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Dossier scientifique

Cytologie du liquide pleural


Diane Frankel*, Elise Kaspi, Patrice Roll
Aix-Marseille université, INSERM, MMG, service de biologie cellulaire, hôpital de la Timone, AP-HM, 264 rue Saint-Pierre,
13385 Marseille cedex 05, France
* Autrice correspondante.
Adresse e-mail : diane.frankel@univ-amu.fr (D. Frankel).

RÉSUMÉ
L’analyse cytologique du liquide
pleural est un examen indispensable
à la suite d’une ponction pleurale.
L’aspect du liquide et l’analyse
des éléments nucléés orientent le
diagnostic. En cas d’épanchement
pleural malin, l’adénocarcinome
bronchique est le plus souvent
retrouvé. Le liquide pleural permet

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alors de faire le diagnostic et
d’indiquer les examens complé-
mentaires nécessaires à la prise
en charge thérapeutique du
patient. Des métastases d’autres
carcinomes (ovaire, digestif, sein,
etc.) peuvent aussi être identifiées
au niveau pleural. Des cellules
mésothéliales malignes dans le
cadre d’un mésothéliome pleural
malin peuvent être observées, bien
que la sensibilité soit faible et que la
biopsie pleurale soit nécessaire pour le diagnostic de cette pathologie. Dans de rares cas, l’épanchement pleural peut
révéler un mélanome, un sarcome, un neuroblastome ou une hémopathie maligne. Cette revue reprend les différentes
étapes de l’analyse cytologique du liquide pleural et son interprétation.

ABSTRACT
MOTS CLÉS Pleural effusion cytology
◗ adénocarcinome Cytological analysis of pleural effusion is essential after pleural puncture.The aspect
bronchique of the fluid and the analysis of nucleated elements guide the diagnosis. In the case
◗ biopsie pleurale of malignant pleural effusion, the most common cause is lung adenocarcinoma.
◗ cytologie The pleural fluid is then used to perform the diagnosis and additional testing required
◗ liquide pleural for the patient’s therapeutic management. Other carcinomas (ovarian, digestive,
breast, etc.) can also metastasize to the pleura. Malignant mesothelial cells in the
KEYWORDS context of malignant pleural mesothelioma may be observed, although sensitivity is
◗ biopsy pleural low and pleural biopsy is recommended for the diagnosis of this pathology. In rare
◗ cytologie cases, pleural effusion may reveal melanoma, sarcoma, neuroblastoma or haema-
◗ lung adenocarcinoma tological malignancy. This review covers the steps required for cytological analysis
◗ pleural effusion
of pleural effusion and its interpretation.

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Introduction soit suffisant, sachant que la ponction pleurale permet


généralement le recueil d’un grand volume (souvent
Le liquide pleural est présent entre la plèvre viscérale plusieurs litres). Il est ainsi préconisé de récupérer
recouvrant le poumon et la plèvre pariétale revêtant entre 20 et 50 mL pour l’analyse cytologique [5-9].
la paroi thoracique. Ces deux feuillets délimitent Celle-ci est couplée au dosage protéique qui permettra
un espace appelé l’espace pleural. La plèvre est un de différencier un transsudat (concentration protéique
épithélium monostratifié constitué d’une monocouche dans le liquide pleural inférieure à 25 g/L) d’un exsudat
de cellules mésothéliales. Ces cellules jointives (concentration protéique dans le liquide pleural
sont aplaties et polygonales pourvues de petites supérieure à 35 g/L). Un épanchement transsudatif
microvillosités [1]. Le liquide pleural est produit et apparaît quand les facteurs influençant la formation ou
absorbé par le feuillet pariétal et dépend à la fois l’absorption du liquide pleural sont altérés provoquant
de la pression oncotique capillaire et de la pression l’accumulation du liquide. La perméabilité des capillaires
hydrostatique. La quantité de liquide présent dans aux protéines reste normale. Un transsudat sera
l’espace pleural dépend de l’équilibre entre ces plus souvent retrouvé lors d’insuffisance cardiaque,
deux pressions. En l’absence d’inflammation ou de de cirrhose hépatique, de syndrome néphrotique ou
processus pathologiques, il représente moins de d’atélectasie pulmonaire. Un épanchement exsudatif est
10 millilitres (mL) . Les macrophages sont alors la large retrouvé lorsque la plèvre ou les capillaires sont altérés
majorité des cellules présentes (environ 75 %), associés et deviennent perméables, provoquant l’exsudation
à des lymphocytes (environ 25 %). Les polynucléaires de liquide riche en protéines. Les causes principales
neutrophiles sont absents [2]. L’épanchement se sont l’épanchement pleural malin, l’épanchement
crée lorsque les vaisseaux lymphatiques de la plèvre parapneumonique, la tuberculose, le chylothorax,
pariétale n’arrivent plus à absorber le liquide à cause la sarcoïdose ou l’embolie pulmonaire [8,10].
d’un déséquilibre entre la sécrétion et la réabsorption
du liquide [3]. L’épanchement pleural est toujours L’aspect du liquide
pathologique mais les causes sont nombreuses. L’aspect macroscopique du liquide est le premier
élément orientant le diagnostic (figure 1). Il est
L’analyse du liquide pleural le plus souvent citrin et clair, cet aspect oriente
peu le diagnostic. Une pleurésie purulente (aussi
Le liquide pleural peut être acheminé sans fixateur appelé empyème) est évocatrice d’un épanchement
et sans anticoagulant (dans un pot à ECBU par parapneumonique compliqué (exsudats associés aux
exemple), le plus rapidement possible au laboratoire. pneumonies bactériennes). Si ce liquide a une odeur
La présence d’anticoagulant ou de fixateur peut putride, il faut évoquer un germe anaérobie. Un liquide
interférer avec les techniques d’immunocytochimie [4]. hémorragique peut se retrouver lors d’un hémothorax,
En cas d’acheminement non immédiat au laboratoire de d’une néoplasie, ou dans un contexte post traumatique.
cytologie, le stockage à + 4 °C est à privilégier afin de Un liquide lactescent oriente vers un chylothorax, c’est-
conserver l’intégrité des cellules. En cas de suspicion à-dire à la présence de chyle dans l’espace pleural. Dans
d’épanchement pleural malin, les analyses à réaliser sont ce cas, l’analyse doit être complétée par le dosage des
nombreuses. Il est donc impératif que le volume reçu triglycérides, qui affirmera le diagnostic si le taux est

Figure 1. Aspects du liquide pleural.


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De gauche à droite, liquide citrin, trouble, xanthochromique, séro-hématique, hémorragique et lactescent.

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Figure 2. Les éléments rares dans un liquide pleural.

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A et B : liquide pleural lors d’un chylothorax. D et E : Liquide pleural renfermant des cellules malpighiennes
A : On retrouve une lymphocytose et des macrophages superficielles et des levures (Candida albicans) chez un
spumeux (flèches). patient ayant une fistule broncho-pleurale. La coloration
de Papanicolaou (D) facilite l’observation des cellules
B : La coloration d’Oil Red O de ce même liquide met en malpighiennes par rapport au MGG (E, flèches).
évidence les inclusions lipidiques présentes dans les lipophages L’astérisque indique la présence de levures.
(ou macrophages spumeux).
F : Abcès pleural compliquant une fistule œsophagienne.
C : Pleurésie parapneumonique. Le liquide pleural est envahi On observe des levures de type Kazachstania telluris
de germes (Streptococcus pneumoniae), les polynucléaires (identifiées par le laboratoire de mycologie).
neutrophiles sont altérés.
G et H : Présence de cristaux de Charcot Leyden souvent
retrouvés lors d’éosinophilie (G) et de cholestérol (H).

supérieur à 1,1 g/L [11]. Dans de rares cas, le liquide l’amiante, une origine médicamenteuse ou lors d’une
peut être ictérique, témoignant d’une fistule biliaire [8]. cause néoplasique. D’autres cellules physiologiques
telles des malpighiennes (comme dans les cas de fistule
Les éléments nucléés broncho-pleurale, figure 2 D) ou encore des cristaux
(figure 2 G et H) peuvent être observés dans le liquide
Dans les épanchements pleuraux exsudatifs, pleural bien que de manière exceptionnelle.
la formule oriente le diagnostic mais permet rarement Les cellules mésothéliales sont en général assez
un diagnostic certain (en dehors des atteintes faiblement représentées dans le liquide pleural.
néoplasiques). Une formule lymphocytaire (plus de L’hyperplasie mésothéliale est définie par un contingent
50 % de lymphocytes) oriente vers une pleurésie dépassant 20 %. Ces cellules sont spécifiques des
virale, tuberculeuse ou bénigne liée à l’amiante. séreuses et sont donc aussi retrouvées dans le liquide
Une majorité de lymphocytes peut aussi être observée péritonéal et le liquide péricardique. Elles desquament
lors d’un chylothorax (figure 2 A et B), d’une atteinte de la plèvre, et peuvent être, soit isolées, soit regroupées
néoplasique, d’une pleurésie rhumatoïde ou d’un en petit amas. Leur aspect particulier permet leur
lymphome. Une polynucléose (> 50 % de polynucléaires identification : elles sont de la taille d’un macrophage
neutrophiles) est retrouvée lors d’infections (comme une ou un peu plus grande (15 à 30 μm, voire 50 μm pour
pleurésie parapneumonique ou une infection fongique, les plus grandes) ; le noyau est régulier, plutôt rond et
figure 2 C, E et F), d’une embolie pulmonaire ou d’une monolobé (figure 3 A, C, D, G, H, J), souvent centré,
pancréatite aigüe [8,11]. La présence de plus de 10 % parfois plurinucléé (figure 3 B, J et K) ; le cytoplasme
de polynucléaires éosinophiles peut orienter vers une est souvent basophile (ce qui les différencient des
pleurésie parasitaire, un hémothorax, un pneumothorax, macrophages) (figure 3 B, E, H, I). Quelques vacuoles
une embolie pulmonaire, une pleurésie bénigne liée à peuvent être observées (figure 3 E) et la membrane

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Figure 3. les cellules mésothéliales.

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Les cellules mésothéliales sont le plus souvent isolées avec On peut les retrouver quelques fois en amas (I) ou en placard
un noyau monolobé (A, C, D, E G, H). Le noyau est rond à ovale. (F). Les cellules mésothéliales réactionnelles sont de taille
Le contour cellulaire peut être dentelé (A, C, D H, J, L, N). augmentée, avec un rapport nucléo-cytoplasmique plus
Le cytoplasme est le plus souvent basophile. Quelques cellules élevé, un nucléole apparent et le cytoplasme peut contenir
mésothéliales peuvent être binucléés voire plurinucléés (B, I, K). de nombreuses microvacuoles (L à Q).

plasmique peu apparaître “dentelée” en raison de la et l’origine les plus fréquemment retrouvées (36-37 %)
présence de microvillosités (figure 3 A et J). Cet aspect suivi par la métastase du cancer du sein (16-26 %, figure 4
"d’œuf au plat" peut être caractéristique. Ces cellules A et B), les hémopathies malignes (10-13 %), la métastase
peuvent avoir un aspect plus réactionnel : la taille de carcinome d’origine digestif (8 %, figure 4 C, D, E,
est alors augmentée, le nucléole visible, le rapport F, G, H, I, J), de carcinome ovarien (6-7 %, figure K et
nucléo-cytoplasmique augmenté et des cellules en L). Le mésothéliome est peu fréquemment retrouvé
mitose peuvent être observées (figure 3 L à Q) [12]. (3-6 %), car il s’agit d’une pathologie rare et les cellules
Les cellules mésothéliales réactionnelles peuvent se mésothéliales néoplasiques desquament assez peu
retrouver dans le cadre d’une embolie pulmonaire, d’un dans le liquide pleural. D’autres cellules métastatiques
traumatisme pulmonaire, d’une chimiothérapie ou dans peuvent être identifiées plus rarement (< 1 %) telles
les suites d’une chirurgie avec thoracotomie. Dans ce que les métastases de carcinome urothélial (figure
dernier cas, de larges placards de cellules mésothéliales 4 M et N), de neuroblastome (figure 4 O et P),
peuvent être observés (figure 3 F) [12]. de sarcomes (figure 4 Q, S et T), de carcinome
thyroïdien (figure 4 R), des tumeurs peu différenciées
(figure 4 U et V), de mélanome (figure 4 W et X),
L’épanchement pleural malin ou de thymome [14-17].
L’identification de cellules malignes peut être facile si
L’analyse cytologique du liquide pleural est un examen l’envahissement est majeur et/ou que les cellules sont de
rapide, peu douloureux et peu invasif pour établir grande taille et dyscaryotiques. Les critères de malignité à
un diagnostic de cancer. Sa rentabilité est néanmoins prendre en compte sont la taille de la cellule, la présence
influencée par le type de cancer, le volume reçu au d’anomalies nucléaires (contours nucléaires irréguliers,
laboratoire, la préparation du prélèvement et l’expertise nucléole(s) proéminent(s), chromatine irrégulière).
du biologiste ou du pathologiste [8,13]. La présence de Les cellules carcinomateuses auront tendance à être
cellules néoplasiques dans un liquide pleural est loin jointives, regroupées en amas, même si cela n’est pas
d’être rare puisque les épanchements néoplasiques toujours le cas. Elles sont toujours beaucoup plus
représentent environ 30 % des causes d’épanchement grandes que les cellules hématopoïétiques, à l’exception
pleural [14]. En cas de présence de cellules malignes, du carcinome bronchique à petites cellules (description
la métastase par un cancer du poumon représente le type dans le paragraphe cancer du poumon). Dans ce cas,

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Figure 4. L’épanchement pleural malin.

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A et B : Métastase par un adénocarcinome I et J : Métastase par un adénocarcinome U et V : Métastase par une tumeur
d’origine mammaire (B : quasiment toutes du pancréas (quasiment toutes les cellules indifférenciée (exprimant CK7,
les cellules de l’image sont des cellules de l’image sont des cellules tumorales). EMA et la vimentine), classée par
tumorales). l’anatomopathologie (réseau mésopath
K et L : Métastase par un carcinome
C et D : Métastase par un adénocarcinome ovarien. netmeso) comme prolifération épithélioïde
de l’œsophage. peu différenciée inclassée.
M et N : Métastase par un carcinome
E et F : Métastase par un adénocarcinome urothélial (N : quasiment toutes les cellules W et X : Métastase par un mélanome.
du colon (E : quasiment toutes les cellules de l’image sont des cellules tumorales). Les images de A à P sont obtenues à partir
de l’image sont des cellules tumorales). de patients différents (pour un même type
O et P : Métastase par un neuroblastome. de cancer), ce qui illustre l’hétérogénéité
G et H : Métastase
Q : Métastase par un sarcome d’Ewing. des aspects cytologiques. La caractérisation
par un cholangiocarcinome (G : quasi de toutes ces cellules a été réalisée
toutes les cellules de l’image sont R : Métastase par un carcinome thyroïdien. par immunocytochimie en systématique.
des cellules tumorales, H les flèches S et T : Métastase par un sarcome Les flèches indiquent les cellules tumorales.
indiquent les amas de cellules tumorales). indifférencié.

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ces cellules ne doivent pas être confondues avec un la santé), de la présence d’altérations dans un gène
lymphome, ce qui constitue un diagnostic différentiel. actionnable et du niveau d’expression de PD-L1 par
Le cytoplasme des cellules d’adénocarcinome peut les cellules cancéreuses. La reconnaissance des cellules
renfermer des vacuoles (témoin de la sécrétion des métastatiques est donc primordiale pour la prise en
cellules, exemple figure 4 R). Les cellules de mélanome charge thérapeutique du patient, d’autant plus que
peuvent contenir des pigments marron qui orienteront la survie moyenne d’un patient atteint d’un cancer
le diagnostic. Les cellules de sarcomes peuvent être du poumon avec épanchement pleural métastatique
fusiformes, même si cette caractéristique est souvent est courte (médiane de survie entre quatre et
perdue dans un épanchement (figure 4 Q, S et T). sept mois) [15,18]. Le liquide pleural a toute sa place
Dans certains cas, la reconnaissance de cellules malignes pour orienter la prise en charge thérapeutique puisque
peut être difficile, par exemple si l’envahissement est sur un même échantillon, il est possible de réaliser le
minime (moins de 1 % des cellules totales) ou si les diagnostic, la recherche de mutations du gène EGFR
cellules présentent peu d’atypies (comme certains et de réarrangements d’ALK et ROS1, et d’évaluer
cas d’adénocarcinome mammaire, cf. figure 4 A et B). l’expression de PD-L1 par les cellules malignes [19,20].
Dans tous les cas, l’analyse cytologique seule ne suffit pas Dans ce cas, cela permet d’éviter la réalisation d’une
à poser un diagnostic. En effet, comme l’illustre la figure 4, biopsie car l’intégralité des résultats nécessaires pour
des aspects cytologiques sont très hétérogènes d’un la prise en charge thérapeutique aura été réalisée à
patient à l’autre pour un même type de cancer, partir du liquide pleural. Le cancer du poumon
ou au contraire peuvent être similaires regroupe plusieurs sous-types principaux :
entre deux types différents. Par exemple l’adénocarcinome bronchique
la figure 4 K et la figure 4 N L’analyse (figure 5 A, B, C), le carcinome
représentent un adénocarcinome cytologique épidermoïde (figure 5 D, E, F, G
ovarien et un carcinome urothélial, et H), le carcinome non à petites
les atypies observées sont assez du liquide pleural cellules (not-otherwise specified
proches. Il est ainsi primordial est un examen rapide, NOS) et le carcinome à petites
de pouvoir caractériser par cellules (figure 5 I et J) [21].
immunophénotypage ces cellules peu douloureux et peu En cas d’épanchement pleural
afin d’orienter vers le type invasif pour établir malin, la métastase par un
et/ou l’origine du cancer. Cela adénocarcinome bronchique est la
permet également de confirmer ou
un diagnostic plus fréquemment retrouvée, suivie
d’infirmer la nature maligne des cellules de cancer par la métastase par un carcinome
d’intérêt. L’immunophénotypage peut à petites cellules [17]. La coloration
être réalisé soit par immunocytochimie dans de Papanicolaou peut être d’une grande
le cadre de carcinome, mélanome et sarcome, soit aide en cas de métastase par un carcinome
par cytométrie en flux dans le cadre d’une hémopathie. épidermoïde différencié kératinisant. Elle met alors
Pour certains prélèvements, des caillots sanguins ou en évidence des cellules dyskératosiques typiques de
de fibrine peuvent se former dans le pot contenant le ce sous-type de cancer (figure 5 F et G). Celles-ci
liquide. En cas de forte suspicion d’épanchement pleural sont beaucoup plus difficilement visibles au MGG
malin, et si aucune cellule suspecte n’est visible sur les (figure 5 H). Le carcinome à petites cellules requière
lames de cytocentrifugation, le caillot peut être inclus une attention particulière car il peut être confondu
en paraffine car il peut renfermer des cellules malignes avec un lymphome. Les cellules malignes sont un peu
qui se sont agrégées ex vivo [8]. Le caillot devra alors plus grandes que des lymphocytes ; elles peuvent être
être traité comme une biopsie, inclus en paraffine, regroupées en amas ou être isolées ; leur rapport
ce qui nécessite au sein du laboratoire du matériel nucléocytoplasmique est très élevé ; il n’y a pas
d’anatomopathologie. de nucléole visible et la chromatine a un aspect dit
“poivre et sel” (figure 5 I et J). Un double contingent
de cellules malignes, bien qu’exceptionnel, peut aussi
Épanchement pleural et cancer être observé [22].
bronchique et de la plèvre Le mésothéliome est le cancer primitif de la plèvre.
L’épanchement pleural dans un contexte de cancer L’exposition à l’amiante en est la première cause.
du poumon classe d’emblée le patient en stade IV Il s’agit le plus souvent d’une exposition professionnelle,
(métastatique) selon la classification TNM. Sa prise répertoriée dans le tableau 30 des maladies
en charge thérapeutique reposera sur un traitement professionnelles de l’Institut national de recherche et
systémique de type chimiothérapie, thérapie ciblée de sécurité [23]. Les cellules mésothéliales malignes sont
ou immunothérapie en fonction du type de cancer assez rarement présentes dans le liquide pleural, bien
bronchique, de l’état général du patient (Performans qu’un épanchement soit associé dans 54 % à 90 % des
status ou classification de l’Organisation mondiale de cas de mésothéliome [24]. Les cellules mésothéliales

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Figure 5. Cancer bronchique métastatique et cancer primitif de la plèvre.

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A, B et C : Métastase par un adénocarcinome bronchique. au Papanicolaou (F et G) et au MGG (H).


Chaque image correspond à un patient différent mettant I et J : Carcinome à petites cellules.
en évidence l’hétérogénéité des aspects cytologiques
d’un même sous-type de cancer (C : toutes les cellules K à N : Cellules mésothéliales malignes dans un contexte
de l’image sont des cellules tumorales). de mésothéliome (N : les cellules mésothéliales sont
regroupées, on observe en périphérie des lymphocytes).
D à H : Carcinome épidermoïde.
La caractérisation de toutes ces cellules a été réalisée
D et E : Carcinome épidermoïde peu différencié. par immunocytochimie en systématique. LY : lymphocytes ;
F, G et H : Cellules dyskératosiques observées lors de MA : macrophages. Les flèches indiquent les cellules tumorales
carcinome épidermoïde différencié kératinisant, colorées malignes.

malignes sont dystrophiques, voire dyscaryotiques, experts du réseau Mesopath. La cytologie est néanmoins
souvent regroupées en amas, parfois qualifiés de importante car elle peut apporter un premier résultat et
formation en “marguerite”. Leur taille est augmentée, confirmer la nécessité de la biopsie.
ainsi que le rapport nucléo-cytoplasmique (figure 5 K,
L, M et N). Contrairement à d’autres types de cancer, Épanchement pleural
l’analyse cytologique du liquide pleural n’est pas suffisante
pour affirmer le diagnostic et une biopsie pleurale
et hémopathies
réalisée par thoracoscopie dans les centres spécialisés La suspicion d’une hémopathie maligne dans le liquide
reste indispensable permettant une confirmation par les pleural nécessite une analyse par cytométrie de flux

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Figure 6. Hémopathies malignes.

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A : Leucémie lymphoïde chronique. J : Lymphome lymphoblastique (Early T-cell precursor – ALL).
B et C : Lymphome folliculaire. K et L : lymphome lymphoblastique.
D et E : Lymphome B diffus à grandes cellules. M et N : Présence de blastes dans un contexte de leucémie
F : Lymphome B diffus grandes cellules post LLC. aigüe myéloïde post syndrome myélodysplasique.
G : Lymphome B diffus à grandes cellules NOS, d’immunophénotype O : Myélémie et érythroblastes chez un patient atteint
non Germinative Center, différenciation plasmoblastique. de myélofibrose primitive.
H : Plasmocytes anormaux (myélome multiple). Les diagnostics ont été réalisés soit sur le liquide pleural
directement (phénotypage par cytométrie en flux) soit sur
I : Plasmoblastes (myélome multiple). biopsie pleurale (phénotypage par immunohistochimie).

en parallèle de l’analyse cytologique [25]. Elle permet chez un patient atteint de lymphome diffus B à
de caractériser le type d’hémopathie. Les lymphomes grandes cellules est assez fréquente, contrairement
indolents sont parfois plus difficiles à diagnostiquer sur au lymphome de Burkitt [26,27]. Il s’agit du type
la seule cytologie, car les lymphocytes présents dans les d’hémopathie le plus fréquemment retrouvé dans
épanchements ont souvent une morphologie modifiée les épanchements malins dus à une hémopathie [28].
par rapport aux lymphocytes sanguins et la technique Dans ce cas, les cellules lymphomateuses seront
de cytospin peut provoquer des artefacts cytologiques plus facilement différentiables des lymphocytes
rendant les atypies plus difficiles à observer (figure 6 normaux, les critères cytologiques reposant sur la
A, B et C). La présence d’un épanchement pleural taille augmentée, le rapport nucléo-cytoplasmique

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élevé, l’aspect de la chromatine, et souvent le de malignité afin d’assurer la meilleure prise en charge
cytoplasme hyperbasophile (figure 6 D, E, F thérapeutique du patient. QQ
et G). Un envahissement par des plasmocytes
myélomateux peut aussi être retrouvé dans un Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent
contexte de myélome multiple (figure 6 H et I). ne pas avoir de liens d'intérêts..
Les lymphomes lymphoblastiques sont très rares
(figure 6 J, K et L). Des blastes ou des précurseurs
hématopoïétiques peuvent être observés lors de
leucémies aigües ou de syndromes myéloprolifératifs
(figure 6 M, N et O).
Points à retenir
Conclusion
◗tL’analyse cytologique du liquide pleural participe
L’analyse cytologique du liquide pleural est un examen au diagnostic de nombreuses pathologies, notamment
rapide, peu douloureux et peu invasif qui peut aider cancéreuses.
au diagnostic d’une pathologie, voire permettre la ◗tDe très nombreux types de cancers peuvent métas-
détection d'un cancer. Même si l’adénocarcinome taser au niveau pleural, bien que l’adénocarcinome
bronchique reste le cancer le plus souvent retrouvé en bronchique soit le plus fréquent.
cas d’épanchement pleural malin, de très nombreux autres ◗tEn présence de cellules suspectes de malignité,
types de cancers peuvent métastaser au niveau pleural. une caractérisation par immunocytochimie ou cyto-
L’analyse cytologique a donc toute son importance. métrie en flux est indispensable.
Il est indispensable de caractériser les cellules suspectes

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES • N° 559 • FÉVRIER 2024 41

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