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Avril 2016

MUSÉE D’ORSAY
L’UNIVERS GÉNIAL DU
DOUANIER ROUSSEAU

SPÉCIAL
PARIS
TENDANCE
POURQUOI LES ARTISTES
S’EMPARENT D’INSTAGRAM

ARCHITECTURE :
LES PROJETS QUI VONT
CHANGER LA CAPITALE
TOUS LES SALONS :
DESSIN, DESIGN, ART PARIS… CHRIS MORIN-EITNER
Paris, Tour Eiffel - Vestiges. 2016
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Subtiles notes de pamplemousse Amertume délicate et arôme f leuri


et de citron

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.


Édito
par
Fabrice Bousteau

Anonymous artisticus
Des scientifiques d’une université londonienne ont affirmé avoir découvert la véritable identité
de Banksy, le street artist mondialement connu, grâce à une méthode de profilage utilisée par
la police pour confondre les criminels en série ! À partir de l’emplacement de 140 œuvres qui
lui sont attribuées à Londres et Bristol, ils sont parvenus à localiser les adresses de pubs, ter-
rains de sport, etc., fréquentées par un certain Robin Cunningham dont un journaliste avait,
dès 2008, indiqué qu’il était la personne se cachant derrière le pseudonyme de Banksy. L’AFP
a précisé que le blog Gizmodo a dénoncé aussitôt l’atteinte à la vie privée de l’artiste et estimé
que les chercheurs, en procédant ainsi, assimilaient Banksy à un terroriste. Outre le fait que
l’on peut juger peu fiable la méthode employée – car Banksy ne signe pas ses œuvres, ce qui
signifie que parmi, les 140 étudiées, certaines ne sont peut-être pas de lui –, ce profilage est tout
simplement infâme et dangereux. Il remet profondément en cause la liberté de créer et met en
danger Banksy puisque celui-ci développe un travail antisystème (y compris contre le monde
de l’art) et toujours illégal. C’est évidemment l’anonymat qui protège cet artiste génial. Flori-
lège de quelques-unes de ses merveilles : il est entré dans l’enclos des manchots du zoo de
Londres pour y peindre en lettres de 2 mètres de haut la phrase «We are bored of fish» («On en
a assez des poissons»). Il a couvert des dizaines de murs de dessins humoristiques et poétiques
critiquant la police, le monde de l’art ou les politiques. Il a placé dans les plus grands musées
du monde (MoMA, Met, Tate Britain, etc.) des œuvres factices parodiant celles de grands
artistes. Il a imprimé des fausses coupures de billets britanniques en remplaçant le portrait
d’Elisabeth II par celui de Lady Di. Il a peint neuf images sur le mur qui sépare Israël de la
Palestine, dont une représentant une échelle permettant de «faire le mur». Il a implanté, l’air
de rien, une poupée gonflable à taille humaine revêtue d’une combinaison orange identique à
celle des prisonniers de Guantanamo… dans le Disneyland de Californie. À la fin de l’année
dernière, en pleine crise des réfugiés, Banksy a figuré sur un mur de Calais Steve Jobs portant
ordinateur et baluchon, pour rappeler que le fondateur d’Apple était le fils d’un immigré syrien !
Rappelons, enfin, que si certaines de ses œuvres arrachées des murs ont été vendues aux
enchères pour plus d’un million de dollars, Banksy lui-même ne travaille avec aucune galerie
et se tient à l’écart du marché de l’art, qu’il critique régulièrement. Banksy est un nom décidé-
ment délicieux. Et, en ces temps où le monde de l’art cultive les ego, où chacun se rêve en people,
il se pourrait bien que les anonymous soient les vrais artisticus !

Beaux Arts 3
CYCLE « DES GESTES
DE LA PENSÉE »

ISABELLE
CORNARO
EXPOSITION
JUSQU’AU 26 MARS 2016
LA VERRIÈRE
50 BOULEVARD DE WATERLOO
1000 BRUXELLES

COMMISSARIAT
GUILLAUME DÉSANGES
Film 16 mm transféré sur support digital, 2’06’’. Courtesy de l’artiste.
Isabelle Cornaro, Choses, 2014

www.fondationdentreprisehermes.org
Sommaire N° 382 ravril 2016

En couverture
CHRIS MORIN-EITNER
Paris, Tour Eiffel – Vestiges rXXXDISJTNPSJOQIPUPDPN
La découverte des temples d’Angkor, où la végétation a repris ses
droits, inspire Chris Morin-Eitner, architecte de formation, dans la
composition de ses jungles urbaines. À Paris, Londres,
New York mais aussi Dubaï, dans une vision futuriste, il redonne sa
place à la nature là où l’homme l’avait chassée. Chris Morin-Eitner
est représenté à Paris par la galerie W. Il a créé cette Une
spécialement pour Beaux Arts magazine.

Le journal Le magazine Le guide


6 Vur"SSËUTVSJNBHFT 46En couverture 111 Musées & centres d’art
12 Ils font l’actu SPÉCIAL PARIS 112 -FTJOGPTÆSFUFOJS
#SVOP3BDJOF MIPNNFEFUPVTMFTMJWSFT 114 1POU"WFO TFTHBMFUUFT
14 L’essentiel de l’actualité en France À QUOI RESSEMBLERA FUTPOOPVWFBVNVTÊF
'FTUJWBMEFMB7JMMFUUF EFMBSUFOUPVTTFOT LA CAPITALE EN 2030 ? 116 -FTFYQPTJUJPOTJODPOUPVSOBCMFT
16 "[BZMF3JEFBVTFSFMPPLF 124 Galeries
60 Rétrospective au musée d’Orsay
18 Sur la planète -FT FYQPTJUJPOTÆOFQBTNBORVFS
-F%PVBOJFS3PVTTFBV MJOHÊOVHÊOJBM 126 7PJSEPVCMFBWFD+BDRVFT7JMMFHMÊ
20 -BGPOEBUJPO$MÊNFOU VOÏMPUEBSU
ÆMB.BSUJOJRVF 68 Exposition à Bruxelles 128 Marché
%BOJFM#VSFO VOFGSFTRVFEBSUFUEFWJF -FTWFOUFTEVNPJT
22 Architecture
%FT)-.QBSUJDJQBUJGT 74 Événement à la Villette 130 Tous les salons à Paris
%VEFTJHOÆMBSDIJUFDUVSF 
24 -BOBUVSFTPVTIBVUFUFOTJPO -FT4BMPOTEVEFTTJO
MFTUZMF+BNFT#POE OPVTFONFUUFOUQMFJOMBWVF
26 Design 80 Exposition au Grand Palais
2VFTUDFRVFMFDPOGPSU  140 ©"SU1BSJT MB$PSÊFTPSUEVCPJT
$BSBNCPMBHFTPVDPNNFOUCPVTDVMFS
28 )PNNBHFÆ3JDIBSE4BQQFS MIJTUPJSFEFMBSU 146 $IJD MF1"%BBOT
FOTFQUPCKFUTJDPOJRVFT 148 Calendrier des expositions
88 Enquête 
32 CinéArt $PNNFOUMFNPOEFEFMBSU 154 Les Aventures de l’art de Willem
(VT7BO4BOU NBÏUSFFOFTUIÊUJRVF TFNQBSFE*OTUBHSBN
34 Livres 94 Entretien avec Marie Darrieussecq
1BVMB.PEFSTPIO#FDLFS 
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36 -IJTUPJSFEFMBSUFTUFMMFSBDJTUF  jVOFQFJOUVSFQVJTTBOUFFUTQFDUSBMFv
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38 Philo 100 Hommage à Claude Parent rubrique «partenaires», et gagnez :
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> 20 places
40 Télévision, radio  104 Tendance (valables pour 2 personnes)
-FTOPVWFMMFTFYDFOUSJDJUÊT pour l’exposition
"VY.BSRVJTFTBWFD(BVHVJO «Ceramix – De Rodin
EFTBSUJTBOTEBSU
42 Revue de web  à Schütte»
jusqu’au 5 juin à la Maison
4VS*OUFSOFU UPVTBSUJTUFT
rouge à Paris
44 La chronique de Nicolas Bourriaud et jusqu’au 12 juin à la Cité
de la céramique à Sèvres.
-FTNBVWBJTUVZBVYEFMBSU

Beaux Arts 5
Vu par
Daphné Bétard

NASA JET PROPULSION LABORATORY Visions of the Future – The Grand Tour, 2016
www.jpl.nasa.gov/visions-of-the-future

Tourisme spatial
Envie de sensations fortes ? La Nasa vous embarque pour une système solaire. Ces propositions de tourisme spatial sont bien
promenade unique en son genre à la découverte des paysages sûr fictives, mais s’appuient sur des études scientifiques. Ici, il
magnétiques et envoûtants de ces «géantes gazeuses et gla- s’agit du Planetary Grand Tour, programme d’exploration conçu
cées» que sont les quatre planètes les plus éloignées du Soleil ! dans les années 1960 qui entendait profiter d’un alignement
Cette image éclatante à l’allure vintage fait partie d’une série exceptionnel de Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton
d’affiches réalisées par le laboratoire Jet Propulsion de la Nasa (l’événement se produit tous les cent soixante-quinze ans) pour
(qui supervise des missions vers les contrées les plus loin- y envoyer des sondes. Une façon de montrer qu’à l’impossible
taines du cosmos), invitant à découvrir les richesses de notre nul n’est tenu et qu’il n’y a pas de limites au rêve américain.

6 Beaux Arts
Bague Escapade de Chaumet, or jaune serti de diamants taille brillant, 2016.

Bracelet 3 perles, Joseph Chaumet, vers 1895


or, argent, perles fines, perle conche et diamants.

Le Musée Éphémère sera ouvert du lundi au samedi de 10h30 à 19h00,


du 6 février au 24 septembre 2016.

Boutique Chaumet, 12, place Vendôme - Paris 1 er


Vu par
Florelle Guillaume

OKUDA SAN MIGUEL (EN HAUT) ET JAVIER CALLEJA (EN BAS) Truck Art Project, 2016

Le road art
Au Japon, avec ses néons clignotants et son acier rutilant, il «truck art» est une véritable culture, un lifestyle, un phénomène
est looké comme une machine à sous. Aux Philippines, c’est sociologique. Et en Europe ? Notre poids lourd à nous est loin
un bus maquillé comme un camion volé, une vieille Jeep des de faire le poids. Il est plutôt du genre no look (mais surtout
États-Unis reconvertie qu’on appelle Jeepney. Mais les plus pas no logo). Sauf en Espagne où, depuis 2015, le réjouissant
dingues de tous sont à doubler sur les routes du Pakistan : Truck Art Project invite des street artists à pimper une centaine
tunés des jantes aux rétros par les meilleurs artisans du pays, de remorques qui promènent ensuite leur fringant «gros cul»
ils font la fierté de leurs propriétaires qui n’hésitent pas, pour (comme disent les routiers) sur les routes ibériques. Attention,
bichonner bébé, à flamber des milliers de dollars. Là-bas, le convois exceptionnels !

8 Beaux Arts
Imaginez…
CROISIÈRE
© DR

© DR

Vous êtes sur le pont d’un navire Hurtigruten, le long de la


côte norvégienne. Le soleil de minuit illumine les montagnes EN NORVÈGE
qui entourent le fjord. C’est l’heure de débarquer pour profiter
de l’une des 34 escales de ce parcours mythique. Autour de A bord de L’Express Côtier
vous, des groupes de passagers se préparent pour une
Départs tous les jours
randonnée ou un safari aux aigles, pendant que vous
rejoignez le guide pour votre excursion dans un petit village
de mai à août
de pêcheurs des îles Lofoten. Peu importe l’activité que vous 6 jours / 5 nuits
choisirez, vous profiterez pleinement de la beauté à couper
le souffle de cette nature sauvage car il n’y a pas de meilleur
moyen que Hurtigruten pour découvrir la Norvège.
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sur une sélection de départs de Kirkenes à Bergen du 15/08 au 31/08/2016. Offre soumise à conditions.
Vu par
Par Marie Darrieussecq

SERGEY PONOMAREV 1er prix du World Press Photo 2015, section General News, pour le New York Times
Un réfugié dans la ville croate de Tovarnik tente d’accéder à un train à destination de Zagreb, le 18 septembre 2015.

La liberté à bout de bras


Il y a encore cinq ans, on aurait pu se demander : des types homme qui n’arrive jamais. Et dans l’état actuel des frontières
en retard sur un quai de gare ? des jeunes qui font les fous ? politiques, il migre en effet à jamais, alors qu’il pourrait être
un train bondé dans un pays loin de nous ? Aujourd’hui, on sait voyageur ou exilé. Le regard lyrique de Sergey Ponomarev, cor-
tout de suite : ce sont des migrants. Désespérés d’un lieu où respondant pour le New York Times, rend sa noblesse à ce
aller. Lui, il porte un jean, des baskets, un tee-shirt noir, des grand événement contemporain. Ses barques de migrants
sous-vêtements blancs. C’est un homme générique. Ça pour- sont des Radeaux de la Méduse. Ses cohortes aux frontières
rait être n’importe qui. Mais il n’est pas né au bon endroit : il sont des calvaires sous la lune ; ses hommes portant leurs
est devenu un participe présent permanent, un migrant, un enfants sont des pietà.

10 Beaux Arts
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Georges-Philippe
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VILLEGLÉ
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Pilar Albarracín
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Julien Bismuth — Alain Bublex — Massimo Furlan
Taro Izumi — Richard Jackson — Alain Jacquet — Adam Janes
Jean-Yves Jouannais — Martin Kersels — Paul Kos
Paul McCarthy — Jeff Mills — Arnold Odermatt
Henrique Oliveira — Peybak — Niki de Saint Phalle
Pierre Seinturier — Jean Tinguely — Keith Tyson
Jacques Villeglé — Olav Westphalen
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Ils font l’actu Par Alain Fleischer, artiste et écrivain

BRUNO
RACINE
L’HOMME
DE TOUS
LES LIVRES
Président pendant près
de dix ans de la BnF, Bruno
Racine quitte l’institution
après en avoir assuré
la modernisation
et l’enrichissement
des collections. L’artiste
Alain Fleischer nous
brosse le portrait
sensible de cet écrivain
et amoureux des livres.

L a publication récente par Bruno Racine, écri-


vain, d’un livre admirable – la Voix de ma
mère – dans un genre qui mêle l’essai littéraire éru-
degger et “les juifs”»)... Son départ se fait à peine
quatre ou cinq mois avant qu’il puisse inaugurer
la première tranche de l’immense projet de réno-
notre passion commune pour l’Italie. À chaque
poste qu’il a occupé, Bruno Racine m’a fait l’offre
d’un beau projet : collaboration à deux livres sur
dit et l’émouvante entreprise de mémoire, au vation du Quadrilatère Richelieu dont il lança le l’Italie, film documentaire à l’occasion des 30 ans
moment où il s’apprête à quitter la présidence de chantier et qui métamorphosera bientôt ce du Centre Pompidou, exposition personnelle
la Bibliothèque nationale de France, dessine sans quartier de Paris entre la Bourse et la salle Labrouste (la dernière après celle de Sophie
doute une perspective de ce qui pourrait devenir Comédie-Française. Calle dans le site Richelieu avant sa fermeture
une nouvelle partie de sa vie. Mais il faut espérer pour travaux), hommage au Fresnoy à Tolbiac, et
que la fin de son mandat à la tête de la plus impo- DÉCHIFFRER LES INSCRIPTIONS réception d’un dépôt de quelque 600 œuvres
sante institution du ministère de la Culture et de DANS LES ÉGLISES cinématographiques et vidéographiques. Cette
la Communication ne soit pas la conclusion Commencé sur les bancs de l’École normale supé- rapide évocation d’une existence déjà bien rem-
– aussi glorieuse soit-elle – d’une carrière excep- rieure, puis de l’ENA, ce parcours «idéal» aurait plie conduit à une question : et après ? Bruno
tionnelle de «grand commis de l’État», comme pu être celui d’un ambitieux déterminé, habile au Racine aura sans doute du temps pour se consa-
on dit. Rappelons qu’il a été successivement jeu social et fin stratège de sa carrière. L’homme crer à une œuvre littéraire singulière, d’une
directeur des affaires culturelles de la Ville de que connaissent ses amis est tout autre : sensible, rigueur classique mais teintée d’une mélancolie
Paris, directeur de l’Académie de France à Rome, discret, modeste, amateur et connaisseur authen- qui est un des signes de sa modernité. Mon inter-
président du Centre Pompidou. Le bilan de sa tique de la littérature, de l’art (classique autant rogation «Et après ?» traduit cependant aussi l’es-
présidence à la BnF est remarquable : acquisi- que moderne et contemporain), du cinéma... poir que le talent, les compétences et l’expérience
tions (manuscrits des Mémoires de Casanova, Bruno Racine est aussi un voyageur enthousiaste de Bruno Racine, devenus rares, trouvent de nou-
archives de Guy Debord, etc., sans compter la qui, en bon latiniste, sait déchiffrer les inscrip- velles façons de servir les grands enjeux culturels
démarche décisive à l’origine du rapatriement en tions dans les églises et dans les sites de l’Anti- de notre société, si souvent victimes de cette
France du fameux rouleau des Cent Vingt Journées quité romaine. Mais il cultive par-dessus tout son erreur politique qui consiste à les sous-estimer.
de Sodome du marquis de Sade, extrait d’un imbro- goût pour les joies simples de la vie familiale et de
glio juridique qui le retenait en Suisse), exposi- l’amitié. La nôtre a été féconde, productive, ce qui À LIRE
tions d’art contemporain et de photographies, est pour moi un aspect essentiel. Dès notre ren- La Voix de ma mère par Bruno Racine
grands colloques (dont le dernier en date, «Hei- contre à la Villa Médicis, elle fut marquée par ÊE(BMMJNBSErQr é

12 Beaux Arts
DES ARTISTES
CHINOIS
À LA FONDATION
LOUIS VUITTON

DU 27.01
AU 29.08.2016

# FONDATIONLOUISVUITTON
8, AVENUE DU MAHATMA GANDHI
BOIS DE BOULOGNE – PARIS
L’essentiel France pages réalisées par Françoise-Aline Blain

Up
SOPHIE LÉVY
Depuis 2009, elle dirigeait le LaM
de Villeneuve-d’Ascq. Elle prendra
la tête du musée des Beaux-Arts
de Nantes à partir de juillet.
Sa mission : poursuivre les travaux
d’extension lancés par la directrice
sortante Blandine Chavanne,
avant l’ouverture prévue pour 2017.

ANNE ESNAULT
Directrice du musée des Beaux-Arts
d’Arras depuis 2011, elle prend
la direction des six musées de la Ville
d’Angers (musée des Beaux-Arts,
galerie David d’Angers, musée Pincé,
musée Jean Lurçat et de la Tapisserie
contemporaine, musée-château
de Villevêque, Artothèque).

ALICE MOTARD
Elle était depuis deux ans
commissaire d’exposition au centre
d’art contemporain et de design Spike
Island à Bristol. Elle a été nommée
commissaire en chef du CAPC, musée
d’art contemporain de Bordeaux.
Elle succède à Alexis Vaillant,
en poste au CAPC depuis 2009.

Xavier Veilhan, Light Machine (Music), 2015. CONSTANCE RIVIÈRE


Cette ancienne élève de l’ENS,

FESTIVAL DE LA VILLETTE de Sciences-po et de l’ENA


a pris ses fonctions de conseillère

DE L’ART EN TOUS SENS


spéciale chargée de la culture
et de la citoyenneté auprès
de François Hollande à l’Élysée.
Elle remplace Audrey Azoulay,
La Villette est en route vers l’avenir ! Restauration de ses dizaines de Folies rouges, ouver- nouvelle ministre de la Culture.
ture à des projets monumentaux de sa méconnue Halle aux cuirs, sous le périph… L’éta-
blissement est décidé à ne pas laisser un centimètre tranquille. La preuve en ce printemps OLIVIER FOURNIER
avec 100 %, un festival et une exposition qui envahissent tout le parc. Sous la Grande Il est entré chez Hermès en 1991.
Halle, c’est la rencontre de l’esthétique high-tech avec nos préoccupations quotidiennes Membre du conseil d’administration
qu’explorent les artistes, de Xavier Veilhan aux jeunes issus de la très pointue école du de la fondation d’entreprise Hermès
Fresnoy. Ondes radio, 3D et immersion sensorielle, le programme se prolonge aussi dans depuis 2015, il en a été élu président.
le domaine du spectacle vivant, avec cirque vietnamien, hip-hop et chorégraphie ultra- Il succède à Pierre-Alexis Dumas,
directeur artistique d’Hermès,
contemporaine. E. L. Du 25 mars au 10 avril r 01 40 03 75 75 r www.lavillette.com
élu président des Arts décoratifs
(Paris) en décembre.

FOIRES, ANNULATIONS À RÉPÉTITION


Après seulement deux éditions aux Docks–Cité de la mode et du design, Officielle, foire satellite de la Fiac
Down
ZLATKO HASANBEGOVIC
dédiée à la jeune création, vient d’être suspendue. Jennifer Flay, la directrice de la Fiac, justifie cette décision Les milieux culturels croates sont vent
par un lieu «trop cher» et «trop loin» des attentes du public et des exposants. L’impact des attentats debout contre le nouveau ministre de
de Paris (Reed Expositions France a dû rembourser une partie des frais engagés par les galeries à la suite la Culture, un historien révisionniste
de l’interruption de Paris Photo), la concurrence toujours plus rude de nouvelles foires ainsi que au centre d’une polémique suite à la
le ralentissement du marché de l’art (– 20 % dans les maisons de ventes) expliquent aussi ces difficultés. découverte d’une photographie de lui
Un coup d’arrêt qui arrive après l’annulation de deux autres foires organisées par Reed Expositions, posant dans sa jeunesse en uniforme
Paris Photo Los Angeles et la Fiac Los Angeles. Mais bonne nouvelle, la Fiac a annoncé en collaboration oustachi (parti pronazi et génocidaire
avec le Petit Palais la création d’un secteur appelé «On site» dédié à des œuvres exceptionnelles. dans les années 1930 et 1940).

14 Beaux Arts
AUSTRALIE, OCÉANIE,
ARTS DES PEUPLES DE LA MER
du 24 mars au 30 septembre 2016

L’art aborigène et océanien sera mis à l’honneur à travers Taba Naba, une exposition majeure sur le
thème des océans et de l’eau, présentée au Musée océanographique de Monaco et qui constituera
l’un des temps forts de la saison estivale en Principauté. Ce thème sera abordé sous différents
angles grâce à la participation de nombreux artistes.
Le projet s’articulera autour de trois volets complémentaires, créant des univers différents.

« Avec trois univers artistiques occupant l’ensemble du Musée océanographique, l’exposition Taba Naba a un
positionnement ambitieux et délivre un message fort au public.
Nous présentons ici l’art de populations qui sont restées en contact avec la nature et qui dialoguent avec elle,
alliant tradition ancestrale et modernité. Ces populations ont la culture de l’océan, elles vivent avec lui.
C’est une relation saine et équilibrée qui peut et doit nous inspirer ».

Robert Calcagno,
Directeur général de l’Institut océanographique

www.oceano.org
L’essentiel France
LE MAROC
S’INSTALLE À PARIS
C’est un empilement de volumes contrasté
et spectaculaire. «Une médina verticale»,
selon l’architecte Tarik Oualalou. En visite en France,
le roi du Maroc Mohammed VI a dévoilé son projet
de centre culturel marocain (CCM) à Paris. Le premier
du genre. Entièrement financé par le gouvernement
marocain, ce projet d’un coût de 7 M€ sera
implanté au 115, boulevard Saint-Michel, dans
le Ve arrondissement, sur une parcelle qui est déjà
la propriété du royaume chérifien. Il comportera
un espace d’exposition, un lieu de concert et
de théâtre et un centre d’enseignement des langues
arabe et amazigh (berbère). Il devrait ouvrir en 2018.

LE CHIFFRE
469 C’est le nombre de censures
et de violations de la liberté artistique
observées dans 70 pays à travers le monde
en 2015, d’après l’organisation internationale
Freemuse. C’est deux fois plus qu’en 2014.
Le salon des Biencourt à Azay-le-Rideau a été Trente cas concernent les arts visuels.
remis dans son état du XIXe siècle, une étape
dans la plus vaste campagne de valorisation.

HARO SUR LE PATRIMOINE


AZAY-LE-RIDEAU SE RELOOKE DU XXe SIÈCLE
Le château d’Azay-le-Rideau fait peau neuve. En partenariat avec le Mobilier national, le Le 17 février, le tribunal de grande instance de Paris
a refusé d’interdire la démolition du bâtiment
Centre des monuments nationaux vient de restituer dans son état du XIXe siècle l’ameu-
de la CPAM de Vigneux-sur-Seine (Essonne) construit
blement du salon de la famille de Biencourt au rez-de-chaussée du bâtiment. Un ensemble
dans les années 1970 par Paul Chemetov.
de 80 meubles, objets d’art et accessoires a ainsi fait l’objet d’un dépôt par le Mobilier
L’architecte a décidé de faire appel. Dans un courrier,
national. À terme, en 2018, l’ensemble du rez-de-chaussée sera remeublé, dans le cadre il rappelle que l’édifice est inscrit à l’inventaire
d’une vaste campagne de restauration et de valorisation qui s’achèvera fin 2017. Depuis général du patrimoine culturel de l’Île-de-France.
le 18 mars, une campagne de financement participatif entend contribuer à la restauration En 2013, l’architecte avait déjà, en vain, tenté
du château (www.mapierrealedifice.fr). de s’opposer à la destruction d’un immeuble
de Courcouronnes (Essonne).

ADIEU LA PINACOTHÈQUE
L’institution était placée en redressement judiciaire depuis le mois de novembre. Le 15 février,
la Pinacothèque, place de la Madeleine à Paris, a fermé ses portes définitivement, neuf ans après son
ouverture. En cause : une fréquentation en berne (de – 20 % à – 25 % en moins de deux ans et des loyers
très élevés (de l’ordre de 300 000 € par mois). Pour Marc Restellini, son directeur, cette fermeture
ne signifie pas pour autant la fin de la Pinacothèque. Son objectif est d’ouvrir à Paris, «sous trois à quatre
ans», un nouveau site consacré à l’art contemporain et un autre, à la sculpture et aux arts premiers.

LES PLUS ANCIENNES TOMBES MUSULMANES DE FRANCE ILS ONT DIT…


Trois squelettes placés sur le côté, la tête regardant en direction de La Mecque… Des fouilles, menées «Les humains ne sont pas que de chair et
avant à la construction d’un parking, ont permis de découvrir trois tombes musulmanes à Nîmes.
de sang, la destruction du patrimoine a des
Les plus anciennes découvertes en France. Il s’agit là des premiers indices de la présence de musulmans
dans le sud du pays au début du Moyen Âge, entre le VIIe et le IXe siècle. Des analyses des ADN indiquent conséquences sur l’équilibre des sociétés.»
que les trois hommes étaient originaires d’Afrique du Nord. «On savait que les musulmans étaient venus Guilhem Ravier, du comité international
en France au VIIIe siècle mais on n’avait jusqu’alors aucune trace matérielle de leur passage», explique de la Croix-Rouge dans le Monde du 21 janvier.
à l’AFP l’anthropologue Yves Gleize, de l’Institut français de recherches archéologiques préventives (Inrap).

16 Beaux Arts
ROBERT LONGO
LUMINOUS DISCONTENT
PARIS MARAIS
AVRIL – MAI 2016
ROPAC.NET

PARIS MARAIS PARIS PANTIN SALZBURG


Sur la planète par Françoise-Aline Blain

ÉTATS-UNIS À CHICAGO, DANS LE LIT DE VAN GOGH


Vous en aviez rêvé, l’Art Institute
of Chicago l’a fait. Le célèbre
musée a recréé dans ses
moindres détails la Chambre
de Van Gogh à Arles et la loue
pour 10 $ (env. 9 €) la nuit via
le site Airbnb (deux personnes
au maximum). Un projet lancé
à l’occasion de l’exposition
«Van Gogh’s Bedroom», jusqu’au
10 mai, et qui réunit les trois
versions du tableau peintes
entre 1888 et 1889. «Nous
espérons que cela inspirera
les visiteurs pour qu’ils réfléchissent différemment à la peinture», précise Amanda Hicks, porte-parole de l’Institut.
www.airbnb.fr/rooms/10981658?bev_ref=1455023203_riYBX5U9GR24mWFn&photo=2&user_id=1996160&s=16

FRANCIS BACON Étude de taureau, 1991

YÉMEN
GRANDE-BRETAGNE
MASSACRE
PATRIMONIAL EN SÉRIE À LONDRES,
Le 3 février, le Musée national de Taiz UN BACON RETROUVÉ
a été bombardé par des tirs d’obus C’est la 585e œuvre de l’artiste.
provenant des rebelles houthis. Elle dormait depuis plus de vingt ans
Le bâtiment et la grande majorité des dans une collection privée de
œuvres conservées ont été détruits Londres… La dernière toile de Francis
par l’incendie. Le musée abritait plus Bacon a été retrouvée par l’historien
de 1 000 manuscrits et de nombreux de l’art Martin Harrison alors qu’il
objets. Le 14 février, c’était au tour travaillait à l’édition du catalogue
de la ville historique de Kawakban raisonné de l’artiste. Peinte en 1991,
d’être prise pour cible. Son entrée un an avant la mort de Bacon, Study
principale, la citadelle archéologique, of a Bull représente un taureau
le dôme de l’imam Shams al-Deen en noir et blanc effacé dans un nuage
et de nombreuses habitations de poussière. L’œuvre sera exposée
datant du IIe siècle situées à al-Qashla pour la première fois au Grimaldi Forum
(citadelle) ont été gravement de Monaco en juillet. Elle sera ensuite
endommagés. présentée au musée Guggenheim
http://whc.unesco.org/fr/actualites/1450/ de Bilbao à partir du 30 septembre.

BIRMANIE DESTRUCTION COLONIALE IRAN AVEC LE LOUVRE COMME PARTENAIRE


Inquiétude à Rangoun après de récentes destructions. «Au cours Après la reprise des relations diplomatico-économiques, le rapprochement
des derniers mois, nous avons vu une augmentation du nombre culturel entre Paris et Téhéran. Lors de la visite du président iranien Hassan
de démolitions, dont six ou sept bâtiments du centre-ville, mais aussi Rohani en France, en février, le musée du Louvre a signé un accord historique
l’apparition de nouvelles constructions inappropriées», explique avec l’Iran. Au programme : lutte conjointe contre le trafic d’œuvres,
à l’AFP Thant Myint-U, de l’association Yangon Heritage Trust. Rangoun, exposition sur la dynastie Qajar (1789-1925) au Louvre-Lens au printemps
capitale économique de la Birmanie, conserve de nombreux édifices 2018, chantier archéologique de Nishapur, au nord-est du pays. Le projet
de l’époque coloniale. Près de 190 bâtiments, dont beaucoup sont d’envoyer une équipe sur le site antique de Suse a aussi été évoqué.
en ruine, sont ainsi classés mais sans réelle protection réglementaire.

ESPAGNE
EN APNÉE AU MUSÉE
C’est un musée unique en Europe. Le Museo Atlántico, le troisième musée
sous-marin de l’artiste britannique Jason deCaires Taylor, devrait ouvrir
en partie cet été, au large de l’île de Lanzarote dans l’archipel des Canaries.
Trois cents statues hyperréalistes reposeront ainsi par 15 mètres de fond.
Conçues comme des récifs artificiels, refuges pour la faune et la flore, ces œuvres
sont biodégradables. Le lieu sera accessible aux plongeurs, aux sous-marins
de poche et aux bateaux à coque de verre.
www.underwatersculpture.com

18 Beaux Arts
Graphisme 2016 © Cédric Pinchon, unfougraphiste.com - Crédit photo : Nikos Aliagas
CONCIERGERIE EXPOSITION PHOTOGRAPHIQUE
du 25 mars au 22 mai 2016 NIKOS ALIAGAS

Gratuit pour les moins de 26 ans*


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d’un titre de séjour ou visa de longue durée délivré par un de ces Etats
Sur la planète
par Fabrice Bousteau

LA FONDATION CLÉMENT,
UN ÎLOT D’ART À LA MARTINIQUE
C’est sur les terres
d’une rhumerie historique
que l’entrepreneur
Bernard Hayot a créé
il y a trente ans l’unique
centre d’art de la
Martinique. Visite guidée
à l’occasion de son
lumineux agrandissement
signé Bernard Reichen.

B ien que surnommée «l’île aux fleurs», loin


des clichés sur ses palmiers et ses plages de
rêve, la Martinique donne plutôt le sentiment
colons européens) âgé de 81 ans, 210e fortune de
France, se passionne pour les artistes d’outre-
mer. Depuis qu’il a racheté, en 1986, l’Habitation
nécessaire de sortir l’île de son isolement et de
multiplier, comme le fait Bernard Hayot, les
projets culturels en direction des habitants, des
– à celui qui, comme moi, y séjourne pour la pre- Clément, maison de rhum centenaire classée touristes mais aussi des nombreux artistes des
mière fois – d’un territoire abandonné par la monument historique, Bernard Hayot a non Caraïbes qui souffrent d’un manque de soutien
République française. D’abord parce que l’île est seulement restauré le domaine de fond en public et privé.
un véritable désert culturel, alors qu’avec une comble mais a aussi organisé plus de 70 exposi-
superficie de plus de 1 000 kilomètres carrés et tions, montré plus de 160 artistes et créé un parc
400 000 habitants, elle est la région française la de sculptures de 16 hectares. Aujourd’hui, la fon-
plus dense après l’Île-de-France. Excepté une dation Clément accueille plus de 100 000 visi-
scène nationale (Tropiques Atrium), elle ne teurs par an et se trouvait à l’étroit pour l’orga-
compte aucun équipement culturel d’envergure, nisation d’expositions importantes. Le centre
ni Frac ni musée d’art. Ensuite, parce que le taux d’art conçu par l’architecte Bernard Reichen
de chômage y avoisine les 20 % tandis que la (qui a restauré la Grande Halle de la Villette à
population diminue. Enfin, le tourisme y est à la Paris et la Halle Tony Garnier à Lyon) a de l’al-
peine et ne réussit plus à attirer Américains et lure : une façade en inox strié posée sur des vieux
Caribéens faute d’infrastructures, toutes vieillis- murs en pierre de lave qui, le jour, lui donne un
santes, et du fait d’un manque de qualification caractère de moucharabieh et, la nuit, de tissage
des employés du secteur (notamment la pra- lumineux. Le bâtiment – qui a toutes les qualités
tique de l’anglais). pour présenter des expositions muséales – a été
inauguré par une rétrospective très réussie de
UN PARC DE SCULPTURES DE 16 HECTARES 53 œuvres (provenant pour beaucoup de collec-
Dans ce contexte, l’ouverture, fin janvier, par tions privées) d’Hervé Télémaque, peintre ori-
)&37­5­-­."26&Silence Saint-Marc 
Bernard Hayot, d’un centre d’art contemporain ginaire des Caraïbes, produite par le Centre
d’une superficie de 1 000 m2 doté d’une biblio- Pompidou. Cette première collaboration À VOIR
thèque de 10 000 ouvrages est une aubaine pour devrait, selon Bernard Blistène, le directeur du
«Hervé Télémaque» jusqu’au 17 avril
l’île. Cela fait vingt-cinq ans que ce béké (terme Musée national d’art moderne, se poursuivre par 'POEBUJPO$MÊNFOUrEPNBJOFEFM"DBKPVr-F'SBOÉPJT
créole désignant les descendants des premiers d’autres expositions. On l’espère tant il est .BSUJOJRVFrXXXGPOEBUJPODMFNFOUPSH

20 Beaux Arts
Architecture par Philippe Trétiack

Alejandro Aravena,
Quinta Monroy Housing,
2004, Iquique (Chili).

DES HLM PARTICIPATIFS


Alejandro Aravena, lauréat du Pritzker Prize 2016 et commissaire de la future biennale d’architecture de Venise,
développe des projets d’habitat social dont les résidents participent à la réalisation. Un concept qui fait polémique.

J amais contents ! Ainsi pourrait-on résumer


l’attitude de nombreux critiques français
qui, à l’annonce du Pritzker Prize décerné à
d’honneurs. Trop ? Pourquoi ne pas plutôt
saluer la performance ?
Son projet d’Iquique n’est pas le premier du
Alejandro Aravena, se sont répandus en genre, il est même dans l’air du temps. La
remarques acerbes. Lauréat à 48 ans du «prix méthode y a pris le pas sur le dessin. Pour échap-
Nobel d’architecture», le Chilien au physique per au manque de moyens financiers, l’architecte
de jeune premier a eu le don de les exaspérer. y a édifié des logements à moitié finis, à charge
Que lui reprochaient-ils ? D’avoir survendu un pour les propriétaires de les compléter ensuite.
projet d’habitat social édifié à Iquique dans le Résultat : un patchwork un peu branlant qui a du
sud du Chili et, pire, de s’être acoquiné avec le charme. Aravena en vend le concept avec talent.
groupe pétrolier Copec, actionnaire désormais
à 40 % de son atelier d’architecture Elemental. POUR UN ÉLARGISSEMENT DE L’ARCHITECTURE
Reprenons. L’architecte, il est vrai, a été À l’heure où l’écologie, le durable, le recyclage
membre du jury du Pritzker durant plusieurs sont à la mode, il défend très bien l’idée d’une
années, ce qui laisse supposer qu’il y a noué de architecture résultant moins de la forme que de Alejandro Aravena, bâtiment de l’université catholique
solides relations. Mieux, il a été désigné com- l’informe, des contraintes sociales, géogra- de Santiago (Chili).
missaire de la future biennale d’architecture de phiques, atmosphériques et même sismiques
Venise qui s’ouvrira fin mai. Cela fait beaucoup dans le cas du Chili. Ses 15 minutes de conférence n’est pas le signe de sa déchéance mais de son
TED, consultables sur www.ted.com, font un élargissement. Et puis, s’il faut du bâti, du
tabac sur les réseaux sociaux. En France, les construit pour convaincre, ajoutons qu’Aravena
architectes de LAN ont suivi une démarche simi- est encore l’auteur de très beaux bâtiments
laire à Bègles. Eux aussi ont édifié des logements modernistes, l’université catholique de Santiago
à compléter par la suite. Aravena le sait puisqu’il par exemple. Bref, ce Pritzker donné à un jeune
les a invités à présenter leur travail dans le architecte est une bonne nouvelle. Reste que si,
pavillon central de sa prochaine biennale. Aurait- par malheur, le prodige rate sa biennale, placée à
il fallu donner au Chilien un demi-Pritzker, à sa propre demande sous le thème combatif du
charge pour lui de le compléter avec les années ? retour du front («Reporting from the Front»), on
Jugerait-on le low cost et la participation des peut être assuré qu’il encaissera une contre-
habitants comme des menaces pour l’architec- offensive critique des plus sévères. La bataille
Alejandro Aravena ture ? Que la discipline échappe au tout-formel Aravena ne fait que commencer.
3 AVRIL / 18 SEPT. 2016

ABBAYE DE MONTMAJOUR / ARLES


GIOVANNI ANSELMO / JEAN-PIERRE BERTRAND
stanley brouwn / HELMUT FEDERLE / HANS JOSEPHSOHN
HILMA AF KLINT / BERND LOHAUS / GÉRARD TRAQUANDI
© Ministère de la Culture (France) - Médiathèque de l’archit
Conception graphique : Gérard Traquandi & Romain Hisqu

www.montmajour.monuments-nationaux.fr
Gratuit pour les moins de 26 ans*
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d’un titre de séjour ou visa de longue durée délivré par un de ces Etats.
Architecture
ARBRES ÉLECTRIQUES
PYLON DESIGN COMPETITION
r3PZBVNF6OJrQSPKFUOPOSFUFOV
"OEZ.BSUJO"SDIJUFDUVSF
Depuis l’arrivée du premier pylône à haute
tension sur le sol britannique en 1928,
leur forme n’avait pas connu de changement
notable. C’est à l’occasion d’un concours
international lancé en 2011 qu’une véritable
réflexion s’est engagée sur le renouveau
esthétique de ces monstres métalliques.
Parmi les 250 projets reçus, celui
de l’agence Andy Martin proposait
un pylône inspiré de la forme d’un arbre
afin de privilégier la création d’un objet
mieux intégré dans le paysage. Une option
un peu trop radicale pour le jury, qui
lui a préféré une version plus technique.

LA NATURE SOUS HAUTE TENSION


Fini les horribles pylônes électriques qui défigurent le paysage. L’heure est venue
des propositions créatrices innovantes. Électrisant !

PYLÔNES ORGANIQUES Connue pour ses paysages sauvages, l’Islande imagine un futur composé de pylônes électriques plus en phase avec la nature. Pour preuve,
ceux de l’agence Arphenotype qui s’attache à la création d’objets high-tech aux formes organiques. Selon un calcul paramétrique intégrant
PROJET POUR PYLÔNES À HAUTE TENSION l’emplacement géographique des ouvrages (longitude et latitude), chaque modèle serait unique. Leur structure aérienne et graphique serait
r-BOETOFU *TMBOEFr"SQIFOPUZQF composée d’un mélange de fibre synthétique et d’éco-résine thermodurcissable, des matériaux ultrarésistants aux intempéries et au vent.

24 Beaux Arts
par Céline Saraiva

CARYATIDES FUTURISTES
THE LAND OF GIANTSr1SPKFUQPVSMFT+0EIJWFS
1ZFPOHDIBOH $PSÊFr$IPJ 4IJOF"SDIJUFDUT
Les géants sont de retour ! Ils reviennent, plus vivants que jamais,
dans le cadre des Jeux olympiques d’hiver 2018 en Corée.
Leurs postures sont devenues moins statiques, simulant
des mouvements de marche. Aussi continuent-ils à alimenter
nos fictions pour un jour s’inscrire, on l’espère, dans un territoire
bien réel.

Beaux Arts 25
Design par Claire Fayolle

Le designer Laurent Massaloux et


l’artiste sonore Jean-Yves Leloup
livrent avec l’Écouteur une
interprétation contemporaine du
salon de musique.

QU’EST-CE QUE LE CONFORT ?


Pour rendre visible une collection design parmi les plus vastes d’Europe, le Centre national des arts plastiques (Cnap) expose
une petite partie de son fonds à Nancy sur le thème du confort. C’est le début d’une collaboration de cinq ans avec la ville.

Q u’est-ce qu’un objet confortable ? Un pro-


fond canapé sur lequel se vautrer avec
délectation ou des brins d’herbe géants sur les-
virent à l’étrange, soit suscitant une vague
impression de malaise, tels ces luminaires en
forme de globe oculaire, soit prêtant plutôt à
quels se jeter avec jubilation ? Une cafetière sourire, comme ce téléphone-oreiller. La notion
électrique au look minimal ou une version ita- de confort se fait plus conceptuelle et fuyante.
lienne expressive ? Un purificateur d’air ou un Pour s’y retrouver, il faut se plonger dans le
détecteur pour signaler une concentration éle- copieux journal de l’exposition. Car la scénogra-
vée de dioxyde de carbone ? Tel est le type de phie a éliminé la présence des cartels pour pri-
questions – difficiles à trancher – que suscite vilégier une ambiance onirique portée par une
d’abord la nouvelle exposition du Centre natio- magnifique moquette aux motifs cosmiques,
nal des arts plastiques (Cnap). Avec plus de élément essentiel d’une mise en scène théâtrale
6 500 pièces, celui-ci détient l’une des plus qui permet d’unifier un espace d’exposition
importantes collections publiques de design scindé en deux par une mezzanine centrale. Sur
d’Europe, entreprise au début des années 1980 celle-ci, en guise d’intermède, il est possible de
et essentiellement constituée de pièces contem- tester quelques assises – un peu perdues – ainsi
poraines. Après les «Oracles du design» à la qu’un dispositif d’écoute collective, l’Écouteur.
Gaîté lyrique à Paris, les «Zones de confort» Conçue par le designer Laurent Massaloux et le
se déploient dans la galerie Poirel de Nancy. journaliste et artiste sonore Jean-Yves Leloup,
Conçue par Juliette Pollet, conservatrice au cette commande publique due à l’initiative du Un espace cuisine à l’heure de l’électroménager : autocuiseur
Cnap, et le studio GGSV, l’exposition propose Cnap est une réinterprétation du salon de Seb, aspirateur Dyson, ustensiles Jasper Morrison… et
fauteuil-Caddie de Frank Schreiner, le Repos du consommateur.
une visite métaphorique de l’appartement d’un musique. Démontable, l’espace est pensé
collectionneur «compulsif et éclectique». comme un outil de diffusion des œuvres et
À VOIR
archives sonores. «Zones de confort» est le pre-
SUR MON TÉLÉPHONE-OREILLER mier volet d’un triptyque visant à révéler «Zones de confort» jusqu’au 17 avril r galerie Poirel
3, rue Victor Poirel r 54000 Nancy r 03 83 32 31 25
On est invité à parcourir quatre pièces. Les deux diverses facettes de la collection design du
www.poirel.nancy.fr
premières – l’office et la réception – offrent une Cnap. Les prochains rendez-vous sont fixés en
interprétation attendue du thème, entre avril 2017 et septembre 2018. En attendant, À LIRE
confort moderne, incarné par l’électroménager, l’institution poursuit sa politique d’ouverture L’Idée de confort – Une anthologie à paraître
et confort postural avec des sièges pour la plu- au public. Dès le courant du printemps, grâce à sous la dir. de Juliette Pollet et Tony Côme coéd. Cnap-B42
* «Mon musée du design», commande du ministère de la Culture
part rembourrés. En revanche, l’antichambre et l’application conçue par Sismo*, chacun pourra et de la Communication en prolongement de la politique nationale
l’aire de jeux surprennent davantage. Les objets imaginer son «musée du design» virtuel. du design mise en place par Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti.

26 Beaux Arts
FAIRE
VIVRE
L’ART
CHEZ
VOUS!

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Muzeo.com est le premier
site de vente de reproductions
d’œuvres d’art et d’objets
décoratifs sur-mesure.
Des milliers de tableaux, photos,
papiers peints, abat-jours et coussins
fabriqués artisanalement à Paris
pour faire vivre l’art chez vous !
Les chefs d’œuvres des plus grands
musées, tout comme le travail d’artistes
photographes contemporains sont
désormais à portée de clic.
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Showroom: 6 rue Nicolas Appert - 75011 Paris. Tel: 0170715220
Design par Claire Fayolle

HOMMAGE À RICHARD SAPPER


EN SEPT OBJETS ICONIQUES
Avec Richard Sapper, décédé le 31 décembre dernier à
Milan, disparaît l’un des derniers grands «maestros». Il
avait 83 ans. Au cours de sa longue vie professionnelle, le
célèbre designer industriel a touché à tout ou presque
avec la rigueur, le sens du détail et la liberté d’esprit qui
caractérisaient sa démarche. Après des études pluridisci-
plinaires (ingénierie, philosophie, anatomie) et un di-
plôme en «business», ce natif de Munich commence sa «LASER»0-*7"3*r
carrière au département style de Daimler-Benz. Il quitte Cette poignée incarne la rigueur assouplie par un léger arrondi.
ensuite l’Allemagne pour Milan où il fonde son studio en Le designer l’a dessinée pour une entreprise familiale italienne
1959. Dès lors, il entame une fructueuse collaboration qui fabrique des poignées de porte depuis 1911. Réputée
avec le designer Marco Zanuso. Ensemble, ils signent de pour son catalogue, elle fait la part belle aux architectes. En laiton,
nombreux produits chez Brionvega (téléviseur, radios, la poignée existe en trois versions : chromée, mate et façon inox satiné.
chaîne hi-fi) et participent aussi à l’exposition historique ©QBSUJSEFérXXXPMJWBSJJU
du musée d’Art moderne de New York, «Italy, the New
Domestic Landscape» (1972). À partir des années 1980, il
est consultant pour IBM puis pour l’entreprise chinoise
Lenovo, où il supervise le design des ordinateurs. Le desi-
gner a fait don au Centre Georges Pompidou de dessins,
maquettes et produits témoignant de son travail avec
l’entreprise informatique. Son seul regret reste d’avoir re-
fusé une proposition de Steve Jobs pour rejoindre Apple.
Il laisse derrière lui de véritables icônes du design.
En voici quelques-unes.

«TIZIO MICRO»"35&.*%&r
Voici un classique du design et l’une des premières lampes
halogènes au monde. Elle se distingue par l’amplitude
de mouvement de ses bras articulés et de sa tête orientable.
Son système de contrepoids permet d’ajuster sa position
d’un simple effleurement. Richard Sapper a décliné le modèle
conçu en 1972 en cinq autres versions de différentes «ALGOL»&/$0--"#03"5*0/"7&$."3$0;"/640r#3*0/7&("r
dimensions et couleurs. La «Tizio Micro» est disponible en Pionnière des télévisions portatives, c’est une réussite absolue.
quatre finitions. %FéÆérXXXBSUFNJEFJU Pensée dans les moindres détails, jusque dans la disposition des composants
internes, elle est reconnaissable entre toutes grâce à son écran incliné.
Ce dernier faisait dire à Marco Zanuso qu’elle ressemblait à un petit chien levant la
tête vers sa maîtresse ! La société Super//Fluo, qui a racheté Brionvega
en 2006, réédite le modèle en 199 exemplaires. érXXXTVQFSáVPDPN

Suite page 30

28 Beaux Arts
Design HOMMAGE À RICHARD SAPPER

«TODO»"-&44*r
Pour dessiner cette râpe géante à fromage
et à noix muscade, Sapper a puisé dans
jv son expérience. Afin de rendre l’opération
0''*$*/""-&44*r plus efficace, il a conçu un ustensile qui permet
Cette bouilloire chantante a d’obtenir en un seul passage la quantité
toujours fière allure. Son sifflet de fromage nécessaire pour une assiette.
mélodique caractéristique À la fois astucieux et spectaculaire, l’objet
intègre deux diapasons à bouche, ne déparera pas la table. En acier et bois.
l’un produisant un si, l’autre érXXXBMFTTJDPN
un mi. Ils sont spécialement
fabriqués par des artisans de la
Forêt-Noire pour l’entreprise
italienne. En acier inoxydable,
laiton et polyamide.
érXXXBMFTTJDPN

«DIALOG 1»-".:r
Le designer rompt avec le traditionnel stylo à bille cylindrique pour proposer
une version au corps triangulaire. Parfaitement ergonomique, cet outil d’écriture
à la ligne unique demeure un modèle d’élégance et d’originalité. En métal
finition titane, l’objet est livré dans un étui en hêtre. Un roller de Knud Holscher
et un stylo à plume rétractable de Franco Clivio complètent la série «Dialog».
érXXXMBNZDPN

«STATIC»-03&/;r
Créer une forme dynamique, telle est l’idée à l’origine
de cette horloge de table. Grâce à l’emprise minimale
de sa base, l’objet semble à la limite du déséquilibre.
Dès son lancement, le jury du fameux Compasso d’Oro
a salué la performance en lui attribuant le prix.
Depuis, il n’a jamais cessé d’être produit. En laiton brossé,
il existe en trois finitions ainsi que dans une récente
réédition d’époque en métal laqué. érXXXMPSFO[JU

30 Beaux Arts
PUBLI-COMMUNIQUÉ

Les nouvelles Utopies de


TCHINAÏ
Le souffle de légèreté et de fraîcheur qui accompagne le printemps est également
celui qui révèle les dernières œuvres de Tchinaï présentées à la Galerie Taménaga,
une véritable symphonie rythmée par ces fleurs de prunus à la beauté fragile.

Tchinaï traduit dans ses tableaux la beauté


qu'il contemple autour de son atelier, celle
qui le fascine par ce spectacle quotidienne-
ment renouvelé : la nature dans sa noblesse
et sa grandeur, dans sa puissance toute ani-
mée par les divinités shintoïstes. Il saisit des
instants fugaces pour en retenir une idée
poétique qu'il raconte grâce à son langage
pictural à la fois emprunt de tradition et de
modernité. Il est important pour Tchinaï
de saisir la beauté du moment, de l’instant
présent suspendu, éphémère et fragile,
à l’image de la brève floraison des fleurs
de prunus, annonciateur du printemps :
lorsque les cerisiers fleurissent entre la fin
mars et le début mai, du sud au nord, les
Japonais célèbrent le festival du hanami.
Tchinaï les figure avec finesse ou dans ces
cascades de fleurs roses rayonnantes. Il ins- Utopia Hanawahananiarazu Tsukiuyau - 55  110 cm
crit ses œuvres dans le cycle des saisons, la
promesse d’un éternel recommencement. Il tant en retrait, gommant toute présence de brouiller les repères lorsque le prunus
accompagne l'enchaînement irrémédiable humaine : la pivoine est associée au prin- semble prendre racine dans la lune, et les
des saisons les unes aux autres, tout en res- temps, le lotus à l’été, le chrysanthème à fleurs flotter. Il change de dimension en
l’automne et la fleur de prunus à l’hiver. À plongeant dans le cosmos, comme si les
partir de ce vocabulaire essentiel qui s'ins- réponses à ses questions se trouvaient au-
crit dans une tradition millénaire, il nous delà de notre géographie.
surprend avec cette nouvelle série qu'il Délicats, raffinés et précieux, ses tableaux
place sous le signe de l'Utopie – comme proposent un dépaysement, un véritable
l'attestent les titres de ses tableaux. On y voyage et constituent autant d'odes à une
voit comme un motif récurrent : la lune, quête de nouvelles Utopies joyeuses.
astre symbolisant le principe féminin où
résident, selon les traditions et les contes Andrée Palermo
ancestraux japonais, un lapin et la prin-
cesse Kaguya-hime à la beauté légendaire.
Tchinaï recouvre la lune d'or pour la mag-
nifier mais aussi pour la placer hors de
notre temps terrestre et humain. Il la rap-
INFOS PRATIQUES
proche de la terre et relie les deux astres
par le tronc d'un prunus ou par le vol de « TCHINAI »
ces papillons, motif qui lui est également Du 24 mars au 14 avril 2016
très cher. Réunis, ces lépidoptères célè-
brent peut-être le bonheur conjugal. Ses
compositions sont toujours savamment Galerie Taménaga
construites autour d’un axe de symétrie 18, avenue Matignon, 75008 Paris
central qui pose le sujet du tableau : une Tél : 01 42 66 61 94
Utopia Hanawahananiarazu Tsukinohigan - grappe de fleurs, le cœur d’une pivoine, un www.tamenaga.com
92  73 cm rocher, un tronc… Il lui arrive cependant
CinéArt par Jacques Morice

Reprises en salles
HOLLYWOOD SE FAIT MOUSSER
Un must de la comédie sophistiquée, graphique,
où la complicité de Blake Edwards avec Peter Sellers
atteint des sommets burlesques. Récit d’une party chic
dans une villa qui tourne mal pour le protagoniste principal
(un Hindou lunaire et maladroit), le film sème les gags
avec une élégance à toute épreuve et une acuité cinglante
sur les mœurs hollywoodiennes.
La Party de Blake Edwards (1968) En salles actuellement

L’«Indien» Peter Sellers et la «chanteuse» Claudine Longet.


Avec Elephant (2003), Gus Van Sant pose la question de la violence dans un film d’une intense beauté visuelle.
L’ENFER, C’EST LES AUTRES
Revenu plutôt amer d’Hollywood après la guerre, Julien
GUS VAN SANT, MAÎTRE EN ESTHÉTIQUE Duvivier adapte Simenon et réalise là l’un de ses films
les plus forts et les plus noirs autour d’un original bougon
(le grand Michel Simon) détesté de tout le voisinage,
On savait Gus Van Sant connecté à tout, de Hollywood à la Beat Generation, du rock à l’art qui l’accuse à tort d’un crime. Un cauchemar social, entre
Céline et Fritz Lang, d’un pessimisme foncier sur la nature
vidéo. Démonstration à travers une rétrospective et une exposition à la Cinémathèque. humaine, ses mesquineries et ses faiblesses.

S i «exposer» des cinéastes ne va pas forcé- Influencé par la frange radicale du cinéma euro- Panique de Julien Duvivier (1946)
&OTBMMFTÆQBSUJSEVNBST
ment de soi, au moins le geste paraît justifié péen (de Chantal Akerman à Béla Tarr), il connaît
dans le cas de Gus Van Sant. Ses films appellent aussi son Hitchcock sur le bout des doigts, le
la mise en espace et en boucle sonore. Question dupliquant à merveille (Psycho) en un geste
d’étendue (les déserts de My Own Private Idaho conceptuel. Bref, un oiseau rare, connecté à la DVD
et Gerry), de dispositif (le campus labyrinthique création contemporaine (de William Eggleston
d’Elephant), de musique (la fin de Kurt Cobain à Sonic Youth) et lui-même touche-à-tout. Outre FAIRE ŒUVRE DE SA MÉLANCOLIE
dans Last Days). On a tous en tête une séquence ses films montrés dans la rétrospective, on Acteur (chez Téchiné, Vecchiali…), Jacques Nolot est aussi
qui flotte, un moment de pure beauté visuelle, découvrira dans l’exposition tout un pan moins et surtout l’auteur de trois films (l’Arrière-pays, la Chatte
facilement détachable. Métaphysique, politique connu de son travail : clips (Bowie, Red Hot Chili à deux têtes, Avant que j’oublie) très singuliers, à forte teneur
et sexuelle, son esthétique est fluide. Synonyme Peppers), Polaroid en noir et blanc (portraits à autobiographique, racontant son ascension sociale,
d’immersion et de circulation – le parcours de fleur de peau de graines de stars, dont Drew sa route et ses déroutes
d’homosexuel déclaré,
l’exposition est conçu comme un «ciné-park», en Barrymore, River Phoenix…) et aquarelles sen-
de la province à Paris,
hommage au skate-park de Paranoid Park. Sur- suelles grand format. Comme dans son cinéma,
à travers toutes sortes
face et courbe, il faut que ça glisse. Rien de Gus Van Sant sait ranimer une forme de roman- de milieux. Du cinéma
superficiel pour autant : la désillusion ou la mort tisme, fût-il sombre, à l’époque postmoderne. à la fois cru et poétique,
attendent souvent ses personnages au tournant. empreint d’une
Cet artiste de Portland est un des très rares à «Gus Van Sant – Icônes» du 13 avril au 31 juillet mélancolie tenace.
avoir un pied dans le star-system hollywoodien et dans les salles (rétrospective, rencontres, conférences) Jacques Nolot Intégrale
et un autre dans l’expérimental (on verra ses KVTRVBVNBJr$JOÊNBUIÍRVFGSBOÉBJTFr SVFEF#FSDZ $PGGSFUEF%7%
courts-métrages, dont un avec Allen Ginsberg). 1BSJTrXXXDJOFNBUIFRVFGS ÊE$BQSJDDJré

32 Beaux Arts
Henri Rousseau (1844-1910): Le rêve, 1910, New York, Museum of Modern Art (MoMA), huile sur toile
(2,04 x 2,98 m), donation de Nelson A. Rockefeller © 2016 Digital image, MoMA/Scala, Florence.

Le Douanier Rousseau
ou l’éclosion moderne
le film officiel Un film de
Nicolas Autheman

de l’exposition
au Musée d’Orsay

Toujours
disponibles

En DVD et VOD le 3 avril


Dès le 20 mars à la librairie du Musée et sur arteboutique.com
Livres
Ces caricaturistes
qui nous font la gueule!
Une exposition aux Arts décoratifs et plusieurs ouvrages montrent comment la caricature du XIXe siècle à aujourd’hui
passe allègrement de la politique à la pub. Et en dit plus en quelques traits qu’en quelques mots.

U ne image vaut mieux qu’un long discours.


Surtout quand elle est drôle et percutante.
Les dessinateurs et caricaturistes le savent bien,
eux qui, au XIXe siècle, ont fait les beaux jours de
la presse grâce à leur plume mordante sans
concession. Avec l’industrialisation des publica-
tions et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse, les titres satiriques se multiplient,
Charivari, la Silhouette, la Caricature, Rire, Journal
pour rire, l’Assiette au beurre… Vendus à la criée ou
en kiosques, ils doivent attirer le passant au pre-
mier coup d’œil par des Unes chocs qui n’évitent
ni les polémiques ni la censure. Fins observateurs
de leur époque, capables d’aborder des sujets sen-
sibles par des raccourcis implacables, les dessina-
teurs de presse se retrouvent courtisés par des
annonceurs, eux aussi à la recherche de visuels
forts, et mettent leur talent au service de la publi-
cité alors en plein essor. C’est à ces relations
qu’entretiennent la caricature et l’affiche publi-
citaire des années 1850 à 1918 que s’intéressent
aujourd’hui les Arts décoratifs à travers une
exposition et une publication passionnantes diri-
gées par la conservatrice Réjane Bargiel. Pour
elle, pas de doute : parce qu’elle utilise les mêmes
ressorts que la caricature (un trait alerte et précis,
une palette contrastée réduite à l’essentiel, pour
une composition dont la force de suggestion se
veut immédiate), «l’affiche tire vers le haut l’en-
semble de la publicité».

CONTRE LES CLICHÉS ÉCULÉS SUR LE BEAU


En témoignent les créations d’André Gill, ami
de Courbet, l’un des premiers à passer de la cari-
cature engagée dans la lutte politique à une
image moins offensive et plus séduisante (voire
consensuelle) qu’il est possible de placarder par-
tout dans Paris. Ou celles de Gustave Jossot, per-
suadé «qu’on peut faire de l’art et du grand avec
la caricature», dénonçant les «préjugés de
l’École» et «les vieux clichés sur le Beau, ce mot
que nul n’a jamais su définir», alors que pourtant,
selon lui, «une gueule tirée, tordue, déformée par
la souffrance, la colère, le rire ou la frayeur, est
GUSTAVE JOSSOT Sales Gueules, affiche, 1896. mille fois plus Belle, malgré sa laideur, que la tête

34 Beaux Arts
par Daphné Bétard

HONORÉ Pic de pollution record à Paris TFQUFNCSF

ALAIN BARRÈRE Professeurs de la faculté de médecine QMBODIFJMMVTUSÊF 

«L’affiche, sur le mur, doit hurler,


elle doit violenter les regards.» GUSTAVE JOSSOT

insipide et inexpressive de la Vénus de Milo». durant cette période tragique. C’est pourtant
Dans ses affiches pour Saupiquet, il ne renonce ce que parvient à faire Lucien Laforge dit Gui-
pas à son trait outré et féroce. Ses personnages lac. Pacifiste dans l’âme, il refuse de participer
grotesques ont laissé leurs bonnes manières au à ce qu’il considère comme un «bourrage de
vestiaire pour s’empiffrer de l’irrésistible pois- crâne». Il est l’un des premiers dessinateurs et
son en boîte. Pour Jossot, «l’affiche, sur le mur, affichistes du Canard enchaîné, pour lequel il
HONORÉ La photo officielle que Depardon
doit hurler, elle doit violenter les regards». invente des œuvres graphiques aux slogans n’a pas osé faire KVJO
décalés hilarants – «on peut ne pas aimer la tête
ART DU RACCOURCI ET DE L’IMPERTINENCE de veau… mais il est impossible de ne pas aimer
Beaucoup moins virulent, Leonetto Cappiello, le Canard enchaîné».
auteur de dessins stylisés aux figures expressives Un siècle plus tard, la caricature continue À LIRE
toujours en mouvement, explique, de son côté, d’échauffer les esprits. Pour une histoire globale De la caricature à l’affiche – 1850-1918
chercher à «rendre l’autre individu que cache de cet art du raccourci et de l’impertinence, il sous la dir. de Réjane Bargiel
chaque individu ou qu’il a l’air de cacher au pre- faut se plonger dans l’Art et l’histoire de la carica- ÊE-FT"SUTEÊDPSBUJGTrQré
Catalogue de l’exposition éponyme aux Arts décoratifs
mier abord. Dénoncer et prouver l’existence de ture, paru chez Citadelles & Mazenod en 2006,
KVTRVBVTFQUFNCSFr SVFEF3JWPMJr1BSJT
cette image fuyante, synthétisée, de nous- aujourd’hui revu et augmenté. En guise de www.lesartsdecoratifs.fr (exposition ensuite présentée
mêmes.» Et face à des annonceurs et agents de conclusion, le dernier chapitre s’interroge sur la BV1BMBJT-VNJÍSFE­WJBOEVOPWFNCSFBVKBOWJFS 
publicité de plus en plus pressants qui risquent conception française de la liberté d’expression L’Art et l’histoire de la caricature
de brider sa créativité, il oppose un argument et l’autocensure au lendemain de l’attentat qui a par Laurent Baridon et Martial Guédron
imparable : «Si les commerçants ou les industriels coûté la vie aux dessinateurs de Charlie Hebdo. ÊE$JUBEFMMFT.B[FOPErQré
reculent devant les idées nouvelles, ils ne résistent L’un des leurs, le très caustique et non moins sub- Honoré – Petite anthologie du dessin politique
pas aux résultats financiers.» Quant à Marius til Philippe Honoré, est à l’honneur dans une par Hélène Honoré
Rossillon dit O’Galop ou encore «professeur Petite anthologie du dessin politique réunissant ÊE-B.BSUJOJÍSFrQré
Touchatout», créateur du fameux Bibendum de quelques-uns de ses meilleurs feuillets (publiés
Michelin, il mène de front ses carrières d’affi- pour la plupart dans Charlie). Où l’on retrouve
chiste et de caricaturiste, avant de servir comme ses cibles préférées, hommes politiques et puis-
tant d’autres, pendant la Première Guerre mon- sants dont il dénonce les travers dans des dessins
diale, une propagande proguerre et antiboches. à l’encre d’une virtuosité à couper le souffle et
Difficile de faire entendre une voix dissonante d’une efficacité redoutable.

Beaux Arts 35
Livres
L’HISTOIRE DE L’ART
EST-ELLE RACISTE ?
Pourquoi le Louvre persiste-t-il à classer les œuvres
par nations ? Que les Italiens et les Espagnols soient
séparés des Français ainsi que des Allemands, des
Flamands et des Hollandais passe aujourd’hui pour
aller de soi. Et pourtant, il n’en a pas toujours été
ainsi. Ouvert au public parisien entre 1750 et 1779,
le premier musée du Luxembourg offrait un échan-
tillon de chefs-d’œuvre dont la disposition ne
devait rien à la provenance ethnique de leurs
Les Invasions barbares auteurs. Alors, que s’est-il passé pour que ce critère
Une généalogie ait fini par devenir la norme en de nombreux
de l’histoire de l’art endroits ? Dans les Invasions barbares, le chercheur
par Éric Michaud Éric Michaud, directeur d’études à l’EHESS, pose
éd. Gallimard
Qré
les questions qui fâchent. D’une plume alerte et
érudite, il déterre les vestiges honteux d’une his-
toire de l’art qui n’a pas échappé au principal travers de l’époque l’ayant
vue naître : le racialisme. Avec, d’un côté, l’énergie mâle des jeunes peuples
du Nord. Et de l’autre, la vieille Europe romaine, féminine et décadente.
JULIEN-JOSEPH VIREY Espèces, 1824
Depuis le XIXe siècle, cette opposition entre «races germaniques» et
«races latines» structure l’interprétation de productions culturelles qui de dépoussiérage. Au point que les concepts et les outils utilisés par des
semblent porteuses d’une identité nationale. pionniers comme Winckelmann en Allemagne ou Louis Courajod en
«Il serait parfaitement vain de chercher à démontrer que l’histoire de l’art France ont survécu. Sans qu’on n’y prête attention, ils ont continué d’in-
fut – ou est encore – une discipline raciste. Elle ne l’aura été ni plus ni fuser «par-delà l’effondrement de leurs présupposés». Et contre toute
moins que les autres sciences sociales qui, toutes, furent touchées ou attente, même l’art contemporain se nourrit de ce non-dit. Aux États-
orientées par la pensée raciale de manière à classer et hiérarchiser les Unis, par exemple, le label «black» ou «latino» constitue désormais une
hommes en fonction de certains traits somatiques et psychologiques qui plus-value dont témoigne la prolifération des manifestations artistiques
leur étaient attribués», proteste toutefois Éric Michaud. Il n’empêche. à caractère «ethnique». Comme si l’art et la culture étaient d’abord une
Contrairement à l’anthropologie, cette discipline n’a pas fait de travail question de race. Marion Rousset

UNE PORTE SUR LA CRÉATION DANS L’ANTIMUSÉE RIMBAUD ILLUMINÉ PAR MUNCH,
«La porte met toujours à l’épreuve DE JEAN TINGUELY SCHIELE, PICASSO...
un désir. Le désir de voir, de Connu pour ses tableaux-machines Par son écriture audacieuse
s’immiscer, de partager, de surmonter à moteurs délirants et ses sculptures et visionnaire, parce qu’il a préféré
une exclusion.» Élément a priori animées improbables, Jean Tinguely au réel et au rationnel la voie du rêve
anodin auquel on a toujours eu (1925-1991) fait en 1988 et de l’imagination, Arthur Rimbaud
tendance à préférer son alter ego l’acquisition d’une usine désaffectée anticipe la peinture moderne.
la fenêtre, la porte est un élément entre Fribourg et Lausanne, où Démonstration est faite dans cette
qui s’avère lourd de sens car elle cristallise le rapport au monde il décide d’installer son atelier, et aussi un musée. Enfin, plutôt luxueuse édition confrontant les poèmes des Illuminations
et à l’autre. Le critique et essayiste Georges Banu a décidé d’en un «antimusée total», lieu utopique et testament artistique et d’Une saison en enfer à des tableaux signés Gauguin,
percer les mystères. Depuis l’intimité des intérieurs flamands où s’entassent sculptures, peintures et objets, qu’il baptise le Van Gogh, Munch, Schiele ou Kandinsky. Et aussi James Ensor
et hollandais, dominés par les figures de Vermeer et Rembrandt, Torpedo Institut. Au terme d’un travail documentaire rigoureux, (pour ses masques grimaçants), Matisse (pour sa Joie de vivre),
jusqu’à la peinture contemporaine en passant par les au plus près de l’esprit du maître de la dérision et de l’absurde, un Delaunay et un Otto Dix inattendus, ainsi que le Picasso
inévitables Vallotton et Duchamp, l’auteur trace un chemin le scénographe et enseignant Olivier Suter est parvenu mélancolique de la période bleue. Une promenade envoûtante
de traverse original et captivant dans l’histoire de la création à reconstituer ce lieu mythique malheureusement démantelé pour redécouvrir le poète qui voulait «se faire voyant». D. B.
occidentale. Daphné Bétard au lendemain de la mort de l’artiste. D. B. Rimbaud – Poésies/Une saison en enfer/Illuminations à la
La Porte au cœur de l’intime par Georges Banu Jean Tinguely – Torpedo Institut par Olivier Suter lumière de la peinture moderne au tournant du XXe siècle
ÊE"SMÊBrQré ÊE1BUSJDL'SFZrQré ÊE%JBOFEF4FMMJFSTrQré

36 Beaux Arts
La création
artistique
coréenne 6 mars >5 juin 2016
s’invite en Bignan (56)
Morbihan www.kerguehennec.fr

HA Chong Hyun, Conjunction 09-004, 2009, huile sur chanvre, 180 x 120 cm. Courtesy Kukje Gallery
Philo par François Cusset

Festival de la tente à Pingxiang, Chine.

RÉENCHANTER LES CAMPEMENTS


Plutôt que l’indignation ou l’égoïsme assumé face aux migrants qui se réfugient aux abords de nos villes, certains ont décidé
de réagir en faisant rimer «habiter» et «protester» dans ces campements de transit où l’on continue à vivre, à aimer, à espérer…

F ace aux réfugiés des guerres lointaines et aux


migrants de la mondialisation inique qui se
pelotonnent dans les buissons de nos squares,
tataires», et derrière les «exilés» des «conqué-
rants» – depuis les «zones à défendre», occupées
par des écolos radicaux contre des chantiers d’aé-
tester», a installé ses ruses et ses modes d’expres-
sion (films documentaires, textes-manifestes,
blog sur Mediapart) dans la «jungle» de Calais, à
squattent nos bâtiments en travaux ou se roport ou de barrage, jusqu’aux camps de transit moitié évacuée en février mais toujours là, entre
retrouvent parqués entre les grillages de campe- pour réfugiés, le fait de juxtaposer ces situations tensions et solidarités, dangers et connivences.
ments insalubres, deux attitudes dominent, constituant un choix éminemment politique. Pour y témoigner de ce qu’y construisent ces mil-
apparemment contraires, avec leurs deux drama- liers de «rêveurs colossaux» et de «bâtisseurs invé-
turgies en miroir : l’indignation morale, avec sa LE PEROU À RIS-ORANGIS térés», du fait que «ici même l’on habite, cuisine,
morbidité bien intentionnée et (heureusement) Et c’est aussi ce que pratique depuis plusieurs danse, fait l’amour, fait de la politique, parle une
ses gestes d’aide, et, en face, l’égoïsme assumé, années l’étonnant Perou, Pôle d’exploration des vingtaine de langues…», et y révéler cet «espoir
national ou plus réaliste, qui voue aux gémonies ressources urbaines animé par l’activiste infini» que portent les agrégats de déplacés se
«l’envahisseur» basané et ses haillons errants. En Sébastien Thiéry et d’anciens étudiants en urba- multipliant à l’heure actuelle aux abords de nos
somme, qu’on soit pour ou contre «ces pauvres nisme, partis aider Roms ou migrants en villes. Témoigner relève ici autant de la tech-
gens», c’est toujours l’humeur triste et le pathos construisant avec eux toilettes sèches ou salles nique artistique que de l’opération politique. Et
alarmiste. Une troisième approche est possible, collectives afin de retarder des expulsions poli- de la tactique d’opposition que de la promotion
dont on voudrait faire ici l’hypothèse qu’elle cières justifiées officiellement par l’insalubrité ou d’une urbanité alternative, vibrant déjà sur les
constitue un geste artiste, au sens où elle invente la promiscuité. En 2014, le Perou installait son dalles des cités et sous les échangeurs d’auto-
des formes, déplace nos regards, affole nos certi- «ambassade» dans le camp rom de Ris-Orangis, routes, sans qu’on parvienne souvent à y voir
tudes : la recherche systématique, dans ces des- en banlieue sud de Paris, y bricolant une école en autre chose que le risque ou la détresse. Séchez
tins nomades et ces habitats de fortune, des préfabriqué, y distribuant des appareils photo vos larmes : habitez, bricolez, défrichez !
forces de vie qui les font tenir debout – inventi- pour que les habitants restent maîtres de leur
vité des bricolages, ersatz d’espaces publics, image et y déroulant même finalement, pour les À VOIR
fatalisme burlesque, joies immédiates d’une protéger symboliquement de l’expulsion annon- «Habiter le campement» du 13 avril au 29 août
Cité de l’architecture et du patrimoine
communauté improvisée, et tout l’humour des cée, un quilt géant tissé de textiles apportés par
 QMBDFEV5SPDBEÊSPFUEV/PWFNCSFr1BSJT
débrouilles et des rassemblements. C’est ce que tous – autant de gestes artistiques et politiques, rXXXDJUFDIBJMMPUGS
fait, à partir du 13 avril à la Cité de l’architecture, indissociablement. Et, en ce début d’année 2016, Blog de Sébastien Thiéry
l’exposition engagée «Habiter le campement» en la même petite bande, grossie de nouvelles IUUQTCMPHTNFEJBQBSUGSTFCBTUJFOUIJFSZCMPH
montrant derrière les «infortunés» des «contes- recrues décidées à faire rimer «habiter» et «pro- DPOTJEFSBOUDBMBJT

38 Beaux Arts
Mark Bradford Waterfall, 2015 (détail)
© Mark Bradford Courtesy de l’artiste et de Hauser & Wirth
NEW ART FROM LOS ANGELES
12 MARS - 17 JUILLET 2016

COMMISSAIRE D’EXPOSITION :
SHAMIM M. MOMIN/
LAND (LOS ANGELES NOM ADIC DIVISION)

EDGAR ARCENE AUX / LISA ANNE AUERBACH


M ATH BASS / M ARK BR ADFORD
SA M FALLS / DANIEL JOSEPH M ARTINEZ
JON PYLYPCHUK / FAY R AY / RY ROCKLEN
A M ANDA ROSS-HO / ANALIA SABAN
SHANNON EBNER & ERIK A VOG T
BRENNA YOUNGBLOOD

Mona Bismarck American Center


34 avenue de New York, 75116 Paris
#wastelandparis
www.monabismarck.org

EN PARTENARIAT
AVEC
Télévision, radio par Florelle Guillaume & Charlotte Ullmann

À regarder
AUX MARQUISES AVEC GAUGUIN ET AUSSI…
UN PETIT CARAVAGE
Un peintre de génie, une vie de voyou, la gloire,
À lui seul, le nom de
Gauguin évoque un puis, à 38 ans, la mort brutale, son corps échoué sur
une plage de Porto Ercole. C’est le portrait rebattu
monde lointain saturé
du Caravage brossé par ce documentaire assez
de couleurs intenses,
complet, mais prévisible et qui force le trait :
peuplé de Tahitiennes reconstitutions policières, musique dramatique
aux visages graves et outrancière et choix des planches de Manara, avec
silencieux, hanté de sta- leur esthétique botoxée, pour illustrer de façon
tues et de spectres mys- fantaisiste les épisodes de la vie du peintre. Ce qui
térieux. Ce monde fabu- sauve cette réalisation ? Le récit de la complexité
leux, le peintre, en quête des attributions des tableaux de l’artiste
de déracinement, le au XXe siècle et, bien sûr, une peinture sublime.
trouva sur le lieu de son Quand la caméra veut bien s’y attarder un peu.
exil final, où nous ARTE «Caravage, dans la splendeur des ombres»,
le 10 avril à 17 h 30 (52 min)
emmène ce film : aux îles
Marquises. Le destin de RÊVES DE DOUANIER
Paul Gauguin aurait Quel destin ahurissant que celui de ce gabelou
pourtant pu suivre le autodidacte s’obstinant à peindre naïvement
chemin plus familier et des toiles ridiculisées par tous mais qui finirent par
confortable qu’il avait d’abord emprunté, celui de père de famille et agent de change PAUL GAUGUIN subjuguer les plus grands, de Picasso à André Breton !
prospère. Mais la passion de la peinture le conduisit sur des terres plus sauvages : celles Mahana no atua Le Douanier Rousseau a tout pour faire l’objet
(Jour de Dieu), 1894
de la Bretagne d’abord, puis en Polynésie. Las ! le paradis tropical avait été gâché, un d’un film de cinéma, mais ce n’est pas encore le cas.
demi-siècle plus tôt, par l’arrivée massive des Français, apportant trois fléaux : l’alcool, On se contentera donc, à l’heure où le musée
la syphilis et la morale catholique. Cette dernière s’évertua à réprimer violemment d’Orsay le célèbre, de cet excellent documentaire,
vivant, généreux en archives, pertinent dans
cette culture locale empreinte de mythologie et de rites qui émerveilla tant Gauguin.
ses analyses, riche en anecdotes et en citations
Aujourd’hui, les Marquisiens perpétuent le souvenir de ce passage mythique. La
bien senties. Il nous embarque dans cet univers
Maison du Jouir a été reconstituée et, à ses pieds, un puits de pierre a récemment livré attachant, parfois gai, parfois déchirant,
ses secrets qui en disent long sur la fin douloureuse du peintre : quelques dents cariées, FRANCE 5
«Gauguin, le Paradis
où se rencontrent le Paris trépidant de la fin
des carafes de vin brisées et des capsules de morphine… Ce documentaire, entre du XIXe siècle et des jungles extravagantes.
toujours plus loin»,
enquête historique et carnet de voyage, nous fait découvrir l’envers du rêve polynésien le 24 avril à 9 h 20 ARTE «Le Douanier Rousseau ou l’éclosion
que Gauguin a définitivement légué à l’imaginaire collectif. (52 min) de la modernité», le 3 avril à 17 h 30 (52 min)

À écouter
BULLER SUR FRANCE INTER LA PEINTURE PAR LES OREILLES NOUVEL ET SON GRAND PARIS TOUT SUR O’KEEFFE
Critiques spécialisés débattent de leurs coups Arte Radio s’associe avec le musée d’Orsay Jean Nouvel parle sans langue de bois de son Georgia O’Keeffe a été mise à l’honneur
de cœur sur les albums qui viennent de paraître pour créer un événement au sein de l’auditorium sujet de prédilection. Il y pose la question à Grenoble cet hiver et le sera de nouveau
et, à la suite du festival d’Angoulême, de la place du musée. Prévue en plusieurs épisodes, des rapports entre architecture, urbanisme à Londres pendant tout l’été. Sophie Bernard,
des femmes dans ce milieu. Laurent Baridon, la première partie de cette création sonore a été et politique à l’occasion des réflexions autour conservatrice au musée de Grenoble, Mathilde
historien de l’art et auteur, s’exprime par ailleurs diffusée le 25 février et se compose de courts du Grand Paris. Un maire doit-il sélectionner Roussel, artiste plasticienne, et Jean de Loisy,
sur l’histoire de la caricature à travers reportages, témoignages et portraits en lien avec les projets en fonction du bien-être de ses président du Palais de Tokyo, évoquent la longue
les siècles en écho à la réédition de son ouvrage les collections d’Orsay. Les prochaines éditions concitoyens ou des attentes de ses électeurs ? vie de cette artiste morte à 99 ans à travers
à succès chez Citadelles & Mazenod. Entre seront liées aux expositions du musée. Dans un schéma aussi complexe, où l’objectif l’œuvre Series I, No. 8, Pink Line. De ses fleurs
humour et satire, convention et transgression, est plus de recoudre le tissu urbain que de créer peintes aux courbes scandaleusement
À écouter directement dans l’auditorium du
c’est de ce mode d’expression plus que jamais musée à l’occasion des «Curieuses nocturnes
du neuf, Nouvel donne matière à réflexion. évocatrices, aux paysages du Nouveau-Mexique
d’actualité qu’il sera question. d’Orsay» (le 28 avril pour l’exposition FRANCE CULTURE dont elle est une formidable ambassadrice.
FRANCE INTER «Pop fiction», «Le Douanier Rousseau», le 2 juin pour Charles «L’invité des Matins», podcast du 23 février FRANCE CULTURE «Les regardeurs»,
podcast du dimanche 21 février (55 min) Gleyre) ou à podcaster sur arteradio.com (40 min), en deux parties podcast du 24 janvier (1 h)

40 Beaux Arts
LA REVUE DU PLUS CÉLÈBRE THE SHOW OF THE MOST FAMOUS
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Revue de web par Florelle Guillaume & Charlotte Ullmann

SUR INTERNET, TOUS ARTISTES !


Recoiffer Marie-Antoinette, tapisser son mur Facebook en toile de Jouy, peindre son autoportrait grâce
à une appli iPhone ou devenir plus dadaïste que les Dadas... tout est possible à l’heure du Do It Yourself numérique.

JOUYSSIF,
ON FAIT SA TOILE 999
Alors que la tapisserie fait son grand
retour arty, le musée Cognacq-Jay, lui,
dépoussière joyeusement l’aristocratique
toile de Jouy, cette étoffe de coton très en
vogue dans les intérieurs du XVIIIe siècle.
Le peintre animalier Jean-Baptiste Huet
– que le musée met à l’honneur dans
une exposition inédite – contribua à cette
mode en fournissant de très nombreux
motifs à la manufacture de Jouy-en-Josas :
lions, perroquets, saynètes champêtres,
angelots ailés… Faites votre choix dans
ce répertoire exquis et composez à votre
tour votre imprimé chic et exotique
sur un mini-site dédié, simple et ludique.
Les créations sont ensuite téléchargeables
et, si vous vous sentez d’humeur rococo,
vous pouvez les tapisser à l’envi sur votre
wall Facebook. http://expohuet.paris.fr

QUEL TOUPET ! 999 DANS L’UNIVERS D’ANIMAL COLLECTIVE 99


À ceux et celles qui ont un jour rêvé de coiffer Marie-Antoinette et de lui inventer des perruques Ce groupe de musique de rock expérimental originaire de Baltimore vient de sortir
abracadabrantes, ou aux apprentis stylistes capillaires que le XVIIIe siècle ne laisse son nouvel album Painting With. Pour fêter l’événement, une application iPhone a été lancée
pas indifférents, le site du Victoria & Albert Museum de Londres donne carte blanche ! qui permet de peindre l’effigie de votre chien, de votre mère, de votre patron ou de vous-même.
Laissez donc s’exprimer votre créativité et concoctez une perruque digne de la Marie-Antoinette Dessinez à deux, avec un ami ou un inconnu, et partagez votre chef-d’œuvre sur les réseaux
de Sofia Coppola, sans macaron mais avec des plumes, des éventails, des maquettes sociaux à l’aide du hashtag #paintingwith. Pour les jusqu’au-boutistes, vous pouvez activer
de navires ou des fleurs qui, à l’époque, étaient collés avec de la graisse de porc. Libre à vous la fonction stroboscope du flash du smartphone et chausser vos écouteurs pour être
de teindre cette ébouriffante chevelure à l’aide d’une poudre colorée faite à partir de farine. en complète immersion au sein du dernier opus du groupe ! http://myanimalhome.net
C’est Versailles, Madame ! www.vam.ac.uk/designawig

DADA ET ON S’Y COLLE 999


Le mouvement explosif souffle ses cent bougies et, pour lui rendre hommage, Arte a concocté
un site ovni déjanté, truffé d’idées mais aussi ultraconnecté. Car la liberté qui caractérise
l’esprit Dada trouve avec Internet un terrain de jeux sur mesure. Aussi le site, sorte de «cabaret»
interactif, propose-t-il tous azimuts de créer un manifeste digital, de faire de la poésie dadaïste
sur Twitter, de remplacer les bannières de pub de vos pages web par des œuvres, d’imprimer
des ready-made en 3D ou encore de participer à un gigantesque e-collage à partir
de vos photos Instagram. Au passage, on fait le plein d’infos historiques sur le mouvement.
Soyez Dada-connectés ! www.dada-data.net

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42 Beaux Arts
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Workshop Gallery | Christian Stein / Casamadre | Cortesi Gallery | De Jonckheere | ESH Gallery | Galeria
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lon | Galerie Sébastien Bertrand | Galleria Continua | Galleria Franco Noero | Galleria Marie-Laure Fleisch |
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lection Lambert | Fondation d’Entreprise Ricard | Fondazione Sandretto Re Rebaudengo | Francis Bacon -
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Arts Magazine | Camera Austria | Cote | Frieze | Monopol | Mousse | Spike | artprice | Le Quotidien de l’Art
La chronique
de Nicolas Bourriaud

14 000 gilets de sauvetage de migrants embrasent le Kontzerhaus


de Berlin, ou le «pompiérisme» Instagram par Ai Weiwei.

LES MAUVAIS
TUYAUX DE L’ART
Les images s’accumulent dangereusement
autour de nous. Cette saturation
insidieuse à l’heure de Facebook et autres
réseaux sociaux pourrait bien remettre
en cause la notion d’œuvre elle-même.
Illustration avec Ai Weiwei.
AI WEIWEI Installation [détail], 2016

A utrefois, avant l’arrivée des smartphones et


des réseaux sociaux, toute photographie
avait pour fonction de nous rapprocher de
ses discours, le terme de «contenus» à celui
d’«œuvres». Car le rôle du ministère de la
Culture, selon elle, consistait à «aider le public à
tuyaux… À considérer la production de certains
artistes, on peut se poser la question. Ai Weiwei
représente un cas d’école : au sortir d’une séance
quelque chose, dans le temps ou l’espace : un se frayer un chemin dans la multitude des offres, de selfies avec Paris Hilton en janvier, il annule
pays éloigné, un événement du passé, un visage pour accéder aux contenus qui vont être perti- ses expositions au Danemark afin de protester
oublié… La photo ou le film appartenaient au nents pour lui». Autrement dit, inventer un algo- contre la nouvelle loi sur l’immigration. Il récu-
régime du lointain. À une époque où la produc- rithme officiel, ajouté à tous ceux qui nous père à Berlin les inventions formelles d’Arman
tion photographique est assumée par tous, où recommandent du Lelouch si l’on a déjà télé- ou de Christo en collant des gilets de sauvetage
une simple journée sur Facebook produit davan- chargé un film de Godard… autour des colonnes du Konzerthaus. Puis il
tage de clichés que l’ensemble des photographes pose allongé sur une plage, mimant la position
de l’année 1970, il serait temps de se rendre QUAND LE BUZZ FAIT OFFICE DE SENS du petit Aylan, afin de symboliser, dit-il, la crise
compte que notre écosystème visuel est pollué : Il est vrai que, du point de vue du tuyau, une des migrants… Avec Ai Weiwei, l’œuvre se voit
les images, même si elles forment une couche œuvre ne sera jamais rien de plus qu’un contenu. ainsi remplacée par de vagues contenus dont les
très fine, finissent par s’accumuler dangereuse- Mais il est certain également que la réception réseaux sociaux constituent le cadre formel, le
ment autour de nous. Et cette hyperproduction d’un de ces «contenus pertinents» ne remplacera buzz faisant office de sens. L’on serait bien en
sauvage et effrénée finira peut-être par ronger, pas la rencontre avec une œuvre qui, comme la peine de dire d’où Paris Hilton tire sa notoriété ;
insidieusement, la notion d’œuvre elle-même. plupart des rencontres réussies, provient juste- de même qu’Ai Weiwei. Pour le philosophe Gior-
L’algorithme constitue le symbole de notre ment de la possibilité de tomber sur autre chose gio Agamben, «contemporain est celui qui reçoit
époque saturée : tel un robot programmé pour que ce que l’on cherche. À moins, donc, que en plein visage le faisceau de ténèbres qui pro-
le tri sélectif, il ramasse des objets et les propulse l’idée même de «faire œuvre» ne devienne obso- vient de son temps». Ai Weiwei, qui a plutôt opté
dans des tuyaux. C’est donc fort logiquement lète à force de se voir attaquée par un tsunami pour les projecteurs, surfe sur un activisme gla-
que Fleur Pellerin substituait volontiers, dans permanent de «contenus» encombrant lesdits mour pour inventer le pompiérisme Instagram.

44 Beaux Arts
12.03.16 | 07.05.16
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS

PRENONS-NOUS À RÊVER : QUELLE ALLURE AURA


PARIS – ET LE GRAND PARIS – EN 2030 ? POUR FAIRE
MENTIR L’IDÉE QUE LA VILLE LUMIÈRE FERAIT DU SUR-
PLACE EN MATIÈRE D’ARCHITECTURE, DES BÂTIMENTS
AMBITIEUX SONT EN CHANTIER, D’AUTRES EN PROJET.
TOUR D’HORIZON DES LIEUX OÙ L’ON VIVRA, ON
JOUERA, ON JARDINERA D’ICI QUELQUES ANNÉES.
PAR PHILIPPE TRÉTIACK

CHRIS MORIN-EITNER
Paris, Tour Eiffel - Vestiges
2016, image composée
46 Beaux Arts pour Beaux Arts magazine
Beaux Arts 47
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS

QUEL PARIS POUR DEMAIN ?

PARIS (XIIIe ARR.)

P
aris ville-musée pour l’éternité ? C’est ce que à l’étude, des consultations innovantes bousculent le Ateliers Jean Nouvel,
craignent et dénoncent les contempteurs d’une paysage. Sans se risquer à crier victoire, il semble que la Arep & ACD
politique urbaine engoncée dans un héritage qui frilosité soit en passe de céder le terrain à la dynamique L’horizon dominé par les tours ?
la paralyse. Entre l’amour du patrimoine et les erreurs créative. Ce mouvement en accélération suffira-t-il à Telle est la proposition de l’équipe
des Trente Glorieuses – quartiers de tours sans âme, faire de la Ville lumière une cité apte à rivaliser avec les composée par Jean Nouvel (AJN),
Jean-Marie Duthilleul (Arep)
ratage des Halles, voies sur berge –, la ville patine. plus grandes métropoles, asiatiques notamment ?
et Michel Cantal-Dupart (ACD)
Quand Londres, Madrid ou Vienne osent le contempo- Réponse dans ces pages. Voici, en concentré, les grandes pour le Grand Paris. Ici, dans le
rain, Paris ferait du surplace. Mais est-ce vraiment le tendances et les réalisations phares qui composeront en XIIIe arrondissement, surélévations
cas ? Des bâtiments audacieux sont en chantier, d’autres 2030 le nouveau visage de Paris. et adjonctions de tours.

48 Beaux Arts
1 / PARIS DEVIENDRA-T-IL GRAND ?
LA DÉFENSE
Stéphane Malka
Pour faire de la Défense un lieu
non plus de bureaux austères
mais aussi de farniente, l’architecte
marseillais Stéphane Malka
envisage des terrasses plantées
et verdoyantes. Le projet Oxygen
est sur les rails. Livraison possible
en 2017.

P remière énigme, faut-il se pencher sur Paris


ou sur le Grand Paris ? En 2030, ce satané
boulevard périphérique qui l’isole de ses alen-
EN ATTENDANT LES JEUX DE 2024…
SAINT-DENIS
tours aura-t-il rendu l’âme, sera-t-il recouvert VILLAGE OLYMPIQUE
d’espaces verts et de logements ou percé de
APUR
radiales ? Pour l’heure, rien pour s’en convaincre.
Projet d’espace pour le village
Le projet lancé par Nicolas Sarkozy en 2007 olympique 2024 présenté
semble torpillé de toutes parts. Les stratégies par l’Apur (Atelier parisien
politiciennes œuvrent à son anéantissement. La d’urbanisme).
banlieue demeure à l’écart. Seul s’édifie pour le
moment un réseau de gares, celles du Grand
Paris Express, ceinturant la capitale. Elles
seront, à terme, des pôles de développement.
Mais cela suffira-t-il à faire de Paris une cité sus-
ceptible de rivaliser avec Londres, Hong Kong
ou Moscou ? L’étroitesse territoriale qui la
contraint ne finira-t-elle pas par craquer comme NANTERRE
un vêtement incapable d’envelopper un corps ARENA STADIUM
en pleine croissance ? C’est probable. L’architec- Christian de Portzamparc
ture est aussi un sport de combat : Rudy La vague du Stade Arena
Ricciotti a fait de cette formule le titre d’un de à Nanterre-La Défense prévu
ses livres pugnaces. Elle est plus que jamais d’ac- pour 2017 est signée Christian
tualité, car la dernière énigme est celle des Jeux de Portzamparc.
olympiques. Si Paris en décroche l’organisation
pour 2024, alors la ville devra subir quelques
changements de poids. L’ouverture à la périphé-
rie en sera confirmée, les stades et autres lieux
de compétitions étant répartis extra-muros. Le
Grand Paris, grand vainqueur des J. O. ? Ce serait
un exploit.

Beaux Arts 49
2 / À LA CONQUÊTE DE TOUS PARIS (XVIIIe ARR.)
Hubert & Roy

LES ESPACES DISPONIBLES Présenté dans le cadre de l’appel à idées Réinventer Paris, le
projet du 183, rue Ordener (75018) des architectes Hubert &
Roy. Baptisé «Tranches de vie», il se coule dans le bâti existant.

E n vérité, c’est la nature même du projet


urbain qui est en train de muter. Il s’agit non
plus seulement d’édifier des tours, de lotir, de
tion du territoire parisien. Les rues désormais
sont pensées comme des sites d’activités déter-
minées : une rue du sport, une rue pour les
tout par la décoration de leurs façades – est une
erreur (voir le quartier du Trapèze à Boulogne-
Billancourt). Un plot ne crée pas de rue. Le der-
bâtir mais de maîtriser les nouveaux usages de enfants, une autre pour le commerce. Le tout nier avatar de cette mauvaise méthode se dresse
l’espace, public en particulier. «L’important, dit foisonnant de verdure. Certes, les images que sur le boulevard Macdonald, où la récente réno-
Dominique Alba, directrice de l’Atelier parisien l’Apur fournit sont racoleuses et même un peu vation-transformation des entrepôts Calberson
d’urbanisme (Apur), c’est d’activer le stock de ce angoissantes, car la séparation des fonctions a a échoué à créer un véritable quartier de ville
que la ville possède déjà.» Ses services ont ainsi démontré par le passé, avec l’idéologie de la innovant. Certes, au long de cette barre de 617 m
répertorié toutes les places et placettes (450), charte d’Athènes et des Ciam (congrès interna- de longueur (plus que la taille de l’île Saint-
tous les bouts de terrain où jardiner devient pos- tionaux d’architecture moderne) – séparation Louis), treize équipes d’architectes ont colla-
sible. Ouvrir l’espace public à des initiatives pri- des fonctions de loisir, logement, circulation, boré. Mais les logements sont répartis d’un côté,
vées et concertées, c’est du jamais-vu. Demain, travail –, qu’elle pouvait mener au pire (crise des les bureaux, la crèche et les équipements de
des citoyens lambda pourront faire pousser des quartiers de banlieue, urbanisme sur dalle…). l’autre. Dix ans de travaux, de montages com-
salsifis, biner des potagers sur des terrains rele- Car Paris est une ville singulière. La proportion plexes pour en arriver là, c’est un peu court.
vant de l’espace commun. En sus, l’Apur a de rues par rapport au bâti est l’une des plus Heureusement, la nouvelle gare du RER E, bap-
recensé l’ensemble des murs pignons dans la fortes du monde : 28 % de l’espace parisien est tisée Rosa Parks, et le tramway raniment ce
perspective d’y installer des agrès afin que les constitué du vide des rues (30 % en banlieue). La quartier plombé. Une passerelle jetée au-dessus
Parisiens se mettent au sport. Il y en a 4 200, soit méthode consistant ces derniers temps à édifier du périphérique permet déjà de joindre la ban-
des litres de sueur en perspective. Si l’idée fait des plots – bâtiments de la même hauteur occu- lieue, notamment en direction de Pantin, le
sourire, elle révèle un tournant dans l’apprécia- pant tous une même surface, différenciés sur- nouveau Brooklyn de Paris, où la ville mute radi-
calement autour d’anciennes friches indus-
trielles en bord du canal de l’Ourcq, d’ores et
450 SITES POUR JARDINER, JOUER… déjà reconquises par des agences de pub ou des
maisons de luxe.
Nonobstant, à Paris, les études et les chiffres
fournis par l’Apur autorisent tous les scénarios.
Les pentes de Paris ont aussi été cartographiées
scrupuleusement et l’on devine que cela aura
son importance dans le développement du plan
vélo. La production d’énergie est au cœur de
toute cette réflexion, un bon mur pignon placé
au soleil et c’est une dynamo. Une tour peut, rien
La ville est devenue un territoire d’expérimentations permanent, un laboratoire. Cultures potagères sur qu’avec ses mouvements d’ascenseurs, alimen-
les toits transformant la cinquième façade en une réserve foncière agricole (ici, 103, avenue de France,
ter en partie en énergie les immeubles qui l’en-
75013), skate-parks (ici, rue Léon Cladel, 75002) et murs d’agrès pour sportifs du dimanche… Tous
les coins et recoins de la cité sont répertoriés, inventoriés, affectés à des activités ludiques ou productives.
tourent. Bref, le bâti parisien est déjà là, il va fal-
loir l’utiliser à fond.

50 Beaux Arts
«ESPACE INCUBATEUR» (XVe ARR.)
Paul Chemetov
Le projet d’Espace incubateur de Paris Innovation
Boucicaut, 124-136, rue de Lourmel (75015)
est signé Paul Chemetov. L’architecte du logement social
se reconvertit dans les serres.

«IN VIVO» (XIIIe ARR.)


Xtu Architectes
Dans le cadre de Réinventer Paris, l’agence Xtu Architectes présente le projet «In Vivo», rue Jean Antoine de Baïf (75013).
Les algues et les plantes comme animateurs de façade.

ENTREPÔTS CALBERSON (XIXe ARR.)


Treize équipes d’architectes
La barre des plots des entrepôts Calberson revus et corrigés par treize équipes d’architectes. Au centre, la façade chic et or
des logements signés Stéphane Maupin.

Beaux Arts 51
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS

3 / COMMENT
LE NUMÉRIQUE
VA CHANGER LA VILLE
ET LA VIE
L a véritable révolution urbaine sera numérique. Elle s’ancre déjà
dans l’ubérisation du territoire. Vélib’, Autolib’, bientôt Vélib’ élec-
trique, voiture autonome… hypothétique disparition même de la voi-
ture à Paris, remplacée par des transports en commun, tout cela va
modifier largement le paysage parisien. Les circulations sont au cœur
de sa croissance. Si les voitures polluantes en sont chassées, rempla-
cées par ces nouveaux modes de transport, le seront-elles toutes ? Paris
ville piétonne, avec ses berges rendues aux flâneurs ? Est-ce une bonne
idée ou la vision de cauchemar d’une ville de retraités ? Autre piste,
supprimer le parking des voitures au long des trottoirs parisiens.
D’autres villes l’ont fait : Tokyo, New York… Le sujet est à l’étude. Le
quartier Seine Rive gauche devrait accélérer sa mutation à la suite de
l’ouverture prochaine de la Halle Freyssinet, incubateur géant de start-
up. La proximité des universités et les mètres carrés de bureaux offerts
vont bouleverser l’équilibre parisien. Le recentrage à l’est de la capi-
tale est en marche. Problème crucial à l’heure du chômage de masse,
l’emploi. Pourra-t-on le faire revenir en ville ? Un arc de l’innovation
est à l’étude. Il s’étendra de la Plaine Saint-Denis au nord aux com-
munes du sud de Paris, en passant par les quartiers est. Les start-up
dynamiques y prolifèrent parce que les locaux y sont abondants et les
loyers, encore un peu plus modérés qu’ailleurs. Les pépinières d’entre-
prises et les espaces de coworking y bourgeonnent. Les traditionnels
quartiers d’affaires de l’ouest parisien et de la Défense vont être dure-
ment concurrencés. Actuellement, Paris compte 6 millions de mètres
4 / PARIS
carrés de bureaux, la Défense, 3 millions.
CRÈVERA-T-IL
LE PLAFOND ?
HALLE
FREYSSINET
(XIIIe ARR.)
Wilmotte
& Associés
La halle Freyssinet, I nfluents aujourd’hui, ils le seront dans les
années à venir. Dominique Perrault, auréolé
de ses récompenses dont le Premium Imperiale
réhabilitée par
Wilmotte & Associés, (décerné par l’empereur du Japon), construira la
devrait accueillir plus nouvelle Poste du Louvre. Il se penche mainte-
de 1 000 start-up, nant sur le sort de l’île de la Cité : comment lui
un restaurant, assurer, entre les autocars et les sirènes de la pré-
des logements,
fecture de police, un avenir qui ne soit pas seu-
des commerces.
Elle sera le moteur lement muséographique ? Jean Nouvel percera,
du redéploiement lui, le plafond en édifiant trois tours, deux à l’est
du secteur Seine de Paris et une à la Défense. Dans l’est de Paris,
Rive gauche. justement, au-delà de la Bibliothèque de France,
Livraison fin 2016. vers la périphérie, le plafond des 37 m de rigueur
a déjà cédé. Nous en sommes à 50 m et quelques
immeubles de logements y naissent. C’est un
petit pas. Peut mieux faire. Les tours, sujet de
discorde parisien, finiront-elles par pousser,
comme à Londres ou Vienne ? La tour Triangle
du duo bâlois Herzog & de Meuron, Porte de

52 Beaux Arts
CI-DESSUS

TOUR TRIANGLE (XVe ARR.)


Herzog & de Meuron
Longuement combattue et finalement votée, la tour Triangle
des architectes suisses Herzog & de Meuron verra bien
le jour, au ras du Parc des expositions à la Porte de Versailles.
Livraison en 2020.

À GAUCHE

TOUR DUO (XIIIe ARR.)


Jean Nouvel
Les tours de Jean Nouvel, projet dans le secteur Masséna-
Bruneseau du quartier de la Gare (75013) pour 2020.

CI-CONTRE

TOUR HEKLA (LA DÉFENSE-PUTEAUX)


Jean Nouvel
La tour Hekla, de Jean Nouvel, est destinée à s’élever
dans le quartier de la Défense–Puteaux en 2018.

Versailles, semble sur les rails, revue et corrigée difficulté à conclure, à transformer en réalité ce
pour intégrer des commerces à ses bureaux et qui se dit si bien dans les colloques ? Espérons
son hôtel. La mixité des fonctions – logements + alors qu’en 2030, Paris aura vaincu sa peur et que
commerce + bureaux + équipements –tant récla- les bonnes intentions affichées aujourd’hui s’of-
mée et vantée par tous les acteurs de la construc- friront aux regards non seulement des Parisiens,
tion, on le sait, a bien du mal à éclore. Mais n’est- mais de tous les amoureux de la capitale, venus
ce pas là, justement, le syndrome français, cette du monde entier la célébrer encore.

Beaux Arts 53
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS

15 PROJETS PHARES
QUI VONT CHANGER PARIS
TOURS CHAMPÊTRES, COUP DE
NEUF SUR LES MUSÉES, ADMINIS-
TRATIONS DÉPLACÉES : D’EST EN 1 - Le Palais de justice
OUEST ET DU NORD AU SUD, DE NOU-
VEAUX QUARTIERS S’ÉVEILLENT
DANS LA CAPITALE ET ALENTOUR.
DES PROJETS URBAINS ET CULTU-
RELS QUI REDESSINENT PARIS.

15 - La Défense
projets urbains
projets culturels

1 - LE PALAIS DE JUSTICE, 2017


Renzo Piano Building Workshop
LA JUSTICE VOIT HAUT !
Vue 3D depuis le périphérique. Longtemps combattu
par les personnels attachés à leurs locaux de l’île
de la Cité, le Palais de Justice (ici, vue 3D depuis 14 - Le Grand Palais
le périphérique) de Renzo Piano sort de terre.
En 2017, il devrait être opérationnel. Tout le secteur
en est transformé. Une tour se lève à l’Ouest.

2 - LA POSTE DU LOUVRE, 2018


Dominique Perrault
LA POSTE FAIT SA RÉVOLUTION
Lauréat du concours, Dominique Perrault restructure
la Poste du Louvre. En 2018, elle devrait offrir,
en sus des fonctions postales, des logements
sociaux, un hôtel et des bureaux. L’aspect patrimonial
du bâtiment d’origine sera préservé. 13 - L’hippodrome de Longchamp

3 - LES DOCKS DE SAINT-OUEN, 2017


Saguez & Partners
UN BROOKLYN PARISIEN ?
La Manufacture Design ouvrira ses portes en 2017
dans la halle Alstom réhabilitée par Saguez & Partners.
Elle sera le fleuron du nouveau quartier mixte
des Docks de Saint-Ouen, actuellement en pleine
restructuration. C’est d’ailleurs tout ce secteur du nord
de Paris qui est en complète transformation. Au-delà
de la Villette, du côté de Pantin, un nouveau quartier
s’éveille le long du canal de l’Ourcq, là où agences de
pub et ateliers de marques de luxe ont déjà pris leurs 12 - L’île Seguin 11 - La tour Triangle
quartiers. De quoi faire naître un Brooklyn parisien ?

54 Beaux Arts
2 - La Poste du Louvre 3 - Les docks de Saint-Ouen 4 - La fondation Galeries Lafayette

5 - La canopée des Halles

6 - Le musée de Cluny

7 - La halle Freyssinet

10 - La Monnaie de Paris 9 - L’île de la Cité 8 - La tour Duo

Beaux Arts 55
LES HALLES
Patrick Berger & Jacques Anziutti
Les artisans du renouveau du cœur de Paris, ce sont eux,
Patrick Berger et Jacques Anziutti. Mais leur fameuse canopée
dorée couvrant une partie des Halles gagnera-t-elle le cœur
des Parisiens ?

12 - L’ÎLE SEGUIN
Jean Nouvel
15 PROJETS QUI VONT CHANGER PARIS (SUITE)
UN VAISSEAU POUR LA CULTURE
Enfin ! Après des années d’atermoiements
4 - LA FONDATION GALERIES LAFAYETTE, 2017 8 - LA TOUR DUO, 2020 et de travaux, l’île Seguin prend forme. Jean Nouvel
devrait y bâtir le R4, complexe de 25 000 m2
Agence OMA Jean Nouvel
consacrés aux arts plastiques et visuels, à moins que
LE MARAIS SE PAIE REM KOOLHAAS QUAND L’EST S’ENVOLERA les ennuis judiciaires de son promoteur n’aient raison
Depuis quelques années, des expositions temporaires Dans le quartier en pleine mutation de la gare du projet. Déjà presque achevée, la Cité musicale,
nous habituent à fréquenter ce qui sera bientôt du XIIIe arrondissement 2020, dit secteur Masséna- étrange sphère signée Shigeru Ban et Jean de
la fondation d’entreprise Galeries Lafayette 2017. Bruneseau, Jean Nouvel construit son projet Gastines (les architectes du Centre Pompidou Metz),
Signée par l’agence OMA dirigée par le célèbre baptisé Tour Duo. Deux tours légèrement de guingois, a quant à elle été érigée sur la pointe aval. Après
Rem Koolhaas, elle offrira un nouveau lieu de culture comme animées d’un frisson permanent. le retrait de la fondation Pinault, c’est ainsi le grand
au cœur même du Paris historique. retour de la culture dans l’île. (Vue 3D du projet
9 - L’ÎLE DE LA CITÉ, 2040 général.)
5 - LA CANOPÉE DES HALLES , 2016 Dominique Perrault
Patrick Berger et Jacques Anziutti Architectes 13 - L’HIPPODROME DE LONGCHAMP, 2017
UNE ÎLE TOUTE NEUVE Dominique Perrault
DES HALLES DU XXIe SIÈCLE La ministre de la Culture a confié à Dominique Perrault
Projet colossal de restructuration de l’une des portes le soin de réfléchir à l’avenir de l’île de la Cité, LONGCHAMP RESTE DANS LA COURSE
majeures de Paris, celle de l’interconnexion des lignes qui sera bientôt vidée de bon nombre de ses Toujours dans la course et même de plus en plus,
de RER. Outre une nouvelle gare, le projet a prévu administrations. Qu’en sera-t-il dans les années Dominique Perrault restructure l’hippodrome de
le réaménagement du centre commercial et du jardin, à venir ? Comment éviter la muséification, Longchamp. Des tribunes new-look, transparentes,
mais aussi l’ouverture de nouveaux équipements, gérer les flots de touristes qui affluent compactes et profilées comme un cheval au galop.
dont un «Centr’Halles Park dédié aux sports vers la Sainte-Chapelle, Notre-Dame ou le marché
de déplacement en milieu urbain». Patrick Berger aux Fleurs ? Comment redonner un accès aux rives 14 - LE GRAND PALAIS, 2018
et Jacques Anziutti, lauréats du concours pour de la Seine ? Réponses en 2040 ! Agence LAN
la Canopée, promettaient d’édifier une couverture
de métal aux allures de nature réinventée. La légèreté 10 - LA MONNAIE DE PARIS, 2016 NOUVEAU LIFTING
est-elle au rendez-vous ? Agence d’architecture Philippe Prost (AAPP) POUR LE GRAND PALAIS
Une fois de plus, le Grand Palais va fermer ses portes.
6 - LE MUSÉE DE CLUNY, 2017 L’USINE LA PLUS CHIC DE PARIS En cause, sa rénovation, menée par les architectes
Philippe Prost, concepteur du magnifique mémorial de l’agence LAN. L’objectif est d’y créer une grande rue
Bernard Desmoulin
de Notre-Dame-de-Lorette, restructure le très intérieure assurant une transition progressive entre
COUP DE NEUF patrimonial hôtel de la Monnaie. MétaLmorphoses l’espace de la ville et les espaces d’exposition.
SUR LE MOYEN ÂGE se propose de l’ouvrir aux Parisiens avec un musée Plus de confort en perspective. (Vue 3D du square
Vue 3D du nouveau bâtiment d’accueil, prévu dédié à ses activités, une usine de médailles Jean Perrin, future entrée du public pour les galeries
pour 2017, depuis le boulevard Saint-Michel. en plein cœur de Paris, mais aussi d’y créer d’expositions et le Palais de la découverte.)
Déjà présent sur les chantiers de Cluny un jardin, des boutiques… et de l’habiller
ou de l’abbaye de Port-Royal, le très subtil d’une résille métallique intérieure qui fasse écho 15 - LA DÉFENSE, PRINTEMPS 2017
Bernard Desmoulin prend en charge la modernisation aux médailles qu’on y fond.
Stéphane Malka
du musée de Cluny.
11 - LA TOUR TRIANGLE, 2020 LA DÉFENSE VOIT VERT
7 - LA HALLE FREYSSINET, 2016 Herzog & de Meuron Dans le quartier d’affaires de la Défense où s’empilent
les tours grises et réfrigérantes, Stéphane Malka
Wilmotte & Associés LA NOUVELLE TOUR EIFFEL ? propose avec son projet Oxygen de développer
UNE SERRE POUR LES TALENTS Controversée et finalement admise, la tour Triangle, de nouveaux lieux de vie, champêtres, baignés
Cœur du redéploiement du quartier Seine Rive gauche, 50 étages et 180 m de hauteur, flanquera le Parc de verdure. Enfin du vert sur la dalle. Image d’Épinal
la halle Freyssinet sera bientôt le plus gros incubateur des expositions de la Porte de Versailles en 2020. ou réalité future ?
de start-up de la capitale. Aux commandes de sa Les architectes bâlois Herzog & de Meuron ont dû
réhabilitation, le très présent Jean-Michel Wilmotte, revoir leur copie afin que la mixité des fonctions
depuis peu élu à l’Académie des beaux-arts. et des usages y soit plus opérante.

56 Beaux Arts
5 / QUAND PARIS SE RÉINVENTE
À TRAVERS DES INITIATIVES PRIVÉES
«RÉINVENTER PARIS» : LA MAIRIE DE PARIS A LANCÉ UN APPEL À PROJETS AUDACIEUX. PORTÉES PAR DES
PROMOTEURS PRIVÉS, 22 PROPOSITIONS ONT ÉTÉ RETENUES, TRÈS DIVERSIFIÉES… ET VÉGÉTALISÉES.

J ean Nouvel l’exprimait sur France Culture :


«Il ne s’agit pas de réinventer Paris mais de
le continuer.» On comprend ses réticences. Édi-
fier la ville sur la ville est une déclaration pro-
grammatique. Pourtant, la consultation lancée
par la Mairie de Paris sous l’intitulé «Réinventer
Paris» ne manquait pas de panache. Qu’en est-il ?
Des 22 projets retenus, tous portés par des pro-
moteurs privés – comme l’est déjà l’incubateur
de la Halle Freyssinet lancé par Xavier Niel, le
patron de Free –, des caractéristiques émergent
qui pourraient colorer demain la capitale. De la
verdure pour débuter. Ville durable et écologie
obligent, on ne compte plus les expressions fleu-
rant bon le terroir utilisées par les concurrents
et les lauréats : «îlot fertile», «toit potager», «per-
maculture», «lombricompostage», Lab par-ci,
Lab par-là… De la verdure, de la production
«1 000 ARBRES» (XVIIe ARR.) locavore, un repli sur soi aux allures de boutures,
Sou Fujimoto Architects et du bois, du bois, du bois de construction. Les
Plus écolo tu meurs : «1 000 arbres», le projet de Sou Fujimoto Architects pour le 16-24, boulevard Pershing (75017). toitures, encore baptisées cinquième façade,

Beaux Arts 57
EN COUVERTURE / SPÉCIAL PARIS

«LA VILLE MULTISTRATE» (XVIIe ARR.)


Jacques Ferrier
Toujours partisan d’une architecture sensible, Jacques Ferrier construira un ensemble baptisé «La ville multistrate» dans le secteur Ternes-Villiers-Champerret (75017).

BÂTIMENT MORLAND
David Chipperfield
Bastion de l’Apur, l’Atelier parisien
d’urbanisme, le 17, boulevard Morland
(75004) va subir un super-lifting.
Aux commandes, David Chipperfield
et même l’artiste Olafur Eliasson qui,
par le biais d’une illusion d’optique, fera
disparaître le dernier étage dans le ciel.

58 Beaux Arts
ont, elles également, le vent en poupe. Végétali- «RÉALIMENTER
sées, utilisées pour y développer des cultures ou MASSÉNA» (XIIIe ARR.)
pour permettre une surélévation architecturale, DGT Architects
elles représentent une réserve foncière inespé- Réinventer Paris : projet
rée. Les réglementations en vigueur céderont- «Réalimenter Masséna»,
elles devant l’exigence d’une densification de 1-3, rue Regnault (75013)
l’espace parisien, déjà l’un des plus denses au de DGT Architects. L’ancienne
monde ? Autre mystère. Pour l’heure, une chose gare devrait devenir un
centre dédié à l’alimentation :
est sûre : cette consultation devrait offrir au
agriculture et restauration.
Paris futur des projets à l’opposé les uns des
autres. Entre le réaménagement du bâtiment
Morland gagné par David Chipperfield, bloc à
l’origine mal posé au ras de la Seine et augmenté
encore en volume et en équipements par CINÉMA ÉTOILE
l’équipe gagnante, dont le sommet semblera VOLTAIRE (XIe ARR.)
s’effacer dans le ciel de Paris grâce à la complicité Olivier Palatre
de l’artiste Olafur Eliasson, et le bâtiment Architectes
camouflé en forêt de Sou Fujimoto de la Porte Le cinéma Étoile Voltaire,
des Ternes, rien à voir. Masse d’un côté, nature 14, avenue Parmentier (75011),
de l’autre. Que la capitale d’Haussmann s’ouvre remporté par Olivier Palatre
à des expressions aussi diverses, voilà une bonne Architectes dans le cadre,
toujours, de Réinventer Paris.
nouvelle. Au-delà des formes, ce que cette Une ancienne sous-station
consultation a desserré, c’est bien le carcan des d’alimentation électrique
réglementations absurdes qui briment la créati- transformée en lieu culturel.
vité. Nombreuses sont les équipes qui ont osé la
mixité des fonctions, bousculant ce qui la rend
impossible aujourd’hui : les règles de sécurité, les
systèmes d’assurances différents dans le public
et le privé, les normes en tous genres. Les réali- «NODE» POTERNE
sations seront-elles à la hauteur des espérances DES PEUPLIERS
ou les projets seront-ils détricotés, tirés vers le Vincent Parreira
bas ? On le sait, Réinventer Paris a suscité chez
Antonio Virga
les architectes des commentaires acerbes.
Le projet «Node»,
Appels à idées non rémunérés, ventes de ter- rue Sainte-Hélène (75013),
rains propriétés de la ville à la promotion privée, de Vincent Parreira,
autant d’éléments qui alimentent les polé- Antonio Virga (Réinventer Paris).
miques. Voilà pourtant que l’on annonce main- La rencontre d’un funérarium
tenant l’édition baptisée «Réinventer la Seine». et d’une plate-forme logistique.
Antoine Grumbach, qui fut le promoteur de
l’idée décapante d’une capitale rejoignant son
port (Le Havre), devrait être satisfait. Mais les
architectes feront-ils encore les frais de cette
consultation «à titre gracieux» ? Et peut-on
croire à un Paris-Le Havre quand le Grand Paris «EDISON LITE»
semble encalminé ? Q (XIIIe ARR.)
Manuelle Gautrand
À VOIR Architecture
«Edison Lite»,
«Réinventer Paris» jusqu’au 8 mai au Pavillon 67-69, rue Edison (75013),
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Beaux Arts 59
RÉTROSPECTIVE / MUSÉE D’ORSAY / DU 22 MARS AU 17 JUILLET
LE DOUANIER ROUSSEAU
L’INGÉNU GÉNIAL
MODESTE EMPLOYÉ DES DOUANES, HENRI ROUSSEAU,
D’ABORD MOQUÉ POUR LA NAÏVETÉ DE SA PEINTURE,
SERA ENCENSÉ PAR LES DADAÏSTES, LES SURRÉALISTES,
PICASSO, APOLLINAIRE ET TANT D’AUTRES. UN ARTISTE
SINGULIER, ÉPRIS DE NATURE LUXURIANTE, QUI TROUVA
SES JUNGLES SANS QUITTER PARIS. PLONGÉE DANS CET
UNIVERS ÉTRANGE ET PÉNÉTRANT AU MUSÉE D’ORSAY.
PAR DAPHNÉ BÉTARD

Le Rêve
«Yadwigha dans un beau rêve
S’était endormie doucement
Entendant les sons d’une musette
D’un charmeur bien pensant.
Pendant que la lune reflète
Sur les fleurs, les arbres verdoyants,
Les fauves et autres animaux prêtent l’oreille
Aux sons gais de l’instrument.»
Ce petit texte accompagne le dernier tableau
que Rousseau présente au Salon
des indépendants en 1910.
1910, huile sur toile, 204,5 x 298,5 cm.
RÉTROSPECTIVE / LE DOUANIER ROUSSEAU

«N
ous sommes réunis pour célébrer d’un débordement d’humour et d’énergie
ta gloire / Ces vins qu’en ton hon- propre à cette période, relève de la farce ou de
neur nous verse Picasso / Buvons- l’admiration sincère. Mais l’ambiguïté persis-
les donc, puisque c’est l’heure de les boire / En tante en dit long sur cet artiste atypique qui
criant tous en chœur “Vive ! Vive Rousseau !”» continue de défier la critique et le public. Taxé
C’est lors d’une soirée bien arrosée, en novembre de «naïf», de «primitif», résolument inclassable
1908, que le poète Apollinaire improvise ces et toujours aussi déroutant avec ses toiles aux
quelques vers en l’honneur du Douanier Rous- couleurs vives et formes simples, le Douanier
seau (1844-1910). Après des années d’incompré- Rousseau a tracé sa route en solitaire dans le
hension, le vieux peintre, raillé pour ses tableaux paysage des avant-gardes.
sans perspective et son style malhabile plein de
candeur, est enfin intronisé chez les modernes DE PEINTRE AMATEUR À ARTISTE MAJEUR
lors d’un banquet mémorable organisé dans Il fut pourtant soutenu par les écrivains Alfred
l’atelier de Picasso au Bateau-Lavoir, fief des Jarry, Apollinaire, Cendrars, les artistes Robert
artistes de la jeune génération dominant la butte Delaunay, Signac et Picasso. Il fera l’admiration
Montmartre. Outre Apollinaire et Picasso, les des surréalistes, Breton et Max Ernst en tête. Et
peintres Marie Laurencin, Georges Braque, nombreux seront ceux qui, de Kandinsky à
André Derain, le poète Max Jacob, les écrivains Frida Kahlo en passant par Fernand Léger, iront
André Salmon et Gertrude Stein sont de la fête. puiser dans son œuvre la force de transcender
Henri Rousseau photographié dans son atelier Installé sur un trône de fortune improvisé, la réalité. Au Douanier Rousseau, l’art moderne
par Pablo Picasso en 1910. Rousseau joue du violon, tandis que les toasts et doit beaucoup plus qu’il ne veut bien l’ad-
poèmes en son honneur s’enchaînent dans une mettre : tel est le postulat du musée d’Orsay, qui
ambiance bruyante pleine de gaieté et d’ivresse. propose de redécouvrir cet artiste atypique
Maintes fois commenté, cet épisode suscite surgi de nulle part sur la scène culturelle pari-
encore, un siècle plus tard, des analyses contra- sienne de la fin du XIXe siècle.
dictoires : s’agissait-il d’une parodie d’hommage Autodidacte, le Douanier Rousseau (de son vrai
pour se moquer d’un artiste «simple d’esprit» nom Henri Rousseau) est devenu artiste sur le
ou, au contraire, d’un signe d’amitié venant tard (sa première œuvre connue date de 1877),
saluer une démarche artistique originale et après n’avoir été longtemps qu’un peintre du
visionnaire ? Difficile de dire ce qui, au-delà dimanche. Gabelou à l’octroi de Paris (adminis-
tration chargée de percevoir les taxes sur les
marchandises entrant ou sortant de la capitale),
posté aux abords de la ville ou sur les quais de la
Seine, il se précipite à son chevalet dès que son
emploi du temps le lui permet, jetant sur la toile
les soubresauts de son monde intérieur. Ce sont
d’abord des vues urbaines calmes et silencieuses,
auxquelles quelques détails, comme un diri-
geable dans le ciel ou un petit pêcheur au bord
de l’eau, donnent vie. Puis Paris et sa banlieue
cèdent la place à des jungles luxuriantes, quintes-
sence de la forêt angoissante et sauvage, lieux

CI-CONTRE
Forêt tropicale avec singes
«Je possède les paysages que je peins», avait dit Rousseau
à un journaliste du quotidien culturel Comœdia. Pour obtenir
ces jungles aux couleurs éblouissantes, il pouvait travailler
jusqu’à trois mois sur une même œuvre. Après un dessin précis
quadrillant la toile, il apposait les teintes zone par zone.
1910, huile sur toile, 129,5 x 162,5 cm.

PAGE DE DROITE
Moi-même — Portrait-paysage
Dans cet autoportrait, l’artiste se représente tel un géant
dominant Paris — dont il sera un des premiers à représenter
la tour Eiffel. Comme dans ses autres «portraits-paysages»,
il exprime la personnalité du modèle grâce à des éléments
ornementaux ou symboliques disséminés sur la toile.
1889-1890, huile sur toile, 146 x 113 cm.

62 Beaux Arts
Beaux Ar
RÉTROSPECTIVE / LE DOUANIER ROUSSEAU

improbables entre fantasme et cauchemar. Des mandé de «conserver sa naïveté». Mais pas réalisme mais, au contraire, avec une certaine
mondes étranges et merveilleux où l’émotion est moyen pour autant de franchir les portes du platitude (avec gaucherie, diront certains) évo-
palpable et où le Douanier Rousseau se réfugie Salon officiel. Qu’importe, il parvient à se faire quant un décor de théâtre.
pour échapper au quotidien. À cette vie simple une place au tout nouveau Salon des indépen-
et miséreuse marquée par des deuils en série dants fondé en 1884 par les pointillistes Seurat PEINDRE AVEC LES PIEDS, LES YEUX FERMÉS
– celui de sa première femme, Clémence Boitard, et Signac. C’est ce dernier qui a repéré le Le peintre semble surtout avoir pris un immense
disparue en 1888, de cinq de leurs sept enfants, Douanier et a su voir en lui un artiste talentueux, plaisir à représenter chaque feuille des innom-
et de sa seconde épouse, Joséphine-Rosalie farouchement attaché à sa liberté de création. brables arbres formant cette forêt généreuse et
Nourry, décédée en 1903, seulement quatre ans Le Douanier exposera au Salon des indépen- infinie que lui a inspirée, non pas de lointains
après leur mariage. Persuadé de son talent, le dants quasiment chaque année jusqu’à sa mort. voyages, mais une fréquentation assidue du Jar-
Douanier cherche d’abord à se faire accepter par C’est là qu’en 1891 il présente Surpris!, image din des Plantes, de sa ménagerie et de ses serres
les peintres académiques. Son voisin, le peintre d’un tigre pris dans la tourmente d’une tempête, tropicales. Ses compositions n’échappent d’ail-
Félix Clément (ancien prix de Rome), lui pro- premier tableau de sa fameuse série de «jungles», leurs pas à l’exotisme ambiant et à l’euphorie des
digue quelques conseils et lui fait rencontrer le visions oniriques d’un monde sauvage transcrit grandes expositions universelles glorifiant la
grand Jean-Léon Gérôme, qui lui aurait recom- dans une explosion de couleurs, sans souci de conquête coloniale. Elles ne convainquent pas

64 Beaux Arts
CI-CONTRE À GAUCHE
La Guerre
Allégorie spectaculaire de la guerre, le monde onirique
de Rousseau vire au cauchemar. Cette œuvre atypique
dans sa production nous ramène à la réalité dans ce qu’elle
a de plus terrible et désespérant. Dans son style archaïque,
l’artiste a réussi à créer une image universelle de la barbarie.
Vers 1894, huile sur toile, 114 x 195 cm.

CI-CONTRE DE HAUT EN BAS


L’Enfant à la poupée
Cette fillette, peinte de manière gauche et sensible,
est une figure imposante au regard fixe et distant, au visage
à peine plus humain que la poupée qu’elle tient au creux
de son bras. Une manière singulière d’aborder l’enfance dans
son inquiétante étrangeté.
1904-1905, huile sur toile, 67 x 52 cm.

Jeune fille en rose


La plupart des portraits du Douanier étaient des commandes,
qui l’aidaient à boucler ses fins de mois. Ici, Charlotte Papouin,
la fille d’un tailleur de pierre qui fut un ami généreux, est
représentée sur un tas de pierres évoquant explicitement
le métier de son père.
1906-1907, huile sur toile, 61 x 45,7 cm.

Portrait de madame M.
Afin que que ses portraits soient ressemblants, le peintre
n’hésitait pas à prendre les mesures précises du visage
de ses modèles. À l’aide d’un pantographe, appareil qui aidait
à reproduire les proportions, il les reportait sur la toile. Puis
il simplifiait volontairement leurs traits.
Vers 1890, huile sur toile, 198 x 114,5 cm.

pour autant le public, qui accueille chaque œuvre vit que pour la peinture. En 1893, il décide même
de Rousseau par des sarcasmes et éclats de rire. de prendre sa retraite anticipée pour pouvoir s’y
La critique ne se montre pas plus tendre et lui adonner pleinement. Sa situation matérielle
reproche de peindre avec ses pieds, les yeux fer- empire ? Qu’à cela ne tienne : pour arrondir ses
més, des mains sans pouce, «comme un élève de fins de mois, il donne des cours de dessin et de
l’école primaire qui n’a pas de disposition pour la musique à ses voisins, des commerçants de quar-
peinture». Quelques très rares commentateurs tier. Envers et contre tous, Rousseau poursuit
de l’époque y décèlent cependant un talent ori- son œuvre dans son petit appartement du XIVe
ginal, à l’instar de Félix Vallotton, le jeune peintre arrondissement. Avec la Guerre, allégorie
suisse alors également critique d’art, qui décrit effrayante et grotesque du conflit franco-prus-
son tigre comme «l’alpha et l’oméga de la pein- sien de 1870, il s’attire l’amitié et le soutien du
ture», «si déconcertant que les convictions les poète Alfred Jarry – c’est d’ailleurs lui qui aurait
plus enracinées s’arrêtent et hésitent devant tant trouvé le sobriquet de «Douanier». Les prémices
de suffisance et tant d’enfantine naïveté». d’une certaine reconnaissance se font enfin sen-
Moqué, incompris, le Douanier n’en a cure, il ne tir. En 1905, le Douanier Rousseau expose au

Beaux Arts 65
RÉTROSPECTIVE / LE DOUANIER ROUSSEAU

Salon d’automne cette fois, aux côtés de Matisse, sans s’inquiéter des fauves qui rôdent à ses La Bohémienne endormie
Derain, Vlaminck, Braque et Dufy. Et c’est très côtés), véritable ode à la puissance de l’imagina- Nichée dans un coin du tableau, la lune pleine est un élément
probablement en raison de son tableau le Lyon, tion. Effectivement, l’œuvre suscite l’engoue- récurrent des paysages de Rousseau. La lumière délicate
qu’elle diffuse contribue à créer une atmosphère mystique.
ayant faim… que le critique Louis Vauxcelles qua- ment général, les commandes commencent à
Sensible au spiritisme et aux phénomènes relevant de la magie,
lifiera leur salle de «cage aux fauves», un mot qui affluer et les collectionneurs sont au rendez- le peintre prenait un malin plaisir à semer le trouble chez
allait rester dans les annales. vous. Mais les jours du Douanier sont comptés. le spectateur.
Une mauvaise blessure à la jambe dégénère en  IVJMFTVSUPJMF  Y DN
HANTÉ PAR UNE EXPÉDITION AU MEXIQUE gangrène et l’emporte avant la fin de l’été. Le suc-
Le Douanier se fait aussi repérer par le mar- cès sera posthume. Les hommages aussi. Q
chand Joseph Brummer (qui bientôt ouvrira une
galerie à New York), le collectionneur Wilhelm
Uhde ainsi que par le peintre Robert Delaunay, ROUSSEAU SOUS LE REGARD D’APOLLINAIRE
qui devient un ami proche et s’enthousiasme «Le Douanier Rousseau – L’innocence
face à son œuvre : «Quel sens de la surface, de la 1PVSFOàOJSBWFDMJNBHFEFMBSUJTUFBVUPEJEBDUFFUTPMJUBJSFFONBSHF archaïque» du 22 mars au 17 juillet
EFTHSBOETNPVWFNFOUTEFMIJTUPJSFEFMBSU MFNVTÊFE0STBZDPOGSPOUF .VTÊFE0STBZr SVFEFMB-ÊHJPO
vie !» Pour la mère de Delaunay, le Douanier E)POOFVSr1BSJTr
MF%PVBOJFS3PVTTFBV  ÆDFVYRVJMJOTQJSÍSFOUFU
peint en 1907 l’un de ses tableaux les plus envoû- XXXNVTFFPSTBZGS
ÆDFVYRVJMJOTQJSB TJOUFSSPHFBOUTVSMBOPUJPOEjBSDIBÐTNFvEBOTMBSU CataloguerÊE)B[BOrQré
tants, la Charmeuse de serpents. C’est aussi à cette -FDBTUJOH(BVHVJO 1JDBTTP $BSMP$BSSÆ %JFHP3JWFSB .BY&SOTU
époque qu’il rencontre Apollinaire. Le poète «Apollinaire – Le regard du poète»
4BOTPVCMJFSMFQPÍUF(VJMMBVNF"QPMMJOBJSF   EVBWSJMBVKVJMMFUrNVTÊFEFM0SBOHFSJF
se charge d’écrire sa légende et, sous sa plume, MVOEFTFTQMVTGFSWFOUTEÊGFOTFVST RVJGBJUMPCKFUEVOFFYQPTJUJPO KBSEJOEFT5VJMFSJFTr1BSJT
le Douanier devient un voyageur hanté par les FONJSPJSEFMBVUSFDÔUÊEFMB4FJOF BVNVTÊFEFM0SBOHFSJF 
souvenirs d’une expédition militaire au Mexique $FTUBVDSJUJRVFEBSURVFMJOTUJUVUJPOSFOEIPNNBHF DFMVJRVJGVU XXXNVTFFPSBOHFSJFGS
CataloguerÊE(BMMJNBSE
et un personnage farfelu haut en couleur. «Je MFDIBOUSFEFTBWBOUHBSEFTFUEFMBSUBGSJDBJO MFQPSUFQBSPMFEFT Qré
crois que cette année personne n’osera rire», BSUJTUFT UFMT3PVTTFBV 1JDBTTP .BUJTTF #SBRVFPV%F$IJSJDP MBVUFVS 9 Hors-série Beaux Arts
déclare Apollinaire pétri d’admiration en décou- EVQSFNJFSMJWSFTVSMFDVCJTNFFUMJOWFOUFVSEVUFSNFjTVSSÊBMJTNFv ÊEJUJPOTrQré
vrant le Rêve peint par le Douanier en 1910, asso-
ciation d’éléments incongrus (une femme nue À voir sur Arte «Le Douanier Rousseau ou l’éclosion de la modernité» MFøBWSJMÆI<MJSFQø>
sur un canapé perdue quelque part dans la jungle

66 Beaux Arts
Les Joueurs de football
Pas de cage pour les buts, un ballon qui passe de main en main,
des joueurs semblables à des pantins désarticulés : plus qu’à
une partie de football-rugby, comme on appelait alors ce sport,
c’est à un véritable ballet improvisé que nous invite l’artiste.
1908, huile sur toile, 100,3 x 80,3 cm.
EXPOSITION / BOZAR DE BRUXELLES / JUSQU’AU 22 MAI

LA FRESQUE D’ART & DE VIE DE

BUREN
CI-CONTRE
Photos-souvenirs, La Salle
des Empreintes, travail in situ,
in «Daniel Buren : Une Fresque»,
Palais des Beaux-Arts, Bruxelles,
2016, mur de A à K, détails.
PAGE DE DROITE
Photos-souvenirs, Les Salles
des Ombres et des Lumières,
travail in situ, in «Daniel Buren :
Une Fresque», Palais des Beaux-Arts,
Bruxelles, 2016, détails, de gauche
à droite : John Knight, Douglas
Huebler.
Toutes les photos de cet article
sont prises par Daniel Buren.
«Photos-souvenirs» est un terme
générique utilisé par l’artiste
quand il prend une photographie.
Une manière d’affirmer que
celles-ci ne sont pas des œuvres,
mais des souvenirs.

MAÎTRE DE L’INSTALLATION IN SITU, DANIEL BUREN INVESTIT LE PALAIS DES BEAUX-ARTS DE BRUXELLES
AVEC UNE GIGANTESQUE FRESQUE D’ŒUVRES D’ARTISTES CÉLÈBRES OU INCONNUS, AYANT MARQUÉ SON
PARCOURS. UNE PLONGÉE DÉSTABILISANTE DANS L’INTIMITÉ DE L’ARTISTE. UNE AUTOBIOGRAPHIE VISUELLE.

PAR FABRICE BOUSTEAU

68 Beaux Arts
Photos-souvenirs, La Salle des Empreintes, travail in situ, in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 2016.

À
78 ans, Daniel Buren pourrait sans c’est exactement l’opposé, soit une œuvre pro- d’une autre, son propre parcours artistique ;
doute figurer dans le livre des records téiforme, avec des accents aussi divers que chez mais aussi un film de plus de trois heures réunis-
puisqu’il compte à son actif plus de Mozart, Picasso, Satie ou Ryman. Buren et sant une large sélection de ses interventions
2 600 expositions dans le monde entier. J’ai beau Satie, la comparaison n’est pas anodine : elle sug- dans le monde entier, depuis le début de sa car-
chercher, je ne vois aucun artiste sur la planète gère la richesse de la variation malgré un rière jusqu’à aujourd’hui. On pénètre dans l’ex-
qui puisse en avoir réalisé davantage de son ensemble limité de notes. Buren et Picasso ? position par une grande salle dont les deux murs
vivant. D’autant que la plupart ont été conçues Outre que le jeune Buren rencontra le vieux latéraux sont recouverts de bandes vertes sur
«in situ», c’est-à-dire créées spécifiquement pour maître Picasso, l’un et l’autre ont bâti leur œuvre lesquelles se découpent des formes géomé-
le lieu et l’espace où on lui a proposé d’interve- en rupture avec l’histoire de l’art. Ou plutôt en triques, «fantômes» des œuvres exposées et pré-
nir. Si «installation in situ» est devenu un terme «coupure» avec l’art, pour reprendre le titre sentées par ordre alphabétique du nom de leurs
commun dans le langage de l’art contemporain, donné par Buren à une exposition présentée au auteurs. Dénommé la Salle des Empreintes par
Buren se revendique comme étant le premier à musée Picasso, à Paris, en 2009. Buren, ce premier espace montre la règle du jeu
l’avoir utilisé. C’est d’ailleurs parce que la majo- À défaut de proposer une rétrospective, Buren qu’il s’est imposée pour l’accrochage : les œuvres
rité de ses expositions sont in situ, donc uniques, vient de créer, à Bruxelles, dans le très dyna- sont disposées les unes au-dessus des autres
que l’artiste a jusqu’à présent toujours décliné mique Palais des beaux-arts, une exposition qui comme on le faisait au XVIIIe siècle, en fonc-
l’idée d’une rétrospective. Ses œuvres, pour l’es- constitue une sorte d’autobiographie visuelle. tion de deux critères : l’ordre alphabétique mais
sentiel, sont non seulement uniques mais le plus Intitulée «Daniel Buren : Une Fresque», elle fait aussi les souhaits d’accrochage des artistes
souvent éphémères ou intransportables car référence aux muralistes mexicains que Daniel présentés.
implantées définitivement dans le lieu où elles Buren a étudiés sur place quand il avait 18 ans. Le jeu consiste donc, pour Buren, à refuser de
ont été créées. C’est le paradoxe de son travail, Pour l’artiste, une fresque est par excellence in présenter les œuvres en fonction de critères
alors que beaucoup pensent que Buren, c’est situ et intransportable. Il faut donc aller la voir. esthétiques, historiques ou intellectuels qu’il
toujours la même chose. Soit un motif immuable C’est le cas avec celle montée à Bruxelles et qui aurait lui-même définis. C’est là une critique en
de rayures blanches et colorées d’une largeur de présente, selon un dispositif très surprenant, les creux de l’attitude des commissaires d’exposi-
8,7 cm qu’il dénomme «outil visuel». Certains, œuvres de plus de 100 artistes des XXe et tion : «Le discours des conservateurs fait dire ce
dont je suis, affirment au contraire que Buren XXIe siècles qui ont marqué, d’une manière ou qu’il veut aux œuvres qu’il manipule.» Dans les
espaces qui suivent, appelés les Salles des Ombres
et des Lumières, sont exposées les œuvres sélec-
L’ACCROCHAGE DE DANIEL BUREN MÊLE AUSSI tionnées par Buren. Dans le catalogue, l’artiste
explique ainsi leur fonctionnement : «En dupli-
BIEN UNE STAR COMME DONALD JUDD quant systématiquement toutes les formes trou-
QU’UN PETIT MAÎTRE COMME JEAN AUJAME. vées dans la première salle, de salle en salle on

70 Beaux Arts
CI-DESSUS EN HAUT
indique ainsi visuellement avec des sortes de un inconnu dénommé Jean Aujame (1905-1965),
Photos-souvenirs, Les Salles des Ombres et des Lumières,
filtres légèrement colorés les formes et l’empla- peintre décorateur ayant notamment œuvré sur
travail in situ, in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des
cement des empreintes que l’on a pu voir dans le paquebot France. Les critères de choix sont Beaux-Arts, Bruxelles, 2016, détails, de gauche à droite :
la première salle. Ce tapissage (les Ombres) donc autobiographiques, comme le dit Buren : Barnett Newman, Michel Parmentier, Gerhard Richter.
étant fait sur toutes les surfaces, on vient enfin «J’ose mélanger des artistes qui, à un moment CI-DESSUS EN BAS, DE GAUCHE À DROITE
placer, exactement sur leur forme adéquate, les donné, m’ont soit aidé de manière personnelle, Photos-souvenirs, Les Salles des Ombres et des Lumières,
œuvres (les Lumières).» ou soit ont marqué mon devenir avec de très travail in situ, in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des
Le résultat est enchanteur mais déstabilisant, grands maîtres de l’art.» Troisième catégorie : Beaux-Arts, Bruxelles, 2016, détails, de gauche à droite :
Donald Judd, On Kawara, Joseph Kosuth, Jean Aujame.
créant des rapprochements surprenants entre «Les artistes qui ont travaillé/exposé avec moi
des œuvres majeures et des croûtes d’inconnus ! depuis 1968, mes alter ego.» On y trouve des
Car Buren a sélectionné quatre catégories d’ar- stars de l’art contemporain comme Beuys, Carl
tistes, faisant l’impasse sur celle des artistes Andre, John Baldessari, Donald Judd, Anish
développant comme lui une œuvre essentielle- Kapoor, Sol Lewitt, Gerhard Richter, Jacques
ment in situ (Felice Varini), qu’il n’a pas donc pas Villeglé, Mario Merz, Bruce Naumann, et là
pu présenter. On trouve d’abord les «incontour- encore un inconnu : Guy Nochet. Un artiste
nables», comme Brancusi, Cézanne, Malevitch, «spécialisé» dans des vues du port de Saint-
Mondrian, Matisse, Monet, Mario Merz, etc. Tropez que s’arrachent les touristes ! «Grâce à
Puis ceux «rencontrés entre 1955 et 1965 qui ont Guy Nochet, j’ai appris à ma grande stupéfac-
été pour diverses raisons décisifs», tels Chagall, tion qu’il y avait des collectionneurs assidus qui
Masson, Picasso, Hantaï, Michel Parmentier revenaient chaque année place du Tertre [à
(avec qui il a fondé le groupe BMPT) mais aussi Montmartre] pour suivre les artistes qui les

Beaux Arts 71
EXPOSITION / DANIEL BUREN

CI-DESSUS

Photos-souvenirs, Les Salles des Ombres et des Lumières,


travail in situ, in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des
Beaux-Arts, Bruxelles, 2016, détails, de gauche à droite :
John Baldessari, Roger Chastel.

CI-CONTRE
Photos-souvenirs, La Salle des Empreintes, travail in situ,
in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des Beaux-Arts,
Bruxelles, 2016, mur de A à K, détails.

intéressaient avec l’espoir secret que parmi visuelle dans laquelle l’artiste se met à nu et s’af- au travail de nombreux autres, comme Bol-
leurs favoris, émerge un jour un nouvel Utrillo !». franchit en quelque sorte du bon goût du milieu tanski. La fresque de Buren à Bruxelles est bien
«Un monde de l’art parallèle», ajoute-t-il, dont de l’art international auquel il appartient, ce davantage qu’une énième exposition : c’est à la
«le chiffre d’affaires des peintures qui se vendent sont aussi les grands absents qui se font remar- fois un manifeste sur l’histoire de l’art et la créa-
du pont des Soupirs jusqu’à Shanghai doit quer, ceux sur lesquels il a «plus de critiques à tion contemporaine et une mise à nu visuelle de
même être plus important que celui de Chris- formuler que d’admiration» comme le pop art, sa propre histoire. Une plongée fascinante et
tie’s et Sotheby’s réunis !». Enfin, quatrième les surréalistes, les expressionnistes, Yves Klein réussie dans l’intimité artistique d’un grand
catégorie d’artistes, «ceux plus jeunes avec les- et tant d’autres. Car on pourrait aisément maître. Q
quels j’ai pour la plupart travaillé/exposé» oublier que Buren n’est pas seulement un artiste
comme Sophie Calle, Pierre Huyghe, Philippe mais aussi un théoricien qui a publié de nom- «Daniel Buren : Une Fresque» jusqu’au 22 mai
Bozar–Palais des Beaux-Arts de Bruxelles
Parreno, Franck Scurti, Pascal Convert, Chen breux textes critiques exprimant ses concep- SVF3BWFOTUFJOr#SVYFMMFTrrXXXCP[BSCFGS
Zhen, etc. Et là encore un illustre inconnu tions de l’histoire de l’art. Un artiste qui, de sur- CataloguerÊE#PSHFSIPGG-BNCFSJHUT#P[BS#PPLTrQré
comme Igor Antic. Dans cette autobiographie croît, n’a pas hésité à s’opposer publiquement

72 Beaux Arts
Photos-souvenirs, Les Salles des Ombres et des Lumières,
travail in situ, in «Daniel Buren : Une Fresque», Palais des
Beaux-Arts, Bruxelles, 2016, détails, de gauche à droite :
Piero Manzoni, Francis Pasquier.
EXPOSITION / LA VILLETTE / DU 16 AVRIL AU 4 SEPTEMBRE

DU DESIGN À L’ARCHITECTURE

Le style
JAMES
BOND
À LA VILLETTE, UNE EXPOSITION PASSE AU RAYON X L’ESTHÉ-
TIQUE JAMES BOND. DES GADGETS DESIGN QUI FONT
EXPLOSER LES MÉCHANTS, DES VOITURES AMPHIBIES QUI
DEVIENNENT DES FUSÉES EN PASSANT PAR DES
CONSTRUCTIONS FUTURISTES DISSIMULÉES DERRIÈRE
DES ROCHERS, BIENVENUE DANS LE STYLE 007 QUI CONTI-
NUE D’INSPIRER ARCHITECTES, DESIGNERS ET ARTISTES.

PAR PHILIPPE TRÉTIACK

CI-CONTRE À GAUCHE
Sean Connery et son Aston-Martin
DB5 : l’image iconique du style
James Bond 1962, costume
Saville Row made in London
et carrosserie gris perle satiné chic.

PAGE DE DROITE
1977, L’ESPION QUI M’AIMAIT
La Lotus Esprit inaugure sa carrière
cinématographique avec James
Bond, ici version Submarine :
formes tranchantes, ailettes,
fibre de verre, le rêve des ingénieurs
qui ignoraient tout, encore,
du design en goutte d’eau.

74 Beaux Arts
EXPOSITION / 50 ANS DE STYLE BOND

L
1967, ON NE VIT es costauds antiques, les Maciste, les Hercule, les Ajax, Rouges, les islamistes, l’Ombre jaune, la Terreur noire, les
QUE DEUX FOIS avaient la vie facile. Un pagne, un glaive et ils partaient pourris et les faux derches. L’important est ailleurs, dans le
Dans cette version très conquérir le monde. James Bond n’a pas cette chance. caractère VIP suranné des décors, des meubles, dans le tour-
«guerre froide» pimentée
Son standing lui impose des clefs de voiture, des lunettes de nis planétaire d’une jet-set pour qui faire sauter la planète est
par l’humour de l’écrivain
Roald Dahl qui en a écrit star et des smokings. Arrive l’instant crucial, entre une chute un projet de soirée. James Bond est au héros ce que le studio
le scénario, les décors d’hélicoptère et une explosion de sous-marin nucléaire, où il Harcourt est à la photo, un modèle figé de savoir-vivre avec
témoignent d’une touche doit s’en remettre au room-service. Le pli de son costume licence to kill. Dans sa mallette (quelquefois explosive) : che-
pop propre à l’époque, Tom Ford trois boutons couleur peau de requin (dans Skyfall) mises rayées et cosmétiques, bagnole et chic anglais, le tout
comme dans cet intérieur ne souffre aucune altération, tout comme sa pochette élé- nappé de pin-up, stars et top-models d’ordinaire répertoriées
nippon. gante, l’éclat de ses mocassins et son visage, lequel, en dépit sous l’appellation de James Bond Girls.
des coups de savates et machettes ou des manchettes demeure
inaltéré, hermétiquement viril. Gratifié d’un rictus à la DES DÉCORS QUI INSPIRENT LES GRANDS ARCHITECTES
Poutine, Daniel Craig, le dernier rejeton de la saga Bond, est À en croire ses biographes, quand il n’est pas en mission, Bond
un dur des durs et cela fait soixante ans, justement, que ça habite à King’s Road, dans le quartier de Chelsea. Légèrement
dure.En 1953, l’ancien espion Ian Fleming crée le personnage snob, il (Sean Connery) s’est longtemps habillé, à l’écran, chez
de 007. Douze romans et 24 films plus tard, son style de séduc- le couturier Sinclair dont l’atelier s’ouvrait sur Savile Row,
teur évoluant dans un univers luxueux peuplé de créatures et nec plus ultra du chic made in London. Au fil de ses aventures,
de vilains s’est imposé à la planète. L’intrigue n’a pas bougé le stylisme a joué un rôle déterminant dans sa popularité. Si
d’un pouce. Elle narre la lutte du bien et du mal, du bon et du ses costumes ont été signés par diverses maisons de mode
méchant, accessoirement de la Grande-Bretagne contre les (Brioni pour Pierce Brosnan, Tom Ford pour Daniel Craig),
ceux de ses compagnes et comparses féminines se sont sou-
vent résumés à un maillot de bain et un
paréo qu’elles devaient perdre au
fil d’une course-poursuite.
1974, L’HOMME Plus que le vestiaire, ce sont
AU PISTOLET D’OR
les accessoires qui signent
Le pistolet de Scaramanga
le style Bond.
en or, un design de
briquet spectaculairement
À ses débuts, la saga
démodé aujourd’hui. pouvait stupéfier le
public par ses inventi-
1962, JAMES BOND 007 vités techniques. La
CONTRE DR NO croissance des maga-
Golden Globe de sins de gadgets était
la révélation féminine exponentielle. La ren-
de l’année 1964,
contre de la puissance
l’indémodable Ursula
Andress, James Bond Girl de feu et de la miniaturi-
iconique surgissant des sation avait de quoi estoma-
flots. quer. Oui, Bond pouvait assas-

76 Beaux Arts
1964, GOLDFINGER
Cette scène dans laquelle
James est torturé
est un incontournable
de tous les films
de la série. Ici, le pauvre
Sean Connery s’apprête
à être découpé au laser,
nec plus ultra de la
technologie d’alors.

1967, ON NE VIT
QUE DEUX FOIS
La cachette du Spectre
dans l’île fictive de Matsu,
au Japon. L’influence
du cinéma allemand
d’avant-guerre
pseudo-gothique
siner un costaud d’un revers de stylo Bic, filmer à travers les pour le plus grand plaisir des fans de carrosserie contre sa inspiré de personnages
murs grâce à un briquet Zippo, traverser une rivière sans quit- fameuse Aston Martin DB85 grise. On lui a connu encore une de légendes juives
ter sa voiture, l’amphibie étant alors l’avenir des transports Lotus Esprit sous forme de sous-marin de poche (l’Espion qui (le golem, le dibbouk)
individuels. James appuyait sur un bouton de manchette et le m’aimait, 1977). Exclusive, isn’t it ? croise un esprit Méliès
Kremlin était vaporisé. Puis la miniaturisation devint le lot Autre point fort de la mythologie Bond, l’innovation archi- mâtiné techno.
commun. Walkman par-ci, smartphone par-là. Désormais, le tecturale. Dissimulées dans un volcan ou virevoltant dans l’es-
design bondien joue sur l’humour pour nous faire avaler ses pace (Moonraker, 1979) tel un agressif satellite nord-coréen,
inventions géniales que plus personne ne gobe. Le moindre ces cités expérimentales expriment par leur design l’esprit
geek aujourd’hui en sait autant que l’espion de Scotland Yard. retors de leurs propriétaires. Elles offrent aux spectateurs des
Ce qui crevait l’écran hier, une ogive fuselée, un tank sovié- points de vue piranésiens : salles gigantesques, escaliers de fer
tique, n’a pas son équivalent à l’ère du numérique. Allez rem- (comme dans la cathédrale d’or de Goldfinger en 1964), tur-
plir l’écran avec les listings de WikiLeaks ! Alors, les scénaristes bines infernales… Le home sweet home des ennemis de Bond
s’en remettent à ce qui perdure encore. Et, pour commencer, est une extrapolation de l’enfer machiniste. Si la saga s’est cou-
la montre-bracelet. Sponsoring oblige, quelle soit Rolex lée dans des lieux existants tels la Elrod House, villa édifiée
modèle Submariner (Sean Connery), Seiko pour Roger Moore par l’architecte culte John Lautner en 1968 (Diamonds Are Fore-
ou Omega pour Pierce Brosnan et Daniel Craig, elle demeure ver, 1971), l’éco-hôtel ESO dans le désert d’Acatama au Chili
l’élément déclencheur de quelque cataclysme. Ensuite, la voi- (Quantum of Solace, 2008), le mirifique Lake Palace de Udaipur
ture. Possesseur à ses débuts d’une Bentley, Bond l’a troquée au Rajasthan (Octopussy, 1983) ou le terrifiant barrage de

Beaux Arts 77
EXPOSITION / 50 ANS DE STYLE BOND

1964, GOLDFINGER
Oddjob (Harold Sakata) se dirige vers James Bond (Sean Connery) dans la cathédrale d’or, réplique de la réserve de Fort Knox. L’action se déroule dans des décors piranésiens.

1979, MOONRAKER
Surveillée par un géant
nommé Requin, une race
d’êtres parfaits destinés
à repeupler la planète,
une fois décimée
toute humanité sur Terre,
habite la navette spatiale
Moonraker, sous la coupe
de l’infernal milliardaire
californien Hugo Drax
(Michael Lonsdale).
Les gigantesques décors,
construits en France
par le chef décorateur
Ken Adam, ont nécessité
des tonnes de métal
rien que pour la station
spatiale.

78 Beaux Arts
Contra édifié au Tessin en 1961 (GoldenEye, 1995), elle s’est ration fertile car nombre de ses créations étaient vouées par 1981, RIEN
encore offert des décors sur mesure. Le grand manitou de ces la fureur des scénaristes à des destructions paroxysmiques. QUE POUR VOS YEUX
architectures spectaculaires se nomme Ken Adam. On lui Étrangeté, dans le même temps, Bond… James Bond, s’est vu La base secrète, le repaire
invisible niché au cœur
devait déjà la War Room de Docteur Folamour de Stanley conduit à sabrer le champagne dans des chambres d’hôtel
d’un volcan, au sommet
Kubrick et plus tard les décors «romantico-rococo» de Barry recentrées, very classic, comme dans la scène inaugurale de d’un nid d’aigle, sous
Lyndon, du même réalisateur. Pour Bond, il a créé une archi- 007 Spectre (2015) à Mexico, ou encore à Venise (Casino Royale, la banquise ou dans
tecture mixte futuriste de luxe et de vitesse. L’architecte 2006), au Caire et Karnak (l’Espion qui m’aimait). Rien de très la stratosphère, est
Daniel Libeskin, auteur de l’extension du Musée juif de Berlin, surprenant en vérité. Ian Fleming détestait l’architecture un élément principal
a dit toute la dette qu’il devait à Ken Adam, dont les décors moderne et haïssait Le Corbusier. Les décorateurs firent ainsi de la saga Bond. Sous ses
l’avaient subjugué. Certains critiques ont décrit la touche le grand écart entre des casinos dégoulinants de moulures et apparences paradisiaques,
le monde dissimule
Adam comme née de la rencontre du docteur Caligari, de des salons au minimalisme japonisant. Qu’importe le flacon…
d’abominables férocités.
Vincent Van Gogh et d’Adolf Hitler. Un concentré de murs Et tout le talent de James Bond est bien là, dans cette habileté
de biais, de perspectives angoissantes, de bâtiments à endosser un peignoir avec la même désinvolture qu’un Hugh
taille XXL, de métal acéré et de profilés fuselés. Berlinois de Hefner dans sa Playboy Mansion. C’est dans doute cela, le
naissance ayant fui le nazisme, fils de commerçants possédant style James. Ce qui pourrait sonner ringard devient, grâce à
l’un des plus importants grands magasins de la capitale alle- sa seule et mâle présence, pétillant et classieux. Toute la force
mande, Ken Adam jure avoir vu le Reichstag en feu avant de du personnage s’y trouve résumée. Bond bonifie l’atmosphère
s’enfuir d’Allemagne. Un bon début de carrière et une inspi- et, mieux, la «bondifie». Q
QUELQUES
CHIFFRES
UNE EXPOSITION TRÈS STYLÉE
Constituée d’un ensemble impressionnant de documents d’archives, nomade et globalisante avant même que la globalisation ne soit
24
FILMS

6
cette grande exposition arrive en France après avoir connu devenue réalité. Viennent ensuite la galerie des James Bond Girls
honneurs et succès à l’étranger, à Londres et Rotterdam et celle des méchants. Les story-boards des scénarios montrent
notamment. Ses diverses sections présentent de multiples la minutie avec laquelle les créateurs ont travaillé les séquences ACTEURS
87
aspects de l’univers de Bond : affiches de film, séquences des films. De véritables period rooms reconstituent des décors
d’ouverture, importance de l’or, gadgets à foison. clés. En prime, les visiteurs auront le loisir de se photographier
La carrière de l’auteur et créateur de la série, flanqués d’une silhouette de Sean Connery (jeune) et de sa JAMES BOND
Ian Fleming, est décortiquée. Sont ensuite exposés célèbre Aston Martin. Un selfie rien que pour vos yeux. GIRLS
387
certains éléments récurrents de la saga : le bureau de «50 ans de style Bond» du 16 avril au 4 septembre
M, la section Q (l’inventeur des gadgets). Il apparaît (SBOEF)BMMFEFMB7JMMFUUFr BWFOVF+FBO+BVSÍT
que le design, l’architecture ou bien encore la mode 1BSJTrrXXXMBWJMMFUUFDPN
PERSONNES
participent en plein à la construction d’un univers 2015, 007 SPECTRE De temps en temps, James Bond, TUÉES PAR
spécifique, reconnaissable par tous. Par la variété ici Daniel Craig, lâche le costume pour un total look JAMES BOND
193
des décors retenus ou recréés autour du monde, la Fantômette. L’important, c’est le latex, la combi à fleur de
série se révèle entreprise de séduction universelle, peau. Bond est un être tactile et sexy, aux mains baladeuses.
GADGETS
Beaux Arts 79
EXPOSITION / GRAND PALAIS / JUSQU’AU 4 JUILLET

CARAMBOLAGES
ou comment bousculer
l’histoire de l’art
INTITULÉE «CARAMBOLAGES», UNE EXPOSITION AU GRAND PALAIS TRANSGRESSE LES FRONTIÈRES ENTRE
GENRES ET ÉPOQUES, STARS ET INCONNUS, CRÉANT DES CONNEXIONS INCONGRUES ENTRE LES ŒUVRES.
DES TÉLESCOPAGES AVANT TOUT VISUELS QUI FONT DU VISITEUR UN CRITIQUE D’ART À PART ENTIÈRE.
PAR DAPHNÉ BÉTARD

O
CI-DESSUS
ubliez vos repères et laissez vos certitudes au Ici, les œuvres sont reliées les unes aux autres par un élé- FRANÇOIS BOUCHER
vestiaire. Place au doute, à l’improvisation, et à ment que chaque visiteur doit trouver en fonctionnant La Jupe relevée
l’humour. Avec son exposition «Carambolages» par association d’idées : l’ombre du pendu de Christian 1742, huile sur toile, 52,5 x 42 cm.
– terme qui désigne un coup double au billard mais aussi Boltanski annonce le Fantôme d’Oiwan-san d’Hokusai, PAGE DE DROITE
un heurt entre voitures –, le très impertinent commis- qui précède une tête momifiée du Pérou avant que ne MAN RAY
saire d’exposition Jean-Hubert Martin balaie d’un revers surgisse la grande installation d’Annette Messager, Monument à D. A. F. de Sade
de main tout ce que les musées se sont patiemment assemblage de gants et de crayons formant une immense 1933, photographie argentique
vintage, forme découpée, papier
appliqués à construire au fil du temps. Exit les audio- tête de mort, à laquelle succède un coffret-reliquaire baryté, 21 x 16,5 cm.
guides, cartels, frises chronologiques et autres artefacts dont le cœur est une vanité de brocarts et pierres pré- D’une paire de fesses à l’autre,
pédagogiques d’aide à la visite, la clef du parcours original cieuses… Une façon de faire délirante qui bouscule les il n’y a qu’un pas ! Celles de
qu’il a imaginé se trouve en chacun de nous… Il faut sim- visiteurs trop sages et disciplinés que nous sommes, pour Man Ray sont blasphématoires
plement ouvrir l’œil et laisser libre cours à son imagina- mieux renouer avec le plaisir de la rencontre esthétique. à souhait avec le motif
tion pour venir à bout de ce voyage initiatique conçu L’image règne en maître et le spectateur est tout-puissant de la croix renversée. Quant à
Boucher, maître du libertinage,
selon le principe de la concaténation, cette figure de style car, comme l’avait déjà formulé Marcel Duchamp,
il nous régale avec cette scène
où chaque nouveau mot est formé de la dernière syllabe «ce sont les regardeurs qui font les tableaux». Celui du de toilette qui était cachée par
du précédent (ainsi du fameux marabout / bout de ficelle XXIe siècle selon Jean-Hubert Martin devra appliquer une toile où la jeune femme, vêtue,
/ selle de cheval / cheval de course / course à pied, etc.). les trois grands principes suivants. caresse le visage d’un enfant.

80 Beaux Arts
EXPOSITION / CARAMBOLAGES

1. DEVENIR UN
REGARDEUR ÉMANCIPÉ
Réapprendre à voir, à observer, à scruter une œuvre d’art.
C’est en substance ce que propose le parcours insolite de
«Carambolages». «Nous ne cessons de dire que nous vivons
dans un monde d’images, mais notre enseignement privilégie
toujours le discours», constate Jean-Hubert Martin. La majorité
des expositions actuelles assomme le visiteur d’entrée de jeu
avec un énorme panneau explicatif indiquant ce qu’il faut
connaître, avec ce sous-entendu perfide : si vous n’avez pas assi-
milé tout ça, vous n’avez rien compris ! Abreuvé d’informations,
le visiteur en devient presque passif ; il renonce à penser par lui-
même, contraint de suivre le chemin déjà tout tracé par d’autres,
commissaires, curateurs, conservateurs, tous ces spécialistes qui
savent mieux que lui. L’éminent historien de l’art Daniel Arasse
(disparu en 2003) l’avait bien compris, lui qui n’a eu de cesse,
dans ses écrits, d’inciter le spectateur à regarder par soi-même
les œuvres sans avoir recours au savoir. En prologue de son
ouvrage On n’y voit rien, la lettre qu’il adresse à l’une de ses
consœurs tient lieu d’avertissement général au lecteur : «On
dirait que tu as besoin de textes pour interpréter les tableaux,
comme si tu ne faisais confiance ni à ton regard pour voir, ni aux
tableaux pour te montrer, d’eux-mêmes, ce que le peintre a voulu
exprimer.» Chaque œuvre d’art est porteuse d’une multitude
d’indices qui permettent de l’appréhender, d’entrer en contact
avec elle. À condition d’être attentif, de faire confiance à sa
mémoire visuelle et à sa capacité d’analyse autant qu’à ses
propres émotions. En résumé : la vue est un outil de connais-
sance fascinant, encore faut-il s’en servir. «On peut apprécier
une œuvre avec son propre système de références, insiste
Jean-Hubert Martin. Un choix d’exposition n’est qu’une pro-
position, rien de plus.»
CI-DESSUS
ANONYME FLAMAND Diptyque satirique
«Laisse ce panneau fermé sinon tu seras
fâché contre moi», prévient la première image
de ce diptyque flamand. Et poursuit : «Ce ne sera
pas ma faute car je t’avais prévenu». Puis conclut :
«Et plus nous voudrons te mettre en garde, plus
tu auras envie de sauter par la fenêtre».
1520-1530, huile sur bois, 58,8 x 44,2 x 6 cm.

CI-CONTRE À GAUCHE
Épée des îles Kiribati (Océanie)
Non daté, bois, fibres végétales, dents de requin,
65 x 27 x 4 cm.
CI-CONTRE À DROITE
BERTRAND LAVIER Black & Decker
1998, technique mixte, 85 x 23 x 21 cm.
Rien ne les prédestinait à se rencontrer.
Et pourtant, mis côte à côte, cette redoutable
épée et le banal taille-haie érigé au rang
de totem par Lavier se révèlent dans toute
leur monumentalité. Ils nous interrogent
sur le statut à accorder aux œuvres et objets
sanctuarisés dans nos musées.

82 Beaux Arts
CI-CONTRE À GAUCHE
EDME POTERAT
Plat à godrons
XVIIe siècle, faïence de Rouen,
d. 32 cm.
CI-CONTRE À DROITE
DANIEL SPOERRI
Variation on a Meal
1964, objets sur panneau de bois,
54,5 x 64,5 x 16,6 cm.

À table ! Soit avec Spoerri,


qui a fixé pour l’éternité
dans ses tableaux-pièges
les restes d’un repas.
Ou avec Edme Poterat qui,
à la fin du XVIIe siècle, inventa
pour les ateliers de faïence
de Rouen des compositions
raffinées, telle cette assiette
au décor de grand feu marbré
à trois couleurs.

Beaux Arts 83
EXPOSITION / CARAMBOLAGES

2. S’AFFRANCHIR DE L’HISTOIRE DE L’ART


Depuis le XIXe siècle, les musées occidentaux s’évertuent à regrouper les teurs. En 2001, il jette un nouveau pavé dans la mare au Museum Kunst-
productions artistiques selon leur origine géographique et une chronolo- palast de Düsseldorf. Chargé de repenser l’accrochage des collections
gie qui commencerait avec les formes prétendument «archaïques» ou «pri- permanentes, il ose, avec la complicité du peintre Thomas Huber et du
mitives» de la création puis évoluerait vers des productions «civilisées». Et sculpteur Bogomir Ecker, des rapprochements fondés sur des analogies
si on laissait tomber les classifications traditionnelles de l’histoire de l’art formelles poétiques et non sur l’histoire linéaire de l’art, associant sans
pour privilégier une approche plus sensible et subjective des œuvres ? scrupule création contemporaine et tableaux anciens. De l’audace, encore
L’idée n’est pas nouvelle : l’historien de l’art allemand Aby Warburg, père de l’audace, toujours de l’audace ! Une bonne partie des conservateurs
de l’iconologie moderne, l’avait développée il y a près d’un siècle dans son crient à la trahison. Pourtant, en misant sur l’ouverture et le décloisonne-
Atlas mnémosyne, histoire comparative de l’art reposant uniquement sur ment, il s’agissait moins de provoquer que de tisser de nouveaux liens
les images. Il refusait d’enfermer la création dans des cases et fustigeait entre les œuvres et avec le public. Il récidive aujourd’hui au Grand Palais
une vision trop ethnocentrée de l’art. Les musées, eux, ont mis du temps où il ne faut pas s’offusquer de trouver, face à une estampe de Dürer repré-
à accorder aux arts dits «premiers» le même statut qu’aux chefs-d’œuvre sentant une Tête de cerf percée d’une flèche, un crâne décoré des îles Salomon
de l’art occidental. Et il a fallu attendre des expositions comme celle de (transpercé, lui, de ligatures végétales et d’arceaux de coquillages), une
Jean-Hubert Martin (déjà lui), «Magiciens de la terre», organisée en 1989 céramique de tête de sanglier ensanglantée réalisée à Sèvres ou un monstre
au Centre Pompidou et à la Grande Halle de la Villette, pour que les arts gardien de tombes de Chine ancienne doté de bois de cerf. Des rencontres
contemporains «non occidentaux» soient enfin mis sous le feu des projec- aussi surprenantes que divertissantes.

HERGÉ Sans titre BERTRAND LAVIER Walt Disney Productions No. 15, 1947-2015
1963, huile sur toile, 60 x 50 cm. 2015, peinture acrylique sur jet d’encre, 59,5 x 43,5 cm.

Saviez-vous que l’auteur de Tintin avait hésité à embrasser la carrière de peintre ? Au début des années 1960, il réalise une quarantaine de peintures abstraites aux formes courbes et colorées.
Les similitudes avec l’œuvre de Lavier sont ici flagrantes, lequel, roi du détournement, a reproduit grandeur nature tableau et sculpture figurant dans une bande dessinée de Mickey.

84 Beaux Arts
CI-DESSUS
Crâne Asmat (Irian Jaya, Indonésie)
XIXe-XXe siècle, plumes, vannerie, coquillages,
27 x 20 x 25 cm.
CI-CONTRE À GAUCHE
KATSUSHIKA HOKUSAI Le Fantôme d’Oiwa-san
1831-1832, estampe, 26,1 x 18,8 cm.
CI-CONTRE À DROITE
ANNETTE MESSAGER Gants-tête
1999, gants, crayons de couleur,
178 x 133 x 10 cm- 61 x 45,7 cm.
Qui sera le plus effrayant ? Le crâne indonésien,
trophée d’une chasse aux têtes pratiquée dans
le cadre de cultes rendus aux ancêtres, le fantôme
d’Hokusai, inspiré d’un conte populaire japonais
où l’épouse empoisonnée vient hanter le mari
lors de son remariage, ou bien la tête de mort
formée par Annette Messager à l’aide de gants
et de crayons ? À chacun ses démons.

Beaux Arts 85
EXPOSITION / CARAMBOLAGES

CI-CONTRE
LUCIO FONTANA Concept spatial — Attentes
1958, peinture vinylique sur toile, incisions, 125 x 100 cm.
PAGE DE DROITE
NICOLA VAN HOUBRAKEN Autoportrait
Vers 1720, huile sur toile, 136 x 99 cm.
Plus de deux siècles avant le spatialiste Fontana, un artiste
n’hésitait pas à fendre la toile (ou presque) pour faire surgir son
autoportrait dans une couronne de fleurs en trompe-l’œil.
En plus, il interpelle le spectateur en lui adressant un regard complice.

PANIQUE AU GRAND PALAIS


Concept d’exposition révolutionnaire, joyeux bordel sans queue
ni tête ou pied de nez à l’attention de conservateurs et critiques
d’art imbus d’eux-mêmes ? Difficile de savoir précisément
ce qu’a voulu faire Jean-Hubert Martin au Grand Palais
(peut-être un peu tout cela à la fois) mais une chose est sûre :
ce défilé d’œuvres d’art de tout horizon a de quoi dérouter.
Déjà, le jour du vernissage, la confusion régnait dans les esprits,
certains dénonçant une proposition triviale, tandis que d’autres
se demandaient à qui – «mais à qui, bon sang ?» – s’adresse
ce parcours «où le visiteur n’apprend rien». Rien, si ce n’est à
douter d’une image et à se creuser les méninges pour en venir
à bout. Ce qui est, finalement, déjà beaucoup.
«Carambolages» KVTRVBVKVJMMFUr(SBOE1BMBJT
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3. SAVOIR ERRER, SE
PERDRE ET SE LANCER
DANS L’INCONNU
Certes, il est toujours satisfaisant de reconnaître sur les cimaises d’un attendent le visiteur dans cette scénographie labyrinthique qui se déploie
musée une œuvre familière. Mais n’est-il pas plus réjouissant encore de en une multitude de petits boxes où sont réunies des œuvres aux analo-
découvrir une création qui nous est totalement inconnue ? Breton parlait gies plus ou moins évidentes. Le parti pris du Grand Palais est jubilatoire :
très justement de «l’émotion du jamais-vu», soulignant combien la surprise les visiteurs se rendent à une exposition sans savoir à l’avance ce qu’ils
était essentielle au plaisir esthétique. Jean-Hubert Martin a fait sienne la vont voir ! Il fallait oser… Le parcours revendique le droit à l’absurde, à
maxime du surréaliste et déniché des œuvres inédites qui se cachaient l’irrationnel, au libre arbitre. Chacun peut imaginer sa visite selon sa
dans les recoins de petits musées, chez des collectionneurs privés ou qui propre sensibilité. On pense au musée imaginaire de Malraux (à la grande
sommeillaient dans des réserves. Des œuvres parfois sans pedigree, consi- différence qu’il n’est pas question ici de chef-d’œuvre intangible) et aux
dérées comme secondaires voire mineures, comme la Chasse à la chouette musées sentimentaux de l’artiste Daniel Spoerri, improbables mélanges
d’un artiste français du XVIIe siècle, où les oiseaux qui virevoltent autour d’œuvres d’art, de documents, d’images populaires, de vestiges, reliques
d’une nymphe à moitié dénudée ont pour têtes les visages d’un prêtre, et fétiches dont la valeur affective est parfois proportionnelle à la bana-
d’un gentilhomme, d’un marquis et d’un cardinal, ou encore ce diptyque lité. L’objectif est, on l’aura compris, d’abolir la hiérarchie entre les
hallucinant d’un anonyme flamand qui met en garde le spectateur car à œuvres afin de privilégier les émotions. «Ceci n’est pas une exposition»
l’intérieur se trouvent un personnage grimaçant et un postérieur velu et pourrait être le sous-titre de cette expérience visuelle sans précédent.
boutonneux orné d’un chardon peint en gros plan. D’autres surprises À vous de jouer ! Q

86 Beaux Arts
ENQUÊTE

COMMENT LE MONDE DE L’ART


S’EMPARE D’
400 MILLIONS D’UTILISATEURS, DONT JR, YOKO ONO OU RICHARD PRINCE : APRÈS FACEBOOK, INSTAGRAM
EST LE DEUXIÈME RÉSEAU SOCIAL LE PLUS UTILISÉ DANS LE MONDE DE L’ART. ENTRE AUTOPROMOTION
DE SOI, PROJETS PARTICIPATIFS ET ŒUVRES NOVATRICES PRÉSENTÉES AU PUBLIC EN DIRECT, ARTISTES,
GALERISTES ET CURATEURS ONT TROUVÉ DE MULTIPLES USAGES À L’APPLICATION. ANALYSE.

PAR JUDICAËL LAVRADOR

88 Beaux Arts
JR
Carnet de voyage
Grand voyageur, inscrivant ses pièces dans l’espace
public et travaillant volontiers avec les populations
locales, JR poste sur son compte des images
en tout genre, scènes de rue, vues de paysages,
portraits impromptus.

P
uisque Instagram compte près de
400 millions d’abonnés et que, au-delà
de la logique comptable, le réseau social
est dédié à l’image, le monde de l’art doit bien
s’y être fait une place et avoir trouvé les raisons
de s’y répandre. Que ce soit les artistes, qui y
montrent les coulisses de leur production et les
ressources de leur imaginaire, les galeristes, qui
s’en servent comme d’une vitrine élargie, voire
les maisons de ventes, qui tentent d’y conquérir
de nouveaux et impulsifs acheteurs, sans oublier
les critiques, qui multiplient les œillades en se
passant de mots, le petit monde connecté des
arts visuels accoste sur Instagram avec plus ou
moins de perspectives et d’idées derrière la tête.
À dire vrai, le courant est plutôt d’emblée mal
passé. Pour Richard Prince, qui s’est fait autant
d’ennemis que d’amis après avoir pris le réseau
et ses abonnés au mot. Fidèle à la logique
appropriationniste qui est la sienne depuis les
années 1980, l’artiste américain a sérigraphié sur
Richard Prince
toile des captures d’écran du compte Instagram
de 37 personnes, célèbres (Pamela Anderson) L’appropriationniste 2.0
Les Instagram Paintings de Prince, réalisés à partir
ou non, y laissant visibles, en haut du fil, ses
des comptes de personnes qu’il suit, sans nécessairement
propres commentaires. Vendus 90 000 dollars les connaître, ont agacé. Leur prix, surtout. C’est pourquoi
à la Frieze Art Fair de New York au printemps certains, récupérant en quelque sorte leur bien, ont
2014, les Instagram Paintings ont déclenché l’ire proposé d’en vendre une reproduction pour 90 dollars.
de ceux qui ont eu le sentiment de se faire
voler leur image. L’une d’elles (Missy, fonda-

Beaux Arts 89
ENQUÊTE/

Amalia Ulman
Scènes d’une vie rêvée
Exposées en ce moment à la Tate Gallery,
les photos d’Amalia Ulman ont d’abord
été postées régulièrement par l’artiste
sur son compte. Mais elles ne
témoignaient que d’une vie imaginaire
scénarisée et jouée par la jeune femme.

90 Beaux Arts
Amalia Ulman a signé ce qui restera sans doute comme la première œuvre
viscéralement liée à Instagram, aux modes d’apparaître et de transparaître
que ce réseau social autorise.
trice du site SuicideGirls) a répliqué en vendant Camera» et jusqu’au 12 juin), ses photographies cultures. À noter que ces posts joliment crus ont
pour 90 dollars la reproduction de «son» tableau. et vidéos ont d’abord été postées pendant déjà valu à Saltz de se faire réprimander par le
Au-delà du parti pris choisi (en faveur de la proie quatre mois sur Instagram où elle s’est inventé père la pudeur du Net, Facebook suspendant
imprudente ou du chasseur d’image sans-gêne), une vie, des ambitions, des déboires, des le compte du critique d’art il y a un an. Au-delà
l’affaire souligne comiquement comment les moments de déprime et de relaxation, un per- de ces bisbilles, son mur est une formidable
réseaux sociaux et l’étalage de soi sans filtre édi- sonnage donc et une vie parallèle qui ont pas- ressource documentaire, tandis que celui de
torial viennent donner du grain à moudre à une sionné quelque 76 000 followers. Excellences & l’hyperconnecté directeur de la Serpentine Gal-
pratique artistique vieille de quarante ans, l’ap- Perfections prend ainsi la forme d’une fiction lery et curateur globe-trotter Hans Ulrich
propriationnisme donc, mais qui se limitait déroulant le quotidien d’une aspirante actrice Obrist donne libre cours à l’un de ces projets
jusqu’alors aux images des magazines et des installée à Los Angeles et qui, pour mettre participatifs dont il a toujours eu le secret inti-
publicités. Sur le mur, c’est soi-même qu’on rend toutes les chances de son côté, se fait refaire le tulé ici «The Art of Handwriting». Qui consiste
visible sinon célèbre, qu’on expose à tous les portrait (les seins surtout) par un chirurgien. à recueillir et poster des images de bouts de
regards, captifs et capteurs. À ses 149 000 followers, le critique d’art du papier griffonnés de citations, de notes ou de
Née en Argentine et diplômée du Central Saint New York Magazine Jerry Saltz expose, lui, ses dessins. Une célébration paradoxale de l’écriture
Martins College of Art and Design à Londres, vrais coups de cœur et ses coups de sang manuscrite sur un support numérique et un
l’artiste de 26 ans Amalia Ulman l’a fort bien (contre Donald Trump) avec un sens insolent usage d’Instagram comme journal de bord sur
compris en signant ce qui restera sans doute de l’autodérision et de l’ironie. À part la poli- lequel on laisse une trace au quotidien, comme
comme la première œuvre viscéralement liée à tique (campagne des primaires américaines en passant, en attendant éventuellement de
Instagram, aux modes d’apparaître et de trans- oblige), l’obsession hilare de Saltz, c’est le sexe développer sa pensée ailleurs et autrement.
paraître qu’il autorise. Exposées à la Tate et ses représentations artistiques (mais pas Marina Abramovic quant à elle, en majuscules
Modern (dans le cadre de «Performing for the seulement) à travers tous les siècles et toutes les et au stylo noir sur une feuille jaunie, a posté

Jerry Saltz
Trump, sexe et compagnie
Le critique d’art du New York Times poste tous les jours,
voire plusieurs fois par jour, des images d’œuvres érotiques
dénichées dans un livre ou une exposition. Puis, en pleine
campagne des primaires américaines, il profite du réseau
pour poursuivre Trump de ses sarcasmes.

Beaux Arts 91
ENQUÊTE/

Life Is a Miracle ; Kanye West, un petit dessin, Hans Ulrich Orbrist


Good Taste Is a Gift, but Bad Taste Is a Privilege («Le Des Post-it arty
bon goût est un don, mais le mauvais goût est un Curateur détricotant
privilège») ; Matthew Barney, un diagramme les limites traditionnelles
étrange ; Carsten Höller, un poème ; et le der- de l’exposition, préférant
nier posté (il y a 28 minutes au moment où on la transformer souvent
en espace de discussions
écrit ces lignes), le plan gribouillé sur papier
et d’échanges, Obrist
mauve d’une «Summer House». Finalement, a trouvé avec Instagram
@hansulrichobrist est un compte Instagram le moyen de faire une
curaté, une exposition collective. exposition de Post-it,
Ce qu’est aussi un peu, mais en solo, le compte où les artistes ont griffonné
du duo Mrzyk & Moriceau, dont l’angle bien- bons mots et réflexions.
faisant est résumé par cette devise : «One
drawing a day keeps the doctor away.» À chaque
jour son dessin. Instagram permet de se connec-
ter au rythme de production des artistes. D’ail-
leurs, nombre d’entre eux font de leur compte
une éphéméride, ouvrant la porte de leur atelier
et des travaux en cours (le sculpteur Thomas
Houseago, ou encore Fabrice Hyber et
Xavier Veilhan).
D’autres y trouvent de quoi cultiver leur art de
l’adresse au public et de la communication. À
l’image de Yoko Ono, dont le travail a toujours
consisté à toucher et à se laisser toucher par
autrui, et qui peut partager ses bons sentiments
(et nombre d’autoportraits) avec ses 220 000 fol-
lowers. Ou encore de Jeff Koons, 126 000 abon-
nés mais seulement 22 posts. JR, avec plus de
3 000 publications, suivi par 800 000 abonnés,
rien que ça, fait un tabac. Ce n’est pas un hasard :
son art, destiné à la rue, implique ceux qui y
vivent et y passent. C’est un art encore qui
outrepasse les filtres de l’institution et de la

Le critique d’art
Hans Ulrich Obrist
donne libre cours à l’un
de ces projets participatifs
dont il a toujours
eu le secret intitulé ici
«The Art of Handwriting».
Qui consiste à recueillir
et poster des images
de bouts de papier
griffonnés de citations,
de notes ou de dessins.
92 Beaux Arts
Olafur Eliasson
Dans les coulisses
de la création
Même les artistes stars ont
leur compte Instagram. À l’image
d’Olafur Eliasson, qui documente
la genèse de ses œuvres
spectaculaires et en propose
des vues d’exposition.

critique, ainsi qu’un art nomade, voyageant Prince, Sophie Calle et Jeff Koons n’appar- Instagram, c’est surtout ça, cette immixtion iné-
et s’ancrant aux quatre coins de la planète. Un tiennent à la génération des «digital natives», dite – dans le cadre de l’art, dans sa documenta-
art 2.0 dès le départ en quelque sorte, qui dont DIS Magazine est la bible. Le magazine tion et sa diffusion – du regardeur, moins suiveur
cherche à établir un lien direct avec les gens. américain a eu l’idée d’ouvrir un hashtag #art- que prescripteur. «Ask Instagram», en somme.
Instagram est donc pour lui et son public un selfie compilant les autoportraits pris dans les Dit autrement, pour savoir quoi penser d’une
média naturel, essentiel. musées et les galeries par les visiteurs. Les sculp- œuvre, il faudra peut-être désormais vérifier si
Ce qui n’est pas tout à fait le cas pour d’autres. tures miroirs colorées de Koons s’y comptent elle passe bien ou non sur Instagram.
Avec quatre photograhies postées sur son par centaines, mais également des œuvres clas- Dernier post, cette citation de Guy Debord
compte, Sophie Calle, par exemple, n’y est que siques du Louvre, des peintures de Balthus, de sur le compte de Matthieu Laurette : «Le Spec-
peu présente. Idem pour Jeff Koons : certes Gauguin… Autant de chefs-d’œuvre qui passent tacle n’est pas un ensemble d’images, mais un
126 000 abonnés mais seulement 22 posts. cependant à l’arrière-plan : le spectateur, pre- rapport social entre des personnes, médiatisé
Étrange ? Pas tant que ça. Pas plus que Richard nant la pose, se met en scène au premier plan. par des images.» Q

>@?18J1?
Moi d’abord INSTAGRAM POUR LES NULS
Un selfie devant une œuvre :
Instagram est une application qui permet de partager
la pratique, très populaire, est
des photographies et des vidéos avec des abonnés.
aussi une manière pour les artistes
de voir leurs travaux largement
Créé en 2010 par l’Américain Kevin Systrom et le
diffusés sur les réseaux. À ce Brésilien Michel Krieger, le réseau revendique en 2016
baromètre aussi, Koons a la cote. plus de 400 millions d’abonnés. De quoi donner raison
à Marck Zuckerberg, boss de Facebook, qui, en 2012,
rachetait Instagram pour la somme astronomique
d’un milliard de dollars – et pour éviter que d’autres
(les Google, Twitter ou Pinterest) ne prennent du poids
sur le marché du partage de photos. Instagram
a toujours su garder une réputation de coolitude
et de bon goût dans son habillage graphique
et le filtre un peu vintage qui éclaire les photos.

À VOIR
«Performing for the Camera» jusqu’au 12 juin
5BUF.PEFSOr#BOLTJEF4&5(r-POESFT
rXXXUBUFPSHVL
Quand une exposition traite de la performance
face à l’appareil photo, il y est forcément question
d’Instagram.

Beaux Arts 93
EXPOSITION / MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS / DU 8 AVRIL AU 21 AOÛT

ENTRETIEN AVEC MARIE DARRIEUSSECQ

Paula Modersohn-Becker,
la redécouverte d’une peinture
«puissante et spectrale»
INCONNUE EN FRANCE, PAULA MODERSOHN-BECKER FUT POURTANT UNE PEINTRE EXPRESSIONISTE
PASSIONNANTE À LA VIE COURTE ET ROMANESQUE. RENCONTRE AVEC MARIE DARRIEUSSECQ, AUTEUR
DE SA BIOGRAPHIE ET À L’INITIATIVE D’UNE EXPOSITION AU MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS.
PAR SOPHIE FLOUQUET

D
écouvrir l’œuvre fascinant d’une artiste vendit qu’une poignée de tableaux. «Il n’exis- PAULA MODERSOHN-BECKER
étonnamment restée inconnue en tait pour elle qu’une seule voie, explique Julia 1876 Naissance à Dresde
France, c’est ce que propose le musée Garimorth, commissaire de cette première dans un milieu bourgeois mais peu fortuné.
d’Art moderne de la Ville de Paris. Sa peinture ? rétrospective parisienne, suivre son art et aller 1888 Sa famille s’installe à Brême.
Forte, rugueuse, proche de l’expressionnisme, de l’avant. Et comme elle n’avait pas de public, 1898 Quitte Berlin, où elle étudie l’art,
jalonnée – entre quelques paysages et natures tout était possible.» Paula Modersohn-Becker, pour Worpswede (Basse-Saxe),
mortes – de très nombreux portraits de femmes c’est aussi une vie romanesque qui a passionné où vit et travaille une colonie d’artistes.
et d’enfants, et qui semble tendre inexorable- l’écrivain Marie Darrieussecq, auteur d’une bio- 1899 Premiers tableaux et première
ment vers le cubisme. Morte prématurément à graphie française inédite et instigatrice de cette exposition, à la réception critique désastreuse.
l’âge de 31 ans, en 1907, juste après avoir donné exposition révélation. Rencontre. 1900 Voyage à Paris.
naissance à sa fille, Mathilde, Paula Modersohn- 1901 Épouse le peintre Otto Modersohn.
Becker n’aura pas eu le temps d’aller plus loin 1906 Souhaite s’installer définitivement
vers cette avant-garde qu’elle découvre lors de à Paris après avoir quitté son mari.
ses séjours parisiens. Cézanne, bien sûr, mais Comment avez-vous découvert cette femme 1907 Enceinte, elle retourne à Worpswede,
aussi Gauguin et son primitivisme ou encore peintre encore totalement méconnue en auprès de son mari, où elle meurt en novembre.
Rodin, qu’elle admire pour son anticonfor- France? 1927 Ouverture de son musée à Brême.
misme, résonnent dans bon nombre de ses Par hasard. Un jour, j’ai reçu par courriel l’an-
tableaux. Les deux dernières années de sa vie, où nonce d’un colloque de psychanalyse sur la
elle parvient à se consacrer presque exclusive- maternité, illustrée par une image de femme nue
ment à sa peinture, sont aussi les plus fortes, allongée, allaitant son enfant. Cela m’a tout de
celles au cours desquelles elle parvient à affirmer suite interpellée. J’ai alors pensé : voilà donc Nu enfantin et cigogne
sa singularité lorsque son trait, plus vigoureux quelqu’un qui sait précisément quelle est la posi- Se méfier des apparences : ce tableau n’est pas
encore, se simplifie alors que la couleur explose. tion la plus confortable pour allaiter ! Sûrement un Gauguin mais un Paula Modersohn-Becker.
Elle y affirme aussi son extrême sensibilité, qui pas assise avec l’enfant sur les genoux, comme Les dernières œuvres de l’artiste allemande, morte
lui permet de retranscrire sur toile l’intériorité le figure notamment Picasso. Cette peinture prématurément, sont très marquées par cette veine
de ses sujets. Ce que son travail, inachevé m’était totalement inconnue et quand j’ai pris primitiviste. Ici, elle dépeint une scène étrange
comme l’est celui de Van Gogh, nous a laissé, conscience de sa date – 1906 – je l’ai trouvée avec cette jeune fille agenouillée – enceinte ? –
se prosternant dans une atmosphère exotique.
c’est aussi une ode à la femme : libre, sans affé- encore plus incroyable. J’ai donc fait quelques
À l’arrière-plan, une cigogne se dresse dans un paysage
terie, sans érotisation. Une peinture que peu de recherches. Puis j’ai creusé… Je suis allée visiter de marais, évocation de la campagne de Worpswede,
gens ont connue du vivant de l’artiste, créée en son musée en Allemagne, à Brême. Là, j’ai le village allemand où Paula vécut longtemps.
toute liberté, hors de toute commande – elle ne découvert sa peinture mais aussi son journal 1906-1907, huile sur toile, 73 x 59 cm.

94 Beaux Arts
EXPOSITION / PAULA MODERSOHN-BECKER

«HÉLAS, TOI QUI FUS LOIN DE TOUTE GLOIRE. TOI QUI FUS DE PEU D’APPARENCE ; QUI AVAIS
SANS BRUIT REPLIÉ TA BEAUTÉ EN TOI-MÊME, COMME ON BAISSE UN DRAPEAU AU MATIN GRIS
D’UN JOUR OUVRABLE, ET NE VOULAIS RIEN D’AUTRE QU’UN LONG TRAVAIL, – TRAVAIL
QUI N’EST PAS ACCOMPLI : NON, HÉLAS, PAS ACCOMPLI.» R. M. Rilke, Requiem pour une amie, 1908

intime et sa correspondance. Son amitié avec le Dans les écrits de Paula Modersohn-Becker, Woolf, ce qui était un travail assez complémen-
poète Rainer Maria Rilke, à qui je m’intéresse tout est très factuel : sa vie est magnifique et on taire. J’avais beaucoup de matériau, il fallait que
depuis longtemps, sa mort en couches, cette la connaît dans les moindres détails. Il est pos- je trouve une structure mais je n’avais pas à tout
tension entre conjugalité et art, mais aussi entre sible de romancer la vie de Frida Kahlo mais pas sortir de moi-même comme pour un roman.
la maternité sans cesse repoussée et la création, celle d’une femme que personne ne connaît en
entre la solitude et le couple... Tous ces sujets France. Je me suis donc rendue à cette évidence De là est né un projet d’exposition?
traversent mes romans. Il y avait quelque chose qui était aussi une contrainte pour moi car, Je me suis aperçue que raconter sa vie ne serait
de poignant, de profondément inachevé dans a priori, ce n’est pas mon truc ! Cette biographie pas suffisant, qu’il fallait aussi montrer ses
son œuvre qui me touchait beaucoup. Paula a donc constitué une pause dans mon travail, tableaux, sinon cela n’avait pas de sens. Mais je
Modersohn-Becker était pour moi ! alors que j’avais entrepris un roman sur les ne sais pas faire une exposition ! Alors je suis allée
migrants et que j’avais l’impression d’être débor- voir différents musées. Et l’idée a plu à Fabrice
Alors que vous êtes romancière, pourquoi dée par l’actualité. J’ai travaillé en même temps Hergott, le directeur du musée d’Art moderne
l’avoir abordée sous l’angle biographique? à ma traduction de Un lieu à soi de Virginia de la Ville de Paris. Paula était dans l’air car il y

96 Beaux Arts
PAGE DE GAUCHE
Mère allongée avec un enfant II
L’une des œuvres les plus fortes
de Paula Modersohn-Becker, peinte
à Paris au cours de sa période créative
la plus intense. Une mère couchée
allaitant son enfant, tous les deux nus.
Tout simplement. Sans érotisme
ni misérabilisme.
1906, huile sur toile, 82,5 x 124,7 cm.

CI-CONTRE
Petite fille nue assise, jambes
repliées I – Elisabeth Modersohn
Même sobriété et même force dans ce
portrait nu de Lisbeth, fille d’un premier
lit de son époux Otto avec qui Paula
avait une relation presque maternelle.
Les portraits d’enfants, souvent
mélancoliques, furent l’un des sujets
de prédilection de l’artiste.
1904, huile sur toile, 68 x 57 cm.

pas tout à fait juste. Le choix de lettres qui a été sont jeunes, beaux, vivent dans un petit village en
fait à l’époque par sa mère est un peu mièvre, Allemagne, pratiquent le naturisme… Rilke et
sans aspérités. En Allemagne, Paula Paula se retrouveront plus tard, lorsqu’elle aura
Modersohn-Becker fait partie du paysage affec- quitté son mari. Pendant un an, ils renoueront
tif, peut-être avec une certaine condescendance. une amitié magnifique. C’est seulement à ce
Mais elle est aussi la première femme à y avoir moment qu’il découvre sa peinture, en parle à un
eu son musée. Il a ouvert en 1927 à Brême grâce mécène, la dépanne financièrement. Sa mort
à un mécène, l’inventeur du café décaféiné, Lud- prématurée, en 1907, interrompt cela. Il lui
wig Roselius ; ce qui fait aussi d’elle le premier consacre alors un texte poignant, Requiem pour
artiste majeur de la modernité à avoir eu son une amie. Toutefois, il est vrai qu’après il l’oubliera.
musée, après Toulouse-Lautrec en France, en Interrogé sur son travail dans les années 1920 par
1922 ! En Allemagne, autour d’elle a évolué un un universitaire, il aura la désinvolture de
groupe de mécènes qui a compris très tôt la sin- répondre qu’il ne le connaît pas.
gularité de son projet et son inachèvement.
Comment a été perçue sa peinture?
Le poète Rainer Maria Rilke est un person- Très mal ! De son vivant, elle n’a été exposée que
avait déjà eu des projets précédents, et le fait nage clé de sa vie, avec qui elle a noué une deux fois mais les commentaires ont été assas-
que j’arrive comme écrivain a achevé de les relation ambiguë. Quelle en était la nature sins. La première fois, à Brême, un critique a dit
convaincre. Avec Julia Garimorth, commissaire exacte? avoir eu envie de vomir. La seconde fois, Gustav
de l’exposition, nous avons voulu proposer une Entre eux, il existe une espèce de relation d’ami- Pauli, le directeur de la Kunsthalle de Brême, a
exposition différente de celle qui avait été pré- tié amoureuse, apparemment jamais consom- plaidé sa cause, écrivant qu’il fallait essayer de la
sentée en 2014 à Copenhague, en l’axant davan- mée. En 1902, lorsque Rilke écrit sur la colonie regarder car elle avait du talent. Paula peignait
tage sur le portrait car c’est dans ce domaine que d’artistes de Worpswede, où ils se sont rencon- sans public : personne ne voyait ce qu’elle faisait
Paula Modersohn-Becker excelle. Son œuvre trés, il n’a pas encore compris son travail. Il sait à l’exception de son entourage, qui trouvait cela
est incroyablement importante pour une à peine qu’elle peint et n’a vu d’elle que quelques mauvais. Otto Modersohn, son mari, lui-même
femme morte à 31 ans : en tout, un millier de dessins. À ce moment, c’est d’abord un désir éro- peintre, ne la comprenait pas davantage. Il était
tableaux et dessins – il en reste à peu près 700, tique qu’il ressent. Il est d’ailleurs aussi attiré par fou d’elle, mais plus elle a développé son art et
beaucoup ayant disparu pendant la guerre. sa meilleure amie, Clara Westhoff, qui est sculp- plus elle l’a terrifié dès lors qu’elle a peint «des nez
teur. Pendant quatre mois, en 1900, Paula flirte en épis de maïs et des mains comme des cuillers»,
Paula Modersohn-Becker est-elle très outrageusement avec lui puis elle lui apprend comme il l’a écrit. C’était un homme qui adorait
connue en Allemagne? qu’elle est fiancée à un autre peintre de la colonie, Puvis de Chavannes et qui ne comprenait pas
Oui, son journal et sa correspondance, publiés Otto Modersohn. Pour Rilke, c’est un choc et il Monet. À ses yeux, l’impressionnisme était de la
dès 1916 à l’initiative de sa mère, Mathilde, y finira par épouser Clara, un peu par dépit. Leurs peinture «à la montre», trop rapide, alors que lui
sont un best-seller depuis cent ans. Mais ils lettres, qui décrivent ce ballet amoureux, sont aimait à passer des heures dans les marais de
donnent d’elle une image très romantique, celle très amusantes. En même temps, tout cela est Worpswede pour les peindre. Otto ne compre-
d’une artiste sacrifiée, ce qui à mon sens n’est très banal : l’éternel triangle de la séduction. Ils nait pas la modernité. Paula l’a comprise.

Beaux Arts 97
EXPOSITION / PAULA MODERSOHN-BECKER

Comment qualifier sa peinture?


Expressionniste, jusqu’à proto-cubiste. Jeune,
elle a tenté plusieurs choses. On sent une
influence de Cézanne, découvert à Paris chez le
marchand Ambroise Vollard et chez qui elle
décèle «une simplicité nouvelle», de Gauguin,
du Douanier Rousseau. Elle est aussi morte l’an-
née où Picasso tenait un masque africain entre
les mains ! Elle ne fera pas la bascule mais toute
la fin de son œuvre est proto-cubiste. L’in-
fluence la plus nette est cependant celle des por-
traits égyptiens du Fayoum qu’elle a découverts
au Louvre, ces portraits funéraires avec leurs
regards très vivants qui paraissent en même
temps traversés par un mirage. Cela rend ses
tableaux très puissants et un peu spectraux.

Pourquoi la maternité a-t-elle été son grand


sujet?
Son rapport à la maternité est très ambivalent :
parfois elle n’est pas prête, parfois elle en rêve.
Quoi qu’il en soit, la maternité a été l’un de ses
grands sujets, tout comme la nudité des corps
de femmes et d’enfants. Ce qui, vu par une
femme, n’est pas si fréquent à l’époque. Je l’ai
abordée sans savoir qu’elle avait créé le premier
autoportrait moderne nu féminin. Sait-elle alors
ce qu’elle fait ? C’est le fameux Autoportrait au
sixième anniversaire de mariage dans lequel elle est
apparemment enceinte. Il est très troublant car,
en fait, elle n’est pas enceinte. Là aussi, il y a des
explications très diverses, des théories plus ou
moins sérieuses. Tout cela ne m’intéresse pas. Je
préfère me dire qu’il s’agit plutôt d’une
autofiction, qu’elle se projette dans la maternité.
Elle représente un corps normal, celui d’une Autoportrait au sixième anniversaire de mariage
femme ni érotisée ni sanctuarisée et c’est ça Grandeur nature, à demi-nue, apparemment enceinte, dévisageant le spectateur : cet audacieux tableau a été l’un des nombreux
pavés dans la mare jetés par Paula. Alors qu’elle n’est en réalité pas enceinte, elle signe là le tout premier autoportrait féminin nu,
aussi qui est nouveau. Et Paula regarde les autres
dont les intentions exactes résistent encore à l’analyse.  EÊUSFNQFTVSDPOUSFQMBRVÊ  Y DN
femmes de la même manière : elles ne sont ni
des madones ni des putains. Ce sont des femmes
qui allaitent, qui sont souvent fatiguées, sans
que jamais le regard ne se fasse misérabiliste. mais disposait d’un lieu à elle, payé par son À VOIR
Dans ses tableaux il y a une façon de donner à mari, et elle n’en faisait qu’à sa tête, ce qui la «Paula Modersohn-Becker – L’intensité d’un regard»
voir la présence au monde que je trouve très rend très sympathique ! Elle était une bour- du 8 avril au 21 août au musée d’Art moderne
EFMB7JMMFEF1BSJTr BWFOVFEV1SÊTJEFOU8JMTPO
forte, dénuée de tout jugement. geoise, pas prête à travailler à autre chose qu’à 1BSJTrXXXNBNQBSJTGS
sa peinture. Je suis beaucoup revenue sur cette DBUrÊE1BSJT.VTÊFTrQré
Peut-on la qualifier d’artiste féministe? approche très romantique, très bohème. Elle 9 Hors-série#FBVY"SUTÊEJUJPOTrQré
Elle n’emploie jamais le mot alors qu’elle aurait était attachée à son confort et c’est pour ça
pu car elle a rencontré Ellen Key, une amie de qu’elle est revenue auprès de son mari. C’est
Rilke, grande fondatrice de la pensée féministe alors qu’elle est tombée enceinte. Puis elle
suédoise. Paula n’a rien contre le féminisme meurt tragiquement, après avoir donné nais-
mais elle ne se détermine pas comme ça. Elle sance à sa fille. Par nécessité artistique, elle
n’était ni sacrifiée à son foyer ni une artiste était très égoïste. Son mari ne supportait pas
bohème. Elle n’a jamais manqué d’argent mais ça, il aurait voulu qu’elle s’occupe mieux de la
il fallait qu’elle le demande à son mari. C’est là maison. Or sa vie était totalement rythmée par
À LIRE
Être ici est une splendeur – Vie de Paula M. Becker
que je retrouve Virginia Woolf qui disait : pour la peinture, comme un homme. Son fémi- QBS.BSJF%BSSJFVTTFDRrÊE10-rQré
créer, il faut avoir un lieu à soi et 500 livres de nisme, c’était peut-être de se dire qu’elle pou- Paula Becker – La peinture faite femme
rente. Paula Modersohn-Becker ne les avait pas vait avoir cette vie-là ! Q QBS.BÐB#SBNJrÊEEFM"NBOEJFSrQré

98 Beaux Arts
Italienne nue en buste, tenant
une assiette dans sa main levée
Vers la synthèse des formes.
Si cette sculpturale Italienne rappelle
les Tahitiennes de Gauguin jusque
dans son geste d’offrande, elle évoque
aussi l’évolution, en parallèle,
de l’art de Picasso. Contemporains,
les deux artistes ne se sont pourtant
jamais rencontrés et Paula mourra
en 1907, avant la naissance du cubisme.
1906, huile sur toile sur panneau
de fibres dures, 55 x 38 cm.
HOMMAGE

rent
C la u de Pa s 1980.
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IL AIMAIT LA VITESSE, ROULAIT EN ROLLS, PORTAIT NŒUDS PAPILLONS ET ROUFLAQUETTES ET A FAIT
VIVRE SA FAMILLE DANS UNE MAISON AUX PLANCHERS INCLINÉS. PROVOCATEUR ET NOVATEUR, L’AR-
CHITECTE CLAUDE PARENT EST MORT LE LENDEMAIN DE SON 93e ANNIVERSAIRE. RETOUR SUR LE PAR-
COURS DE TRAVERSE D’UN GRAND BÂTISSEUR, MAÎTRE À PENSER DE JEAN NOUVEL OU ZAHA HADID.

PAR PHILIPPE TRÉTIACK

L
a vague d’hommages venue saluer la dis- confrères ne juraient que par le logement social, Ferrari ou Bentley. «Quand je passais en Rolls,
parition, le 27 février dernier, de l’archi- il édifia deux centrales nucléaires ainsi que j’entendais les gens dire : tiens, c’est la mafia.»
tecte Claude Parent a révélé combien ce quelques supermarchés, temples alors d’un Fils d’un ingénieur lyonnais dessinateur, au pic
personnage singulier suscitait la sympathie. Au- consumérisme honni. Catalogué comme inclas- des Années folles, d’un prototype de voiturette,
delà de ses réalisations et de sa fameuse théorie sable, dressé au croisement d’une bohème chic excellent élève mais nul en maths, il dut renon-
de la fonction oblique, c’est son humour perma- et d’une posture jugée réactionnaire, il dut che- cer à Polytechnique pour se consacrer à la caté-
nent, son autodérision salutaire et la solidarité miner seul. gorie la plus «sérieuse» des beaux-arts : l’architec-
qu’il afficha sans cesse envers ses plus jeunes ture. Passionné de vitesse et d’accélération, il se
confrères qui semblent avoir marqué ceux qui «LA FONCTION OBLIQUE IMPOSE lança dans la carrière, fut élève d’un tribun de
l’ont connu ou tout juste approché. Si l’on peut DE REPENSER LE VESTIAIRE» l’époque, Joël Lemaresquier, fit ses classes chez
parler de bonté, elle se matérialisa chez lui sans Il est vrai que Claude Parent était un homme à Le Corbusier avant de voler de ses propres ailes.
répit dans ses rapports humains. Pourtant, il fut part, épris de rigueur et plus encore d’élégance. Pas longtemps, car sa rencontre avec le philo-
loin d’être toujours en odeur de sainteté. Dans Celle-ci se manifesta dans son coup de crayon, sophe verrier Paul Virilio fut déterminante.
les années post-soixante-huitardes, il fut même brutaliste et charbonneux, ainsi que dans ses Ensemble, ils élaborèrent la théorie de la fonc-
mis au ban de la société des architectes pour rouflaquettes, ses costumes à rayures de ban- tion oblique. Comme le résume Jean Nouvel,
avoir poursuivi une œuvre sulfureuse. Quand ses quier et ses automobiles de luxe – Jaguar E, qui fut le collaborateur de Claude Parent, elle

100 Beaux Arts


Claude Parent, photographié par Jean-Philippe
Mesguen pour Beaux Arts magazine, dans
son appartement de Neuilly, flanqué d’une sculpture
à obliques rouge et noir, ses couleurs.
HOMMAGE / CLAUDE PARENT

À gauche, l’église Sainte-Bernadette du Banlay, édifiée à Nevers


(1963-1966), ainsi qu’une coupe et une vue du flanc nord avec
l’abside en porte-à-faux. Signée avec Paul Virilio, Odette Ducarre,
Morice Lipsi et Michel Carrade.
Au centre, la maison Drusch bâtie à Versailles (1963-1965),
la maquette et, en bas, sa réalisation. Un monolithe renversé,
renversant.
À droite, la Maison de l’Iran, à la Cité universitaire de Paris La Maison de l’Iran à Paris
(1960-1968). Réalisée avec Heydar Ghiaï, Mohsen Foroughi
et André Bloc.

L’ église Sainte-Bernadette à Nevers

La maison Drusch à Versailles

consistait à placer les gens dans une situation Maison de l’Iran de la Cité universitaire à Paris, De là à les croire militaristes, il n’y avait qu’un
spatiale inédite, sur un plancher incliné. Ainsi une structure en acier noir soutenant, par le pas, qui fut franchi au pas de charge.
devait-on se tenir dans une attitude dynamique, haut, tout le bâtiment. Noir et blanc, l’édifice Le plus surprenant pour ce personnage hors
obligé de résister à l’attraction terrestre, à la glis- est fouetté par des escaliers comme tracés au norme, résidant à Neuilly, fréquentant les plages
sade. Chloé, la fille de Claude Parent, se souvient fusain. Quand il fut question d’en modifier l’as- de l’Atlantique, bien élevé mais signant des
que, enfant, les planchers de l’appartement fami- pect, une pétition virale vint prendre avec suc- ouvrages aux titres fanfarons tels que l’Architecte
lial étaient réellement inclinés. Claude Parent cès sa défense. Longtemps rejeté par ses pairs, bouffon social, ce fut d’être finalement adoubé par
devait reconnaître que tout n’y était pas d’un Parent était désormais plébiscité par ses fils. l’Académie des beaux-arts. Il y entra en 2005.
confort absolu. «Par exemple, disait-il, assis sur L’épée au côté, en costume et bicorne, lui qui
un plan incliné, on sent son pantalon remonter UNE ÉGLISE RÉALISÉE AVEC PAUL VIRILIO avait bousculé les traditions se retrouvait sous
et c’est très pénible. La fonction oblique impose Briseur d’idoles, Claude Parent se fit remarquer la Coupole. Palmes académiques, Légion d’hon-
de repenser aussi le vestiaire.» avec un bâtiment cultuel, l’église Sainte-Berna- neur (officier puis commandeur), il dut suppor-
Claude Parent signa quelques maisons magni- dette de Nevers qu’il signa, en 1966, avec Paul ter les breloques qu’on lui décerna par poignées.
fiques, dont celle d’André Bloc à Antibes. En Virilio. Au sortir de la guerre et pour en dénon- Il s’en moquait, toujours prêt à lâcher un bon
1996, le pavillon français de la biennale de cer les abominations, ils édifièrent une église aux mot, à faire un croche-patte aux convenances
Venise, sous la houlette de Frédéric Migayrou, allures de bunker. L’incompréhension fut totale. qui se révélerait bientôt comme une intuition
lui tira, enfin, un coup de chapeau mérité. Son On les traita de nazis quand ils se rendirent à un géniale et généreuse. Q
influence en creux sur toute l’architecture fut colloque en Angleterre. Une photo de l’époque
alors rendue manifeste. Aujourd’hui, on peut la montre Parent et Virilio assis dans une Jeep
> On peut réécouter sur le Net les cinq entretiens réalisés
discerner chez Zaha Hadid comme chez Sanaa. frappée de la formule Architecture principe, le pour France Culture fin 2012 par Philippe Trétiack dans le cadre
De Claude Parent, on peut admirer la superbe nom de code de la théorie de la fonction oblique. de l’émission «À voix nue» sous le titre «Je penche donc je suis».

102 Beaux Arts


La maison Bloc à Antibes

La maison construite pour André Bloc


au cap d’Antibes (1959-1962). André Bloc dirigeait
le prestigieux magazine l’Architecture d’aujourd’hui.
Claude Parent demeura au comité éditorial
de la revue, dirigée désormais
par Antoine Vernholes, jusqu’à sa mort.
TENDANCE / LE RENOUVEAU DES MÉTIERS D’ART

LES NOUVELLES
EXCENTRICITÉS
DES ARTISANS
D’ART
PLUMASSIERS, GUILLOCHEURS, TAXIDERMISTES, FEUTRIERS, CÉRAMISTES… DANS TOUS LES
DOMAINES, UNE NOUVELLE GÉNÉRATION D’ARTISANS INNOVE ET TENTE LES EXPÉRIENCES LES PLUS
EXTRAVAGANTES. ENQUÊTE SUR UN SECTEUR, LONGTEMPS JUGÉ RINGARD, EN PLEINE RÉVOLUTION.
PAR FRANÇOISE-ALINE BLAIN

M
eurtre au Palais de Tokyo à Paris. graphe, photographies décorées par une bro- partenariat avec la fondation Bettencourt
L’arme du crime ? Une dague d’environ deuse : la trentaine d’artistes et d’artisans expo- Schueller. Un deuxième opus qui révèle la
45 cm dont le manche est un moulage sés renouvellent le dialogue entre art et artisanat contemporanéité d’un monde longtemps consi-
en argent de vertèbres de serpent. L’objet, réa- d’art. «Avec cette exposition, je montre deux déré comme poussiéreux et moribond.
lisé par Jean Noël Buatois, coutelier lauréat du mondes qui se désirent. Les échanges entre
prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de l’art et les métiers d’art ont toujours été 281 MÉTIERS D’ART EN FRANCE
la main, est l’un des éléments clés de l’exposi- féconds et inventeurs de modernité, souligne Les métiers d’art reviennent de loin. Taxider-
tion «Double Je». Imaginé par Jean de Loisy, le Jean de Loisy. Il n’est qu’à voir le mouvement mistes, malletiers, guillocheurs, céramistes, feu-
directeur du centre d’art, à partir d’un polar de Arts & Crafts ou les avant-gardes du début du triers…, la France en compte aujourd’hui 281
Franck Thilliez, l’événement met en scène l’uni- XXe siècle comme le Bauhaus ou le construc- – un véritable inventaire à la Prévert – pour
vers de deux artisans-créateurs dans un décor tivisme pour s’en convaincre.» Après «L’usage 38 000 entreprises et un chiffre d’affaires de huit
de cinéma façon Cluedo. Casque orné par un des formes» en 2015, le Palais de Tokyo pour- milliards d’euros. Héritier d’une longue tradi-
plumassier, voiture taguée par un peintre-aéro- suit donc son exploration des métiers d’art, en tion de savoir-faire remontant au Moyen Âge
voire à l’Antiquité, le secteur a longtemps été
marginalisé, coincé entre l’art et l’industrie. À la
fin du XIXe et au début du XXe siècle, ces
métiers ont pourtant connu leur heure de gloire
avec l’avènement en Angleterre du mouvement
Arts & Crafts, qui cherchait à décloisonner les
genres. En France, l’Art nouveau puis l’Art déco
dans les années 1920 leur ont donné un nouvel
essor international. Après la Seconde Guerre
mondiale, le secteur est tombé en désuétude,
JEAN NOËL BUATOIS
Dague Komon jusqu’à devenir ringard. C’est l’époque où la
Le coutelier a mis au point un nouveau processus de fabrication en 2008, le «Damas organique».
société française se transforme et entre de plain-
Son travail d’artisan-créateur doit, selon lui, « résoudre la fonction, l’ergonomie, l’esthétique». pied dans la modernité, «marginalisant progres-
2011, acier damassé organique, motif «montagne lointaine», 750 pièces, 51 x 5 cm. sivement ces savoir-faire traditionnels», précise

104 Beaux Arts


MAXIME LEROY
Casque en plumes
Malgré son aspect fragile,
la plume est résistante
et se rencontre là où
on ne l’attend pas. Sur des
casques, par exemple.
Surprenant !
2016, série de casques
faits de plumes.
TENDANCE / LE RENOUVEAU DES MÉTIERS D’ART

MAXIME LEROY
PLUMASSIER
Mettre la plume là où on ne l’attend pas. Sur un casque
de moto, des vélos, des sneakers et même sur une voi-
ture. «On peut tout faire, c’est illimité», explique Maxime
Leroy (26 ans). C’est au lycée professionnel des métiers
de la mode Octave Feuillet, le seul établissement en
France à proposer une formation en plumasserie, que
Maxime a découvert la magie de ce matériau. Aujourd’hui, avec sa propre maison
de plumasserie M. Marceau, il façonne des textures inattendues pour la haute
couture (Jean Paul Gaultier) mais aussi pour la marque Sacco Baret. Son credo :
«Montrer que ce savoir-faire n’est pas figé et qu’il peut s’appliquer au monde
d’aujourd’hui.» Un pari réussi, à découvrir au Palais de Tokyo.
www.m-marceau.com
¾ Robe papillon réalisée dans l’atelier de Maxime Leroy
Dita von Teese en Jean Paul Gaultier haute couture printemps-été 2014.

FLORIE DUPONT
JOAILLIÈRE
Elle propose des bijoux aux frontières de l’art
contemporain et du design. Diplômée de la Gerrit
Rietveld Academie d’Amsterdam et de la Haute École
d’art et de design de Genève (Head), la Française
Florie Dupont (née en 1984) travaille aussi bien le
moulage et la cire que la technique du sertissage,
très liée à la haute joaillerie. Sa première collection, «The Remains Collection»,
était «nourrie par l’univers des embaumeurs et la préparation des cadavres».
Aux Arts décoratifs à Paris, elle présente «The Vanitas Collection», des bagues
squelettes et des colliers crânes d’oiseaux en métaux précieux et pierres fines.
«Une réflexion sur la vulnérabilité et l’éphémère des corps», dit-elle.
http://floriedupont.com
¾ Turtle Ring, 2015, perle naturelle, argent plaqué rhodié 925, zirconium.

106 Beaux Arts


CAPUCINE HERVEAU
Mue
Pour l’exposition «Double Je»
au Palais de Tokyo, cette
brodeuse d’art plasticienne
utilise comme support
les photos de Jorge Molder.
2016, broderie sur mue
de serpent.

Marie-Hélène Frémont, directrice générale de train de régénérer deux domaines essentiels l’Intelligence de la main, qui a récompensé non
l’Institut national des métiers d’art (Inma). Avec de la création contemporaine.» moins de 91 lauréats en dix-sept ans. Un rôle pré-
en toile de fond «le mépris affiché à l’encontre Mais que s’est-il passé pour que surgisse un tel curseur. «Quand nous nous sommes engagés, il
des métiers manuels qui a eu aussi pour effet de engouement ? Pourquoi maintenant ? Selon y a eu quelques réticences. Le secteur souffrait
pénaliser un peu plus le secteur», indique Serge Éric-Sébastien Faure-Lagorce, historien de d’une image un peu ringarde. Pourtant, il méri-
Nicole, président d’Ateliers d’art de France, le l’art et commissaire de l’exposition «L’em- tait beaucoup mieux qu’un simple regard
syndicat professionnel des métiers d’art, qui preinte du geste» aux Arts décoratifs à Paris, dépréciateur. La France est en effet l’un des
fédère 6 000 artisans. Le tableau n’est guère «ce renouveau est très lié aux mutations rares endroits où les savoir-faire sont restés très
réjouissant. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, actuelles de la société et aux enjeux du déve- présents. Un secteur qui entre en résonance pro-
on assiste à un changement de tendance. Plébis- loppement durable. Ces métiers, à la croisée fonde avec les attentes du pays, générateur de
cités par le public et les institutions, les métiers du beau et de l’utile, nous ramènent au geste créativité et d’innovation», souligne Olivier
d’art font un retour en force, aidés en cela par essentiel de la main. Ils véhiculent des valeurs Brault, directeur général de la fondation. Si les
l’image valorisante véhiculée par les maisons de d’authenticité, de passion, d’humanité. Ils premières actions visaient à mettre en lumière
luxe comme Chanel ou Hermès qui font vivre mettent en avant une autre façon de produire, les savoir-faire, des programmes plus concrets
des savoir-faire d’exception. «Depuis quelques de consommer et un rapport plus authentique ont également vu le jour, portant sur la forma-
années déjà, on observe un fort regain d’intérêt à l’objet.» tion, la production ou la transmission : partena-
de la part des bacheliers issus de la filière géné- riat avec l’école Boulle, création de la chaire
rale ou d’étudiants dotés d’un cursus universi- CRÉATIVITÉ ET INNOVATION «Innovation & savoir-faire» à l’École nationale
taire. Dans les établissements d’arts appliqués Un revival qui doit aussi beaucoup aux actions supérieure des arts décoratifs à Paris (Ensad),
et les écoles d’art, on enregistre ainsi une menées sur le terrain par les institutions financement des programmes de résidences de
demande croissante de travail de la matière», publiques et privées. Aux côtés de l’Inma et des la Villa Kujoyama à Kyoto, désormais ouverte
résume Marie-Hélène Frémont. Signe des Ateliers d’art de France, très actifs pour la recon- aux métiers d’art, ou soutien au dispositif de
temps, les artistes et les designers s’emparent de naissance de la dimension créative des métiers maître d’art créé par le ministère de la Culture,
l’artisanat. «Une nouvelle génération renoue d’art, la fondation Bettencourt Schueller appa- etc. Avec un budget de 3,6 M€ (pour le premier
avec des techniques délaissées telles que celles raît comme l’un des acteurs essentiels du sec- semestre 2016), l’action de la fondation s’inscrit
du verre, de la céramique ou du textile, à l’instar teur. Depuis 1999, la toute première fondation dans la pérennité. Une initiative exemplaire, qui
du duo Dewar & Gicquel, prix Marcel Duchamp, philanthropique privée de France valorise ces a ouvert la voie à d’autres projets. Outre le
rappelle Jean de Loisy. Cette curiosité est en métiers via le prix Liliane Bettencourt pour Comité Colbert, très engagé en faveur des liens

Beaux Arts 107


TENDANCE / LE RENOUVEAU DES MÉTIERS D’ART

entre artisanat d’art et luxe, citons aussi la Ville


de Paris et ses «Ateliers de Paris», un incubateur
dédié aux métiers d’art, au design et à la mode
créé en 2005, mais aussi la fondation d’entre-
prise EY, cabinet spécialisé en audit, fiscalité et
droit accompagnant depuis 2008 les métiers
manuels dans leurs projets innovants. Quant à
l’Essec (École supérieure des sciences écono-
miques et commerciales), elle vient de signer
avec le Château de Versailles un partenariat
pour créer une chaire d’enseignement visant à
transmettre et à promouvoir l’excellence fran-
çaise des métiers d’art… Autant d’initiatives
conduisant à changer le regard sur ces métiers
et à dynamiser un secteur encore très fragile.

MATÉRIAUX HYBRIDES
ET TRAVAIL COLLABORATIF
Un secteur qui a vu apparaître une génération
d’artisans d’un genre nouveau. Nés avec le web
et le développement durable, ces profils, plus
créateurs que façonniers, renouvellent la tradi-
tion en inventant leurs propres techniques et en
maîtrisant l’ensemble du processus, de la
conception à la réalisation des objets. «Des
jeunes qui n’ont plus aucun tabou», note Marie-
Hélène Frémont, de l’Inma. À l’instar de Dimitry
Hlinka, récent diplômé de l’école Boulle. Ce lau-
réat du prix Avenir Métiers d’art de l’Inma uti-
lise le potentiel des technologies numériques
pour créer des matériaux hybrides associant le
liège et la pierre, ainsi que des objets (mobilier,
maroquinerie…) aux frontières du design, de
l’ébénisterie et de la marqueterie. Fascinés par
les savoir-faire et le beau geste, «ces néoartisans
misent sur l’interdisciplinarité et sont adeptes
de l’économie du partage, de la mutualisation
des compétences et du travail collaboratif», note
Nicolas Rizzo, responsable du développement
à l’Inma. Des pratiques qui ont bouleversé le
secteur et réinventé les métiers. Mixant DIY
(Do It Yourself) et «détournements dans l’esprit
du hacking», ils se sont lancés dans les fab labs,
lieux de création et de fabrication numérique,
et le «comaking» comme WoMa, une fabrique
parisienne de quartier, ou le Paris Print Club. MATHIEU MILJAVAC
Situé dans le XVIIIe arrondissement de la capi- TAXIDERMISTE
tale, ce collectif, issu notamment de l’école
Estienne, réunit tous les corps de métiers liés à C’est «l’art de traiter et de conserver les peaux des animaux morts tout en leur
redonnant l’apparence de la vie» : la taxidermie fait depuis quelques années
l’édition (sérigraphe, graphiste, lithographe,
un come-back remarqué dans l’art contemporain. Styliste de formation,
typographe, relieur, etc.). À la fois atelier, galerie
Mathieu Miljavac a appris sur le tas auprès d’un maître en Écosse. «J’ai adoré
d’art et lieu de formation, Paris Print Club dès les premières minutes. C’est beaucoup moins gore que ce que l’on ima-
explore de nouvelles voies de collaboration et gine.» Au-delà de la technique et du geste, qu’il maîtrise parfaitement, Mathieu Miljavac propose des
de production. À l’image d’une génération qui installations à la fois oniriques, minimalistes et décalées qui renouvellent le genre. Aux Arts décoratifs à
transforme les savoir-faire, bouscule les liens Paris, il met en scène des bouquets de pigeons colorés insérés dans des structures métalliques. Une
entre l’artisanat, l’art et le design, et essaie, au- façon de transfigurer le banal.
delà des difficultés liées à la crise, d’élargir son www.mathieumiljavac.com
horizon en pensant le futur autrement. Q ¾ Red and Yellow Burst, 2015, trois pigeons naturalisés montés sur tige en acier.

108 Beaux Arts


LES JOURNÉES EUROPÉENNES
DES MÉTIERS D’ART
8 500 événements
dont 5 000 ateliers
et 600
manifestations,
organisés dans
dix-huit pays
européens dont
la France,
les 10es Journées
européennes
des métiers d’art (Jema), coordonnées
par l’Institut national des métiers d’art (Inma),
ont pour ambition de faire connaître auprès
du public la galaxie des métiers d’art, «trésor
inestimable de notre patrimoine immatériel
et ressort majeur de l’économie créative».
Au programme de cette édition centrée sur
les «gestes de demain» : ouvertures d’ateliers,
débats, expositions, salons, workshops, circuits
thématiques, etc.
MYLINH «Journées européennes des métiers d’art»
NGUYEN les 1er FUBWSJMr5PVUMFQSPHSBNNF
sur www.journeesdesmetiersdart.fr
TOURNEUSE
SUR MÉTAL À VOIR
%FUPVUFTMFTNBUJÍSFT DFTUMF «Double Je – Artisans d’art et artistes»
NÊUBMRVFMMFQSÊGÍSF%JQMÔNÊF .BZB3PDIBU 1JFSSF4FJOUVSJFS 5IPNBT/JFNBOO 
$BQVDJOF)FSWFBV 5[VSJ(VFUB 'FMJQF3JCPOw 
EFMÊDPMF%VQFSSÊ %."#SPEF-
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SJF FUEFM&OTBBNB0MJWJFSEF4FSSFT %."NÊUBM .ZMJOI  BWFOVFEV1SÊTJEFOU8JMTPOr1BSJT
/HVZFO øBOT SÊBMJTFEFTVWSFTBVUPVSEFMBUIÊNBUJRVF rXXXQBMBJTEFUPLZPDPN
du mouvement et du monde animal. Sa spécialité : l’usinage «L’empreinte du geste»
et le tournage sur métaux. Une technique issue de l’industrie .POB0SFO ­SJD1BQPO $ÊMJB$BTBM'MPSJBO"WJFUw 
MPVSEFRVFMMFEÊUPVSOFBàOEFDPODFWPJSEFTPCKFUTUPVUFO du 29 mars au 3 avril aux Arts décoratifs
 SVFEF3JWPMJr1BSJT
àOFTTF-BVSÊBUFEVQSJYQPVSM*OUFMMJHFODFEFMBNBJOm
rXXXMFTBSUTEFDPSBUJGTGS
UBMFOUEFYDFQUJPOEFMBGPOEBUJPO#FUUFODPVSU4DIVFMMFSFO
10e Festival international du film sur les métiers d’art
2013 avec ses méduses en apesanteur, elle vient d’ef- (Fifma) EVBVBWSJMBVDJOÊNB-F.ÊMJÍT
fectuer une résidence à la Villa Kujoyama, à Kyoto. Pour  QMBDF+FBO+BVSÍTr.POUSFVJM
TFTEFSOJÍSFTVWSFT Des petits dieux de misère, rXXXàGNBDPN
qu’elle présente au musée de la Chasse et de la «Mylinh Nguyen – Des petits dieux de misère»
/BUVSFÆ1BSJT FMMFBDPMMBCPSÊBWFDMJOHÊOJFVS du 30 mai au 4 septembre au musée de la Chasse
du son Pablo Salaün. FUEFMB/BUVSFr SVFEFT"SDIJWFTr1BSJT
rXXXDIBTTFOBUVSFPSH
www.mylinh-nguyen.fr
Paris Print ClubrUFS SVF%PVEFBVWJMMFr1BSJT
¾ Des petits dieux de misère [série], 2016, http://parisprintclub.tumblr.com
métal cuivreux.
WoMa rCJT SVF-ÊPO(JSBVEr1BSJT
rIUUQXXXXPNBGS

Beaux Arts 109


PUBLI INFO

17 CLASSES OPEN GRAFFITI LANCE JAMES REKA PORTES OUVERTES


PRÉPA PUBLIQUES LA 2E ÉDITION DU «MIRAGE» ENSA DIJON,
AUX ÉCOLES CONCOURS DU GRAFFITI Du 30 avril au 21 mai. ART & DESIGN
SUPÉRIEURES D’ART ET DU STREET ART 2016 James Reka est un jeune artiste contem- /HVHWPDUV
Vous voulez intégrer une école supé- Cette édition sera consacrée au thème porain australien. Son travail puise ses L’École Nationale Supérieure d’Art de
rieure d’art ou de design en France ou de l’énergie et de l’environnement : ma origines dans les ruelles et les tunnels Dijon (établissement public - Ministère
en Europe ? 17 classes préparatoires ville & ma planète. Ce concours doit du métro de Melbourne où il a passé
publiques vous accompagnent dans permettre de découvrir des talents en de la Culture et de la Communication)
plus d’une décennie à affiner son style
le choix des écoles et l’élaboration s’adressant aux artistes du Graffiti de délivre deux diplômes : le DNA (3 ans)
désormais emblématique. Son art se si-
d’un dossier de travaux singulier. toutes les régions de France. Le souhait et le DNSEP (5 ans).
tue à la confluence d’un design pointu
Leurs portes ouvertes ont lieu en ce pour cette session 2016 : Plus de succès Les nouveautés 2015/16 :
et plus d’artistes retenus. et de la brutalité énergique du graffiti.
moment, visitez-les, les étudiants • 2 programmes de résidences interna-
vous présenteront leurs travaux, les Trois lauréats seront sélectionnés par De ses créations ouvertement positives,
tionales pour jeunes artistes diplômés
artistes-enseignants vous parleront le jury, composé de Pierre Cornette ultra colorées et revendicatives, émane
(Dallas, Bâton-Rouge)
des modalités d’admission et du pro- de Saint-Cyr, Alain-Dominique Gallizia, un carrousel d’émotion où chacun
• 3 axes de recherche : Peinture & Couleur,
gramme pédagogique dont la qualité Jean-Pierre Fremont, Véronique Mesnager, trouve écho à sa propre sensibilité. Avec
Tarek Ben Yakhlef et David Benhamou. Art & Société et Mutations Urbaines
est définie par une charte élaborée en «Mirage», James Reka explore la no-
concertation avec le ministère de la Une exposition à Paris et Bruxelles mettra • Création d’un Pôle d’Art Contemporain
tion d’illusion et les diverses façons dont
Culture. Elles sont habilitées à rece- en valeur les plus belles œuvres et un ca- votre vision peut être trompée. Il s’agit présidé par Richard Armstrong (dir.
voir des étudiants boursiers. talogue sera édité. Les trois lauréats rece- Guggenheim, N.Y.).
de la première exposition personnelle de
vront, en outre, une contribution financière.
l’artiste en France.
Comme lors de l’édition 2014, des artistes
hors-concours seront également présents.

2SHQ*UḊ
WL
Inscriptions : charlotte.regnault@gmail.com
Logistique et suivi : isaacparis@gmail.com *DOHULH0DWKJRWK (16$'LMRQ
Organisation : cedric.naimi@gmail.com 34, rue Hélène Brion - 75013 Paris 3 Rue Michelet - 21000 Dijon
www.appea.fr Tél. : 01 40 10 15 86 www.mathgoth.com www.ensa-dijon.fr

THE FUN FAIR 100% EXPO COLLECTION BERNEZAT, GAËTAN LE PENHUEL


&RORU¿HOG*DOOHU\H[SRVHj/¶K{WHO Du 25 mars au 10 avril. UN REGARD SUR LA & ASSOCIÉS
Marceau Bastille, du 1er Février au 31 Mai. Ondes, fréquences, données, hackers PEINTURE DU 20E SIÈCLE GRANDS FORMATS
Colorfield investit l’Hôtel Marceau et algorithmes sont-ils les fantômes ([SRVLWLRQGXPDUVDXDYULO
Bastille pour une exposition excep- Jusqu’au 5 juin.
invisibles et pourtant omniprésents de L’agence Gaëtan Le Penhuel & Associés
tionnelle avec les artistes Pop Hersk La Maison Ravier présente la collection est créée en 1994, à l’occasion du projet
notre époque ? Cette exposition explore
et Robert Sgarra. Un vernissage aty- privée d’un couple d’amateurs d’art, éta- lauréat Europan 3.
la question au-travers des œuvres de
pique sur le thème de la fête foraine
jeunes et emblématiques artistes inter- bli en Isère. Débutée en 1964, elle n’a Vingt années plus tard, ayant livré plu-
vous ouvrira les portes d’un univers sieurs opérations significatives, l’agence
nationaux formés dans les plus impor- cessé de s’enrichir : chaque toile qui la
aux oeuvres alléchantes. Barbe à Papa, souhaite porter un regard sur sa pro-
glaces et puzzles animeront cette nuit tants centres d’art européens, comme Le compose est le reflet d’un coup de cœur,
duction avec une exposition qui présen-
enchanteresse. Commandez votre sé- Fresnoy et la Rijksakademie d’Amster- parfois d’un coup de folie ! œuvres figura- tera, à l’aide de films projetés en grands
same du jeudi 7 avril à partir de 19h! dam. Commissariat Charles Carcopino. tives ou expressions picturales abstraites, formats, une sélection de ses bâtiments
Dans le cadre du festival 100%. sculpture : 50 ans de passion à partager ! récemment livrés les plus embléma-
tiques ainsi qu’un projet prospectif
« Les Monades urbaines ».
0DLVRQ5DYLHU
10 Place des Vosges - 75004 Paris /D9LOOHWWH 302 rue Ravier - 38510 Morestel
/D*DOHULHG¶$UFKLWHFWXUH
Tél. : 09 81 13 84 97 211 Avenue Jean Jaurès - 75019 Paris Tél. : 04 74 80 06 80 - www.maisonravier.fr 11 rue des blancs manteaux - 75004 paris
ZZZFRORU¿HOGJDOOHU\FRP Tél. : 01 40 03 75 75 - lavillette.com Tous les jours, 14h30-18h30, sauf mardi et 1er mai www.lepenhuel.net
Le guide
]Musées ]Galeries ]Week-end ]Marché de l’art
En France et à l’étranger, le meilleur du mois d’avril.

CHRISTELLE TÉA Portrait d’Antoine de Galbert, président de la Maison rouge et collectionneur d’art, 2015
> À voir du 1er au 3 avril au Corner Illustrateurs de la foire DDessin à Paris.

Beaux Arts 111


MUSÉES & CENTRES D’ART

LES 4 INFOS À RETENIR


par Françoise-Aline Blain

NICOLAS POUSSIN Diane tuant Chioné, vers 1622-1623

2 UN SECOND POUSSIN POUR LYON


Après la Fuite en Égypte, en 2007, le musée des Beaux-Arts de Lyon
s’est doté d’un nouveau tableau de Nicolas Poussin. Acheté 3,75 M€
à la galerie londonienne Jean-Luc Baroni, la Mort de Chioné a pu être acquis
en grande partie grâce au mécénat d’entreprise. Il met en scène un sujet rarement
traité, tiré des Métamorphoses d’Ovide. Cette œuvre de jeunesse
a été réalisée vers 1622 à Lyon alors que Poussin y séjournait, avant
de gagner l’Italie en 1624. Un dessin de la même période, assez proche
dans sa composition, figure dans les collections de la reine d’Angleterre.
www.mba-lyon.fr

3 AU LUXEMBOURG,
LE CASINO FÊTE SES 20 ANS
En deux décennies, il a accueilli des centaines d’expos et attiré plus
de 410 000 visiteurs. Vingt ans jour pour jour après sa création en 1996,
le centre d’art contemporain Casino Luxembourg rouvrira ses portes le 22 mars
après trois mois de travaux. Renouant avec la notion de «forum», le lieu a été
réaménagé de manière à le rendre plus fluide. Le premier étage a notamment
abandonné sa scénographie en «white cubes» pour laisser la place à un seul
grand espace. La cuisine et le grenier de l’ancien casino, jusqu’alors inaccessibles,
WILLEM Sans titre, non daté ont également été aménagés en salles d’exposition. Au rez-de-chaussée,

1
une BlackBox dédiée à la vidéo vient s’ajouter à la programmation. En ouverture,
WILLEM À LA BNF ! une exposition Lara Almarcegui (jusqu’au 4 septembre). www.casino-luxembourg.lu
Grand Prix d’Angoulême en 2013, le dessinateur de presse et auteur de BD
Willem, 74 ans, fait son entrée à la Bibliothèque nationale de France (BnF).
Il cède, contre un montant non divulgué, l’ensemble des originaux de son œuvre,
de ses premiers essais en 1949 à aujourd’hui, ainsi que ses archives «afin qu’elles
ne soient pas dispersées». Soit plus de 25 000 dessins. L’artiste, qui continue
à travailler pour Libération, Charlie Hebdo et Beaux Arts magazine, s’est par ailleurs
engagé à offrir toute son œuvre à venir. Ses dessins viennent rejoindre une
collection riche de plus de 400 dessinateurs de presse, de Daumier à Wolinski.
www.bnf.fr

4 LA FONDATION GIACOMETTI Le 11 janvier 1966, Alberto Giacometti disparaissait à l’âge de 64 ans. À l’occasion des 50 ans de sa mort,
MISE SUR L’INTERNATIONAL la fondation Giacometti lui rend hommage avec un programme international d’expositions. Un tour du monde
qui passera par le Yuz Museum de Shanghai (du 22 mars au 31 juillet), le musée Mohammed VI de Rabat
www.fondation-giacometti.fr au Maroc (du 18 avril au 4 septembre) et la Tate Modern de Londres, pour une rétrospective majeure.
Dans la foulée, la fondation annonce l’ouverture en 2017 de l’Institut Giacometti, à la fois espace d’exposition
et lieu de recherche, situé près de l’atelier historique de l’artiste dans le XIVe arrondissement de Paris.

112 Beaux Arts


25
MARS

04
AVRIL

Ville de Reims - Direction de la Communication - Musée des Beaux-Arts © Christian Devleeschauwer


2016

Lucas Cranach le Jeune (1515-1586), Un prince, vers 1540, Inv. 795.1.272


REGARD SUR...
CRANACH
musée
des Beaux-Arts
de Reims
www.reims.fr 8, rue Chanzy
facebook.com/VilleReims
51100 REIMS
03 26 77 77 76
twitter.com/VilledeReims 03 26 35 36 00

100% EXPO
25.03 10.04.2016
Le Fresnoy / Lukas Truniger, Déjà entendu

lavillette.comU 87<:ÞßÛ;
'ÝØàß:ëßà53ÝÛÐ!ß711:ß=ãà55ß67ÛÐåßà5ß57<1ÝÐ
æÝ<5àÛß <:Ûàß:$Ý:0àÛÐ 5£6ßÛÞßèßà55ßÜÐ
ãßï:ßÜÛ7=Pè;<0à7ÛÝ;à7ÛÝ50ßÜÝ:;Ü
Þ7Û;ß687:ÝàÛÜÐçàá4ÜÝ4Ý0ß6àß0Õ6Ü;ß:0am…
Le musée du mois

Les travaux ont permis au musée de gagner en lumière avec ses vastes parois de verre.

"3."/%4&(6*/Nu de la comtesse d’Hauteroche  (&03(&4-"$0.#&Grotte à Camaret 

MUSÉE DE PONT-AVEN Réouverture le 26 mars

Pont-Aven, ses galettes et son nouveau musée


Il a longtemps dormi, à l’ombre du val de Pont- tions, une quinzaine d’œuvres de Paul Gauguin, l’Atelier de l’île (qui avait auparavant retouché
Aven. Un joli musée à l’ancienne, au pied de la Armand Seguin, Émile Bernard ou encore les musées du Louvre, d’Orsay et Rodin). C’est
colline du Bois d’Amour à la cime de laquelle Georges Lacombe viennent ainsi de l’enrichir. la saga des Rouart qui inaugure le nouveau par-
se pose la chapelle de Trémalo. Là se cachent le Et les musées d’Orsay et de Quimper ont cours. À la fois collectionneurs, mécènes et
fameux Christ jaune qui inspira Gauguin et une accordé de superbes prêts, de Gauguin ou artistes, les membres de cette famille ont
kyrielle de créatures comme seules les églises Lacombe. De comtesses nues sur la plage en défendu tous les impressionnismes. Voilà leur
de Bretagne en recèlent. Car la bourgade est jeunes Bigoudènes coiffées, elle sait aussi resti- souvenir célébré avec des toiles de Julie Manet,
riche en souvenirs : tant de peintres, à la fin du tuer, grâce à de riches archives, le quotidien des Berthe Morisot, Edgar Degas et des Rouart.
XIXe siècle, en ont fait leur sauvage retraite ! Il Renoir, Sérusier ou Paul Denis venus se res- Autre nouveauté, le jardin intérieur, dont les
fallait un lieu plus digne pour célébrer cette sourcer là, en quête d’un certain primitivisme. tons roses et jaunes s’inspirent des bruyères et
communauté, bohème internationale venue Et rappeler que la charmante bourgade proche ajoncs du célèbre Paysage rocheux, Le Pouldu, de
d’Amérique, de France comme d’Europe du de Concarneau a également vu passer des Charles Filiger, un des beaux morceaux de la
Nord qui, autour de Paul Gauguin, révolu- poètes, tel Alfred Jarry. À l’époque, c’était un collection. Mais que cela ne vous empêche par
tionna la peinture fin de siècle. C’est pourquoi véritable voyage que de partir pour ces terres de poursuivre la promenade vers le Bois
le musée, ouvert en 1985, s’est offert trois ans lointaines et encore préservées de la révolution d’Amour. À errer dans les pas de ces peintres,
de travaux pour doubler sa surface, gagner en industrielle. Pont-Aven a donc, dès leur arrivée, on saisit les audaces de l’École de Pont-Aven à
visibilité sur la ville et en lumière avec ses vastes chéri ces enfants nouveaux. Ils s’installent à travers tous ses sens. Emmanuelle Lequeux
parois de verre. De quoi, enfin, dévoiler comme l’hôtel Julia, qu’ils ornent parfois de leurs
il se doit les 4 500 pièces de sa collection. fresques pour payer en nature. Ce bâtiment est
1MBDFEFM)ÔUFMEF7JMMFr
Certes, malgré ses 3 000 m2, l’institution aujourd’hui le nouveau cœur battant du musée ;
rXXXNVTFFQPOUBWFOGS
manque de chefs-d’œuvre. Mais son élan nou- l’ancienne bâtisse, autrefois biscornue, a elle j-FT3PVBSUm%FMJNQSFTTJPOOJTNFBVSÊBMJTNF
veau lui a permis quelques très belles acquisi- aussi été complètement rénovée par l’agence NBHJRVFvEVNBSTBVTFQUFNCSF

114 Beaux Arts


EXPOSITION
30 MARS
4 SEPTEMBRE 2016
© Ghyslain Bertholon / courtesy School Gallery – © L’association

62 RUE DES ARCHIVES


75003 PARIS
CHASSENATURE.ORG
MUSÉES / Expositions

/0­.*&(06%"-Observatoire X  MARC CHAGALL La Branche  "//&-*4&#30:&3Madeleine<EÊUBJM> 

PARIS LES BAUX-DE-PROVENCE NOGENT-SUR-MARNE MAISON


LE BAL CARRIÈRES DE LUMIÈRES D’ART BERNARD ANTHONIOZ
Jusqu’au 8 mai Jusqu’au 8 janvier Jusqu’au 30 avril

L’inquiétante étrangeté Chagall en sons Un lieu d’exception


de Noémie Goudal et en lumières pour jeunes espoirs
Sur quelle planète a-t-on atterri là ? Elle res- «J’ai choisi la peinture, elle m’était aussi néces- C’est un espace hors du commun, loin des
semble à s’y méprendre à la nôtre avec ses saire que la nourriture. Elle me paraissait sentiers battus de l’art contemporain et tout
monuments inutiles, ses pyramides à secrets, comme une fenêtre à travers laquelle je m’envo- près des anciennes guinguettes. Une maison de
ses envolées vers le cosmos. Un monde réel, lerais vers un autre monde», disait Marc Chagall. Nogent remontant au XVIIe siècle, avec sa
bien réel. Et pourtant, c’est son inquiétante C’est dans cet autre monde que les Carrières de fierté classique et ses fantômes. Voilà désor-
étrangeté qui saisit le regard, dès l’abord. Il y lumières des Baux-de-Provence proposent de mais dix ans qu’elle offre aux artistes, grâce à
a ici du Piranèse et du Khéops, mais projeté plonger cette année, après avoir mis à l’honneur l’impulsion de la Fondation nationale des arts
dans un velours gris de science-fiction. Déci- «Les géants de la Renaissance» en 2015. Une graphiques et plastiques (FNAGP), ses salles
dément, les images de Noémie Goudal inter- immersion de tous les sens à travers des projec- et souvenirs, son parc, les encyclopédies et les
rogent. Elles ne ressemblent à aucune autre. tions qui se déploient sur le moindre centimètre romans de sa bibliothèque. Le dixième anni-
C’est que la jeune artiste de 31 ans les fait des sols ou des murs, faisant flotter les créatures versaire s’offre comme un bilan d’étape et per-
d’abord naître dans le réel en sculptant dans nées de l’esprit du peintre de Vitebsk : mariées met de rassembler une partie des œuvres pro-
le carton les structures qu’elle va ensuite pho- graciles et bœuf violoniste, anges gardiens et voquées par la rencontre avec le génie du lieu.
tographier : cet escalier sans fin, cet astre qui couples volants. Des portraits de Bella son Un jeu de mémoire, où l’on retrouve Xavier
s’éclipse dans la brume, ce palais gothique. aimée à l’évocation des ténèbres de la Shoah, de Antin, Mimosa Echard, Barbara Manzetti,
Elle ne cherche pas à piéger l’œil, à le trom- la nostalgie de sa Russie natale au plafond réalisé Frédéric Teschner ou Jessica Warboys, tous ces
per : les plus attentifs verront vite l’artifice et pour le palais Garnier, c’est tout Chagall qui se jeunes espoirs que la fondation soutient égale-
les ficelles. Mais cela ne fait que rendre ce déploie ici, pastoral et biblique, onirique et ment en tant que mécène – l’un des plus dyna-
monde un peu plus étrange encore. E. L. mosaïque. Plus qu’une exposition, un spectacle, miques de France. En quatre ans, plus de
emporté par les musiques chères au peintre, 2,5 millions d’euros ont été distribués sur pro-
Tchaïkovski, Ravel, Mahler, ou Louis Arms- jet, permettant de produire quelques-unes des
trong et Ella Fitzgerald. -BSB/BDIUJOHBM œuvres marquantes des dernières années. E. L.

j/PÊNJF(PVEBMm$JORVJÍNFDPSQTv j$IBHBMMm4POHFTEVOFOVJUEÊUÊv «Sur le motif»


 JNQBTTFEFMB%ÊGFOTFr 3PVUFEF.BJMMBOFrr  SVF$IBSMFT7**r
rXXXMFCBMGS XXXDBSSJFSFTMVNJFSFTDPN rNBCBGOBHQGS

116 Beaux Arts


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3F>=A7B7=<
6 avril - 24 juillet
2016

®
A/7<B3
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musee-armee.fr
MINISTÈRE
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET DU DÉVELOPPEMENT
INTERNATIONAL

MINISTÈRE
DE LA DÉFENSE

MINISTÈRE
DE LA CULTURE
ET DE LA COMMUNICATION

En vue de la préparation du
catalogue raisonné de l’œuvre
de Victor VASARELY (1906-1997),
Pierre VASARELY, titulaire du
droit moral et légataire universel
du plasticien, membre de
l’Union Française des Experts,
invite toute personne ou
institution possédant des
œuvres ou des documents
à prendre contact avec la
Victor Vasarely, Annet-sur-Marne, 1970

FONDATION VASARELY
Jas de Bouffan
13090 Aix-en-Provence - France

contact@fondationvasarely.org
www.fondationvasarely.org
MUSÉES / Expositions
PARIS FONDATION RICARD DU 22 MARS AU 7 MAI

Dove Allouche revisite la Préhistoire


Le temps ne lui fait pas peur, lui qui peut passer des
semaines entières sur un seul dessin. Mais pour cette
exposition, Dove Allouche négocie à une échelle verti-
gineuse. C’est en effet avec le temps millénaire des
cavernes qu’il entame un nouveau dialogue. «Je voulais
revenir à des éléments archaïques, et trouver des modes
de fabrication de l’image qui le soient tout autant»,
résume-t-il, après avoir évoqué le choc qu’avait été pour
lui la découverte de la grotte ornée d’Altamira. Ainsi s’est-
il procuré un échantillon de calcaire du plancher de la
grotte Chauvet, qu’il a poncé jusqu’à ce que, fin de
quelques microns, il puisse produire des images en le pla-
quant sous du verre, «comme s’il devenait un négatif
photo. C’est une pierre qui est restée des millions d’an-
nées dans l’obscurité, et que je passe d’un coup à la
lumière.» Il est aussi allé dénicher de l’hématite, premier
pigment utilisé par les hommes de Néandertal, dont il a
là aussi ébloui la surface rouge pour produire des images
sans intermédiaire. «C’est une simple revisitation de l’al-
légorie de la caverne, sauf qu’il ne s’agit pas d’êtres
vivants, mais de roches que je sors, et que je fais parler
par la lumière. Pour moi, la rencontre avec l’art pariétal
a été vraiment libératrice, cela m’a ouvert un horizon en
me faisant sortir de mes recherches photographiques.
Bizarrement, cela m’a ramené vers le vivant.» E. L.

DOVE ALLOUCHE Sunflowers 17 

j%PWF"MMPVDIFm.FBDVMQBEVOTDFQUJRVFvr SVF#PJTTZE"OHMBT
rrXXXGPOEBUJPOFOUSFQSJTFSJDBSEDPN

Les succès et les échecs Chiffres au 4 mars 2016 (source : musées)

Nombre Cumul
EXPOSITIONS Lieux d’entrées des
par jour entrées
ANALYSE
Lucien Clergue Grand Palais,
822 65 755
Le fondateur des Rencontres d’Arles, premier photographe à entrer à l’Académie des beaux-arts,
Du 14 novembre au 15 février Paris n’a pas fait recette. On est loin des 158 891 visiteurs de l’exposition Mapplethorpe en 2014.
Warhol Unlimited Musée d’Art moderne
2 285 246 771
Warhol fait du bien au musée d’Art moderne. C’est d’ailleurs le seul, parmi les quatorze musées de la Ville de Paris,
Du 2 octobre au 7 février de la Ville de Paris qui a connu l’an dernier une fréquentation en hausse de 13,64 % (669 000 visiteurs).

Joie de vivre Palais des beaux-arts,


1 200 118 160
Un très bon chiffre, comparable à celui de l’exposition sur l’Antiquité égyptienne,
Du 26 septembre au 17 janvier Lille «Sésostris III», qui avait attiré 105 600 visiteurs, début 2015.

Picasso – Horizon mythologique Musée des Abattoirs,


1 200 108 397
La barre des 100 000 visiteurs a été franchie pour la première fois. Une fréquentation record
Du 18 septembre au 31 janvier Toulouse quand on sait que le musée des Abattoirs a accueilli 154 000 visiteurs sur toute l’année 2015.

118 Beaux Arts


ETIENNE VIARD

24 mars - 7 mai

GALERIE BERTHET-AITTOUARES
14 RUE DE SEINE 75006 PARIS
www.galerie-ba.com +33(0)143265309
MUSÉES / Expositions
ROCHECHOUART CHÂTEAU
Jusqu’au 12 juin
Et aussi… par Stéphanie Pioda

Raoul Hausmann, "6#"(/&rCentre d’art des Pénitents noirs /


musée de la Légion étrangère
Dada limousin Hartung fuit l’Allemagne nazie en 1934 et il ne pourra que
la combattre dès à l’entrée en guerre de la France en 1939.
Ce sera dans la Légion étrangère, dont le musée expose
Non, Zurich n’est pas tout pour Dada. Et à l’heure des œuvres inédites attachées à ces années de désolation,
où l’on célèbre le centième anniversaire du mou- lorsqu’il est figuratif et qu’il n’a pas encore perdu sa jambe.
vement, il est temps de rappeler que le Limousin L’abstraction lyrique s’impose à lui après, en adaptant
ses moyens de création pour compenser son handicap.
eut aussi son petit rôle à jouer dans l’histoire. Com-
À la folie, il crée entre le 11 et le 16 juillet 1989 un testament
ment donc ? C’est que le plus dadasophe de tous
artistique, le second volet de l’exposition au centre d’art.
les Dadas, le Berlinois Raoul Hausmann, a fui le j#FBVHFTUFm)BOT)BSUVOH QFJOUSFFUMÊHJPOOBJSFv
régime nazi qui le traitait de dégénéré pour venir EVBWSJMBVBPÚUr-FT"JSFT4BJOU.JDIFM
s’installer en terre limousine, où il est resté jusqu’à "VCBHOFr
sa mort, en 1971. Du plateau de Millevaches, il $IFNJOEFMB5IVJMJÍSFr"VCBHOF
rIBOTIBSUVOHMFHJPOFUSBOHFSFDPN
continuait ainsi à clamer : il faut exiger «une civili-
sation nouvelle ! D’urgence !» Par ces mots, ce pro- VITRY-SUR-SEINE
lifique théoricien terminait en 1969 son ouvrage RAOUL HAUSMANN Hurrah ! Hurrah ! Hurrah !, 1921 Galerie municipale Jean Collet
Sensorialité excentrique. C’est pourquoi le musée de
Le point de départ de cette exposition est une photographie
Rochechouart, non loin de là, abrite un fonds Hausmann parmi les plus beaux du monde : d’Henri de Toulouse-Lautrec, vêtu d’un kimono et louchant
700 pièces et archives personnelles, léguées par celui qui fut aussi l’un des brillants inventeurs à l’excès : humour et burlesque. Le ton est donné, d’où le
du photomontage. L’institution ne pouvait que succomber à l’anniversaire de la proclamation titre avec ce «o» surnuméraire qui joue de la faute de frappe,
du mouvement au Cabaret Voltaire de Zurich. Hausmann ne cessa jamais de perpétuer l’héri- une manière de questionner le sens de ce terme
tage du mouvement. Et si Dada renaît avec les sixties, de Fluxus en situationnisme, il n’y fut pas aujourd’hui. Les commissaires ont tranché : autodérision,
pour rien. De ses poèmes phonétiques à son amitié avec Kurt Schwitters en passant par son rêve provocation, humour. Illustration autour d’une vingtaine
d’une machine capable de convertir les images en son (l’optophone), voilà le château Renais- d’artistes, de Michel Blazy à Saverio Lucariello en passant
sance qui s’ouvre tout entier à l’un des piliers de sa collection. E. L. par Philippe Mayaux, Valérie Mréjen ou Alexandra Sá.
jC0VSMFTRVFvEVNBSTBVBWSJM
j3BPVM)BVTNBOO EBEBTPQIFm%F#FSMJOÆ-JNPHFTvrNVTÊFE"SUDPOUFNQPSBJO  BWFOVF(VZ.ÔRVFUr7JUSZTVS4FJOF
QMBDFEV$IÄUFBVrrrXXXNVTFFSPDIFDIPVBSUDPN rXXXHBMFSJFWJUSZGS

PARIS LE CENTQUATRE Jusqu’au 30 avril 1"3*4rLe Centquatre


Le festival Circulation(s) reprend ses quartiers au Centquatre

L’art à l’école de l’archéologie pour dresser un panorama de la photographie en Europe.


Chacune des éditions est devenue l’occasion de prendre
le pouls de la jeune création grâce à une sélection
Quel rapport entre archéologie et art contemporain ? d’artistes retenus suite à un appel à candidatures
Les deux disciplines donnent à voir l’invisible, nous international, à une carte blanche à agnès b. (la marraine
répond le Centquatre dans un parcours inattendu de cette édition), à des coups de cœur (dont Benjamin
interrogeant notre rapport à l’histoire et à l’environ- Renoux), à une résidence de Borja Larrondo et Diego
nement. Les artistes réunis ici ont conçu leurs œuvres Sanchez… L’incontournable festival qui monte !
en lien avec les archéologues de l’Institut national de j$JSDVMBUJPO T m'FTUJWBMEFMBKFVOFQIPUPHSBQIJF
recherches archéologiques préventives. Comme eux, FVSPQÊFOOFvEVNBSTBVKVJO
 SVF$VSJBMr1BSJTr
ils travaillent de façon expérimentale, en avançant XXXGSrXXXGFTUJWBMDJSDVMBUJPOTDPN
souvent à l’aveugle pour s’emparer des restes du passé.
Le duo d’Agapanthe a ainsi récupéré des déchets qu’il BORDEAUX
a cristallisés dans du sucre, denrée liée à la colonisa- Musée des Arts décoratifs et du Design
tion et utilisée de façon parfois abusive dans l’agro- Jules Verne l’a décrit, Méliès l’a rêvé et les scientifiques
alimentaire. Hicham Berrada, lui, explore le proces- l’ont rendu possible. Le voyage sur la Lune et la conquête
sus d’érosion dans une installation vaporeuse où un de l’espace restent des aventures associées à des rêves
château de cartes en acier, plongé dans une eau avec d’enfant qu’un jeune designer a pris très au sérieux.
)*$)".#&33"%"
Mon château  une électroconductivité intense, vieillit à vue d’œil. À l’inverse, les Octave de Gaulle s’est posé la question du tourisme spatial
machines de Johann Le Guillerm, mues par des énergies naturelles, se et de la manière d’habiter l’Espace. Et en l’absence
j.BUÊSJBMJUÊEF
MJOWJTJCMFm déplacent de façon presque imperceptible. Nathalie Joffre, qui a perdu de gravité, il faut repenser les objets pour boire un verre
-BSDIÊPMPHJF entre amis, contempler le ciel, lire un livre… Un nouveau
une partie de ses données numériques en réalisant un film sur un chantier
des sens» monde formel émerge…
de fouilles, en a fait un monument funéraire dédié à la mémoire effacée,
 SVF$VSJBMr j0DUBWFEF(BVMMFm$JWJMJTFSM&TQBDFv
 mobile poétique composé de petites urnes suspendues dans le vide. Un KVTRVBVBWSJMr SVF#PVGGBSEr#PSEFBVY
XXXGS mariage improbable très réussi prend corps au Centquatre. %BQIOÊ#ÊUBSE rXXXCPSEFBVYGS

120 Beaux Arts


EXPOSITION
10 MARS
18 SEPTEMBRE 2016
Barbie@Mattel — Conception graphique: Studio B49

MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS


107, RUE DE RIVOLI, PARIS 1er
LESARTSDECORATIFS.FR
MUSÉES / Expositions à l’étranger
LAUSANNE MUSÉE DE L’ÉLYSÉE Jusqu’au 1er mai

Werner Bischof, le monde en clichés


Il est des images que l’on a presque
trop vues pour prendre encore
conscience de leur infinie beauté.
Werner Bischof est l’auteur de tels
clichés : ce petit Indien qui joue de
la flûte sur la route de Cuzco au
Pérou, ou ces deux prêtres shin-
toïstes sous pins et ombrelle
s’abritant des flocons de neige à
Tokyo. Des icônes de la photogra-
phie humaniste, qui font oublier la
richesse du parcours de ce pilier de
l’agence Magnum. Avant de se lan-
cer dans de grands travaux d’ex-
tension, le musée de l’Élysée de
Lausanne s’applique à la rappeler
en dévoilant 200 tirages origi-
naux, mais aussi des planches-
contacts inédites, clichés réalisés
en Inde, en Islande, en Corée du
Sud comme en Grèce par un
nomade perpétuel. Il rappelle
aussi combien le photographe,
8&3/&3#*4$)0'Mexico City, Mexico, 1954 mort en 1956, à 38 ans, dans un accident de voiture dans les Andes, fut suisse dans la formation
de son regard : intitulée «Helvetica», une seconde exposition est dédiée à son travail des premières
«Werner Bischof – Point de vue» et «Helvetiva»
années en studio à Zurich, ainsi qu’à ses reportages pour le magazine DU. D’envolées abstraites
NVTÊFEFM­MZTÊFrBWFOVFEFM­MZTÊF en reportages de guerre, de beautés modernes en natures mortes, sans doute le plus éclectique
rXXXFMZTFFDI des baroudeurs de la tribu Magnum. Et, sans conteste, le plus élégant. E. L.

NEW YORK NEW MUSEUM Jusqu’au 10 avril

Anri Sala met la musique en espace


Un piano, une main : Anri Sala a composé un fascinant projet vidéo d’origine albanaise crée une expérience symphonique en faisant réson-
autour du Concerto pour la main gauche de Ravel. Il avait été dévoilé à la ner toutes les salles, d’installations sonores en vidéos, et en mettant en
biennale de Venise en 2013, où l’artiste représentait la France, et sert scène différentes temporalités. Brutalisme des Clash, orgue de Barba-
aujourd’hui de fil conducteur à sa première rétrospective aux États- rie mexicain, saxophone free-jazz, et Ravel, donc… Ici la musique, sous
Unis. Dans les espaces difficiles du New Museum de New York, l’artiste toutes ses formes, bouleverse notre perception de l’espace. E.L.

j"OSJ4BMBm"OTXFS.Fvr/FX.VTFVNr#PXFSZr rXXXOFXNVTFVNPSH "/3*4"-"Title Suspended (Sky Blue) 

122 Beaux Arts


CITY BREAK
en Suisse EN PARTENARIAT AVEC SUISSE TOURISME

Zurich à l’heure Dada


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Paris-Zurich en 4 h 03. www.tgv-lyria.com
En avion : Swiss, 3 A / R par jour
depuis Paris. www.swiss.com
CARNET D’ADRESSES
Cabaret Voltaire. Il a failli disparaître en
2002 pour être transformé en appartements
de luxe. Sauvé par un groupe de
En 1916, alors que l’Europe est à feu et à sang, la grande ville de Suisse voit naître le mouvement le passionnés, il appartient maintenant à
plus iconoclaste des avant-gardes. Cent ans plus tard, l’événement est fêté avec un éclat particulier. la mairie et propose un intensif programme
Dada au premier trimestre 2016.
la prospère cité sur son lac, avec ses vingt siècles d’histoire (elle Spiegelgasse 1
fut la Turicum gallo-romaine) à accueillir cette communauté cos- Zunfthaus zur Waag. Il est entré dans
mopolite. Hormis Sophie Taueber, seule Suissesse du groupe le mythe Dada en abritant la première soirée
(dont le portrait orne désormais les billets de 50 francs), les six du mouvement en juillet 1916.
On y savoure aujourd’hui des recettes
autres fondateurs incarnaient une Europe élargie : deux Rou- traditionnelles, dont le délicieux émincé de
mains (Tristan Tzara et Marcel Janco), trois Allemands (Hugo Ball, veau à la crème.
Emmy Hennings, Richard Huelsenbeck) et un Franco-Allemand Münsterhof 8
(Hans Arp). Le nom de baptême reste sujet à controverse : une Storchen. Depuis la terrasse de la
variation sur le «da» russe ? Un mot pioché au hasard dans le Rôtisserie, vue imprenable sur la cathédrale
dictionnaire français ? Ce qui est certain, c’est la volonté de jouer et sur la rivière Limmat.
À agrémenter d’un bon chateaubriand
Le Cabaret Voltaire, berceau du mouvement Dada. sur l’absurde et la provocation pour essayer de donner un sens
ou d’un filet de veau à la zurichoise.
à un monde à la dérive. Et la date de naissance précise : le 5 Storchengasse 16
février 1916 au 1, Spiegelgasse. C’est dans cette ruelle du vieux Greulich Hôtel ****. Pas de lien particulier
Zurich, que fréquentèrent d’autres réprouvés comme Einstein et avec Dada mais un design élégant dans
Lénine, que l’ancien intendant du théâtre de Munich, Hugo Ball, un immeuble moderniste des années 30 :
ouvre ce jour-là son cabaret Voltaire. Pendant quelques années, une bonne base pour sillonner la ville.
Herman-Greulich Strasse 56
il fut un vibrant foyer de création : musique, théâtre, débats et
scandales l’animèrent quotidiennement. Jusqu’à la fin de la CALENDRIER
guerre : Paris reprit alors le relais, donnant naissance au surréa- Au musée Kunsthaus : «Dadaglobe
lisme, descendant direct de Dada. Zurich n’a pas oublié cette Reconstructed», du 5 février au 1er mai
2016. www.kunsthaus.ch
période de son histoire, l’évoquant, cent ans plus tard, sans lési-
ner sur les moyens. Plusieurs expositions y concourent : avec Au Musée national suisse : «Dada

E
Universal», du 5 février au 28 mars 2016.
n Suisse, derrière le paysage, les montagnes et les lacs tant «Dadaglobe», le Kunsthaus ressuscite le projet fou de Tzara, qui www.nationalmuseum.ch/landesmuseum
célébrés, se cachent des villes pleines d’art et d’histoire, s’attela à un recueil mondial de Dada, jamais publié, tandis que
Au musée Rietberg : «Dada Afrika», du
accessibles et accueillantes, qui appellent à grands cris au «city le Musée national suisse, avec «Dada Universal», fait revivre 18 mars au 17 juillet 2016. www.rietberg.ch
break»… Zurich, la cité la plus peuplée de la Confédération, est l’étonnant jeu de correspondances que prisait le mouvement en Au Haus Konstruktiv : «Dada Differently»,
un choix évident. Branchée, urbaine et design, polyglotte et gas- juxtaposant l’urinoir de Duchamp, un masque africain et un du 25 février au 8 mai 2016.
tronomique, elle invite au shopping et à la détente : en été, ses oiseau dodo… D’autres manifestations – comme «Dada Diffe- www.hauskonstruktiv.ch
fameux badis (bains publics le long de la rivière) lui donnent une rently» à Haus Konstruktiv qui met en lumière trois femmes de Manifesta 11 : du 11 juin au
étonnante touche de villégiature. Et la culture ? Elle n’est pas en proue de Dada – mais aussi de la danse, des concerts, des col- 18 septembre 2016. www.manifesta11.org
reste… Hiver 1916. «Dada !», crient de jeunes enragés en faisant loques –, vont remettre Zurich sur la carte du Dada. Par bonheur,
irruption dans les restaurants huppés. Et les bourgeois, saisis, nombre de lieux fréquentés par les iconoclastes de l’époque sont
laissent tomber leur cuillère dans la soupe… Un mouvement est encore là – les cafés Terrasse et Odeon, le restaurant Zunfthaus
né, qui allait marquer l’histoire de l’art. Rarement la Suisse aura zur Waag, le théâtre Kaufleuten. Et, bien évidemment, le cabaret
autant illustré sa vocation de terre d’accueil. Rien ne prédisposait Voltaire où tout commença… Charles Flours
GALERIES
LES 3 EXPOSITIONS DU MOIS
1 GALERIE DIX9
LE LIVRE SOUS TOUTES LES RELIURES
Il est manifeste, papyrus, bouche cousue ou monumentale saga… Le livre, en tant qu’objet
et matière première, est un motif redondant de l’art contemporain. Cette exposition en offre
une nouvelle preuve. Le voilà brodé par Sheila Concari, contraint à un silence de terre cuite chez
Paula de Solminihac, animé chez Nemanja Nikolic (qui évoque à travers ses images la Yougoslavie
de Tito) ou réduit à ses plus purs secrets, comme ces points finaux manuscrits qui concluent
une quinzaine d’histoires d’amour, recueillis par Sophia Pompéry chez des écrivains allemands.
Manuscrites, aussi, ces pages de la Disparition de Georges Perec qu’Anne Deguelle a fait recopier
à des élèves d’un collège, et qui s’offrent ici comme une seconde vie. Disparition, également, que
subit LE livre : la Bible, que Marie Aerts revisite en l’effaçant, ou le Coran dont Mehdi-Georges Lahlou
fait disparaître les versets sur des tablettes de bois de cèdre. Autant de digressions sur les menaces
qui pèsent sur l’esprit et la lettre en temps de numérique. Emmanuelle Lequeux
j.ÊNPJSFTEFMJWSFvKVTRVBVBWSJMr SVFEFT'JMMFTEV$BMWBJSFr1BSJT
rXXXHBMFSJFEJYDPN

L’Âge de la colle 

2 GALERIE 1900-2000
DANS LE MONDE DE MAN RAY
Tout l’esprit surréaliste est là, résumé en une image : la couverture
du Gala Judex. Un événement destiné, en 1928, à célébrer la
fascinante actrice Musidora, héroïne des Vampires et du feuilleton
Judex réalisés par Louis Feuillade, et dont raffolaient tous les
surréalistes. Collage effectué sur un photogramme, il représente
le justicier à la cape noire qui fut l’un des premiers superhéros des
débuts du cinéma. Que Man Ray soit à l’honneur chez 1900-2000,
ce n’est guère une surprise, tant cette galerie a le don d’en dévoiler
sans cesse des merveilles. Mais l’ensemble réuni ici est d’une
exceptionnelle qualité. Ainsi de ces aventures d’un mannequin
de bois, déclinées en trois épisodes photographiques, ou de
ce rayogramme irradiant une pellicule, qui boucle la boucle. &-
1"6-"%&40-.*/*)"$Cloud White Book [série Library Books] 
j.BO3BZvKVTRVBVBWSJMr SVF#POBQBSUFr1BSJT
rXXXHBMFSJFDPN

3 GALERIE JEAN BROLLY


NICOLAS CHARDON BROUILLE LES LIGNES
La peinture abstraite ne demande qu’à s’extraire de sa rigidité supposée. Elle bouge
encore, et Nicolas Chardon contribue depuis une quinzaine d’années à étendre
son potentiel. Quitte à imposer au carré noir un programme de remise en forme
qui passe par des exercices d’assouplissements et d’étirements extrêmement variés.
En témoigne de manière très séduisante la nouvelle exposition de l’artiste à la galerie
Brolly. Les tableaux y arborent des carrés ou des rectangles noirs contorsionnistes.
Si leurs bords divaguent, c’est que la toile sur laquelle ils sont peints est à petits
carreaux. Et que, celle-ci une fois tendue sur châssis, ce motif vichy ne tient plus
ses angles droits. Nicolas Chardon s’applique scrupuleusement à suivre les lignes
de cette grille pour y tracer une forme géométrique. Laquelle est bel et bien là,
coloriée d’un noir dense et profond, sur un blanc mat. Mais ni les carrés ni les
7VFQBSUJFMMFEFMFYQPTJUJPOj/JDPMBT$IBSEPOm/PVWFBVYTUBOEBSETv
rectangles ne savent en définitive se tenir. La peinture géométrique est comme ivre
KVTRVBVBWSJMr SVFEF.POUNPSFODZr1BSJT
et ses procédés implacables doivent composer avec la réalité des matériaux, rXXXKFBOCSPMMZDPN
des formats, des frictions et des tensions. +VEJDBÌM-BWSBEPS

124 Beaux Arts


La galerie du mois
Et aussi… par Stéphanie Pioda

BRUXELLESr1JÍDFT
Pendant Art Brussels, Stéphanie d’Orglandes et Julia
Van Hagen créent une exposition itinérante intitulée
«4 Pièces», réunissant art contemporain et design
émergent, et présentée dans un hôtel particulier.
PARIS GALERIE Une sélection pointue et novatrice de ces défricheuses
GEORGES-PHILIPPE de talent où l’on pourra acquérir aussi bien une
& NATHALIE VALLOIS photographie déjantée de Valérie Belin qu’une lampe
dégoulinant de latex noir d’Aurélie Hoegy, ou encore

Voir un banc halluciné constitué de trois chaises,


de planches et de cuir, que l’on pourra éclairer
par une sculpture lumineuse de Nathalie Nahon.

double Une sélection fraîche et alléchante à ne pas manquer.


«4 Pièces – Breaking & construct»
EVBVBWSJMr"UFMJFS3FMJFG

avec SVF7JMBJO9**** r#SVYFMMFT


rPVWFSUEFIÆI

Jacques
Villeglé
«Opération quimpéroise» – Mairie annexe
de Penhars, Le Quartier, 2006

U ne galerie peut-elle survivre à Paris sans


ouvrir un second espace, qui lui permet
de montrer sa force de frappe et surtout de
visage que par fragments. Quant à l’espace satel-
lite, il évoque un projet aussi superbe que
méconnu de l’artiste : son film expérimental inti- "63­-*&)0&(:McGuffin Lamp, 2013

satisfaire au mieux ses artistes ? Comme bien tulé Pénélope, sur lequel il travaille entre 1950
d’autres, la galerie Vallois a décidé de se dédou- et 1954 avec Raymond Hains, mais qu’ils laissent 1"3*4r(BMFSJF-BVSFODF&TOPM
bler. À quelques encablures de son navire amiral, inachevé. Les deux complices avaient eu recours Alors que le Musée national d’histoire et d’art
ancré rue de Seine depuis vingt-cinq ans, elle à toutes sortes de techniques pour le composer : de Luxembourg lui consacre une exposition, la galerie
Laurence Esnol dévoile des dessins récents de
ouvre quasiment en face, au numéro 33, un nou- une machine à filmer munie de lentilles en verre
H. Craig Hanna. Artiste inclassable, brillant dessinateur
veau lieu, doublant la crémaillère d’un anniver- cannelé, du dessin animé, des collages, de la pein-
et subtil coloriste, il réussit le pari, en ce début
saire, et pas des moindres : les 90 ans de Jacques ture glycérophtalique… Restent aujourd’hui de de XXIe siècle, de faire basculer une peinture
Villeglé, doyen des artistes de la galerie et dernier magnifiques croquis et photos, enrichis ici de qui pourrait apparaître comme ultraclassique
monstre vivant du Nouveau Réalisme. Il essuie carnets de notes et extraits, qui racontent un dans un univers contemporain. La galerie soutient
les plâtres d’un espace flambant neuf, requinqué projet qui sut échapper au temps qui passe. E.L. l’artiste de façon exclusive depuis 2008.
par les architectes Jakob+Macfarlane (à qui l’on «H. Craig Hanna – Dessins» jusqu’au 16 avril
 SVF#POBQBSUFr1BSJT
doit notamment la rénovation de la fondation
rXXXMBVSFODFFTOPMHBMMFSZDPN
Ricard et la Cité de la mode et du design).
Accompagnée d’un catalogue de prestige, édité
à 1 000 exemplaires, où de grands noms lui
1"3*4r(BMFSJF.BUIHPUI
Mademoiselle Maurice rêve du réveil de notre
rendent hommage (de Bernard Blistène à Nico-
monde occidental matérialiste anesthésié
las Bourriaud), cette exposition investit les deux
par l’individualisme. Et si l’on se reconnectait
adresses. Au 36, le délicieux plasticien renoue à la générosité de la nature, à cet équilibre qui était
avec l’arrachage des affiches lacérées qui l’avaient évident pour ces sociétés que, paradoxalement,
fait connaître dès les années 1950, et qu’il avait nous qualifions de «primitives» ? Pour ressentir
abandonnées à l’orée des années 2000. Sont cet élan, elle transforme la galerie en un espace
montrées ici les images nées de son exposition immersif envahi de ses silhouettes en origami,
au Quartier de Quimper, pour laquelle un gra- +"$26&47*--&(-­3":.0/%)"*/4Pénélope, gros plan, une installation qui serait comme une parenthèse
phiste avait créé une affiche figurant l’artiste lui- séquence Ravenne  dans la ville. La mutation peut commencer…
j+BDRVFT7JMMFHMÊm0QÊSBUJPORVJNQÊSPJTFvFUj+BDRVFT j.BEFNPJTFMMF.BVSJDFm3BJOCPX.VUBOU
même. Ce dernier l’a laissée vieillir quelque
7JMMFHMÊFU3BZNPOE)BJOTm1ÊOÊMPQFvEVBWSJMBVNBJ /BUJPOvKVTRVBVBWSJMr SVF)ÊMÍOF#SJPO
temps dans les rues, soumise au climat breton, FU SVFEF4FJOFr1BSJTr 1BSJTr
puis l’a lacérée en ne laissant plus apparaître son HBMFSJFWBMMPJTDPN XXXNBUIHPUIDPN

126 Beaux Arts


Camille Virot
ŒUVRES RÉCENTES

19 mars - 5 mai 2016

GALERIE DE L’ANCIENNE POSTE


Place de l’Hôtel de Ville 89130 TOUCY (Yonne)
Tél. 03 86 74 33 00 www.galerie-ancienne-poste.com
Du jeudi au dimanche inclus - 10h-12h30 / 15h-19h

Depuis 1997, à 1h30 de Paris par l’A6, les grands noms de la céramique contemporaine.

CORINNE
MEURISSE
MARCHÉ Par Lucie Delubac

LES 3 VENTES À NE PAS MANQUER

BERNARD BOUTET DE MONVEL


Le Maharadjah d’Indore
1934, huile sur toile, 85 x 85 cm.
&TUJNBUJPO
Æøé

+&"/"6(645&%0.*/*26&*/(3&4
Portrait de Ferdinand-Philippe-Louis-Charles-Henri de Bourbon-Orléans,
duc d’Orléans
1844, huile sur toile, 74,5 x 60,5 cm.
&TUJNBUJPOÆé

1 PARIS r SOTHEBY’S LE PLUS BEL HOMME AU MONDE


Sotheby’s présente un ensemble inédit d’œuvres de Bernard Boutet de Monvel (1881-1949), 2 NEW YORK r CHRISTIE’S
conservé jusqu’à aujourd’hui dans son hôtel particulier à Saint-Germain-des-Prés, qui abritait aussi BIG APPLE FAIT SA RÉVOLUTION
son atelier. Vivant entre Paris et New York, à la fois peintre, graveur, sculpteur, décorateur pour la
Compagnie des arts français, illustrateur pour Vogue, Harper’s Bazaar et la Gazette du bon ton, Boutet Christie’s lance à New York une nouvelle série de ventes
de Monvel fut un maître de l’Art déco et aussi l’un des artistes majeurs du précisionnisme américain. intitulée «Revolution», en référence à cette période de l’histoire
Dans les années 1930, la Café Society, qui l’adulait, en a fait son portraitiste attitré. «Cette vente rend de l’Amérique, mais aussi en hommage aux révolutions
hommage à un homme dont l’élégance a fasciné ses pairs. Désigné par la presse américaine comme françaises de 1789 et 1830. La vente inaugurale réunit
“the handsomest man in Europe”, il érigea la beauté en art de vivre, traquant la perfection du trait, des tableaux, dessins, sculptures et gravures, dont un portrait
l’équilibre de la ligne jusque dans la tenue de ses domestiques, ou dans la frange de sa petite-fille», du duc d’Orléans (décédé brutalement en 1842), commandé
souligne la spécialiste Pascale Pavageau. Outre Autoportrait, place Vendôme et Autoportrait à la par son épouse au peintre Ingres (est. 365 000 €). Un portrait
palette (est. 200 000 et 40 000 €), sont notamment offerts aux enchères les portraits de son épouse souvenir de Marie-Antoinette réalisé en 1800 par Élisabeth
Delfina en tailleur Piguet (est. 40 000 €), Madame la duchesse de Brissac en robe Christian Dior Louise Vigée Le Brun (est. 550 000 €) ; un buste de Napoléon
(est. 15 000 €) et celui du Maharadjah d’Indore portant les «Poires d’Indore» (diamants de 47 carats Bonaparte, Premier Consul (1801) par Joseph Chinard
chacun), réplique peinte la même année que le tableau original qui eut tant de succès lors de son (est. 27 500 €) ainsi que des œuvres signées Jacques Louis
exposition à la galerie Wildenstein de New York en 1934 (est. 300 000 €). David, Jean-Honoré Fragonard ou encore Louis Léopold Boilly,
«Collection Boutet de Monvel» les 5 et 6 avril font partie des lots révolutionnaires.
 SVFEV'BVCPVSH4BJOU)POPSÊr1BSJTrrXXXTPUIFCZTDPN j3FWPMVUJPOvMFBWSJMrrXXXDISJTUJFTDPN

3 PARIS r DROUOT & KAPANDJI-MORHANGE


LELOIR, LA PHOTO QUI SWINGUE
Les archives de Jean-Pierre Leloir (1931-2010), photographe ayant immortalisé
+&"/1*&33&-&-0*3 le monde de la musique durant quarante ans et cofondateur du mensuel Rock & Folk,
Kenny Clarke et Miles Davis, sont portées à l’encan à Drouot. La plupart des 150 clichés sélectionnés ont été
concert au Club Saint-Germain,
à Paris, le 5 décembre 1957
effectués du vivant du photographe et portent son cachet ainsi que sa signature. Parmi
1957, épreuve argentique de 2012, ses photos célèbres, on trouvera un cliché réunissant Jacques Brel, Léo Ferré et Georges
120 x 120 cm. Brassens en 1969 (est. 3 500 €) ; Jimi Hendrix lors d’un concert à l’Olympia en 1967
&TUJNBUJPO (est. 2 500 €) ; Billie Holiday à l’aéroport d’Orly, le 1er novembre 1958 (est. 3 500 €)
Æé ou encore Kenny Clarke et Miles Davis lors d’un concert au Club Saint-Germain,
à Paris, le 5 décembre 1957 (est. 3 500 €), tirage réalisé en 2012 pour l’exposition
«Night & Day» à la galerie parisienne du bar Floréal dédiée à la photographie.
j+FBO1JFSSF-FMPJSmBOTEFQIPUPFONVTJRVFvMFBWSJM
 SVF%SPVPUr1BSJTrrXXXLBQBOEKJNPSIBOHFDPN

128 Beaux Arts


OPEN GRAFFITI

ET DU STREET ART

thème
l’écologie, l’environnement, notre planète
EN 2014, PLUS DE 120 CANDIDATS, 115 000 VISITEURS

POUR CONNAITRE
le règlement, les dates
et pour la presse
ORGANISATEUR CONTACT
01 40 10 15 86 INSCRIPTION POUR LES ARTISTES
cedric.naimi@gmail.com charlotte.regnault@gmail.com

EN KIOSQUE
LOGISTIQUE SUIVI D’EXPOSITION
LE LIVRE CULTE DU GRAFFITI isaacparis@gmail.com
MARCHÉ / Spécial Dessin Par Emmanuelle Lequeux

ÉRIC MANIGAUD Trachom Pannus Keratitis, 1916


2015, graphite sur papier, 153 x 145 cm.
Galerie Sator, Paris, à Drawing Now 11 000 €
De la Première Guerre aux asiles d’aliénés, l’artiste évoque
superbement les heures sombres de notre histoire.

DELPHINE VAUTE In Bloom


2015, encre, feutre, crayon et acrylique sur papier, 40 x 50 cm.
Galerie 3e Parallèle, Paris, à DDessin Prix : 970 €
La fausse innocence des contes de fées est tout entière
dans les dessins de cette jeune illustratrice, qui travaille
autant pour le livre pour enfants que pour la BD.

Les Salons du dessin nous en mettent


PLEIN LA VUE!
Rembrandt ou Kandinsky au palais Brongniart, contemporains et jeunes talents au Carreau du Temple ou à l’Atelier
Richelieu : le meilleur du dessin est réuni à Paris ce printemps. Sélection.

I l y a dix ans, c’était tout juste un frémissement.


Aujourd’hui, c’est indéniable, le dessin a
gagné son pari : être considéré comme une pra-
cartographies à l’encre blanche de Clément
Bagot (chez Eva Hober), les architectures
miniatures de Massinissa Selmani, repéré à la
du dessin où une quarantaine de galeries inter-
nationales dévoilent leurs plus belles feuilles.
Chroniques urbaines de la Renaissance ita-
tique à part entière, aussi noble que surpre- dernière biennale de Lyon (chez Selma Feriani, lienne, vues de Rome sous la plume d’Hubert
nante. Les divers salons du dessin qui annoncent venue de Tunisie), ou les huiles délirantes Robert, portraits d’utopistes en montgolfière,
le printemps sont pour beaucoup dans ce renou- d’Alain Séchas (galerie Laurent Godin). On est gouaches de Calder : une infinie variété s’offre
veau, faisant de la fin mars l’un des moments les curieux également de l’univers de la toute jeune au palais Brongniart pour ce 25e salon unique au
plus excitants du calendrier arty parisien. Agathe Pitié (chez Metropolis), entre contes monde. Outre qu’il nous mène de Parmigiano
médiévaux et Tortues Ninja, et des images à Chirico, il invite cette année le musée
COLLECTIONNER SANS SE RUINER troubles d’Éric Manigaud à la galerie Sator. Pouchkine de Moscou à présenter les trésors de
Drawing Now, consacré au dessin contempo- Si vous n’avez trouvé œuvre à votre goût, le salon sa section Collections privées, avec Rembrandt,
rain, confirme son statut de salon le plus sym- DDessin saura y remédier. Plus jeune (c’est sa Kandinsky ou Rodtchenko, entre autres.
pathique de l’année. Au fil des allées du Carreau 4e édition), il monte joliment en puissance avec
du Temple, 74 galeries viennent du monde une vingtaine de galeries réunies dans l’Atelier
LES ÉVÉNEMENTS
entier célébrer sa dixième édition, marquée par Richelieu. En parallèle d’une exposition inspi-
«DDessin» du 1erBVBWSJMr"UFMJFS3JDIFMJFV
un symposium international. Outre une expo- rée par la COP21 («Regards sur la planète»), on y  SVFEF3JDIFMJFVr1BSJTrXXXEEFTTJOQBSJTGS
sition judicieusement consacrée au dessin déniche des projets singuliers, tel celui de Phan-
«Drawing Now Paris» du 30 mars au 3 avril
engagé, un focus sur l’Allemagne et une carte tom Projects Contemporary à Troyes, et de pro- $BSSFBVEV5FNQMFr SVF&VHÍOF4QVMMFSr1BSJT
blanche à Abdelkader Benchamma, titulaire du metteuses galeries émergentes, Polysemie à XXXESBXJOHOPXQBSJTDPN
prix Drawing Now 2015, mille occasions de col- Marseille ou Claire Corcia à Paris. «Salon du dessin» EVNBSTBWSJMrQBMBJT#SPOHOJBSU
lectionner sans se ruiner. Par exemple ? Les fines Enfin, place aux anciens avec le vénérable Salon QMBDFEFMB#PVSTFr1BSJTrXXXTBMPOEVEFTTJODPN

130 Beaux Arts


JEAN-MICHEL HANNECART Rapporteur 1 2015, craie, piments, huile sur papier, 46 x 38 cm.
Phantom Projects Contemporary, Troyes, à DDessin Prix : 1 000 €
Un portrait inspiré par les disparus de la période de la Terreur rouge en Russie, à partir d’un dessin arraché.

Beaux Arts 131


MARCHÉ / Spécial Dessin DDessin
Il est le Salon qui exalte la jeune scène émergente. Corner illustrateurs, solo shows, prix DDessin, expositions : rendez-vous
à l’Atelier Richelieu pour DDessin et sa vingtaine de galeries.

SIMÉON COLIN Cèdre fragment 2015, encre de Chine sur toile, 110 x 80 cm.
Galerie Cyal, Paris Prix : 3 000 €
Siméon Colin explore depuis longtemps le motif de l’arbre, et tout particulièrement
celui du cèdre, dont il travaille des fragments à la mine très fine.

Vu pour vous

ÉVELYNE POSTIC Les Croix oubliées 2015, encre sur papier, 18 x 13 cm.
Galerie Polysemie, Marseille Prix : 6 000 €
Inspiré par la culture vaudoue autant que par la recherche en biologie,
le travail d’une singulière autodidacte, à découvrir.

FRANCK LUNDANGI The Nature of The Spirit


LIONEL SABATTÉ Le Projet de vie, 2012, poussière et peinture sur papier, 65 x 50 cm. 2015, pigment acrylique, gouache, encre sur papier, 78 x 147 cm.
Espace CO2– La petite collection, Paris Prix : 2 500 € Galerie Polysemie, Marseille Prix : 4 800 €
Vanité des vanités… À l’aide de poussière prélevée dans le métro, le jeune artiste Évocation des forces de la nature par un artiste angolais révélé dans l’exposition
sculpte et dessine des formes humaines et animales. «Africa Remix» en 2005 au Centre Pompidou.

132 Beaux Arts


MARCHÉ / Spécial Dessin Drawing Now Paris
400 artistes, 74 galeries internationales : la dixième édition de Drawing Now invite à toutes les découvertes
au Carreau du Temple.

IRIS LEVASSEUR B-B Bibliothèque


2014, fusain et graphite sur papier, encadrement chêne, 114 x 146 cm.
Galerie Odile Ouizeman, Paris Prix : 7 500 €
Voilà l’un des talents les plus singuliers de la scène française du dessin :
sous une ligne a priori classique, la jeune femme fait surgir une certaine étrangeté.

Vu pour vous

JEAN-MICHEL ALBEROLA Un sourire de l’autarcie solitaire


2007, gouache sur papier, 25,5 x 17,5 cm.
Galerie Maïa Muller, Paris Prix : 4 500 €
Il était un «artiste d’artiste». Avec sa consécration au Palais de Tokyo,
voilà Jean-Michel Alberola le discret devenu star de l’année.

RENÉE LEVI Tohu-Bohu 2008, acrylique sur papier couché, 29,7 x 21 cm.
Galerie Bernard Jordan, Paris AGNÈS THURNAUER Autoportrait 2014, crayons de couleur sur toile, 195 x 130 cm.
Prix : 1 800 € (format A4), 2 000 € (format 30 x 40 cm) Galerie Valérie Bach, Bruxelles Prix : 25 000 €
En hébreu, tohu-bohu signifie le désert et le vide. Un des leitmotive Un autoportrait qui laisse tout deviner, sauf le visage…
de cette grande dame de l’abstraction suisse. Une jolie provocation, et du Thurnauer tout craché.

134 Beaux Arts


LE CARREAU DU TEMPLE
DU MERCREDI 30 MARS AU DIMANCHE 3 AVRIL 2016
• Galería 6mas1, Madrid • AD Gallery, Athènes • Luis Adelantado, Valence • AGNS - A Gallery Named Sue, La Haye • Galerie Alberta
Pane, Paris • Galerie Aline Vidal, Paris • Anna Marra Contemporanea, Rome • Galerie Anne de Villepoix, Paris • Galerie Valérie Bach,
Bruxelles • Bäckerstrasse4, Vienne • Backslash, Paris • Galerie Anne Barrault, Paris • Bendana-Pinel Art Contemporain, Paris •
Galerie Bernard Ceysson, Paris - Saint Etienne - Luxembourg - Genève • Christian Berst Art Brut, Paris - New York • Galerie Born
Berlin + Darss, Berlin • Galerie C, Neuchâtel • Galerie Mathias Coullaud avec Christophe Langlitz Art, Paris • Galerie Dix9 Hélène
Lacharmoise, Paris • Galerie Eric Dupont, Paris • Eva Hober, Paris • Galerie Eva Meyer, Paris • Selma Feriani Gallery, Tunis, Londres
• Galerie La Ferronnerie / Brigitte Négrier, Paris • Galleria Marie-Laure Fleisch, Rome • Gallery Joe, Philadelphie • Galerie Laurent
Godin, Paris • Galerie Isabelle Gounod, Paris • Galerie Graphem, Paris • Galerie Gugging - Nina Katschnig, Maria Gugging • Hopstreet,
Bruxelles • Galerie Iragui, Moscou • Galerie Catherine Issert, Saint Paul de Vence • Galerie Jean Fournier, Paris • Jeanne Bucher
Jaeger, Paris • Galerie Bernard Jordan, Paris – Berlin – Zürich • Bernhard Knaus Fine Art, Francfort • Kristof De Clercq Gallery,
Gand • Galerie Martin Kudlek, Cologne • La Galerie Particulière / Galerie Foucher-Biousse, Paris • Galerie Lelong, Paris – New
York • Loevenbruck, Paris • Maerzgalerie Torsten Reiter, Berlin • Galerie Maïa Muller, Paris • Galerie Martel, Paris • Galerie Martin
Mertens, Berlin • Galerie Maurits Van de Laar, La Haye • Mazel Galerie, Bruxelles • Galerie Mélanie Rio, Paris - Nantes • Galerie
Metropolis, Paris • Michel Soskine Inc., Madrid - New York • Galerie Modulab, Metz • Galeria NAC, Santiago du Chili

74
• Nosbaum Reding, Luxembourg • Galerie Odile Ouizeman, Paris • PA I Plateforme de Création Contemporaine,
Paris • Galerie Claudine Papillon, Paris • Patrick Heide Contemporary Art, Londres • Galerie Catherine Putman,
Paris • Galerie Römerapotheke, Zürich • Thaddaeus Ropac avec Caroline Smulders, Paris - Salzbourg • Galerie
de Roussan, Paris • Galerie Sator, Paris • Semiose, Paris • Galerie Michael Sturm, Stuttgart • Galerie Suzanne
Tarasiève, Paris • Galleri Tom Christoffersen, Copenhague • Un-Spaced, Paris • Galerie GP & N Vallois, Paris •
Galerie Marine Veilleux, Paris • Galerie Vincenz Sala, Paris – Berlin • Galerie Wenger, Zürich • Xpo Gallery, Paris •
Galerie Zürcher, Paris - New York •

Billets en vente sur : www dra win gn ow p ar i s com


MARCHÉ / Spécial Dessin Salon du dessin
Cette 25e édition ne déroge pas à la qualité caractérisant ce Salon depuis ses débuts, où 39 galeries de renommée internationale
exposent leurs plus belles feuilles au palais Brongniart. Cette année, en outre, une sélection de dessins du musée Pouchkine. Exceptionnel !

PAUL GAUGUIN «Soyez symboliste» – Portrait de Jean Moréas


Vers 1890, pinceau, plume, encre de Chine, encre brune et fusain, 25,4 x 28,2 cm.
Galerie Talabardon & Gautier, Paris Prix sur demande
Superbe portrait au pinceau et à la plume du poète Jean Moréas. Marqué de l’injonction
«Soyez symboliste», c’est l’un de ses rares portraits d’écrivain, avec celui de Mallarmé.

Vu pour vous
PIERRE-NARCISSE GUÉRIN [1774-1833] Portrait de jeune homme
Pierre noire et estompe, craie, 50 x 40 cm.
Galerie de Bayser, Paris Prix sur demande
L’un des dessins les plus rares et les plus grands, redécouvert l’an passé,
du peintre néoclassique. Il pourrait représenter l’un de ses élèves.

RENÉ GRUAU Femme en rouge


1976, tempera sur carton, 70 x 50 cm.
Galerie Antonacci, Rome Prix : 25 000 € SONIA DELAUNAY Sans titre Non daté, aquarelle numérotée 564, 16,2 x 20 cm.
Parmi les plus brillants dessinateurs de mode et de publicité, collaborateur Galerie Paul Prouté, Paris 5 000 €
de Dior et Schiaparelli, René Gruau réalise ce projet d’affiche pour la galerie Tallien, Une esquisse caractéristique des recherches de Sonia Delaunay pour les tissus qu’elle appelait
qui évoque ses campagnes pour Martini ou Perrier. simultanés, et qui porte le poinçon d’un soyeux lyonnais.

136 Beaux Arts


Galerie LE FEUVRE

JonOne
Masterpieces
1 9 9 1 - 2 0 0 9

18 mars - 23 avril 2016


un catalogue est édité

164 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris - 01 40 07 11 11 - www.galerielefeuvre.com


Hommage au sculpteur
René COUTELLE (1927-2012)
Exposition du 10 mars au 12 avril 2016
Catalogue monographique
Double Torse, pierre de talc, 35 x 28 x 10 cm © photo Tom Coombs

Hélène Greiner
6 rue de Beaune, 75007 Paris
01 84 05 62 49 - 06 22 80 73 27
www.martel-greiner.fr - info@martel-greiner.fr
Tableau : D. Dragic / Réal.: Communication - Ville de Mâcon / Mars 2016

« l’autre versant » de 80 x 80 cm - 2015

Martigny
Tous les jours de 10 h à 18 h
4 décembre 2015 - 12 juin 2016
Fondation Pierre Gianadda
Z AO WOU - KI

Zao Wou-Ki, Hommage à Varèse - 25.10.64, huile sur toile, Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne.
Donation Françoise Marquet, 2015. © Zao Wou-Ki - 2015, ProLitteris Zurich
MARCHÉ / Spécial Paris Par Armelle Malvoisin

BAE BIEN-U SNM5A-003H 2013, C-Print, édition de 5 ex., 135 x 260 cm. Galerie RX, Ivry-sur-Seine Prix : 38 500 €
La communion avec la nature est au cœur du travail de Bae Bien-U, actuellement exposé au château de Chambord. Le photographe coréen
réussit à figer la magie de la forêt de Kyung Ju et l’énergie vitale de ses pins, pour créer une atmosphère de méditation intense.

À Art Paris, la Corée sort du bois


À l’occasion de l’année France-Corée, démarrée à l’automne 2015, la 18e foire Art Paris Art Fair fera la part belle
aux galeries et artistes venus du pays du Matin calme. Entre tradition et modernité, dépaysement total !

P our clore un dernier chapitre sur l’Asie,


Art Paris Art Fair met en exergue la scène
contemporaine coréenne dans le cadre des
d’un quart), avec quelque 80 artistes. Lee Bae,
Bae Bien-U et Chung Hyun s’exposent à la
galerie RX (Ivry-sur-Seine) sur un stand 100 %
parisiennes comme Françoise Paviot et Éric
Dupont, absentes depuis 2010, vont dans ce
sens. Elles permettront peut-être d’améliorer
célébrations de l’année France-Corée. coréen. Ung-No Lee, Young-Sé Lee et In- la qualité générale de la foire qui, il faut le dire,
«Contrairement à ses voisins chinois et japo- Kyung Park côtoient Jean Degottex, Henri fut très décevante l’année dernière, avec des
nais, l’art coréen est encore relativement Michaux et Mark Tobey chez Thessa Herold galeries présentant des horreurs absolues.
méconnu sur la scène internationale», rap- (Paris). La galerie londonienne Omer Tiroche Pour certains, participer à l’édition 2016 reste
porte Sang-A Chun, la commissaire d’exposi- Contemporary Art fait dialoguer Seungyea une stratégie pour mieux se positionner l’an
tion invitée pour «La Corée à l’honneur». Entre Park et Lee Ufan avec Calder, Jean Dubuffet prochain, en prélude d’un focus sur l’Afrique.
les mouvements Dansaekhwa et Minjung ou encore Franz West. Chez Flowers Gallery Ainsi le Parisien André Magnin retourne à Art
Misul (abstraction et réalisme), huit galeries (Londres-New York), les larges paysages du Paris pour montrer les derniers travaux des
sud-coréennes illustrent les différentes photographe Boomoon nous confrontent à Congolais Houston Maludi, Kura Shomali et
facettes de la création depuis les années 1960 l’expérience de la nature. JP Mika. Ce sera aussi une première impor-
jusqu’à présent, que ce soit l’art abstrait mys- tante pour la galerie londonienne 50 Golborne
térieux et poétique de Myeong-Ro Youn à la UNE FOIRE DÉCEVANTE L’ANNÉE DERNIÈRE avec des œuvres d’Emo de Medeiros, Wura-
galerie Gana Art (Séoul), le dynamisme gestuel Au-delà du tropisme coréen, Art Paris Art Fair Natasha Ogunji et Jean Servais Somian, de
de Beom Moon chez Gallery Simon (Séoul) ou demeure une foire d’art moderne et contempo- même que pour la galerie parisienne Vallois,
les bandes de couleurs de Moon-Pil Shim à la rain attirant un large public. 40 % des galeries qui valorise depuis longtemps les jeunes
Shilla Gallery (Daegu). Ce dernier artiste, qui ont été renouvelées cette année, «dans une exi- artistes africains.
travaille en France, est aussi montré par la gale- gence d’amélioration qualitative», affirme
rie parisienne Lahumière. «La Corée a attiré Guillaume Piens. La présence de nouveaux PRATIQUE
un certain nombre de galeries cette année», exposants comme Studio Giangaleazzo
ART PARIS ART FAIR du 31 mars au 3 avril
reconnaît Guillaume Piens, le commissaire Visconti (Milan), spécialisé dans le mouvement (SBOE1BMBJTr"WFOVF8JOTUPO$IVSDIJMMr1BSJT
général de la foire. Au total, elles sont 33 (près japonais Gutaï, mais aussi le retour de galeries rXXXBSUQBSJTDPN

140 Beaux Arts 4VJUFQBHF


Rune Guneriussen
Dramaturgie
3 mars - 3 avril 2016

galerieolivierwaltman
Paris  Miami
74 rue Mazarine - 75006 Paris
www.galeriewaltman.com
MARCHÉ / Spécial Paris Art Paris

KIM JOON, Somebody-018


2015, impression numérique,
édition de 5 ex., 120 x 120 cm.
Park Ryu Sook Gallery, Séoul
Prix : autour de 20 000 €
Porté par l’exposition «Korean Eye»
à la Saatchi Gallery à Londres
en 2009, Kim Joon est une valeur
montante de la scène artistique
internationale. À l’aide d’un logiciel,
il compose des corps tatoués à
outrance, dans une Corée moderne
où le tatouage demeure toujours
un interdit légal et culturel.

Vu pour vous
DAMIEN CABANES Deux chiens assis de face 2015, gouache sur papier, 114 x 200 cm.
Galerie Éric Dupont, Paris Prix : 8 000 €
Exposé en solo show, Damien Cabanes montre ses dernières peintures et gouaches.
Porté par la couleur, il représente le monde qui l’entoure. «Je ne m’intéresse pas
spécialement aux grands sujets de mon époque. [...] L’intensité émotionnelle picturale
ne vient pas de l’événement mais du regard que l’on pose dessus.»

WON SOU-YEOL Sans titre 2003, technique mixte, 117 x 91 cm.


Galerie Françoise Livinec, Paris-Huelgoat Prix : 13 000 €
Installée en France depuis 1984, Won Sou-Yeol a été formée en Corée à la calligraphie,
technique qu’elle mêle à la spontanéité du geste ample et concentré.
Ses tableaux à l’esthétique poétique singulière forment un véritable ballet de matières.

142 Beaux Arts Suite page 144


CAMILLE GRANDVAL
Camille Grandval, Mes topographies, encre, gel et épingles à étaler

MON ENTROPIE
22/04 AU 04/06/2016

Loo & Lou Gallery - Haut-Marais 20 rue Notre-Dame de Nazareth, Paris 3e www.looandlougallery.com
MARCHÉ / Spécial Paris Art Paris
CLAUDINE DRAI Sans titre 2015, papier de soie sur toile, 150 x 150 x 33 cm.
Galerie 111, Paris Prix : 65 000 €
Claudine Drai découpe des papiers Tengujo et de soie. Son travail aérien évoque
les fragilités intérieures. Même ses sculptures en bronze semblent frêles.
Plusieurs de ses œuvres ont rejoint d’importantes collections internationales.

DIANA THORNEYCROFT Desperate Housewives (Lucy Likes to Play with Rope)


2006, crayon sur papier, 70 x 84 cm. Galerie Françoise Paviot, Paris
Prix : 3 500 €
Dans sa série de dessins There Must Be 50 Ways to Kill Your Lover,
Diana Thorneycroft met en scène de célèbres personnages de dessins animés,
pour rendre compte de l’omniprésence de la violence dans les médias,
en particulier à la télévision dans les émissions de divertissement auprès du jeune public.

JP MIKA La Mannequine 2015, acrylique sur tissu, 138 x 138 cm.


Galerie Magnin-A, Paris Prix : 12 000 €

Vu pour vous Après son triomphe dans l’exposition «Beauté Congo» à la fondation Cartier à Paris
(juillet 2015-janvier 2016), JP Mika dévoile ses dernières peintures, dans une explosion
de couleurs et d’énergie qui lui est caractéristique. Ambiance assurée.

MARIUS DANSOU Pesanteur


2015, fer à béton, technique mixte,
133 x 53 x 53 cm.
Galerie Vallois, Paris
Prix : 4 000 €
Inspiré par la sophistication
et la symbolique des coiffes
traditionnelles béninoises,
Marius Dansou entame
un dialogue entre tradition
et modernité. Pour l’artiste,
«une manière de ne pas oublier
mes valeurs ancestrales».

144 Beaux Arts


MARCHÉ / Salon d’avril Par Armelle Malvoisin

ANGELO LELLI Lustre


1954, laiton et métal laqué,
édition Arredoluce, envergure : 86 cm.
Galerie Kreo, Paris-Londres
Prix : sur demande

ANDRES SERRANO Crucifix Ring


1915, or jaune 18K, édition MiniMasterpiece
de 8 + 2 EA, 4,75 x 3 x 3 cm.
Galerie MiniMasterpiece, Paris
AXEL EINAR HJORTH (attribué à) Fauteuil en bois sculpté et ondulé Prix : 12 000 €
Vers 1930, coussin d’origine, 85 x 72 x 65 cm.
Galerie Franck Laigneau, Paris Prix : 25 000 €

Chic, le PAD a 20 ans!


Prestigieux et prescripteur, le PAD (Pavillon des arts et du design) est devenu le rendez-vous incontournable
des amateurs de mobilier vintage, d’arts décoratifs et de design contemporain. Mais pas seulement.

F ondé par Patrick Perrin, le PAD, chicissime


Pavillon des arts et du design à Paris, fête
ses 20 ans, tandis que son édition londonienne
des Puces, témoigne-t-elle. Pour ma part, je
dois énormément au PAD, qui m’a apporté des
clients de haut niveau, ayant marqué l’histoire
à 2015 à Art Paris Art Fair, qui n’a pas su impo-
ser un véritable secteur design. Elle signe son
retour gagnant au PAD avec un collier Venin de
ouvrira pour la dixième année consécutive cet de ma galerie.» Cette année, la grande dame du Claude Lévêque, une double bague de François
automne. Quarante mille visiteurs sont atten- verre présente le travail sculptural de György Morellet, un sautoir du Brésilien Júlio Villani
dus sous les spacieuses tentes du jardin des Gáspár, Pavel Trnka et Martin Hlubucek. ou encore une bague Crucifix d’Andres
Tuileries, du 31 mars au 3 avril, pour y découvrir Serrano. Parmi les nouveaux exposants, la gale-
le meilleur du design historique et contempo- LE MEILLEUR DE CHAQUE ÉPOQUE rie Armel Soyer (Paris) propose un salon néo-
rain (y compris les bijoux), mais aussi de l’art Le Parisien François Laffanour (galerie classique du XXIe siècle avec des pièces signées
moderne et des arts premiers. «Il y a bientôt Downtown) a accompagné aussi l’histoire du Pierre Gonalons, Emmanuel Bossuet, Denis
dix ans, j’ai trouvé au PAD, chez le marchand PAD en même temps que celle de l’évolution Milovanov ou encore Mathias Kiss. «Après
Matthieu Richard, un superbe lampadaire de de la cote des artistes des années 1950, qu’il trois participations au PAD Londres, nous
Mathieu Matégot que j’ai toujours chez moi. défend depuis vingt ans : Charlotte Perriand, sommes extrêmement contents de rejoindre
Une pièce exceptionnelle que je n’ai jamais Jean Prouvé, Le Corbusier et Pierre Jeanneret, le PAD Paris pour cette édition anniversaire»,
revue par ailleurs», rapporte l’architecte d’inté- qu’il a à cœur de montrer pour cette manifes- se réjouit Didier Krzentowski, cofondateur de
rieur Luis Laplace. Découvreuse de talents tation anniversaire. Spécialisée dans les bijoux la galerie Kreo (Paris-Londres) avec son épouse
parmi les artistes qui travaillent le verre, Clara d’artistes et de designers, la jeune Esther de Clémence. Il présente une exposition de lumi-
Scremini (Paris) est une fidèle du PAD depuis Beaucé (galerie MiniMasterpiece, Paris) naires italiens et français des années 1950. Pour
sa création. «Ce salon est un véritable atout revient aujourd’hui au PAD, après une pre- une édition historique lumineuse.
pour Paris. Il apporte un dynamisme dans un mière participation en 2012. «C’était l’année de
endroit de rêve au cœur de la capitale. Il repré- l’ouverture de ma galerie, je n’avais pas encore PAD (PAVILLON DES ARTS ET DU DESIGN)
sente la jeunesse car il a donné une chance à mes éditions, mais seulement des bijoux vin- %VNBSTBVBWSJMr+BSEJOEFT5VJMFSJFT
quantité de jeunes marchands, venant souvent tage», indique-t-elle. Puis, elle a exposé de 2013  SVFEF3JWPMJr1BSJTrXXXQBEGBJSTDPN

146 Beaux Arts


CALENDRIER DES EXPOSITIONS
DERNIERS JOURS ! VOUS AVEZ ENCORE LE TEMPS…
ÎLE-DE-FRANCE ÎLE-DE-FRANCE HALLE SAINT-PIERRE Gustave Moreau / Georges Rouault Jean-Michel Alberola Jusqu’au 16 mai
 SVF3POTBSEr Souvenirs d’atelier Jusqu’au 25 avril Florian & Michael Quistrebert
MUSÉES MUSÉES rIBMMFTBJOUQJFSSFPSH Jusqu’au 16 mai
& CENTRES D’ART & CENTRES D’ART L’esprit singulier – Collection de MUSÉE DE L’HISTOIRE Louidgi Beltrame / Simon Evans
l’abbaye d’Auberive Du 30 mars au 26 août DE L’IMMIGRATION Sara Favriau Jusqu’au 16 mai
LE CRÉDAC LES ARTS DÉCORATIFS  BWFOVF%BVNFTOJMr Double je – Artisans d’art et artistes
.BOVGBDUVSFEFTJMMFUT  SVFEF3JWPMJr INSTITUT DU MONDE ARABE rIJTUPJSFJNNJHSBUJPOGS Du 24 mars au 16 mai
 SVF3BTQBJMr*WSZTVS4FJOF rMFTBSUTEFDPSBUJGTGS  SVFEFT'PTTÊT4BJOU#FSOBSEr Frontières Jusqu’au 29 mai Vivien Roubaud / Shana Moulton
rDSFEBDGS Faire le mur – Quatre siècles rJNBSBCFPSH Martin Soto Climent
Caecilia Tripp Jusqu’au 20 mars de papiers peints Jusqu’au 12 juin Des trésors à porter – Bijoux et parures MUSÉE DE L’HOMME Jusqu’au 11 septembre
De la caricature à l’affiche (1850-1918) du Maghreb Jusqu’au 28 août  QMBDFEV5SPDBEÊSPr
GALERIES Jusqu’au 4 septembre Jardins d’Orient – De l’Alhambra rNVTFFEFMIPNNFGS PAVILLON DE L’ARSENAL
Barbie Jusqu’au 18 septembre au Taj Mahal Du 19 avril au 25 septembre Chronique d’une renaissance  CPVMFWBSE.PSMBOEr
GALERIE DANIEL TEMPLON Fashion Forward Du 7 avril au 14 août 9)0344É3*&#&"69"354 Jusqu’au 13 juin rQBWJMMPOBSTFOBMDPN
 SVF#FBVCPVSHr 9)0344­3*&#&"69"354 Réinventer Paris Jusqu’au 8 mai
rEBOJFMUFNQMPODPN LE BAL JEU DE PAUME
Arman – Accumulations (1960-1964)  JNQBTTFEFMB%ÊGFOTFr  QMBDFEFMB$PODPSEFr MUSÉE JACQUEMART-ANDRÉ PETIT PALAIS
René Wirths – Jazz rMFCBMGS rKFVEFQBVNFPSH  CPVMFWBSE)BVTTNBOO "WFOVF8JOTUPO$IVSDIJMMr
Jusqu’au 6 avril Noémie Goudal Jusqu’au 8 mai François Kollar / Helena Almeida r rQFUJUQBMBJTQBSJTGS
Edgardo Aragón Jusqu’au 22 mai NVTFFKBDRVFNBSUBOESFDPN George Desvallières Jusqu’au 17 juillet
GALERIE GEORGES-PHILIPPE BIBLIOHÈQUE DE DOCUMENTATION L’atelier en plein air Concordances esthétiques
& NATHALIE VALLOIS INTERNATIONALE CONTEMPORAINE MAC VAL Les impressionnistes en Normandie Jusqu’au 17 juillet
 SVFEF4FJOFr 4JUF)ÔUFMOBUJPOBMEFT*OWBMJEFT 1MBDFEFMB-JCÊSBUJPO Du 18 mars au 25 juillet Dans l’atelier – L’artiste photographié,
øøøørHBMFSJFWBMMPJTDPN  SVFEF(SFOFMMFrrCEJDGS 7JUSZTVS4FJOF 9+063/"-%&9104*5*0/#&"69"354 d’Ingres à Jeff Koons
Heroes Jusqu’au 2 avril Collections d’affiches politiques rNBDWBMGS Du 5 avril au 17 juillet
1970-1990 Jusqu’au 29 mai L’effet Vertigo Jusqu’à fin 2016 MUSÉE DU LOUVRE 9)0344É3*&#&"69"354
GALERIE KARSTEN GREVE 2VBJEV-PVWSFr
 SVF%FCFMMFZNFr LE CENTQUATRE MAISON DE L’AMÉRIQUE LATINE rMPVWSFGS -&1-"5&"6r'3"$²-&%&'3"/$&
  SVFE"VCFSWJMMJFSTr  CE4BJOU(FSNBJOr Hubert Robert Jusqu’au 30 mai  SVFEFT"MPVFUUFTr
HBMFSJFLBSTUFOHSFWFDPN rGS rNBMPSH Eva Jospin – Panorama rGSBDJMFEFGSBODFDPN
Lynn Davis Jusqu’au 2 avril Matérialité de l’invisible Jusqu’au 30 avril Faces cachées Du 12 avril au 28 août De toi à la surface Jusqu’au 10 avril
Photographie chilienne (1980-2015) 9)0344­3*&#&"69"354
GALERIE LELONG CENTRE POMPIDOU Jusqu’au 30 avril LA VILLETTE
 SVFEF5ÊIÊSBOr 1MBDF(FPSHFT1PNQJEPVr MUSÉE DU LUXEMBOURG  BWFOVF+FBO+BVSÍTr
rHBMFSJFMFMPOHDPN rDFOUSFQPNQJEPVGS MAISON D’ART BERNARD ANTHONIOZ  SVFEF7BVHJSBSEr rMBWJMMFUUFDPN
Jaume Plensa Anselm Kiefer Jusqu’au 18 avril  SVF$IBSMFT7**r rNVTFFEVMVYFNCPVSHGS James Bond 007, l’exposition
Pierre Alechinsky Jusqu’au 24 mars 9)0344É3*&#&"69"354 NBCBGOBHQGSr/PHFOUTVS.BSOF Chefs-d’œuvre de Budapest 50 ans de style Bond
Gérard Fromanger Jusqu’au 16 mai Sur le motif Jusqu’au 30 avril Jusqu’au 10 juillet Du 16 avril au 4 septembre
GALERIE MATHGOTH Paul Klee Du 6 avril au 1er août 9)0344­3*&#&"69"354
 SVF)ÊMÍOF#SJPOr LA MAISON ROUGE GALERIES
rNBUIHPUIDPN FONDATION CALOUSTE GULBENKIAN  CPVMFWBSEEFMB#BTUJMMF MUSÉE MARMOTTAN MONET
Mademoiselle Maurice  CEEF-B5PVS.BVCPVSHr rMBNBJTPOSPVHFPSH  SVF-PVJT#PJMMZr GALERIE ALMINE RECH
Jusqu’au 9 avril rHVMCFOLJBOQBSJTPSH Ceramix – De Rodin à Schütte rNBSNPUUBOGS  SVFEF5VSFOOFr
Julião Sarmento Jusqu’au 17 avril Du 9 mars au 5 juin L’art et l’enfant Jusqu’au 3 juillet rBMNJOFSFDIDPN
Brian Calvin Jusqu’au 12 avril
RÉGIONS FONDATION CARTIER MONNAIE DE PARIS MUSÉE DE L’ORANGERIE Brent Wadden Du 14 avril au 18 juin
 CPVMFWBSE3BTQBJMr  RVBJEF$POUJr 1MBDFEFMB$PODPSEFr
AIX-EN-PROVENCE rGPOEBUJPODBSUJFSDPN rNPOOBJFEFQBSJTGS rNVTFFPSTBZGS LA GALERIE D’ARCHITECTURE
CAUMONT CENTRE D’ART Daido Moriyama / Fernell Franco Jannis Kounellis Du 11 mars au 1er mai Apollinaire – Le regard du poète  SVFEFT#MBODT.BOUFBVYr
 SVF+PTFQI$BCBTTPMr Jusqu’au 5 juin Du 6 avril au 18 juillet rHBMFSJFBSDIJUFDUVSFGS
rDBVNPOUDFOUSFEBSUDPN MUSÉE D’ART MODERNE 9)0344É3*&#&"69"354 Gaëtan le Penhuel & Associés
Les collections du prince FONDATION HENRI CARTIER-BRESSON DE LA VILLE DE PARIS Grands formats Du 19 mars au 16 avril
de Liechtenstein Jusqu’au 28 mars  JNQBTTF-FCPVJTr  BWFOVFEV1SÊTJEFOU8JMTPOr MUSÉE D’ORSAY
rIFOSJDBSUJFSCSFTTPOPSH rNBNQBSJTGS  SVFEFMB-ÊHJPOE)POOFVSr GALERIE CHANTAL CROUSEL
DUNKERQUE Ugo Mulas Jusqu’au 24 avril La boîte de Pandore – Une autre rNVTFFPSTBZGS  SVF$IBSMPUr
LAAC photographie par Jan Dibbets Du 25 mars Le Douanier Rousseau rDSPVTFMDPN
+BSEJOEFTDVMQUVSFTr BWFOVF FONDATION LOUIS VUITTON au 17 juillet L’innocence archaïque Oscar Tuazon – Shelters Jusqu’au 16 avril
EFT#PSEÊFTrr  BWFOVFEV.BIBUNB(BOEIJr Albert Marquet Du 25 mars au 21 août Du 22 mars au 17 juillet
NVTFFTEVOLFSRVFFV rGPOEBUJPOMPVJTWVJUUPOGS 9)0344É3*&#&"69"354 9)0344É3*&#&"69"354 GALERIE DANIEL TEMPLON
J’ai dix ans Jusqu’au 3 avril Bentu – Des artistes chinois Paula Modersohn-Becker Du 8 avril  SVF#FBVCPVSHr
dans la turbulence des mutations au 21 août MUSÉE PICASSO rEBOJFMUFNQMPODPN
LYON Jusqu’au 2 mai 9)0344É3*&#&"69"354  SVFEF5IPSJHOZr Franz Ackermann
MUSÉE DES CONFLUENCES rNVTFFQJDBTTPQBSJTGS Du 9 avril au 28 mai
 RVBJ1FSSBDIFr FONDATION D’ENTREPRISE RICARD MUSÉE COGNACQ-JAY Picasso – Sculptures Jusqu’au 28 août
rNVTFFEFTDPOáVFODFTGS  SVF#PJTTZE"OHMBTr  SVF&M[ÊWJSrr GALERIE ELIZABETH ROYER
Dans la chambre des merveilles  NVTFFDPHOBDRKBZQBSJTGS MUSÉE DU QUAI BRANLY  QMBDFEV1BMBJT#PVSCPOr
Jusqu’au 10 avril GPOEBUJPOFOUSFQSJTFSJDBSEDPN Jean-Baptiste Huet – Le plaisir  RVBJ#SBOMZr 
Dove Allouche Du 22 mars au 7 mai de la nature Jusqu’au 5 juin rRVBJCSBOMZGS Alessandro Diaz de Santillana
METZ Chamanes et divinités de l’Équateur Du 30 mars eu 10 mai
CENTRE POMPIDOU-METZ FONDATION TAYLOR MUSÉE GUIMET précolombien Jusqu’au 15 mai
 QBSWJTEFT%SPJUTEFM)PNNFr  SVF-B#SVZÍSFr  QMBDFE*ÊOBr Dakar 66 Jusqu’au 15 mai GALERIE ESPACES 54
rDFOUSFQPNQJEPVNFU[GS rUBZMPSGS rHVJNFUGS Matahoata – Arts et société aux îles  SVF.B[BSJOFr
Cosa mentale – Les imaginaires Dans l’atelier d’Albert Maignan Orient/Asie – Aller\Retour Marquises rFTQBDFTDPN
de la télépathie dans l’art du XXe siècle Jusqu’au 16 juillet Du 13 avril au 27 juin Du 12 avril au 24 juillet François Weil Du 24 mars au 30 avril
Jusqu’au 28 mars Araki Du 13 avril au 5 septembre Persona – Étrangement humain
GRAND PALAIS Carte blanche à Shouchiku Tanabe Jusqu’au 13 novembre GALERIE GEORGES-PHILIPPE
SAINT-NAZAIRE  BWFOVFEV(ÊOÊSBM&JTFOIPXFSr Du 13 avril au 19 septembre 9)0344É3*&#&"69"354 & NATHALIE VALLOIS
LE GRAND CAFÉ rHSBOEQBMBJTGS  SVFEF4FJOFr
1MBDFEFT2VBUSF[IPSMPHFTr Carambolages Jusqu’au 4 juillet MUSÉE GUSTAVE MOREAU PALAIS DE TOKYO øøøørHBMFSJFWBMMPJTDPN
rHSBOEDBGFTBJOUOB[BJSFGS 9)0344É3*&#&"69"354  SVFEF-B3PDIFGPVDBVMEr  BWFOVFEV1SÊTJEFOU8JMTPOr Jacques Villeglé et Raymond Hains
L’asymétrie des cartes Jusqu’au 10 avril Seydou Keïta Du 31 mars au 11 juillet rNVTFFNPSFBVGS rQBMBJTEFUPLZPDPN Pénélope Du 8 avril au 13 mai

148 Beaux Arts


2015-2016

Salon
vallée de la culture

16 AVRIL
DU
AU 2 MAI 2016
10H30 - 19H30

Art
ANTIBES

FAIR Paysages
Antiquités Du romantisme
Art Moderne
Art Contemporain à l’impressionnisme
Les environs de Paris
Conseil départemental des Hauts-de-Seine / Pôle CommunicacX^]~3A~UÐeaXTa! %~:0

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CALENDRIER DES EXPOSITIONS
VOUS AVEZ ENCORE LE TEMPS…
 SVFEF4FJOFr APT LES BAUX-DE-PROVENCE MOULINS RODEZ
øøøørHBMFSJFWBMMPJTDPN FONDATION BLACHÈRE CARRIÈRES DE LUMIÈRES CENTRE NATIONAL MUSÉE SOULAGES
Jacques Villeglé – Opération quimpéroise  BWFOVFEFT"SHJMFTr 3PVUFEF.BJMMBOFr DU COSTUME DE SCÈNE +BSEJOEV'PJSBJMrBWFOVF7JDUPS)VHP
Du 8 avril au 13 mai rGPOEBUJPOCMBDIFSFPSH rDBSSJFSFTMVNJFSFTDPN 2VBSUJFS7JMMBSTr3PVUFEF.POUJMMZ r
Regard sur la photographie africaine Chagall – Songes d’une nuit d’été rrDODTGS NVTFFTPVMBHFTSPEF[BHHMPGS
JAMES Jusqu’au 7 mai Jusqu’au 8 janvier Barockissimo ! Les Arts Florissants Jesús-Rafael Soto – Une rétrospective
 SVFEF5IPSJHOZr 9)0344É3*&#&"69"354 en scène Du 9 avril au 18 septembree Jusqu’au 30 avril
rKBNFTQBSJTDPN ARLES
Zanini de Zanine Du 24 mars au 30 avril MUSÉE RÉATTU LES SABLES-D’OLONNE MULHOUSE ROUEN
 SVFEV(SBOE1SJFVSÊr MUSÉE DE L’ABBAYE SAINTE-CROIX MUSÉE DE L’IMPRESSION SUR ÉTOFFES MUSÉE DES BEAUX ARTS
GALERIE KARSTEN GREVE rNVTFFSFBUUVBSMFTGS 3VFEF7FSEVOr  SVF+FBO+BDRVFT)FOOFSr &TQMBOBEF.BSDFM%VDIBNQr
 SVF%FCFMMFZNFr Imago – Portraits photographiques rMFNBTDGS rNVTFFJNQSFTTJPODPN rNCBSPVFOGS
 Jean-François Bauret Jusqu’au 5 juin Passages – Vers une abstraction habitée Histoires de femmes Jusqu’au 9 octobre Le temps des collections – 4e édition
HBMFSJFLBSTUFOHSFWFDPN David B – Portraits de mon frère Impertinente by Chantal Thomass Jusqu’au 23 mai
Leiko Ikemura Jusqu’au 30 avril BEAUVAIS et du Roi du monde Jusqu’au 29 mai Jusqu’au 9 octobre Manet, Renoir, Monet, Morisot...
GALERIE NATIONALE Scènes de la vie impressionniste
GALERIE LE FEUVRE DE LA TAPISSERIE LILLE NANTERRE Du 16 avril au 26 septembre
 SVFEV'BVCPVSH4BJOU)POPSÊ  SVF4BJOU1JFSSFr PALAIS DES BEAUX ARTS LA TERRASSE 9)0344É3*&#&"69"354
r rCFBVWBJTGS 1MBDFEFMB3ÊQVCMJRVFr  CPVMFWBSEEF1FTBSPr
HBMFSJFMFGFVWSFDPN Benjamin Graindorge rQCBMJMMFGS rOBOUFSSFGS SENS
JonOne – Masterpieces Jusqu’au 30 avril OPEN MUSEUM#3 Zep Jusqu’au 31 octobre Le sens de la peine – Art et prison ORANGERIE DES MUSÉES DE SENS
Du 18 mars au 23 avril Jusqu’au 28 mai  SVFEFT%ÊQPSUÊTFUEFMB3ÊTJTUBODFr
BORDEAUX LYON rrWJMMFTFOTGS
GALERIE MARIAN GOODMAN CAPC CENTRE D’HISTOIRE NICE Mario Giacomelli – Empreintes italiennes
 SVFEV5FNQMFr  SVF'FSSÍSFr DE LA RÉSISTANCE MUSEE MASSÉNA Jusqu’au 14 avril
rNBSJBOHPPENBODPN rDBQDCPSEFBVYGS ET DE LA DÉPORTATION  SVFEF'SBODFr
Niele Toroni Jusqu’au 16 avril Leonor Antunes Jusqu’au 17 avril  BWFOVF#FSUIFMPUr rNVTFFNBTTFOBOJDFPSH SÈTE
De quelques publications rDISEMZPOGS Charlotte Salomon – Vie ? ou Théâtre ? CRAC
GALERIE MARIE HÉLÈNE d’artistes – Collection du Cdla Rêver d’un autre monde – Jusqu’au 24 mai  RVBJ"TQJSBOU)FSCFSr
DE LA FOREST DIVONNE Jusqu’au 30 avril Représentations du migrant dans l’art 
 SVFEFT#FBVY"SUTr Guan Xiao Jusqu’au 7 mai contemporain Jusqu’au 29 mai VILLA ARSON DSBDMBOHVFEPDSPVTTJMMPOGS
rHBMFSJFNIMGEDPN Why not Judy Chicago?  BWFOVF4UFQIFO-JÊHFBSEr Emma Dusong Jusqu’au 24 avril
Alexandre Hollan Jusqu’au 30 avril Jusqu’au 4 septembre MAC rWJMMBBSTPOPSH Philippe Ramette/Philippe Durand/Olga
$JUÊJOUFSOBUJPOBMFr RVBJ$IBSMFT Paper Tiger Whisky Soap Theatre Kisseleva Jusqu’au 29 mai
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Jorge Pedro Nuñez / Francis Raynaud au XXe siècle Jusqu’au 4 juillet GALERIE DE L’ANCIENNE POSTE
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