compactes et profilées comme un cheval au galop.
dont un «Centr’Halles Park dédié aux sports vers la Sainte-Chapelle, Notre-Dame ou le marché
de déplacement en milieu urbain». Patrick Berger aux Fleurs ? Comment redonner un accès aux rives 14 - LE GRAND PALAIS, 2018
et Jacques Anziutti, lauréats du concours pour de la Seine ? Réponses en 2040 ! Agence LAN
la Canopée, promettaient d’édifier une couverture
de métal aux allures de nature réinventée. La légèreté 10 - LA MONNAIE DE PARIS, 2016 NOUVEAU LIFTING
est-elle au rendez-vous ? Agence d’architecture Philippe Prost (AAPP) POUR LE GRAND PALAIS
Une fois de plus, le Grand Palais va fermer ses portes.
6 - LE MUSÉE DE CLUNY, 2017 L’USINE LA PLUS CHIC DE PARIS En cause, sa rénovation, menée par les architectes
Philippe Prost, concepteur du magnifique mémorial de l’agence LAN. L’objectif est d’y créer une grande rue
Bernard Desmoulin
de Notre-Dame-de-Lorette, restructure le très intérieure assurant une transition progressive entre
COUP DE NEUF patrimonial hôtel de la Monnaie. MétaLmorphoses l’espace de la ville et les espaces d’exposition.
SUR LE MOYEN ÂGE se propose de l’ouvrir aux Parisiens avec un musée Plus de confort en perspective. (Vue 3D du square
Vue 3D du nouveau bâtiment d’accueil, prévu dédié à ses activités, une usine de médailles Jean Perrin, future entrée du public pour les galeries
pour 2017, depuis le boulevard Saint-Michel. en plein cœur de Paris, mais aussi d’y créer d’expositions et le Palais de la découverte.)
Déjà présent sur les chantiers de Cluny un jardin, des boutiques… et de l’habiller
ou de l’abbaye de Port-Royal, le très subtil d’une résille métallique intérieure qui fasse écho 15 - LA DÉFENSE, PRINTEMPS 2017
Bernard Desmoulin prend en charge la modernisation aux médailles qu’on y fond.
Stéphane Malka
du musée de Cluny.
11 - LA TOUR TRIANGLE, 2020 LA DÉFENSE VOIT VERT
7 - LA HALLE FREYSSINET, 2016 Herzog & de Meuron Dans le quartier d’affaires de la Défense où s’empilent
les tours grises et réfrigérantes, Stéphane Malka
Wilmotte & Associés LA NOUVELLE TOUR EIFFEL ? propose avec son projet Oxygen de développer
UNE SERRE POUR LES TALENTS Controversée et finalement admise, la tour Triangle, de nouveaux lieux de vie, champêtres, baignés
Cœur du redéploiement du quartier Seine Rive gauche, 50 étages et 180 m de hauteur, flanquera le Parc de verdure. Enfin du vert sur la dalle. Image d’Épinal
la halle Freyssinet sera bientôt le plus gros incubateur des expositions de la Porte de Versailles en 2020. ou réalité future ?
de start-up de la capitale. Aux commandes de sa Les architectes bâlois Herzog & de Meuron ont dû
réhabilitation, le très présent Jean-Michel Wilmotte, revoir leur copie afin que la mixité des fonctions
depuis peu élu à l’Académie des beaux-arts. et des usages y soit plus opérante.
56 Beaux Arts
5 / QUAND PARIS SE RÉINVENTE
À TRAVERS DES INITIATIVES PRIVÉES
«RÉINVENTER PARIS» : LA MAIRIE DE PARIS A LANCÉ UN APPEL À PROJETS AUDACIEUX. PORTÉES PAR DES
PROMOTEURS PRIVÉS, 22 PROPOSITIONS ONT ÉTÉ RETENUES, TRÈS DIVERSIFIÉES… ET VÉGÉTALISÉES.
Beaux Arts 57
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS
BÂTIMENT MORLAND
David Chipperfield
Bastion de l’Apur, l’Atelier parisien
d’urbanisme, le 17, boulevard Morland
(75004) va subir un super-lifting.
Aux commandes, David Chipperfield
et même l’artiste Olafur Eliasson qui,
par le biais d’une illusion d’optique, fera
disparaître le dernier étage dans le ciel.
58 Beaux Arts
ont, elles également, le vent en poupe. Végétali- «RÉALIMENTER
sées, utilisées pour y développer des cultures ou MASSÉNA» (XIIIe ARR.)
pour permettre une surélévation architecturale, DGT Architects
elles représentent une réserve foncière inespé- Réinventer Paris : projet
rée. Les réglementations en vigueur céderont- «Réalimenter Masséna»,
elles devant l’exigence d’une densification de 1-3, rue Regnault (75013)
l’espace parisien, déjà l’un des plus denses au de DGT Architects. L’ancienne
monde ? Autre mystère. Pour l’heure, une chose gare devrait devenir un
centre dédié à l’alimentation :
est sûre : cette consultation devrait offrir au
agriculture et restauration.
Paris futur des projets à l’opposé les uns des
autres. Entre le réaménagement du bâtiment
Morland gagné par David Chipperfield, bloc à
l’origine mal posé au ras de la Seine et augmenté
encore en volume et en équipements par CINÉMA ÉTOILE
l’équipe gagnante, dont le sommet semblera VOLTAIRE (XIe ARR.)
s’effacer dans le ciel de Paris grâce à la complicité Olivier Palatre
de l’artiste Olafur Eliasson, et le bâtiment Architectes
camouflé en forêt de Sou Fujimoto de la Porte Le cinéma Étoile Voltaire,
des Ternes, rien à voir. Masse d’un côté, nature 14, avenue Parmentier (75011),
de l’autre. Que la capitale d’Haussmann s’ouvre remporté par Olivier Palatre
à des expressions aussi diverses, voilà une bonne Architectes dans le cadre,
toujours, de Réinventer Paris.
nouvelle. Au-delà des formes, ce que cette Une ancienne sous-station
consultation a desserré, c’est bien le carcan des d’alimentation électrique
réglementations absurdes qui briment la créati- transformée en lieu culturel.
vité. Nombreuses sont les équipes qui ont osé la
mixité des fonctions, bousculant ce qui la rend
impossible aujourd’hui : les règles de sécurité, les
systèmes d’assurances différents dans le public
et le privé, les normes en tous genres. Les réali- «NODE» POTERNE
sations seront-elles à la hauteur des espérances DES PEUPLIERS
ou les projets seront-ils détricotés, tirés vers le Vincent Parreira
bas ? On le sait, Réinventer Paris a suscité chez
Antonio Virga
les architectes des commentaires acerbes.
Le projet «Node»,
Appels à idées non rémunérés, ventes de ter- rue Sainte-Hélène (75013),
rains propriétés de la ville à la promotion privée, de Vincent Parreira,
autant d’éléments qui alimentent les polé- Antonio Virga (Réinventer Paris).
miques. Voilà pourtant que l’on annonce main- La rencontre d’un funérarium
tenant l’édition baptisée «Réinventer la Seine». et d’une plate-forme logistique.
Antoine Grumbach, qui fut le promoteur de
l’idée décapante d’une capitale rejoignant son
port (Le Havre), devrait être satisfait. Mais les
architectes feront-ils encore les frais de cette
consultation «à titre gracieux» ? Et peut-on
croire à un Paris-Le Havre quand le Grand Paris «EDISON LITE»
semble encalminé ? Q (XIIIe ARR.)
Manuelle Gautrand
À VOIR Architecture
«Edison Lite»,
«Réinventer Paris» jusqu’au 8 mai au Pavillon 67-69, rue Edison (75013),
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Beaux Arts 59
RÉTROSPECTIVE / MUSÉE D’ORSAY / DU 22 MARS AU 17 JUILLET
LE DOUANIER ROUSSEAU
L’INGÉNU GÉNIAL
MODESTE EMPLOYÉ DES DOUANES, HENRI ROUSSEAU,
D’ABORD MOQUÉ POUR LA NAÏVETÉ DE SA PEINTURE,
SERA ENCENSÉ PAR LES DADAÏSTES, LES SURRÉALISTES,
PICASSO, APOLLINAIRE ET TANT D’AUTRES. UN ARTISTE
SINGULIER, ÉPRIS DE NATURE LUXURIANTE, QUI TROUVA
SES JUNGLES SANS QUITTER PARIS. PLONGÉE DANS CET
UNIVERS ÉTRANGE ET PÉNÉTRANT AU MUSÉE D’ORSAY.
PAR DAPHNÉ BÉTARD
Le Rêve
«Yadwigha dans un beau rêve
S’était endormie doucement
Entendant les sons d’une musette
D’un charmeur bien pensant.
Pendant que la lune reflète
Sur les fleurs, les arbres verdoyants,
Les fauves et autres animaux prêtent l’oreille
Aux sons gais de l’instrument.»
Ce petit texte accompagne le dernier tableau
que Rousseau présente au Salon
des indépendants en 1910.
1910, huile sur toile, 204,5 x 298,5 cm.
RÉTROSPECTIVE / LE DOUANIER ROUSSEAU
«N
ous sommes réunis pour célébrer d’un débordement d’humour et d’énergie
ta gloire / Ces vins qu’en ton hon- propre à cette période, relève de la farce ou de
neur nous verse Picasso / Buvons- l’admiration sincère. Mais l’ambiguïté persis-
les donc, puisque c’est l’heure de les boire / En tante en dit long sur cet artiste atypique qui
criant tous en chœur “Vive ! Vive Rousseau !”» continue de défier la critique et le public. Taxé
C’est lors d’une soirée bien arrosée, en novembre de «naïf», de «primitif», résolument inclassable
1908, que le poète Apollinaire improvise ces et toujours aussi déroutant avec ses toiles aux
quelques vers en l’honneur du Douanier Rous- couleurs vives et formes simples, le Douanier
seau (1844-1910). Après des années d’incompré- Rousseau a tracé sa route en solitaire dans le
hension, le vieux peintre, raillé pour ses tableaux paysage des avant-gardes.
sans perspective et son style malhabile plein de
candeur, est enfin intronisé chez les modernes DE PEINTRE AMATEUR À ARTISTE MAJEUR
lors d’un banquet mémorable organisé dans Il fut pourtant soutenu par les écrivains Alfred
l’atelier de Picasso au Bateau-Lavoir, fief des Jarry, Apollinaire, Cendrars, les artistes Robert
artistes de la jeune génération dominant la butte Delaunay, Signac et Picasso. Il fera l’admiration
Montmartre. Outre Apollinaire et Picasso, les des surréalistes, Breton et Max Ernst en tête. Et
peintres Marie Laurencin, Georges Braque, nombreux seront ceux qui, de Kandinsky à
André Derain, le poète Max Jacob, les écrivains Frida Kahlo en passant par Fernand Léger, iront
André Salmon et Gertrude Stein sont de la fête. puiser dans son œuvre la force de transcender
Henri Rousseau photographié dans son atelier Installé sur un trône de fortune improvisé, la réalité. Au Douanier Rousseau, l’art moderne
par Pablo Picasso en 1910. Rousseau joue du violon, tandis que les toasts et doit beaucoup plus qu’il ne veut bien l’ad-
poèmes en son honneur s’enchaînent dans une mettre : tel est le postulat du musée d’Orsay, qui
ambiance bruyante pleine de gaieté et d’ivresse. propose de redécouvrir cet artiste atypique
Maintes fois commenté, cet épisode suscite surgi de nulle part sur la scène culturelle pari-
encore, un siècle plus tard, des analyses contra- sienne de la fin du XIXe siècle.
dictoires : s’agissait-il d’une parodie d’hommage Autodidacte, le Douanier Rousseau (de son vrai
pour se moquer d’un artiste «simple d’esprit» nom Henri Rousseau) est devenu artiste sur le
ou, au contraire, d’un signe d’amitié venant tard (sa première œuvre connue date de 1877),
saluer une démarche artistique originale et après n’avoir été longtemps qu’un peintre du
visionnaire ? Difficile de dire ce qui, au-delà dimanche. Gabelou à l’octroi de Paris (adminis-
tration chargée de percevoir les taxes sur les
marchandises entrant ou sortant de la capitale),
posté aux abords de la ville ou sur les quais de la
Seine, il se précipite à son chevalet dès que son
emploi du temps le lui permet, jetant sur la toile
les soubresauts de son monde intérieur. Ce sont
d’abord des vues urbaines calmes et silencieuses,
auxquelles quelques détails, comme un diri-
geable dans le ciel ou un petit pêcheur au bord
de l’eau, donnent vie. Puis Paris et sa banlieue
cèdent la place à des jungles luxuriantes, quintes-
sence de la forêt angoissante et sauvage, lieux
CI-CONTRE
Forêt tropicale avec singes
«Je possède les paysages que je peins», avait dit Rousseau
à un journaliste du quotidien culturel Comœdia. Pour obtenir
ces jungles aux couleurs éblouissantes, il pouvait travailler
jusqu’à trois mois sur une même œuvre. Après un dessin précis
quadrillant la toile, il apposait les teintes zone par zone.
1910, huile sur toile, 129,5 x 162,5 cm.
PAGE DE DROITE
Moi-même — Portrait-paysage
Dans cet autoportrait, l’artiste se représente tel un géant
dominant Paris — dont il sera un des premiers à représenter
la tour Eiffel. Comme dans ses autres «portraits-paysages»,
il exprime la personnalité du modèle grâce à des éléments
ornementaux ou symboliques disséminés sur la toile.
1889-1890, huile sur toile, 146 x 113 cm.
62 Beaux Arts
Beaux Ar
RÉTROSPECTIVE / LE DOUANIER ROUSSEAU
improbables entre fantasme et cauchemar. Des mandé de «conserver sa naïveté». Mais pas réalisme mais, au contraire, avec une certaine
mondes étranges et merveilleux où l’émotion est moyen pour autant de franchir les portes du platitude (avec gaucherie, diront certains) évo-
palpable et où le Douanier Rousseau se réfugie Salon officiel. Qu’importe, il parvient à se faire quant un décor de théâtre.
pour échapper au quotidien. À cette vie simple une place au tout nouveau Salon des indépen-
et miséreuse marquée par des deuils en série dants fondé en 1884 par les pointillistes Seurat PEINDRE AVEC LES PIEDS, LES YEUX FERMÉS
– celui de sa première femme, Clémence Boitard, et Signac. C’est ce dernier qui a repéré le Le peintre semble surtout avoir pris un immense
disparue en 1888, de cinq de leurs sept enfants, Douanier et a su voir en lui un artiste talentueux, plaisir à représenter chaque feuille des innom-
et de sa seconde épouse, Joséphine-Rosalie farouchement attaché à sa liberté de création. brables arbres formant cette forêt généreuse et
Nourry, décédée en 1903, seulement quatre ans Le Douanier exposera au Salon des indépen- infinie que lui a inspirée, non pas de lointains
après leur mariage. Persuadé de son talent, le dants quasiment chaque année jusqu’à sa mort. voyages, mais une fréquentation assidue du Jar-
Douanier cherche d’abord à se faire accepter par C’est là qu’en 1891 il présente Surpris!, image din des Plantes, de sa ménagerie et de ses serres
les peintres académiques. Son voisin, le peintre d’un tigre pris dans la tourmente d’une tempête, tropicales. Ses compositions n’échappent d’ail-
Félix Clément (ancien prix de Rome), lui pro- premier tableau de sa fameuse série de «jungles», leurs pas à l’exotisme ambiant et à l’euphorie des
digue quelques conseils et lui fait rencontrer le visions oniriques d’un monde sauvage transcrit grandes expositions universelles glorifiant la
grand Jean-Léon Gérôme, qui lui aurait recom- dans une explosion de couleurs, sans souci de conquête coloniale. Elles ne convainquent pas
64 Beaux Arts
CI-CONTRE À GAUCHE
La Guerre
Allégorie spectaculaire de la guerre, le monde onirique
de Rousseau vire au cauchemar. Cette œuvre atypique
dans sa production nous ramène à la réalité dans ce qu’elle
a de plus terrible et désespérant. Dans son style archaïque,
l’artiste a réussi à créer une image universelle de la barbarie.
Vers 1894, huile sur toile, 114 x 195 cm.
Portrait de madame M.
Afin que que ses portraits soient ressemblants, le peintre
n’hésitait pas à prendre les mesures précises du visage
de ses modèles. À l’aide d’un pantographe, appareil qui aidait
à reproduire les proportions, il les reportait sur la toile. Puis
il simplifiait volontairement leurs traits.
Vers 1890, huile sur toile, 198 x 114,5 cm.
pour autant le public, qui accueille chaque œuvre vit que pour la peinture. En 1893, il décide même
de Rousseau par des sarcasmes et éclats de rire. de prendre sa retraite anticipée pour pouvoir s’y
La critique ne se montre pas plus tendre et lui adonner pleinement. Sa situation matérielle
reproche de peindre avec ses pieds, les yeux fer- empire ? Qu’à cela ne tienne : pour arrondir ses
més, des mains sans pouce, «comme un élève de fins de mois, il donne des cours de dessin et de
l’école primaire qui n’a pas de disposition pour la musique à ses voisins, des commerçants de quar-
peinture». Quelques très rares commentateurs tier. Envers et contre tous, Rousseau poursuit
de l’époque y décèlent cependant un talent ori- son œuvre dans son petit appartement du XIVe
ginal, à l’instar de Félix Vallotton, le jeune peintre arrondissement. Avec la Guerre, allégorie
suisse alors également critique d’art, qui décrit effrayante et grotesque du conflit franco-prus-
son tigre comme «l’alpha et l’oméga de la pein- sien de 1870, il s’attire l’amitié et le soutien du
ture», «si déconcertant que les convictions les poète Alfred Jarry – c’est d’ailleurs lui qui aurait
plus enracinées s’arrêtent et hésitent devant tant trouvé le sobriquet de «Douanier». Les prémices
de suffisance et tant d’enfantine naïveté». d’une certaine reconnaissance se font enfin sen-
Moqué, incompris, le Douanier n’en a cure, il ne tir. En 1905, le Douanier Rousseau expose au
Beaux Arts 65
RÉTROSPECTIVE / LE DOUANIER ROUSSEAU
Salon d’automne cette fois, aux côtés de Matisse, sans s’inquiéter des fauves qui rôdent à ses La Bohémienne endormie
Derain, Vlaminck, Braque et Dufy. Et c’est très côtés), véritable ode à la puissance de l’imagina- Nichée dans un coin du tableau, la lune pleine est un élément
probablement en raison de son tableau le Lyon, tion. Effectivement, l’œuvre suscite l’engoue- récurrent des paysages de Rousseau. La lumière délicate
qu’elle diffuse contribue à créer une atmosphère mystique.
ayant faim… que le critique Louis Vauxcelles qua- ment général, les commandes commencent à
Sensible au spiritisme et aux phénomènes relevant de la magie,
lifiera leur salle de «cage aux fauves», un mot qui affluer et les collectionneurs sont au rendez- le peintre prenait un malin plaisir à semer le trouble chez
allait rester dans les annales. vous. Mais les jours du Douanier sont comptés. le spectateur.
Une mauvaise blessure à la jambe dégénère en IVJMFTVSUPJMF Y DN
HANTÉ PAR UNE EXPÉDITION AU MEXIQUE gangrène et l’emporte avant la fin de l’été. Le suc-
Le Douanier se fait aussi repérer par le mar- cès sera posthume. Les hommages aussi. Q
chand Joseph Brummer (qui bientôt ouvrira une
galerie à New York), le collectionneur Wilhelm
Uhde ainsi que par le peintre Robert Delaunay, ROUSSEAU SOUS LE REGARD D’APOLLINAIRE
qui devient un ami proche et s’enthousiasme «Le Douanier Rousseau – L’innocence
face à son œuvre : «Quel sens de la surface, de la 1PVSFOàOJSBWFDMJNBHFEFMBSUJTUFBVUPEJEBDUFFUTPMJUBJSFFONBSHF archaïque» du 22 mars au 17 juillet
EFTHSBOETNPVWFNFOUTEFMIJTUPJSFEFMBSU MFNVTÊFE0STBZDPOGSPOUF .VTÊFE0STBZr SVFEFMB-ÊHJPO
vie !» Pour la mère de Delaunay, le Douanier E)POOFVSr1BSJTr
MF%PVBOJFS3PVTTFBV ÆDFVYRVJMJOTQJSÍSFOUFU
peint en 1907 l’un de ses tableaux les plus envoû- XXXNVTFFPSTBZGS
ÆDFVYRVJMJOTQJSB TJOUFSSPHFBOUTVSMBOPUJPOEjBSDIBÐTNFvEBOTMBSU CataloguerÊE)B[BOrQré
tants, la Charmeuse de serpents. C’est aussi à cette -FDBTUJOH(BVHVJO 1JDBTTP $BSMP$BSSÆ %JFHP3JWFSB .BY&SOTU
époque qu’il rencontre Apollinaire. Le poète «Apollinaire – Le regard du poète»
4BOTPVCMJFSMFQPÍUF(VJMMBVNF"QPMMJOBJSF EVBWSJMBVKVJMMFUrNVTÊFEFM0SBOHFSJF
se charge d’écrire sa légende et, sous sa plume, MVOEFTFTQMVTGFSWFOUTEÊGFOTFVST RVJGBJUMPCKFUEVOFFYQPTJUJPO KBSEJOEFT5VJMFSJFTr1BSJT
le Douanier devient un voyageur hanté par les FONJSPJSEFMBVUSFDÔUÊEFMB4FJOF BVNVTÊFEFM0SBOHFSJF
souvenirs d’une expédition militaire au Mexique $FTUBVDSJUJRVFEBSURVFMJOTUJUVUJPOSFOEIPNNBHF DFMVJRVJGVU XXXNVTFFPSBOHFSJFGS
CataloguerÊE(BMMJNBSE
et un personnage farfelu haut en couleur. «Je MFDIBOUSFEFTBWBOUHBSEFTFUEFMBSUBGSJDBJO MFQPSUFQBSPMFEFT Qré
crois que cette année personne n’osera rire», BSUJTUFT UFMT3PVTTFBV 1JDBTTP .BUJTTF #SBRVFPV%F$IJSJDP MBVUFVS 9 Hors-série Beaux Arts
déclare Apollinaire pétri d’admiration en décou- EVQSFNJFSMJWSFTVSMFDVCJTNFFUMJOWFOUFVSEVUFSNFjTVSSÊBMJTNFv ÊEJUJPOTrQré
vrant le Rêve peint par le Douanier en 1910, asso-
ciation d’éléments incongrus (une femme nue À voir sur Arte «Le Douanier Rousseau ou l’éclosion de la modernité» MFøBWSJMÆI<MJSFQø>
sur un canapé perdue quelque part dans la jungle
66 Beaux Arts
Les Joueurs de football
Pas de cage pour les buts, un ballon qui passe de main en main,
des joueurs semblables à des pantins désarticulés : plus qu’à
une partie de football-rugby, comme on appelait alors ce sport,
c’est à un véritable ballet improvisé que nous invite l’artiste.
1908, huile sur toile, 100,3 x 80,3 cm.
EXPOSITION / BOZAR DE BRUXELLES / JUSQU’AU 22 MAI
BUREN
CI-CONTRE
Photos-souvenirs, La Salle
des Empreintes, travail in situ,
in «Daniel Buren : Une Fresque»,
Palais des Beaux-Arts, Bruxelles,
2016, mur de A à K, détails.
PAGE DE DROITE
Photos-souvenirs, Les Salles
des Ombres et des Lumières,
travail in situ, in «Daniel Buren :
Une Fresque», Palais des Beaux-Arts,
Bruxelles, 2016, détails, de gauche
à droite : John Knight, Douglas
Huebler.
Toutes les photos de cet article
sont prises par Daniel Buren.
«Photos-souvenirs» est un terme
générique utilisé par l’artiste
quand il prend une photographie.
Une manière d’affirmer que
celles-ci ne sont pas des œuvres,
mais des souvenirs.
MAÎTRE DE L’INSTALLATION IN SITU, DANIEL BUREN INVESTIT LE PALAIS DES BEAUX-ARTS DE BRUXELLES
AVEC UNE GIGANTESQUE FRESQUE D’ŒUVRES D’ARTISTES CÉLÈBRES OU INCONNUS, AYANT MARQUÉ SON
PARCOURS. UNE PLONGÉE DÉSTABILISANTE DANS L’INTIMITÉ DE L’ARTISTE. UNE AUTOBIOGRAPHIE VISUELLE.
68 Beaux Arts
Photos-souvenirs, La Salle des Empreintes, travail in situ, in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 2016.
À
78 ans, Daniel Buren pourrait sans c’est exactement l’opposé, soit une œuvre pro- d’une autre, son propre parcours artistique ;
doute figurer dans le livre des records téiforme, avec des accents aussi divers que chez mais aussi un film de plus de trois heures réunis-
puisqu’il compte à son actif plus de Mozart, Picasso, Satie ou Ryman. Buren et sant une large sélection de ses interventions
2 600 expositions dans le monde entier. J’ai beau Satie, la comparaison n’est pas anodine : elle sug- dans le monde entier, depuis le début de sa car-
chercher, je ne vois aucun artiste sur la planète gère la richesse de la variation malgré un rière jusqu’à aujourd’hui. On pénètre dans l’ex-
qui puisse en avoir réalisé davantage de son ensemble limité de notes. Buren et Picasso ? position par une grande salle dont les deux murs
vivant. D’autant que la plupart ont été conçues Outre que le jeune Buren rencontra le vieux latéraux sont recouverts de bandes vertes sur
«in situ», c’est-à-dire créées spécifiquement pour maître Picasso, l’un et l’autre ont bâti leur œuvre lesquelles se découpent des formes géomé-
le lieu et l’espace où on lui a proposé d’interve- en rupture avec l’histoire de l’art. Ou plutôt en triques, «fantômes» des œuvres exposées et pré-
nir. Si «installation in situ» est devenu un terme «coupure» avec l’art, pour reprendre le titre sentées par ordre alphabétique du nom de leurs
commun dans le langage de l’art contemporain, donné par Buren à une exposition présentée au auteurs. Dénommé la Salle des Empreintes par
Buren se revendique comme étant le premier à musée Picasso, à Paris, en 2009. Buren, ce premier espace montre la règle du jeu
l’avoir utilisé. C’est d’ailleurs parce que la majo- À défaut de proposer une rétrospective, Buren qu’il s’est imposée pour l’accrochage : les œuvres
rité de ses expositions sont in situ, donc uniques, vient de créer, à Bruxelles, dans le très dyna- sont disposées les unes au-dessus des autres
que l’artiste a jusqu’à présent toujours décliné mique Palais des beaux-arts, une exposition qui comme on le faisait au XVIIIe siècle, en fonc-
l’idée d’une rétrospective. Ses œuvres, pour l’es- constitue une sorte d’autobiographie visuelle. tion de deux critères : l’ordre alphabétique mais
sentiel, sont non seulement uniques mais le plus Intitulée «Daniel Buren : Une Fresque», elle fait aussi les souhaits d’accrochage des artistes
souvent éphémères ou intransportables car référence aux muralistes mexicains que Daniel présentés.
implantées définitivement dans le lieu où elles Buren a étudiés sur place quand il avait 18 ans. Le jeu consiste donc, pour Buren, à refuser de
ont été créées. C’est le paradoxe de son travail, Pour l’artiste, une fresque est par excellence in présenter les œuvres en fonction de critères
alors que beaucoup pensent que Buren, c’est situ et intransportable. Il faut donc aller la voir. esthétiques, historiques ou intellectuels qu’il
toujours la même chose. Soit un motif immuable C’est le cas avec celle montée à Bruxelles et qui aurait lui-même définis. C’est là une critique en
de rayures blanches et colorées d’une largeur de présente, selon un dispositif très surprenant, les creux de l’attitude des commissaires d’exposi-
8,7 cm qu’il dénomme «outil visuel». Certains, œuvres de plus de 100 artistes des XXe et tion : «Le discours des conservateurs fait dire ce
dont je suis, affirment au contraire que Buren XXIe siècles qui ont marqué, d’une manière ou qu’il veut aux œuvres qu’il manipule.» Dans les
espaces qui suivent, appelés les Salles des Ombres
et des Lumières, sont exposées les œuvres sélec-
L’ACCROCHAGE DE DANIEL BUREN MÊLE AUSSI tionnées par Buren. Dans le catalogue, l’artiste
explique ainsi leur fonctionnement : «En dupli-
BIEN UNE STAR COMME DONALD JUDD quant systématiquement toutes les formes trou-
QU’UN PETIT MAÎTRE COMME JEAN AUJAME. vées dans la première salle, de salle en salle on
70 Beaux Arts
CI-DESSUS EN HAUT
indique ainsi visuellement avec des sortes de un inconnu dénommé Jean Aujame (1905-1965),
Photos-souvenirs, Les Salles des Ombres et des Lumières,
filtres légèrement colorés les formes et l’empla- peintre décorateur ayant notamment œuvré sur
travail in situ, in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des
cement des empreintes que l’on a pu voir dans le paquebot France. Les critères de choix sont Beaux-Arts, Bruxelles, 2016, détails, de gauche à droite :
la première salle. Ce tapissage (les Ombres) donc autobiographiques, comme le dit Buren : Barnett Newman, Michel Parmentier, Gerhard Richter.
étant fait sur toutes les surfaces, on vient enfin «J’ose mélanger des artistes qui, à un moment CI-DESSUS EN BAS, DE GAUCHE À DROITE
placer, exactement sur leur forme adéquate, les donné, m’ont soit aidé de manière personnelle, Photos-souvenirs, Les Salles des Ombres et des Lumières,
œuvres (les Lumières).» ou soit ont marqué mon devenir avec de très travail in situ, in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des
Le résultat est enchanteur mais déstabilisant, grands maîtres de l’art.» Troisième catégorie : Beaux-Arts, Bruxelles, 2016, détails, de gauche à droite :
Donald Judd, On Kawara, Joseph Kosuth, Jean Aujame.
créant des rapprochements surprenants entre «Les artistes qui ont travaillé/exposé avec moi
des œuvres majeures et des croûtes d’inconnus ! depuis 1968, mes alter ego.» On y trouve des
Car Buren a sélectionné quatre catégories d’ar- stars de l’art contemporain comme Beuys, Carl
tistes, faisant l’impasse sur celle des artistes Andre, John Baldessari, Donald Judd, Anish
développant comme lui une œuvre essentielle- Kapoor, Sol Lewitt, Gerhard Richter, Jacques
ment in situ (Felice Varini), qu’il n’a pas donc pas Villeglé, Mario Merz, Bruce Naumann, et là
pu présenter. On trouve d’abord les «incontour- encore un inconnu : Guy Nochet. Un artiste
nables», comme Brancusi, Cézanne, Malevitch, «spécialisé» dans des vues du port de Saint-
Mondrian, Matisse, Monet, Mario Merz, etc. Tropez que s’arrachent les touristes ! «Grâce à
Puis ceux «rencontrés entre 1955 et 1965 qui ont Guy Nochet, j’ai appris à ma grande stupéfac-
été pour diverses raisons décisifs», tels Chagall, tion qu’il y avait des collectionneurs assidus qui
Masson, Picasso, Hantaï, Michel Parmentier revenaient chaque année place du Tertre [à
(avec qui il a fondé le groupe BMPT) mais aussi Montmartre] pour suivre les artistes qui les
Beaux Arts 71
EXPOSITION / DANIEL BUREN
CI-DESSUS
CI-CONTRE
Photos-souvenirs, La Salle des Empreintes, travail in situ,
in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des Beaux-Arts,
Bruxelles, 2016, mur de A à K, détails.
intéressaient avec l’espoir secret que parmi visuelle dans laquelle l’artiste se met à nu et s’af- au travail de nombreux autres, comme Bol-
leurs favoris, émerge un jour un nouvel Utrillo !». franchit en quelque sorte du bon goût du milieu tanski. La fresque de Buren à Bruxelles est bien
«Un monde de l’art parallèle», ajoute-t-il, dont de l’art international auquel il appartient, ce davantage qu’une énième exposition : c’est à la
«le chiffre d’affaires des peintures qui se vendent sont aussi les grands absents qui se font remar- fois un manifeste sur l’histoire de l’art et la créa-
du pont des Soupirs jusqu’à Shanghai doit quer, ceux sur lesquels il a «plus de critiques à tion contemporaine et une mise à nu visuelle de
même être plus important que celui de Chris- formuler que d’admiration» comme le pop art, sa propre histoire. Une plongée fascinante et
tie’s et Sotheby’s réunis !». Enfin, quatrième les surréalistes, les expressionnistes, Yves Klein réussie dans l’intimité artistique d’un grand
catégorie d’artistes, «ceux plus jeunes avec les- et tant d’autres. Car on pourrait aisément maître. Q
quels j’ai pour la plupart travaillé/exposé» oublier que Buren n’est pas seulement un artiste
comme Sophie Calle, Pierre Huyghe, Philippe mais aussi un théoricien qui a publié de nom- «Daniel Buren : Une Fresque» jusqu’au 22 mai
Bozar–Palais des Beaux-Arts de Bruxelles
Parreno, Franck Scurti, Pascal Convert, Chen breux textes critiques exprimant ses concep- SVF3BWFOTUFJOr#SVYFMMFTrrXXXCP[BSCFGS
Zhen, etc. Et là encore un illustre inconnu tions de l’histoire de l’art. Un artiste qui, de sur- CataloguerÊE#PSHFSIPGG-BNCFSJHUT#P[BS#PPLTrQré
comme Igor Antic. Dans cette autobiographie croît, n’a pas hésité à s’opposer publiquement
72 Beaux Arts
Photos-souvenirs, Les Salles des Ombres et des Lumières,
travail in situ, in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des
Beaux-Arts, Bruxelles, 2016, détails, de gauche à droite :
Piero Manzoni, Francis Pasquier.
EXPOSITION / LA VILLETTE / DU 16 AVRIL AU 4 SEPTEMBRE
DU DESIGN À L’ARCHITECTURE
Le style
JAMES
BOND
À LA VILLETTE, UNE EXPOSITION PASSE AU RAYON X L’ESTHÉ-
TIQUE JAMES BOND. DES GADGETS DESIGN QUI FONT
EXPLOSER LES MÉCHANTS, DES VOITURES AMPHIBIES QUI
DEVIENNENT DES FUSÉES EN PASSANT PAR DES
CONSTRUCTIONS FUTURISTES DISSIMULÉES DERRIÈRE
DES ROCHERS, BIENVENUE DANS LE STYLE 007 QUI CONTI-
NUE D’INSPIRER ARCHITECTES, DESIGNERS ET ARTISTES.
CI-CONTRE À GAUCHE
Sean Connery et son Aston-Martin
DB5 : l’image iconique du style
James Bond 1962, costume
Saville Row made in London
et carrosserie gris perle satiné chic.
PAGE DE DROITE
1977, L’ESPION QUI M’AIMAIT
La Lotus Esprit inaugure sa carrière
cinématographique avec James
Bond, ici version Submarine :
formes tranchantes, ailettes,
fibre de verre, le rêve des ingénieurs
qui ignoraient tout, encore,
du design en goutte d’eau.
74 Beaux Arts
EXPOSITION / 50 ANS DE STYLE BOND
L
1967, ON NE VIT es costauds antiques, les Maciste, les Hercule, les Ajax, Rouges, les islamistes, l’Ombre jaune, la Terreur noire, les
QUE DEUX FOIS avaient la vie facile. Un pagne, un glaive et ils partaient pourris et les faux derches. L’important est ailleurs, dans le
Dans cette version très conquérir le monde. James Bond n’a pas cette chance. caractère VIP suranné des décors, des meubles, dans le tour-
«guerre froide» pimentée
Son standing lui impose des clefs de voiture, des lunettes de nis planétaire d’une jet-set pour qui faire sauter la planète est
par l’humour de l’écrivain
Roald Dahl qui en a écrit star et des smokings. Arrive l’instant crucial, entre une chute un projet de soirée. James Bond est au héros ce que le studio
le scénario, les décors d’hélicoptère et une explosion de sous-marin nucléaire, où il Harcourt est à la photo, un modèle figé de savoir-vivre avec
témoignent d’une touche doit s’en remettre au room-service. Le pli de son costume licence to kill. Dans sa mallette (quelquefois explosive) : che-
pop propre à l’époque, Tom Ford trois boutons couleur peau de requin (dans Skyfall) mises rayées et cosmétiques, bagnole et chic anglais, le tout
comme dans cet intérieur ne souffre aucune altération, tout comme sa pochette élé- nappé de pin-up, stars et top-models d’ordinaire répertoriées
nippon. gante, l’éclat de ses mocassins et son visage, lequel, en dépit sous l’appellation de James Bond Girls.
des coups de savates et machettes ou des manchettes demeure
inaltéré, hermétiquement viril. Gratifié d’un rictus à la DES DÉCORS QUI INSPIRENT LES GRANDS ARCHITECTES
Poutine, Daniel Craig, le dernier rejeton de la saga Bond, est À en croire ses biographes, quand il n’est pas en mission, Bond
un dur des durs et cela fait soixante ans, justement, que ça habite à King’s Road, dans le quartier de Chelsea. Légèrement
dure.En 1953, l’ancien espion Ian Fleming crée le personnage snob, il (Sean Connery) s’est longtemps habillé, à l’écran, chez
de 007. Douze romans et 24 films plus tard, son style de séduc- le couturier Sinclair dont l’atelier s’ouvrait sur Savile Row,
teur évoluant dans un univers luxueux peuplé de créatures et nec plus ultra du chic made in London. Au fil de ses aventures,
de vilains s’est imposé à la planète. L’intrigue n’a pas bougé le stylisme a joué un rôle déterminant dans sa popularité. Si
d’un pouce. Elle narre la lutte du bien et du mal, du bon et du ses costumes ont été signés par diverses maisons de mode
méchant, accessoirement de la Grande-Bretagne contre les (Brioni pour Pierce Brosnan, Tom Ford pour Daniel Craig),
ceux de ses compagnes et comparses féminines se sont sou-
vent résumés à un maillot de bain et un
paréo qu’elles devaient perdre au
fil d’une course-poursuite.
1974, L’HOMME Plus que le vestiaire, ce sont
AU PISTOLET D’OR
les accessoires qui signent
Le pistolet de Scaramanga
le style Bond.
en or, un design de
briquet spectaculairement
À ses débuts, la saga
démodé aujourd’hui. pouvait stupéfier le
public par ses inventi-
1962, JAMES BOND 007 vités techniques. La
CONTRE DR NO croissance des maga-
Golden Globe de sins de gadgets était
la révélation féminine exponentielle. La ren-
de l’année 1964,
contre de la puissance
l’indémodable Ursula
Andress, James Bond Girl de feu et de la miniaturi-
iconique surgissant des sation avait de quoi estoma-
flots. quer. Oui, Bond pouvait assas-
76 Beaux Arts
1964, GOLDFINGER
Cette scène dans laquelle
James est torturé
est un incontournable
de tous les films
de la série. Ici, le pauvre
Sean Connery s’apprête
à être découpé au laser,
nec plus ultra de la
technologie d’alors.
1967, ON NE VIT
QUE DEUX FOIS
La cachette du Spectre
dans l’île fictive de Matsu,
au Japon. L’influence
du cinéma allemand
d’avant-guerre
pseudo-gothique
siner un costaud d’un revers de stylo Bic, filmer à travers les pour le plus grand plaisir des fans de carrosserie contre sa inspiré de personnages
murs grâce à un briquet Zippo, traverser une rivière sans quit- fameuse Aston Martin DB85 grise. On lui a connu encore une de légendes juives
ter sa voiture, l’amphibie étant alors l’avenir des transports Lotus Esprit sous forme de sous-marin de poche (l’Espion qui (le golem, le dibbouk)
individuels. James appuyait sur un bouton de manchette et le m’aimait, 1977). Exclusive, isn’t it ? croise un esprit Méliès
Kremlin était vaporisé. Puis la miniaturisation devint le lot Autre point fort de la mythologie Bond, l’innovation archi- mâtiné techno.
commun. Walkman par-ci, smartphone par-là. Désormais, le tecturale. Dissimulées dans un volcan ou virevoltant dans l’es-
design bondien joue sur l’humour pour nous faire avaler ses pace (Moonraker, 1979) tel un agressif satellite nord-coréen,
inventions géniales que plus personne ne gobe. Le moindre ces cités expérimentales expriment par leur design l’esprit
geek aujourd’hui en sait autant que l’espion de Scotland Yard. retors de leurs propriétaires. Elles offrent aux spectateurs des
Ce qui crevait l’écran hier, une ogive fuselée, un tank sovié- points de vue piranésiens : salles gigantesques, escaliers de fer
tique, n’a pas son équivalent à l’ère du numérique. Allez rem- (comme dans la cathédrale d’or de Goldfinger en 1964), tur-
plir l’écran avec les listings de WikiLeaks ! Alors, les scénaristes bines infernales… Le home sweet home des ennemis de Bond
s’en remettent à ce qui perdure encore. Et, pour commencer, est une extrapolation de l’enfer machiniste. Si la saga s’est cou-
la montre-bracelet. Sponsoring oblige, quelle soit Rolex lée dans des lieux existants tels la Elrod House, villa édifiée
modèle Submariner (Sean Connery), Seiko pour Roger Moore par l’architecte culte John Lautner en 1968 (Diamonds Are Fore-
ou Omega pour Pierce Brosnan et Daniel Craig, elle demeure ver, 1971), l’éco-hôtel ESO dans le désert d’Acatama au Chili
l’élément déclencheur de quelque cataclysme. Ensuite, la voi- (Quantum of Solace, 2008), le mirifique Lake Palace de Udaipur
ture. Possesseur à ses débuts d’une Bentley, Bond l’a troquée au Rajasthan (Octopussy, 1983) ou le terrifiant barrage de
Beaux Arts 77
EXPOSITION / 50 ANS DE STYLE BOND
1964, GOLDFINGER
Oddjob (Harold Sakata) se dirige vers James Bond (Sean Connery) dans la cathédrale d’or, réplique de la réserve de Fort Knox. L’action se déroule dans des décors piranésiens.
1979, MOONRAKER
Surveillée par un géant
nommé Requin, une race
d’êtres parfaits destinés
à repeupler la planète,
une fois décimée
toute humanité sur Terre,
habite la navette spatiale
Moonraker, sous la coupe
de l’infernal milliardaire
californien Hugo Drax
(Michael Lonsdale).
Les gigantesques décors,
construits en France
par le chef décorateur
Ken Adam, ont nécessité
des tonnes de métal
rien que pour la station
spatiale.
78 Beaux Arts
Contra édifié au Tessin en 1961 (GoldenEye, 1995), elle s’est ration fertile car nombre de ses créations étaient vouées par 1981, RIEN
encore offert des décors sur mesure. Le grand manitou de ces la fureur des scénaristes à des destructions paroxysmiques. QUE POUR VOS YEUX
architectures spectaculaires se nomme Ken Adam. On lui Étrangeté, dans le même temps, Bond… James Bond, s’est vu La base secrète, le repaire
invisible niché au cœur
devait déjà la War Room de Docteur Folamour de Stanley conduit à sabrer le champagne dans des chambres d’hôtel
d’un volcan, au sommet
Kubrick et plus tard les décors «romantico-rococo» de Barry recentrées, very classic, comme dans la scène inaugurale de d’un nid d’aigle, sous
Lyndon, du même réalisateur. Pour Bond, il a créé une archi- 007 Spectre (2015) à Mexico, ou encore à Venise (Casino Royale, la banquise ou dans
tecture mixte futuriste de luxe et de vitesse. L’architecte 2006), au Caire et Karnak (l’Espion qui m’aimait). Rien de très la stratosphère, est
Daniel Libeskin, auteur de l’extension du Musée juif de Berlin, surprenant en vérité. Ian Fleming détestait l’architecture un élément principal
a dit toute la dette qu’il devait à Ken Adam, dont les décors moderne et haïssait Le Corbusier. Les décorateurs firent ainsi de la saga Bond. Sous ses
l’avaient subjugué. Certains critiques ont décrit la touche le grand écart entre des casinos dégoulinants de moulures et apparences paradisiaques,
le monde dissimule
Adam comme née de la rencontre du docteur Caligari, de des salons au minimalisme japonisant. Qu’importe le flacon…
d’abominables férocités.
Vincent Van Gogh et d’Adolf Hitler. Un concentré de murs Et tout le talent de James Bond est bien là, dans cette habileté
de biais, de perspectives angoissantes, de bâtiments à endosser un peignoir avec la même désinvolture qu’un Hugh
taille XXL, de métal acéré et de profilés fuselés. Berlinois de Hefner dans sa Playboy Mansion. C’est dans doute cela, le
naissance ayant fui le nazisme, fils de commerçants possédant style James. Ce qui pourrait sonner ringard devient, grâce à
l’un des plus importants grands magasins de la capitale alle- sa seule et mâle présence, pétillant et classieux. Toute la force
mande, Ken Adam jure avoir vu le Reichstag en feu avant de du personnage s’y trouve résumée. Bond bonifie l’atmosphère
s’enfuir d’Allemagne. Un bon début de carrière et une inspi- et, mieux, la «bondifie». Q
QUELQUES
CHIFFRES
UNE EXPOSITION TRÈS STYLÉE
Constituée d’un ensemble impressionnant de documents d’archives, nomade et globalisante avant même que la globalisation ne soit
24
FILMS
6
cette grande exposition arrive en France après avoir connu devenue réalité. Viennent ensuite la galerie des James Bond Girls
honneurs et succès à l’étranger, à Londres et Rotterdam et celle des méchants. Les story-boards des scénarios montrent
notamment. Ses diverses sections présentent de multiples la minutie avec laquelle les créateurs ont travaillé les séquences ACTEURS
87
aspects de l’univers de Bond : affiches de film, séquences des films. De véritables period rooms reconstituent des décors
d’ouverture, importance de l’or, gadgets à foison. clés. En prime, les visiteurs auront le loisir de se photographier
La carrière de l’auteur et créateur de la série, flanqués d’une silhouette de Sean Connery (jeune) et de sa JAMES BOND
Ian Fleming, est décortiquée. Sont ensuite exposés célèbre Aston Martin. Un selfie rien que pour vos yeux. GIRLS
387
certains éléments récurrents de la saga : le bureau de «50 ans de style Bond» du 16 avril au 4 septembre
M, la section Q (l’inventeur des gadgets). Il apparaît (SBOEF)BMMFEFMB7JMMFUUFr BWFOVF+FBO+BVSÍT
que le design, l’architecture ou bien encore la mode 1BSJTrrXXXMBWJMMFUUFDPN
PERSONNES
participent en plein à la construction d’un univers 2015, 007 SPECTRE De temps en temps, James Bond, TUÉES PAR
spécifique, reconnaissable par tous. Par la variété ici Daniel Craig, lâche le costume pour un total look JAMES BOND
193
des décors retenus ou recréés autour du monde, la Fantômette. L’important, c’est le latex, la combi à fleur de
série se révèle entreprise de séduction universelle, peau. Bond est un être tactile et sexy, aux mains baladeuses.
GADGETS
Beaux Arts 79
EXPOSITION / GRAND PALAIS / JUSQU’AU 4 JUILLET
CARAMBOLAGES
ou comment bousculer
l’histoire de l’art
INTITULÉE «CARAMBOLAGES», UNE EXPOSITION AU GRAND PALAIS TRANSGRESSE LES FRONTIÈRES ENTRE
GENRES ET ÉPOQUES, STARS ET INCONNUS, CRÉANT DES CONNEXIONS INCONGRUES ENTRE LES ŒUVRES.
DES TÉLESCOPAGES AVANT TOUT VISUELS QUI FONT DU VISITEUR UN CRITIQUE D’ART À PART ENTIÈRE.
PAR DAPHNÉ BÉTARD
O
CI-DESSUS
ubliez vos repères et laissez vos certitudes au Ici, les œuvres sont reliées les unes aux autres par un élé- FRANÇOIS BOUCHER
vestiaire. Place au doute, à l’improvisation, et à ment que chaque visiteur doit trouver en fonctionnant La Jupe relevée
l’humour. Avec son exposition «Carambolages» par association d’idées : l’ombre du pendu de Christian 1742, huile sur toile, 52,5 x 42 cm.
– terme qui désigne un coup double au billard mais aussi Boltanski annonce le Fantôme d’Oiwan-san d’Hokusai, PAGE DE DROITE
un heurt entre voitures –, le très impertinent commis- qui précède une tête momifiée du Pérou avant que ne MAN RAY
saire d’exposition Jean-Hubert Martin balaie d’un revers surgisse la grande installation d’Annette Messager, Monument à D. A. F. de Sade
de main tout ce que les musées se sont patiemment assemblage de gants et de crayons formant une immense 1933, photographie argentique
vintage, forme découpée, papier
appliqués à construire au fil du temps. Exit les audio- tête de mort, à laquelle succède un coffret-reliquaire baryté, 21 x 16,5 cm.
guides, cartels, frises chronologiques et autres artefacts dont le cœur est une vanité de brocarts et pierres pré- D’une paire de fesses à l’autre,
pédagogiques d’aide à la visite, la clef du parcours original cieuses… Une façon de faire délirante qui bouscule les il n’y a qu’un pas ! Celles de
qu’il a imaginé se trouve en chacun de nous… Il faut sim- visiteurs trop sages et disciplinés que nous sommes, pour Man Ray sont blasphématoires
plement ouvrir l’œil et laisser libre cours à son imagina- mieux renouer avec le plaisir de la rencontre esthétique. à souhait avec le motif
tion pour venir à bout de ce voyage initiatique conçu L’image règne en maître et le spectateur est tout-puissant de la croix renversée. Quant à
Boucher, maître du libertinage,
selon le principe de la concaténation, cette figure de style car, comme l’avait déjà formulé Marcel Duchamp,
il nous régale avec cette scène
où chaque nouveau mot est formé de la dernière syllabe «ce sont les regardeurs qui font les tableaux». Celui du de toilette qui était cachée par
du précédent (ainsi du fameux marabout / bout de ficelle XXIe siècle selon Jean-Hubert Martin devra appliquer une toile où la jeune femme, vêtue,
/ selle de cheval / cheval de course / course à pied, etc.). les trois grands principes suivants. caresse le visage d’un enfant.
80 Beaux Arts
EXPOSITION / CARAMBOLAGES
1. DEVENIR UN
REGARDEUR ÉMANCIPÉ
Réapprendre à voir, à observer, à scruter une œuvre d’art.
C’est en substance ce que propose le parcours insolite de
«Carambolages». «Nous ne cessons de dire que nous vivons
dans un monde d’images, mais notre enseignement privilégie
toujours le discours», constate Jean-Hubert Martin. La majorité
des expositions actuelles assomme le visiteur d’entrée de jeu
avec un énorme panneau explicatif indiquant ce qu’il faut
connaître, avec ce sous-entendu perfide : si vous n’avez pas assi-
milé tout ça, vous n’avez rien compris ! Abreuvé d’informations,
le visiteur en devient presque passif ; il renonce à penser par lui-
même, contraint de suivre le chemin déjà tout tracé par d’autres,
commissaires, curateurs, conservateurs, tous ces spécialistes qui
savent mieux que lui. L’éminent historien de l’art Daniel Arasse
(disparu en 2003) l’avait bien compris, lui qui n’a eu de cesse,
dans ses écrits, d’inciter le spectateur à regarder par soi-même
les œuvres sans avoir recours au savoir. En prologue de son
ouvrage On n’y voit rien, la lettre qu’il adresse à l’une de ses
consœurs tient lieu d’avertissement général au lecteur : «On
dirait que tu as besoin de textes pour interpréter les tableaux,
comme si tu ne faisais confiance ni à ton regard pour voir, ni aux
tableaux pour te montrer, d’eux-mêmes, ce que le peintre a voulu
exprimer.» Chaque œuvre d’art est porteuse d’une multitude
d’indices qui permettent de l’appréhender, d’entrer en contact
avec elle. À condition d’être attentif, de faire confiance à sa
mémoire visuelle et à sa capacité d’analyse autant qu’à ses
propres émotions. En résumé : la vue est un outil de connais-
sance fascinant, encore faut-il s’en servir. «On peut apprécier
une œuvre avec son propre système de références, insiste
Jean-Hubert Martin. Un choix d’exposition n’est qu’une pro-
position, rien de plus.»
CI-DESSUS
ANONYME FLAMAND Diptyque satirique
«Laisse ce panneau fermé sinon tu seras
fâché contre moi», prévient la première image
de ce diptyque flamand. Et poursuit : «Ce ne sera
pas ma faute car je t’avais prévenu». Puis conclut :
«Et plus nous voudrons te mettre en garde, plus
tu auras envie de sauter par la fenêtre».
1520-1530, huile sur bois, 58,8 x 44,2 x 6 cm.
CI-CONTRE À GAUCHE
Épée des îles Kiribati (Océanie)
Non daté, bois, fibres végétales, dents de requin,
65 x 27 x 4 cm.
CI-CONTRE À DROITE
BERTRAND LAVIER Black & Decker
1998, technique mixte, 85 x 23 x 21 cm.
Rien ne les prédestinait à se rencontrer.
Et pourtant, mis côte à côte, cette redoutable
épée et le banal taille-haie érigé au rang
de totem par Lavier se révèlent dans toute
leur monumentalité. Ils nous interrogent
sur le statut à accorder aux œuvres et objets
sanctuarisés dans nos musées.
82 Beaux Arts
CI-CONTRE À GAUCHE
EDME POTERAT
Plat à godrons
XVIIe siècle, faïence de Rouen,
d. 32 cm.
CI-CONTRE À DROITE
DANIEL SPOERRI
Variation on a Meal
1964, objets sur panneau de bois,
54,5 x 64,5 x 16,6 cm.
Beaux Arts 83
EXPOSITION / CARAMBOLAGES
HERGÉ Sans titre BERTRAND LAVIER Walt Disney Productions No. 15, 1947-2015
1963, huile sur toile, 60 x 50 cm. 2015, peinture acrylique sur jet d’encre, 59,5 x 43,5 cm.
Saviez-vous que l’auteur de Tintin avait hésité à embrasser la carrière de peintre ? Au début des années 1960, il réalise une quarantaine de peintures abstraites aux formes courbes et colorées.
Les similitudes avec l’œuvre de Lavier sont ici flagrantes, lequel, roi du détournement, a reproduit grandeur nature tableau et sculpture figurant dans une bande dessinée de Mickey.
84 Beaux Arts
CI-DESSUS
Crâne Asmat (Irian Jaya, Indonésie)
XIXe-XXe siècle, plumes, vannerie, coquillages,
27 x 20 x 25 cm.
CI-CONTRE À GAUCHE
KATSUSHIKA HOKUSAI Le Fantôme d’Oiwa-san
1831-1832, estampe, 26,1 x 18,8 cm.
CI-CONTRE À DROITE
ANNETTE MESSAGER Gants-tête
1999, gants, crayons de couleur,
178 x 133 x 10 cm- 61 x 45,7 cm.
Qui sera le plus effrayant ? Le crâne indonésien,
trophée d’une chasse aux têtes pratiquée dans
le cadre de cultes rendus aux ancêtres, le fantôme
d’Hokusai, inspiré d’un conte populaire japonais
où l’épouse empoisonnée vient hanter le mari
lors de son remariage, ou bien la tête de mort
formée par Annette Messager à l’aide de gants
et de crayons ? À chacun ses démons.
Beaux Arts 85
EXPOSITION / CARAMBOLAGES
CI-CONTRE
LUCIO FONTANA Concept spatial — Attentes
1958, peinture vinylique sur toile, incisions, 125 x 100 cm.
PAGE DE DROITE
NICOLA VAN HOUBRAKEN Autoportrait
Vers 1720, huile sur toile, 136 x 99 cm.
Plus de deux siècles avant le spatialiste Fontana, un artiste
n’hésitait pas à fendre la toile (ou presque) pour faire surgir son
autoportrait dans une couronne de fleurs en trompe-l’œil.
En plus, il interpelle le spectateur en lui adressant un regard complice.
3. SAVOIR ERRER, SE
PERDRE ET SE LANCER
DANS L’INCONNU
Certes, il est toujours satisfaisant de reconnaître sur les cimaises d’un attendent le visiteur dans cette scénographie labyrinthique qui se déploie
musée une œuvre familière. Mais n’est-il pas plus réjouissant encore de en une multitude de petits boxes où sont réunies des œuvres aux analo-
découvrir une création qui nous est totalement inconnue ? Breton parlait gies plus ou moins évidentes. Le parti pris du Grand Palais est jubilatoire :
très justement de «l’émotion du jamais-vu», soulignant combien la surprise les visiteurs se rendent à une exposition sans savoir à l’avance ce qu’ils
était essentielle au plaisir esthétique. Jean-Hubert Martin a fait sienne la vont voir ! Il fallait oser… Le parcours revendique le droit à l’absurde, à
maxime du surréaliste et déniché des œuvres inédites qui se cachaient l’irrationnel, au libre arbitre. Chacun peut imaginer sa visite selon sa
dans les recoins de petits musées, chez des collectionneurs privés ou qui propre sensibilité. On pense au musée imaginaire de Malraux (à la grande
sommeillaient dans des réserves. Des œuvres parfois sans pedigree, consi- différence qu’il n’est pas question ici de chef-d’œuvre intangible) et aux
dérées comme secondaires voire mineures, comme la Chasse à la chouette musées sentimentaux de l’artiste Daniel Spoerri, improbables mélanges
d’un artiste français du XVIIe siècle, où les oiseaux qui virevoltent autour d’œuvres d’art, de documents, d’images populaires, de vestiges, reliques
d’une nymphe à moitié dénudée ont pour têtes les visages d’un prêtre, et fétiches dont la valeur affective est parfois proportionnelle à la bana-
d’un gentilhomme, d’un marquis et d’un cardinal, ou encore ce diptyque lité. L’objectif est, on l’aura compris, d’abolir la hiérarchie entre les
hallucinant d’un anonyme flamand qui met en garde le spectateur car à œuvres afin de privilégier les émotions. «Ceci n’est pas une exposition»
l’intérieur se trouvent un personnage grimaçant et un postérieur velu et pourrait être le sous-titre de cette expérience visuelle sans précédent.
boutonneux orné d’un chardon peint en gros plan. D’autres surprises À vous de jouer ! Q
86 Beaux Arts
ENQUÊTE
88 Beaux Arts
JR
Carnet de voyage
Grand voyageur, inscrivant ses pièces dans l’espace
public et travaillant volontiers avec les populations
locales, JR poste sur son compte des images
en tout genre, scènes de rue, vues de paysages,
portraits impromptus.
P
uisque Instagram compte près de
400 millions d’abonnés et que, au-delà
de la logique comptable, le réseau social
est dédié à l’image, le monde de l’art doit bien
s’y être fait une place et avoir trouvé les raisons
de s’y répandre. Que ce soit les artistes, qui y
montrent les coulisses de leur production et les
ressources de leur imaginaire, les galeristes, qui
s’en servent comme d’une vitrine élargie, voire
les maisons de ventes, qui tentent d’y conquérir
de nouveaux et impulsifs acheteurs, sans oublier
les critiques, qui multiplient les œillades en se
passant de mots, le petit monde connecté des
arts visuels accoste sur Instagram avec plus ou
moins de perspectives et d’idées derrière la tête.
À dire vrai, le courant est plutôt d’emblée mal
passé. Pour Richard Prince, qui s’est fait autant
d’ennemis que d’amis après avoir pris le réseau
et ses abonnés au mot. Fidèle à la logique
appropriationniste qui est la sienne depuis les
années 1980, l’artiste américain a sérigraphié sur
Richard Prince
toile des captures d’écran du compte Instagram
de 37 personnes, célèbres (Pamela Anderson) L’appropriationniste 2.0
Les Instagram Paintings de Prince, réalisés à partir
ou non, y laissant visibles, en haut du fil, ses
des comptes de personnes qu’il suit, sans nécessairement
propres commentaires. Vendus 90 000 dollars les connaître, ont agacé. Leur prix, surtout. C’est pourquoi
à la Frieze Art Fair de New York au printemps certains, récupérant en quelque sorte leur bien, ont
2014, les Instagram Paintings ont déclenché l’ire proposé d’en vendre une reproduction pour 90 dollars.
de ceux qui ont eu le sentiment de se faire
voler leur image. L’une d’elles (Missy, fonda-
Beaux Arts 89
ENQUÊTE/
Amalia Ulman
Scènes d’une vie rêvée
Exposées en ce moment à la Tate Gallery,
les photos d’Amalia Ulman ont d’abord
été postées régulièrement par l’artiste
sur son compte. Mais elles ne
témoignaient que d’une vie imaginaire
scénarisée et jouée par la jeune femme.
90 Beaux Arts
Amalia Ulman a signé ce qui restera sans doute comme la première œuvre
viscéralement liée à Instagram, aux modes d’apparaître et de transparaître
que ce réseau social autorise.
trice du site SuicideGirls) a répliqué en vendant Camera» et jusqu’au 12 juin), ses photographies cultures. À noter que ces posts joliment crus ont
pour 90 dollars la reproduction de «son» tableau. et vidéos ont d’abord été postées pendant déjà valu à Saltz de se faire réprimander par le
Au-delà du parti pris choisi (en faveur de la proie quatre mois sur Instagram où elle s’est inventé père la pudeur du Net, Facebook suspendant
imprudente ou du chasseur d’image sans-gêne), une vie, des ambitions, des déboires, des le compte du critique d’art il y a un an. Au-delà
l’affaire souligne comiquement comment les moments de déprime et de relaxation, un per- de ces bisbilles, son mur est une formidable
réseaux sociaux et l’étalage de soi sans filtre édi- sonnage donc et une vie parallèle qui ont pas- ressource documentaire, tandis que celui de
torial viennent donner du grain à moudre à une sionné quelque 76 000 followers. Excellences & l’hyperconnecté directeur de la Serpentine Gal-
pratique artistique vieille de quarante ans, l’ap- Perfections prend ainsi la forme d’une fiction lery et curateur globe-trotter Hans Ulrich
propriationnisme donc, mais qui se limitait déroulant le quotidien d’une aspirante actrice Obrist donne libre cours à l’un de ces projets
jusqu’alors aux images des magazines et des installée à Los Angeles et qui, pour mettre participatifs dont il a toujours eu le secret inti-
publicités. Sur le mur, c’est soi-même qu’on rend toutes les chances de son côté, se fait refaire le tulé ici «The Art of Handwriting». Qui consiste
visible sinon célèbre, qu’on expose à tous les portrait (les seins surtout) par un chirurgien. à recueillir et poster des images de bouts de
regards, captifs et capteurs. À ses 149 000 followers, le critique d’art du papier griffonnés de citations, de notes ou de
Née en Argentine et diplômée du Central Saint New York Magazine Jerry Saltz expose, lui, ses dessins. Une célébration paradoxale de l’écriture
Martins College of Art and Design à Londres, vrais coups de cœur et ses coups de sang manuscrite sur un support numérique et un
l’artiste de 26 ans Amalia Ulman l’a fort bien (contre Donald Trump) avec un sens insolent usage d’Instagram comme journal de bord sur
compris en signant ce qui restera sans doute de l’autodérision et de l’ironie. À part la poli- lequel on laisse une trace au quotidien, comme
comme la première œuvre viscéralement liée à tique (campagne des primaires américaines en passant, en attendant éventuellement de
Instagram, aux modes d’apparaître et de trans- oblige), l’obsession hilare de Saltz, c’est le sexe développer sa pensée ailleurs et autrement.
paraître qu’il autorise. Exposées à la Tate et ses représentations artistiques (mais pas Marina Abramovic quant à elle, en majuscules
Modern (dans le cadre de «Performing for the seulement) à travers tous les siècles et toutes les et au stylo noir sur une feuille jaunie, a posté
Jerry Saltz
Trump, sexe et compagnie
Le critique d’art du New York Times poste tous les jours,
voire plusieurs fois par jour, des images d’œuvres érotiques
dénichées dans un livre ou une exposition. Puis, en pleine
campagne des primaires américaines, il profite du réseau
pour poursuivre Trump de ses sarcasmes.
Beaux Arts 91
ENQUÊTE/
Le critique d’art
Hans Ulrich Obrist
donne libre cours à l’un
de ces projets participatifs
dont il a toujours
eu le secret intitulé ici
«The Art of Handwriting».
Qui consiste à recueillir
et poster des images
de bouts de papier
griffonnés de citations,
de notes ou de dessins.
92 Beaux Arts
Olafur Eliasson
Dans les coulisses
de la création
Même les artistes stars ont
leur compte Instagram. À l’image
d’Olafur Eliasson, qui documente
la genèse de ses œuvres
spectaculaires et en propose
des vues d’exposition.
critique, ainsi qu’un art nomade, voyageant Prince, Sophie Calle et Jeff Koons n’appar- Instagram, c’est surtout ça, cette immixtion iné-
et s’ancrant aux quatre coins de la planète. Un tiennent à la génération des «digital natives», dite – dans le cadre de l’art, dans sa documenta-
art 2.0 dès le départ en quelque sorte, qui dont DIS Magazine est la bible. Le magazine tion et sa diffusion – du regardeur, moins suiveur
cherche à établir un lien direct avec les gens. américain a eu l’idée d’ouvrir un hashtag #art- que prescripteur. «Ask Instagram», en somme.
Instagram est donc pour lui et son public un selfie compilant les autoportraits pris dans les Dit autrement, pour savoir quoi penser d’une
média naturel, essentiel. musées et les galeries par les visiteurs. Les sculp- œuvre, il faudra peut-être désormais vérifier si
Ce qui n’est pas tout à fait le cas pour d’autres. tures miroirs colorées de Koons s’y comptent elle passe bien ou non sur Instagram.
Avec quatre photograhies postées sur son par centaines, mais également des œuvres clas- Dernier post, cette citation de Guy Debord
compte, Sophie Calle, par exemple, n’y est que siques du Louvre, des peintures de Balthus, de sur le compte de Matthieu Laurette : «Le Spec-
peu présente. Idem pour Jeff Koons : certes Gauguin… Autant de chefs-d’œuvre qui passent tacle n’est pas un ensemble d’images, mais un
126 000 abonnés mais seulement 22 posts. cependant à l’arrière-plan : le spectateur, pre- rapport social entre des personnes, médiatisé
Étrange ? Pas tant que ça. Pas plus que Richard nant la pose, se met en scène au premier plan. par des images.» Q
>@?18J1?
Moi d’abord INSTAGRAM POUR LES NULS
Un selfie devant une œuvre :
Instagram est une application qui permet de partager
la pratique, très populaire, est
des photographies et des vidéos avec des abonnés.
aussi une manière pour les artistes
de voir leurs travaux largement
Créé en 2010 par l’Américain Kevin Systrom et le
diffusés sur les réseaux. À ce Brésilien Michel Krieger, le réseau revendique en 2016
baromètre aussi, Koons a la cote. plus de 400 millions d’abonnés. De quoi donner raison
à Marck Zuckerberg, boss de Facebook, qui, en 2012,
rachetait Instagram pour la somme astronomique
d’un milliard de dollars – et pour éviter que d’autres
(les Google, Twitter ou Pinterest) ne prennent du poids
sur le marché du partage de photos. Instagram
a toujours su garder une réputation de coolitude
et de bon goût dans son habillage graphique
et le filtre un peu vintage qui éclaire les photos.
À VOIR
«Performing for the Camera» jusqu’au 12 juin
5BUF.PEFSOr#BOLTJEF4&5(r-POESFT
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Quand une exposition traite de la performance
face à l’appareil photo, il y est forcément question
d’Instagram.
Beaux Arts 93
EXPOSITION / MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS / DU 8 AVRIL AU 21 AOÛT
Paula Modersohn-Becker,
la redécouverte d’une peinture
«puissante et spectrale»
INCONNUE EN FRANCE, PAULA MODERSOHN-BECKER FUT POURTANT UNE PEINTRE EXPRESSIONISTE
PASSIONNANTE À LA VIE COURTE ET ROMANESQUE. RENCONTRE AVEC MARIE DARRIEUSSECQ, AUTEUR
DE SA BIOGRAPHIE ET À L’INITIATIVE D’UNE EXPOSITION AU MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS.
PAR SOPHIE FLOUQUET
D
écouvrir l’œuvre fascinant d’une artiste vendit qu’une poignée de tableaux. «Il n’exis- PAULA MODERSOHN-BECKER
étonnamment restée inconnue en tait pour elle qu’une seule voie, explique Julia 1876 Naissance à Dresde
France, c’est ce que propose le musée Garimorth, commissaire de cette première dans un milieu bourgeois mais peu fortuné.
d’Art moderne de la Ville de Paris. Sa peinture ? rétrospective parisienne, suivre son art et aller 1888 Sa famille s’installe à Brême.
Forte, rugueuse, proche de l’expressionnisme, de l’avant. Et comme elle n’avait pas de public, 1898 Quitte Berlin, où elle étudie l’art,
jalonnée – entre quelques paysages et natures tout était possible.» Paula Modersohn-Becker, pour Worpswede (Basse-Saxe),
mortes – de très nombreux portraits de femmes c’est aussi une vie romanesque qui a passionné où vit et travaille une colonie d’artistes.
et d’enfants, et qui semble tendre inexorable- l’écrivain Marie Darrieussecq, auteur d’une bio- 1899 Premiers tableaux et première
ment vers le cubisme. Morte prématurément à graphie française inédite et instigatrice de cette exposition, à la réception critique désastreuse.
l’âge de 31 ans, en 1907, juste après avoir donné exposition révélation. Rencontre. 1900 Voyage à Paris.
naissance à sa fille, Mathilde, Paula Modersohn- 1901 Épouse le peintre Otto Modersohn.
Becker n’aura pas eu le temps d’aller plus loin 1906 Souhaite s’installer définitivement
vers cette avant-garde qu’elle découvre lors de à Paris après avoir quitté son mari.
ses séjours parisiens. Cézanne, bien sûr, mais Comment avez-vous découvert cette femme 1907 Enceinte, elle retourne à Worpswede,
aussi Gauguin et son primitivisme ou encore peintre encore totalement méconnue en auprès de son mari, où elle meurt en novembre.
Rodin, qu’elle admire pour son anticonfor- France? 1927 Ouverture de son musée à Brême.
misme, résonnent dans bon nombre de ses Par hasard. Un jour, j’ai reçu par courriel l’an-
tableaux. Les deux dernières années de sa vie, où nonce d’un colloque de psychanalyse sur la
elle parvient à se consacrer presque exclusive- maternité, illustrée par une image de femme nue
ment à sa peinture, sont aussi les plus fortes, allongée, allaitant son enfant. Cela m’a tout de
celles au cours desquelles elle parvient à affirmer suite interpellée. J’ai alors pensé : voilà donc Nu enfantin et cigogne
sa singularité lorsque son trait, plus vigoureux quelqu’un qui sait précisément quelle est la posi- Se méfier des apparences : ce tableau n’est pas
encore, se simplifie alors que la couleur explose. tion la plus confortable pour allaiter ! Sûrement un Gauguin mais un Paula Modersohn-Becker.
Elle y affirme aussi son extrême sensibilité, qui pas assise avec l’enfant sur les genoux, comme Les dernières œuvres de l’artiste allemande, morte
lui permet de retranscrire sur toile l’intériorité le figure notamment Picasso. Cette peinture prématurément, sont très marquées par cette veine
de ses sujets. Ce que son travail, inachevé m’était totalement inconnue et quand j’ai pris primitiviste. Ici, elle dépeint une scène étrange
comme l’est celui de Van Gogh, nous a laissé, conscience de sa date – 1906 – je l’ai trouvée avec cette jeune fille agenouillée – enceinte ? –
se prosternant dans une atmosphère exotique.
c’est aussi une ode à la femme : libre, sans affé- encore plus incroyable. J’ai donc fait quelques
À l’arrière-plan, une cigogne se dresse dans un paysage
terie, sans érotisation. Une peinture que peu de recherches. Puis j’ai creusé… Je suis allée visiter de marais, évocation de la campagne de Worpswede,
gens ont connue du vivant de l’artiste, créée en son musée en Allemagne, à Brême. Là, j’ai le village allemand où Paula vécut longtemps.
toute liberté, hors de toute commande – elle ne découvert sa peinture mais aussi son journal 1906-1907, huile sur toile, 73 x 59 cm.
94 Beaux Arts
EXPOSITION / PAULA MODERSOHN-BECKER
«HÉLAS, TOI QUI FUS LOIN DE TOUTE GLOIRE. TOI QUI FUS DE PEU D’APPARENCE ; QUI AVAIS
SANS BRUIT REPLIÉ TA BEAUTÉ EN TOI-MÊME, COMME ON BAISSE UN DRAPEAU AU MATIN GRIS
D’UN JOUR OUVRABLE, ET NE VOULAIS RIEN D’AUTRE QU’UN LONG TRAVAIL, – TRAVAIL
QUI N’EST PAS ACCOMPLI : NON, HÉLAS, PAS ACCOMPLI.» R. M. Rilke, Requiem pour une amie, 1908
intime et sa correspondance. Son amitié avec le Dans les écrits de Paula Modersohn-Becker, Woolf, ce qui était un travail assez complémen-
poète Rainer Maria Rilke, à qui je m’intéresse tout est très factuel : sa vie est magnifique et on taire. J’avais beaucoup de matériau, il fallait que
depuis longtemps, sa mort en couches, cette la connaît dans les moindres détails. Il est pos- je trouve une structure mais je n’avais pas à tout
tension entre conjugalité et art, mais aussi entre sible de romancer la vie de Frida Kahlo mais pas sortir de moi-même comme pour un roman.
la maternité sans cesse repoussée et la création, celle d’une femme que personne ne connaît en
entre la solitude et le couple... Tous ces sujets France. Je me suis donc rendue à cette évidence De là est né un projet d’exposition?
traversent mes romans. Il y avait quelque chose qui était aussi une contrainte pour moi car, Je me suis aperçue que raconter sa vie ne serait
de poignant, de profondément inachevé dans a priori, ce n’est pas mon truc ! Cette biographie pas suffisant, qu’il fallait aussi montrer ses
son œuvre qui me touchait beaucoup. Paula a donc constitué une pause dans mon travail, tableaux, sinon cela n’avait pas de sens. Mais je
Modersohn-Becker était pour moi ! alors que j’avais entrepris un roman sur les ne sais pas faire une exposition ! Alors je suis allée
migrants et que j’avais l’impression d’être débor- voir différents musées. Et l’idée a plu à Fabrice
Alors que vous êtes romancière, pourquoi dée par l’actualité. J’ai travaillé en même temps Hergott, le directeur du musée d’Art moderne
l’avoir abordée sous l’angle biographique? à ma traduction de Un lieu à soi de Virginia de la Ville de Paris. Paula était dans l’air car il y
96 Beaux Arts
PAGE DE GAUCHE
Mère allongée avec un enfant II
L’une des œuvres les plus fortes
de Paula Modersohn-Becker, peinte
à Paris au cours de sa période créative
la plus intense. Une mère couchée
allaitant son enfant, tous les deux nus.
Tout simplement. Sans érotisme
ni misérabilisme.
1906, huile sur toile, 82,5 x 124,7 cm.
CI-CONTRE
Petite fille nue assise, jambes
repliées I – Elisabeth Modersohn
Même sobriété et même force dans ce
portrait nu de Lisbeth, fille d’un premier
lit de son époux Otto avec qui Paula
avait une relation presque maternelle.
Les portraits d’enfants, souvent
mélancoliques, furent l’un des sujets
de prédilection de l’artiste.
1904, huile sur toile, 68 x 57 cm.
pas tout à fait juste. Le choix de lettres qui a été sont jeunes, beaux, vivent dans un petit village en
fait à l’époque par sa mère est un peu mièvre, Allemagne, pratiquent le naturisme… Rilke et
sans aspérités. En Allemagne, Paula Paula se retrouveront plus tard, lorsqu’elle aura
Modersohn-Becker fait partie du paysage affec- quitté son mari. Pendant un an, ils renoueront
tif, peut-être avec une certaine condescendance. une amitié magnifique. C’est seulement à ce
Mais elle est aussi la première femme à y avoir moment qu’il découvre sa peinture, en parle à un
eu son musée. Il a ouvert en 1927 à Brême grâce mécène, la dépanne financièrement. Sa mort
à un mécène, l’inventeur du café décaféiné, Lud- prématurée, en 1907, interrompt cela. Il lui
wig Roselius ; ce qui fait aussi d’elle le premier consacre alors un texte poignant, Requiem pour
artiste majeur de la modernité à avoir eu son une amie. Toutefois, il est vrai qu’après il l’oubliera.
musée, après Toulouse-Lautrec en France, en Interrogé sur son travail dans les années 1920 par
1922 ! En Allemagne, autour d’elle a évolué un un universitaire, il aura la désinvolture de
groupe de mécènes qui a compris très tôt la sin- répondre qu’il ne le connaît pas.
gularité de son projet et son inachèvement.
Comment a été perçue sa peinture?
Le poète Rainer Maria Rilke est un person- Très mal ! De son vivant, elle n’a été exposée que
avait déjà eu des projets précédents, et le fait nage clé de sa vie, avec qui elle a noué une deux fois mais les commentaires ont été assas-
que j’arrive comme écrivain a achevé de les relation ambiguë. Quelle en était la nature sins. La première fois, à Brême, un critique a dit
convaincre. Avec Julia Garimorth, commissaire exacte? avoir eu envie de vomir. La seconde fois, Gustav
de l’exposition, nous avons voulu proposer une Entre eux, il existe une espèce de relation d’ami- Pauli, le directeur de la Kunsthalle de Brême, a
exposition différente de celle qui avait été pré- tié amoureuse, apparemment jamais consom- plaidé sa cause, écrivant qu’il fallait essayer de la
sentée en 2014 à Copenhague, en l’axant davan- mée. En 1902, lorsque Rilke écrit sur la colonie regarder car elle avait du talent. Paula peignait
tage sur le portrait car c’est dans ce domaine que d’artistes de Worpswede, où ils se sont rencon- sans public : personne ne voyait ce qu’elle faisait
Paula Modersohn-Becker excelle. Son œuvre trés, il n’a pas encore compris son travail. Il sait à l’exception de son entourage, qui trouvait cela
est incroyablement importante pour une à peine qu’elle peint et n’a vu d’elle que quelques mauvais. Otto Modersohn, son mari, lui-même
femme morte à 31 ans : en tout, un millier de dessins. À ce moment, c’est d’abord un désir éro- peintre, ne la comprenait pas davantage. Il était
tableaux et dessins – il en reste à peu près 700, tique qu’il ressent. Il est d’ailleurs aussi attiré par fou d’elle, mais plus elle a développé son art et
beaucoup ayant disparu pendant la guerre. sa meilleure amie, Clara Westhoff, qui est sculp- plus elle l’a terrifié dès lors qu’elle a peint «des nez
teur. Pendant quatre mois, en 1900, Paula flirte en épis de maïs et des mains comme des cuillers»,
Paula Modersohn-Becker est-elle très outrageusement avec lui puis elle lui apprend comme il l’a écrit. C’était un homme qui adorait
connue en Allemagne? qu’elle est fiancée à un autre peintre de la colonie, Puvis de Chavannes et qui ne comprenait pas
Oui, son journal et sa correspondance, publiés Otto Modersohn. Pour Rilke, c’est un choc et il Monet. À ses yeux, l’impressionnisme était de la
dès 1916 à l’initiative de sa mère, Mathilde, y finira par épouser Clara, un peu par dépit. Leurs peinture «à la montre», trop rapide, alors que lui
sont un best-seller depuis cent ans. Mais ils lettres, qui décrivent ce ballet amoureux, sont aimait à passer des heures dans les marais de
donnent d’elle une image très romantique, celle très amusantes. En même temps, tout cela est Worpswede pour les peindre. Otto ne compre-
d’une artiste sacrifiée, ce qui à mon sens n’est très banal : l’éternel triangle de la séduction. Ils nait pas la modernité. Paula l’a comprise.
Beaux Arts 97
EXPOSITION / PAULA MODERSOHN-BECKER
98 Beaux Arts
Italienne nue en buste, tenant
une assiette dans sa main levée
Vers la synthèse des formes.
Si cette sculpturale Italienne rappelle
les Tahitiennes de Gauguin jusque
dans son geste d’offrande, elle évoque
aussi l’évolution, en parallèle,
de l’art de Picasso. Contemporains,
les deux artistes ne se sont pourtant
jamais rencontrés et Paula mourra
en 1907, avant la naissance du cubisme.
1906, huile sur toile sur panneau
de fibres dures, 55 x 38 cm.
HOMMAGE
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C la u de Pa s 1980.
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IL AIMAIT LA VITESSE, ROULAIT EN ROLLS, PORTAIT NŒUDS PAPILLONS ET ROUFLAQUETTES ET A FAIT
VIVRE SA FAMILLE DANS UNE MAISON AUX PLANCHERS INCLINÉS. PROVOCATEUR ET NOVATEUR, L’AR-
CHITECTE CLAUDE PARENT EST MORT LE LENDEMAIN DE SON 93e ANNIVERSAIRE. RETOUR SUR LE PAR-
COURS DE TRAVERSE D’UN GRAND BÂTISSEUR, MAÎTRE À PENSER DE JEAN NOUVEL OU ZAHA HADID.
L
a vague d’hommages venue saluer la dis- confrères ne juraient que par le logement social, Ferrari ou Bentley. «Quand je passais en Rolls,
parition, le 27 février dernier, de l’archi- il édifia deux centrales nucléaires ainsi que j’entendais les gens dire : tiens, c’est la mafia.»
tecte Claude Parent a révélé combien ce quelques supermarchés, temples alors d’un Fils d’un ingénieur lyonnais dessinateur, au pic
personnage singulier suscitait la sympathie. Au- consumérisme honni. Catalogué comme inclas- des Années folles, d’un prototype de voiturette,
delà de ses réalisations et de sa fameuse théorie sable, dressé au croisement d’une bohème chic excellent élève mais nul en maths, il dut renon-
de la fonction oblique, c’est son humour perma- et d’une posture jugée réactionnaire, il dut che- cer à Polytechnique pour se consacrer à la caté-
nent, son autodérision salutaire et la solidarité miner seul. gorie la plus «sérieuse» des beaux-arts : l’architec-
qu’il afficha sans cesse envers ses plus jeunes ture. Passionné de vitesse et d’accélération, il se
confrères qui semblent avoir marqué ceux qui «LA FONCTION OBLIQUE IMPOSE lança dans la carrière, fut élève d’un tribun de
l’ont connu ou tout juste approché. Si l’on peut DE REPENSER LE VESTIAIRE» l’époque, Joël Lemaresquier, fit ses classes chez
parler de bonté, elle se matérialisa chez lui sans Il est vrai que Claude Parent était un homme à Le Corbusier avant de voler de ses propres ailes.
répit dans ses rapports humains. Pourtant, il fut part, épris de rigueur et plus encore d’élégance. Pas longtemps, car sa rencontre avec le philo-
loin d’être toujours en odeur de sainteté. Dans Celle-ci se manifesta dans son coup de crayon, sophe verrier Paul Virilio fut déterminante.
les années post-soixante-huitardes, il fut même brutaliste et charbonneux, ainsi que dans ses Ensemble, ils élaborèrent la théorie de la fonc-
mis au ban de la société des architectes pour rouflaquettes, ses costumes à rayures de ban- tion oblique. Comme le résume Jean Nouvel,
avoir poursuivi une œuvre sulfureuse. Quand ses quier et ses automobiles de luxe – Jaguar E, qui fut le collaborateur de Claude Parent, elle
consistait à placer les gens dans une situation Maison de l’Iran de la Cité universitaire à Paris, De là à les croire militaristes, il n’y avait qu’un
spatiale inédite, sur un plancher incliné. Ainsi une structure en acier noir soutenant, par le pas, qui fut franchi au pas de charge.
devait-on se tenir dans une attitude dynamique, haut, tout le bâtiment. Noir et blanc, l’édifice Le plus surprenant pour ce personnage hors
obligé de résister à l’attraction terrestre, à la glis- est fouetté par des escaliers comme tracés au norme, résidant à Neuilly, fréquentant les plages
sade. Chloé, la fille de Claude Parent, se souvient fusain. Quand il fut question d’en modifier l’as- de l’Atlantique, bien élevé mais signant des
que, enfant, les planchers de l’appartement fami- pect, une pétition virale vint prendre avec suc- ouvrages aux titres fanfarons tels que l’Architecte
lial étaient réellement inclinés. Claude Parent cès sa défense. Longtemps rejeté par ses pairs, bouffon social, ce fut d’être finalement adoubé par
devait reconnaître que tout n’y était pas d’un Parent était désormais plébiscité par ses fils. l’Académie des beaux-arts. Il y entra en 2005.
confort absolu. «Par exemple, disait-il, assis sur L’épée au côté, en costume et bicorne, lui qui
un plan incliné, on sent son pantalon remonter UNE ÉGLISE RÉALISÉE AVEC PAUL VIRILIO avait bousculé les traditions se retrouvait sous
et c’est très pénible. La fonction oblique impose Briseur d’idoles, Claude Parent se fit remarquer la Coupole. Palmes académiques, Légion d’hon-
de repenser aussi le vestiaire.» avec un bâtiment cultuel, l’église Sainte-Berna- neur (officier puis commandeur), il dut suppor-
Claude Parent signa quelques maisons magni- dette de Nevers qu’il signa, en 1966, avec Paul ter les breloques qu’on lui décerna par poignées.
fiques, dont celle d’André Bloc à Antibes. En Virilio. Au sortir de la guerre et pour en dénon- Il s’en moquait, toujours prêt à lâcher un bon
1996, le pavillon français de la biennale de cer les abominations, ils édifièrent une église aux mot, à faire un croche-patte aux convenances
Venise, sous la houlette de Frédéric Migayrou, allures de bunker. L’incompréhension fut totale. qui se révélerait bientôt comme une intuition
lui tira, enfin, un coup de chapeau mérité. Son On les traita de nazis quand ils se rendirent à un géniale et généreuse. Q
influence en creux sur toute l’architecture fut colloque en Angleterre. Une photo de l’époque
alors rendue manifeste. Aujourd’hui, on peut la montre Parent et Virilio assis dans une Jeep
> On peut réécouter sur le Net les cinq entretiens réalisés
discerner chez Zaha Hadid comme chez Sanaa. frappée de la formule Architecture principe, le pour France Culture fin 2012 par Philippe Trétiack dans le cadre
De Claude Parent, on peut admirer la superbe nom de code de la théorie de la fonction oblique. de l’émission «À voix nue» sous le titre «Je penche donc je suis».
LES NOUVELLES
EXCENTRICITÉS
DES ARTISANS
D’ART
PLUMASSIERS, GUILLOCHEURS, TAXIDERMISTES, FEUTRIERS, CÉRAMISTES… DANS TOUS LES
DOMAINES, UNE NOUVELLE GÉNÉRATION D’ARTISANS INNOVE ET TENTE LES EXPÉRIENCES LES PLUS
EXTRAVAGANTES. ENQUÊTE SUR UN SECTEUR, LONGTEMPS JUGÉ RINGARD, EN PLEINE RÉVOLUTION.
PAR FRANÇOISE-ALINE BLAIN
M
eurtre au Palais de Tokyo à Paris. graphe, photographies décorées par une bro- partenariat avec la fondation Bettencourt
L’arme du crime ? Une dague d’environ deuse : la trentaine d’artistes et d’artisans expo- Schueller. Un deuxième opus qui révèle la
45 cm dont le manche est un moulage sés renouvellent le dialogue entre art et artisanat contemporanéité d’un monde longtemps consi-
en argent de vertèbres de serpent. L’objet, réa- d’art. «Avec cette exposition, je montre deux déré comme poussiéreux et moribond.
lisé par Jean Noël Buatois, coutelier lauréat du mondes qui se désirent. Les échanges entre
prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de l’art et les métiers d’art ont toujours été 281 MÉTIERS D’ART EN FRANCE
la main, est l’un des éléments clés de l’exposi- féconds et inventeurs de modernité, souligne Les métiers d’art reviennent de loin. Taxider-
tion «Double Je». Imaginé par Jean de Loisy, le Jean de Loisy. Il n’est qu’à voir le mouvement mistes, malletiers, guillocheurs, céramistes, feu-
directeur du centre d’art, à partir d’un polar de Arts & Crafts ou les avant-gardes du début du triers…, la France en compte aujourd’hui 281
Franck Thilliez, l’événement met en scène l’uni- XXe siècle comme le Bauhaus ou le construc- – un véritable inventaire à la Prévert – pour
vers de deux artisans-créateurs dans un décor tivisme pour s’en convaincre.» Après «L’usage 38 000 entreprises et un chiffre d’affaires de huit
de cinéma façon Cluedo. Casque orné par un des formes» en 2015, le Palais de Tokyo pour- milliards d’euros. Héritier d’une longue tradi-
plumassier, voiture taguée par un peintre-aéro- suit donc son exploration des métiers d’art, en tion de savoir-faire remontant au Moyen Âge
voire à l’Antiquité, le secteur a longtemps été
marginalisé, coincé entre l’art et l’industrie. À la
fin du XIXe et au début du XXe siècle, ces
métiers ont pourtant connu leur heure de gloire
avec l’avènement en Angleterre du mouvement
Arts & Crafts, qui cherchait à décloisonner les
genres. En France, l’Art nouveau puis l’Art déco
dans les années 1920 leur ont donné un nouvel
essor international. Après la Seconde Guerre
mondiale, le secteur est tombé en désuétude,
JEAN NOËL BUATOIS
Dague Komon jusqu’à devenir ringard. C’est l’époque où la
Le coutelier a mis au point un nouveau processus de fabrication en 2008, le «Damas organique».
société française se transforme et entre de plain-
Son travail d’artisan-créateur doit, selon lui, « résoudre la fonction, l’ergonomie, l’esthétique». pied dans la modernité, «marginalisant progres-
2011, acier damassé organique, motif «montagne lointaine», 750 pièces, 51 x 5 cm. sivement ces savoir-faire traditionnels», précise
MAXIME LEROY
PLUMASSIER
Mettre la plume là où on ne l’attend pas. Sur un casque
de moto, des vélos, des sneakers et même sur une voi-
ture. «On peut tout faire, c’est illimité», explique Maxime
Leroy (26 ans). C’est au lycée professionnel des métiers
de la mode Octave Feuillet, le seul établissement en
France à proposer une formation en plumasserie, que
Maxime a découvert la magie de ce matériau. Aujourd’hui, avec sa propre maison
de plumasserie M. Marceau, il façonne des textures inattendues pour la haute
couture (Jean Paul Gaultier) mais aussi pour la marque Sacco Baret. Son credo :
«Montrer que ce savoir-faire n’est pas figé et qu’il peut s’appliquer au monde
d’aujourd’hui.» Un pari réussi, à découvrir au Palais de Tokyo.
www.m-marceau.com
¾ Robe papillon réalisée dans l’atelier de Maxime Leroy
Dita von Teese en Jean Paul Gaultier haute couture printemps-été 2014.
FLORIE DUPONT
JOAILLIÈRE
Elle propose des bijoux aux frontières de l’art
contemporain et du design. Diplômée de la Gerrit
Rietveld Academie d’Amsterdam et de la Haute École
d’art et de design de Genève (Head), la Française
Florie Dupont (née en 1984) travaille aussi bien le
moulage et la cire que la technique du sertissage,
très liée à la haute joaillerie. Sa première collection, «The Remains Collection»,
était «nourrie par l’univers des embaumeurs et la préparation des cadavres».
Aux Arts décoratifs à Paris, elle présente «The Vanitas Collection», des bagues
squelettes et des colliers crânes d’oiseaux en métaux précieux et pierres fines.
«Une réflexion sur la vulnérabilité et l’éphémère des corps», dit-elle.
http://floriedupont.com
¾ Turtle Ring, 2015, perle naturelle, argent plaqué rhodié 925, zirconium.
Marie-Hélène Frémont, directrice générale de train de régénérer deux domaines essentiels l’Intelligence de la main, qui a récompensé non
l’Institut national des métiers d’art (Inma). Avec de la création contemporaine.» moins de 91 lauréats en dix-sept ans. Un rôle pré-
en toile de fond «le mépris affiché à l’encontre Mais que s’est-il passé pour que surgisse un tel curseur. «Quand nous nous sommes engagés, il
des métiers manuels qui a eu aussi pour effet de engouement ? Pourquoi maintenant ? Selon y a eu quelques réticences. Le secteur souffrait
pénaliser un peu plus le secteur», indique Serge Éric-Sébastien Faure-Lagorce, historien de d’une image un peu ringarde. Pourtant, il méri-
Nicole, président d’Ateliers d’art de France, le l’art et commissaire de l’exposition «L’em- tait beaucoup mieux qu’un simple regard
syndicat professionnel des métiers d’art, qui preinte du geste» aux Arts décoratifs à Paris, dépréciateur. La France est en effet l’un des
fédère 6 000 artisans. Le tableau n’est guère «ce renouveau est très lié aux mutations rares endroits où les savoir-faire sont restés très
réjouissant. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, actuelles de la société et aux enjeux du déve- présents. Un secteur qui entre en résonance pro-
on assiste à un changement de tendance. Plébis- loppement durable. Ces métiers, à la croisée fonde avec les attentes du pays, générateur de
cités par le public et les institutions, les métiers du beau et de l’utile, nous ramènent au geste créativité et d’innovation», souligne Olivier
d’art font un retour en force, aidés en cela par essentiel de la main. Ils véhiculent des valeurs Brault, directeur général de la fondation. Si les
l’image valorisante véhiculée par les maisons de d’authenticité, de passion, d’humanité. Ils premières actions visaient à mettre en lumière
luxe comme Chanel ou Hermès qui font vivre mettent en avant une autre façon de produire, les savoir-faire, des programmes plus concrets
des savoir-faire d’exception. «Depuis quelques de consommer et un rapport plus authentique ont également vu le jour, portant sur la forma-
années déjà, on observe un fort regain d’intérêt à l’objet.» tion, la production ou la transmission : partena-
de la part des bacheliers issus de la filière géné- riat avec l’école Boulle, création de la chaire
rale ou d’étudiants dotés d’un cursus universi- CRÉATIVITÉ ET INNOVATION «Innovation & savoir-faire» à l’École nationale
taire. Dans les établissements d’arts appliqués Un revival qui doit aussi beaucoup aux actions supérieure des arts décoratifs à Paris (Ensad),
et les écoles d’art, on enregistre ainsi une menées sur le terrain par les institutions financement des programmes de résidences de
demande croissante de travail de la matière», publiques et privées. Aux côtés de l’Inma et des la Villa Kujoyama à Kyoto, désormais ouverte
résume Marie-Hélène Frémont. Signe des Ateliers d’art de France, très actifs pour la recon- aux métiers d’art, ou soutien au dispositif de
temps, les artistes et les designers s’emparent de naissance de la dimension créative des métiers maître d’art créé par le ministère de la Culture,
l’artisanat. «Une nouvelle génération renoue d’art, la fondation Bettencourt Schueller appa- etc. Avec un budget de 3,6 M€ (pour le premier
avec des techniques délaissées telles que celles raît comme l’un des acteurs essentiels du sec- semestre 2016), l’action de la fondation s’inscrit
du verre, de la céramique ou du textile, à l’instar teur. Depuis 1999, la toute première fondation dans la pérennité. Une initiative exemplaire, qui
du duo Dewar & Gicquel, prix Marcel Duchamp, philanthropique privée de France valorise ces a ouvert la voie à d’autres projets. Outre le
rappelle Jean de Loisy. Cette curiosité est en métiers via le prix Liliane Bettencourt pour Comité Colbert, très engagé en faveur des liens
MATÉRIAUX HYBRIDES
ET TRAVAIL COLLABORATIF
Un secteur qui a vu apparaître une génération
d’artisans d’un genre nouveau. Nés avec le web
et le développement durable, ces profils, plus
créateurs que façonniers, renouvellent la tradi-
tion en inventant leurs propres techniques et en
maîtrisant l’ensemble du processus, de la
conception à la réalisation des objets. «Des
jeunes qui n’ont plus aucun tabou», note Marie-
Hélène Frémont, de l’Inma. À l’instar de Dimitry
Hlinka, récent diplômé de l’école Boulle. Ce lau-
réat du prix Avenir Métiers d’art de l’Inma uti-
lise le potentiel des technologies numériques
pour créer des matériaux hybrides associant le
liège et la pierre, ainsi que des objets (mobilier,
maroquinerie…) aux frontières du design, de
l’ébénisterie et de la marqueterie. Fascinés par
les savoir-faire et le beau geste, «ces néoartisans
misent sur l’interdisciplinarité et sont adeptes
de l’économie du partage, de la mutualisation
des compétences et du travail collaboratif», note
Nicolas Rizzo, responsable du développement
à l’Inma. Des pratiques qui ont bouleversé le
secteur et réinventé les métiers. Mixant DIY
(Do It Yourself) et «détournements dans l’esprit
du hacking», ils se sont lancés dans les fab labs,
lieux de création et de fabrication numérique,
et le «comaking» comme WoMa, une fabrique
parisienne de quartier, ou le Paris Print Club. MATHIEU MILJAVAC
Situé dans le XVIIIe arrondissement de la capi- TAXIDERMISTE
tale, ce collectif, issu notamment de l’école
Estienne, réunit tous les corps de métiers liés à C’est «l’art de traiter et de conserver les peaux des animaux morts tout en leur
redonnant l’apparence de la vie» : la taxidermie fait depuis quelques années
l’édition (sérigraphe, graphiste, lithographe,
un come-back remarqué dans l’art contemporain. Styliste de formation,
typographe, relieur, etc.). À la fois atelier, galerie
Mathieu Miljavac a appris sur le tas auprès d’un maître en Écosse. «J’ai adoré
d’art et lieu de formation, Paris Print Club dès les premières minutes. C’est beaucoup moins gore que ce que l’on ima-
explore de nouvelles voies de collaboration et gine.» Au-delà de la technique et du geste, qu’il maîtrise parfaitement, Mathieu Miljavac propose des
de production. À l’image d’une génération qui installations à la fois oniriques, minimalistes et décalées qui renouvellent le genre. Aux Arts décoratifs à
transforme les savoir-faire, bouscule les liens Paris, il met en scène des bouquets de pigeons colorés insérés dans des structures métalliques. Une
entre l’artisanat, l’art et le design, et essaie, au- façon de transfigurer le banal.
delà des difficultés liées à la crise, d’élargir son www.mathieumiljavac.com
horizon en pensant le futur autrement. Q ¾ Red and Yellow Burst, 2015, trois pigeons naturalisés montés sur tige en acier.
2SHQ*UḊ
WL
Inscriptions : charlotte.regnault@gmail.com
Logistique et suivi : isaacparis@gmail.com *DOHULH0DWKJRWK (16$'LMRQ
Organisation : cedric.naimi@gmail.com 34, rue Hélène Brion - 75013 Paris 3 Rue Michelet - 21000 Dijon
www.appea.fr Tél. : 01 40 10 15 86 www.mathgoth.com www.ensa-dijon.fr
CHRISTELLE TÉA Portrait d’Antoine de Galbert, président de la Maison rouge et collectionneur d’art, 2015
> À voir du 1er au 3 avril au Corner Illustrateurs de la foire DDessin à Paris.
3 AU LUXEMBOURG,
LE CASINO FÊTE SES 20 ANS
En deux décennies, il a accueilli des centaines d’expos et attiré plus
de 410 000 visiteurs. Vingt ans jour pour jour après sa création en 1996,
le centre d’art contemporain Casino Luxembourg rouvrira ses portes le 22 mars
après trois mois de travaux. Renouant avec la notion de «forum», le lieu a été
réaménagé de manière à le rendre plus fluide. Le premier étage a notamment
abandonné sa scénographie en «white cubes» pour laisser la place à un seul
grand espace. La cuisine et le grenier de l’ancien casino, jusqu’alors inaccessibles,
WILLEM Sans titre, non daté ont également été aménagés en salles d’exposition. Au rez-de-chaussée,
1
une BlackBox dédiée à la vidéo vient s’ajouter à la programmation. En ouverture,
WILLEM À LA BNF ! une exposition Lara Almarcegui (jusqu’au 4 septembre). www.casino-luxembourg.lu
Grand Prix d’Angoulême en 2013, le dessinateur de presse et auteur de BD
Willem, 74 ans, fait son entrée à la Bibliothèque nationale de France (BnF).
Il cède, contre un montant non divulgué, l’ensemble des originaux de son œuvre,
de ses premiers essais en 1949 à aujourd’hui, ainsi que ses archives «afin qu’elles
ne soient pas dispersées». Soit plus de 25 000 dessins. L’artiste, qui continue
à travailler pour Libération, Charlie Hebdo et Beaux Arts magazine, s’est par ailleurs
engagé à offrir toute son œuvre à venir. Ses dessins viennent rejoindre une
collection riche de plus de 400 dessinateurs de presse, de Daumier à Wolinski.
www.bnf.fr
4 LA FONDATION GIACOMETTI Le 11 janvier 1966, Alberto Giacometti disparaissait à l’âge de 64 ans. À l’occasion des 50 ans de sa mort,
MISE SUR L’INTERNATIONAL la fondation Giacometti lui rend hommage avec un programme international d’expositions. Un tour du monde
qui passera par le Yuz Museum de Shanghai (du 22 mars au 31 juillet), le musée Mohammed VI de Rabat
www.fondation-giacometti.fr au Maroc (du 18 avril au 4 septembre) et la Tate Modern de Londres, pour une rétrospective majeure.
Dans la foulée, la fondation annonce l’ouverture en 2017 de l’Institut Giacometti, à la fois espace d’exposition
et lieu de recherche, situé près de l’atelier historique de l’artiste dans le XIVe arrondissement de Paris.
04
AVRIL
100% EXPO
25.03 10.04.2016
Le Fresnoy / Lukas Truniger, Déjà entendu
lavillette.comU 87<:ÞßÛ;
'ÝØàß:ëßà53ÝÛÐ!ß711:ß=ãà55ß67ÛÐåßà5ß57<1ÝÐ
æÝ<5àÛß <:Ûàß:$Ý:0àÛÐ 5£6ßÛÞßèßà55ßÜÐ
ãßï:ßÜÛ7=Pè;<0à7ÛÝ;à7ÛÝ50ßÜÝ:;Ü
Þ7Û;ß687:ÝàÛÜÐçàá4ÜÝ4Ý0ß6àß0Õ6Ü;ß:0am…
Le musée du mois
Les travaux ont permis au musée de gagner en lumière avec ses vastes parois de verre.
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A/7<B3
6p:Ê<3
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23:/
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musee-armee.fr
MINISTÈRE
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET DU DÉVELOPPEMENT
INTERNATIONAL
MINISTÈRE
DE LA DÉFENSE
MINISTÈRE
DE LA CULTURE
ET DE LA COMMUNICATION
En vue de la préparation du
catalogue raisonné de l’œuvre
de Victor VASARELY (1906-1997),
Pierre VASARELY, titulaire du
droit moral et légataire universel
du plasticien, membre de
l’Union Française des Experts,
invite toute personne ou
institution possédant des
œuvres ou des documents
à prendre contact avec la
Victor Vasarely, Annet-sur-Marne, 1970
FONDATION VASARELY
Jas de Bouffan
13090 Aix-en-Provence - France
contact@fondationvasarely.org
www.fondationvasarely.org
MUSÉES / Expositions
PARIS FONDATION RICARD DU 22 MARS AU 7 MAI
j%PWF"MMPVDIFm.FBDVMQBEVOTDFQUJRVFvr SVF#PJTTZE"OHMBT
rrXXXGPOEBUJPOFOUSFQSJTFSJDBSEDPN
Nombre Cumul
EXPOSITIONS Lieux d’entrées des
par jour entrées
ANALYSE
Lucien Clergue Grand Palais,
822 65 755
Le fondateur des Rencontres d’Arles, premier photographe à entrer à l’Académie des beaux-arts,
Du 14 novembre au 15 février Paris n’a pas fait recette. On est loin des 158 891 visiteurs de l’exposition Mapplethorpe en 2014.
Warhol Unlimited Musée d’Art moderne
2 285 246 771
Warhol fait du bien au musée d’Art moderne. C’est d’ailleurs le seul, parmi les quatorze musées de la Ville de Paris,
Du 2 octobre au 7 février de la Ville de Paris qui a connu l’an dernier une fréquentation en hausse de 13,64 % (669 000 visiteurs).
24 mars - 7 mai
GALERIE BERTHET-AITTOUARES
14 RUE DE SEINE 75006 PARIS
www.galerie-ba.com +33(0)143265309
MUSÉES / Expositions
ROCHECHOUART CHÂTEAU
Jusqu’au 12 juin
Et aussi… par Stéphanie Pioda
E
Universal», du 5 février au 28 mars 2016.
n Suisse, derrière le paysage, les montagnes et les lacs tant «Dadaglobe», le Kunsthaus ressuscite le projet fou de Tzara, qui www.nationalmuseum.ch/landesmuseum
célébrés, se cachent des villes pleines d’art et d’histoire, s’attela à un recueil mondial de Dada, jamais publié, tandis que
Au musée Rietberg : «Dada Afrika», du
accessibles et accueillantes, qui appellent à grands cris au «city le Musée national suisse, avec «Dada Universal», fait revivre 18 mars au 17 juillet 2016. www.rietberg.ch
break»… Zurich, la cité la plus peuplée de la Confédération, est l’étonnant jeu de correspondances que prisait le mouvement en Au Haus Konstruktiv : «Dada Differently»,
un choix évident. Branchée, urbaine et design, polyglotte et gas- juxtaposant l’urinoir de Duchamp, un masque africain et un du 25 février au 8 mai 2016.
tronomique, elle invite au shopping et à la détente : en été, ses oiseau dodo… D’autres manifestations – comme «Dada Diffe- www.hauskonstruktiv.ch
fameux badis (bains publics le long de la rivière) lui donnent une rently» à Haus Konstruktiv qui met en lumière trois femmes de Manifesta 11 : du 11 juin au
étonnante touche de villégiature. Et la culture ? Elle n’est pas en proue de Dada – mais aussi de la danse, des concerts, des col- 18 septembre 2016. www.manifesta11.org
reste… Hiver 1916. «Dada !», crient de jeunes enragés en faisant loques –, vont remettre Zurich sur la carte du Dada. Par bonheur,
irruption dans les restaurants huppés. Et les bourgeois, saisis, nombre de lieux fréquentés par les iconoclastes de l’époque sont
laissent tomber leur cuillère dans la soupe… Un mouvement est encore là – les cafés Terrasse et Odeon, le restaurant Zunfthaus
né, qui allait marquer l’histoire de l’art. Rarement la Suisse aura zur Waag, le théâtre Kaufleuten. Et, bien évidemment, le cabaret
autant illustré sa vocation de terre d’accueil. Rien ne prédisposait Voltaire où tout commença… Charles Flours
GALERIES
LES 3 EXPOSITIONS DU MOIS
1 GALERIE DIX9
LE LIVRE SOUS TOUTES LES RELIURES
Il est manifeste, papyrus, bouche cousue ou monumentale saga… Le livre, en tant qu’objet
et matière première, est un motif redondant de l’art contemporain. Cette exposition en offre
une nouvelle preuve. Le voilà brodé par Sheila Concari, contraint à un silence de terre cuite chez
Paula de Solminihac, animé chez Nemanja Nikolic (qui évoque à travers ses images la Yougoslavie
de Tito) ou réduit à ses plus purs secrets, comme ces points finaux manuscrits qui concluent
une quinzaine d’histoires d’amour, recueillis par Sophia Pompéry chez des écrivains allemands.
Manuscrites, aussi, ces pages de la Disparition de Georges Perec qu’Anne Deguelle a fait recopier
à des élèves d’un collège, et qui s’offrent ici comme une seconde vie. Disparition, également, que
subit LE livre : la Bible, que Marie Aerts revisite en l’effaçant, ou le Coran dont Mehdi-Georges Lahlou
fait disparaître les versets sur des tablettes de bois de cèdre. Autant de digressions sur les menaces
qui pèsent sur l’esprit et la lettre en temps de numérique. Emmanuelle Lequeux
j.ÊNPJSFTEFMJWSFvKVTRVBVBWSJMr SVFEFT'JMMFTEV$BMWBJSFr1BSJT
rXXXHBMFSJFEJYDPN
2 GALERIE 1900-2000
DANS LE MONDE DE MAN RAY
Tout l’esprit surréaliste est là, résumé en une image : la couverture
du Gala Judex. Un événement destiné, en 1928, à célébrer la
fascinante actrice Musidora, héroïne des Vampires et du feuilleton
Judex réalisés par Louis Feuillade, et dont raffolaient tous les
surréalistes. Collage effectué sur un photogramme, il représente
le justicier à la cape noire qui fut l’un des premiers superhéros des
débuts du cinéma. Que Man Ray soit à l’honneur chez 1900-2000,
ce n’est guère une surprise, tant cette galerie a le don d’en dévoiler
sans cesse des merveilles. Mais l’ensemble réuni ici est d’une
exceptionnelle qualité. Ainsi de ces aventures d’un mannequin
de bois, déclinées en trois épisodes photographiques, ou de
ce rayogramme irradiant une pellicule, qui boucle la boucle. &-
1"6-"%&40-.*/*)"$Cloud White Book [série Library Books]
j.BO3BZvKVTRVBVBWSJMr SVF#POBQBSUFr1BSJT
rXXXHBMFSJFDPN
BRUXELLESr1JÍDFT
Pendant Art Brussels, Stéphanie d’Orglandes et Julia
Van Hagen créent une exposition itinérante intitulée
«4 Pièces», réunissant art contemporain et design
émergent, et présentée dans un hôtel particulier.
PARIS GALERIE Une sélection pointue et novatrice de ces défricheuses
GEORGES-PHILIPPE de talent où l’on pourra acquérir aussi bien une
& NATHALIE VALLOIS photographie déjantée de Valérie Belin qu’une lampe
dégoulinant de latex noir d’Aurélie Hoegy, ou encore
Jacques
Villeglé
«Opération quimpéroise» – Mairie annexe
de Penhars, Le Quartier, 2006
satisfaire au mieux ses artistes ? Comme bien tulé Pénélope, sur lequel il travaille entre 1950
d’autres, la galerie Vallois a décidé de se dédou- et 1954 avec Raymond Hains, mais qu’ils laissent 1"3*4r(BMFSJF-BVSFODF&TOPM
bler. À quelques encablures de son navire amiral, inachevé. Les deux complices avaient eu recours Alors que le Musée national d’histoire et d’art
ancré rue de Seine depuis vingt-cinq ans, elle à toutes sortes de techniques pour le composer : de Luxembourg lui consacre une exposition, la galerie
Laurence Esnol dévoile des dessins récents de
ouvre quasiment en face, au numéro 33, un nou- une machine à filmer munie de lentilles en verre
H. Craig Hanna. Artiste inclassable, brillant dessinateur
veau lieu, doublant la crémaillère d’un anniver- cannelé, du dessin animé, des collages, de la pein-
et subtil coloriste, il réussit le pari, en ce début
saire, et pas des moindres : les 90 ans de Jacques ture glycérophtalique… Restent aujourd’hui de de XXIe siècle, de faire basculer une peinture
Villeglé, doyen des artistes de la galerie et dernier magnifiques croquis et photos, enrichis ici de qui pourrait apparaître comme ultraclassique
monstre vivant du Nouveau Réalisme. Il essuie carnets de notes et extraits, qui racontent un dans un univers contemporain. La galerie soutient
les plâtres d’un espace flambant neuf, requinqué projet qui sut échapper au temps qui passe. E.L. l’artiste de façon exclusive depuis 2008.
par les architectes Jakob+Macfarlane (à qui l’on «H. Craig Hanna – Dessins» jusqu’au 16 avril
SVF#POBQBSUFr1BSJT
doit notamment la rénovation de la fondation
rXXXMBVSFODFFTOPMHBMMFSZDPN
Ricard et la Cité de la mode et du design).
Accompagnée d’un catalogue de prestige, édité
à 1 000 exemplaires, où de grands noms lui
1"3*4r(BMFSJF.BUIHPUI
Mademoiselle Maurice rêve du réveil de notre
rendent hommage (de Bernard Blistène à Nico-
monde occidental matérialiste anesthésié
las Bourriaud), cette exposition investit les deux
par l’individualisme. Et si l’on se reconnectait
adresses. Au 36, le délicieux plasticien renoue à la générosité de la nature, à cet équilibre qui était
avec l’arrachage des affiches lacérées qui l’avaient évident pour ces sociétés que, paradoxalement,
fait connaître dès les années 1950, et qu’il avait nous qualifions de «primitives» ? Pour ressentir
abandonnées à l’orée des années 2000. Sont cet élan, elle transforme la galerie en un espace
montrées ici les images nées de son exposition immersif envahi de ses silhouettes en origami,
au Quartier de Quimper, pour laquelle un gra- +"$26&47*--&(-3":.0/%)"*/4Pénélope, gros plan, une installation qui serait comme une parenthèse
phiste avait créé une affiche figurant l’artiste lui- séquence Ravenne dans la ville. La mutation peut commencer…
j+BDRVFT7JMMFHMÊm0QÊSBUJPORVJNQÊSPJTFvFUj+BDRVFT j.BEFNPJTFMMF.BVSJDFm3BJOCPX.VUBOU
même. Ce dernier l’a laissée vieillir quelque
7JMMFHMÊFU3BZNPOE)BJOTm1ÊOÊMPQFvEVBWSJMBVNBJ /BUJPOvKVTRVBVBWSJMr SVF)ÊMÍOF#SJPO
temps dans les rues, soumise au climat breton, FU SVFEF4FJOFr1BSJTr 1BSJTr
puis l’a lacérée en ne laissant plus apparaître son HBMFSJFWBMMPJTDPN XXXNBUIHPUIDPN
Depuis 1997, à 1h30 de Paris par l’A6, les grands noms de la céramique contemporaine.
CORINNE
MEURISSE
MARCHÉ Par Lucie Delubac
+&"/"6(645&%0.*/*26&*/(3&4
Portrait de Ferdinand-Philippe-Louis-Charles-Henri de Bourbon-Orléans,
duc d’Orléans
1844, huile sur toile, 74,5 x 60,5 cm.
&TUJNBUJPOÆé
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l’écologie, l’environnement, notre planète
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SIMÉON COLIN Cèdre fragment 2015, encre de Chine sur toile, 110 x 80 cm.
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Siméon Colin explore depuis longtemps le motif de l’arbre, et tout particulièrement
celui du cèdre, dont il travaille des fragments à la mine très fine.
Vu pour vous
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Inspiré par la culture vaudoue autant que par la recherche en biologie,
le travail d’une singulière autodidacte, à découvrir.
Vu pour vous
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Galerie Bernard Jordan, Paris AGNÈS THURNAUER Autoportrait 2014, crayons de couleur sur toile, 195 x 130 cm.
Prix : 1 800 € (format A4), 2 000 € (format 30 x 40 cm) Galerie Valérie Bach, Bruxelles Prix : 25 000 €
En hébreu, tohu-bohu signifie le désert et le vide. Un des leitmotive Un autoportrait qui laisse tout deviner, sauf le visage…
de cette grande dame de l’abstraction suisse. Une jolie provocation, et du Thurnauer tout craché.
74
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Paris • Galerie Claudine Papillon, Paris • Patrick Heide Contemporary Art, Londres • Galerie Catherine Putman,
Paris • Galerie Römerapotheke, Zürich • Thaddaeus Ropac avec Caroline Smulders, Paris - Salzbourg • Galerie
de Roussan, Paris • Galerie Sator, Paris • Semiose, Paris • Galerie Michael Sturm, Stuttgart • Galerie Suzanne
Tarasiève, Paris • Galleri Tom Christoffersen, Copenhague • Un-Spaced, Paris • Galerie GP & N Vallois, Paris •
Galerie Marine Veilleux, Paris • Galerie Vincenz Sala, Paris – Berlin • Galerie Wenger, Zürich • Xpo Gallery, Paris •
Galerie Zürcher, Paris - New York •
Vu pour vous
PIERRE-NARCISSE GUÉRIN [1774-1833] Portrait de jeune homme
Pierre noire et estompe, craie, 50 x 40 cm.
Galerie de Bayser, Paris Prix sur demande
L’un des dessins les plus rares et les plus grands, redécouvert l’an passé,
du peintre néoclassique. Il pourrait représenter l’un de ses élèves.
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Zao Wou-Ki, Hommage à Varèse - 25.10.64, huile sur toile, Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne.
Donation Françoise Marquet, 2015. © Zao Wou-Ki - 2015, ProLitteris Zurich
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La communion avec la nature est au cœur du travail de Bae Bien-U, actuellement exposé au château de Chambord. Le photographe coréen
réussit à figer la magie de la forêt de Kyung Ju et l’énergie vitale de ses pins, pour créer une atmosphère de méditation intense.
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74 rue Mazarine - 75006 Paris
www.galeriewaltman.com
MARCHÉ / Spécial Paris Art Paris
Vu pour vous
DAMIEN CABANES Deux chiens assis de face 2015, gouache sur papier, 114 x 200 cm.
Galerie Éric Dupont, Paris Prix : 8 000 €
Exposé en solo show, Damien Cabanes montre ses dernières peintures et gouaches.
Porté par la couleur, il représente le monde qui l’entoure. «Je ne m’intéresse pas
spécialement aux grands sujets de mon époque. [...] L’intensité émotionnelle picturale
ne vient pas de l’événement mais du regard que l’on pose dessus.»
MON ENTROPIE
22/04 AU 04/06/2016
Loo & Lou Gallery - Haut-Marais 20 rue Notre-Dame de Nazareth, Paris 3e www.looandlougallery.com
MARCHÉ / Spécial Paris Art Paris
CLAUDINE DRAI Sans titre 2015, papier de soie sur toile, 150 x 150 x 33 cm.
Galerie 111, Paris Prix : 65 000 €
Claudine Drai découpe des papiers Tengujo et de soie. Son travail aérien évoque
les fragilités intérieures. Même ses sculptures en bronze semblent frêles.
Plusieurs de ses œuvres ont rejoint d’importantes collections internationales.
Vu pour vous Après son triomphe dans l’exposition «Beauté Congo» à la fondation Cartier à Paris
(juillet 2015-janvier 2016), JP Mika dévoile ses dernières peintures, dans une explosion
de couleurs et d’énergie qui lui est caractéristique. Ambiance assurée.
Salon
vallée de la culture
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Leiko Ikemura Jusqu’au 30 avril BEAUVAIS et du Roi du monde Jusqu’au 29 mai Jusqu’au 9 octobre Manet, Renoir, Monet, Morisot...
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GALERIE LE FEUVRE DE LA TAPISSERIE LILLE NANTERRE Du 16 avril au 26 septembre
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Niele Toroni Jusqu’au 16 avril Leonor Antunes Jusqu’au 17 avril BWFOVF#FSUIFMPUr rNVTFFNBTTFOBOJDFPSH SÈTE
De quelques publications rDISEMZPOGS Charlotte Salomon – Vie ? ou Théâtre ? CRAC
GALERIE MARIE HÉLÈNE d’artistes – Collection du Cdla Rêver d’un autre monde – Jusqu’au 24 mai RVBJ"TQJSBOU)FSCFSr
DE LA FOREST DIVONNE Jusqu’au 30 avril Représentations du migrant dans l’art
SVFEFT#FBVY"SUTr Guan Xiao Jusqu’au 7 mai contemporain Jusqu’au 29 mai VILLA ARSON DSBDMBOHVFEPDSPVTTJMMPOGS
rHBMFSJFNIMGEDPN Why not Judy Chicago? BWFOVF4UFQIFO-JÊHFBSEr Emma Dusong Jusqu’au 24 avril
Alexandre Hollan Jusqu’au 30 avril Jusqu’au 4 septembre MAC rWJMMBBSTPOPSH Philippe Ramette/Philippe Durand/Olga
$JUÊJOUFSOBUJPOBMFr RVBJ$IBSMFT Paper Tiger Whisky Soap Theatre Kisseleva Jusqu’au 29 mai
GALERIE MARTEL-GREINER GALERIE DES BEAUX ARTS EF(BVMMFr (Dada Nice) – Sonia Boyce
SVFEF#FBVOFr 1MBDFEV$PMPOFM3BZOBMr NBDMZPODPN Jusqu’au 30 avril MUSÉE INTERNATIONAL
rNBSUFMHSFJOFSGS rNVTCBCPSEFBVYGS Yoko Ono – Lumière de l’aube DES ARTS MODESTES
René Coutelle Du 10 mars au 12 avril Bacchanales modernes Jusqu’au 23 mai Du 9 mars au 10 juillet PONT-AVEN RVBJ.BSÊDIBMEF-BUUSFEF5BTTJHOZ
9$"3/&5%&9104*5*0/#&"69"354 9)0344É3*&#&"69"354 MUSÉE DE PONT-AVEN rrNJBNPSH
BREST 1MBDF+VMJBr Providence – Fracas psychédélique
GALERIE MINSKY PASSERELLE MUSÉE DES BEAUX ARTS rNVTFFQPOUBWFOGS en Nouvelle-Angleterre
SVF7BOFBVr SVF$IBSMFT#FSUIFMPUr QMBDFEFT5FSSFBVY Les Rouart – De l’impressionnisme Jusqu’au 22 mai
rHBMFSJFNJOTLZDPN rDBDQBTTFSFMMFDPN rrNCBMZPOGS au réalisme magique
Antonio Segui Jusqu’au 30 avril Emmanuelle Huynh & Jocelyn Cottencin Regard sur la scène artistique lyonnaise Du 26 mars au 18 septembre TOUCY
Jorge Pedro Nuñez / Francis Raynaud au XXe siècle Jusqu’au 4 juillet GALERIE DE L’ANCIENNE POSTE
GALERIE PERROTIN Binelde Hyrcan Jusqu’au 30 avril Autoportraits – De Rembrandt au selfie POUGUES-LES-EAUX 1MBDFEFM)ÔUFMEF7JMMFr
SVFEF5VSFOOFr Du 25 mars au 26 juin PARC SAINT LÉGER
rQFSSPUJODPN CAEN "WFOVF$POUJr HBMFSJFBODJFOOFQPTUFDPN
Jens Fänge Jusqu’au 16 avril MUSÉE DES BEAUX-ARTS MARCIGNY rQBSDTBJOUMFHFSGS Camille Virot Du 19 mars au 5 mai
John Henderson Jusqu’au 16 avril $IÄUFBVr CENTRE FRANK POPPER Eva Kot’átková
rNCBDBFOGS QMBDFEV1SJFVSÊr Jusqu’au 1er mai TOULOUSE
GALERIE TAMÉNAGA Sur ce monde en ruines rDBDGSBOLQPQQFSGS LES ABATTOIRS
BWFOVF.BUJHOPOr Jusqu’au 31 août Accrochage(s) II Jusqu’au 31 mai QUIMPER BMMÊFT$IBSMFTEF'JUUFr
rUBNFOBHBDPN LE QUARTIER rMFTBCBUUPJSTPSH
Kyosuke Tchinaï Du 24 mars au 14 avril CARQUEFOU MARSEILLE FTQMBOBEF'SBOÉPJT.JUUFSSBOEr Tàpies – Parla, parla
FRAC DES PAYS DE LA LOIRE MUCEM rMFRVBSUJFSOFU Jusqu’au 22 mai
GALERIE WALLWORKS CJT CPVMFWBSE"NQÍSFr-B'MFVSJBZF QSPNFOBEF3PCFSU-BGGPOUr Nicolas de Crécy Jusqu’au 18 septembre
SVF.BSUFMr rr rNVDFNPSH VILLENEUVE-D’ASCQ
rXBMMXPSLTGS GSBDEFTQBZTEFMBMPJSFDPN Made in Algeria REIMS LAM
Katre – Ruines & Sens Du 25 mars au 28 mai Ouverture pour inventaire (2) Généalogie d’un territoire VILLA DEMOISELLE BMMÊFEV.VTÊFr
Jusqu’au 8 mai Jusqu’au 2 mai CPVMFWBSE)FOSZ7BTOJFSr rNVTFFMBNGS
GALERIE ZÜRCHER Amedeo Modigliani
SVF$IBQPOr CLERMONT-FERRAND METZ Henry Vasnier – Les passions modernes L’œil intérieur
rHBMFSJF[VSDIFSDPN MUSÉE ROGER QUILLIOT CENTRE POMPIDOU-METZ d’un collectionneur audacieux Jusqu’au 5 juin
Wang Keping Du 19 mars au 14 mai 1MBDF-PVJT%FUFJYr QBSWJTEFT%SPJUTEFM)PNNFr Jusqu’au 22 mai 9)0344É3*&#&"69"354
rDMFSNPOUGFSSBOEGSDPN rDFOUSFQPNQJEPVNFU[GS 9)0344É3*&#&"69"354
RÉGIONS Autoportaits du musée d’Orsay Sublimes. Les tremblements du monde VILLEURBANNE
Jusqu’au 5 juin Jusqu’au 5 septembre RENNES INSTITUT D’ART CONTEMPORAIN
AIX-EN-PROVENCE FRAC BRETAGNE SVF%PDUFVS%PMBSEr
MUSÉE GRANET LE FRANÇOIS (MARTINIQUE) FRAC LORRAINE BWFOVF"OESÊ.VTTBUr rJBDFV
1MBDF+FBO#PZFSrr FONDATION CLÉMENT CJT SVFEFT5SJOJUBJSFTr rGSBDCSFUBHOFGS Le temps de l’audace
NVTFFHSBOFUBJYFOQSPWFODFGS %PNBJOFEFM"DBKPVr rGSBDMPSSBJOFPSH Ronan et Erwan Bouroullec et de l’engagement – De leur temps (5)
2006-2016 – 10 ans d’acquisitions rGPOEBUJPODMFNFOUPSH Nil Yalter Jusqu’au 5 juin Du 25 mars au 28 août Jusqu’au 8 mai
Jusqu’au 24 avril Hervé Télémaque Jusqu’au 17 avril
MONACO ROCHECHOUART YERRES
ALBI LENS MUSÉE OCÉANOGRAPHIQUE MUSÉE DÉPARTEMENTAL D’ART PROPRIÉTÉ CAILLEBOTTE
LE LAIT MUSÉE DU LOUVRE-LENS "WFOVF4BJOU.BSUJO CONTEMPORAIN SVFEF$PODZr
.PVMJOTBMCJHFPJTr SVF1PSUBrr SVF1BVM#FSUr rXXXPDFBOPND 1MBDFEV$IÄUFBVrr rQSPQSJFUFDBJMMFCPUUFDPN
rDFOUSFEBSUMFMBJUDPN rMPVWSFMFOTGS Taba Naba – Australie, Océanie, rNVTFFSPDIFDIPVBSUDPN Biennale de sculpture – 4e édition
Souviens-toi du temps présent RC Louvre arts des peuples de la mer Raoul Hausmann, dadasophe Du 9 avril au 10 juillet
Du 26 mars au 5 juin Du 20 avril au 7 novembre Du 24 mars au 30 septembre Parlons-en Jusqu’au 12 juin 9)0344É3*&#&"69"354
PIERRE MOBILE
EXPOSITION
KOUNELLIS
11, QUAI DE CONTI, 75006 PARIS
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DU 24 MARS AU 30 AVRIL 2016
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LE 13 AVRIL
RÉVÉLATION DES MAGAZINES LES PLUS TALENTUEUX,
BRILLANTS ET AUDACIEUX DE L’ANNÉE 2016.
PRIX RELAY DES MAGAZINES DE L’ANNÉE.
Les Aventures de l’art de WILLEM
Né quelques mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste allemand Anselm Kiefer
s’est fait connaître en reproduisant le salut nazi et en créant des peintures de matières évoquant la Shoah.
«Anselm Kiefer»KVTRVBVBWSJMr$FOUSF1PNQJEPVr1MBDF(FPSHFT1PNQJEPVr1BSJTrrXXXDFOUSFQPNQJEPVGS
MUTUELLE
SANTÉ
PRÉVOYANCE
J’AI
MA SANTÉ, C’EST SÉRIEUX.
CHOISI
MGEN
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MGEN, Mutuelle Générale de l’Education Nationale, n°775 685 399, MGEN Vie, n°441 922 002, MGEN Filia, n°440 363 588, mutuelles soumises aux dispositions du livre II du code de la Mutualité - MGEN Action sanitaire et
sociale, n°441 921 913, MGEN Centres de santé, n°477 901 714, mutuelles soumises aux dispositions du livre III du code de la Mutualité.